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Renouveau de la marche, en Suisse et en Europe Reflets du colloque du 8 avril à l’EPFL 28e année • 2/2011 • CHF 7.50 www.rue-avenir.ch 28e Journée Rue de l’Avenir 23 septembre 2011 à Berne (voir programme encarté)

Renouveau de la marche, en Suisse et en Europe · Quel futur pour la marche? Dans le contexte actuel, le vieillissement de la population et la dépendance accrue à l’automobile

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Renouveau de la marche, en Suisse et en EuropeReflets du colloque du 8 avril à l’EPFL

28e année • 2/2011 • CHF 7.50 www.rue-avenir.ch

28e Journée Rue de l’Avenir 23 septembre 2011 à Berne(voir programme encarté)

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Noussommestouspiétons.Toutletemps.Pourtantlamarche,actenaturelcommunà tous et connu de tous, souffre encoreparadoxalement d’un déficit de connais-sancesetdecompétenceschezlesprofes-sionnelset,enamont,d’undéficitd’imageassezlargementpartagé.Pourbiendesacteurs, lamarche se réduitencoreàunmodedecourtedistance,etlepiétonàunusagervulnérabledanslacircu-lation.Onestcependantentraindeprendreconsciencedel’importanced’uneapprocheplus complexe, plus riche et plus globale,dansuneperspective à la fois demobilité–oùlamarcheestle«ciment»detouslesautres modes – et d’urbanité – le piétoncomme composante essentielle de la qua-litéurbaineetdelaviedansl’espacepublic.Le colloque organisé à l’EPFL marquait lafin du projet COST européen «PedestrianQuality Needs». S’adressant à un publiclarge,ilavaitpourbutdedonnerunevisibi-litéàcetteproblématiquemultiple,offrirunaperçu de recherches récentes mais ausside bonnes pratiques, montrer des pistesd’actionpossiblesetaufinaldonnerenvied’agir,chacundanssondomaine.Objectif atteint pour les quelque 80 per-sonnesprésentes,issuesdemilieuxtrèsdi-vers–pourlaplupartcependantdéjàsen-siblesàcesquestions,etplutôtactivesenmilieu urbain, ce qui illustre l’importanced’untravaildecommunicationpourélargirl’intérêtpourlethème.Lapromotiondelamarchedemandela«villequi va avec». Au travers de trois parcoursde vie, Yves Winkin, grand témoin du jour,aévoqué lebesoind’uneville«subtilementencadrante» pour l’usager âgé ou fragilisé,d’uneville«subtilementapprenante»,offrantun cadre qui «favorise l’acquisition d’unedispositionàlamarche»,etd’uneville«sub-tilement apprivoisante», pour ceux qui sont«toutprèsdebasculer»versunrecoursaccruaux déplacements à pied. Suggérant par làque la ville est à la fois affaired’infrastruc-tures,maisaussidesensibilitéetdepoésie…

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Sites internet mentionnés dans le bulletin•www.measuring-walking.org: présentations, liens et documents issus de quatre ren-

contres internationalesautourdesdimensionspertinentes,descomptages,des indica-teursetdesméthodespourquantifierlesmouvementsàpied(enanglais).

•www.walkeurope.org:projeteuropéen«PedestrianQualityNeeds»(besoinsentermesdequalitépourlespiétons),ActionCOST358impliquant20pays(enanglais).

•www.walk21.com:sitedelaconférenceinternationaleannuelleWalk21.•www.mobilite-pietonne.ch:sitedeMobilitépiétonne–Associationsuissedespiétons.•www.mobilite-douce.ch:pagedel’Officefédéraldesroutesdédiéeauxmobilitésdouces.

Londres•www.tfl.gov.uk/gettingaround/walking:portailpiétondeTransportforLondon.•www.walklondon.org.uk:portaildesitinérairespiétonsetdescartesinteractivesdeLondres.•http://journeyplanner.tfl.gov.uk:planificateurd’itinéraires.•www.walk4life.info:cartesinteractivesdesparcourspiétonsenAngleterre.•www.london2012.com/making-it-happen/sustainability/active-travel-programme/•www.walkengland.org.uk:lienssurdesétudesplusgénéralistes.

Santé•www.hepa.ch:miseenœuvredelapromotiondel’activitéphysiqueenSuisse.•www.globalpa.org.uk:les7«meilleursinvestissements»pourl’activitéphysique(enanglais).•www.paprica.ch:promotiondel’activitéphysiqueaucabinetmédical.

Bulletins Rue de l’Avenir•Plusieursnumérosontétéconsacrés,entièrementoupartiellement,àlamarcheetaux

piétons.Voirwww.rue-avenir.ch>Bulletins/archives

ImpressumRuedel’Avenir-groupe-conseilromand.Organismespartenaires:Mobilitépiétonne-Associationsuissedespiétons,ATE-Associationtransportsetenvironnement,LaRue-groupedetravaildel’EPFL,PROVELOSuisse-Associationpourlesintérêtsdescyclistes,ProJuventute,ProSenectute,LiguesdelasantéVD.

Secrétariat, rédaction, abonnements et changements d’adresses:Marie-ClairePétremand,2322LeCrêt-du-Locle•0327243282•[email protected]

Contact conseillers régionaux et prestations Rue de l’Avenir:AlainRouiller•0227771002•[email protected]

PAO:EcodevSàrl,NeuchâtelImpression:Pressor,Delémont Coordination du numéro:D.vonderMühll

CCP: 20-7856-6 www.rue-avenir.ch

Page de couverture:GaredeMorges.Unesignalétiquedéveloppéedanslecadredelasemainedelamobilité,quidonneunevisibilitéàlamarcheetpeutcontribueràmodifierla«cartementale»d’unlieu.(PhotoDominiquevonderMühll).

Toutes les présentations du colloque, et enregistrements desprésentations,setrouventsurlesitedulaboratoireChôros-EPFL:http://choros.epfl.ch>Actualité

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Marche et piétons: objectif qualité

Une première à l’échelle européenneC’estlapremièrefoisqu’unprojeteuropéenassociantautantdepays–unevingtaine–aétéconsacréentièrementà lamarcheetauxpiétons.L’objectifdel’ActionCOST358«Pedestrians’QualityNeeds»(Exigencesdequalité pour les piétons) était ambitieux.Au travers des apports des quelque 70chercheurs impliqués dans le projet, on aeffectuéunétatdel’artdesconnaissancesactuelles sur les «exigences de qualité»,qui s’inscrivaitdansuneapprocheglobale,proactiveetprospectivedel’améliorationetdelapromotiondesdéplacementsàpied.Quatreobjectifsgénérauxavaientétéposésaudépart:•comprendrecomment l’espacepublic, le

système de transport et le contexte so-cial, légaletpolitique interagissentavecles«exigencesqualité»pourlespiétons.

•renforcer la collaboration des différentsacteursdansledomaine;

•identifier des instruments d’évaluationfacilesàmettreenplace

•motiverlesplanificateursetlesdécideursàagir.

Initiateurduprojet,RobMethorst(Ministryof Infrastructure and the Environment,Delft),adirigéceprojetdevasteenvergure

etcoordonnéletravaildesquatregroupesqui ont traité respectivement les aspectsfonctionnels(politiques,infrastructures,me-suresdiverses),lesbesoinsperçus(dupointde vue de l’usager), la vision prospective,enfinlavisiond’ensemblepermettantd’in-tégrertouteslesdimensions.Unepartiedes résultatsaétéprésentéeennovembre2010lorsdela11econférencein-ternationaleWalk21àLaHayeet,sousuneformeplusmodeste,le8avril2011danslecadreducolloque«Renouveaudelamarche,enSuisseetenEurope».RobMethorstetDa-nielSauter(UrbanMobilityResearch,Zurich)yontprésentéenintroductiondesélémentsressortisdelasynthèsegénérale,desthèmesplusspécifiquesétantabordésdanslecoursdelajournée(D.vonderMühll,S.Lavadinho).

Une approche systémiqueRob Methorst a présenté les principalesconclusionsduprojetPQN,ainsiquelesre-commandations faites aux différents typesd’acteurs (gouvernements, autorités locales,professionnelsetassociations). Ilenaaussiprofité pour rappeler l’originalité de la dé-

marche mise en place. Le projet PQN a eneffetrelevéledéfipeucommund’appliquerunemêmegrilled’analyseàunevingtainedepayseuropéens,intégrantstatistiques,publi-cations,recherches,maisaussisituationjuri-diqueetpolitiquesparrapportauxpiétons.D’unpointdevueméthodologique,lePQNamontrétoutl’intérêtd’uneapprochesys-témiqueàvisionglobaleetnonsectorielle.Grâceà cette approche systémique, le ca-ractèremulti-facettedelamarcheaétélar-gementmisenévidence,montrantquedenombreuxdomainesontun intérêtaudé-veloppementdepolitiquesenfaveurde lamarche,notammentlamobilité,lasécurité,maisaussilasantépubliqueetl’économie.

Disposer de (bonnes) donnéesLamarcheconstituelecimentdel’ensembledu système de transport: l’usager de trans-portpublic, l’automobiliste,mêmelecyclisteest finalement un piéton qui emprunte mo-mentanémentunmoyendetransport.Afindemettreenévidencel’importancedelamarcheetlanécessitéd’encouragerlesdéplacementsà pied, des données de base doivent être

Le «renouveau de la marche», thème du colloque, se manifeste par un regain d’intérêt des politiques comme des chercheurs, qui s’observe depuis une dizaine d’années. Les approches sont très diverses, il-lustrant la complexité et la richesse de la problématique. L’Action COST 358 a cherché à en dégager une analyse systémique, centrée sur les aspects qualitatifs, avec une dimension prospective et proactive.

Lorsducolloque,unepartieexpositioncomplétaitlesprésentations,assuréeparunequinzainedeparti-cipants(associations,villes,organismespartenairesducolloque).Auteur:RobMethorst.

Qu’est-ce que COST?COST (European Cooperation in Science and Technology) est une structure de coopération européenne intergouver-nemental qui vise à favoriser les col-laborations entre des chercheurs issus de différents pays. COST crée ainsi des réseaux internationaux d’échanges d’expériences dans le domaine de la recherche scientifique et technique. Les activités COST sont administrées par un bureau central localisé à Bruxelles. www.cost.esf.org.

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misesàdisposition.Comme l’a rappeléRobMethorst, la marche à pied est particulière-ment dépourvue de données systématiques.Il n’y a ni terminologie uniformisée, ni mé-thodes de saisie des données, et il manquedes systèmes permettant de gérer ces don-nées.Pourcréerunespacepublicrépondantaux besoins des piétons, des connaissancessurlesdéplacementsetleséjoursontnéces-saires, mais aussi sur d’autres facteurs, telsque l’intermodalité, la sécurité subjective, lasatisfaction,lesdangersdechute,etc.

Quel futur pour la marche?Dans le contexte actuel, le vieillissementde la population et la dépendance accrueà l’automobile constituent deux exemplesdedéfismajeurspourlamarche.LeprojetPQNacherchéàrépondreàlaquestionépi-neusedel’avenirdelamarche.Lorsdelaconférencedu8avrilàl’EPFL,Da-nielSauteraainsiprésentél’approchepros-pectivequiaétéchoisiepourconstruireunevisiondelamarcheen2030.Lestendancesactuellesontétéévaluéesentermesdepo-pulation,d’espaceetd’énergie.Levieillisse-mentdelapopulation,l’augmentationdes

problèmes de surpoids et l’augmentationdes inégalitéssocialesdoiventêtreprisencompte dans les politiques futures autourde la marche. De même, les défis concer-nantlesespacespublics(étalementurbain,augmentation du temps passé dans lesespaces publics, gentrification et commer-cialisationdesespacespublics,l’augmenta-tion des conflits d’usage, etc.) demandentla création d’espaces intégratifs, dans lescentresmaisaussidanslespériphéries,es-pacesencoretroppeuprisenconsidérationdanslespolitiquesdedéveloppementdelamarche. Les enjeux énergétiques deman-dent quant à eux d’anticiper l’impact del’augmentationdesprixdel’énergieetdeschangementsclimatiquesetdemettreainsilepiétonaucentredesvisions.

La Suisse plutôt bon élèveLa première étape du projet consistait àélaborerun rapportparpays (CountryRe-port),établissantunétatdeslieuxselondesrubriques communes: données statistiquesexistantes, recherches et publications ré-centesdans ledomaine,cadre juridiqueetlégaldansledomaine,politiquesliéesàlamarche,bonnespratiquesetinnovations.Encomparaisoninternationale,laSuissepré-sente une situation relativement bonne enregardde lamarche.Enparticulier,denom-breuses initiatives spécifiques aux piétons

ont été entreprises dans les grandes villes.Des agglomérations telles que Zurich, Bâle,Berne, LausanneouGenèveoffrent eneffetdescontextesfavorablesàlamarche,etmon-trentdesvolontéspolitiquesdepromotiondelamarche.Dans l’ensemble, lesbonnespra-tiques suisses qui font figure d’exemple surleplaninternationalsontlesstratégiesurba-nistiquesdesgrandesvillessuisses,larequa-lificationdel’espaceroutieretlamodérationdutrafic (zones30,zonesderencontre), lesoutilsd’évaluation(auditpiéton)ainsiquelacommunicationetlasensibilisation.Pourtant,commel’arappeléDominiquevonderMühlldurantlaconférence,unegrandepartiedelapopulationsuissevithorsdesgrandesvilles,dansdescontextesencoretroppeufavorablesà la marche. Si les efforts engagés jusqu’icidoivent être poursuivis dans les centres desgrandesvilles,lesespacespériphériquesdoi-vent eux aussi faire l’objet d’une politiqueremettantlepiétonaucentredelaréflexion.

MarlèneButzetMathieuPochonAssociationMobilitépiétonne■

Le rapport de synthèse de l’Action COST 358,

les rapports des quatre groupes de travail, les

country reports (rapports par pays) et divers

autres documents sont téléchargeables sur

www.walkeurope.org

Ouest lausannois.Parmilesenjeuxpourl’ave-nir,laplacedupiétondanslespériphéries,villeendevenir.(PhotoDominiquevonderMühll)

Limmatquai, Zurich.Marcheet«séjour»dansl’espace public: à pied dans la ville, c’est aussis’asseoir,serencontrer,observer,êtrevu…(PhotoDanielSauter).

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Siaufinallaproblématiquedupiétonsegère,auniveaudelaplanificationetde

lamiseenœuvre,surtoutàl’échellelocale,lesprésentationsontdémontréquetoutesles échelles sont concernées, les compé-tencesetlesrôlesvariantselonlesniveauxinstitutionnels.Lesproblèmesdesantéliésàlasédentarisationcroissantedelapopu-lation, et les recommandations de l’OMSquantàlapratiquerégulièredelamarche–notammentdanslesdéplacementsauquo-tidien–en fontunequestion transversalequidépassemêmel’échellenationale.

Confédération: une structure dédiéeL’Officefédéraldesroutesabriteune(petite)celluleconsacréeàlamobilitédouce,crééeilyaunedizained’années,dontlemandatconcernant les piétons est en lien avec laLoi sur les chemins piétons et chemins derandonnée /LCPR. L’unité mobilité douce,commel’arappeléGabrielleGsponer,aparexempleassurélesuivietl’approbationdesvoletsmobilitédoucedel’ensembledespro-jetsd’agglomération.Ellejoueaussiunrôleimportantdans ledéveloppementd’étudesetderecherchesdansledomaine,etcontri-bueàleurcommunicationvialespagesin-ternetdédiées(www.mobilite-douce.ch).

Laplusrécenteaportésurunétatdeslieuxde la formationdesprofessionnelsconcer-nant la mobilité douce, qui a démontré àquel point cette formation est encore la-cunaire, avecdes conséquencesévidentes:thématiqueinvisibleetmanquedeconnais-sancesetcompétencesspécifiquesconcer-nant lamarche et le vélo. L’unitémobilitédouce a aussi soutenu financièrement leprojetCOSTsuisse.

Marcher en «ville» - de toute tailleOù se situent les enjeux? Les grandesvilles ont une certaine avance en matièred’aménagements piétons, ayant amorcéleur«révolutionpiétonne»danslesannées80-90déjà,en lienavecdespolitiquesdecirculation et de développement urbain.LescinqgrandesvillesdeSuisse,asoulignéDominiquevonderMühlldanssonexposé,n’abritentcependantque13%delapopu-lation.Lepotentielestailleurs,ilnes’agiraitpasdepasseràcôté.Lescommunessuburbaines,«làoù lavilleseconstruitaujourd’hui»,bénéficierontdesprojetsd’agglomérationetdel’influencedelaproximitédes villes centres, notammentlaqualitéde ladesserteen transportspu-blics. Le potentiel est très important dans

ces territoires de ville en (re)compositionoù lamétriquepiétonnepourrait jouer unrôleclé.Danslescommunespériurbainesetrurales,illeseramoins,auvudeladépen-dance automobile et de la faible offre enservices et activités de proximité.Mais onpeutaumoinsoffrirdebonnesconditionspour les déplacements des enfants (sco-lairesetextra-scolaires).Restent les nombreuses villes petites etmoyennes,dontlesdimensionsetlarelativecompacitépermettentquetouteunepartiedesdéplacementspuisses’effectueràpied–etàvélo–d’autantplusqu’ellesoffrentsouventlesmêmeséquipementsetservicesque leurs«grandessœurs».Avec lescom-munes suburbaines, c’est là que les pers-pectives de développement de la marchesontparticulièrementimportantes.C’est le casnotammentde la villed’Yver-don-les-Bains, exemple présenté lors ducolloque. La ville a su saisir l’opportunitédu projet d’agglomération pour mettre enavant une réelle stratégie piétonne, dis-tincte de la politique cyclable de la ville,commeexposépar JohnAubert,urbanistecommunal.A côté de la requalification des boulevardsurbains ou du développement des zones

Une question à traiter à toutes les échellesLa marche est encore souvent considérée comme un mode des courtes distances, qui se traite avant tout à une échelle locale. Le potentiel de la marche en termes d’environnement et désormais de santé, et celui du piéton comme composante essentielle du développement urbain en font aujourd’hui une problématique traitée à toutes les échelles territoriales. Confédération comprise.

AggloY.Larequalificationd’unaxe«intervillages»enfaveurdespiétonsetdescyclistes(dessinMar-tinGauthier,copyrightVilled’Yverdon-les-Bains).

«Mobilité douce»: entre atout et faiblesse…

De nombreux participants du colloque s’interrogent sur la pertinence du terme «mobilité douce». Pour certains, cette notion est vague et brouille les cartes: la mobilité douce est en fait très efficace. Ne devrait-elle donc pas être qualifiée de dure – comme le suggère Jacques Lévy? Les Français ont adopté le terme de «mobilité active», terme qui évoque bien le lien entre activité physique et déplacement. Et nous rappelle l’Human powered mobility, notion lancée lors de l’Expo.02! Plusieurs participants constatent aussi que pour le grand public, la «mobilité douce» est systématiquement assimilée au vélo, alors qu’elle est censée englober la marche et le vélo. Les spécialistes sont également sceptiques sur le fait d’agglomérer ces deux modes en une notion: marche et vélo sont certes proches mais pas du tout équivalents en termes de besoins, ni d’efforts de planification. JB

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Trois piliers pour une politique efficaceL’exempledeLondres (l’exposéde JimWal-ker)aprouvél’efficacitéd’unepolitiquemi-santsur3typesd’efforts:aménager,informer,promouvoir.Aménager,dansunemétropoletellequeLondres,c’estéquiperdesitinérairesemblématiques (les bords de laTamise, parexemple), définir les axes forts et le réseaupiétonnierstratégique,etenfin,planifierparquartiers.Cetteplanificationmiseégalementsur des actions localisées, par exemple auniveau des carrefours et traversées, et auxinterfacesaveclestransportspublics.Informer, c’est avant tout renseigner l’usa-

ger.Acetitre,lesgrandesvillessontàpré-sentbienoutilléespouroffriraupiétonunegamme de services d’orientation et d’iti-néraires. Les cartes sur supportpapier sontcomplétéespardescartesinteractives,plani-ficateursd’itinéraires,systèmesdebalisage...L’usage des smartphones permet d’étendrecesservices,disponiblesdanslarue.Promouvoir, c’est utiliser divers canaux decommunicationpoursensibiliseràlapratiquede lamarche.Londrespeuts’appuyersur lesJeux Olympiques pour lancer «London 2012active travel programme» et ses parcoursolympiquespiétons-vélo.Lesmilieuxdel’édu-

cation,dutransport,delasanté,dutourisme,etlesentreprisessontdespartenairestoutdé-signéspourfavoriserlesdéplacementspiétons.ALondres,lapromotiondelamarchetisseunlien étroit entre les arguments de santé pu-blique,lasécuritédesdéplacements(scolaires,enparticulier),etlesloisirspédestres.

La santé comme levierEnéchoà l’exemple londonien,BrianMartinaprésentéundocumentrécent(disponibleàl’adressewww.globalpa.org.uk)quimetl’ac-centsurseptstratégies(«7bestinvestments»)sur lesquels les collectivités doivent miser

Bien plus qu’une question d’aménagementPlusieurs interventions du colloque ont insisté sur les multiples dimensions de la planification de la marche. Pour susciter son renouveau, il faut aménager et sécuriser les cheminements, mais également informer, promouvoir, évaluer, partager les succès…

30, en ville, des solutions d’aménagementnouvellesysontenvisagées,notammentdes«liaisons intervillages», soit l’aménagementdecheminementspiétonsetcyclistespermet-tantde relier leshameaux voisins à la villeelle-même sur des itinéraires traditionnelle-mentassociésauxdéplacementsmotorisés.

Un mode de déplacement, et bien plus…La marche est le seul mode où les tempsde non-déplacement, de «séjour» dansl’espace public sont au moins aussi longsquelestempsdedéplacement.Directementou indirectement, cette caractéristique aété évoquée par plusieurs intervenants.Le traitementde l’espacepublic doit ainsiêtreenmesured’appréhendercesdeuxdi-mensionsdupiéton.Danscedomaine, lesnotions de confort, de qualité du mobilierurbain, d’attention portée à l’éclairage denuit(voirencadré)jouentunrôleessentiel,avecunedimensionludiqueetpoétiquequis’invitedésormaisdanslesaménagements.Al’imagedel’aménagementducentre-villede St-Gall dessiné par Pipilotti Rist ou dumurvégétaltemporairelelongd’unchan-

tieràTokyo,entreautresexemplesillustrésparSoniaLavadinho.Au final ce sont toutes ces questions, àtoutesceséchelles,qu’ils’agitdeplanifieretorganiserpourpromouvoirlamarche.Lacoordinationdesdifférentsniveauxdepla-nificationestessentielle,àgrandecommeà

petiteéchelle,àl’intersectiondulocaletdusupra-local,jusqu’àcelledudomainepublicet dudomaineprivé, comme soulignéparMarcosWeillorsdelatableronde.

FabienRoland■

Tokyo.Lacréationd’unmurvégétaltemporaireaubordd’unchantierdevientuneanimationpourlequartier(undesexemplesmontrésparSoniaLavadinho).

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pouraccroîtrel’activitéphysique.Onretiendral’importance de programmes scolaires inté-grantl’activitéphysique,dontlapromotiondelamarchepourse rendreà l’école (point1);l’importancedespolitiquesdetransportfavo-rablesauxdéplacementsàpied,àvéloetentransportspublics(point2);lanécessitéd’unurbanisme favorisant la mixité, les déplace-mentsdeproximité,l’accessibilitédesespacesverts (point3); le rôledesmédecinsdans lapromotion d’une activité physique pour lut-ter contre lesmaladies chroniques (point4).Enfin,onmentionneraaussil’importancedescampagnespubliquesdecommunication,desmédia-nouveauxettraditionnels-pourfavo-riserl’activitéphysique(point5).

Le rôle central de la communicationSonia Lavadinho a brossé un tableau descanaux de communication utilisés pour lapromotiondelamarche.Ellenousmontre,enimages,quelapublicitéutilisemêmedesattributsde lamarche (trottinettes, chaus-sures de jogging) pour faire vendre desvoitures. La marche est tendance, cela sevoit.Lapublicitéautomobileasouventunelongueurd’avance…Danslapromotiondelamarche,lesmessagesdoiventdavantageaxersurleplaisir,lerêve,etsortirdessen-tiers balisés pour conquérir les nouveauxmédias, les jeuxurbainset les réseauxso-ciaux,àl’imageduTowerBridgedeLondresou de la High Line de New-York dont on

peutsuivreles«aventures»surTwitter.L’événementiel est un autre créneau porteurpourlamarcheetplusgénéralementpourl’uti-lisationdesespacespublics.PreuvedusuccèsdelaFêtedesLumièresdeLyon,bonexempled’incitation à la marche de façon détournée.Les happenings lumière d’IsabelleCorten (cf.encadré)vontégalementdanscesens.

Evaluer… et partager les succèsA la trilogie «aménagement - information -promotion»,lesconclusionsdel’actionCOST358 soulignent l’importance d’un quatrièmevoletdelaplanification:l’évaluationdespra-tiquesetdesactions.Leprogrammecommun«Measuring Walking» (www.measuring-wal-king.org),développédans lecadreduprojetCOST,mentionnéparDanielSauter,démontrel’importanced’unecollectededonnéesstan-dardisées,comparablesentrelesvilles,mêmeauniveauinternational.Lesuividelamiseenœuvredesactionsetlasurveillancedelaqua-litédesaménagementsetéquipements(moni-toring)estcrucialégalement,et,enparticulier,commelerappelleRobMethorst,lesréussitesetexpériencesdoiventêtrepartagées,par lebiais des divers espaces d’échange, auprèsdesprofessionnels,descommunes,àl’échellecommunaleetnationale.Dupainsurlaplanchepourlesacteursdelapolitiquedelamarche…etpourRuedel’Avenir!

JulieBarbey■

Londres. Illustration dunombre de pas entre les stations du«Tube», afin d’encourager les courtesdistancesàpiedplutôtqu’enmétro

Parcours lumière…Donnerdes«signes tan-gibles», en mariant technique et poésie dansl’espacepublic(copyrightLuminacité).

Le piéton dans la nuit: adapter la lumière et tra-vailler sur les perceptions

Isabelle Corten a rappelé que la moi-tié de notre temps de présence dans l’espace public se passe de nuit, ce qui souligne l’importance de l’éclai-rage. Son travail d’«urbaniste lumière» consiste à aider les collectivités à dé-finir l’éclairage des espaces publics. Les «plans lumière» portent sur toute une ville (elle réalise actuellement celui de Lausanne). Les actions ponctuelles visent à améliorer l’illumination de sites patrimoniaux mais également de quartiers «difficiles», ceux qui ont litté-ralement été laissés dans le noir. Enfin, l’urbaniste lumière participe également à des happenings ou performances, qui invitent, à travers un travail artistique, à augmenter la perception sensible de l’espace nocturne. Les usagers des quartiers sont d’ailleurs invités à des balades nocturnes, qui permettent à l’urbaniste lumière de confronter le diagnostic à l’expérience du terrain, et d’identifier des propositions réalisables à court terme. JB

www.radiance35.eu

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A quoi rêvez-vous, si je vous dis «piétons»?

Pouvoir aller à l’école à pied Lerôlesocialdelamarcheestessentiel.Sedéplaceràpiedestune façond’êtredansla villequipermetde fairedes rencontresetdecréerdesliensparladiscussion.L’ap-prentissage de l’autonomie sur le cheminentre lamaisonet l’écoleest fondamentalpourMarianneHuguenin,syndiquedeRe-nens.«Ilfautdonnerenvied’alleràpied»,poursuit-elle,avantde rappelerque«pourmarcher,ilfautlavillequivaavec».Lafa-briquede lavillemarchablenécessitequeles collectivités y consacrent du temps etdesmoyensfinanciers.

«Stopper le train», penser piétonsLerêvedeThomasSchweizerestpeutêtrequeles7,7miodeSuissessereconnaissentdanslesintérêtsdéfendusparl’associationFussverkehrSchweiz,dontilestledirecteur.Mêmesansenêtretoujoursconscient,toutlemondeestpiéton.C’estpourquoilespro-fessionnelsdelavilledevraientacquérir leréflexe,lorsdechaqueprojet,d’exploiterlesopportunités d’amélioration des déplace-mentspiétonniers.C’estdanscebutquelaVilledeLausannes’estdotéed’unpostededélégué-e piétons, occupé par FrédériqueRoth,quichercheà intégrersystématique-mentlaproblématiquepiétondanslespro-jets,à l’échellede lavilleet,enpartie,del’agglomération.

Des usagers plurielsC’estd’autantplusimportantquelesespacespiétonssouffrentsouventdeconflitsd’inté-rêts (livraisons, cyclistes). Les trottoirs sonttrèssollicités,commelerelèveMarcosWeil,dubureauUrbaplan,maispeuréglementés,personnen’enétantréellementresponsabledanslamajoritédescas.Lemot«piéton»estàutiliseraupluriel,souligneJasmineMontel-Cambou,collaboratriceduServicedespontsetchausséesducantondeFribourg.Laquelle

estimeparailleursquesonserviceestdeplusen plus sensible aux pratiques des piétons:les exigences accrues à l’échelle cantonaleinduisentuneaméliorationprogressivedelaqualitédesplanificationslocales.

Le piéton au cœur de l’intermodalitéPour convaincre que la marche fait partieintégrantedetoutobjeturbain,ilfautaussiparler intermodalité, affirme Marcos Weil.Mettre en avant le caractère actif de lamarcheestuneétapecrucialedecechan-gementdeparadigme,commerelevéàplu-sieursreprisesdurantlecolloque.Despré-micesdetransformationsontd’ailleursdéjàobservablesenSuisse;l’intermodalitéestlemaîtremotdelapolitiquedesgaresdesan-nées2000etdepuis2005lesprogrammesd’agglomération exigent la complémenta-ritéentremodesdouxettransportspublics.

Sensibilisation et intégrationJimWalker(Londres),intervenantdumatin,souhaiteraitvoirdenombreuxgénéralistesqui intègrent la marche dans leur travailquotidien plutôt que quelques spécialistes–c’estunepartiedutravaildeFrédériqueRoth, dont le poste constitue une ported’entréepermettantdesensibiliserlespro-fessionnelsetlesservicesàcethème.PourMoniqueRuzicka-Rossier,chargéedecoursàl’EPFL,«lamarchenebrillepas»commetelle,maiselleest«sprayée»danstouslesdomainespar lespersonnes sensiblesà laquestiondupiétondanslaville.C’estsans

doutecetteprisedeconsciencedel’omni-présencedupiétonquel’enseignementdessciencesdelavilleetduterritoireontpourmissiondesusciter.

Monitoring et évaluation: une néces-sitéMatthieu Chenal, du programme SuisseE-nergiepourlescommunes,soulignel’effortdecommunicationà fourniren faveurdesmodesactifs.Parmilesmesuresliéesaula-belCitédel’énergie,deuxsontconsacréesà lamobilitédouce.Desoutilsdemonito-ringetd’évaluationdevraientexisterdefa-çonplussystématiquelorsqu’ilestquestiondemiseenœuvre.Cetyped’outilsestdéjàutiliséàGenèvepourl’évaluationdespoli-tiquespiétonnesetportesesfruits:enplusde larécoltededonnéesquantitatives(ki-lométragedescheminsensitepropre,desroutesenzone30,etc.),lecantonsouhaiteégalementreleverdesinformationsqualita-tivestellesquelasatisfactiondeshabitantsetl’impactdescampagnesdepromotion.

Se mettre en cheminLemessageàreteniraufinalestpeut-être,comme l’a dit en introduction l’animateurde la table rondeMarcMünster, du sanu,quel’importantestdesemettreenmouve-ment.Etquelquesoitlepremierpaschoisi,cequicompteestdesavoiroùonveutaller.

JennyLeubaetLucileDeveley,géographes■

Si la marche fait désormais partie des réflexions urbaines au niveau académique, qu’elle commence à s’introduire dans les planifications, il reste encore à faire quelques pas plus loin. Les invités de la table ronde se sont confron-tés aux questions et remarques du public, pour identifier différents chemins menant à la «ville marchable».

(PhotoSoniaLavadinho)