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n°7 octobre 2007 1 À en croire plusieurs des fondateurs du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, dont Blaise Giraudi, la Résistance n’aurait plus de sens s’il fallait en réduire la portée aux actions des années 1940 – 1944. Convaincu de l’intemporalité et de l’universalité de ses valeurs, lui et d’autres nous auront permis d’aborder d’autres résistances, celle des Argentins confrontés à la dictature et à ses conséquences, par exemple. L’évocation de cette résistance, il est vrai, ne souffrit d’aucune contes- tation mais en sera-t-il de même de celle des chômeurs dont le musée présente aujourd’hui l’expérience ? De ceux qui se sont révoltés en 1998, en occupant des lieux publics, séquestrant des patrons ou saisissant de la nourriture dans les grandes surfaces ? Car telles ont été les actions qui donnent à cette rébellion le sens d’une résistance. Pour permettre à chacun d’en juger, nous avons fait le choix, dans l’exposition, comme dans l’ouvrage qui le prolonge, de laisser les chômeurs s’exprimer eux-mêmes. C’est eux qui ont décidé du titre : Rompre le silence. De la sentence de « mort sociale » auquel équivaut le licenciement pour celle ou celui qui le vit, jusqu’aux justifications, souvent humiliantes, qu’il faudra dès lors ne plus cesser de fournir, pour conserver de quoi subsis- ter, toutes les étapes de ce parcours éreintant sont là restituées jusqu’à la solitude, le rejet, l’expulsion, la mala- die… Une deuxième partie fait état de la chronologie du « traitement social » du chômage depuis 1975 – la fin des Trente glorieuses – en même temps qu’est évoquée la profusion de papiers (courriers de l’ANPE, cartes de pointages, justifications, circulaires, lettres de demande d’emploi…) qui jalonne ce cheminement. La troisième partie présente, au travers de témoignages et d’une cinquantaine de portraits saisissants dont chacun dit à sa manière : « J’existe ! », autant d’histoires de vie cabos- sées ou brisées où persistent pourtant une lueur d’espoir, celui que la résistance, précisément, nourrit. La quatrième partie sollicite l’opinion du visiteur : « Comment construire une société sans chômage ? ». Le grave problème ici dénoncé par les chômeurs eux-mêmes est bien sûr celui de notre société toute entière. Puisse leur résistance contribuer à la changer. [ ] RÉSISTANCE & DROITS DE L’HOMME édito Journal du Musée de la Résistance et de la Déportation & de la Maison des Droits de l’Homme L’exposition Rompre le silence. Mémoires de chômeurs et précaires en Isère, 1975 – 2007, présentée au Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère - Maison des Droits de l’Homme du 26 octobre 2007 au 7 avril 2008, est avant tout le fruit de rencontres. Celle de l’association de chômeurs Gallo (Groupement d’activités locales libres et ouvertes) et d’institutions, telles les Arts du Récits ou les services du Conseil général de l’Isère qui ont su répondre en faisant de ce besoin d’être entendu, un projet culturel. Différents partenariats, enfin, avec un écrivain, un photographe, des cinéastes, un scénographe, un graphiste et l’équipe d’un musée ont donné corps à ce projet : une exposition, un livre de témoignages et de portraits photographiques et un film. l’exposition ROMPRE LE SILENCE MEMOIRES DE CHÔMEURS ET PRECAIRES EN ISERE 1975-2007

Résistance & Droits de l'Homme n°7

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Journal du Musée de la Résistance et de la Déportation

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Page 1: Résistance & Droits de l'Homme n°7

n ° 7 o c t o b r e 2 0 0 7

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À en croire plusieurs des fondateurs du Musée de laRésistance et de la Déportation de l’Isère, dont BlaiseGiraudi, la Résistance n’aurait plus de sens s’il fallait enréduire la portée aux actions des années 1940 – 1944.Convaincu de l’intemporalité et de l’universalité de sesvaleurs, lui et d’autres nous auront permis d’aborderd’autres résistances, celle des Argentins confrontés à ladictature et à ses conséquences, par exemple. L’évocationde cette résistance, il est vrai, ne souffrit d’aucune contes-tation mais en sera-t-il de même de celle des chômeursdont lemusée présente aujourd’hui l’expérience?De ceuxqui se sont révoltés en 1998, en occupant des lieux publics,séquestrant des patrons ou saisissant de la nourrituredans les grandes surfaces ? Car telles ont été les actionsqui donnent à cette rébellion le sens d’une résistance.Pour permettre à chacun d’en juger, nous avons fait lechoix, dans l’exposition, comme dans l’ouvrage qui leprolonge, de laisser les chômeurs s’exprimer eux-mêmes.C’est eux qui ont décidé du titre : Rompre le silence.

De la sentence de « mort sociale » auquel équivaut lelicenciement pour celle ou celui qui le vit, jusqu’auxjustifications, souvent humiliantes, qu’il faudra dès lorsne plus cesser de fournir, pour conserver de quoi subsis-ter, toutes les étapes de ce parcours éreintant sont làrestituées jusqu’à la solitude, le rejet, l’expulsion, la mala-die… Une deuxième partie fait état de la chronologie du« traitement social » du chômage depuis 1975 – la findes Trente glorieuses – en même temps qu’est évoquéela profusion de papiers (courriers de l’ANPE, cartes depointages, justifications, circulaires, lettres de demanded’emploi…) qui jalonne ce cheminement. La troisièmepartie présente, au travers de témoignages et d’unecinquantaine de portraits saisissants dont chacun dità sa manière : « J’existe ! », autant d’histoires de vie cabos-sées ou brisées où persistent pourtant une lueur d’espoir,celui que la résistance, précisément, nourrit. La quatrièmepartie sollicite l’opinion du visiteur : « Commentconstruire une société sans chômage ? ». Le graveproblème ici dénoncé par les chômeurs eux-mêmes estbien sûr celui de notre société toute entière. Puisse leurrésistance contribuer à la changer.

[ ]RÉSISTANCE& DROITSDE L’HOMME

é d i t o

Journal duMusée de la Résistance et de la Déportation& de la Maison des Droits de l’Homme

L’exposition Rompre le silence.Mémoires de chômeurs et précairesen Isère, 1975 – 2007, présentéeau Musée de la Résistance et de laDéportation de l’Isère - Maison desDroits de l’Homme du 26 octobre 2007au 7 avril 2008, est avant tout le fruitde rencontres. Celle de l’association dechômeurs Gallo (Groupement d’activitéslocales libres et ouvertes) etd’institutions, telles les Arts du Récitsou les services du Conseil général del’Isère qui ont su répondre en faisantde ce besoin d’être entendu, un projetculturel. Différents partenariats,enfin, avec un écrivain, unphotographe, des cinéastes, unscénographe, un graphiste et l’équiped’un musée ont donné corps à ceprojet : une exposition, un livre detémoignages et de portraitsphotographiques et un film.

l ’ e x p o s i t i o n

ROMPRELE SILENCEMEMOIRESDE CHÔMEURSET PRECAIRESEN ISERE1975-2007

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Michel Gasarian, photographeDe quelle manière êtes-vous arrivé dans leprojet ?Je suis arrivé dans le projet par le biais del’ethnographie et des relations que j’ai punouer avec le Musée dauphinois au traversde précédents projets. Je crois que c’est masensibilité à photographier les gens, monapproche humaine des choses qui a conduitJean Guibal à penser à moi alors que le pro-jet « Gallo » était déjà bien avancé. Il étaitquestion d’une exposition,d’un film et d’unlivre et s’il y avait un livre il fallait qu’il y aitdes images photographiques. J’ai souventmis en relationmon travail photographiqueavec une écriture ethnographique ou socio-logique, ça m’intéresse de confronter lesdeux parce que je trouve que l’une n’em-piète jamais sur l’autre, c’est très intéressantde faire cheminer comme ça des imageset du texte et il était question de ça sur ceprojet, alors j’ai dit oui.

Quels ont été alors les objectifs de votretravail ?Il était question de rencontrer et de photo-graphier des personnes au chômage et dansla précarité. J’ai laissé venir les informationset j’ai compris qu’il y avait une force cen-trifuge autour de Gallo et de ses membres.Comme je prends souvent le contre-pieddes choses, j’ai décidé de faire en sorte de ne

pas me concentrer sur Gallo, parce qu’il yavait déjà beaucoup de choses autour et quesi l’on se cantonne à cette association, on netravaille plus sur le chômage et la précaritédans son ensemble. En accord avec Chris-tian Devaux1, j’ai donc pris le parti d’ou-vrir ce travail de façon très large et d’allervers la plus grande diversité possible.C’étaitquelque chose qui me passionnait d’allerdécouvrir ces personnes, car l’un des avan-tages de la photographie c’est d’aller à larencontre des gens et pas seulement de fairedes images.C’estmêmeplus la rencontre queles images qui compte dans le résultat final.

Comment avez-vous procédé ?J’ai un ami qui m’a permis d’être introduitauprès de la direction d’Ozanam2 et des res-ponsables du Secours catholique. Je suisarrivé en expliquant qu’une exposition allaitêtre présentée au Musée de la Résistance. Larecommandation de cet ami couplée au pro-jet m’ont donné un certain aval auprès deces associations.C’est très intéressant parceque ça rassure les gens qui habituellementnous voient venir, nous les photographes,avec une certaine appréhension ; en généralnous ne sommes pas bien aimés parce quecertains photographes font du misérabi-lisme dans le champ social. Je suis donc allépasser des journées entières à Ozanam,par-fois pour ne pas faire grand chose, un ou

deux portraits mais ça avançait quandmême, je rencontrais de plus en plus de per-sonnes et ceux qui m’avaient dit non audépart finissaient parfois par dire oui. Onne peut pas faire confiance à quelqu’un sansle connaître un minimum surtout quand ily a la photo derrière, on n’a pas non plustoujours envie d’être photographié dans cesconditions-là. L’expérience, les rencontreset le lieu ont été si forts que j’ai l’impressiond’y avoir tissé de véritables liens.J’ai fait la même chose au Secours catho-lique, c’était vraiment une expérience trèsriche parce que j’ai appris en discutant avecles responsables qu’ils organisaient chaqueannée une marche sur les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle avec ce publicdéfavorisé. Et je suis parti marcher troisjours complets avec eux ; c’est pendant cettemarche que j’ai réalisé les portraits. C’étaitun lieu de rencontre formidable.Pour finir, j’ai envoyé des mails à toutes mesconnaissances grenobloises en leur deman-dant s’ils pouvaient m’indiquer des per-sonnes à contacter. Ca m’a fait un petitréseau de gens disséminés qui sont encorevenus d’ailleurs. Finalement, les gens deGallo, parce que j’en ai photographié cer-tains, ceux d’Ozanam, ceux du Secourscatholique qui sont souvent des publicstrès différents et les gens dispersés, m’ontpermis de réaliser une cinquantaine deportraits. �

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i n t e r v i e w s

1- Fondateuret permanent del’association Gallo

2- Ozanamest un centred’hébergementet de réinsertionsociale

Rencontres avec Michel Gasarian, Hervé Bienfait, Catherine Page etAlain Massonneau qui racontent leur arrivée et leur travail autour du projet «Gallo»

Catherine Page,Alain Massonneau, cinéastesComment l’idée d’un film vous est-elle venue?Catherine Page : Christian Devaux, fonda-teur de l’association Gallo, je l’ai rencontréen 1993 à l’époque où il était au Comité deschômeurs de la région grenobloise et où jeme trouvais aussi. Il y avait également à cetteépoque Lucien et Claire, d’autres membresde Gallo, nous étions tous au chômage. J’aifait un bout de chemin avec eux et puis jesuis partie. Par hasard, on s’est retrouvés auprintemps 2005 à un arrêt de tram, on acommencé à discuter et ce qu’ils m’ontraconté m’a intéressée, vraiment intéressée.Christian venait de monter Gallo et il sor-tait avec Lucien des ateliers d’écriture qu’ilsanimaient à Teisseire. Il m’a invitée à venirvoir ce qu’ils faisaient. J’en ai tout de suiteparlé à Alain, je savais que c’était le type desujet qui pouvait l’intéresser et je savais queChristian était le type de personne qui allaitlui plaire. J’ai mis pas mal de temps àrépondre à son invitation et presque neufmois après nous sommes venus, nous avonsdécouvert Gallo et l’histoire de Christian.

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Hervé Bienfait, écrivainComment avez-vous été associé au projet ?Je pense que c’est venu du fait que pour mesprécédents livres, il y a eu des rencontresavec le Musée dauphinois et particulière-ment avec Jean Guibal. Il a suggéré que jesois chargé de ce nouveau livre et donc j’airejoint le projet en cours de route il y a unan, en septembre 2006.

Quelle était votre mission?La mission, c’était la maîtrise d’œuvre d’unouvrage qui accompagnerait l’exposition. Ils’agissait de faire le passage à l’écrit de toutun travail de collecte de témoignages orauxqui serait réalisé en grande partie par l’asso-ciation Gallo.Ce qui m’a été demandé aussic’était d’aller au-delà de Gallo, rencontrerd’autres personnes encore. Jeme suis tournépar exemple vers lemilieu des jeunes artistesqui vivent la précarité mais pas de la mêmefaçon qu’un chômeur de longue durée. Ilsne la vivent pas comme un échec maiscomme une condition sociale qui n’est pasforcément perçue commenégative.Certainsdisent même que c’est une source de créa-tion. Pour d’autres personnes, la précaritéest un passage qui intervient au démarragede la vie professionnelle. J’ai veillé aussi à ceque différentes générations soient représen-tées et puissent s’exprimer.

Comment s’est déroulé votre travail ?J’ai rencontré toutes les personnes qui ontété interviewées, à quelques exceptions près.Mon travail a consisté à prendre la matièrepremière, les témoignages oraux, pour lesréécouter et les transcrire. J’ai retranscritl’ensemble des interviews et ça m’a permisde percevoir des récurrences, des insis-tances, des idées ou des expériences com-munes. De là, j’ai identifié onze thèmes quisont vite apparus comme étant les chapitresdu livre. Cette partie de mon travail, c’est-à-dire la mise en forme du livre, le choix deschapitres, etc., je l’ai conduite en discutantavec Gallo. Ça me semblait important qu’ily ait un aller-retour dans la construction dece livre. Une fois les extraits choisis, il étaitessentiel que les témoins relisent le petit cor-pus des textes que j’avais faits à partir deleurs témoignages. Chacun a relu, corrigé,rectifié, il était important qu’ils puissent direqu’ils se reconnaissaient dans les propos quej’avais mis en forme. �

Avec Alain, nous nous sommes dit, il y a delamatière. J’ai été impressionnée par cet ate-lier d’écriture et ce que ça représentait poureux, quelque chose de tellement fort qu’ilsviennent une fois par semaine, de 18 heuresà 20 heures, écrire ensemble, lire leurs texteset parler.

Comment cette idée s’est-elle concrétisée ?Catherine Page : Christian nous a tout desuite invités à venir aux réunions qu’il avaitavec Jean Guibal et nous sommes arrivéscomme ça dans ces échanges qui existaientdéjà depuis un an, un an et demi. Quelquechose était en train de se construire et le faitqu’on s’y insère a dû accélérer un peu leschoses pourChristian. La rencontre à l’arrêtde tram lui a permis de formuler un désirqu’il caressait depuis longtemps, celui d’unfilm. Ce n’était pas forcément évident parceque les gens à Gallo sont pas mal cabossés,assez méfiants, ils avaient peur de la mani-pulation à travers les images, peur de ce quel’on va penser, beaucoup de réserve à êtrefilmé. Ça n’a pas été facile.AlainMassonneau:Nous leur avonsprésenté

notre travail. Ils sont venus à la cinéma-thèque lorsque nous avons projeté 10,5°C àl’ombre, un documentaire que j’ai réalisé surl’hospice du Perron et au Centre nationald’Art contemporain lorsque nous avonsprésenté Et nous sortîmes par là pour revoirles étoiles, un film sur la danse de Jean-Claude Gallota et ils ont accroché. Un jourde janvier 2006,nous sommes arrivés àGalloavec unmagnétoscope,notre télévision,noscassettes, une galette des rois, une bouteillede cidre et nous avons montré des extraitschoisis de nos réalisations. La semaine sui-vante nous commencions à tourner.

Pourquoi avoir construit ce filmsimplement sur l’association Gallo ?CatherinePage : La volonté desmembres deGallo lorsqu’ils ont rencontré Jean Guibalétait d’être écoutés, regardés, considéréscomme des humains. De retrouver unedignité que le mot chômage a tendance àenlever. Il y avait vraiment cette demandelà. Nous avons passé du temps à observer etpour nous il est très vite apparu commeévident,notamment quandMichelGasarian

et Hervé Bienfait ont rejoint le projet, quele film allait être autour de Gallo, sur Gallouniquement. Nous n’allions pas chercherd’autres chômeurs ailleurs, il y avait tout cequ’il fallait à Gallo et notamment autour decet atelier d’écriture. Ce n’est pas quelquechose d’animépar une institutionoupar desécrivains, c’est un atelier qu’ils animent entreeux. J’ai vraiment été épatée par certainstextes, par certaines voix qui parlaient, pourmoi ça faisait exploser les préjugés sur leschômeurs, les gens en précarité, les exclus.Nous ne voulions pas faire un film pour lesmilitantsmais un filmqui puisse toucher lar-gement les gens qui ne se sentent a priori pasconcernés. C’était vraiment ça l’idée et il estapparu très vite que ça serait autourdeChris-tian, parce que Gallo c’est lui, c’est lui qui l’afondé, parce que c’est l’âme de Gallo, c’estson histoire, que là-bas les gens sont sous lecharme de Christian, ils attendent après laparole de Christian.Quand on construit unfilm, il faut que quelqu’un le porte, un per-sonnage qui ait un certain charisme, parceque ce film, il raconte une histoire.�

ROMPRELE SILENCEMEMOIRES

DE CHÔMEURSET PRECAIRES

EN ISERE1975-2007

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RÉSISTER

MILITER

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é v é n e m e n t s

L’exposition Rester libres ! – Les expressionsde la liberté, des Allobroges à nos jours està nouveau ouverte au Musée dauphinoisdepuis le 1er octobre 2007 et jusqu’au 30 juin2008. Dans ce cadre, le Musée de la Résis-tance et de la Déportation de l’Isère –Maison des Droits de l’Homme organise,jusqu’à la fin 2007, une série d’événements.Chacun d’eux, jusqu’au temps fort du8 décembre, est une contribution de plusà la fondation du grand projet, initié en2001 par le Conseil général, de créer uneMaison des Droits de l’Homme en Isère.Portant sur l’accueil des étrangers, lesconditions de vie faites aux travailleursimmigrés ou l’aide aux femmes SDF,les rendez-vous proposés sont autantd’illustrations de l’actionmilitante conduiteau nom des Droits de l’Homme dans cedépartement.

Le temps fort de cetteprogrammation sera laprésentation conjointe du filmet du livre Résister, militer quiaura lieu le samedi 8 décembre2007 à 15h au Muséedauphinois.

Les enregistrements vidéo filmés réalisésdans le cadre de l’exposition Rester libres !,auprès des plus grandes « figures » du mili-tantisme local ont fournit l’argument et lamatière d’un ouvrage et d’un film.Complé-tés de plusieurs développements surl’histoire récente des organisations associa-tives engagées dans la défense des Droits del’Homme, la diversité de leurs combats etla connaissance des femmes et des hommesqui les mènent, ce livre et ce film offrentpour la première fois, un regard global surl’action de défense des Droits de l’Hommedans le département de l’Isère. Portantle même titre : Résister, militer, ils tententd’apprécier le lien qui peut être fait, de laLibération à aujourd’hui, entre Résistanceet militance.

Résister, militer le filmFilm documentaire réalisé par MichelSzempruch (Association Repérages), 2007,52 minutes.Autour des témoignages d’une vingtaine demilitants, hommes, femmes, jeunes ou dotésd’une grande expérience, dans quelques-unes des nombreuses causes défendues enIsère par les associations locales, le filmRésister, militer interroge les citoyens quenous sommes, tant sur ce qui conduit tel outel à réagir, dès qu’une situation lui paraîtinacceptable, que sur les formes de cesréactions et le rôle qu’elles jouent dansl’évolution de la société.

Résister, militer le livreOuvrage illustré, édité par le MRDI/MDHPlus de trois cents associations, en ce débutdu XXIe siècle, défendent les Droits del’Homme en l’Isère. Outre la présentationdes faits marquants de leurs combats, àpartir de ce qu’en retient la mémoire mili-tante, et de l’étude d’archives, ce livre tentede mettre en évidence les particularitéslocales de cette action associative, et lescaractéristiques des comportements de ceuxqui lamènent. Il propose ainsi une réflexionplus générale sur le profil psychologiqueet le sens profond de l’engagement de cesmilitants que Bernard Doray, anthropo-logue et psychiatre, appelle « les porteurs dedignité ».Outre de nombreux témoignages,cet ouvrage rassemble les analyses dechercheurs – politologue, économiste etanthropologue – sur le monde militant del’Isère. �

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Dans le courant des années soixante-dix, plusieurs dictatures militaires furent instaurées dans de

nombreux pays latino-américains pour maîtriser et éliminer l’action menée par les intenses mouve-

ments politiques et sociaux de l’époque.

Un véritable processus de dévastation et de persécution politique s’enclencha alors dans toute la

région, entraînant l’enlèvement, la torture et l’assassinat de milliers de personnes, pour culminer dans

l’implantation d’un modèle économique néolibéral.

Pour survivre, un million et demi de latino-américains furent contraints de s’exiler.

La conséquence directe de cette situation fut l’arrivée en France de milliers d’exilés, principalement

chiliens, argentins et uruguayens.

Dans ce cadre, la Ville de Grenoble joua un rôle particulièrement important, accueillant ces expa-

triés grâce à l’organisation d’un réseau solidaire qui proposait à chaque famille un logement, des

cours de français, un soutien financier et légal pendant les premiers mois de leur établissement en

France.

Le processus d’intégration des exilés à la société française présenta à la fois des traits communs et des

caractéristiques singulières : supporter l’exil, la mort des proches, accepter l’échec d’un projet social

et politique qu’ils avaient commencé à construire, s’inventer de nouveaux défis, de nouveaux rêves.

Beaucoup d’entre eux se marièrent, eurent des enfants, des petits-enfants français, et établirent ainsi

des liens sociaux qui se consolidèrent avec le temps.

Au début des années quatre-vingt, le retour à la démocratie que connurent certains pays d’Amérique

latine, incita certains exilés à retourner vivre dans leur pays. D’autres y tentèrent simplement leur

chance puis, pour différentes raisons, décidèrent finalement de revenir en France. D’autres encore

choisirent définitivement cette terre d’accueil pour s’y établir sans jamais chercher à rentrer dans leur

pays d’origine.

Le documentaire Terre de refuge va à la rencontre d’un groupe d’exilés pour tenter de raconter leur

passé, leur douleur, et de témoigner du processus singulier qu’est l’intégration à une autre société.

En France, à une époque où les lois sur l’immigration font l’objet de changements permanents et où

beaucoup d’immigrés peinent à trouver leur place dans une société de plus en plus refermée sur elle-

même, nous croyons qu’il est important de récupérer la parole des acteurs sociaux qui ont pris part,

de diverses façons, à la construction de cette intégration.

Que représente l’exil dans la vie d’une personne?

Comment cohabiter avec l’impossibilité du retour ?

Comment recommencer ?

Comment s’intégrer dans une société dont vous ne faites pas partie naturellement ?

Quel chemin choisir quand le retour est possible ?

Telles sont les questions que nous nous sommes posées lorsque nous avons commencé notre recherche.

La méthode de réalisation que nous avons choisie a été de suivre le voyage de Cristina. Réfugiée

politique ayant vécu ses premières années d’exil à Grenoble, elle décide de prendre la route pour

retrouver cette ville d’accueil et y assister à un asado – un barbecue rituel organisé depuis 1976 par

les exilés latino-américains pour remercier le peuple français de son hospitalité envers eux.

Cette route la mène peu à peu à la rencontre des premiers lieux où elle a habité à son arrivée, des

personnes avec lesquelles elle a partagé ses premiers temps d’exil, l’amenant ainsi à se remémorer,

tout au long de son périple, aussi bien les histoires liées à son « ancienne vie », de l’autre côté de

l’Atlantique, que celles de sa nouvelle vie en France.

À Grenoble, Cristina est attendue par Alicia, Jaime, Juan Carlos, Jorge, qui pour la plupart, ont

partagé avec elle les premières années d’exil. Tous se retrouvent religieusement autour de cet asado

pour évoquer, une fois de plus, l’arôme de leurs racines.

Ces hommes et ces femmes ressentent alors le besoin de sculpter le passé, de raconter à leurs enfants

leurs années passées « là-bas », les raisons qui les forcèrent à partir, les années de militantisme, les

rêves et le monde qu’ils pensaient leur construire. Beaucoup de ces enfants, la nouvelle génération,

apportent leurs témoignages et leurs points de vue dans le film.

La caméra est là, omniprésente, nous permettant de garder précieusement la mémoire sensorielle et

physique d’une génération. Témoigner de l’exil, de la construction de nouveaux fondements, de la

nostalgie, des rancœurs, de l’héritage. Un récit d’inquiétudes, d’angoisses, de plaies et de solitudes,

mais aussi d’espoir.

Hernan Belon/Favio Fischer

Dans le cadre de cette programmation, le Musée de la Résistance et dela Déportation de l’Isère — Maison des Droits de l’Homme a choisi deprésenter, en avant-première et en partenariat avec le CollectifArgentine 1976 – 2006 :temps de mémoire, vérité et justice, le film documentaireTerre de refuge, réalisé par Hernan Belon et Favio Fischer.Il est le premier film documentaire qui témoigne des parcours vécus parles exilés latino-américains en France depuis leur arrivée jusqu’à leurintégration à la société française.

p r o c h a i n e e x p o

À l’occasion de la parution du livre deMichelle Blondé Une usine dans la guerre,La Société nationale de la Viscose àGrenoble, 1939-1945, (Pressesuniversitaires de Grenoble, collectionRésistances), le Musée de la Viscoseprésentera une exposition éponymeautour de l’histoire de la «Viscose»sous l’Occupation, du 25 avril au 25octobre 2008. En parallèle, le Muséede la Résistance et de la Déportationproposera, à partir du 24 mai 2008,un éclairage plus spécifique sur ledéveloppement de la Résistance au seinde l’usine et sur leurs instigateurs.

Créée en 1927, l’usine de la Viscose à Échirollesfabrique du fil de rayonne fin destiné à la bonneterieféminine et aux doublures de vêtements. Lorsque laguerre éclate, l’usine de Grenoble fonctionne depuisdouze ans.Dès 1942, un réseau de résistance se met progressive-ment enplace, à partir d’unnoyaud’amis, rassemblésau sein du syndicat CGT clandestin. La présence, ausein de l’usine, de nombreux étrangers qui ont déjàcombattu le fascisme ou en ont été victimes, offre unterrain favorable à la Résistance. Dès lors, imprimeret distribuer des tracts, cacher ceuxque l’on rechercheet leur procurer de fausses identités, deviennent lelot quotidien de ces premiers résistants. Parmi eux,certaines personnalités témoignent de cet engagementprécoce dont Louis Baille-Barrelle, secrétaire du syn-dicatCGTen1936,qui rejoint en 1942 lemouvementCombat, devient membre de l’Armée secrète sous lepseudonyme de « Davin » puis dirige les groupesfrancs de Combat de laViscose. Louis Clavel est l’au-teur d’actions souvent spectaculaires dont la plusconnue est l’attentat, en mai 1943, contre le siège del’état-major italien, à l’hôtel Gambetta. Ses activitéssyndicales l’amènent, avec René Thomas, à rencon-trer l’équipe de l’école des cadres d’Uriage et en par-ticulier Joffre-Dumazedier qu’il aide à former descercles d’études dans le milieu ouvrier. Autre figurecélèbre, Roger Bonamy, qui occupe à l’usine la fonc-tion de directeur du centre de formation des jeunes,est membre de Combat sous les pseudonymes de« Joseph » ou « Ciment », et devient président duCDLN(Comité départemental de la Libérationnatio-nale).Louis Baille-Barelle est arrêté en septembre 1943. Ilen est de même de quarante « viscosiers » arrêtés etdéportés lors de la manifestation du 11 novembre1943. L’usine est également marquée par la person-nalité de sondirecteur Pierre Fries, alsaciende confes-sion protestante, qui en tant que conseiller presbyté-ral, est proche des pasteurs Charles Westphal et J.Cook,bien connuspour leur engagement dans la pro-tection des juifs. Même s’il fallut longtemps pour lesavoir, Pierre Fries connaît les activités clandestinesde son personnel et les approuve. �

Les résistants de la Viscose

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d i s p a r i t i o n s

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Jacques BourdisNé le 10 novembre 1920 à Gre-noble, il est inscrit à la faculté deslettres et vient de se présenter auconcours d’entrée à l’École mili-taire de Saint-Cyr lorsque survientla débâcle de juin 1940. Refusantl’armistice, il décide de poursuivrela lutte soit en Afrique du Nord,soit aux côtés des Britanniques. Le22 juin, il entend à Montpellier leGénéral De Gaulle à la radio deLondres et réussit à embarquer, le23, à Sète, sur un cargo anglais quil’emmène à Liverpool. Il s’engagedans les Forces françaises libres etest affecté auBataillon de chasseursoù il suit le peloton d’élèves aspi-rants à Camberley.

Affecté à la 13e demi-brigade dela Légion étrangère (13e DBLE) le1er septembre 1941, il participe àtoutes les campagnes de cette unitédepuis Solum sur la frontièreégypto-libyenne en janvier 1942,jusqu’à la frontière franco-italiennele 8 mai 1945. Il combat notam-ment à Bir-Hakeim, en mai-juin1942,puis participe aux campagnesdeTunisie, d’Italie en 1944 commechef de section, puis en Francecomme commandant de la 7e Ciedu 2e Bataillon de la Légion étran-gère. Il termine la guerre enAlsace,en janvier 1945, où il est blessé aubras. Promu capitaine en août1945, il devient aide de camp dugénéral Koenig, commandant enchef français en Allemagne, puisofficier de liaison en zone britan-nique d’occupation jusqu’en 1950.Il exerce différents commande-ments enAllemagne, en Indochine,en Algérie. Promu général de bri-gade en 1970, il achève sa carrièrecomme gouverneur de la 2e régionmilitaire de Lille.Membre du conseil scientifique duMusée de la Résistance et de laDéportation de l’Isère, il participeactivement à sa départementalisa-tion en 1994. Il était le derniersurvivant des douze Isérois,Com-pagnons de la Libération.

Alain Le RayNé à Paris le 3 octobre 1910, éclai-reur-skieur de formation, officierdes chasseurs alpins, il fait aussides études de lettres et épouse LuceMauriac, fille de François Mau-riac. En mai 1940, alors qu’il se batsur l’Ourcq avec le 159e régimentd’infanterie alpine, il est faitprisonnier et s’évade une premièrefois de Poméranie. Repris, il estenfermé dans la célèbre citadellede Colditz en Saxe, d’où, exploitrarissime, il parvient à fuir enescaladant le mur d’enceinte,le 11 avril 1941.Revenu à Grenoble, il participe àun stage à l’école des cadresd’Uriage, où les formateurs sonten train de basculer dans laRésistance. Lui-même, un tempsconfiant dans l’idée que Pétaincherche à réunir les conditionsd’une reprise de la guerre,est, selon son expression, « vitedéniaisé » et passe à la dissidence,tout en maintenant son niveaud’escalade en Oisans. Fondateuravec Pierre Dalloz etYves Farge dupremier comité duVercors, début1943, il est chargé de l’étude mili-taire technique du « plan Monta-gnards ». Dans l’hypothèse d’undébarquement en Provence etde parachutages d’hommes etd’armements qui doivent atteindreenviron 7000 hommes, le plateaupourra être défendu pendantquatre à cinq jours s’il est attaqué.

Son rôle de chef militaire s’accroîtencore après les arrestationsd’Aimé Pupin et Victor Huillier.C’est avec Eugène Chavant qu’ilconstitue le deuxième comité duVercors, et commence à mettre enapplication le plan Montagnards,tandis que Charles Delestraint etJean Moulin sont arrêtés. Il par-vient à faire baisser la méfianceentre les militaires montés aumaquis et les compagnies civiles,mais un incident survient lors dela répartition du parachutage de

Darbounouze, le 13 novembre1943.Mis en cause, Le Ray démis-sionne, et quitte leVercors fin jan-vier 1944. Mais sa personnalitédemeure très appréciée en Isèreoù le Comité départemental deLibération nationale de l’Isère lenomme chef des Forces françaisesde l’intérieur en mai 1944. Il coor-donne les combats de la libérationde l’été 1944,malgré les difficultésde transmission et poursuit laguerre à la tête de ses maquisardsdevenus membres de la 7e demi-brigade de chasseurs alpins pen-dant l’hiver 1944-45. Il mène alorsd’ultimes combats contre l’arméeallemande au Mont-Cenis, enHaute-Maurienne. Il poursuit sacarrière militaire, en Indochine,en Algérie où il commande la 27e

division d’infanterie alpine enKabylie, puis comme inspecteurgénéral de la Défense opération-nelle du territoire. Respectueuxlui-même des points de vue dechacun, il a toujours bénéficié del’estime de toutes les composantesde la résistance iséroise.

Blaise GiraudiNé le 10 mars 1919 à Turin,il arrive à Modane en 1922 puiss’installe à Voiron.Mobilisé en 1940 dans l’aviation,il reste dans l’armée d’armisticejusqu’en avril 1942.Il rentre alors à Voiron et estembauché à la Thomson. Oppo-sant au régime de Vichy, il s’en-gage dans des actions de résistanceau sein du mouvement Libération(distribution du journal clandes-tin Libération Sud, création d’unedizaine d’actions immédiates).En novembre 1943, il devient chefdu secteur deVoiron en remplace-ment de Georges Frier et se faitrecruter par les skis Rossignol, enguise de « couverture ».L’action de la Résistance voiron-naise est alors essentiellementdirigée contre les miliciens. Enseptembre 1943, il participe àl’organisation de l’attentat contrele siège local de laMilice deVoiron.Mais il est repéré et doit quitter larégion pour Paris en avril 1944.Le 8 juin 1944, tandis qu’il déposedes documents dans le XVe arron-

dissement, il est pris dans une sou-ricière par la Milice, sous la fausseidentité de Bernard Guérin.Aprèsavoir été torturé, il est remis à laGestapo et déporté le 15 août 1944à Buchenwald et Dora (matricule77 536).Mais il parvient à s’évaderau printemps 1945, lors du trans-fert des détenus à pied, et estrecueilli par un paysan allemand.BlaiseGiraudi s’est toujours préoc-cupé depuis, de la transmissionde la mémoire de la Résistanceet de la Déportation. Longtempsmembre de la Commission pourl’enseignement de la F.N.D.I.R.P.,il participe aussi très activement àla départementalisation du Muséede la Résistance et de la Déporta-tion en qualité de vice-présidentde l’association du Musée.

Willy HoltChef décorateur de cinéma, colla-borateur de Arthur Penn, OttoPreminger, Fred Zinnemann, JohnFrankenheimer, Stanley Donen,Woody Allen, Bertrand Blier ouRoman Polanski, Willy Holt s’estéteint le vendredi 22 juin à Paris, àl’âge de quatre-vingt-cinq ans.Néaméricain en 1921, William Holts’engage tôt dans la Résistance àParis. Il convoie de l’argent pour lesmaquis duVercors tandis qu’il estarrêté le 24 décembre 1943 à lagare de Grenoble. Les agents de laGestapo découvrent qu’il est cir-concis. C’est là, sur la porte d’unedes cellules de la Gestapo, désor-mais conservée au Musée, queWilly Holt dessine sa caricature.Considéré comme juif, il est trans-féré à Drancy avant d’être déportéà Auschwitz dans le convoi n°67du 3 février 1944.Mais il survit etretrouve la liberté en 1945. C’estalors qu’il devient décorateur decinéma et fonde une famille. En1988, il reçoit le César du meilleurdécor pour Au revoir les enfants deLouisMalle.En 1995, à la demande

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de son fils et de sa fille qui souhai-tent connaître son passé dedéporté, il publie son histoire :Femmes en deuil sur un camion(Nil éditions). À la lecture de cetouvrage, Raphaël Lewandoskiréalise un documentaire en 1999:Une ombre dans les yeux (Les filmsde la Porte Rouge). En dialogueavec ses proches, Jorge Semprunet Roman Polanski, Willy Holtretrouve peu à peu les mots pourraconter sa survie. L’équipe duMusée conserve un souvenir émude cet homme pudique, imagina-tif et sensible.

Charles BrunNé à Pont-de-Claix le 16 octobre1922, son enfance, l’école laïque etses valeurs républicaines,mais plusencore, ses années de jeunessemar-quées par le rugby et le scoutisme,vont guider ses choix ultérieurs.En effet son capitaine d’équipe estPhilippe Valois, fils du DocteurValois, président du club de rugby.En 1941, élève à Champollion, ilest fortementmarqué par les arres-tations de Pierre Fugain, GuyGenon-Catalot et Albert Gaillard.Au printemps 1943, appelé auSTO, il rejoint grâce à un ami scoutle maquis de Vaujany, initié parJoseph Perrin (Paradis), puis enjuin, il est affecté au maquis écolede Theys. Au mois de juillet, ilrejoint le service Périclès desMUR(Mouvements unis de la résis-tance) des Hautes-Alpes, puis àl’automne 1943, le Haut-Jura,région de Saint-Claude,un groupefranc spécialisé dans les coups demain contre les Chantiers de lajeunesse, pourvoyeurs en vête-ments et chaussures des maquis.

Le 16 octobre, lors d’une attaquecontre un chantier, il est arrêté àPont-de-Poitte, au sud de Lons-le-Saunier, par les gendarmes dela brigade de Clairvaux-les-Lacs.Jugé à Lyon, il est emprisonné à laprison Saint-Paul, puis transféré à

la centrale d’Eysses dans le Lot-et-Garonne, d’où il est déporté enAllemagne au camp de Dachau.Il en revient très éprouvé et semarie en 1948. Dès les annéescinquante, il participe à la défenseet la reconnaissance des droits desdéportés, en 1966 il devient prési-dent de l’ADIF (Association desdéportés, internés et de leurfamille).

André JarrandOriginaire de Grenoble, il est néle 10 octobre 1922 dans le quar-tier Saint-Laurent où ses parentstiennent un commerce. Il travailleau début de la guerre dans le cabi-net de Jean Benoît, architectemunicipal de Grenoble.

Tandis qu’il est appelé au STO (ser-vice du travail obligatoire), début1943, ilmonte le 10mars, avec troisautres de ses camarades réfrac-taires, au pied du Néron, près dela grotte dite du « colonel Brun ».Mais le manque d’eau les oblige às’installer dans la grange deM. Neyroud, sous les batteries duRachais. Le groupe, fort d’un effec-tif de dix hommes, prend le nomde 2e détachement Bayard ; le 1er

détachement étant sous les ordresde Georges Roche. Le 20 juillet1943, le groupe abandonne lecamp, à la suite du ratissage duRachais par les GMR (groupesmobiles de réserve) et se disperse.De septembre 1943 à juin 1944,date de son intégration dans le 3ebataillon FTP, le groupe Bayardopère des coups de main pourrécupérer des tickets d’alimenta-tion et multiplier des actions desabotages contre des usines.De chef de groupe,André Jarrandpasse chef du bataillon. Pour desraisons de sécurité, le commande-ment FTP décide la création demaquis. La 1ère compagnie s’ins-

talle aux Girieux (sous la Pinéa),le 2e aux Marcellières (au dessusde Proveysieux) et la 3e à Mont-Saint-Martin.Fin juillet, appelé à l’état-major dusecteur 2 FTP, Jean-Henri BuissonDebon le remplace à la tête dudétachement.Gravement blessé enseptembre 1944, il est ensuiteaffecté au 4e génie de Grenoble etdémobilisé fin 1945.

RaymondNagel

Né à Nancy le 14 août 1921, Ray-mond Nagel est élève ingénieur àl’Institut d’électrotechnique et demécanique appliquée de Nancylors de la défaite de juin 1940.Pendant les vacances d’été 1940, ilest stagiaire à la Compagnie géné-rale électrique. C’est là qu’il com-mence à rédiger des tracts répé-tant des messages de la radioanglaise, ceux-ci étant ensuitereproduits sur lamachine à tirer lesplans de l’entreprise. L’été suivant,il distribue le journal clandestind’Henri Frenay Les Petites ailes.Très vite repéré par les Allemands,il quitte Nancy au mois de sep-tembre 1941 pour Grenoble oùil compte terminer ses étudesd’ingénieur à l’Institut d’électro-technique. Il s’installe à l’Ile Verteet entre très vite en contact avecla Résistance ; en juillet 1942 ilrencontre Marie Reynoard qui lecharge de la fabrication de fauxpapiers et de la distribution dujournal Combat. C’est à cetteépoque qu’il adopte le pseudo-nyme de Pierre Carré, inspiré decelui de Poincaré, nom du lycéede Nancy où il fit ses études. À lafin de 1942, il devient chef degroupe franc. Recherché par lapolice de Vichy, en juillet 1943, ilrejoint l’Angleterre via l’Espagne.Après plusieurs mois d’entraîne-ment, il est parachuté le 23 mai1944 dans la région de Troyes, puisrejointDijon où il organise, en tant

qu’officier d’opérations aériennes,les réceptions d’armes et de muni-tions en provenance d’Angleterre.Marié à une anglaise en janvier1946, il s’établit à Londres.

RenéMouchetIl naît à Virieu-sur-Bourbre, le 27juillet 1925 dans une famille répu-blicaine et antifasciste. Son père,qui travaille à Force et Lumière,estmuté àGrenoble au début de laguerre. La famille Mouchet s’ins-talle à Seyssinet et René est embau-ché chez Merlin-Gerin, d’abord àla fonderie de Fontaine, puis àl’usine de Grenoble.Proche duParti communiste,RenéMouchet fait équipe avec deux deses camarades de travail, Bouvieret Bergeret. Le petit groupe com-met de multiples sabotages etnotamment celui des transforma-teurs fabriqués par Merlin-Gerinpour lamarine allemande.En août1943, alors qu’il dynamite la ported’un milicien habitant cours Jean-Jaurès, le groupe est repéré par lapolice française. Gaston Bouvierest arrêté et sera déporté. RenéMouchet et son autre camaraderéussissent à s’échapper. En juillet1944, il rejoint le maquis duVercors, vit l’attaque allemande du21 juillet et réussit à quitter leplateau sain et sauf. Il livrera plustard un saisissant témoignage de lafin dramatique du maquis.De 1953 à 1977,RenéMouchet estconseiller municipal de Fontaine,secrétaire départemental del’ANACR (Association nationaledes anciens combattants de laRésistance) depuis 1977 etmembredu Conseil national de l’ANACRdepuis 1958. Jusqu’à une daterécente, il entretenait avec l’équipedu Musée de la Résistance et de laDéportation de l’Isère des relationsconfiantes et chaleureuses.

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Numéro 7 – octobre 2007.Directeur de Publication : Jean-Claude Duclos.Rédaction : Alice Buffet, Jean-Claude Duclos, Favio Fischer et Hernan Belon, Jacques LoiseauConception, réalisation : Pierre Girardier.Crédits photographiques : Michel Gasarian/Signatures,Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, Musée de la ViscoseImprimeur : Les Deux-PontsTirage : 5 000 ex. Dépôt légal à parution. ISSN en coursMusée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère/Maison des Droits de l’Homme.Ouvert tous les jours, de 9h à 18h, du 1er septembre au 30 juin(sauf mardi, de 13h30 à 18h et samedi, dimanche de 10h à 18h) et de 10h à 19h, du 1er juilletau 31 août (sauf mardi, de 13h30 à 19h).14, rue Hébert – 38000 Grenoble. tél 04 76 42 38 53 – fax 04 76 42 55 89.www.resistance-en-isere.frL’entrée dans les musées départementaux est gratuite.

Jeudi 18 octobre 2007/18h30Mes luttes, nos luttes/// Présentation du livre de Jo BriantUne rencontre est proposée ce jour avec l’une des plus grandes figures du militantisme localArchives départementales de l’Isère : 2, rue Auguste-Prudhomme à Grenoble

Jeudi 15 novembre 2007/18h30Terre de Refuge/// Film documentaire réalisé par Hernan Belon et Favio Fischer, 2007, 61’Un débat suivra la projection, avec la participation des réalisateursEn partenariat avec le collectif Argentine 1976 – 2006 : temps de mémoire, vérité et justice etavec le soutien de l’IEP de GrenobleArchives départementales de l’Isère : 2, rue Auguste-Prudhomme à Grenoble

Mardi 20 novembre/18h30Dans le cadre de la Journée internationale des Droits de l’enfantTable ronde autour de la question des enfants de « sans-papier ».Avec Jacques Barou, anthropologue à l’université Grenoble II et chargé de recherche au CNRS,Abdellatif Chaouite, rédacteur en chef de la revue Écarts d’identité, Thibaut Michoux, Réseauéducation sans frontières, Jean-Marie Delmas, Ligue des Droits de l’Homme.Archives départementales de l’Isère : 2, rue Auguste-Prudhomme à Grenoble

Jeudi 29 novembre 2007/18h30Notre santé n’est pas à vendre/// Film documentaire réalisé par l’ADCFA (Association dau-phinoise de coopération franco-algérienne), 1975-1976, 52’Un débat suivra avec la participation d’une partie des réalisateurs et de témoinsEn partenariat avec l’association Algériens en Dauphiné et dans le cadre de TRACESArchives départementales de l’Isère : 2, rue Auguste-Prudhomme à Grenoble

Samedi 8 décembre 2007/15hRésister, militer Défendre les Droits de l’Homme en Isère, de la Libération à aujourd’huiPrésentation du film et du livre. Un débat suivra la projection et la présentation du film avecla participation des auteurs et de témoinsMusée dauphinois : 30 rue Maurice-Gignoux à Grenoble

Jeudi 13 décembre 2007/18h30Malaimance, histoires de femmes en errance/// Film documentaire réalisé par l’associationFemmes SDF de Grenoble, 2005, 52’Un débat suivra avec la participation de témoins du film, de femmes actuellement aidées parl’association et de responsables de Femmes SDFArchives départementales de l’Isère : 2, rue Auguste-Prudhomme à Grenoble

Du lundi 31 mars aumardi 8 avril 20087e édition du festival du film de Résistance proposé par les Amis de la Résistance-ANACRDans ce cadre, le Musée propose :Jeudi 3 avril 2008/18h30Projection-conférenceDes Allemands dans la Résistance/// réalisé par Jean-Pierre Vedel, 52’En présence du réalisateur (sous réserve)Archives départementales de l’Isère : 2, rue Auguste-Prudhomme à Grenoble

Vendredi 25 avril 2008/18hInauguration des nouvelles présentations de la salle dédiée à la DéportationMusée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère : 14, rue Hébert à Grenoble

Du vendredi 25 avril au vendredi 2 mai 2008Présentation, dans l’espace d’exposition temporaire de l’installation vidéo réalisée par le Museodiffuso de Turin sur la représentation théâtrale de Si c’est un homme de Primo Levi par leTeatro stabile de Turin. Grâce à une extraordinaire collection de photographies, de notes demise en scène, d’indications techniques et d’enregistrements sonores, le spectacle vit denouveau quarante ans après sa première représentation, le 18 novembre 1966. Les images sontdevenues des photogrammes d’un film jamais tourné, un souvenir fait d’atmosphères, delumières, de mouvements et de changements de scènes, une sorte de cinémascope qui restitueSi c’est un homme tel qu’il fut présenté sur scène.Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère : 14, rue Hébert à Grenoble

Vendredi 2 mai 2008/20hParoles d’étoile/// LectureÀ l’âge des rires, ils ont dû porter l’étoile jaune, quitter leurs parents, apprendre à dissimuler,vivre avec la peur et les cauchemars. Leurs souvenirs sont souvent cruels. Ils ont connu la tra-hison d’un ami ou d’un voisin, la lâcheté d’un policier servile, l’indifférence glaciale de ceuxqui ne voulaient rien voir et rien savoir.Mais ils ont acquis aussi la lucidité des rescapés. Ils ontgardé ce regard d’enfant, sans concession, qui remarque le détail juste et le geste qui sauve…Certains ont trouvé un véritable amour auprès de ces « justes » qui les ont protégés en bravanttous les dangers. Par centaines, plongeant dans leurs souvenirs, ils ont répondu à l’appel deRadio France. Ils composent pour nous l’album de souvenir de la grande famille des enfantsdu silence.par Paroles en Dauphiné et AnagrammeMusée dauphinois : 30, rue Maurice-Gignoux à Grenoble

a g e n d a

autres rencontresManifestations organisées autour del’exposition Rompre le silence.Mémoires de chômeurs et précairesen Isère, 1975 – 2007Pas seulement des chômeurs : des hommes et des femmesExposition des travaux réalisés au cours de l’atelierd’expression artistique de l’association GalloInauguration le mercredi 7 novembre 2007 à 18h.AntigoneEn lien avec l’exposition du Musée de la Résistanceet de la Déportation de l’Isère, les participants de l’atelierd’expression artistique présentent leur travail sur lethème de l’identité du chômeur ou du précaire. L’objectifest de permettre aux créateurs d’exprimer leur vécude personne reléguée ou stigmatisée par le manqued’emploi. Dans un premier temps, chacun a fait unmodelage en plâtre de son visage et l’a collé sur unpanneau. Ensuite, cette expression directe de son identitéa été mise en image au moyen du dessin, de la couleuret de l’écriture. Chaque panneau représente la manièredont chacun vit son regard et celui des autres dans sasituation de précarité, de recherche d’emploi, entre espoiret angoisse. Certains expriment la colère ou ledésenchantement, d’autres, à l’inverse, témoignent durecours à l’humour ou de l’espoir en un avenir meilleur.

À cette occasion sera projeté le filmLa rue est dans la nuit comme une déchirure.

L’exposition sera présentée :Du 7 novembre 2007 au 6 janvier 2008 à Antigone,22 rue des Violettes à Grenoble.Du 7 janvier au 6 juin 2008 à Solexine,12, rue Ampère à Grenoble.Du 7mars au 25 avril 2008 à Ozanam,route d’Uriage à Vaulnaveys-le-bas.

La rue est dans la nuit comme une déchirureLundi 19 novembre 2007 de 13h30 à 17h30Une après-midi organisée par la commission localed’insertion de Grenoble (Conseil général de l’Isère),autour de visites commentées de l’expositionpar Christian Devaux, fondateur et permanent del’association Gallo, et de la projection du film d’AlainMassonneau et Catherine Page, à l’intention despartenaires de l’action sociale en Isère mais ouverte àtous, selon les places disponibles.Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère :14, rue Hébert à GrenobleArchives départementales de l’Isère :2, rue Auguste-Prudhomme à Grenoble

L’altra campagna du sous-commandant MarcosProjection du documentaire de Bernard Doray.Vendredi 18 janvier à 20hAvec Bernard Doray, réalisateur du film, psychiatre,psychanalyste et anthropologue avec lequel unediscussion suivra, sur le thème de la reconstructionde la dignité en tant que thérapeutique et lare-symbolisation.Antigone : 22, rue des Violettes Grenoble, 04 76 99 93 23

Visites de l’exposition commentées par les membresde l’association GalloDe novembre 2007 à mars 2008, sur réservationau 04 76 42 38 53.

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