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REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .';/-MODULES XAVIER CARUSO Résumé Étant donné un nombre premier impair p et un corps p-adique K, on développe dans cet article un analogue de la théorie des .';Ĩ/-modules de Fontaine en remplaçant la p-extension cyclotomique par l’extension K 1 de K obtenue en ajoutant un système compatible de racines p n -ièmes d’une uniformisante fixée. Ceci nous conduit à une nouvelle classification des représentations p-adiques de G K D Gal. N K=K/ via des .';/-modules. Nous établissons ensuite un lien entre la théorie des .';/-modules à celle des .';N r /-modules de Kisin. Comme corollaire, nous répondons à une ques- tion de Tong Liu en démontrant que, lorsque K est une extension finie de Q p , toute représentation de E.u/-hauteur finie de G K est potentiellement semi-stable. Abstract Let p be an odd prime number, and let K be a p-adic field. In this paper, we de- velop an analogue of Fontaine’s theory of .';Ĩ/-modules replacing the p-cyclotomic extension by the extension K 1 obtained by adding to K a compatible system of p n -th roots of a fixed uniformizer of K. As a result, we obtain a new classification of p-adic representations of G K D Gal. N K=K/ by some .';/-modules. We then make a link between the theory of .';/-modules discussed above and the so-called theory of .';N r /-modules developed by Kisin. As a corollary, we answer a question of Tong Liu: we prove that, if K is a finite extension of Q p , then every representation of G K of E.u/-finite height is potentially semistable. Table des matières 1. La théorie générale des .';/-modules . . . . . . . . . . . . . . . . . 2529 2. Réseaux dans les .';/-modules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2548 DUKE MATHEMATICAL JOURNAL Vol. 162, No. 13, © 2013 DOI 10.1215/00127094-2371976 Received 11 November 2010. Revision received 6 February 2013. 2010 Mathematics Subject Classification. Primary 11S20; Secondary 11F85, 14G20. L’auteur est reconnaissant à l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) pour son soutien financier par l’in- termédiaire du projet CETHop (Calculs Effectifs en Théorie de Hodge p-adique) référencé ANR-09-JCJC- 0048-01. 2525

Représentations galoisiennes $p$ -adiques et $(\varphi,\tau)$ -modules

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REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET.'; �/-MODULES

XAVIER CARUSO

RésuméÉtant donné un nombre premier impair p et un corps p-adiqueK, on développe danscet article un analogue de la théorie des .';�/-modules de Fontaine en remplaçant lap-extension cyclotomique par l’extension K1 de K obtenue en ajoutant un systèmecompatible de racines pn-ièmes d’une uniformisante � fixée. Ceci nous conduit à unenouvelle classification des représentations p-adiques de GK D Gal. NK=K/ via des.'; �/-modules. Nous établissons ensuite un lien entre la théorie des .'; �/-modules àcelle des .';Nr/-modules de Kisin. Comme corollaire, nous répondons à une ques-tion de Tong Liu en démontrant que, lorsque K est une extension finie de Qp , toutereprésentation de E.u/-hauteur finie de GK est potentiellement semi-stable.

AbstractLet p be an odd prime number, and let K be a p-adic field. In this paper, we de-velop an analogue of Fontaine’s theory of .';�/-modules replacing the p-cyclotomicextension by the extensionK1 obtained by adding toK a compatible system of pn-throots of a fixed uniformizer � of K. As a result, we obtain a new classification ofp-adic representations of GK D Gal. NK=K/ by some .'; �/-modules. We then makea link between the theory of .'; �/-modules discussed above and the so-called theoryof .';Nr/-modules developed by Kisin. As a corollary, we answer a question of TongLiu: we prove that, if K is a finite extension of Qp , then every representation of GKof E.u/-finite height is potentially semistable.

Table des matières1. La théorie générale des .'; �/-modules . . . . . . . . . . . . . . . . . 25292. Réseaux dans les .'; �/-modules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2548

DUKE MATHEMATICAL JOURNALVol. 162, No. 13, © 2013 DOI 10.1215/00127094-2371976Received 11 November 2010. Revision received 6 February 2013.2010 Mathematics Subject Classification. Primary 11S20; Secondary 11F85, 14G20.L’auteur est reconnaissant à l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) pour son soutien financier par l’in-

termédiaire du projet CETHop (Calculs Effectifs en Théorie de Hodge p-adique) référencé ANR-09-JCJC-0048-01.

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2526 XAVIER CARUSO

3. Le cas des représentations de E.u/-hauteur finie . . . . . . . . . . . . 25714. Quelques perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2604Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2606

Soit p un nombre premier impair. Soit K un corps de caractéristique nulle, completpour une valuation discrète, dont le corps résiduel k est parfait de caractéristique p.On fixe NK une clôture algébrique deK et on s’intéresse aux représentations p-adiquesdu groupe de Galois GK D Gal. NK=K/. Plusieurs théories ont déjà été développéespour étudier ces représentations, et notamment celle des .';�/-modules dûe à Fon-taine [10]. Dans cette théorie, la p-extension cyclotomique de K , notée K.�p1/ etobtenue en ajoutant à K les racines pn-ièmes de l’unité, joue un rôle essentiel. Eneffet, une première étape cruciale consiste à démontrer que les Qp-représentations(resp. les Zp-représentations libres ou de torsion) de type fini du groupe de GaloisHK DGal. NK=K.�p1// sont classifiées par certains '-modules� sur le corps E (resp.sur l’anneau E int) défini comme suit,

E D°Xi2Z

aiuiˇ̌̌ai 2W Œ1=p�; .ai / bornée, lim

i!�1ai D 0

±�

resp. E int D°Xi2Z

aiuiˇ̌̌ai 2W; lim

i!�1ai D 0

±�;

où W DW.k/ désigne l’anneau des vecteurs de Witt à coefficients dans k. À partirde là, on retrouve l’action complète de GK en ajoutant à ce '-module une action duquotient � DGK=HK DGal.K.�p1/=K/, obtenant au final un objet appelé .';�/-module.

Certains travaux récents de Breuil et Kisin (voir [3] et [11]) ont montré que, plusencore que la p-extension cyclotomique considérée précédemment, l’extension K1de K , obtenue en ajoutant un système compatible de racines pn-ièmes d’une unifor-misante � fixée, joue un rôle particulier pour l’étude des représentations semi-stablesde GK . Le but de cet article est de développer un analogue de la théorie des .';�/-modules à partir de l’extension K1. La première étape, qui consiste à classifier lesreprésentations de G1 D Gal. NK=K1/, fonctionne comme dans le cas classique : àune telle représentation est associée un '-module sur E ou E int (selon que les co-efficients soient pris dans Qp ou Zp), et celui-ci suffit à la décrire complètement.Par contre, une fois arrivé à ce niveau, il n’est plus possible de copier à la lettre laméthode de Fontaine, tout simplement parce que l’extension K1=K n’est pas galoi-sienne. Cela n’a donc aucun sens d’ajouter au '-module précédent l’action résiduellede Gal.K1=K/ puisque ce dernier groupe n’est pas défini !

�Les définitions précises seront données par la suite. On pourra se contenter pour l’instant de savoir que les'-modules sont des modules munis d’un opérateur semi-linéaire, généralement noté '.

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2527

Suivant certains travaux de Liu (voir [15] et [17]), on peut toutefois procédercomme suit. On considère un élément � 2 GK agissant trivialement sur K.�p1/ —ou même seulement sur K.�p/ — tel que � et G1 engendrent ensemble GK . Dansces conditions, connaître le '-module M et l’action de � suffit à reconstruire l’actioncomplète de GK sur T . Cette action supplémetaire de � a un pendant au niveau des'-modules. Elle ne correspond certes pas à un simple endomorphisme de M (commecela aurait été le cas si l’extension K1=K avait été galoisienne), mais à un endomor-phisme semi-linéaire de E int

� ˝E intM où E int� est une certaine E int-algèbre munie d’une

action de GK . Ceci nous conduit à définir un .'; �/-module sur .E int;E int� / (resp. sur

.E;E� / où E� D E int� Œ1=p�) comme la donnée d’un '-module de type fini M sur E int

(resp. E) muni d’une application supplémentaire � W E int� ˝E int M ! E int

� ˝E int M vé-rifiant un certain nombre de conditions (voir définition 1.17 pour plus de précisions).Nous démontrons alors le théorème suivant (se reporter aux sections 1.2.3 et 1.3.2pour la définition des foncteurs).

THÉORÈME 1Il existe des équivalences de catégories :²

Qp-représentations dedimension finie de GK

³��!

®.'; �/-modules sur .E;E� /

¯²

Zp-représentationslibres de type fini de GK

³��!

².'; �/-modules

libres sur .E int;E int� /

³

et, pour tout entier n :²Zp-représentations de typefini de GK annulées par pn

³��!

².'; �/-modules sur

.E int;E int� / annulés par pn

³:

Dans la section 2, nous introduisons et étudions la notion de .'; �/-réseau. Si Mest un .'; �/-module, un .'; �/-réseau de M est un sous-W ŒŒu��-module de type finide M , qui engendre M comme E int-module, qui est stable par ' et dont l’extensiondes scalaires à S� (un certain sous-anneau de E int

� qui sera défini dans le corps dutexte) est stable par � . Une notion importante liée aux réseaux est celle de hauteur :étant donné un élément U 2S� , on dit qu’un réseau M est de hauteur divisant U sile conoyau de

id˝ ' WS� ˝';S M!S� ˝S M

est annulé par U . Il s’avère que l’existence d’un .'; �/-module de hauteur divisant Uà l’intérieur d’un .'; �/-module implique des bornes explicites sur la ramification dela représentation galoisienne correspondante. Plus exactement, nous démontrerons lethéorème 2 ci-après.

2528 XAVIER CARUSO

THÉORÈME 2On note G.�/1 et G.�/K les filtrations de ramification en numérotation supérieure� desgroupes de Galois respectifsG1 etGK . On fixe un nombre entier n� 1 et un élémentU 2S qui n’est pas multiple de p. On pose hD vR.U modp/.

1. Soit T une Zp-représentation de G1 qui est de type fini comme Zp-moduleet annulée par pn. On suppose que le '-module étale sur E int associé à Tadmet un '-réseau de hauteur divisant U . Alors pour tout � >max.1; hp

n

p�1/,

le sous-groupe G.�/1 agit trivialement sur T .

2. Il existe une constante c.K/ ne dépendant que du corps K telle que l’as-sertion suivante soit vraie : pour toute Zp-représentation T de GK de typefini comme Zp-module, annulée par pn, dont la restriction à G1 corres-pond à un '-module étale sur E int de hauteur divisant U , et pour tout � >c.K/C e �max. 1

p�1; nC logp.

he//, le groupe G.�/K agit trivialement sur T .

RemarqueLa constante c.K/ dépend de façon assez explicite de la ramification absolue de K ;par exemple, lorsque e est premier avec p (i.e., lorsqueK est absolument modérémentramifié), elle peut être choisie égale à 1C eC e

p�1.

Nous nous intéressons enfin plus particulièrement aux .'; �/-modules qui sont dehauteur divisant E.u/r pour un certain entier r (on dit aussi : de E.u/-hauteur � r ).L’intérêt de cette notion a été récemment mis en lumière dans un premier temps parBreuil dans [3] puis par Kisin qui a démontré dans [11] qu’une représentation semi-stable était nécessairement de E.u/-hauteur finie. Réciproquement, dans la section 3,nous démontrons le théorème suivant.

THÉORÈME 3On suppose que K est une extension finie de Qp . On note s le plus grand entier telque K contienne une racine primitive ps-ième de l’unité. Alors, toute représenta-tion de E.u/-hauteur finie de GK devient semi-stable en restriction au sous-groupe(distingué) Gs DGal. NK=K. p

sp�//.

Il est à noter que les bornes de ramification données par le théorème 2 jouentun rôle absolument essentiel dans la démonstration du théorème 3. (Il en est en faitle point de départ.) En effet, elles fournissent des bornes sur l’action de � sur le.'; �/-module associé à V qui sont exactement celles dont on a besoin pour construire

�Pour le groupe GK , il s’agit de la ramification usuelle telle que définie, par exemple, dans [10]. Sur le groupeG1 , la ramification est définie de même via l’isomorphisme de corps des normes G1 ' Gal.F sep

0 =F0/ oùF0 D E int=pE int ' k..u//. Pour plus de précisions à ce sujet, on renvoie à la section 2.2.1.

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2529

un opérateur log � sur le .'; �/-module associée à V (en se basant sur la formuleP1iD1

.id��/i

i). À partir de cet opérateur, on fabrique ensuite un .';N /-module filtré

à la Fontaine duquel émergera finalement une représentation semi-stable. Il ne resteraalors plus qu’à démontrer que cette dernière représentation coïncide avec celle donton est partie, au moins en restriction au sous-groupe Gs .

Nous démontrons enfin à la section 3.4 un raffinement du théorème 2 pour lesreprésentations semi-stables qui n’est autre que la conjecture 1.2.(1) de [6].

1. La théorie générale des .'; �/-modulesL’objectif principal de cette première partie est de définir les foncteurs qui réalisentles équivalences de catégories énoncées dans le théorème 1 de l’introduction (et doncde définir, aussi, en particulier, l’anneau E int

� ), puis de démontrer ce théorème. Toutau long de cette section et de la suivante, nous allons petit à petit définir un certainnombre d’anneaux. La figure 1 présente un diagramme qui fait apparaître les plusimportants d’entre eux, ainsi que les morphismes essentiels les reliant. Nous espéronsque celui-ci pourra faciliter la lecture de cet article.

Comme dans l’introduction, on fixe un nombre premier impair p et un corps Kmuni d’une valuation discrète pour laquelle il est complet. On suppose que K est decaractéristique nulle et que son corps résiduel k est parfait de caractéristique p. Onrappelle également que W désigne l’anneau des vecteurs de Witt à coefficients dansk ; son corps des fractionsW Œ1=p� s’identifie canoniquement au plus gros sous-corpsde K absolument non ramifié. L’extension K=W Œ1=p� est totalement ramifiée et onnote e son degré. On considère .�ps / un système compatibles de racines primitivesps-ièmes de l’unité et on note K.�p1/ D

SsK.�ps /. L’extension K.�p1/ est ga-

loisienne et son groupe de Galois � s’identifie via le caractère cyclotomique � à unsous-groupe ouvert de Z�p .

1.1. L’extension K1 : Définition et propriétés galoisiennesNous commençons par quelques préliminaires, en grande partie déja connus, concer-nant l’extension K1 de Breuil et Kisin. Soit � une uniformisante de OK . On choisitune fois pour toutes une système compatible .�s/ de racines ps-ièmes de � . On poseKs DK.�s/ pour tout entier s etK1 D

SsKs . Les extensionsKs=K ne sont pas ga-

loisiennes, sauf éventuellement pour les premiers entiers s. De façon plus précise, laclôture galoisienne de Ks=K est l’extension Ks.�ps /. Ainsi Ks=K est galoisienne siet seulement si �ps 2Ks . L’extensionK1=K , quant à elle, n’est jamais galoisienne etsa clôture galoisienne est l’extension composée K1.�p1/DK1�K.�p1/. On poseG1 DGal. NK=K1/�GK et H1 DGal. NK=K1.�p1//�G1.

2530 XAVIER CARUSO

Figure 1. Principaux anneaux intervenant dans la théorie des .'; �/-modules. La partie gauche(resp. centrale, resp. droite) du diagramme concerne la théorie sur Fp (resp. Zp , resp. Qp). Lesanneaux qui apparaissent au second plan concernent la théorie générale des .'; �/-modules ; ilssont présentés et étudiés dans la section 1. Au premier plan, au contraire, nous trouvons les an-neaux nécessaires à l’étude des .'; �/-réseaux ; ceux-ci sont introduits et utilisés dans la section 2.

1.1.1. Le cocycle cBien que G1 ne soit pas distingué dans GK , on peut définir une application continue(qui bien sûr, n’est pas un morphisme de groupes) c W GK ! Zp dont le « noyau »(i.e., l’image réciproque de 0 2 Zp) s’identifie à G1. Pour cela, on remarque qu’étantdonné un élément g 2GK et un entier s, il existe un unique élément cs.g/ 2 Z=psZtel que g.�s/D �

cs.g/ps �s . La famille des .cs.g//s�1 vérifie la congruence csC1.g/�

cs.g/ .mod ps/, et définit donc un élément de Zp , que l’on appelle c.g/. On vérifiesans peine que c est continue et que le fait que c.g/ s’annule signifie exactementque g agit trivialement sur chacun des �s , c’est-à-dire sur K1. Ainsi, comme nousle disions précédemment, on a c�1.0/ D G1. L’application c n’est certes pas unmorphisme de groupes mais vérifie malgré tout une relation de 1-cocycle à savoir :

8g;h 2G1; c.gh/D c.g/C �.g/c.h/: (1.1)

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2531

On en déduit que, si Zp � Z�p désigne le produit semi-direct de Zp par Z�p où Z�pagit sur Zp par multiplication, l’application �1 WGK! Zp �Z�p , g 7! .c.g/;�.g//

est un morphisme de groupes dont le noyau est exactement H1. En particulier, le1-cocycle c WGK! Zp se factorise par GK=H1, et ce dernier groupe se plonge dansZp�Z�p via �1. Voici un diagramme qui résume les liens entre les différents groupesque l’on vient d’introduire :

0 Gal�K1.�p1/=K1

�GK=H1

�1

Z�p

0 Zp Zp �Z�p Z�p 0

Soulignons que les groupes qui apparaissent sur le diagramme sont tous profinis, tan-dis que les morphismes sont tous continus pour la topologie profinie. Par ailleurs, ilrésulte du diagramme que le morphisme Gal.K1.�p1/=K1/! Zp est injectif. Lelemme 5.1.2 de [16] (qui stipule que les extensions K1 et K.�p1/ sont linéairementdisjointes sur K) montre même que c’est un isomorphisme. On déduit également dumême lemme que �.G1/D �.GK/. On remarque encore que si g 2 GK est tel que�.g/� 1 .mod p/, alors �1.g/ appartient à l’unique pro-p-Sylow de Zp �Z�p ; ilen résulte que �.g/p

sconverge vers l’élément neutre de ce groupe lorsque s tend

vers l’infini, et donc que la suite des gps

modH1 converge elle aussi (vers l’élémentneutre de GK=H1). En particulier, si a est un entier p-adique, l’élément ga est biendéfini dans GK=H1, et il en est donc de même de c.ga/. Une récurrence à partir de(1.1) suivie d’un passage à la limite conduit enfin à la formule

c.ga/D c.g/ � Œa��.g/ où Œa��.g/ D

´a si �.g/D 1I�.g/a�1�.g/�1

si �.g/¤ 1:(1.2)

Dans la suite, le nombre Œa��.g/ sera appelé le �.g/-analogue de a.

1.1.2. L’élément �Soit � WK1! NK le K-plongement défini par �.�s/D �ps�s . Les extensions K1 etK.�p/ étant linéairement disjointes sur K , on peut prolonger � à NK de façon à ce que�.�/� 1 .mod p/. En réalité, le lemme 5.1.2 de [16] nous dit même que l’on peutimposer �.�/D 1. Toutefois, bien que cela complique légèrement les calculs, nouspréférons continuer à travailler avec un � plus général vérifiant seulement �.�/� 1.mod p/. Il suit de la définition de � que c.�/D 1. En outre, en vertu de ce qui a étédit précédemment, on peut définir c.�a/ et �.�/a pour tout a 2 Zp . La formule (1.2)s’écrit alors simplement c.�a/D Œa��.�/.

2532 XAVIER CARUSO

LEMME 1.1L’application Zp ! Zp , a 7! Œa��.�/ est une bijection. De plus, pour tout a 2 Zp ,on a a� Œa��.�/ .mod p/ et les valuations p-adiques de a � 1 et de Œa��.�/ � 1 sontégales.

DémonstrationSi �.�/ D 1, l’application est l’identité et il n’y a rien à démontrer. Dans le cascontraire, pour démontrer que a 7! Œa��.�/ est bijective, il suffit de remarquer que

l’inverse est donnée par b 7! log.1C.�.�/�1/b/log�.�/ , application qui est bien définie car

�.�/ � 1 .mod p/ et p > 2. Pour la deuxième assertion, on écrit �.�/ D 1C px.On a alors

Œa��.�/ D aCa.a� 1/

2� pxC

a.a� 1/.a� 2/

6� p2x2C � � �

Ca.a� 1/ � � � .a� n/

.nC 1/Š� pnxnC � � �

et il est déjà clair que a � Œa��.�/ .mod p/. On remarque ensuite que de a � 1.mod ps/, il suit Œa��.�/ � a .mod psC1/ car pn

.nC1/Šest toujours multiple de p dans

Zp (on rappelle que l’on suppose p > 2) et a � 1 est lui, par définition, multiple deps . La conclusion en résulte.

D’après le lemme, pour tout élément g 2GK , il existe un unique a 2 Zp tel queŒa��.�/ D �.g/. Notons �� .g/ cet élément ; on définit de cette manière une fonction�� W GK ! Zp qui, d’après la congruence a � Œa��.�/ .mod p/, prend ses valeursdans Z�p . On prendra garde au fait que �� n’est pas un morphisme de groupes ; ce-pendant, son « noyau » (i.e., l’image réciproque de 1 2 Z�p) est le sous-groupe HK .L’égalité entre valuations établie dans le lemme 1.1 assure en outre que, pour toutentier m, l’image réciproque du sous-groupe 1 C pmZp de Z�p est le sous-groupeGal. NK=K.�pm// de GK .

LEMME 1.2

1. Tout élément g 2 GK=H1 s’écrit de façon unique sous la forme �ag0 aveca 2 Zp et g0 2G1=H1

2. Pour tout g 2 G1=H1, le produit ���� .g/g� calculé dans GK=H1 appar-tient à G1=H1.

DémonstrationPour le premier alinéa, il s’agit de montrer que l’équation c.��ag/D 0 a une uniquesolution dansZp . Or on a c.��ag/D Œ�a��.�/C�.�/�ac.g/D�.�/�a.c.g/�Œa��.�//,

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2533

à partir de quoi le lemme 1.1 permet de conclure. Pour le deuxième alinéa, il suffit devérifier que c.���� .g/g�/D 0, ce qui se fait comme précédemment.

PROPOSITION 1.3Soit � un groupe topologique et WG1=H1! � un morphisme de groupes continu.Se donner un prolongement continu Q W GK=H1! � de revient à se donner unélément �� 2 � (l’image de � ) tel que pour tout g 2G1=H1 vérifiant �� .g/ 2N, onait

.g/ � �� D ��� .g/� � .���� .g/g�/: (1.3)

DémonstrationD’après le premier point du lemme 1.2, il est clair que �� D Q.�/ détermine entiè-rement Q. L’unicité en résulte. Pour l’existence, on montre dans un premier tempsque lims!1 �

ps

� D 1. Étant donné que �.G1/D �.GK/ est ouvert dans Z�p , il existeun entier s0 tel que �.G1/ � 1 C ps0Zp . Comme, d’après le lemme 1.1, l’appli-cation a 7! Œa��.�/ réalise une bijection de 1 C psZp dans lui-même pour tout s,il existe une suite .gs/s�s0 d’éléments de G1=H1 convergeant vers l’identité ettelle que �� .gs/ D ps C 1. En appliquant la relation (1.3) avec gs , il vient �p

s

� D

.gs/ � �� � .���� .gs/gs�/ � �

�1� . Un passage à la limite pour s tendant vers l’infini

donne alors la conclusion annoncée. Ceci nous permet de définir �a� pour tout élémenta 2 Zp et en passant à la limite dans (1.3), on montre que cette dernière relation estvalable pour tout g 2 G1=H1. Il suffit maintenant de montrer que l’application Qdéfinie par

8a 2 Zp;8g 2G1=H1; Q.�ag/D �a�.g/

est un morphisme de groupes. Il s’agit donc de vérifier que si g�a D �bh avec a; b 2Zp et g;h 2G1=H1, alors .g/�a� D �

b�.h/. Tout d’abord, en appliquant c à l’éga-

lité g�a D �bh, on obtient �.g/ � Œa��.�/ D Œb��.�/. Si a D 1, on voit à présent quel’égalité que l’on a à démontrer n’est autre que l’hypothèse. Pour a 2 N, l’égalitése démontre par récurrence, tandis qu’enfin, pour a 2 Zp , on utilise un argument depassage à la limite.

Bien entendu, le cas qui nous intéressera particulièrement dans cet article estcelui où le groupe � est le groupe des automorphismes linéaires ou semi-linéairesd’un certain espace. Dans cette situation, la proposition dit exactement ce qu’il fautajouter à une représentation de G1=H1 pour définir une représentation de GK=H1.

2534 XAVIER CARUSO

1.1.3. Comment se dispenser de quotienter par H1Dans le lemme 1.2 et la proposition 1.3, nous avons systématiquement quotienter parH1. Toutefois, on peut s’affrachir de cela en prenant soin de choisir au préalable unélément � 2 GK vérifiant lims!1 �

ps D id. Un tel choix est toujours possible car,étant donné que l’extension K1=K n’admet pas de sous-extension modérément ra-mifiée, on peut choisir � dans le sous-groupe d’inertie sauvage ; comme celui-ci est unpro-p-groupe, la convergence requise en résulte. Une fois ce choix fait, les démons-trations du lemme 1.2 et de la proposition 1.3 s’étendent mot pour mot en remplaçantpartout GK=H1 par GK et G1=H1 par G1. En particulier, on voit que se donnerune action de GK revient, dans ce cas, à se donner une action de G1 et un auto-morphisme �� (correspondant à l’action de � ) vérifiant la relation de commutation(1.3). Toutefois, dans la suite, nous nous contenterons d’appliquer la proposition 1.3au groupe quotient GK=H1, et il ne nous sera donc pas nécessaire de particulariserainsi le choix de � .

Un fait notable, par contre, est qu’un corollaire de la généralisation que l’on vientd’évoquer permet de donner une description de GK en termes de G1 à l’aide d’uneconstruction de type « produit semi-direct ». On choisit pour cela un élément � dansle groupe d’inertie sauvage vérifiant à la fois c.�/D 1 et �.�/D 0 (un tel choix estpossible). On a alors les propriétés suivantes :

– tout élément de GK s’écrit de façon unique sous la forme �ag avec a 2 Zp etg 2G1 ;

– si g 2G1 et a 2 Zp , alors hD ��a�.g/g�a 2G1 et on a bien sûr la relationg�a D �a�.g/h.

Ainsi si l’on se donne G1, la restriction du caractère cyclotomique � WG1! Z�p etl’application WG1!G1, g 7! ���.g/g� , on peut reconstruire le groupe GK toutentier en considérant l’ensemble Zp G1 muni de la loi de groupe suivante :

.a; g/ � .b; h/D�aC b�.g/; b.g/h

�:

On prendra garde néanmoins au fait que l’application n’est pas un morphisme degroupes ; elle vérifie cependant une relation, à savoir .gh/D �.h/.g/ .h/.

1.2. Les .'; �/-modules en caractéristique pDans ce paragraphe, nous mettons au point la théorie des .'; �/-modules en carac-téristique p, c’est-à-dire que nous établissons la troisième équivalence de catégoriesdu théorème 1 de l’introduction lorsque n D 1 (les anneaux E int et E int

� étant alorsremplacés par des variantes plus simples). La méthode est simple et naturelle : elleconsiste à mettre ensemble ce qui vient d’être fait et le résultat de Fontaine et Win-tenberger de classification des représentations de G1 via les '-modules étales. Nouscommençons par quelques rappels à ce sujet.

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2535

1.2.1. Rappels sur la classification des représentations de G1On considère l’anneau R D lim

�O NK=p où les morphismes de transition sont donnés

par l’élévation à la puissance p : un élément x 2 R est donc une suite .xs/s�0 telleque xpsC1 D xs pour tout s. On note FracR le corps des fractions de R ; c’est un corpsalgébriquement clos. À côté de cela, il est clair queR est muni d’une action canoniquedeGK qui s’étend à FracR. Par ailleurs, si l’on note vK la valuation sur NK normaliséepar vK.K?/D Z, on démontre que la formule vR.x/D lims!1 p

svK.xs/ définit unevaluation (non discrète) sur R pour laquelle il est complet. La valuation vR s’étendnaturellement à FracR et on note encore vR ce prolongement. Le corps résiduel ks’injecte canoniquement dans R : à un élément 2 k, on associe la suite des 1=p

s

vus comme éléments de O NK=p. La famille .�ps / (resp. .�s/) de racines ps-ièmes del’unité (resp. de �) définit, elle aussi, un élément de R que l’on note " (resp. � ). On avR."/D 0 et vR.� /D 1. On pose �D 1�" de sorte que vR.�/D

epp�1

. Par construc-tion le groupeHK agit trivialement sur " et � tandis queG1, lui, agit trivialement sur� . Dans la suite, on plongera systématiquement l’anneau kŒŒu�� dans R en envoyantu sur � . Ce morphisme s’étend aux corps des fractions et définit ainsi un plongementdu corps F0 D k..u// dans FracR. On appelle F sep

0 la clotûre séparable de F0 dansFracR. Étant donné que G1 agit trivialement sur F0 vu dans FracR, tout élémentde G1 stabilise F sep

0 et on obtient comme ceci un morphisme G1!Gal.F sep0 =F0/.

La théorie du corps des normes de Fontaine et Wintenberger (voir [21]) affirme quec’est en fait un isomorphisme. Comme corollaire du théorème de Hilbert 90, Katzdémontre alors la proposition suivante.

PROPOSITION 1.4Soit T une Fp-représentation du groupe G1. On suppose que T est de dimensionfinie d sur Fp . Alors l’espace HomFpŒG1�.T;F

sep0 / est de dimension d sur F0 et,

plus précisément, le morphisme naturel

Fsep0 ˝F0 HomFpŒG1�.T;F

sep0 /!HomFp .T;F

sep0 /

est un isomorphisme.

DémonstrationC’est un cas particulier� de la proposition A.1.2.6 et de la remarque A.1.2.7 de [10].

Remarque 1.5Le vrai contenu de la proposition réside dans la surjectivité de l’application. L’injecti-

�Dans cette référence, on travaille déjà avec des coefficients dans Zp , ce que, de notre côté, nous ne ferons quedans la section 1.3 (voir théorème 1.6).

2536 XAVIER CARUSO

vité, quant à elle, est un fait beaucoup plus général, qui reste valable si l’on remplaceG1 par n’importe quel groupe topologique H , F sep

0 par n’importe quel corps L decaractéristique p sur lequelH agit continument, et F0 parLH (la démonstration étanten tout point identique).

À partir de la proposition précédente, on déduit un théorème de classificationdes Fp-représentations de dimension finie de G1. Pour l’énoncer, on doit d’aborddéfinir la notion de '-module étale sur F0 : il s’agit de la donnée d’un espace vec-toriel M de dimension finie sur F0 muni d’une application 'M W M ! M semi-linéaire par rapport au Frobenius sur F0 (défini comme l’élévation à la puissance p),et dont l’image contient une base de M . Étant donné un '-module étale M sur F0,il est souvent commode de considérer le linéarisé de 'M défini comme l’applica-tion id˝ 'M W F0 ˝';F0 M !M . On a alors affaire à une application F0-linéaire,et la condition selon laquelle l’image de 'M contient une base de M se traduit endisant que id˝ 'M est un isomorphisme. Si T est une représentation de G1, alorsHomFpŒG1�.T;F

sep0 / est naturellement muni d’un endomorphisme ' déduit du Fro-

benius usuel sur F sep0 , et il est facile de vérifier que c’est en fait un '-module étale sur

F0.

THÉORÈME 1.6Les foncteurs suivants sont des équivalences de catégories quasi-inverses l’une del’autre : ²

Fp-représentations dedimension finie de G1

³��!

®'-modules étales sur F0

¯T 7! HomFpŒG1�.T;F

sep0 /

HomF0;'.M;Fsep0 / � M

où HomF0;' signifie que l’on considère les morphismes F0-linéaires commutant àl’action de ' (celui-ci agissant par l’élévation à la puissance p sur F sep

0 ).

DémonstrationVoir proposition A.1.2.6 et remarque A.1.2.7 de [10].

1.2.2. Quelques sous-corps de FracRPour simplifier les écritures, on pose à partir de maintenant L D FracR. Dans ceparagraphe, nous allons définir et étudier un certain nombre de sous-corps de L quijoueront un rôle important dans la suite pour la mise en place de la théorie des .'; �/-modules. On rappelle que l’on a introduit précédemment deux éléments privilégiésde R, à savoir " et � définis comme une suite compatible de racines pn-ièmes de

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2537

l’uniformisante � et de l’unité respectivement. On considère le morphisme d’anneaux� W kŒŒX;Y ��!R obtenu en envoyant X sur u et Y sur �D 1� ".

PROPOSITION 1.7Le morphisme � W kŒŒX;Y ��!R ci-dessus est injectif.

DémonstrationSoit une série formelle F 2 kŒŒX;Y �� telle que F.u;�/D 0 dans R. En faisant agirle groupe de Galois GK , on obtient l’annulation de F.u.1C �/c.g/; .1C �/�.g/ � 1/pour tout g 2GK . Il en résulte les égalités :

F.uC u�pn

; �/D 0 et F.u;�C �pn

C �pnC1/D 0

pour tout entier n suffisamment grand. Pour tout entier i , soit @Œi�X l’application 1iŠ@i

@X i

agissant sur kŒŒX;Y �� (qui est bien définie). On dispose de la formule de Taylor sui-vante,

F.uCu�pn

; �/D F.u;�/Cu�pn

@Œ1�X F.u;�/C� � �Cu

i�ipn

@Œi�X F.u;�/C� � � ; (1.4)

grâce à laquelle on déduit, à partir des annulations précédemment citées, que

vR.@Œ1�X F.u;�// �

epnC1

p�1. Comme ceci est vrai pour tout n, il vient @Œ1�X F.u;�/D 0.

Sachant cela, l’égalité (1.4) implique maintenant que vR.@Œ2�X F.u;�// �

epnC1

p�1, et

donc que @Œ2�X F.u;�/ s’annule lui aussi. Par récurrence, on démontre de la même ma-

nière que @Œi�X F.u;�/D 0 pour tout i . Un raisonnement analogue à partir de F.u;�C

�pnC �p

nC1/D 0 montre que @Œj �Y F.u;�/D 0 (avec des notations évidentes) pour

tout j . En appliquant cela non pas à la série F mais à @Œi�X F , on obtient même

@Œj �Y @

Œi�X F.u;�/ D 0 pour tous i et j . En réduisant cette dernière égalité dans Nk, on

s’aperçoit alors que le coefficient de X iY j dans la série formelle F s’annule luiaussi. Il en résulte que la série F est, elle-même, nulle.

Par la proposition 1.7, le morphisme � se prolonge en un morphisme d’anneauxk..X;Y //!L que l’on note encore �. Celui-ci fait donc apparaître le corps de sériesformelles en deux variables k..X;Y // comme un sous-corps de L ; dans la suite,on utilisera la notation plus parlante k..u; �// pour le désigner. On introduit le sous-corps Lnp �L (qui peut être pensé comme une variante « déperfectisée » de L) définicomme la clôture séparable de k..u; �// dans L. Il s’agit d’un corps, à l’évidence,séparablement clos mais qui n’est par contre par complet pour la topologique de Lhéritée de la valuation vR (on peut en fait montrer que Lnp est dense dans L).

Définissons encore des variantes « partiellement déperfectisées » de L commesuit. Le premier d’entre eux est Lu�np que l’on définit comme la clôture séparable

2538 XAVIER CARUSO

dans L du sous-corps k..u; �1=p1

// obtenu en ajoutant à k..u; �// toutes les racinespn-ièmes de � (pour n variant dans N). On définit pareillement L��np par L��np D

k..u1=p1

; �//sep.

Certains sous-corps de points fixesOn rappelle que L est muni d’une action du groupe de Galois GK . De plus, on vérifiedirectement que k..u; �// est stable parGK et fixé point par point par l’action du sous-groupeH1. On en déduit que les corpsLnp,Lu�np etL��np introduits précédemmentsont stables par GK . On pose F� D LH1 et, de même, F�;‹ D .L‹/H1 pour ‹ 2¹np; u�np; ��npº. Tous ces corps contiennent k..u; �// ; néanmoins, comme nousallons le voir par la suite, ils sont nettement plus gros et difficiles à décrire.

PROPOSITION 1.8SoitH un sous-groupe fermé deG1. AlorsLH est l’adhérence (dansL) du perfectiséde .F sep

0 /H .De plus, si on note mR l’idéal maximal de R, la projection canonique induit,

pour tout x 2R, un morphisme surjectif RH ! .R=xmR/H .

DémonstrationLa première partie de la proposition s’obtient en mettant ensemble les deux ingré-dients suivants : le corps F sep

0 est dense dans L (ce qui est contenu dans la théoriedu corps des normes) et le théorème principal de [1] qui décrit les points fixes, sousl’action du groupe de Galois, du complété de la clôture algébrique d’un corps local.La seconde assertion se démontre de manière analogue en utilisant, à la place du théo-rème principal de [1], la proposition 2 de ce même article (p. 424), qui est un peu plusprécise.

La proposition 1.8 s’applique en particulier avec le groupe H1 et montre doncque F� s’identifie à l’adhérence du perfectisé du corps F1 D .F

sep0 /H1 . L’élément

(important) �D 1 � " 2 R, qui est clairement stable par l’action de H1, doit doncs’écrire comme une série faisant intervenir certains éléments du perfectisé de F1. Ce-pendant, obtenir une telle écriture de façon explicite ne semble pas du tout facile. Voiciune autre façon d’appréhender F� (qui montre encore que décrire les éléments de cecorps est une question délicate). Pour tout entierm, on noteHm DGal. NK=K1.�p

m//

et Fm D .Fsep0 /Hm . Comme Hm est d’indice fini dans G1, l’extension Fm=F0 est fi-

nie. La réunion de ces extensions, que l’on note Falg, définit donc un sous-corps deF� qui est algébrique sur F0. Comme k..u; �// est, de son côté, une extension pu-rement transcendante de F0, l’extension Falg que l’on vient de construire est, d’unpoint de vue algébrique, un nouveau constituant complètement disjoint de k..u; �//.

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2539

D’un point de vue topologique, par contre, ces corps semblent s’entremêler de façonsubtile.

Si l’on remplace L par Lnp, on a la proposition suivante qui montre que, dans uncas particulier (qui n’est malheureusement pas le plus intéressant), l’étude des pointsfixes est plus simple.

PROPOSITION 1.9Si H est un sous-groupe d’indice fini de G1, alors LHnp D .F

sep0 /H .

DémonstrationÉtant donné que F0 D k..u// est inclus dans k..u; �//, on a clairement .F sep

0 /H �

LHnp . Pour démontrer l’inclusion réciproque, on considère un élément x 2LHnp . Commex est stable par l’action de H , son polynôme minimal sur k..u; �// est à coefficientsdans k..u; �//H . Soit v une uniformisante de .F sep

0 /H de façon à ce que .F sep0 /H D

k..v//. On a alors k..u; �//� k..v; �//� k..v//..�// etH agit encore sur ce dernierespace en fixant v et en envoyant � sur .1C�/�.�/�1. Étant donné queH est d’incidefini dansG1, son image par le caractère cyclotomique � n’est pas triviale et on a donck..v//..�//H D k..v//. On en déduit que k..u; �//H D k..v//H D F0 et, donc, quele polynôme minimal de x est à coefficients dans F0, d’où on déduit que x est élémentde F sep

0 . Comme x est en outre fixe par H , on a bien x 2 .F sep0 /H .

On prendra garde au fait que, dans la proposition ci-dessus, l’hypothèse « d’indicefini » est essentielle. En particulier, la conclusion de la proposition ne vaut malheu-reusement pas si H DH1 (qui est pourtant le cas qui nous intéresserait le plus). Ilest d’ailleurs facile de s’en convaincre puisque l’élément � appartient manifestementà LH1np , sans pour autant être dans .F sep

0 /H1 car, comme cela a été vu, il n’est pasalgébrique sur F0.

Une question sur les corps FmRevenons un instant pour conclure ce numéro sur les corps Fm. L’extension F1=F0se comprend assez bien, et on sait même la décrire complètement lorsque le corps Kest absolument non ramifié (i.e., si eD 1). En effet, dans ce cas, une uniformisante deK.�p/ est donnée par une racine .p � 1/-ième de �p, que l’on note $ . Si désigneun élément de k tel que p��� .mod p2/, la suite d’éléments de O NK=p suivante,

� 1

1=pn

�1CpC���Cpn�1�� $

�1CpC���Cpn�1

n

modp�;

définit un élément v de R, qui appartient manifestement à F1. Par ailleurs, un calculimmédiat montre que vp�1 D u. Comme F1 est de degré p � 1 sur F0, il s’ensuit

2540 XAVIER CARUSO

que F1 D F0Œv�D F0Œp�1pu�. Lorsque e > 1, l’extension F1=F0 est encore totale-

ment et modérément ramifiée, et son degré est égal à celui de l’extension K.�p/=K .Par contre, dès que m � 1, il semble bien plus difficile de comprendre l’extensionFmC1=Fm. On sait néanmoins qu’elle est soit triviale, soit de degré p. D’après lathéorie d’Artin–Schreier, dans le deuxième cas, elle s’écrit comme le corps de ruptured’un polynôme de la forme Xp �X � am avec am 2 Fm. L’étude de la ramificationsauvage de FmC1=Fm permet d’accéder à la valuation de am, mais ne permet pas derépondre à la question plus générale suivante qui nous paraît intéressante.

Question 1.10Est-il possible, peut-être seulement sous l’hypothèse e D 1, de décrire explicitementun élément am 2 Fm tel que FmC1 soit le corps de rupture sur Fm du polynômeXp �X � am ?

Plus généralement, étant donné deux entiers m et m0 avec 1 �m <m0, peut-ondécrire l’extension Fm0=Fm en termes d’extensions d’Artin–Schreier–Witt ?

Comme me l’a signalé Berger, la compatibilité entre corps des normes et corps declasse (démontrée dans [12, Section 3]) semble a priori une bonne piste pour étudierce problème. Les calculs restent, malgré tout, encore à faire.

1.2.3. Une équivalence de catégoriesDans tout ce numéro, on note L‹ un sous-corps de L contenant F sep

0 et stable parl’action de GK ; par exemple, L‹ peut être l’un des quatre corps L, Lnp, Lu�np ouL��np. On pose F�;‹ D .L‹/H1 ; il contient manifestement .F sep

0 /H1 et donc enparticulier F0.

Définition 1.11Un .'; �/-module sur .F0;F�;‹/ est la donnée de

– un '-module étale sur F0, noté M ;– un endomorphisme � -semi-linéaire �M W F�;‹˝F0M ! F�;‹˝F0M qui com-

mute à 'F�;‹ ˝ 'M (où 'F�;‹ est le Frobenius usuel sur F�;‹) et qui vérifie,pour tout g 2G1=H1 tel que �� .g/ 2N, la relation suivante :

8x 2M; .g˝ id/ ı �M .x/D ��� .g/M .x/: (1.5)

On est en droit de se demander d’où vient la différence entre la relation précé-dente et celle de la proposition 1.3 dans laquelle il apparaissait un terme supplémen-taire dans le membre de droite. La raison en est — et nous attirons l’attention dulecteur sur ce point — que l’on ne demande à l’égalité (1.5) de n’être satisfaite quepour x 2M et non pas pour tout x 2 F�;‹ ˝F0 M . La semi-linéarité de � montre en

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2541

réalité que l’identité (1.5) est équivalente à l’égalité suivante entre applications,

.g˝ id/ ı �M D ��� .g/M ı

�.���� .g/g�/˝ id

�;

ce qui correspond bien à la formule de la proposition 1.3.On montre comme dans la preuve de cette même proposition que pour tout .'; �/-

module M , les applications �ps

M forment une suite qui converge vers l’identité. Onpeut donc définit �aM pour a 2 Zp et la relation (1.5) est alors satisfaite pour toutg 2G1 sans la restriction �� .g/ 2 N. Ceci montre en particulier que ��1M est défini,c’est-à-dire que �M W F�;‹ ˝F0 M ! F�;‹ ˝F0 M est une bijection. Dans la suite,lorsque cela ne prêtera pas à confusion, on notera simplement � à la place de �M etde même, on écrira souvent ' à la place de 'M .

Le but de ce paragraphe est de démontrer que la catégorie des Fp-représentationsde dimension finie de GK est équivalente à la catégorie des .'; �/-modules sur .F0;F�;‹/. À ce sujet, nous aimerions signaler au lecteur que Tavares Ribeiro s’est déjàintéressé, dans le premier chapitre de sa thèse [20], à des questions semblables. Tou-tefois, le point de vue que nous adoptons est un peu différent et en fait plus prochedes travaux de Liu ; notamment, nous avons constamment le souci de garder expli-citement la trace du '-module M décrivant l’action du sous-groupe G1 alors quecelui-ci n’apparaît pas du tout dans les travaux de Tavares Ribeiro.

Construction d’un foncteurOn considère, dans un premier temps, une Fp-représentation T de GK de dimensionfinie d et on note M.T /DHomFpŒG1�.T;F

sep0 / le '-module associé par le théorème

1.6. On sait que M.T / est de dimension d sur F0. Pour définir une structure de .'; �/-module sur M.T /, il reste à construire un automorphisme � de F�;‹ ˝F0 M.T /. Oncommence par un lemme qui donne une description alternative de cet espace.

LEMME 1.12L’application naturelle F�;‹˝F0 M.T /!HomFpŒH1�.T;L‹/ est un isomorphisme.

DémonstrationClairement HomFp .T;L‹/'L‹˝F sep

0HomFp .T;F

sep0 / et donc, par la proposition 1.4,

on obtient un isomorphisme canonique :

HomFp .T;L‹/'L‹˝F sep0

�F

sep0 ˝F0 M.T /

�DL‹˝F0 M.T /:

Par ailleurs, on vérifie immédiatement que cet isomorphisme est G1-équivariant. Lelemme en résulte en prenant les invariants sous H1.

Il n’est maintenant plus difficile de définir l’automorphisme � . À cette fin, onnote que pour 2 GK et f 2 HomFpŒH1�.T;L‹/, l’application g W x 7! f . �1x/

2542 XAVIER CARUSO

est encore H1-équivariante ; la formule précédente définit donc une action de GKsur HomFpŒH1�.T;L/ D F�;‹ ˝F0 M.T / qui est, comme on le vérifie directement,semi-linéaire par rapport à la structure de F�;‹-espace vectoriel. De plus, pour cetteaction, le sous-groupe H1 agit trivialement (ce qui signifie que l’action se facto-rise par GK=H1), tandis que le groupe G1, de son côté, agit trivialement sur lesous-ensemble M.T /. On définit enfin l’application � comme l’automorphisme deF�;‹˝F0 M.T / donné par l’action de � . Les remarques que l’on vient de faire, com-binée au second point du lemme 1.2 assurent que l’on obtient bien comme ceci un.'; �/-module dans le sens de la définition 1.11.

Construction d’un quasi-inverseOn part à présent d’un .'; �/-module M sur .F0;F�;‹/ et on cherche à lui associerune représentation T .M/ de GK qui soit de dimension finie sur Fp . Bien entendu, entant que représentation deG1, T .M/ est la représentation associé au '-module sous-jacent, i.e., T .M/D HomF0;'.M;F

sep0 /. Il reste donc à expliquer comment étendre

cette action à GK en utilisant l’automorphisme � . La clé est le lemme suivant.

LEMME 1.13L’application T .M/ D HomF0;'.M;F

sep0 /! HomF�;‹;'.F�;‹ ˝F0 M;L‹/ déduite

de l’extension des scalaires de F0 à F�;‹ est un isomorphisme.

DémonstrationOn fixe une base .e1; : : : ; ed / de M et on appelle G l’unique matrice pour laquellel’égalité .'.e1/; : : : ; '.ed // D .e1; : : : ; ed /G est vérifiée. Se donner un élément deHomF0;'.M;F

sep0 / (resp. de HomF�;‹;'.F�;‹ ˝F0 M;L‹/) revient à se donner les

images de ei qui sont des éléments xi 2 Fsep0 (resp. xi 2 L‹) vérifiant le système

d’équations .xp1 ; : : : ; xp

d/D .x1; : : : ; xd /G. Or, un tel système a au plus pd solutions

dans n’importe quel corps, et on sait qu’il en a déjà ce nombre de F sep0 . Toutes les

solutions dans L‹ sont donc dans F sep0 et le lemme est démontré.

Étant donné les conditions satisfaites par � , la proposition 1.3 s’applique et montrequ’il existe une unique action de GK=H1 sur le produit tensoriel F�;‹ ˝F0 M pourlaquelle les éléments g 2G1=H1 agissent par .g˝ id/ et l’élémént � agit via l’au-tomorphisme � . En composant par la projection canonique GK ! GK=H1, on ob-tient une action de GK sur F�;‹ ˝F0 M . Par ailleurs, GK agit également sur L‹et donc sur l’espace T .M/ D HomF�;‹;'.F�;‹ ˝F0 M;L‹/ via la formule usuelle � f W x 7! f . �1x/. La forme particulière de l’action de G1 sur F�;‹ ˝F0 Mmontre immédiatement que l’action qu’on vient de définir sur T .M/ prolonge cellede G1.

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2543

THÉORÈME 1.14Les deux foncteurs M et T précédents induisent des équivalences de catégories in-verses l’une de l’autre entre la catégorie des Fp-représentations de dimension finiede GK et la catégorie des .'; �/-modules sur .F0;F�;‹/.

DémonstrationOn sait déjà, par le théorème 1.6, que les morphismes canoniques M !M.T .M//

et T ! T .M.T // sont des isomorphismes pour tout .'; �/-module M sur .F0;F�;‹/et toute Fp-représentation T de dimension finie de GK . Il ne reste donc qu’à vérifierque le premier commute à l’action de � tandis que le deuxième est GK -équivariant,ce qui ne pose aucune difficulté.

Remarque 1.15En considérant non pas l’action de � mais celle de �p

s, on obtient de la même façon

une équivalence de catégories entre, d’une part, la catégorie des Fp-représentationsdu groupe Gs et, d’autre part, la catégorie des .'; �p

s/-modules sur .F0;F�;‹/ dont

les objets sont la donnée de :– un '-module étale sur F0, noté M ;– un automorphisme �p

s-semi-linéaire � .p

s/M W F�;‹ ˝F0 M ! F�;‹ ˝F0 M qui

commute à ' et tel que, pour tout g 2G1=H1,

8x 2M; .g˝ id/ ı � .ps/

M .x/D .�.ps/M /a.x/

où a est l’unique élément de Zp tel que �.g/ � Œps��.�/ D Œa��.�/.

1.3. Relèvement modulo pn et en caractéristique nulleLe théorème 1 de l’introduction se déduit enfin du théorème 1.14 pour L D F1 àl’aide d’arguments classiques de dévissage. Ce sont ces arguments que nous nousproposons de présenter dans cette partie. Afin surtout de mettre en place les notations,nous commençons par rappeler brièvement comment ceux-ci fonctionnent dans le casclassique des '-modules et des représentations de G1.

1.3.1. La théorie de Fontaine modulo pn et en caractéristique nulleL’idée de base consiste à remplacer l’anneau R par l’anneau des vecteurs de WittW.FracR/ ; c’est naturellement une W -algèbre munie d’une action de GK . L’anneauE int défini dans l’introduction par, rappelons-le :

E int D°Xi2Z

aiuiˇ̌̌ai 2W; lim

i!�1ai D 0

±

se plonge dans W.FracR/ en envoyant u sur le représentant de Teichmüller Œ� �.Muni de la valuation p-adique, vE.

Pi2Z aiu

i /Dmini2Z vp.ai /, E int est un anneau

2544 XAVIER CARUSO

de valuation discrète qui admet F0 pour corps résiduel. On note E int;ur l’unique sous-algèbre étale (infinie) de W.FracR/ ayant pour corps résiduel F sep

0 � FracR. Si l’onpose E D Frac E int et Eur D Frac E int;ur, le groupe de Galois de l’extension Eur=E

s’identifie à celui de l’extension résiduelle F sep0 =F0 et donc finalement à G1. L’an-

neau W.FracR/Œ1=p� est naturellement muni d’un opérateur de Frobenius et celui-cidéfinit par restriction des endomorphismes de E int, E int;ur, E et Eur. Sur E int, parexemple, on voit aisément qu’il agit en appliquant le Frobenius traditionnel aux co-efficients et en envoyant u sur up . On définit un '-module étale sur E int commela donnée d’un E int-module de type fini M munie d’une application ' WM !M

semi-linéaire par rapport au Frobenius et dont l’image engendre M . De même, un'-module étale sur E est un E-espace vectoriel D de dimension finie qui est munid’un endomorphisme semi-linéaire ' et qui admet un E int-réseau libre M stable par' et tel que '.M/ engendre M .

THÉORÈME 1.16Les foncteurs suivants sont des équivalences de catégories quasi-inverses l’une del’autre : ²

Qp-représentations dedimension finie de G1

³��! ¹'-modules étales sur E º

T 7! HomQpŒG1�.T;Eur/

HomE;'.M;Eur/ � M:

On dispose d’énoncés analogues pour les Zp-représentations libres d’une part,et annulées par pn d’autre part, que nous laissons au lecteur le soin d’écrire. On faitremarquer quand même qu’afin d’obtenir ces énoncés, il convient de remplacer l’an-neau de périodes Eur par E int;ur et E int;ur=pnE int;ur respectivement. On peut égalementécrire une équivalence de catégories mettant en jeu à gauche la catégorie de toutes lesZp-représentations annulées par une puissance de p (non précisée) ; dans le cas, l’an-neau de périodes Eur doit être remplacé par le produit tensoriel Qp=Zp ˝Zp E int;ur

(qui n’est pas un anneau, mais seulement un E int;ur-module) ou, ce qui revient aumême, par le quotient Eur=E int;ur.

1.3.2. Définition générale des .'; �/-modulesOn pose E int

� D W.F� / et E� D Frac E int� . Le corps F� étant parfait, la valuation p-

adique fait de E int� un anneau de valuation discrète, complet, dont le corps résiduel

s’identifie à F� . En outre, E� s’obtient à partir de E int� simplement en inversant p. Tous

les anneaux que l’on vient de définir sont munis d’un endomorphisme de Frobeniusque l’on note ' ou 'A (A étant l’anneau sur lequel le Frobenius agit) dans les cas où ilsera important de le préciser. La définition des .'; �/-modules est désormais la même

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2545

qu’en caractéristique p (voir définition 1.11) à part que les anneaux de base sont ceuxque l’on vient de définir. On la redonne ci-dessous pour plus de clarté.

Définition 1.17Un .'; �/-module sur .E int;E int

� / (resp. .E;E� /) est la donnée de– un '-module étale sur E int (resp. sur E), noté M ;– un endomorphisme � -semi-linéaire �M W E int

� ˝E int M ! E int� ˝E int M qui com-

mute à 'E int�˝ 'M et vérifie, pour tout g 2 G1=H1 tel que �� .g/ 2 N, la

relation suivante :

8x 2M; .g˝ id/ ı �M .x/D ��� .g/M .x/: (1.6)

On souhaite à présent démontrer le théorème 1 de l’introduction, c’est-à-dire queles catégories de .'; �/-modules sont équivalentes aux catégories correspondantesde représentations galoisiennes. L’étape essentielle pour cela consiste à étendre leslemmes 1.12 et 1.13 (qui constituaient la clé de la démonstration dans le cas de ca-ractéristique p) à la nouvelle situation relevée. À partir de maintenant, on supposeratoujours implicitement que les Qp-représentations (resp. Zp-représentations) consi-dérées sont de dimension finie sur Qp (resp. de type fini comme Zp-module). SiT est une telle représentation du groupe G1, on note M.T / le '-module étale surE int ou sur E qui lui est associé par la théorie de Fontaine. De même, si M est un'-module étale défini sur E int ou sur E , on note T .M/ la représentation p-adique quilui correspond.

LEMME 1.18Pour toute Zp-représentation de torsion (resp. Zp-représentation libre, resp.Qp-représentation) T de G1, l’application naturelle

E int� ˝E int M.T /!HomZpŒH1�

�T;Qp=Zp ˝Zp W.L/

��resp. E int

� ˝E int M.T /!HomZpŒH1�

�T;W.L/

�;

resp. E� ˝E M.T /!HomQpŒH1�

�T;W.L/Œ1=p�

��est un isomorphisme.

Pour tout '-module étale M défini sur OE et de torsion (resp. défini sur OE etlibre, resp. défini sur E), l’application naturelle

T .M/!HomE int� ;'

�E int� ˝E int M;Qp=Zp ˝Zp W.L/

��resp. T .M/!HomE int

� ;'

�E int� ˝E int M;W.L/

�;

resp. T .M/!HomE� ;'

�E� ˝E M;W.L/Œ1=p�

��est un isomorphisme.

2546 XAVIER CARUSO

DémonstrationOn ne démontre que la première partie du lemme, la seconde étant totalement ana-logue. On prouve tout d’abord le résultat lorsque T est une Zp-représentation annuléepar pn. On raisonne par récurrence sur n. Pour nD 1, le résultat à démontrer est exac-tement l’assertion du lemme 1.12 ; il n’y a donc plus rien à faire. Pour passer de n ànC1, on considère T une représentation annulée par pnC1. Elle s’insère dans la suiteexacte 0! pT ! T ! T=pT ! 0 qui donne naissance au diagramme suivant :

0 E int� ˝E int M.T=pT / E int

� ˝E int M.T / E int� ˝E int M.pT / 0

0 HomZpŒH1�

�T=pT;CW.L/

�HomZpŒH1�

�T;CW.L/

�HomZpŒH1�

�pT;CW.L/

où CW.L/DQp=Zp˝Zp W.L/. La ligne du haut est exacte car, d’une part, le fonc-teur M l’est et, d’autre part, E int

� est plat sur E int. Les flèches horizontales de gauche etde droite sont des isomorphismes par hypothèse de récurrence, et finalement la lignedu bas est exacte par exactitude à gauche du foncteur Hom. Une chasse au diagrammemontre alors que la flèche verticale centrale est aussi un isomorphisme.

Le cas où T est une Zp-représentation quelconque (toujours supposée de typefini comme Zp-module) s’obtient alors par passage à la limite, tandis que celui où Test une Qp-représentation s’en déduit en inversant p.

Il nous reste à définir des foncteurs dans les deux sens entre la catégorie desZp-représentations (resp. Qp-représentations) de GK et celle des .'; �/-modules sur.E int;E int

� / (resp. sur .E;E� /) puis à montrer que ceux-ci réalisent des équivalencesde catégories inverses l’une de l’autre. Pour cela, à la lumière du lemme précédent, ilsuffit de reprendre presque verbatim les constructions de la section 1.2.3, ce que nouslaissons en exercice au lecteur. On réécrit toutefois explicitement les deux propriétésessentielles qui façonnent la construction de ces foncteurs : primo, le '-module sous-jacent au .'; �/-module associé à une représentation T est M.T / et secundo, dans lecas où T est définie sur Zp par exemple, l’action de � sur E int

� ˝E int M.T / provientvia le lemme 1.18 de son action naturelle sur l’espace HomZpŒH1�.T;W.L//.

1.3.3. Variante déperfectiséeDe même qu’il était possible en caractéristique p de remplacer le corps L par lecorps plus petit Lnp D k..u; �//

sep, on peut, dans la situation relevée considérée ici,remplacer W.L/ par un anneau plus petit qui n’est pas parfait. Pour construire ceremplaçant, on définit en premier lieu l’anneau F int

np comme le complété p-adiquedu localisé de W ŒŒu; ��� en l’idéal premier p (cet idéal est bien premier car le quo-tient W ŒŒu; ���=pW ŒŒu; ��� s’identifie à kŒŒu; ��� qui est manifestement intègre). Clai-

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2547

rement, F intnp est un anneau de Cohen de k..u; �//. On définit alors F

int;sepnp comme

le complété p-adique de l’unique extension étale infinie de F intnp incluse dans W.L/

dont le corps résiduel s’identifie à Lnp ; c’est notre subtitut à W.L/. On pose E intnp;� D

.Fint;sep

np /H1 et Enp;� D E intnp;� Œ1=p�D Frac E int

np;� .Les arguments de la section 1.3.2 se généralisent directement à cette nouvelle

situation ; on en déduit que le théorème 1 de l’introduction est encore valable si onremplace E int

� et E� par E intnp;� et Enp;� respectivement. En d’autres termes, l’opérateur

� n’est pas uniquement défini sur E int� (resp. sur E� ) mais sur l’anneau plus petit E int

np;�

(resp. Enp;� ).Pareillement, on peut introduire des variantes partiellement déperfectisées de

W.L/, E int� et E� . Par exemple, en autorisant par exemple les racines pn-ièmes de �

(mais pas celles de u), on obtient par comme ceci les anneaux F intu�np, F

int;sepu�np , E int

u�np;�

et Eu�np;� qui joueront une rôle dans la suite de cet article (voir la démonstration dela proposition 2.21).

1.3.4. Deux exemplesLe premier exemple que nous aimerions présenter est celui d’une représentation T(définie au choix sur Fp , Zp ou Qp) dont la restriction au sous-groupe G1 est tri-viale, c’est-à-dire dont le '-module correspondant est trivial. Cette hypothèse est enréalité très restrictive car, si l’action du sous-groupe G1 est triviale, il en est néces-sairement de même de tous ses conjugués. Or, si s désigne le plus grand entier pourlequel le corps K admet une racine primitive ps-ième de l’unité, les conjugués deG1 engendrent ensemble le sous-groupe (distingué) d’indice fini Gs . En particulier,si K ne contient pas de racine primitive p-ième de l’unité (par exemple si son indicede ramification absolu e est strictement plus petit que p � 1), une représentation deGK , dont la restriction à G1 est triviale, est, elle même, triviale. Dans le cas général,l’action se factorise par le quotient GK=Gs qui est un groupe cyclique de cardinal ps

engendré par l’image de � .Autrement dit, se donner une représentation T dont la restriction à G1 est tri-

viale, revient à se donner un automorphisme � de T d’ordre ps . Le .'; �/-module Massocié à T se décrit alors comme suit (la vérification est immédiate et laissée au lec-teur) : on a M D E int ˝Zp T et l’automorphisme �M sur E int

� ˝E int M D E int� ˝Zp T

est � ˝ � .Venons-en maintenant à notre second exemple, qui est celui du caractère cyclo-

tomique, ou plus généralement d’une de ses puissances. En réalité, cet exemple a ététraité par Liu dans son article [17] (voir exemple 3.2.3) au cours de son étude desréseaux dans les représentations semi-stables. Comme le calcul n’est pas évident etdemande de connaître un peu de théorie de Hodge p-adique, nous préférons nouscontenter ici de donner le résultat en renvoyant à [17] pour la preuve.

2548 XAVIER CARUSO

Soit t 2 W.R/ un élément non divisible par p vérifiant '.t/ D c�1E.u/t oùc D E.0/

pest un élément inversible dans Zp (on rappelle, à toutes fins utiles, que

E.u/ désigne le polynôme minimal sur W Œ1=p� de l’uniformisante � choisie, et quec’est donc un polynôme d’Eisenstein). L’existence d’un tel élément t découle du cal-cul de [17] mais peut aussi se voir comme la conséquence du lemme 2.7 qui seradémontré dans la suite.� Avec ces notations, le .'; �/-module associé à la représenta-tion Zp.n/ (avec n 2 Z), c’est-à-dire la représentation T D Zpw où l’action de Galoisest donnée par gw D �.g/nw, est engendré par la fonction f W T ! E int;ur, w 7! tn.Concrètement, il est décrit par les formules suivantes :

M D E int � f I '.f /D c�nE.u/n � f et �.f /D��.t/

t

�n� f:

Les éléments t, �.t/ et E.u/ sont inversibles dans E int, de sorte que les égalités pré-cédentes ont bien un sens, même lorsque n est négatif. Les .'; �/-modules correspon-dant à Fp.n/ et Qp.n/ sont donnés par des formules analogues.

2. Réseaux dans les .'; �/-modulesNous avons démontré dans la section précédente que la catégorie des Zp-représentations galoisiennes de GK est équivalente à celle des .'; �/-modules sur.E int;E int

� /. Ce résultat peut paraître satisfaisant, mais il se heurte néanmoins à unproblème pratique important lié au fait que l’anneau E int

� est difficile à manipulerconcrètement. On peut certes écrire ses éléments comme des séries, mais celles-cirequièrent une infinité de variables et des conditions de convergence subtiles.

Dans cette partie, nous aimerions montrer en quoi l’introduction de réseaux à l’in-térieur des .'; �/-modules permet d’apporter des éléments de réponse au problèmeprécédent. Nous commençons par introduire la notion de réseau dans les '-modulesétales dans la section 2.1, puis montrons dans le section 2.2 comment celle-ci peut êtreutilisée pour établir des bornes explicites portant sur la ramification des représenta-tions galoisiennes. Forts de ces résultats préliminaires, nous en arrivons ensuite, dansle section 2.3, au cœur de notre problème en introduisant la notion de .'; �/-réseaupuis en démontrant le théorème 2.24 qui donne des contraintes fortes sur la formedes éléments de E int

� — et notamment de leur représentation sous forme de séries —qui interviennent dans l’expression de l’automorphisme � (par exemple sous formematricielle dans le cas d’un module libre).

�Le même lemme assure également que la condition '.t/D c�1E.u/t détermine t à multiplication près parun élément inversible de Zp .

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2549

2.1. Réseaux dans les '-modules étales

2.1.1. Définitions et rappelsComme dans [11], on pose SDW ŒŒu��. Cet anneau se plonge naturellement dans E int

et dans W.R/ en envoyant comme d’habitude u sur le représentant de Teichmüller de� . En particulier, S apparaît comme un sous-anneau de l’intersection E int \W.R/,et on démontre en fait facilement qu’il s’identifie à cette intersection. Il est clair parailleurs que le Frobenius (agissant sur W.L/ par exemple) stabilise S, et que ce der-nier anneau est également stable par l’action de G1.

Définition 2.1Soit M un '-module étale défini sur E int. Un '-réseau dans M est la donnée d’unsous-S-module de type fini M de M qui est stable par ' et qui est tel que E int ˝S

MDM .

Remarque 2.2Dans le cas oùM est un module libre sur E int, on se restreindra souvent aux '-réseauxqui sont eux-même libres (de type fini et même rang) sur S. Ce n’est en fait pas unevéritable restriction car il suit du théorème de structure des modules sur S (voir, parexemple, [13, chapitre 5, théorème 3.1] pour un énoncé de ce théorème) que si M estun '-réseau quelconque dans M , alors .E int˝S M/\MŒ1=p� est un '-réseau libre.

Voici une autre définition importante qui est essentiellement dûe à Fontaine etqui, en un certain sens, mesure la complexité d’un réseau.

Définition 2.3Soit M un '-réseau à l’intérieur d’un '-module étale sur E int. Soit encore U unélément de W.R/ et h un nombre entier positif ou nul.

On dit que M est de hauteur divisant U (resp. de U -hauteur � h pour un certainentier h) si le conoyau de l’application id˝ ' WW.R/˝';S M!W.R/˝S M estannulé par U (resp. U h).�

Finalement, on dit que M est de U -hauteur finie s’il est de U -hauteur � h pourun certain entier h.

Remarque 2.4La définition précédente de la hauteur a, en réalité, surtout un intérêt lorsque U 2S,auquel cas on peut se contenter de vérifier que le conoyau de id˝ ' WS˝';S M!

M est annulé par U (sans aller jusqu’à étendre les scalaires à W.R/). Toutefois,

�On notera en particulier que les locutions « de U -hauteur � 1 » et « de hauteur divisant U » sont synonymes.

2550 XAVIER CARUSO

lorsque, dans la suite, nous manipulerons les .'; �/-réseaux, nous aurons besoin àplusieurs reprises de considérer des U … S, et c’est pourquoi nous avons préférédonner directement la définition générale précédente.

Dans le cas des '-modules de p-torsion, on a le lemme suivant qui dénote uncomportement exemplaire des réseaux.

LEMME 2.5Tout '-module étale sur E int annulé par une puissance de p admet un '-réseau.

Tout '-réseau dans un '-module étale sur E int qui est annulé par une puissancede p est de u-hauteur finie.

DémonstrationLa première assertion résulte de la remarque suivante qui découle directement de ladéfinition de E int : si M est un réseau quelconque dans un '-module étale sur E int

annulé par une puissance de p, alors il existe un entier n tel que unM soit stablepar '.

La seconde assertion, quant à elle, peut se voir comme une conséquence duthéorème de classification des modules sur S D W ŒŒu��. En effet, étant donné un'-réseau M comme dans la définition, le théorème en question assure que le conoyaude id˝ ' WS˝';S M!M est de longueur finie comme S-module. Il suffit alorspour conclure de remarquer que u n’est pas inversible dans S.

Les résultats du lemme précédent ne s’étendent pas au cas des '-modules libressur E int. Dans la section 2.1.2 ci-après, nous examinerons l’équivalent de la premièrepartie du lemme. En ce qui concerne la deuxième partie du lemme, nous attironsl’attention du lecteur sur le fait trivial suivant : tout '-réseau vivant dans un '-moduleétale libre est de hauteur divisant U pour un certain U 2S (il suffit de prendre pourU le déterminant de ' agissant sur le réseau). Par contre, il n’est pas vrai que U peuttoujours être choisi de la forme un pour un certain entier n.

2.1.2. Un critère pour l’existence de '-réseauxSoit M un '-réseau étale libre sur E int. Soit T la Zp-représentation de G1 qui luicorrespond. Les données T et M sont alors liées par la formule M DHomZpŒG1�.T;

E int;ur/. Une structure entière naturelle à l’intérieur de M (et donc un candidat po-tentiel pour être un réseau) est l’espace MDHomZpŒG1�.T;S

ur/ où Sur DW.R/\

E int;ur.

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2551

PROPOSITION 2.6En reprenant les notations précédentes, les conditions suivantes sont équivalentes :

1. le sous-module M de M est un '-réseau ;

2. le '-module M admet un '-réseau qui est libre sur S ;

3. le '-module M admet un '-réseau.

DémonstrationLe lemme 2.1.10 de [11] montre que la première condition implique la deuxième.Comme cette dernière implique clairement la troisième, il suffit de montrer que latroisième condition implique la première. Soit M0 un '-réseau dans M (qui existe,par hypothèse). La première étape consiste à démontrer que M0 est inclus dans M. Onconsidère les éléments de M0 comme des morphismes Zp-linéaires et G1-équivariants de T dans E int;ur. Soit X le sous-S-module de E int;ur engendré par lesimages des éléments de M0. Il est stable par ' (puisque M0 l’est) et de type fini surS (puisque M0 l’est). On en déduit qu’il est inclus dans W.R/, ce qui implique ceque l’on avait annoncé. La conclusion s’obtient maintenant facilement. En effet, del’inclusion M0 �M, on déduit que E int;ur˝S M contient E int;ur˝S M0 DM et, parsuite, que M est un '-réseau de M .

La proposition précédente permet en particulier de montrer que certaines repré-sentations T correspondent à des '-modules n’admettant pas de '-réseau. C’est parexemple le cas de la représentation Zp.�1/, comme nous nous proposons de le véri-fier pour conclure ce numéro. Soit w un générateur de Zp.�1/. D’après le deuxièmeexemple traité dans la section 1.3.4, le '-module associé M est engendré par la fonc-tion f W Zp.�1/! E int;ur, w 7! V �1 où V vérifie l’équation '.V /D c�1E.u/V etoù, dans cette dernière égalité, E.u/ désigne le polynôme minimal de l’uniformisante� et c D E.0/

p2 Z�p . D’après la proposition 2.6, pour montrer que M n’admet pas de

'-réseau, il suffit de montrer qu’aucun élément non nul de M ne prend ses valeursdans W.R/. Autrement dit, il suffit de montrer que E int \ V W.R/ est réduit à 0.

On pose S0 D E int \ V W.R/. De V W.R/ � W.R/, on déduit facilement queS0 � S. Il est clair par ailleurs que cette inclusion induit un morphisme injectifS0=pS0 ! S=pS D kŒŒu��. On en déduit que S0=pS0 est un kŒŒu��-module librede rang � 1, et donc que S0 est un S-module libre de rang � 1. Soit a un élément deS, éventuellement nul, qui engendre S0. D’après une variante du théorème de pré-paration de Weierstrass (voir, par exemple, [13, chapitre 5, théorème 2.1]), on peutsupposer que a est un polynôme ; on le note à partir de maintenant A.u/. Soit A

le polynôme obtenu à partir de A en appliquant le Frobenius à chacun de ses co-efficients. On a '.A.u//D A .up/. D’autre part, on vérifie que le quotient '.A.u//

E.u/

appartient encore à S0. Il en résulte que A.u/E.u/ divise A .up/ dans S. Les élé-

2552 XAVIER CARUSO

ments de S définissant des séries convergentes sur le disque de centre 0 et de rayon1, la divisibilité trouvée implique que le polynôme A s’annule en �p . Par la théoriedes polygones de Newton, il en résulte que A s’annule en un élément de valuation p,à partir de quoi on trouve que A admet une racine de valuation p2. Par récurrence,on démontre que A admet une racine de valuation pn pour tout entier n. Ceci n’estévidemment possible que si A.u/ est le polynôme nul, c’est-à-dire si S0 D 0. On adonc finalement bien demontré ce que l’on souhaitait.

2.1.3. Calcul de la représentation galoisienne associéeOn fixe un '-module M sur E int, ainsi qu’un '-réseau M à l’intérieur de M . Onsuppose, au choix, que M est annulé par pn pour un certain n ou que M est librecomme module sur E int. Dans le deuxième cas, on pose nD1, et on convient queW1.R/ D W.R/. Soit T .M/ la représentation galoisienne associée à M . Dans ceparagraphe, nous donnons plusieurs formules permettant de calculer T .M/ directe-ment à partir de M. La plus simple consiste évidemment à commencer par retrouverM en étendant les scalaires à E int, ce qui conduit à l’expression suivante :

T .M/DHomE int;'.Eint˝S M;E int;ur=pnE int;ur/:

Toutefois, on aimerait justement éviter cette solution, car l’un des intérêts d’utiliserdes réseaux est bien sûr de travailler avec S à la place de E int. La proposition B.1.8.3de [10] permet de faire cela. Elle implique par exemple que

T .M/DHomS;'

�M;Wn.R/\ E int;ur=pnE int;ur

�DHomS;'

�M;Wn.R/

�: (2.1)

Cette formule implique en particulier que tout morphisme de M dans Wn.R/ qui estcompatible à ' prend nécessairement ses valeurs dans E int;ur=pnE int;ur (ce que l’onpeut démontrer directement sans difficulté).

En s’inspirant de [6], on peut enfin donner une troisième description de T .M/

qui fait intervenir non pas Wn.R/, mais plutôt certains de ces quotients. Cette idée,qui pourrait sembler inutilement complexe à première vue, va en fait s’avérer trèsfructueuse tout au long de ce chapitre (comme elle l’a déjà d’ailleurs été dans [6]) :elle sera la clé pour obtenir des bornes sur la ramification dans la section 2.2, maisaussi dans la section 2.3.3 lorsque l’on s’évertuera à établir des congruences afin depréciser la forme de l’opérateur � . On se donne à partir de maintenant un élémentU 2 W.R/ qui n’est pas multiple de p et on suppose que M est de hauteur divi-sant U .

LEMME 2.7Il existe un élément V 2W.R/ qui n’est pas multiple de p et qui vérifie '.V /D UV .

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2553

DémonstrationOn construit V par approximations successives : par récurrence, on construit unesuite .Vn/n�1 d’éléments de W.R/ telle que VnC1 � Vn .mod pn/ et '.Vn/� UVn.mod pn/ pour tout n. Pour construire V1, il suffit d’extraire une racine .p� 1/-ièmede U dans R, ce qui est possible puisque FracR est algébriquement clos et que Rest intégralement clos. Si maintenant Vn est construit, on cherche VnC1 sous la formeVnC p

nX avec X 2W.R/. La condition que doit vérifier X s’écrit

'.X/�UX �UVn � '.Vn/

pn.mod p/:

Si x et a désignent respectivement la réduction de X et UVn�'Vnpn

modulo p, trouverX revient à résoudre l’équation xp �Ux D a dans R. Or, par le même argument queprécédemment, cette équation a bien une solution dans R, et la récurrence se termineainsi. Enfin V D limn!1 Vn existe et vérifie '.V /D UV .

Remarque 2.8Il est évident que si V vérifie '.V / D UV et si a 2 Zp , alors aV vérifie la mêmeéquation. Un examen de la preuve précédente montre que ce sont les seuls. Autrementdit, l’ensemble des solutions de l’équation '.V / D UV est un Zp-module libre derang 1. On notera en particulier que l’idéal engendré par V est uniquement déterminéen fonction de U .

On rappelle que l’on a noté mR l’idéal maximal de R, c’est-à-dire l’idéal formédes éléments de R de valuation strictement positive. Pour tout élément X 2W.R/,on pose

TX .M/DHomS;'

�M;Wn.R/=

�X �Wn.mR/

��:

La réduction modulo X �Wn.mR/ définit des morphismes canoniques X W T .M/!

TX .M/ et Y;X W TY .M/! TX .M/ pour tout Y 2W.R/ multiple de X . En particu-lier, on a le diagramme suivant,

T .M/

UV V

TUV .M/UV;V

TV .M/

qui est manifestement commutatif.

PROPOSITION 2.9Le morphisme V est injectif, et son image s’identifie dans TV .M/ à l’image de UV;V

2554 XAVIER CARUSO

DémonstrationOn démontre d’abord l’injectivité. Soient f et g deux éléments de T .M/ tels quef � g .mod V �Wn.mR//. Étant donné que M est de type fini, il existe un nombreréel � > 0 tel que la congruence f � g ait lieu modulo V � Wn.a

��R ) où a

��R dé-

signe l’idéal des éléments de R de valuation � �. On pose I DWn.a��R ) ; on a alorsT

i�0 'i .I /D 0 et '.I /� I . Pour tout entier i , on pose Ii D V'i .I / et on note fi

(resp. gi ) la réduction de f (resp. de g) modulo Ii . On va montrer, par récurrence,que fi D gi pour tout entier n. Puisque

Ti�0 Ii D 0, il en résultera que f D g, et

donc l’injectivité souhaitée. L’égalité f0 D g0 ayant déjà été justifiée, il suffit de trai-ter l’hérédité. Soit WM! S ˝';S M, x 7! .id ˝ '/�1.Ux/. Le morphisme finduit alors une application linéaire :

id˝ fi WS˝';S M!S˝';SWn.R/

IiWn.R/D

S˝S;' Wn.R/

'.Ii /Wn.R/D

S˝';SWn.R/

UIiC1Wn.R/:

Le fait que f commute à ' implique la commutativité du diagramme suivant :

S˝';S M

id˝fi

M x 7!Ux

M

f modUIiC1

S˝';SWn.R/

UIiC1Wn.R/

id˝' Wn.R/UIiC1Wn.R/

(2.2)

Comme on a bien sûr un diagramme analogue pour g, on déduit que l’égalité fi D giimplique

U � .f modUIiC1/D U � .gmodUIiC1/;

et donc finalement fiC1 D giC1 en divisant par U (qui n’est pas diviseur de zéro dansWn.R/).

On en vient maintenant à la preuve de la propriété concernant les images. SoitfUV un élément de TUV .M/. Il s’agit de démontrer que UV;V .fUV /, qui est uneapplication de M dans Wn.R/=V �Wn.mR/ compatible au Frobenius, se relève enun morphisme M!Wn.R/ encore compatible au Frobenius. Étant donné que M estde type fini, il existe un idéal I comme précédemment tel que fUV se relève en unmorphisme fUVI WM!W.R/=UVI . On pose f0 D fUVI modI0. On va construirepar récurrence sur i , une suite d’applications fi WM!Wn.R/=IiWn.R/ telles quefiC1 � fi .mod Ii / pour tout i . Le diagramme (2.2) assure que, si l’on pose

˛i D .id˝ '/ ı .id˝ fi / ı WM!W.R/=UIiC1;

un bon candidat pour fiC1 est ˛iU

. Mais pour pouvoir le définir ainsi, il faut montrerau préalable que U divise ˛i . Or, ce dernier fait est vrai et suit des deux remarques

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2555

suivantes : primo, comme f0 se rélève modulo UVI (le relève étant donné par fUVI ),l’élément U (et même en fait UV ) divise ˛0, et secundo, comme fi � f0 .mod V /,on a ˛i � ˛0 .mod UV /. On peut donc bien considérer l’application ˛i

Uqui est défini

sur M mais, à cause de la division par U , prend ses valeurs dans W.R/=IiC1 (etpas W.R/=UIiC1 comme c’était le cas pour ˛i ). Enfin, de la congruence fi�1 �fi .mod Ii�1/, on déduit ˛i�1 � ˛i .mod '.Ii�1//, puis fi � fiC1 .mod Ii / étantdonné que '.Ii�1/ D UIi . Enfin, en passant à la limite, on obtient une applicationf WM!W.R/ qui relève f0 et qui commute à '. Lorsque nD1, la propositionrésulte de ce qui précède à l’aide d’un passage à la limite.

Il suit de la proposition précédente que T .M/ s’identifie à l’image de UV;V etdonc, comme nous l’avions annoncé, nous avons bien obtenu une description de cettereprésentation galoisienne qui ne fait pas intervenir Wn.R/ lui-même mais seulementdeux de ces quotients.

2.2. Bornes pour la ramificationSans surprise, le but de ce numéro est de démontrer le théorème 2 de l’introduction.On commence par quelques brefs rappels au sujet des filtrations de ramification dansla section 2.2.1. Les deux sections suivantes sont consacrés à la preuve du théorème,tandis que dans la section 2.2.4, on établit une réciproque partielle.

2.2.1. Rappels sur les filtrations de ramificationSoit � un corps complet pour une valuation discrète dont le corps résiduel est parfaitde caractéristique p (dans les applications qui nous intéressent, on prendra � D Kou � D F0 D k..u//). Pour toute extension finie �0 de �, on appelle v�0 la valuationsur �0 normalisée par v�0.�0?/D Z. Si �0 est une extension galoisienne finie de � degroupe de Galois G, la filtration de ramification en numérotation inférieure de G estla filtration .G. // 2RC définie comme suit :

G. / D® 2Gjv�0

� .x/� x

�� ;8x 2O�0

¯où O�0 est l’anneau des entiers de �0. Les G. / sont des sous-groupes distingués deG, et la filtration qu’ils forment est décroissante, exhaustive et séparée. On introduitencore la fonction '�0=� WRC!RC définie par

'�0=�./D

Z

0

CardG.t/CardG.1/

dt:

C’est une fonction affine par morceaux, concave et bijective, dont on note �0=� l’in-verse. La filtration de ramification en numérotation supérieure est définie par l’égalité

2556 XAVIER CARUSO

G.�/ DG. �0=�.�// pour tout réel �� 0. On renvoie à [18, Chapitre IV] pour les pro-priétés usuelles la concernant, et en particulier le théorème d’Herbrand. La filtrationde ramification en numérotation supérieure s’étend à une extension galoisienne �0=�non nécessairement finie en posant

Gal.�0=�/.�/ D lim ��00

Gal.�00=�/.�/

où la limite projective est prise sur toutes les extensions finies galoisiennes �00 de� incluses dans �0. Dans le cas où �0=� est une extension algébrique séparable nongaloisienne, on ne peut certes pas définir de filtration sur le groupe de Galois puisquecelui-ci n’existe pas mais les fonctions '�0=� et �0=� , elles, ont encore un sens ; onpeut les définir, par exemple, grâce aux formules

�0=�.�/D

Z �

0

ŒI� W I�0G.t/� � dt et '�0=� D

�1�0=�

où I� et I�0 sont respectivement les sous-groupes d’inertie des groupes de Galoisabsolus de � et �0 (voir [21, Section 1.2.1]). La théorie qui vient d’être rappelée briè-vement s’applique en particulier aux corps � DK et � D F0. Les groupes de Galoisabsolus GK et Gal.F sep

0 =F0/'G1 héritent ainsi d’une filtration de ramification ennumération supérieure.

2.2.2. Bornes pour les représentations de G1On démontre dans ce paragraphe l’assertion 1 du théorème 2. Soient M un '-moduleM sur E int annulé par pn, et M un '-réseau deM de hauteur divisant U , pour un élé-ment U 2S qui n’est pas multiple de p. Comme dans l’énoncé du théorème, on noteT la représentation galoisienne associée à ces données et on pose hD vR.U modp/.Pour tout nombre réel v � 0 et tout anneau A muni d’une valuation (par exempleA� R), on note encore a>vA l’idéal des éléments de A de valuation strictement plusgrande que v. Enfin, si F est une extension algébrique de F0, on désigne par OFson anneau des entiers. Dans le cas où F est inclus dans F sep

0 , on a simplementOF D F \R.

Comme cela se fait usuellement dans ce genre de situations, on va utiliser lapropriété .Pm/ de Fontaine (introduite dans [9, Proposition 1.5]). Rappelons qu’icim est un nombre réel positif ou nul et que, par définition, une extension F de F0vérifie .Pm/ si et seulement si pour toute extension algébrique E de F0, s’il existeun morphisme de OF0 -algèbres OF ! OE=a

>mE , alors il existe un F0-plongement

de F dans E . Le lien avec la filtration de ramification en numérotation supérieure estdonnée par la proposition suivante qui, dans cette formulation, est dûe à Yoshida (voir[22]).

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2557

PROPOSITION 2.10Soit F une extension finie galoisienne de F0 de groupe de Galois G. On définit

– l’entierm0 comme la borne inférieure des réelsm tels que .Pm/ soit satisfaite,et

– l’entier �0 comme la borne inférieure des réels � tel que G.�/ D ¹idF º.Alors m0 D �0.

Notons W G1 ! GL.T / le morphisme donnant l’action de G1 sur T , et Fl’extension finie galoisienne de F0 qui est en correspondance avec le sous-groupedistingué ker deG1. D’après la proposition précédente, pour démontrer la premièreassertion du théorème 2, il suffit de prouver que l’extension F vérifie la propriété.Pm/ pour mD hpn

p�1.

LEMME 2.11Soit E une extension de F0 incluse dans F sep

0 . Alors l’application injective naturelle

HomS;'

�M;Wn.OE /

�!HomS;'

�M;Wn.R/

�D T

(déduite de l’inclusion Wn.OE /!Wn.R/) est un isomorphisme si et seulement si Econtient F .

DémonstrationIl est clair que si l’application du lemme est un isomorphisme, alors le groupe deGalois absolu de E agit trivialement sur T . D’où F � E . Pour la réciproque, onremarque qu’en vertu de l’égalité (2.1), on sait que tous les morphismes f WM!Wn.R/ compatibles à ' prennent leurs valeurs dans E int;ur et donc, en particulier, dansWn.OF sep

0/. Par ailleurs, par définition de F , son groupe de Galois absolu GF agit

trivialement sur T , ce qui implique que tous les morphismes f comme précédemmentprennent leurs valeurs dans Wn.OF sep

0/GF D Wn.OF /. Il en résulte que, si F � E ,

l’application du lemme est bien bijective.

Pour tout réel v � 0, on introduit à présent le sous-ensemble Wn.a>vR / de Wn.R/formé des éléments dont toutes les coordonnées sont dans a>vR . C’est un idéal deWn.R/, et le quotient deWn.R/=Wn.a>vR / s’identifie àWn.R=a>vR /. D’après le lemme2.7, il existe V 2 W.R/, non multiple de p, tel que '.V / D UV . On fixe un telélément V ; il vérifie V p�1 � U .mod p/, ce qui implique que vR.V modp/ Dhp�1

.

2558 XAVIER CARUSO

LEMME 2.12On a Wn.a>mR /� UV �Wn.mR/ pour mD hpn

p�1.

DémonstrationOn raisonne par récurrence sur n et donc, pour éviter les confusions, on notera m.n/à la place de m tout au long de la démonstration. Pour n D 1, on remarque quevR.UV modp/Dm.1/ et donc que les deux idéaux considérés sont égaux. On sup-pose à présent que l’inclusion Wn.a

>m.n/R /� UV �Wn.mR/ est satisfaite et on consi-

dère un élément X D .x1; : : : ; xnC1/ 2WnC1.a>m.nC1/R /. On veut montrer que X 2

UV �WnC1.mR/. Soient 2R un élément quelconque de valuation hp et Œ� 2W.R/son représentant de Teichmüller. Un calcul immédiat sur les valuations montre que lescomposantes du vecteur de Witt de longueur n suivant,

1

Œ�.x1; : : : ; xn/D

�x1;x2

p; : : : ;

xn

pn�1

�;

sont toutes dans a>m.n/R . L’hypothèse de récurrence s’applique donc et assure qu’il

existe Y 2Wn.mR/ tel que 1Œ �.x1; : : : ; xn/D UV Y . On note encore Y un élément

de WnC1.mR/ qui relève Y et on pose

�D .x1; : : : ; xn; xnC1/� Œ�UV Y:

Les n premières coordonnées de � sont nulles, tandis que, si on pose Œ�UV Y D.z1; : : : ; znC1/, la dernière coordonnée de � s’exprime comme un polynôme homo-gène de degré pn en les x1; : : : ; xnC1; z1; : : : ; znC1, à condition de donner le poidspi�1 aux variables xi et zi . Comme, en outre, zi s’écrit comme le produit de p

i

par un élément de mR, on en déduit que la dernière coordonnée de � est de valua-tion strictement supérieure à m.nC 1/. Ainsi, � appartient à pnUV �WnC1.mR/ etdonc a fortiori de UV �WnC1.mR/. Il s’ensuit enfin queX 2 UV �WnC1.mR/ commevoulu.

Nous sommes prêts à vérifier la propriété .Pm/ pour le corps F et le nombrem D max.1; hp

n

p�1/. Soit E une extension algébrique de F0 incluse dans F sep

0 . Soitégalement f WOF !OE=a

>mE un morphisme de OF0 -algèbres. On considère la com-

posée suivante :

‰V W T DHom�M;Wn.OF /

�!Hom

�M;Wn.OF =a

>mF /

�!Hom

�M;Wn.OE=a

>mE /

�!Hom

�M; Wn.OE /

UVWn.mR/\Wn.OE /

�!Hom

�M; Wn.OE /

VWn.mR/\Wn.OE /

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2559

où la deuxième flèche est induite par f et l’existence de la troisième résulte dulemme 2.12. Une adaptation de la proposition 2.9 assure que, pour tout F 2 T , ilexiste une unique application E 2Hom.M;Wn.OE // telle que ‰V . F / s’identifieà E modV Wn.mR/\Wn.OE /. Ceci permet de construire un morphisme ‰ W T !Hom.M;Wn.OE // relevant ‰V .

LEMME 2.13Le morphisme ‰ précédent est injectif.

DémonstrationOn raisonne par récurrence sur n. Pour n D 1, on considère uF une uniformisantede F . Son polynôme minimal sur F0 est un polynôme d’Eisenstein que l’on note P .L’élement x D f .uF / 2 OE=a

>mE est alors une racine de P . Comme m � 1, le

coefficient constant de P ne s’annule pas dans OE=a>mE . On en déduit que x a

la même valuation que uF puis que f induit une application injective fh=.p�1/ W

OF =a>h=.p�1/E !OE=a

>h=.p�1/E . Ainsi le morphisme

Hom�M; OE

VmR\OE

�DHom.M;OE=a

>h=.p�1/E /

!Hom.M;OF =a>h=.p�1/F /DHom

�M; OF

VmR\OF

�est, lui aussi, injectif, ce qui permet de conclure.

Pour l’hérédité, on suppose que M est annulé par pnC1 et on considère la suiteexacte 0! pM!M!M=pM! 0. Les modules pM et M=pM sont encore des'-réseaux à l’intérieur, respectivement de pM et M=pM . En outre, ils sont tous lesdeux de hauteur divisible par U . En effet, c’est évident pour M=pM et, pour pM,on raisonne comme suit. On note tout d’abord que l’application id˝ ' WW.R/˝';SM=pM!W.R/˝SM=pM est injective, ce qui implique que le morphisme suivantinduit par l’inclusion naturelle de pM dans M :

coker�id˝ ' WW.R/˝';S .pM/!W.R/˝S .pM/

��! coker

�W.R/˝';S M!W.R/˝S M

�est, lui aussi, injectif. Comme l’espace d’arrivée est annulé par U , on en déduit qu’ilen est de même de l’espace de départ, ce qui veut bien dire que pM est de hauteurdivisant U . On considère maintenant le diagramme suivant :

2560 XAVIER CARUSO

0 T .M=pM/ T .M/ T .pM/ 0

Hom.M=pM;OE / Hom�M;WnC1.OE /

�Hom

�pM;Wn.OE /

0 T .M=pM/ T .M/ T .pM/ 0

où les flèches verticales du haut sont les morphismes‰ correspondant respectivementà M=pM, M et pM, et les flèches verticales du bas sont les inclusions canoniques.Par hypothèse de récurrence, on sait que les flèches verticales en haut à gauche et enhaut à droite sont injectives. Un chasse au diagramme termine alors la récurrence.

Il est maintenant aisé de conclure. Du lemme 2.13, il découle que l’ensembleHom.M;Wn.OE // a au moins autant d’éléments que T . L’inclusion naturelleHom.M;Wn.OE //! T est donc nécessairement une bijection. Le lemme 2.11 as-sure que E contient F , ce qui est exactement ce qu’il fallait vérifier pour établir lapropriété .Pm/.

2.2.3. Bornes pour les représentations de GKExpliquons à présent comment la deuxième partie du théorème 2 se déduit de la pre-mière. On rappelle tout d’abord que la théorie du corps des normes ne se contente pasde fournir un isomorphisme canonique entre les groupes G1 et GF0 D Gal.F sep

0 =

F0/, mais qu’elle compare aussi les filtrations de ramification en numérotation supé-rieure. Précisément, le corollaire 3.3.6 de [21] affirme que pour tout réel � � 0, les

groupes G.�/F0et G1 \G

.'K1=K .�//

K se correspondent via l’isomorphisme du corpsdes normes. De surcroît, la fonction 'K1=K a été calculée dans [6, Section 4.3]. Voicisa représentation graphique :

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2561

où s D 1Ceps

p�1et �s D 1C e.sC 1

p�1/. Si l’on souhaite une formule explicite, on

peut écrire, pour tout � 1,

'K1=K./D 1C esC e �� p¹sºp � 1

� ¹sº�

(2.3)

où s D logp..p�1/. �1/

e/� 1 et où ¹sº désigne sa partie décimale. On voit en particu-

lier que pour sur l’intervalle Œ1;C1Œ, la fonction 'K1=K s’écrit comme la sommede la fonction 7! e � logp et d’une fonction bornée.

Rappelons qu’au début de l’introduction, nous avions défini l’extensionK.�p1/=K obtenue en ajoutant toutes les racines primitives pn-ième de l’unité etque nous avions posé � DGal.K.�p1/=K/. Le caractère cyclotomique � identifie �à un sous-groupe d’indice fini de Z�p . Ce groupe est, par ailleurs, muni de la filtrationde ramification en numérotation supérieure, notée .�.s//s�0 dans la suite.

LEMME 2.14Il existe une constante c0.K/� 0 ne dépendant que de K telle que pour tout � 2 � ,on ait � 2 �.1Ces�c0.K// où s est la valuation p-adique de �.�/� 1.

DémonstrationLe lemme est une conséquence directe d’un théorème très général de Sen (voir [19]).Nous donnons toutefois ci-dessous une autre démonstration, plus élémentaire. Si lecorps K n’est pas absolument ramifiée, le lemme résulte d’un calcul classique quel’on peut trouver par exemple dans [18, Chapitre IV, Section 4] ; on peut alors mêmechoisir c0.K/D 0 (attention au décalage d’indice dans la numérotation des groupesde ramification entre notre convention et celle de [18]).

Pour le cas général, on poseK 0 DW Œ1=p� (c’est la sous-extension maximale nonabsolument ramifiée de K) et � 0 D Gal.K 0.�p1/=K 0/' Z�p . Le groupe � apparaîtnaturellement comme un sous-groupe de � 0 et d’après le théorème d’Herbrand, on al’égalité

�.�/ D � \ .� 0/.'K0=K .�//:

Ainsi, en utilisant le cas déjà traité d’un corps de base non absolument ramifié, on ob-tient � 2 �. K0=K .1Cs//. Or à partir d’un certain moment, la fonction K0=K est affinede pente e. On en déduit qu’il existe une constante c0.K/ � 0 telle que K0=K.1Cs/� 1C es � c0.K/. Le lemme s’ensuit.

Remarque 2.15Dans le cas où l’extension K=K 0 est modérément ramifiée — c’est-à-dire dans lecas où e est premier avec p —, la fonction K0=K vaut l’identité sur Œ0; 1�, et est

2562 XAVIER CARUSO

tout de suite après affine de pente e. On en déduit que, dans ce cas, on peut prendrec0.K/D 0, c’est-à-dire que � 2 �.1Ces/.

Étant donné que l’image de � W � ! Z�p est d’indice finie dans Z�p , il existe un

entier s0.K/ — ne dépendant bien sûr que de K — tel que 1C ps0.K/Zp � �.�/.Soit s un nombre entier vérifiant :

s � s0.K/ et s >c0.K/

eCmax

� 1

p � 1;nC logp

�he

��: (2.4)

On choisit en outre un élément � 2 GK tel que c.�/ D 1 et �.�/ D 1. Soient � unnombre réel > 1C e.s C 1

p�1/ et g 2 G.�/K . D’après ce que l’on sait à propos de la

ramification de l’extensionK1=K , on a g 2Gs . D’après le lemme 1.2 et la discussionmenée à la section 1.1.3, quitte à modifier un peu � , on peut écrire g sous la formeg D �ag0 pour un certain g0 2 G1. Du fait que g fixe Ks point par point, on déduitqu’il en est de même pour �a, et donc que ps divise a. Par ailleurs, puisque s estchoisi supérieur ou égal à s0.K/, il existe un élément � 2 � tel que �.�/D 1C a.L’autre inégalité supposée sur s (voir formule (2.4)), quant à elle, implique, avec lelemme 2.14, que � 2 �.�0/ avec �0 D 1C e �max. 1

p�1; nC logp.

he//. Par ailleurs,

étant donné que les extensions K1=K et K.�p1/=K sont linéairement disjointes,le groupe de Galois Gal.K1.�p1/=K1/ s’identifie canoniquement à � . Via cetteidentification, on a en outre l’égalité

Gal�K1.�p1/=K1

�\G

.�0/K D �.�0/:

On en déduit que � (qui, pour l’instant, vit dans �) se relève en un élement de GKqui appartient à G1 \G

.�0/K . À partir de maintenant, on fixe � un tel relevé ; il vé-

rifie encore �.�/D 1C a. La relation de commutation �� � ��.�/� .mod H1/ en-traîne donc l’existence d’un élément g00 2H1 tel que �a D ����1��1g00. On a alorsl’écriture g00g0 D .����1/ � ��1 � g, de laquelle on déduit que g00g0 2G.�0/K (puisque

�> 1C e.sC 1p�1

/ > �0). Ainsi g00g0 2G1 \G.�0/K DG

K1=K.�0/1 . Or, un calcul

facile basé sur la formule (2.3) montre que K1=K.�0/ >max.1; hpn

p�1/. L’assertion

1 du théorème 2 implique alors que g00g0 agit trivialement sur T . Comme, de même,� était élément de G1 \G

.�0/K , il agit aussi trivialement sur T . Ainsi, de l’écriture

gD ����1��1 � .g00g0/, on déduit que g, à son tour, agit trivialement sur T . Commececi est valable pour tout g 2 G.�/K , tout � > 1C e.s C 1

p�1/ et tout s vérifiant les

inégalités (2.4), on a finalement démontré qu’en posant�

c.K/D 1Ce

p � 1C e � s0.K/C c0.K/;

�La constante peut être encore légèrement améliorée, mais la forme que nous donnons nous a semblé un peuplus agréable.

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2563

le sous-groupe G.�/K agit trivialement sur T pour tout � > c.K/C e �max. 1p�1

; nC

logp.he//. Le théorème 2 est démontré.

Lorsque K est absolument modérément ramifiée, on a déjà vu, dans la remarque2.15, que l’on pouvait prendre c0.K/D 0. Par ailleurs, il est facile de voir que l’entiers0.K/ peut être, dans ce cas, choisi égal à 1. La formule qui a été obtenue précédem-ment donne alors la valeur 1CeC e

p�1pour c.K/. En réalité, un examen de la preuve

précédente montre que, dès que h� e, on peut même prendre c.K/D 1C ep�1

.

2.2.4. Une réciproque partielle au théorème 2Le théorème 2 que nous venons de démontrer permet de contrôler la ramificationd’une représentation de torsion de G1 ou GK en fonction de la hauteur du '-moduleassocié. Dans le cas des objets annulés par p, il se trouve qu’être de hauteur divisantU (pour un élément U 2S) équivaut à être de u-hauteur � hD vR.U modp/. Ainsi,la ramification d’une Fp-représentation est contrôlée par la u-hauteur du '-moduleassocié, qui est simplement un nombre entier : dans le cas des représentations de G1par exemple, si cette u-hauteur est � h, alors le sous-groupe G.�/1 agit trivialementpour tout �> hp

p�1.

On peut alors se demander si, réciproquement, la ramification de la représenta-tion contrôle la u-hauteur du '-module associé. La proposition suivante apporte uneréponse affirmative à cette question.

PROPOSITION 2.16Soit T une Fp-représentation de dimension finie de G1, et soit h un entier tel queG.�/1 agisse trivialement sur T pour tout �> hp

p�1. Alors le '-module étale associé à

T admet un '-réseau de u-hauteur � hp.Soit T une Fp-représentation de dimension finie de GK , et soit h un entier stric-

tement positif tel queG.�/K agisse trivialement sur T pour tout �> 1C ep�1Ce � .1C

logp.he//. Alors le .'; �/-module associé à T admet un .'; �/-réseau de u-hauteur

� hp.

Remarque 2.17On prendra garde d’une part à ce que la borne portant sur � ne fait pas intervenir laconstante c.K/ comme c’était le cas dans le théorème 2 et d’autre part à ce que laborne que l’on obtient au final pour la u-hauteur est bien hp, et non pas h.

DémonstrationLa deuxième partie de la proposition se déduit de la première en utilisant les liensrappelés précédemment entre les filtrations de ramification sur G1 et GK . Nous lais-

2564 XAVIER CARUSO

sons cet exercice au lecteur et nous concentrons à partir de maintenant sur la preuvede la première affirmation.

Le '-module étale associé à la représentation T est M D HomFpŒG1�.T;Fsep0 /

et admet un '-réseau canonique donné par M D HomFpŒG1�.T;OF sep0/. Montrons

que M est de u-hauteur � hp. Étant donné notre hypothèse, il existe une extensiongaloisienne finie F sur F0 telle que, d’une part, MDHomFpŒG1�.T;OF / et, d’autre

part, le sous-groupe de ramification Gal.F=F0/.�/ soit trivial pour tout � > hpp�1

.Le corps F est à l’évidence un F0-espace vectoriel de dimension finie muni d’unopérateur de Frobenius, qui est tout simplement l’élévation à la puissance p : c’estdonc un '-module. Son anneau des entiers OF définit en outre un '-réseau à l’inté-rieur de F . Le lemme III.3.2.2 de [14] implique que ce '-réseau est de u-hauteur �d.p � 1/vR.dF=F0/e où dF=F0 est la différente de l’extension F=F0 et où dxe dé-signe la partie entière supérieure du nombre réel x. De la proposition 1.3 de [9] et dela borne sur la ramification de F , il suit vR.d.F=F0//�

hpp�1

, d’où on déduit que le'-réseau OF est de u-hauteur � hp.

Reste à montrer comment cela implique que M est, lui-même, de u-hauteur �hp. Soit f un élément de M ; c’est un morphisme de T dans OF compatible à l’actionde Galois. On veut montrer que uhpf est dans l’image de id˝ 'M WS˝';S M!

M. Or, l’application uhpf prend manifestement ses valeurs dans le sous-ensembleuhpOF qui est inclus dans l’image de id˝'OF WS˝';S OF !OF puisque OF estde u-hauteur � hp. Par ailleurs, on vérifie facilement que cette dernière applicationest injective. Il existe par suite un morphisme g W T !S˝';S OF qui est compatibleà l’action de Galois, et permet de factoriser uhpf comme suit : uhpf D .id˝'OF /ıg. Ce morphisme g définit un élément de S ˝S;' M qui s’envoie sur uhpf parid˝ 'M. Ceci montre bien que uhpf est dans l’image de id˝ 'M.

Le résultat précédent s’étend aux représentations annulées par une puissance dep comme suit.

PROPOSITION 2.18Soit T une Zp-représentation de longueur finie de G1 (resp. deGK ), soit n un entiertel que pnT D 0, et soit h un entier tel que G.�/1 (resp. G.�/K ) agisse trivialementsur T pour tout � > hp

p�1(resp pour tout � > 1C e

p�1C e � .1C logp.

he//). Alors,

pour tout élément U 2W.R/ tel que vR.U modp/� hp, le '-module étale (resp. le.'; �/-module) associé à T admet un '-réseau (resp. un .'; �/-réseau) de U -hauteur� n.

DémonstrationDe même que pour la proposition 2.16, il suffit de traiter le cas « G1 ». Si T est

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2565

une représentation vérifiant les hypothèses de l’énoncé, il existe une extension finiegaloisienne F=F0 telle que Gal.F sep

0 =F / agisse trivialement sur T et Gal.F=F0/.�/

soit trivial pour tout � > hpp�1

. Soit E int;F l’unique extension étale de E int incluse

dans E int;ur dont le corps résiduel est égal à F . Le '-module associé à T s’écritalors M DHomZpŒG1�.T;E

int;F / et un '-réseau naturel à l’intérieur de M est MDHomZpŒG1�.T;S

F =pnSF / avec SF D E int;F \W.R/. Pour conclure, il suffit dedémontrer que SF =pnSF , vu comme '-module sur S, est de U -hauteur � n. Or,par la démonstration de la proposition 2.16, on sait que cette propriété vaut pournD 1 (puisque SF =pSF s’identifie à l’anneau des entiers de F ) et, par ailleurs, ona la suite exacte

0!SF =pn�1SF !SF =pnSF !SF =pSF ! 0

à partir de laquelle on conclut par récurrence.

On remarquera que, si pour n D 1, l’écart entre les bornes appraissant dans lethéorème 2 d’une part et la proposition 2.16 ne différaient que par la constante c.K/dans la borne sur � et par un facteur p dans celle sur la u-hauteur, ce même écart secreuse de façon drastique lorsque n augmente : dans la proposition 2.18, la présencede n n’apparaît plus dans la borne sur � mais dans celle sur la hauteur !

2.3. Les .'; �/-réseauxAvant de pouvoir définir des réseaux dans les .'; �/-modules sur .E int;E int

� /, il estnécessaire d’introduire des sous-anneaux de E int et E int

� sur lesquels ces réseaux serontdéfinis. Le sous-anneau de E int que l’on va considérer est bien entendu S, qui est déjàl’anneau qui intervenait dans la définition de '-réseaux. L’égalité SD E int \W.R/

nous conduit à choisir comme sous-anneau de E int� , l’intersection E int

� \W.R/ quel’on note S� . Celle-ci est stable par le Frobenius et l’action de GK .

Définition 2.19SoitM un .'; �/-module sur .E int;E int

� /. Un .'; �/-réseau dansM est la donnée d’un'-réseau M dansM tel que le sous-module S� ˝S M de E int

� ˝E int M soit stable parl’opérateur � .

Pour U 2 W.R/ et h 2 N, on dit que M est de hauteur divisant U (resp. deU -hauteur � h) s’il l’est en tant que '-module.

Remarque 2.20Comme �1 est la limite dans Zp d’une suite d’entiers positifs, la définition ci-dessusimplique que tout .'; �/-réseau M de M est tel que S� ˝S M est stable par ��1.

2566 XAVIER CARUSO

2.3.1. Un théorème d’existence dans le cas de torsionLe but de ce paragraphe est de démontrer la proposition suivante.

PROPOSITION 2.21Tout .'; �/-module sur .E int;E int

� / qui est annulé par une puissance de p admet un.'; �/-réseau.

Pour cela, on fixe M un .'; �/-module sur .E int;E int� / annulé par une puissance

de p et on considère l’ensemble F'.M/ (resp. F';� .M/) des '-réseaux (resp. .'; �/-réseaux à l’intérieur de M ). On veut démontrer que F';� .M/ est non vide. On saitdéjà (voir lemme 2.5) que F'.M/ n’est pas vide. Pour tout entier h, soit F �h' .M/

le sous-ensemble de F'.M/ formé des '-réseaux de u-hauteur � h. Étant donné queM est annulé par une puissance de p, on sait par la deuxième partie du lemme 2.5que F'.M/ est la réunion des F �h' .M/. On en déduit qu’il existe un entier h tel queF �h' .M/, lui-même, est non vide. Par ailleurs, la relation d’inclusion fait de F �h' .M/

un ensemble partiellement ordonné dont les propriétés essentielles sont dégagées dans[5, Section 3.2]. En particulier, le corollaire 3.2.6 de [5] nous apprend que F �h' .M/

admet un plus petit et un plus grand élément. La proposition 2.21 que nous voulonsdémontrer résulte ainsi directement du lemme suivant.

LEMME 2.22Le plus petit élément de F �h' .M/ appartient à F �h';� .M/.

DémonstrationPour cette démonstration, nous allons avoir besoin de travailler avec une version par-tiellement déperfectisée des .'; �/-modules (voir section 1.3.3). Plus précisément, onconsidère l’anneau E int

u�np;� introduit dans ce numéro et on pose Su�np;� DW.R/ \

E intu�np;� .

Soit M le plus petit élément de F �h' .M/. C’est en particulier un '-réseau dansM de u-hauteur � h. Nous allons montrer que Su�np;� ˝S M est stable par � ce quiimpliquera, à l’évidence, que S� ˝S M est, lui aussi, stable par � comme voulu. Onpose

M0 DM \ ��1.Su�np;� ˝S M/:

Du fait que ' et � commutent, on déduit facilement que M0 est un '-réseaudans M . Pour conclure, il suffit de montrer qu’il est de u-hauteur � h. En effet,par minimalité de M, on aura alors M �M0 d’où, en appliquant � , on trouvera�.M/� �.M0/�Snp;� ˝S M. Reste donc à montrer que M0 est de u-hauteur � h.Soit x 2M0. Comme M et Su�np;� ˝S M sont de u-hauteur � h, on a les écri-

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2567

tures suivantes :

uhx D

p�1XiD0

ui'.xi / et uh�.x/D

p�1XiD0

ui'.yi / (2.5)

avec xi 2M et yi 2Su�np;� ˝S M. On déduit de la deuxième de ces égalités et dela formule �.u/D Œ" �u, que

uhx D

p�1XiD0

ui'�Œ"�.h�i/=pyi

�: (2.6)

avec, à nouveau, Œ" �.h�i/=pyi 2 Su�np;� ˝S M. Or, du fait que Su�np;� est un'.Su�np;� /-module libre de base 1;u; : : : ; up�1 (car c’est le cas après réduction mo-dulo p), on déduit des deux expressions de uhx données respectivement par (2.6) et lapremière égalité de (2.5), que xi D Œ" �.h�i/=pyi pour tout i 2 ¹0; : : : ; p � 1º. Il s’en-suit que xi 2M0, ce qui démontre que M0 est de u-hauteur � h comme annoncé.

2.3.2. Réduction modulo UV des .'; �/-réseauxOn fixe un élément U 2S� qui n’est pas multiple de p et on se donne un '-réseau M

de hauteur divisant U dans un '-module étale sur E int (qui peut, oui ou non, avoir dela torsion). D’après le lemme 2.7, il existe V 2W.R/ tel que '.V /DUV . En réalité,un examen de la démontration de ce lemme montre que V peut être choisi dans S� (etmême, en fait, qu’il ne peut être choisi en dehors de S� ). On suppose, dans ce numéro,que V 2S� . On pose en outre SC� DS� \W.mR/ ; c’est un idéal de S� que l’onpeut encore définir comme l’idéal noyau du morphisme S� ! W. Nk/ déduit de laprojection canonique W.R/!W. Nk/. Étant donné un entier p-adique a, ainsi qu’unélément X 2W.R/, on définit AX .M/ comme l’ensemble des automorphismes �a-semi-linéaires

�.a/X W .S�=XSC� /˝S M! .S�=XSC� /˝S M

commutant à ' et tels que pour tout g 2G1=H1, on ait

.g˝ id/ ı � .a/X D .�.a/X /b ı

�.�abg�/˝ id

�(2.7)

où b est l’unique élément de Zp tel que �.g/ � Œb��.�/ D Œa��.�/. Si X divise Y , la ré-duction modulo XSC� définit une application canonique Y;X WAY .M/!AX .M/.Par ailleurs, A0.M/ est exactement l’ensemble des � qui font de M un .'; �/-réseau.La proposition suivante, qui est très semblable à la proposition 2.9, montre que A0.M/

se retrouve entièrement à partir du morphisme UV;V WAUV .M/!AV .M/.

2568 XAVIER CARUSO

PROPOSITION 2.23On se donne M un '-réseau de hauteur divisant U (avec U comme précédemment).L’application 0;V WA0.M/!AV .M/ est injective et son image s’identifie à cellede UV;V WAUV .M/!AV .M/.

DémonstrationEn utilisant la commutation de ��a et ', on démontre tout de suite que M est dehauteur divisant ��a.U / pour tout a 2 Zp . En reprenant la preuve de la proposition2.9, on démontre alors qu’étant donné un élément � .a/UV 2 AUV .M/, il existe uneunique application �a-semi-linéaire � .a/ WS� ˝S M!S� ˝S M qui commute à 'et est congrue à � .a/UV modulo VSC� . L’injectivité de 0;V résulte de cela, tandis pourétablir l’égalité annoncée entre les images, il suffit de prouver que l’application � .a/

construite vérifie la relation (2.7).Pour cela, le plus rapide est sans doute de remarquer qu’étant donné un élé-

ment b 2 Zp , on peut appliquer ce qui précède avec ab à la place de a. On ob-tient comme cela en particulier l’existence d’une unique application �ab-semi-linéaire� .ab/ WS� ˝S M!S� ˝S M qui est congrue à .� .a/0 /b modulo VSC� et qui com-mute à '. Or, pour g 2 G1=H1 et b tel que �.g/ � Œb��.�/ D Œa��.�/, les deux ap-plications �b et .g˝ id/ ı � ı ..��bg�/�1 ˝ id/ sont �ab-semi-linéaires, congrues à.�.a/0 /b modulo I0 et commutent à ' ; on en déduit donc bien qu’elles coïncident.

La proposition 2.23 implique que, si M et M0 sont deux .'; �/-réseaux de hauteurdivisant U , alors on a l’égalité

Hom';� .M;M0/D image�Hom';�;UV .M;M0/!Hom';�;V .M;M0/

�(2.8)

où, si X est un élément de S� , la notation Hom';�;X .M;M0/ désigne l’ensembledes applications f WM!M0 qui commutent à ' et dont la réduction modulo XSC�

commute à � modXSC� . On en déduit que le foncteur de réduction modulo UVSC�

induit un foncteur pleinement fidèle de la catégorie des .'; �/-réseaux sur .S;S� / dehauteur divisant U dans la catégorie des .'; �/-réseaux sur .S;S�=UVSC� / où lesmorphismes sont définis par la formule du membre de droite de (2.8).

2.3.3. L’action de � sur un .'; �/-réseauL’objectif de ce numéro est de démontrer le théorème suivant (qui jouera un rôle clédans la suite) qui donne un contrôle sur l’action de � agissant sur un .'; �/-réseau enfonction de la hauteur de celui-ci.

THÉORÈME 2.24Il existe une constante c0.K/ ne dépendant que de K telle que pour toute donnée de

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2569

– deux éléments U et V de W.R/ non multiples de p tels que '.V /DUV , et– un .'; �/-réseau M de hauteur divisant U à l’intérieur d’un .'; �/-moduleM ,

on ait, en notant s0 le plus petit entier � logp.vR.U modp//C c0.K/, l’inclusionsuivante :

.�ps

� id/.M/� .VSC� C ps�s0S� /˝S M (2.9)

pour tout entier s � s0.

Remarque 2.25On sait par le lemme 2.7 que, dès que l’on se donne un élément U 2W.R/, il existe Vvérifiant la condition requise. En outre, d’après la remarque 2.8, l’idéal engendré parV — et donc en particulier l’inclusion (2.9) — ne dépend que de U . Ainsi, l’élémentV ne joue pas véritablement de rôle dans le théorème précédent, hormis le fait qu’ilpermet de l’énoncer relativement simplement.

DémonstrationOn se donne des éléments U;V 2 W.R/ tels que U ne soit pas multiple de p et'.V /D UV . On fixe un .'; �/-module M sur .E int;E int

� / ainsi qu’un .'; �/-réseauM de M de hauteur divisant U . Comme d’habitude, on désigne par la lettre T lareprésentation de GK associée àM . On suppose en outre pour commencer que M estannulé par pn pour un certain entier n, et on considère un nombre entier t vérifiantles deux conditions suivantes :

– on a �pt.u/� u .mod pn;UVSC� / ;

– il existe un élément �t 2G1 agissant trivialement sur T et tel que vp.�.�t /�1/D t (où vp est la valuation p-adique normalisée par vp.p/D 1).

On expliquera, dans la suite de la démonstration, comment déterminer un tel t , maispour l’instant on se contente de supposer qu’il est donné. Afin de minimiser lesconfusions, on notera tout au long de la preuve �M l’automorphisme � agissant surS�˝SM. De �p

t.u/� u .mod pn;UVSC� /, on déduit que l’application �p

t-semi-

linéaire

�.pt /M;triv D �

pt ˝ id WS�

UVSC�

˝S M!S�

UVSC�

˝S M

est bien définie. La proposition 2.23 s’applique et montre qu’il existe une applica-

tion Q� .pt /

M;triv WS� ˝S M!S� ˝S M qui commute avec ', vérifie la relation (2.7) et

est congrue à � .pt /

M;triv modulo VSC� . L’automorphisme Q� .pt /

M;triv prolongé à E int� ˝E int M

définit une structure de .'; �pt/-module sur M à laquelle il correspond une repré-

sentation Ttriv du sous-groupe Gt . Puisque les représentations T et Ttriv sont liées aumême '-module, leurs restrictions à G1 coïncident.

2570 XAVIER CARUSO

On rappelle que l’on a supposé l’existence d’un élément �t 2 G1 qui agit tri-vialement sur T et qui est tel que vp.�.�t / � 1/ D t . L’élément ��� .�t /�1 est égalau produit �t���1t ��1 dans le quotient GK=H1 ; autrement dit, il existe h 2H1 telque ��� .�t /�1 D �t���1t ��1h. On en déduit que ��� .�t /�1 agit sur T de la même ma-nière que h. Puisque �t appartient à G1, il agit également trivialement sur Ttriv et,en reprenant le raisonnement précédent, on trouve que ��� .�t /�1 agit sur Ttriv de lamême façon que h. Au final, le sous-groupe deGK engendré parG1 et ��� .�t /�1 agitdonc de la même façon sur T et Ttriv. Or, par le lemme 1.1, on sait que la valuationp-adique de �� .�t / � 1 est égale à t ; le sous-groupe engendré par G1 et ��� .�t /�1

n’est donc rien d’autre que Gt . Nous venons ainsi de démontrer que Ttriv s’identifieà la représentation T restreinte au sous-groupe Gt . Au niveau des .'; �/-modules,

cela nous donne l’égalité �pt

MD Q�

.pt /M;triv, d’où il résulte notamment que �p

t

M� �p

t˝ id

.mod VSC� /. Pour x 2M, on obtient en particulier �pt

M.x/� x .mod VSC� /. Cette

congruence reste clairement vraie si t est remplacée par un entier s � t . Autrementdit, on a l’inclusion

.�ps

M� id/.M/� VSC� ˝S M (2.10)

valable pour tout s � t .Déterminons maintenant des conditions simples sur le nombre t permettant d’as-

surer qu’il satisfait aux deux hypothèses faites au début de la démonstration. On a enfait déjà étudié la deuxième hypothèse à la section 2.2.3 (voir en particulier la formule(2.4)) : on a montré qu’elle est vérifiée dès que

t � s0.K/ et t >c0.K/

eCmax

� 1

p � 1;nC logp

�he

��

où s0.K/ et c0.K/ étaient des constantes ne dépendant que du corps K .Examinons maintenant la première condition. Elle stipule que �p

t.u/ �

u .mod pn;UVSC� /, c’est-à-dire que la réduction modulo pn de �pt.u/ � u est

dans l’idéal UV �Wn.mR/. Or la différence �pt.u/ � u se calcule facilement ; elle

vaut u.Œ"�pt� 1/ 2W.R/ où on rappelle que " est l’élément de R défini par le sys-

tème compatible .�ps / de racines primitives ps-ièmes de l’unité, qui avait été fixé audébut de l’article. En particulier, étant donné que vR."/ D

pp�1

, on voit clairement

sur cette écriture que �pt.u/�u 2W.a

>ptC1=.p�1/R /. Par le lemme 2.12, on en déduit

que la réduction modulo pn de �pt.u/ � u est dans l’idéal UV �Wn.mR/ dès que

pt � hpn�1, c’est-à-dire dès que t � n� 1C logp h.Au final, en mettant ensemble les résultats des deux alinéas précédents, on trouve

qu’il existe une constante c0.K/ ne dépendant que du corps K telle que tout nombreentier t � c0.K/C nC logp h vérifie les hypothèses requises. L’inclusion (2.10) estdonc vraie pour de tels t .

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2571

On revient à présent dans la situation du théorème : on se donne un .'; �/-réseauM de hauteur divisant U à l’intérieur d’un .'; �/-module M , on appelle s0 le pluspetit entier supérieur ou égal à c0.K/C logp h et on se donne un entier s � s0. Onpose nD s�s0. L’inclusion (2.10) s’applique alors avec les paramètres M=pnM (quiest manifestement annulé par pn) et s et donne

.�ps

M� id/.M=pnM/� VSC� ˝S M=pnM

soit, encore :

.�ps

M� id/.M/� .VSC� C p

nS� /˝S M

c’est-à-dire ce que l’on souhaitait démontrer.

Remarque 2.26En supposant que M est annulé par pn (et bien sûr toujours qu’il est de hauteurdivisant U ), l’inclusion (2.10) — qui était la clé de la démonstration ci-dessus —s’étend aux entiers s < t sous la forme suivante :

.�ps

M� id/.M/�

�Wn.O

perfFm/C VSC�

�˝S M

où, pour un entier m donné, on a noté OperfFm

l’anneau des entier du perfectisé de.F

sep0 /Hm avec Hm D Gal. NK=K1.�pm//. Pour démontrer cela, on fixe un entier

s < t , et on considère un élément � 2 G1 tel que vp.�.�/ � 1/ � t � s. Le com-mutateur ��p

s��1��p

sest alors égal à �p

s.�� .�/�1/ dans le quotient GK=H1 etappartient donc à Gt . Ainsi, d’après ce qui a été vu dans la démonstration précédente,cet élément agit trivialement sur M modulo VSC� . Il en résulte que pour x 2M, ona .� ˝ id/ ı �p

s.x/� �p

s.x/ .mod VSC� /. Comme ceci est vrai pour tout � tel que

vp.�.�/� 1/� t � s, on en déduit l’inclusion annoncée.

3. Le cas des représentations de E.u/-hauteur finieL’élementE.u/ qui apparaît dans la locutation «E.u/-hauteur finie » est le polynômeminimal de l’uniformisante � sur W Œ1=p�. Il s’agit d’un polynôme d’Eisenstein dedegré e. C’est donc en particulier un élément de W.R/ qui n’est pas multiple de p.Ainsi, il fait bien sens de parler de '-modules de E.u/-hauteur � r pour un certainentier r ou de E.u/-hauteur finie. Une Zp-représentation de G1 ou de GK est ditede E.u/-hauteur � r (resp. de E.u/-hauteur finie) si le '-module qui lui est associél’est, tandis qu’une Qp-représentation est ainsi qualifiée si elle admet un réseau stablepar Galois satisfaisant à cette propriété.

Reprenant des idées de Breuil, Kisin a élaboré dans [11] une théorie prometteusepour étudier les représentations semi-stables (ainsi que leurs déformations) et a, au

2572 XAVIER CARUSO

passage, montré que celles-ci entretenaient un lien étroit avec les représentations deE.u/-hauteur finie. Précisément, il a démontré qu’une représentation semi-stable donttous les poids de Hodge-Tate sont dans ¹0; 1; : : : ; rº est de E.u/-hauteur � r . Or, lathéorie que nous avons développée dans cet article donne une description des repré-sentations de GK de E.u/-hauteur � r en termes de .'; �/-modules. Dans ce dernierchapitre, nous étudions comment cette nouvelle description s’insère dans la théorie deKisin. Comme corollaire, nous obtenons le théorème 3 de l’introduction, ainsi qu’unedescription, en termes de la théorie de Kisin, des réseaux dans les représentationssemi-stables.

3.1. Les .'; �/-modules comme complément de la théorie de KisinLe polynôme E.u/ étant un polynôme d’Eisenstein, son coefficient constant E.0/s’écrit sous la forme pc où c est un élément inversible dans Zp . On pose U D E.u/

c;

il est alors clair qu’être de E.u/-hauteur � r est équivalent à être de U -hauteur � r .Soit t un élément de W.R/ tel que '.t/D U t (un tel élément existe bien d’après lelemme 2.7).

3.1.1. Un concentré de théorie de KisinOn commence par quelques rappels très sommaires concernant l’anneau Acris de Fon-taine. Il est défini comme le complété p-adique de l’enveloppe à puissances diviséesde W.R/ par rapport à l’idéal principal engendré par E.u/ (et compatibles avec lespuissances divisées canoniques sur l’idéal .p/). La série

log�Œ"��DXn�1

.1� Œ" �/n

n

converge dans Acris vers un élément t qui joue un rôle très important en théorie deHodge p-adique. Il vérifie '.t/D pt et �.t/D �.�/t pour tout � 2GK .

On en vient à présent aux rappels sur la théorie de [11]. On se borne à présenteruniquement ce qui sera utile dans la suite. Soit O l’anneau des séries en la variableu convergeant sur le disque ouvert de centre 0 et de rayon 1. Il contient clairementSŒ1=p� et se plonge dans Acris en envoyant comme d’habitude u sur Œ� �. L’élément défini par le produit convergeant suivant :

D

1YnD0

'n�E.u/E.0/

�D

1YnD0

'n�Up

�2O

est solution de l’équation Up� './D . Par ailleurs, d’après [15, Exemple 5.3.3],� il

est possible de choisir t de façon à ce que l’égalité '.t/D�t soit satisfaite, ce que

�Les notations de [15] correspondent à celles de cet article si l’on pose cD '. /.

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2573

nous supposerons dans la suite. L’élément permet de munir l’anneau O d’un opéra-teur de dérivation Nr défini par Nr D�u d

du, puis de définir la catégorie Mod';Nr

=O

dont un objet consiste en la donnée des points suivants :– un O-module M libre de rang fini ;– un morphisme '-semi-linéaire ' WM!M qui est tel que le conoyau de id˝' WO˝';O M!M soit annulé par une puissance de E.u/ ;

– un opérateur Nr W M ! M vérifiant la loi de Leibniz (i.e. Nr.ax/ DNr.a/x C aNr.x/ pour tout a 2 O et x 2M) et la relation Nr ı ' D p �E.u/E.0/� ' ıNr .

Si l’on note RepstŒ0;C1Œ

.GK/ la catégorie des représentations semi-stables de GK àpoids de Hodge Tate positifs ou nuls, un résultat essentiel de [11] est la constructiond’un foncteur pleinement fidèle K W Repst

Œ0;C1Œ.GK/!Mod';Nr

=O. On note Mod';Nr ;0

=O

son image essentielle.� Kisin démontre encore deux résultats importants pour ce quiva suivre, à savoir que pour tout objet M de Mod';Nr ;0

=O,

A. le '-module E ˝O M (muni de l’opérateur ' déduit par extension des sca-laires) est étale et correspond via la théorie de Fontaine à la représentationK�1.M/ restreinte à G1, et

B. pour tout réseau T �K�1.M/ stable par G1, il existe dans le '-module surE int correspondant (qui vit à l’intérieur de E ˝O M) un unique '-réseau libresur S qui est de E.u/-hauteur finie.

La propriété B précédente permet de construire un foncteur R' W Mod';Nr ;0=O

!

Mod'=S˝Qp , où Mod'

=Sdésigne la catégorie des '-réseaux de E.u/-hauteur finie

(dans un '-module étale sur E int) libres sur S, et où Mod'=S˝Qp est sa catégorie

à isogénie près.�� Enfin, si l’on note T' le foncteur qui à un '-réseau M fait corres-pondre la représentation deG1 associée à E˝SM, et si l’on définit RepE.u/

Œ0;C1Œ.G1/

comme la catégorie des représentations de G1 qui sont de E.u/-hauteur finie, la pro-priété A nous dit que la composée T' ıR' ıK n’est autre que la restriction de l’actionde GK à G1. Le carré commutatif suivant,

RepstŒ0;C1Œ

.GK/

�K

res RepE.u/Œ0;C1Œ

.G1/

Mod';Nr ;0=O

R'Mod'

=S˝Qp

T'

(3.1)

�Kisin donne en fait une caractérisation de cette image essentielle en termes de filtrations par les pentes à laKedlaya. Nous ne détaillons par ce point dans ces rappels car il ne nous sera pas utile dans la suite.��Cela signifie que les objets sont les mêmes, mais que les ensembles de morphismes sont tensorisés par Q.

2574 XAVIER CARUSO

dans lequel res désigne le foncteur de restriction de l’action de GK à G1, résume defaçon concise — et, qui plus est, commode pour notre propos — les résultats de Kisinqui viennent d’être rappelés.

3.1.2. Une démonstration directe de l’unicité dans la propriété BLa démonstration que Kisin donne dans [11] de la propriété B énoncée précédem-ment utilise de façon essentielle des théorèmes difficiles portant sur les '-modulessur l’anneau O. Dans ce paragraphe, nous donnons une démonstration alternative dela partie « unicité », qui est plus élémentaire (et plus simple), dans le sens où elle nefait intervenir à aucun moment ni l’anneau O, ni la théorie de Kisin. Nous démontronsmême un résultat très légèrement plus général qui s’énonce comme suit.

PROPOSITION 3.1Soient M1 et M2 deux '-réseaux libres sur S de E.u/-hauteur finie. Soit égalementun morphisme f W E int˝S M1! E int˝S M2. Alors f .M1/�M2.

On rappelle avant d’entamer la démonstration que si M est un '-réseau (pasnécessairement libre sur S) à l’intérieur d’un '-module M libre sur E int, il résultedu théorème de classification des modules sur S que Libre.M/ D .E int ˝S M/ \

MŒ1=p� est un '-réseau libre sur S. En outre, si M est de E.u/-hauteur finie, il enest de même de Libre.M/ et les E.u/-hauteurs sont, dans ce cas, égales.

Quitte à remplacer M1 par Libre.f .M1/CM2/ (qui est encore de E.u/-hauteurfinie comme on le vérifie sans peine), on peut supposer que f est l’identité et queM1 contient M2. Il s’agit alors de montrer que M1 DM2. En passant aux déter-minants, on peut supposer que M1 et M2 sont libres de rang 1 sur S. Si le vec-teur e1 forme une base de M1, il existe un élément a 2 S tel que e2 D ae1 soitune base de M2. D’après une variante du théorème de préparation de Weierstrass(voir par exemple [13, Théorème 2.1, Chapitre 5]), a s’écrit comme le produit d’unélément inversible de S et d’un polynôme A.u/ à coefficients dans W de la formeA.u/D ud Cp.ad�1u

d�1C� � �Ca0/. On veut montrer que A.u/ est inversible dansS, c’est-à-dire concrètement que d D 0. Soit A le polynôme obtenu en appliquant leFrobenius sur W à tous les coefficients de A. On a '.A.u//D A .up/. Du fait que,par hypothèse, M2 est un '-module de hauteur E.u/-hauteur finie, on déduit l’exis-tence d’un élément b 2 S qui divise une puissance de E.u/ dans S et qui vérifiel’égalité '.e2/D be2.

LEMME 3.2L’élement b s’écrit sous la forme E.u/nb0 où n est un entier et b0 est inversibledans S.

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2575

DémonstrationLe fait que S soit un anneau intègre et que l’idéal principal engendré par E.u/ soitpremier (puisque le quotient s’identifie à l’anneau intègre OK ) implique le résultatdans le cas où b est un diviseur de E.u/ (et non d’une puissance de E.u/). Pour lecas général, on raisonne de la même façon par récurrence sur la plus petite puissancede E.u/ que b divise.

On utilise maintenant que M1 est, lui aussi, par hypothèse, un '-module deE.u/-hauteur finie. La formule '.e1/ D A .up/be2 implique que A.u/ divise A .up/bdans S (puisque M1 est stable par ') et que le quotient A

� .up/bA.u/

est divisible parune puissance de E.u/ (puisque M1 est de E.u/-hauteur finie). En écrivant b sousla forme E.u/nb0 comme dans le lemme précédent, on obtient les deux divisibilitéssuivantes dans S :

A.u/ divise A .up/E.u/n et A .up/ divise A.u/E.u/m

pour un certain entier m. Quitte à augmenter n et m, on peut supposer que ces deuxnombres sont strictement positifs. Comme S � O, on peut évaluer les séries appar-tenant à S en tout élément de l’idéal maximal de O NK . Les divisibilités qui viennentd’être écrites assurent ainsi que toute racine du polynôme A.u/ (resp. A .up/) quiappartient à l’idéal maximal de O NK est également racine du produit A .up/E.u/n

(resp. A.u/E.u/m). On suppose à présent, par l’absurde, que d > 0. La théorie despolygônes de Newton affirme que les polynômes A.u/ et A .u/ admettent chacun dracines (comptées avec multiplicité) dans l’idéal maximal de O NK et que les valuationsde ces racines, notées v1; : : : ; vd , se correspondent deux à deux. On peut bien entendusupposer que les vi sont triées par ordre croissant. Si x désigne une racine de A.u/de valuation vd et si vd <1, on ne peut avoir A .xp/D 0 puisque la valuation dexp dépasse tous les vi . Ainsi, on a nécessairement E.x/D 0, ce qui signifie que xest un conjugué de � . En particulier, vd ne peut valoir que C1 ou 1. De la mêmefaçon, si y désigne une racine p-ième d’une racine de A .u/ de valuation v1, on aA.y/¤ 0, et donc E.y/D 0. Il s’ensuit que v1 2 ¹p;C1º. Clairement la seule façonde concilier les contraintes que l’on vient d’obtenir est d’avoir vi DC1 pour tout i ,c’est-à-dire A.u/D ud . Mais, ce cas n’est pas non plus possible car A .u/D upd nedivise manifestement pas A.u/E.u/m D udE.u/m si d est strictement positif. Ainsise termine donc la démonstration de la proposition 3.1.

3.1.3. L’apport des .'; �/-modulesLa théorie des .'; �/-modules, qui a été développée dans cet article, fournit des objetsqui s’insèrent de façon très naturelle dans le diagramme (3.1) et permet de le com-pléter de façon satisfaisante. C’est ce que nous nous proposons de présenter dans ceparagraphe. Plus précisément, nous allons construire le diagramme suivant :

2576 XAVIER CARUSO

RepstŒ0;C1Œ

.GK/

�K

RepE.u/Œ0;C1Œ

.GK/res RepE.u/

Œ0;C1Œ.G1/

Mod';Nr ;0=O

R';�

R'

Mod';�=S˝Qp

� T';�

oubli de � Mod'=S˝Qp

� T'

(3.2)

Les notations RepE.u/Œ0;C1Œ

.GK/ et Mod';�=S

qui apparaissent dans le diagramme (3.2)font respectivement référence à la catégorie des représentations de GK de E.u/-hauteur finie et à celle des .'; �/-réseaux libres sur S de E.u/-hauteur finie. Lefoncteur T';� , quant à lui, est celui qui fait correspondre à un .'; �/-réseau M deE.u/-hauteur finie la représentation de GK associée au .'; �/-module E int˝SM. Lediagramme (3.2) indique que c’est une équivalence de catégories, ce qui est effective-ment le cas.

PROPOSITION 3.3Les foncteurs T' et T';� sont des équivalences de catégories.

DémonstrationLa pleine fidélité des deux foncteurs suit de la proposition 3.1. L’essentielle surjecti-vité de T' est vraie par définition des représentations deE.u/-hauteur finie. Il ne restedonc qu’à démontrer l’essentielle surjectivité de T';� , et il suffit pour cela de justifierque si M est un '-réseau libre sur S, de E.u/-hauteur finie, dans un .'; �/-modulesur .E int;E int

� /, alors S� ˝S M est automatiquement stable par � .Soit h un entier tel que M soit de E.u/-hauteur � h. Pour tout entier n, on

pose Mn DM=pnM. Bien entendu, Mn est, lui aussi, de E.u/-hauteur � h. Aprèsavoir remarqué que le quotient �.E.u//

E.u/est un élément inversible de Su�np;� , on peut

reprendre l’argumentation développée à la section 2.3.1 en remplaçant partour « u-hauteur � h » par « E.u/-hauteur � h » et démontrer, ce faisant, qu’il existe dansMnŒ1=u� un .'; �/-réseau M0n contenu dans Mn. D’autre part, par [15, Lemme 4.1.2](appliqués aux duaux de Mn et M0n), il existe une constance c indépendante de n telleque Mn � p

c �M0n. On en déduit que S� ˝S Mn est stable par l’opération pc� puis,en passant à la limite, qu’il en est de même de S� ˝S M. Or, par construction, onsait également que � stabilise également E int

� ˝S M. Comme E int� \ .p

�cS� /DS� ,on en déduit que � stabilise S� ˝S M. La proposition est démontrée.

On en vient enfin à la construction du foncteur R';� WMod';Nr ;0=O

!Mod';�=S˝Qp .

On considère pour cela M un objet de Mod';Nr ;0=O

, et on fixe un réseau T de K�1.M/

stable par GK . Soit M le .'; �/-module sur .E int;E int� / qui lui est associé. D’après la

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2577

propriété B, il existe dans M un unique '-réseau M qui est libre sur S et de E.u/-hauteur finie, et d’après la démonstration de la proposition 3.3, le produit tensorielS� ˝S M est stable par � . L’objet M est donc un .'; �/-réseau qui, à cause du choixde T , n’est défini qu’à isogénie près. Autrement dit, c’est un objet de la catégorieMod';�

=S˝Qp , et on peut donc poser R';� .M/DM.

3.2. Un presque quasi-inverse de R';�

3.2.1. Énoncé des résultatsDu diagramme (3.2), il suit immédiatement que le foncteur R';� est pleinement fi-dèle. En contrepartie, il n’est généralement pas essentiellement surjectif. Ceci tra-duit le fait qu’il existe des représentations de E.u/-hauteur finie qui ne sont passemi-stables. Pour construire un contre-exemple, on choisit K DQp.

pp1/ et on pose

LDK.p1/ où p1 est une racine p-ième de p fixée. L’extension L=K est alors galoi-sienne et son groupe de Galois Gal.L=K/ est cyclique d’ordre p. On peut donc faireagir ce dernier non trivialement sur un Qp-espace vectoriel V1 de dimension p (enpermutant cycliquement les vecteurs d’une base). On obtient de cette façon une repré-sentation V1 deGK dont la restriction àG1 est triviale et donc deE.u/-hauteur finie.La proposition suivante, appliquée avec V2 D Q

pp munie de l’action triviale, montre

qu’elle n’est cependant pas semi-stable.

PROPOSITION 3.4Soient V1 et V2 deux représentations semi-stables deGK . On suppose qu’il existe uneextension totalement ramifiéeL=K et un isomorphismeGL-équivariant f W V1! V2.Alors f est GK -équivariant.

DémonstrationExercice.

Dans l’exemple que l’on vient de présenter, on observe que, certes, la représenta-tion V1 n’est pas semi-stable mais qu’elle coïncide néanmoins avec une représentationsemi-stable sur le sous-groupe G1. Dans le langage des .'; �/-modules, cela signifieque, certes, l’objet M de Mod';�

=S˝Qp correspondant à V1 n’est pas dans l’image es-

sentielle de R';� mais qu’il existe néanmoins un objet M 2Mod';Nr ;0=O

dont l’imagepar R';� est isomorphe à M comme .'; �p/-module. Il s’avère que ceci est un phé-nomène général, comme le précise le théorème suivant (qui sera démontré dans lessections 3.2.3 et 3.2.4).

2578 XAVIER CARUSO

THÉORÈME 3.5On suppose que K est une extension finie de Qp .� Alors, il existe un unique foncteurS';Nr WMod';�

=S˝Qp!Mod';Nr ;0

=Otel que

– pour tout objet M 2Mod';Nr ;0=O

, il y a un isomorphisme canonique

fM W S';Nr ıR';� .M/'M

dans la catégorie Mod';Nr ;0=O

;

– pour tout objet M 2Mod';�=S˝Qp , il y a un isomorphisme canonique

fM WR';� ı S';Nr .M/'M

qui commute à ' et à �ps

où s désigne le plus grand entier tel que Ks=K soitgaloisienne.

Si, de plus, M est de dimension d et si t est un entier tel que pt .p � 1/ > d , alorsl’isomorphisme fM commute également à �p

t.

Le théorème ci-dessus se transpose bien sûr directement dans le langage des re-présentations. Il affirme qu’il existe un unique foncteur S allant de la catégorie dereprésentations de E.u/-hauteur finie dans celle des représentations semi-stables àpoids de Hodge-Tate positifs qui jouït des deux propriétés suivantes :

– si V est une représentation semi-stable (et donc, en particulier deE.u/-hauteurfinie d’après le résultat de Kisin), alors S.V /' V , et

– si V est une représentation de E.u/-hauteur finie, alors il existe un isomor-phisme V ! S.V / qui est Gs-équivariant (où s désigne à nouveau le plusgrand entier tel que Ks=K soit galoisienne) et également Gt -équivariant pourtout entier t tel que pt .p � 1/ > dimQp V .

Ce résultat implique clairement le théorème 3 de l’introduction. Par ailleurs, en com-binant ce qui précède avec la proposition 3.4, on trouve que V est semi-stable si, etseulement si V est isomorphe à S.V / (en tant que GK -représentation) : le foncteur S

permet donc, en un sens, de caractériser les représentations semi-stables parmi cellesqui sont de E.u/-hauteur finie.

3.2.2. Logarithmes tronquésEn guise de préliminaire à la démonstration du théorème 3.5, nous étudions dans cenuméro les applications logarithmes tronqués qui joueront un rôle essentiel dans lasuite.

Soit A est une Qp-algèbre topologique (non nécessairement commutative). Si aest un élement de A et si m est un entier strictement positif, on définit le logarithme

�Il est probable que le théorème demeure sans cette hypothèse.

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2579

tronqué d’ordre m de a par

logm aDpm�1XiD1

.1� a/i

i:

Le but de cette sous-partie est de montrer que la fonction logm vérifie des propriétéssympathiques sous des hypothèses de convergence très faibles. Plus précisément, onse donne ƒ�A un sous-Zp-module fermé et on introduit la définition suivante.

Définition 3.6Un élément a 2 A est dit ƒ-borné à l’ordre m si ƒ est stable par multiplication à

gauche par a et si .1�a/i

i2ƒ pour tout i 2 ¹1; : : : ; pmº.

Si a est ƒ-borné à tout ordre, on dira simplement que a est ƒ-borné.

Pour tout entier i > 0, on note `.i/ la partie entière de logp i et on convient que`.0/D 0. Si a est ƒ-borné à l’ordre m, on a

.1� a/i D p`.i/ � .1� a/i�p`.i/

�.1� a/p

`.i/

p`.i/(3.3)

d’où on déduit que .1 � a/i 2 p`.i/ƒ pour tout i 2 ¹1; : : : ; pmº et .1 � a/i 2 pmƒpour tout i > pm.

PROPOSITION 3.7Soient a et b deux éléments de A ƒ-bornés à l’ordre m. On suppose que a et bcommutent. Alors ab est ƒ-borné à l’ordre m et on a

logm.ab/� logm aC logm b .mod pm�1ƒ/

pour tout entier strictement positif m.

DémonstrationEn élevant à la puissance i l’égalité 1� ab D .1� a/C a.1� b/, on obtient

.1� ab/i D

iXjD0

i

j

!� aj .1� a/i�j .1� b/j :

En isolant le terme en j D 0 et en utilisant l’égalité 1i��ij

�D 1

j��i�1j�1

�, il vient

.1� ab/i

iD.1� a/i

iC

iXjD1

i � 1

j � 1

!� aj .1� a/i�j �

.1� b/j

j

2580 XAVIER CARUSO

d’où il résulte déjà que ab estƒ-borné à l’ordrem. Maintenant, en sommant l’égalitéprécédente sur tous les i compris entre 1 et pm � 1, on trouve

logm.ab/D logm aCX

1�j�i�pm�1

i � 1

j � 1

!� aj .1� a/i�j �

.1� b/j

j

D logm aCpm�1XjD1

aj �

pm�1XiDj

i � 1

j � 1

!� .1� a/i�j

!�.1� b/j

j: (3.4)

Pour étudier le terme dans la parenthèse ci-dessus, on commence par remarquer qu’ona l’identité

P1iD0X

i D 11�X

où X est une variable formelle. En dérivant j � 1 foiscette égalité, on obtient la nouvelle formule

P1iDj

�i�1j�1

�X i�j D 1

.1�X/j, soit encore

l’identité .1 � X/j �P1iDj

�i�1j�1

�X i�j D 1 valable dans l’anneau ZŒŒX�� des séries

formelles à coefficients entiers. Étant donné que 1�X est inversible dans cet anneau,on en déduit la congruence

.1�X/j �

pm�1XiDj

i � 1

j � 1

!X i�j � 1 .mod Xp

m�j /:

En appliquant ce qui précède avec X D 1�a et en se rappelant, d’une part, queƒ eststable par multiplication par a (et donc aussi par 1� a) et, d’autre part, que, d’aprèsl’égalité (3.3), l’élément .1� a/p

m�j appartient à p`.pm�j /ƒ, on obtient

aj �

pm�1XiDj

i � 1

j � 1

!� .1� a/i�j � 1 .mod p`.p

m�j /ƒ/:

En reportant dans (3.4), on obtient

logm.ab/� .logm aC logm b/ 2pm�1XjD1

p`.pm�j /C`.j /

j�ƒ:

Pour conclure, il suffit donc de démontrer que, pour tout j compris entre 1 et pm� 1,on a `.pm � j /C `.j /� vp.j /�m� 1 (où vp désigne la valuation p-adique). Or,on peut écrire un tel entier j sous la forme j D pv � j 0 avec j 0 premier à j . Un calculimmédiat donne alors

`.pm � j /C `.j /� vp.j /D vC `.pm�v � j 0/C `.j 0/:

Si j 0 � pm�v

2, on a `.j 0/ � m � v � 1 et l’inégalité voulue est bien vérifiée. Si, au

contraire, j 0 < pm�v

2, on a `.pm�v � j 0/ � m � v � 1 et l’inégalité voulue est de

même démontrée.

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2581

PROPOSITION 3.8Soient a et b deux éléments de A qui sont ƒ-bornés à l’ordre m. On suppose quea et b commutent et qu’ils sont congrus modulo pmƒ. Alors logm.a/ � logm.b/.mod pm�1ƒ/.

DémonstrationLa factorisation

.1� a/i � .1� b/i D .b � a/ ��.1� a/i�1C .1� a/i�2.1� b/C � � � C .1� b/i�2

�montre que la différence .1�a/i

i� .1�b/i

iappartient à

Pi�1jD0p

mC`.j /C`.i�j /�vp.i/ƒ.Or, si j � i=2, on a `.j /� `.i/� 1 tandis que, dans le cas contraire, on a `.i � j /�`.i/� 1. Ainsi on a toujours mC `.j /C `.i � j /� vp.i/�mC `.i/� 1� vp.i/�m� 1 et la proposition en découle.

COROLLAIRE 3.9Soit a 2 A un élément ƒ-borné à l’ordre m. On suppose que ap

sconverge vers 1

dans A quand s tend vers l’infini. Alors, pour tout n 2 Zp ,

logm.an/� n � logm.a/ .mod pm�1ƒ/:

DémonstrationOn remarque, pour commencer, que l’on peut écrire

apm

D�1C .a� 1/

�pmD

pmXjD0

pm

j

!.a� 1/j :

Sachant que, pour tout j 2 ¹1; : : : ; pmº, la valuation p-adique du coefficient binomial�pm

j

�est égale à m � vp.j /, on déduit de l’égalité précédente et du fait que a est

ƒ-borné à l’ordre m que apm� 1 .mod pmƒ/.

On choisit à présent un entier n0 congru à n modulo pm et on écrit nD n0Cpmqpour un certain q 2 Zp . On a alors an D an

0

� .apm/q . Par ailleurs, on sait que ap

m

s’écrit sous la forme 1C b avec b 2 pmƒ. Comme ƒ est stable par multiplication para, il l’est aussi par multiplication par b. Comme il est en outre fermé, on trouve endéveloppant .1Cb/q , que .ap

m/q � 1 .mod pmƒ/ puis que an � an

0

.mod pmƒ/.Par la proposition 3.7, il vient alors logm.a

n/ � logm.an0/ .mod pm�1ƒ/ et une

application répétée de la proposition 3.8 montre enfin que

logm.an0/� n0 � logm.a/� n � logm.a/ .mod pm�1ƒ/;

ce qui permet de conclure.

2582 XAVIER CARUSO

3.2.3. La construction du foncteur S';NrOn en vient à présent à la démonstration du théorème 3.5. On suppose donc que Kest une extension finie de Qp ; en particulier, son corps résiduel k est un corps fini.Étant donné que les catégories Mod';�

=S˝Qp sont équivalentes entre elles pour les

différents � , on peut choisir un � particulier pour construire S';Nr . Pour la suite, onen fixe donc un qui appartient à l’inertie sauvage (de sorte que �p

nconverge vers

l’identité dans GK ) et qui vérifie en outre �.�/ D 1 (on rappelle qu’un tel élémentexiste toujours par [16, Lemme 5.1.2]).

Soit M un objet de la catégorie Mod';�=S˝Qp , c’est-à-dire un .'; �/-réseau défini

sur .S;S� / qui est de E.u/-hauteur � r pour un certain entier r . La définition dufoncteur R';� conduit à poser simplement S';Nr .M/ D O ˝S M pour définir sastructure de O-module, et à munir celui-ci du Frobenius ' ˝ '. Ne reste donc plusqu’à définir l’opérateur Nr . La discussion menée dans [16, Section 5.1] montre quecelui-ci doit s’obtenir via la formule

Nr D1

pt� log � D

1

pt�

1XiD1

.id� �/i

i:

Toutefois, il n’est pas clair que cette formule ait un sens puisque aussi bien la divi-sion par t que la convergeance de la somme posent a priori problème. Nous allonsdémontrer dans la suite que ce n’est pas le cas, puis que l’opérateur Nr ainsi obtenuest défini sur O. Lors de la démonstration, nous allons être amenés à introduire uncertain nombre de modules sur S ; pour donner au lecteur une vision d’ensemble dela situation, nous les avons regroupés dans le diagramme de la figure 2.

L’espace W.R/dp

On rappelle que Acris est défini comme le complété p-adique de l’enveloppe à puis-sances divisées de W.R/ par rapport à l’idéal principal engendré par l’élément E.u/vu dansW.R/. Suivant les notations habituelles, on pose BCcris DAcrisŒ1=p�. Pour toutentier m, on définit W.R/dp

�m comme le sous W.R/-module de BCcris engendré par

W.R/ et les éléments de la forme tps

psx pour 0� s �m et x 2W.mR/.

Clairement, les W.R/dp�m forment une suite croissante pour l’inclusion ; on note

W.R/dp l’adhérence dans BCcris deSm�0W.R/

dp�m. Les éléments de cet espace sont

les éléments de BCcris qui s’écrivent sous la forme x0 CP1sD1

tps

psxs avec x0 2W.R/

et xs 2W.mR/ pour s � 1 (on notera qu’il n’y a aucune condition de convergence àimposer sur les xs pour que la somme converge). De l’égalité '.t/D U t, on déduitque lesW.R/dp

�m sont tous stables par '. Ils sont également stables par l’action deGKétant donné que l’on a, d’une part, g.t/D �.g/ � t pour tout g 2 G1 et que, d’autrepart, on sait que le quotient �.t/

test un élément de W.R/ (voir le deuxième exemple

de la section 1.3.4).

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2583

Figure 2. Divers S-modules intervenant dans la démonstration du théorème 3.5. La stratégie de lapreuve est la suivante. On construit d’abord des versions tronquées logm � de l’opérateur log � quidépendent d’un entier m et sont définies a priori sur l’anneau W.R/dp

�m. On montre ensuite que,

modulo des termes qui tendent vers 0 avec m, ces versions tronquées sont définies sur Eint;dp�m en

empruntant le chemin suivant : W.L/dp�m, E

int;perf;dp�m , E

int;'�n;dp�m puis E int;dp. On recolle ensuite

les logm � pour former un véritable opérateur log � défini sur E int;dp et on démontre pour finirque celui-ci est en réalité défini sur un certain localisé explicite de Sdp qui s’injecte dans O.

PROPOSITION 3.10Il existe une constante c (qui dépend de M) telle que, pour tout entier i 2 ¹1; : : : ; pmº,on ait

.id� �/i

i.M/� p�c �W.R/

dp�m˝S M:

Pour cette même constante c, on a également

.id� �/i

i.M/� p�c �W.R/dp˝S M

pour tout entier i � 1.

DémonstrationOn vérifie que .id��/i

iDPijD1.�1/

j�i�1j�1

��j�idj

. Il suffit donc de montrer que, pourtout j 2 ¹1; : : : ; pmº, on a

��j � id

j

�.M/� p�c �W.R/

dp�m˝S M

2584 XAVIER CARUSO

pour une certaine constante c. De plus, étant donné que W.R/dp�m est stable par � , il

suffit de vérifier l’inclusion précédente lorsque j est une puissance de p, i.e. j D ps

avec s �m. Comme M est de E.u/-hauteur finie, il est de E.u/-hauteur � ph pourtout h supérieur ou égal à un entier h0. Le théorème 2.24 affirme alors qu’il existeune constance c0 � 0 ne dépendant que de K telle que pour tout h compris entre h0et s � c0, on ait l’inclusion

.�ps

� id/.M/��tph

W.mR/C ps�h�c0W.R/

�˝S M:

En prenant l’intersection sur tous les h, on obtient

.�ps

� id/.M/� ps�c0

��p�h0W.R/C

s�c0XhDh0

tph

phW.mR/

�˝M:

Or, puisque s � m, ce dernier espace est inclus dans M � ps�c � W.R/dp�m ˝S M

avec c D c0C h0. La proposition en résulte.

La proposition 3.10 montre que le terme général de la sérieP1iD1

.id��/i

i.x/

(pour x 2M) définissant .log �/.x/ vit dans un espace « borné » (dans le sens oùles dénominateurs en p sont contrôlés). Ceci nous autorise à utiliser les résultats dela section 3.2.2 sur les logarithmes tronqués avec a D � . Plus précisément, soit Al’algèbre des applications Qp-linéaires de BCcris ˝S M dans lui-même et, pour toutentier m, soit ƒm le sous-ensemble de A formé des fonctions qui envoient M surp�c �W.R/

dp�m ˝S M. La proposition 3.10 dit alors exactement que � 2 A est ƒm-

borné à l’ordre m. Les propositions 3.7 et 3.8, et le corollaire 3.9 peuvent donc êtreappliqués dans ce contexte. On retiendra en particulier que pour tout n 2 Zp , toutentier m et tout x 2M, on a la congruence

.logm �n/.x/� n � .logm �/.x/ .mod pm�c�1W.R/dp

�m˝S M/; (3.5)

qui nous sera bien utile dans la suite.La suite de la démonstration consiste à borner, par étapes successives, l’image des

applications logm � définie sur M jusqu’à arriver à un espace suffisamment petit quinous permettra en quelque sorte de recoller les logm � pour former une authentiqueapplication log � . On montrera alors que celle-ci prend ses valeurs dans tO˝SM, cequi nous permettra de définir l’opérateur Nr que nous avons évoqué précédemmentet, par suite, de conclure.

Un argument galoisienLe premier argument utilisé pour restreindre l’image de logm � met à profit la relationde commutation (1.6) qui apparaît dans la définition des .'; �/-modules. Étant donné

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2585

que �.�/D 1, celle-ci s’écrit simplement ��.g/ D .g˝ id/ ı � ı .g˝ id/�1 (pour g 2G1=H1), l’égalité ayant lieu dans l’espace des endomorphimes de S� ˝S M. Enprenant le logarithme et en utilisant (3.5), on obtient, pour tout x 2M, la congruence

�.g/ �.logm �/.x/� .g˝ id/ı.logm �/.x/ .mod pm�c�1W.R/dp�m˝SM/ (3.6)

(on rappelle que G1 agit trivialement sur M). On en déduit que logm �.x/ 2 p�c �

Xm;m�1˝S M où

Xm;n D®� 2W.R/

dp�m

ˇ̌8g 2G1; g.�/� �.g/� .mod pnW.R/dp

�m/¯

et c est la constante introduite dans la proposition 3.10. On est ainsi amené à étudierles Xm;n. Pour cela, on rappelle que l’on avait posé LD FracR et que l’on note vpla valuation p-adique normalisée par vp.p/D 1. On introduit l’espace W.L/dp

�m D

W.L/CW.R/dp�m (où la somme est calculée dans p�mW.L/) et on note E

int;perf;dp�m

l’ensemble des séries (formelles) de la formeXq2ZŒ1=p�

aquq; aq 2 p

�m �W

vérifiant les conditions de convergence suivantes :

(a) pour tout entier n� 0, on a vp.aq/��n dès que q � e � pnC1�1p�1

;

(b) le coefficient aq tend vers 0 lorsque q tend vers �1 ;

(c) pour tout " > 0, l’ensemble des q 2 ZŒ1=p� tels que jaqjp > " est discret.�

LEMME 3.11L’élement t appartient à W.mR/.

DémonstrationIl s’agit de démontrer que l’image Nt de t dans W. Nk/ est nulle. Or, en réduisant l’équa-tion '.t/D U t dansW. Nk/, on trouve .Nt/D pNt où désigne le Frobenius naturel surW. Nk/. En prenant les valuations, on obtient vK.Nt/D vK.Nt/C 1, ce qui n’est possibleque si Nt est nul.

Le lemme 3.11 ci-dessus, le fait que vR.tmodp/D ep�1

ainsi que les conditions

(a), (b) et (c) qui apparaissent dans la définition de Eint;perf;dp�m assurent que l’associationP

q aquq 7! t

Pq aqŒ�

q� définit un morphisme Eint;perf;dp�m !W.L/

dp�m pour tout m.

�Avec la condition précédente, cela revient à dire qu’il intersecte tous les intervalles ��1;A� selon un ensemblefini.

2586 XAVIER CARUSO

Celui-ci est injectif car la multiplication par t est déjà injective sur p�m �W.L/dp�m (et

que tout est plongé dans cet espace) ; dans la suite, son image sera notée Eint;perf;dp�m .1/

et l’image d’un élément x 2 Eint;perf;dp�m dans W.L/dp

�m sera notée simplement tx.

Pour simplifier les écritures, on pose dans la suite sm.n/D e �pn�1p�1

lorsque n estélément de ¹1; : : : ;mº et on convient que sm.0/D�1 pour tout m et sm.n/DC1pour n > m. Soit également F perf

0 l’adhérence dans LD FracR du perfectisé de F0.Pour tout v 2R[¹�1º, on note a>v

Fperf0

l’ensemble des éléments de F perf0 de valuation

strictement supérieure à v et on convient que a>1F

perf0

D 0.

LEMME 3.12Pour tout entier m, on a un isomorphisme canonique :

mYnD0

a>sm.n/

Fperf0

a>sm.nC1/

Fperf0

��!

Eint;perf;dp�m

pEint;perf;dp�m

:

DémonstrationLa clé consiste à remarquer que F

perf0 s’identifie à l’ensemble des sériesP

q2ZŒ1=p� aquq telles que aq 2 k pour tout q et satisfaisant aux conditions (b) et

(c) mentionnées précedemment et que, sous cette identification, a>vF

perf0

correspond

aux séries pour lesquelle aq D 0 pour tout q � v. Le morphisme qui apparaît dansl’énoncé du lemme est alors celui qui envoie une famille .Pn/n�0 sur la sommeP0�n�mp

�nPn. Le fait qu’il soit bien défini et qu’il réalise un isomorphisme entreles espaces considérées est enfin une vérification immédiate.

De même, on démontre que, pour tout entierm, on a un isomorphisme canonique,

mYnD0

a>s.m/L

a>s.mC1/L

��!

W.L/dp�m

pW.L/dp�m

(3.7)

où la flèche provient de la multiplication par t.

PROPOSITION 3.13Pour tous entiers n et m, on a

°x 2

W.L/dp�m

pnW.L/dp�m

ˇ̌̌8g 2G1; g.x/D �.g/x

±D

Eint;perf;dp�m .1/

pnEint;perf;dp�m .1/

:

DémonstrationÉtant donné que G1 agit trivialement sur les éléments Œ�q� et par la formule g.t/D

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2587

�.g/t sur l’élément t, l’ensemble de droite est inclus dans celui de gauche. Commeils sont tous deux complets pour la topologie p-adique (puisque annulés par une puis-sance de p), il suffit de démontrer qu’il y a égalité modulo p, c’est-à-dire lorsquenD 1. Dans ce cas, c’est une conséquence immédiate du lemme 3.12, de la formule(3.7) et de la proposition 1.8.

Il résulte de la proposition 3.13 que l’ensemble Xn;m défini plus haut est inclusdans E

int;perf;dp�m .1/CpnW.L/

dp�m et donc que, pour tout entier m, l’application logm �

envoie M sur p�c � .E int;perf;dp�m .1/C pm�1W.L/

dp�m/˝S M.

Une relation de LeibnizLe but de ce paragraphe est de démontrer que les opérateurs logm � vérifient desrelations de Leibniz approchées qui nous seront utiles par la suite. Pour tout entier m,on pose

tm D logmŒ"�Dpm�1XiD1

.1� Œ" �/i

i:

Du fait que vR.1 � "/ Depp�1

< vR.tmodp/ D ep�1

, on déduit que tm 2 W.R/dp�m

pour tout m.

PROPOSITION 3.14Pour tout entier m, tout a 2S et tout x 2M, on a la congruence

.logm �/.ax/� tm � uda

du� xC a � .logm �/.x/ .mod pm�c�1W.R/dp

�m˝S M/

où la constante c est celle de la proposition 3.10.

DémonstrationPar continuité et W -linéarité, il suffit de démontrer la proposition lorsque a est unepuissance de u. Dans ce cas, on part de la relation de commutation � ıun D unŒ" �nı� .En revenant à la définition du logarithme tronqué, on en déduit que .logm �/ ı u

n D

un ı logm.Œ"�n ı �/. Comme � commute à la multiplication par Œ" � (étant donné que �

fixe cet élément), et que la multiplication Œ" � estƒm-borné à l’ordrem (pour l’espaceƒm défini juste après la démonstration de la proposition 3.10), la proposition 3.7s’applique et entraîne la congruence

.logm �/ ı un � nuntmC u

n logm � .mod pm�1unƒm/:

Comme ƒm est stable par multiplication par un, la même congruence est a fortiorivraie modulo pm�1 �ƒm et la formule annoncée dans la proposition en résulte.

2588 XAVIER CARUSO

L’élément tmOn rappelle que W.R/ est muni d’un morphisme d’anneaux � à valeurs dans OCp

défini comme l’anneau des entiers du complété p-adique de NK . Il est bien connu quele noyau de � est un idéal principal engendré par n’importe lequel de ses élémentsdont la réduction modulo p a pour valuation e. Des exemples de tels éléments sontE.u/ ou encore Œ " ��1

Œ"1=p��1D �

'�1.�/. On introduit l’idéal

F 1W.R/D®x 2W.R/

ˇ̌��'i .x/

�D 0;8i

¯:

LEMME 3.15On a F 1W.R/D '.t/ �W.R/D .1� Œ" �/ �W.R/.

DémonstrationOn donne uniquement la démonstration de la première égalité, la seconde étant abso-lument analogue. Pour tout entier i > 0, l’élément 'i .t/ est égal à E.u/'.E.u// � � �'i�1.E.u//t et est donc multiple de E.u/. Ainsi 'i .t/ 2 ker� pour tout i > 0, et, parsuite, '.t/ 2 F 1W.R/. On a ainsi démontré l’inclusion F 1W.R/� '.t/ �W.R/.

Pour démontrer l’inclusion réciproque, on introduit l’idéal I de R défini commele quotient de F 1W.R/ par pF 1W.R/ D F 1W.R/ \ pW.R/. Manifestement, Icontient un élement de valuation ep

p�1, qui est la réduction modulo p de '.t/. Par

ailleurs, on remarque que tout élément x 2 F 1W.R/ est nécessairement multiple de

˛i D'�i .�/

'�.iC1/.�/pour tout entier i � 0 (étant donné que '.x/ est dans le noyau de � ).

Comme tous les idéaux principaux engendrés par les ˛i sont premiers (car les quo-tient W.R/=˛iW.R/ sont tous isomorphes à OCp qui est intègre), on en déduit quex est multiple de ˛0˛1 � � �˛i pour tout i . Or la réduction modulo p de ce produit apour valuation eC e

pC � � � C e

piD ep

p�1� .1� p�.iC1//. Ainsi, vR.xmodp/� ep

p�1�

.1 � p�.iC1// et, comme ceci est vrai pour tout i , on obtient vR.xmodp/ � epp�1

.On en déduit que I est l’idéal de R des éléments de valuation � ep

p�1. Il résulte

de cela que le morphisme d’inclusion � W '.t/ �W.R/! F 1W.R/ induit un isomor-phisme modulo p. Comme les espaces de depart et d’arrivée sont complets pour latopologie p-adique, il suit que � est lui-même un isomorphisme, ce qui signifie queF 1W.R/D '.t/ �W.R/.

Il résulte du lemme et du fait que 1 � Œ" � peut s’écrire sous la forme tp˛ C pˇ

avec ˛ et ˇ dans W.R/ (ce qui suit de l’égalité vR.1 � "/D pvR.tmodp/), que lafraction

t 0m Dtm

tD

1XiD1

E.u/ �1� Œ" �

'.t/�.1� Œ" �/i�1

i

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2589

appartient àW.R/dp�m. D’autre part, étant donné que Œ" � est .W.R/dp

�m/-borné à l’ordrem (dans la Qp-algèbre BCcris par exemple), le corollaire 3.9 implique

g.tm/D logm�Œ"��.g/

�� �.g/ � tm .mod pm�1 �W.R/dp

�m/

'.tm/D logm�Œ"�p

�� p � tm .mod pm�1 �W.R/dp

�m/;

la première congruence étant vraie pour tout g 2G1. Ainsi t 0m est fixe par G1 mo-dulo pm�2 � W.R/dp

�m (on perd une puissance de p à cause de la division par t).

Soit Sperf;dp�m (resp. Sdp

�m) le sous-ensemble de Eint;perf;dp�m formé des séries

Paqu

q

pour lesquelles aq D 0 dès que q < 0 (resp. dès que q < 0 ou non entier). En re-prenant l’argument de la démonstration de la proposition 3.13, on démontre quet 0m s’écrit comme la somme d’un élément x 2 S

perf;dp�m et d’un élément y 2 pm�2 �

W.R/dp�m. De plus, la congruence portant sur '.tm/ implique que x � E.u/

E.0/� '.x/

.mod pm�3 �Sperf;dp�m /. En remarquant que tous les itérés de l’opérateur E.u/

E.0/� ' en-

voient pm�2 �W.R/dp�m sur pm�3 �W.R/dp, on démontre en itérant la congruence pré-

cédente que l’on a nécessairement x 2Sdp�m C p

m�3 �W.R/dp. Comme x est aussi

dans Sperf;dp�m C pm�2 �W.R/

dp�m, on trouve en prenant l’intersection de ces deux es-

paces que x 2Sdp�mC p

m�3 �W.R/dp�m. Au final, on a donc démontré que

tm 2 t �Sdp�mC p

m�3 �W.R/dp�m: (3.8)

Élimination des puissances fractionnairesNous revenons à notre problématique consistant à restreindre l’image de logm � . Pourtout entier m, on définit E

int;'�n;dp�m le sous-espace de E

int;perf;dp�m formé des sériesP

q aquq pour lesquelles aq D 0 dès que pnq n’est pas un entier. Dans la suite, on

notera simplement Eint;dp�m au lieu de E

int;'�0;dp�m . En outre, si E est l’un de ces espaces,

on notera E.1/ son image dansW.R/dp�m par la multiplication par t. On se propose de

démontrer, dans ce paragraphe, qu’il existe une constance c0 � c telle que, pour toutentier m suffisamment grand, on ait

.logm �/.M/� p�c0

��E

int;dp�m .1/C pm �W.L/

dp�mC

tpm

pmW.R/

�˝S M: (3.9)

Pour éliminer ainsi les puissances fractionnaires de u, l’idée principale consiste àréduire petit à petit les dénominateurs qui apparaissent sur les puissances de u en uti-lisant le Frobenius ' et, plus précisément, les deux faits suivant le concernant : primo,il commute à logm � , et secundo, son image est assez grande (ce qui se traduit concrè-tement par la finitude de la E.u/-hauteur de M). Dans toute la suite, on considèreun entier h tel que M soit de E.u/-hauteur � ph. On a alors le lemme suivant quiprécise l’idée générale que l’on vient d’énoncer.

2590 XAVIER CARUSO

LEMME 3.16On suppose qu’il existe un S-module D tel que .logm �/.M/�D˝S M. Alors,

E.u/ph

� .logm �/.M/��S'.D/CStmC p

m�c�1 �W.R/dp�m

�˝S M:

DémonstrationOn considère un élément x 2M. Comme M est supposé de E.u/-hauteur � ph, onpeut écrire E.u/p

hx sous la forme

E.u/ph

x D '.x0/C u'.x1/C � � � C up�1'.xp�1/

où les xi sont des éléments de M. En appliquant logm � à cette égalité, en utilisant larelation de Leibniz approchée démontrée précédemment (voir proposition 3.14) et lefait évident que logm � commute à ', on obtient la congruence

E.u/ph

.logm �/.x/��tm � udE.u/p

h

du� xC

p�1XiD0

�i tmu

i'.xi /C ui' ı .logm �/.xi /

.mod pm�c�1 �W.R/dp�m˝S M/:

Dans le membre de droite de l’expression ci-dessus, le premier terme et le premierterme de la somme appartiennent à tmM, tandis que le deuxième terme de la sommeappartient à S'.D/˝S M. Le lemme en résulte.

Il s’agit maintenant d’appliquer le lemme 3.16 avec le bon D. À cette fin, onintroduit les ensembles suivants paramétrés par les deux entiers m et n :

Am D p�h �W.L/CW.L/

dp�m;

Bm;n D p�h � E

int;'�n;dp�0 .1/C E

int;'�n;dp�m .1/;

Cm Dtpm

pm�W.R/:

On rassemble ci-dessous quelques propriétés de ces espaces.

LEMME 3.17Pour tous entiers m, n avec m� h et n� 1, on a

Am �E.u/p

h

p�AmI Bm;n �

E.u/ph

p�Bm;n;

'.Am/�E.u/phAmI '.Bm;n/�E.u/

phBm;n�1I '.Cm/�E.u/phCm:

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2591

DémonstrationLa dernière inclusion est évidente étant donné que '.tp

m/D tp

m� U p

m(où on rap-

pelle que U D E.u/E.0/=p

et que E.0/p

est un élément inversible dans W.R/ puisqu’ill’est déjà dans Zp). La méthode pour démontrer les quatre autres inclusions consisteà remarquer que E.u/p

hest inversible dans W.L/ et à exprimer son inverse de fa-

çon appropriée. Précisément, on commence par observer que vR.E.u/ph

modp/DvR.t

.p�1/ph modp/, ce qui montre que l’on peut écrireE.u/ph

s’écrit comme un pro-duit ˛ � .t.p�1/p

h� pˇ/ où ˛ est un élément inversible dans W.R/ et où ˇ 2W.R/.

On en déduit que

1

E.u/phD ˛�1 �

1XiD0

ˇi

t.iC1/.p�1/ph� pi : (3.10)

À partir de là, il est facile de démontrer la première inclusion. En effet, il suffit de vé-

rifier que si x est dans p�h �W.L/ ou s’il s’écrit x D tps

ps� y avec y 2W.mR/, alors

p

E.u/ph � x 2Am, et ceci s’obtient en remplaçant la division par E.u/p

hpar l’expres-

sion donnée par la formule (3.10) et en constantant que chaque terme de la sommeobtenue est, lui-même, dans Am. La troisième inclusion (i.e., la première inclusionde la deuxième ligne) se démontre pareilllement. Pour les inclusions faisant interve-nir les Bm;n, la méthode est similaire sauf qu’au lieu d’utiliser la formule (3.10), onutilise la formule

1

E.u/phD

1XiD0

F.u/i

u.iC1/eph� pi

qui s’obtient en écrivant E.u/ph

sous la forme uephC pF.u/ avec F.u/ 2S.

On pose à présent Dm;n D p�c�1 � .pm�1Am C Bm;n C Cm/. Sachant que.logm �/.M/ � p�c � .E

int;perf;dp�m .1/C pm�1W.L/

dp�m/˝S M, on s’aperçoit, en re-

venant aux définitions, que pour tout m, il existe un entier n tel que .logm �/.M/�

Dm;n˝S M. Par le lemme 3.16, il en résulte que

E.u/ph

� .logm �/.M/��S'.Dm;n/CStmC p

m�c�1 �W.R/dp�m

�˝S M:

Or, le lemme 3.17, combiné à l’appartenance tm 2 Bm;0 C pm�3Am (qui découle de(3.8)) implique que, pour tout n� 1, on a

S'.Dm;n/CStmC pm�c�1 �W.R/

dp�m �E.u/

ph �Dm;n�1

pourvu que l’on ait pris soin de choisir la constante c supérieure ou égale à 3 (ce quiest bien sûr toujours possible). On en déduit que .logm �/.M/ �Dm;n�1 ˝S M et,par suite, en répétant l’argument que .logm �/.M/�Dm;0 ˝S M. L’inclusion (3.9)s’ensuit.

2592 XAVIER CARUSO

Passage à la limite sur mLa clé pour effectuer le passage à la limite est le lemme suivant.

LEMME 3.18Pour tout entier m, l’image Qm de W.R/dp

�m \ Eint;dp�m .1/ dans le quotient

W.L/dp�m

pm �W.L/dp�mC

tpm

pm�W.R/

est finie.

DémonstrationExercice. (On rappelle, à toutes fins utiles, que l’on a supposé que le corps résiduel kde W est fini.)

Il suit du lemme que la limite projective desQm (muni de la topologie de la limiteprojective) est un ensemble compact. On en déduit, à l’aide de l’inclusion (3.9) quel’on a démontrée précédemment, que, pour tout x 2M, il existe une suite strictementcroissante d’entiers .mk/k�1 telle que la suite extraite des .logmk �/.x/ converge,pour la topologie de la limite projective, vers un élement de E int;dp.1/˝SM. Commetpm

pmconverge vers 0 dans BCcris quand m tend vers l’infini, cette même suite converge

également pour la topologie usuelle de BCcris (i.e., la topologie p-adique).Soit e1; : : : ; ed une base de M sur S. Quitte à extraire à nouveau, on peut sup-

poser que, pour tout indice i 2 ¹1; : : : ; dº, la suite des .logmk �/.ei / est convergente.

On note pt � xi sa limite, de sorte que xi soit un élément de p�c0

�E int;dp˝S M. Cecinous permet de définir un opérateur Nr WM! p�c

0

� E int;dp˝S M en posant

Nr

� dXiD1

aiei

�D

dXiD1

Nr.ai /˝ ei C aixi .ai 2S/:

Par construction, Nr vérifie la relation de Leibniz

Nr.ax/DNr.a/xC aNr.x/ (3.11)

pour tout a 2 S et tout x 2M. À partir de là, il suit de la proposition 3.14 que.logmk �/.x/ converge vers pt �Nr.x/ pour tout x 2M. Enfin, le fait que ' commuteà tous les logm � implique que l’on a la relation :

Nr ı '.x/D U � .' ˝ '/ ıNr.x/ (3.12)

pour tout x 2M.

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2593

Élimination des puissances négativesSoit Sdp le sous-espace de E int;dp formé des séries

Pq aqu

q (avec q 2 Z) pour les-quelles aq D 0 dès que q est strictement négatif. On note également N le plus grandentier (éventuellement nul) pour lequel E.u/ 2 'n.S/. On pose

Dn.u/D '�1�E.u/

�� '�2

�E.u/

�� � �'�n

�E.u/

�pour tout entier n�N .

LEMME 3.19Soit x 2 E int;dp vérifiant tx 2W.R/dp. Alors, il existe y 2Sdp tel que DN .u/ � .x Cy/ 2S.

DémonstrationEn écrivant x comme la somme d’un élément de E int et d’un élément de Sdp, on voitqu’il suffit de démontrer que tout élément x 2 E int tel que tx 2W.R/ vérifie

'�1�E.u/

�� '�2

�E.u/

�� � �'�n

�E.u/

�� x 2S:

On note S0 l’ensemble des éléments x de E int tels que tx 2W.R/. L’ensemble desvR.xmodp/ pour x parcourant S0 est clairement minoré par � e

p�1(on rappelle que

vR est normalisée par vR.�/ D 1) ; on peut donc considérer un élément a 2 S0 telque vR.amodp/ soit minimal. Comme 1 2 S0, on a de surcroît vR.amodp/ � 0.L’élément a est tel que aS�S0, et il est facile de vérifier que cette inclusion induitun isomorphisme modulo p. On en déduit que S0 D aS. Par ailleurs, comme 1 2S0, il existe un élément b 2 S tel que ab D 1. D’après une variante du théorèmede préparation de Weierstrass (voir par exemple [13, Chapitre 5, Théorème 2.1]), bs’écrit comme le produit d’un élément inversible de S et d’un polynôme B 2W Œu�de la forme B.u/D ud C p.bd�1ud�1C � � � C b0/. On a l’égalité

t �E.u/

'.B.u//D c � '

� t

B.u/

qui montre que la fraction E.u/'.B.u//

appartient à S0, et s’écrit donc sous la formeC.u/B.u/

pour une certaine série C.u/ 2 S. On en déduit que '.B.u// divise le pro-duit B.u/E.u/ dans S. Il résulte directement de cette divisibilité que B.u/ n’est pasmultiple de u.

Si B.u/ n’a aucune racine non nulle dans O NK , alors c’est un polynôme constantqui est inversible dans S. Dans ce cas, on obtient donc SDS0 et le lemme est dé-montré. Supposons maintenant qu’au contraire B.u/ admette une racine non nulledans O NK . Le polynôme B obtenu en appliquant à B admet alors lui aussi aumoins une racine non nulle dans O NK . Soit x une telle racine de valuation minimale

2594 XAVIER CARUSO

et y une racine p-ième de x. De '.B.u//D B .up/, on déduit que y est une racinedu polynôme '.B.u//. Par ailleurs, comme x a été choisi de valuation minimale, yn’annule pas B.u/. Comme il annule, par contre, le produit B.u/E.u/, on a néces-sairement E.y/ D 0. Comme E.u/ est irréductible dans S (car c’est un polynômed’Eisenstein), on a nécessairement

E.u/ divise '�B.u/

�: (3.13)

Nous allons à présent montrer que E.u/ dans l’image de '. Pour cela, on repart del’égalité E.y/D 0 qui montre que y et � sont conjugués sous Galois dans O NK . Il enest donc de même de x D yp et �p . Comme x est annulé par B qui est de degré� e

p�1, on en déduit que le corps K 0 D W Œ1=p�.�p/ est de degré au plus e

p�1sur

W Œ1=p�. Par suite, l’extension K=K 0 est de degré au moins p � 1. Comme elle est,par ailleurs, de degré au plus p (puisque elle est engendré par � qui est manifestementannulé par un polynôme de degré p à coefficients dansK 0), on a ŒK WK 0� 2 ¹p�1;pº.Si on avait ŒK WK 0�D p � 1, le polynôme minimal de � sur K 0 serait de degré p � 1et serait également un diviseur de Xp ��p 2K 0ŒX� ; ce dernier polynôme admettraitdonc également un facteur de degré 1, ce qui n’est pas possible car il ne peut y avoirdansK 0 un élément de même valuation que � . Ainsi ŒK WK 0�D p et ŒK 0 WW Œ1=p��Dep

(et donc, en particulier, p divise e). Le polynôme minimal Q de �p sur W Œ1=p�est donc de degré e

pet � est annulé par Q.up/ qui est de degré e. On en déduit que

Q.up/DE.u/ et, par suite, que E.u/ est dans l’image de ' comme annoncé.La divisibilité (3.13) implique alors que '�1.E.u// divise B.u/ dans S, i.e.,

B.u/D '�1.E.u// � B1.u/ pour un certain élément B1.u/ 2S. De plus, le fait que'.B.u// divise B.u/E.u/ nous apprend que '.B1.u// divise B1.u/'�1.E.u//. Onpeut ainsi appliquer à nouveau le même raisonnement que précédemment qui conduità l’éventualité suivante : soit B1.u/ est inversible, soit E.u/ est dans '2.S/ et B1.u/divise '�2.E.u//. Dans le premier cas, le lemme est démontré tandis que, dans lesecond cas, on écrit B1.u/D '�2.E.u// � B2.u/ et on applique à nouveau le mêmeargument jusqu’à ce que E.u/ ne soit plus élément de 'n.S/ (ce qui arrive nécessai-rement).

Rappelons que nous avions démontré précédemment que pNr.M/ � p�c0

E int;dp ˝S M. Comme, par ailleurs, .logm �/.M/� p�c0

�W.R/dp ˝S M pour toutm, l’application pt �Nr prend également ses valeurs dans p�c

0

�W.R/dp˝S M et lelemme ci-dessus implique que

Nr.M/� p�.c0C1/ �

�SdpC

1

DN .u/S

�˝S M�

1

DN .u/�M (3.14)

où on rappelle que MDO˝S M.

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2595

Soit, comme précédemment, h un entier pour lequel M est de E.u/-hauteur� ph. Soit x 2M. Le produit E.u/p

hx s’écrit alors sous la forme E.u/p

hx DPp�1

iD0 ui'.xi / pour des xi 2M, d’où on déduit, grâce à la relation (3.12),

Nr.x/ 21

'.DN .u// �E.u/ph�O˝S MD

1

DN�1.u/E.u/phC1�M: (3.15)

Or, DN�1.u/ n’est pas nul dans le quotient O=E.u/O 'K . On en déduit que l’in-tersection des idéaux principaux de O engendrés respectivement par DN�1.u/ et parE.u/p

hC1 est l’idéal principal engendré par le produitDN�1.u/E.u/phC1. Ainsi, en

mettant ensemble les inclusions (3.14) et (3.15), on trouveNr.M/� 1DN�1.u/

�M. Enréappliquant le même argument N � 1 fois, on obtient Nr.M/�M. Ainsi M munides opérateurs ' et Nr est un objet de Mod';Nr ;0

=Oet on peut poser S';Nr .M/DM :

le foncteur S';Nr est construit !

3.2.4. Démonstration des propriétés annoncées de S';NrOn considère M un objet de la catégorie Mod';�

=S˝Qp et on pose M D S';Nr .M/.

Soient encore s le plus grand entier tel que l’extension Ks=K soit galoisienne et t leplus petit entier tel que pt .p�1/ dépasse strictement le rang de M comme S-module.Notre premier objectif est de démontrer que les représentations galoisiennes V et Vst

(« st » pour semi-stable) associées respectivement à M et M coïncident en restrictionau sous-groupe Gn pour nD s et nD t . Pour cela, on pose Mst DR';� .M/ : c’estun .'; �/-réseau de E.u/-hauteur finie qui vit à l’intérieur du .'; �/-module corres-pondant à Vst. De plus, par construction, les '-modules MŒ1=p� et MstŒ1=p� sontisomorphes. Ainsi, plutôt que de voir MŒ1=p� et MstŒ1=p� comme deux objets dif-férents, on pourra et on préfèrera considérer MstŒ1=p� comme le '-module MŒ1=p�

muni d’un nouvel opérateur �st. De la même façon, on verra dans la suite Vst comme leQp-espace vectoriel V muni d’une action différence de � 2GK . Avec ces notations,

on cherche à démontrer que �pnD �

pn

st (soit sur MŒ1=p�, soit sur V , c’est équivalent)pour nD s et nD t . Or, on possède deux informations essentielles sur les opérateurs� et �st, à savoir :

(1) par construction, il existe une suite strictement croissante d’entiers .mk/k�0telle que, pour tout x 2MŒ1=p�, la suite des logmk .�/.x/ converge vers pt �Nr.x/ (quand k tend vers l’infini) ;

(2) d’après les résultats de Liu, pour tout x 2MŒ1=p�, la suite des logm.�st/.x/

converge vers pt �Nr.x/ (quand m tend vers l’infini).

Pour avancer, il semble donc qu’il faille relier d’une façon ou d’une autre les opéra-teurs logm � et logm �st agissant sur MŒ1=p� à l’action de l’élément � 2 GK sur lesreprésentations galoisiennes V et Vst. C’est l’objet de la proposition suivante.

2596 XAVIER CARUSO

PROPOSITION 3.20Soit T une Zp-représentation galoisienne libre de E.u/-hauteur finie et soit N

l’unique .'; �/-réseau deE.u/-hauteur finie vivant à l’intérieur de son .'; �/-module.On note �N (resp. �Sur , resp. �T ) l’opérateur � agissant sur N (resp. Sur, resp. T ).Alors, il existe une constance C telle que, pour tout entier m, on ait

.logm �N/.f /� .logm �Sur/ ı f � f ı .logm �T / .mod pm�C �W.R/dp/

pour tout f 2ND HomZpŒG1�.T;Sur/ (où la congruence signifie que la différence

des deux fonctions prend ses valeurs dans pm�C �W.R/dp).

DémonstrationOn rappelle que par définition �N.f /D �Sur ı f ı ��1T . Ainsi,

.id� �N/i

i.f /D

1

i�

iX˛D0

.�1/˛

i

˛

!� �˛Sur ı f ı �

�˛T :

En écrivant ��1T D id� g et en injectant cela dans l’écriture précédente, on obtient

.id� �N/i

i.f /D

1

i�

X0�ˇ�˛�i

.�1/˛Cˇ

i

˛

!�

˛

ˇ

!� �˛Sur ı f ı g

ˇ :

En isolant les termes pour lesquels ˇ D 0 et en remarquant que, si ˇ ¤ 0, on a1i

�i˛

��˛ˇ

�D 1

ˇ

�i�1ˇ�1

��i�ˇ˛�ˇ

�, on aboutit à la nouvelle expression

.id� �N/i

i.f /

D.id� �Sur/i

iı f C

X0<ˇ�˛�i

.�1/˛Cˇ

i � 1

ˇ � 1

!�

i � ˇ

˛ � ˇ

!� �˛Sur ı f ı

ˇ

D.id� �Sur/i

iı f

C

iXˇD1

i � 1

ˇ � 1

!� �ˇSur ı

iX

˛Dˇ

i � ˇ

˛ � ˇ

!.��Sur/˛�ˇ

!ı f ı

ˇ

D.id� �Sur/i

iı f C

iXˇD1

i � 1

ˇ � 1

!� �ˇSur ı .id� �Sur/i�ˇ ı f ı

ˇ: (3.16)

En sommant maintenant sur i variant entre 1 et pm � 1, on obtient

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2597

.logm �N/.f /D .logm �Sur/ ı f

C

pm�1XˇD1

�ˇSur ı

pm�1XiDˇ

i � 1

ˇ � 1

!.id� �Sur/i�ˇ

!ı f ı

ˇ: (3.17)

D’autre part, d’après la proposition 3.10, on sait que .id��N/i

i.f / 2 ƒ˝S M avec

ƒD p�c �W.R/dp pour une certaine constante c. Étant donné que tous les élémentsde M sont des fonctions à valeurs dans Sur �W.R/, on déduit de la formule (3.16)

ci-dessus, que la composée .id��Sur /i

iı f prend ses valeurs dans ƒ pour tout entier i .

De même que l’on a obtenu la formule (3.3), il s’ensuit que .id��Sur /i

iı f prend ses

valeurs dans p`.i/ƒ pour tout i . On déduit de ce fait que

pm�1XiDˇ

i � 1

ˇ � 1

!.id� �Sur/i�ˇ ı f � ��ˇ ı f .mod p`.p

m�ˇ/ƒ/: (3.18)

De plus, il existe une constante c0 telle que gˇ prenne ses valeurs dans pŒc0ˇ�T pour

tout ˇ. Par ailleurs, pour ˇ 2 ¹1; : : : ; pm � 1º, la différence `.pm � ˇ/ � Œc0ˇ� �vp.ˇ/ est minorée par `.pm �ˇ/� Œc0ˇ�� logp.ˇ/, quantité elle-même minorée parm� C pour une certaine constante C (qui dépend de c0). À partir de là, on déduit lacongruence désirée en injectant (3.18) dans (3.17).

Soit T un réseau de V stable par les deux actions de GK , à savoir celle provenantde V et celle provenant de Vst. Si l’on note respectivement � et �st les endomorphismesde T donnés par l’action de � 2GK sur V et Vst, la proposition 3.20 appliquée avecT (vu successivement comme un réseau de V et de Vst) permet de déduire des infor-mations (1) et (2) degagées plus haut que

f ı .logmk � � logmk �st/ tend vers 0: (3.19)

Or, comme on a choisi � dans le sous groupe d’inertie sauvage, les suites �pn

et �pn

st

tendent vers 1, et les opérateurs log � et log �st sont bien définis. En passant à la limitedans (3.19), on obtient f ı log � D f ı log �st. Comme ceci est vrai pour tout f 2HomZpŒG1�.T;S

ur/, on obtient finalement log � D log �st comme endomorphismes

Zp-linéaires de T . Montrons à présent que cela implique que �ptD �

pt

st pour toutentier t tel que pt .p � 1/ > dimQp V . Le lemme clé est le suivant.

LEMME 3.21SoitM un Zp-module libre de rang d et f WM !M un endomorphisme Zp-linéaire.On suppose qu’il existe un entier n tel que f p

n� id .mod p/. Alors pour tout entier

2598 XAVIER CARUSO

t � 0 tel que d � pt�1.p � 1/, on a

vp�.id� f p

t

/i��pt

d� i � 1

où on convient que vp.g/� v signifie que g est divisible par pv .

DémonstrationDe f p

n� id .mod p/, on déduit que f � id induit un endomorphisme nilpotent

sur M=pM et donc que .f � id/d � 0 .mod p/. On pose g D f � id. On a alorsvp.g

d / � 1 et, plus généralement pour tout entier j � 0, vp.gj / �jd� 1. D’autre

part, un calcul immédiat montre que .id� f pt/i s’exprime en fonction de g comme

suit :

.id� f pt

/i D�X

1�j1;:::;ji�pt

pt

j1

!�

pt

j2

!� � �

pt

ji

!� gj1C���Cji

où la notation signifie que la somme est prise sur tous les i -uplets .j1; : : : ; ji / d’élé-ments de ¹1; : : : ; ptº. On en déduit que

vp�.id�f p

t

/i�� min1�j1;:::;ji�p

t

j1C � � � C ji

dC�t �vp.j1/

�C� � �C

�t �vp.ji /

��1:

On observe facilement que le minimum est atteint lorsque chaque ji est une puissancede p : ji D pai pour un certain ai 2 ¹0; : : : ; tº. Pour ji de cette forme, la quantité àminimiser vaut �1C

Pi˛D1

pai

dC .t � ai /. Un calcul immédiat montre que, si on

pose ua Dpa

dC .t � a/, on a d � .ua � ua�1/ D pa�1.p � 1/ � d . Ainsi, d’après

l’hypothèse d � pt�1.p � 1/, chaque pai

dC .t � ai / est minimal lorsque ai D t . Le

lemme en découle.

On est maintenant en mesure de conclure. On note d la dimension de V . Onrappelle en outre que t désigne le plus petit entier tel que pt .p � 1/ > d . On a doncpt�1.p�1/� d ; autrement dit, t satisfait à l’inégalité du lemme 3.21. Appliqué avecM D T et f D � puis avec f D �st, il donne

vp�.id� �p

t

/i��pt

d� i � 1 et vp

�.id� �p

t

st /i��pt

d� i � 1:

Étant donné que pt

d> 1

p�1et que le rayon de convergence de l’exponentielle est

jpj1=.p�1/, on déduit des estimations ci-dessus que les séries exp.log �pt/ et

exp.log �pt

st / convergent respectivement vers �pt

et �pt

st . Comme les logarithmes sont

égaux (puisque log �ptD pt log � D pt log �st D log �p

t

st ), il s’ensuit �ptD �

pt

st

comme voulu.

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2599

Soit maintenant s le plus grand entier pour lequel l’extension Ks=K est galoi-sienne. Le sous-groupe Gs est alors distingué dans GK et c’est le plus petit contenantG1 ayant cette propriété. En d’autres termes, les conjugués de G1 par les élémentsdeGK engendrentGs . On souhaite montrer que V est Vst sont isomorphes en tant quereprésentations de Gs . Soit g 2 GK . On peut appliquer ce que l’on vient de démon-trer en remplaçant le système comptatible de racines ps

0

-ièmes de l’uniformisante.�s0/ par .g�s0/. Ce faisant, on obtient l’existence d’une représentation semi-stableVst;g qui coïncide avec V en restriction au sous-groupe gGtg�1. Si maintenant g1 etg2 sont deux éléments de GK , les représentations Vst;g1 et Vst;g2 coïncident sur l’in-tersection .g1Gtg�11 / \ .g2Gtg

�12 / qui est un sous-groupe d’indice fini de GK qui

découpe une extension totalement ramifiée. D’après la proposition 3.4, les représen-tations Vst;g1 et Vst;g2 coïncident en fait sur toutGK . Il en résulte que V coïncide avecVst sur tous les conjugués de Gt et donc, par suite, sur le sous-groupe engendré parces conjugués. Or celui-ci n’est autre que Gs ; on a donc bien démontré ce que l’onvoulait.

Pour établir complètement le théorème 3.5, il ne reste plus qu’à démontrer quesi M est un objet de Mod';Nr ;0

=Oalors S';Nr ıR';� .M/ est isomorphe à M. Mais,

si l’on note V (resp. W ) la représentation galoisienne associée à M (resp. à S';Nr ı

R';� .M/), on sait, par ce qui vient d’être fait, que V etW coïncident surGs . Or, V etW sont deux représentations semi-stables. Une nouvelle application de la proposition3.4 permet donc de conclure.

3.3. Réseaux à l’intérieur des représentations semi-stablesUn problème classique et important consiste à décrire les réseaux à l’intérieur desreprésentations semi-stables. Dans ce dernier paragraphe, nous aimerions expliquersommairement comment cela peut être réalisé à l’aide de structures entières à l’inté-rieur des objets de Mod';Nr ;0

=O.

3.3.1. Une borne plus précise pour l’action de NrLe point de départ de notre analyse consiste à remarquer que la construction que nousavons faite du foncteur S';Nr (voir la section 3.2.3) donne en réalité un peu plusque ce qui a été énoncé jusqu’à présent. Précisément, elle assure que, si M est un.'; �/-réseau de E.u/-hauteur finie, on n’a pas seulement Nr.M/�O˝S M, maisaussi

Nr.M/�Rint1 ˝S M (3.20)

où Rint1 désigne le sous-S-module de O formé des séries f D

Pn�0 anu

n pour les-quelles la quantité vp.an/C logp.n/ est minorée pour n� 1. Ce n’est pas la premièrefois qu’un tel espace est introduit ; il a été, par exemple, déjà considéré dans [8, Sec-

2600 XAVIER CARUSO

tion II.1], référence dans laquelle l’auteur montre en particulier qu’il s’agit d’un es-pace de Banach pour la valuation vRint

1définie, en reprenant les notations précédentes,

par vRint1.f /D infn�1 vp.an/C `.n/ où `.0/D 0 et `.n/D logp.n/ si n� 1. La pro-

position II.3.1 de [8] montre en outre que Rint1 s’identifie à l’espace des distributions

continues sur Zp d’ordre 1, c’est-à-dire définissant une forme linéaire continue surl’espace des fonctions de classe C1. Dans ce numéro, nous allons démontrer que l’onpeut améliorer encore l’inclusion (3.20) en remplaçant Rint

1 par une partie bornéecomplètement explicite de cet espace.

On rappelle, pour commencer, que l’on dispose d’un morphisme surjectif � WW.R/! OCp dont le noyau est l’idéal principal engendré par E.u/. On rappelleégalement que l’anneau de FontaineAcris est alors défini comme le complété p-adiquede l’enveloppe à puissances divisées de W.R/ relativement à ker� et que l’on a posé

BCcris DAcrisŒ1=p�. La sérieP1iD1

.1�Œ " �/i

idéfinit un élément t 2Acris.

LEMME 3.22Pour tout entier i , on a .t iBCcris/\W.R/D '.t/

i �W.R/.

DémonstrationÉtant donné que '.t/D�t et que './ est inversible dans BCcris, l’inclusion '.t/i �W.R/� .t iBCcris/\W.R/ est immédiate. Pour l’inclusion réciproque, on raisonne parrécurrence sur i . Pour i D 0, il n’y a rien à dire. Supposons que l’on ait .t iBCcris/ \

W.R/D '.t/i �W.R/ et considérons un x 2 .t iC1BCcris/\W.R/. Bien sûr, x est alorsaussi élément de .t iBCcris/ \ W.R/ et donc, d’après l’hypothèse de récurrence, de'.t/i �W.R/. On peut donc écrire x D '.t/iy avec y 2W.R/. D’autre part, x s’écritégalement par hypothèse x D t iC1z avec z 2BCcris. On obtient t iC1z D '.t/iy, ce quidonne y D .�1/iC1'.iC1t/z. En particulier, y est multiple de E.u/ (puisque '.t/l’est) et même, plus généralement, E.u/ divise 'j .y/ pour tout entier j . Autrementdit �.'j .y//D 0 pour tout j et donc, par le lemme 3.15, y 2 '.t/ �W.R/. Finalement,on obtient x 2 '.t/iC1 �W.R/.

On considère, à présent, V une représentation semi-stable de GK et T � Vun Zp-réseau stable par l’action de Galois. Soit M l’unique .'; �/-réseau de E.u/-hauteur finie à l’intérieur du .'; �/-module associé à T . D’après le résultat principalde [17], l’opérateur � induit un endomorphisme de OR˝';S M avec

ORDW.R/\° 1XnD0

fn �tn

pq.n/q.n/Šavec fn 2 SŒ1=p�; fi ! 0

±�Acris

où q.n/ désigne le quotient de la division euclidienne de n par p � 1. On en déduitque pour tout entier i , l’opérateur .id� �/i envoie S˝';S M sur .t iBCcris/˝';S M.

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2601

Comme, en outre, .id � �/i stabilise W.R/˝';S M, on déduit du lemme 3.22 que.id� �/i envoie S˝';S M sur '.t/i �W.R/˝';S M et finalement que

.id� �/i .M/� ti �W.R/˝S M:

On en déduit la proposition suivante.

PROPOSITION 3.23Soient V une représentation semi-stable de GK , et T un Zp-réseau de V stablepar GK . On note M un� .'; �/-réseau de E.u/-hauteur finie à l’intérieur du .'; �/-module associé à T . Soit M l’objet de Mod';Nr ;0

=Oassocié à V . Alors,

Nr.M/�Sr ˝S M

où Sr est l’ensemble des séries de la formePn�0

Pn.u/

pnC1ue.p

n�1/=.p�1/ où les Pn.u/sont des polynômes à coefficients dans W .

Remarque 3.24Comme le module Sr est inclus dans Rint

1 , la proposition apparaît comme un raffi-nement de l’inclusion (3.20). Mieux encore, Sr apparaît comme un sous-ensembleborné dans Rint

1 ; de façon explicite, il est inclus dans la boule de centre 0 et de rayonp2

e.

3.3.2. Reconstruction de � à partir de NrLes bornes que l’on vient d’obtenir permettent de donner un sens à l’expressionexp.ptNr/ et ainsi de reconstruire � à partir de la connaissance de Nr . Il faut tou-tefois être prudent car les itérés successifs de ptNr ne sont pas clairement définispuisque Nr n’est défini a priori que sur MDO ˝S M qui n’est manifestement passtable par multiplication par t.

Pour contourner ce problème, on procède comme suit. Pour tout entier positif ounul i , on définit Rint

i comme l’ensemble des séries f DPn�0 anu

n pour lesquellesla quantité vp.an/C i logp.n/ est minorée pour n� 1. Si i et j sont deux entiers, leproduit d’une fonction de Rint

i par une fonction de Rintj appartient à Rint

iCj . La relationde Leibniz permet de prolonger l’opérateur Nr à O ˝S M, tandis que la remarqueque l’on vient de faire montre que ce prolongement, que l’on appelle encore Nr ,envoie Rint

i ˝S M sur RintiC1˝S M. Les formules N .0/

r D id et

N.iC1/r D iu �

d

du�N

.i/r CNr ıN

.i/r

�Il est en fait unique d’après la proposition 3.1.

2602 XAVIER CARUSO

définissent alors des applications S-linéaires N .i/r WM!Rint

i ˝S M qui, d’un point

de vue intuitif, doivent être pensées comme les quotients .ptNr/i

.pt/i. Sachant que

Nr.M/ � Sr ˝S M, il n’est pas difficile de démontrer que la somme infiniePi�0

.pt/i

iŠ�N

.i/r converge vers un opérateur W -linéaire � WM! BCcris ˝S M. Une

récurrence sur i montre que, pour tout x 2M et tout entier i , on a la formule

N.i/r .ux/D u �

iXjD0

i

j

!.�/i�jN

.j /r .x/:

Il en résulte par un nouveau calcul que �.ux/ D Œ" � � �.x/ pour tout x 2M, rela-tion qui permet de prolonger � par semi-linéairité à tout BCcris ˝S M. Par ailleurs,

on montre, à nouveau par récurrence sur i , que N .i/r et ' satisfont à la relation de

commutation N .i/r ı ' D U

i � ' ıN.i/r , à partir de quoi il suit que � et ' commutent.

Finalement, on laisse en exercice au lecteur le soin de vérifier que la série définissantle logarithme de � définit un endormorphisme M! BCcris ˝S M qui coïncide avecpt �Nr .

Remarque 3.25La reconstruction de � que l’on vient de présenter implique de nouvelles contraintessur l’espace d’arrivée de l’opérateur � . Soit, en effet, pour tout entier i , S.i/

r le sous-S-module de O engendré par les produits de i éléments de Sr . Par convention, onpose également S.0/

r DS. Pour tout i , S.i/r est alors un sous-ensemble borné de Rint

i

et les piS.i/r se plongent également dans W.R/Œt=p�^ en envoyant, comme d’habi-

tude, u sur Œ� �. Il est alors immédiat de vérifier que les morphismes N .i/r définis

précédemment prennent leurs valeurs dans S.i/r ˝S M, et donc que

�.M/��Xi�0

piS.i/r � t

i�^˝S M (3.21)

où le produit piS.i/r est vu dans W.R/Œt=p�^ et l’exposant ^ signifie que l’on prend

l’adhérence dans W.R/Œt=p�^.

3.3.3. Structures entières à l’intérieur des objets de Mod';Nr ;0=O

Le résultat de la proposition 3.23 conduit naturellement à la définition (sans douteprovisoire) suivante.

Définition 3.26Un .';Nr/-réseau est la donnée d’un objet M de Mod'

=Smuni d’un morphismeNr W

M!Sr ˝S M vérifiant la relation de Leibniz (3.11) et la relation de commutation(3.12).

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2603

Un morphisme entre deux .';Nr/-réseaux M et M0 est un morphisme f entreles objets de Mod'

=Sfaisant commuter le diagramme suivant :

MNr

f

Sr ˝S M

id˝f

M0Nr

Sr ˝S M0

On note Mod';Nr=S

la catégorie des .';Nr/-réseaux. Si, par ailleurs, Repint;stŒ0;C1Œ

.GK/

désigne la catégorie des réseaux stables parGK à l’intérieur des représentations semi-stables à poids de Hodge-Tate positifs ou nuls, on a construit précédemment un fonc-teur K int W Repint;st

Œ0;C1Œ.GK/! Mod';Nr

=Squi s’insère dans le carré commutatif sui-

vant :

Repint;stŒ0;C1Œ

.GK/

K int

RepstŒ0;C1Œ

.GK/

� K

Mod';Nr=S

Mod';Nr ;0=O

PROPOSITION 3.27Le foncteur K int est pleinement fidèle. De plus, un .';Nr/-réseau M est dans sonimage essentielle si, et seulement si l’endomorphisme � de BCcris ˝S M défini à lasection 3.3.2 stabilise W.R/˝S M.

DémonstrationC’est immédiat.

3.4. Bornes pour la ramification sauvage des représentations semi-stablesNous concluons cette section en expliquant sommairement comment la combinai-son de plusieurs idées qui ont été développées dans les pages précédentes permettentde compléter les méthodes de [6] et de démontrer la conjecture 1.2.(1) dont voicil’énoncé.

THÉORÈME 3.28Soit r un entier positif. Soit T le quotient de deux réseaux stables par GK dans unereprésentation semi-stable à poids de Hodge-Tate dans ¹0; : : : ; rº. On se donne unentier n tel que pnT D 0. Si r

p�1s’écrit sous la forme p˛ˇ avec ˛0 2N et 1

p< ˇ0 � 1,

alors pour tout

2604 XAVIER CARUSO

�> 1C e.nC ˛/Cmax�eˇ �

1

pnC˛;

e

p � 1

le sous-groupe de ramfication G.�/K agit trivialement sur T .

DémonstrationElle est analogue à celle présentée dans [6] sauf que, comme dans la section 2.2 de cetarticle, on remplace les quotients Wn.R/=Œa>aR � et Wn.R/=Œa>bR � (avec les notationsde [6]) par Wn.R/=.E.u/r tr/Wn.mR/ et Wn.R/=trWn.mR/ respectivement. La cléréside en fait dans une généralisation appropriée du lemme 3.2.1 de [6] qui stipule que,si M est l’unique .'; �/-réseau de E.u/-hauteur � r dans le .'; �/-module associé àun réseau dans une représentation semi-stable à poids de Hodge-Tate dans ¹0; : : : ; rº,alors pour tout s > n� 1C logp r et pour tout 2Gs , on a :

. � id/.M/� .trSC� C pnS� /˝S M:

Il suffit bien sûr d’établir cette inclusion lorsque g D �ps. Dans ce cas, elle découle

d’une expression de �ps

en fonction de l’opération Nr analogue à celle qui a étéétablie pour � dans la démonstration de la proposition 3.23. Si l’on préfère, elle peutégalement s’obtenir, de même que dans [6], comme une conséquence de la théoriedes .'; OG/-modules de Liu. Le reste de la démonstration est absolument similaire à[6] ; on ne le répète donc pas ici.

4. Quelques perspectives

Le cas pD 2Tout au long de cet article, nous avons supposé que le nombre premier p était impair.Bien que cette hypothèse ait été utilisée à plusieurs reprises au fil des démonstrations,l’auteur est d’avis que l’ensemble des résultats obtenus devrait s’étendre (sans douteavec quelques modifications mineures) au cas p D 2. L’exercice reste cependant àfaire.

Lien avec les .';�/-modulesComme cela a été démontré dans cet article, la catégorie des .'; �/-modules est équi-valente à celle des représentations galoisiennes de GK . Ainsi elle est aussi équiva-lente à la catégorie des .';�/-modules de Fontaine. Expliciter cette équivalence sanspasser par les représentations de GK nous semble une question naturelle et intéres-sante. L’obtention d’un tel résultat pourrait permettre de déduire du théorème 3.5 unnouveau critère pour reconnaître les représentations semi-stables en termes de leurs.';�/-modules. Se poserait alors la question de comparer celui-ci avec celui qui dé-coule de la théorie de Berger (voir [2]). Le rapprochement des deux points de vue

REPRÉSENTATIONS GALOISIENNES p-ADIQUES ET .'; �/-MODULES 2605

pourrait peut-être conduire à une meilleure compréhension des représentations semi-stables.

Dans le même veine, on peut chercher à rendre explicites les liens entre les diffé-rentes catégories de .'; �/-modules que l’on obtient en faisant varier l’uniformisante� , la famille des �n, ou encore l’élément � . Ceci devrait permettre une meilleurecompréhension des .'; �/-modules. Un moyen, qui semble raisonnable, pour abordercette question consiste à adapter les constructions de la section 3.1 de [4] en gardantà l’esprit que � joue le rôle de l’opérateur exp.tN / où t D logŒ"� 2Acris.

Surconvergence des .'; �/-modulesUn résultat important de la théorie des .';�/-modules est le théorème deCherbonnier-Colmez (voir [7]) qui affirme que tout .';�/-module étale sur E ad-met un « .';�/-réseau » défini sur un anneau des séries surconvergentes, c’est-à-direconvergentes sur une coronne infinitésimale sur le bord du disque unité. Dans cetarticle, nous nous sommes contentés de considérer des réseaux définis sur l’anneauS dont les éléments convergent dans tout le disque unité. Comme nous l’avons vu,cela suffit pour l’application aux représentations semi-stables à poids de Hodge-Tatepositifs ou nuls car, d’après les résultats de Kisin, les .'; �/-modules qui leur sontassociés admettent toujours de tels réseaux. Par contre, comme nous l’avons montrédans la section 2.1.2, ce n’est pas le cas de tous les .'; �/-modules et, notamment decelui correspondant à la représentation Zp.�1/ que l’on a a priori pas envie d’écarter.Pour pouvoir continuer à travailler avec cet exemple basique (et bien d’autres), il pa-raît donc important de comprendre si — et, le cas échéant, comment — le théorèmede Cherbonnier-Colmez s’étend aux .'; �/-modules.

Utilisation du logarithme dans le cas de torsionDans la section 3, nous avons vu que, dans le cas des .'; �/-modules libres sur E int,la considération du logarithme de � s’est relévé être un outil puissant pour décrire cetopérateur. C’est par exemple elle qui nous a permis d’obtenir l’inclusion (3.21). Onpeut donc se demander dans quelle mesure des arguments similaires s’appliquent dansle cas des .'; �/-modules de p-torsion. Bien entendu, la considération du logarithmedevient alors bien plus délicate à cause des divisions par p qu’il faudra désormaiscontrôler avec plus d’attention.

Le problème du rélèvement des représentationsDans [6], les auteurs ont posé dans la section 5 un certain nombre de questions surla possibilité de relever en caractéristique nulle des représentations galoisiennes detorsion. Typiquement, on se donne une Fp-représentation NT de GK , et on se de-mande s’il existe un réseau T dans une représentation cristalline (resp. semi-stable)

2606 XAVIER CARUSO

à poids de Hodge-Tate contraints, et un morphisme surjectif T ! NT . La théorie des.'; �/-modules nous semble être une approche intéressante pour aborder ce type deproblèmes (au moins dans le cas des représentations semi-stables) puisqu’elle permetà la fois de décrire les représentations libres et de torsion, et de reconnaître de façonparticulièrement simple les réseaux dans les représentations semi-stables.

Remerciements. Ce travail puise son origine et son inspiration dans de nombreusesdiscussions avec Tong Liu ; à travers ces quelques lignes, l’auteur souhaite lui té-moigner tous ses remerciements. Il remercie également le referee anonyme pour sarelecture attentive et ses nombreuses remarques.

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Institut de Recherche mathématique de Rennes, Université de Rennes 1, 35042 Rennes, France ;

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