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Résoudre son transfert Par Michelle Larivey , psychologue Cet article est tiré du magazine électronique " La lettre du psy" Volume 6, No 2c: Février 2002 | Avant d'imprimer ce document | Mise en garde | Autres articles | Table des matières Introduction A. Les résistances à la résolution du transfert B. Qu’est-ce que résoudre un transfert? Ce n’est pas La résolution du transfert C. Les étapes de résolution du transfert Reconnaître la présence du transfert (en prendre conscience) Identifier le besoin Exprimer les reproches Distinguer la demande du besoin

Résoudre son transfert

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Page 1: Résoudre son transfert

Résoudre son transfert

Par Michelle Larivey , psychologue

Cet article est tiré du magazine électronique

" La lettre du psy"

Volume 6, No 2c: Février 2002

| Avant d'imprimer ce document | Mise en garde | Autres

articles |

Table des matières

Introduction

A. Les résistances à la résolution du transfert

B. Qu’est-ce que résoudre un transfert?

Ce n’est pas

La résolution du transfert

C. Les étapes de résolution du transfert

Reconnaître la présence du transfert (en prendre conscience)

Identifier le besoin

Exprimer les reproches

Distinguer la demande du besoin

Exprimer le besoin au bon interlocuteur

Pendre le besoin en charge

D. Comment faire

Conclusion

Page 2: Résoudre son transfert

Vous pouvez aussi voir:

Vos questions liées à cet article et nos réponses !

Introduction

Dans “Homo affectivité” nous avons vu comment deux

transferts dont l’enjeu est le droit à l’existence, peuvent

prendre des formes très différentes dans la vie des personnes

qui les vivent. Chaque personne a une histoire unique et une

manière originale de la vivre. Il est impossible de prédire

exactement la démarche de résolution du transfert pour chaque

individu. Mais nous pouvons expliquer en quoi elle consiste et

comment elle se déroule typiquement. C’est l’objet du présent

article.

Dès le début d’une relation amoureuse, on peut identifier un

besoin affectif important qui en est l’enjeu central. Ce besoin

est toujours de nature transférentielle. Que la relation réponde

ou non à ce besoin, elle peut toujours servir de terrain pour

résoudre le transfert.

La résolution du transfert est une démarche simple, mais elle

semble bien complexe à celui qui n’en connaît pas bien les

étapes ou ne possède pas les habiletés nécessaires. En fait,

Page 3: Résoudre son transfert

c’est la démarche de développement personnel qui suscite le

plus de résistances après celle du renversement du déni

existentiel. Mais la personne qui le veut vraiment peut se servir

abondamment des situations de la vie de tous les jours pour

parvenir à sa résolution. Qu’elle bénéficie ou non de l’aide d’un

psychothérapeute, une partie importante de la résolution doit

se dérouler dans le contexte des relations qui tissent sa vie

quotidienne.

A. Les résistances à la résolution du transfert

Nous sommes constamment à la recherche de situations

interpersonnelles qui nous permettent de compléter les

expériences laissées autrefois en plan. (Voir: “Le transfert dans

les relations”.) Pourtant, nous entreprenons rarement de régler

ces transferts. Au contraire, tôt dans la relation nous reprenons

les comportements et les attitudes qui ont contribué autrefois à

l’impasse dans laquelle nous sommes aujourd’hui. (Voir: “Aux

sources du transfert”.)

Pourquoi en est-il ainsi? Pourquoi allons-nous jusqu’à répéter le

même scénario d’une relation amoureuse à l’autre?

C’est d’abord par habitude que nous agissons de cette façon.

Cette manière de faire est ancrée en nous parce que nous la

répétons depuis notre tendre enfance. Mais il y a aussi une

Page 4: Résoudre son transfert

question de familiarité: nous sommes porté à demeurer dans ce

que nous connaissons bien.

Si je suis quelqu’un qui tente de faire des exploits depuis

toujours afin d’impressionner mes parents, je connais tous les

rouages et les subtilités de cette tactique. Le recours à ce

moyen pour conquérir le coeur de mon entourage et de mes

amants est très facile pour moi. De la même manière, si je me

suis toujours fait aimer en voyant au bien-être de l’autre, c’est

ce moyen qui deviendra mon atout pour me faire aimer par un

conjoint, mes employés ou mes enfants.

L’habitude et la familiarité conduisent rapidement à

l’automatisme. C’est ainsi que ces comportements deviendront

comme des réflexes bien ancrés en nous.

J’ai même l’impression qu’ils font partie de ma personnalité. Un

peu plus et je croirai qu’ils sont innés ou même inscrits dans

mes gênes. (Car il se peut que je me reconnaisse dans mes

parents dont j’ai copié certains comportements.)

Mais il y a une autre raison qui explique la stagnation dans des

relations transférentielles. Nos comportements stéréotypés

servent de mécanismes de défense contre la vulnérabilité.

Comme nous le verrons plus loin, le travail de résolution du

transfert est exigeant de plusieurs façons au plan émotionnel.

D’abord, il nous amène à dévoiler notre intimité profonde, ce

qui nous rend forcément vulnérable. Ensuite, il nous oblige à

prendre des risques au plan affectif, en particulier celui d’être

Page 5: Résoudre son transfert

rejeté mais aussi celui d’être jugé et blessé. De plus, le travail

de résolution du transfert entraîne des émotions intenses, chez

nous et souvent aussi chez l’interlocuteur. C’est pourquoi, par

désir de protection, nous optons pour le scénario habituel,

même s’il est porteur de frustrations et nous conduit toujours à

l’impasse. La relation est frustrante, mais nous demeurons en

sécurité, évitant l’inconnu.

Je crois que des articles comme celui-ci ne peuvent réellement

suffire pour amorcer une démarche de résolution du transfert.

La résistance au changement est trop forte lors des premières

tentatives. Mais c’est au démarrage du processus que cette

difficulté est la plus importante. Une fois le travail commencé,

les satisfactions obtenues fournissent l’énergie nécessaire pour

continuer de prendre des risques et l’emportent généralement

sur la peur.

B. Qu’est-ce que résoudre un transfert?

1. Ce n’est pas

La résolution du transfert se distingue de plusieurs autres types

de travail thérapeutique sur le même phénomène. Elle vise à

régler le problème en trouvant une réponse adéquate au

besoin.

Page 6: Résoudre son transfert

Elle ne peut être assimilée à l’analyse du transfert dans la

mesure où celle-ci consiste essentiellement à le comprendre en

profondeur. Cette stratégie conduit à une acceptation du vécu

passé et des effets qu’il continue d’avoir sur le présent.

Elle diffère également d’une autre variante très répandue: la

simple identification du phénomène. Dans ce cas, il s’agit de

reconnaître une similarité entre le comportement présent (ou le

scénario répétitif) et le comportement passé. On s’efforce

également d’avoir conscience des enjeux sous-jacents dans ces

relations.

Enfin, résoudre le transfert ce n’est pas le neutraliser. Il ne

s’agit pas de décider rationnellement de ne plus laisser jouer

son transfert en contrôlant ses émotions ou en se retenant de

réagir.

Ainsi, un père peut se contenir afin de cacher à son fils que son

rejet lui fait le même effet dévastateur que celui de sa mère

autrefois. Bien que judicieux dans cette situation, ce contrôle ne

lui permettra jamais de résoudre ce transfert. Pour le faire, il

doit s’impliquer dans des relations où il prend le risque

d’exposer son besoin sans se retenir à cause de ses

responsabilités de père. La situation est analogue pour

l’enseignant avec son élève, le psychothérapeute avec son

client et, en général, pour toute personne en position de

pouvoir.

Page 7: Résoudre son transfert

2. La résolution du transfert

Un transfert résolu c’est un transfert terminé: il n’existe plus.

Les indices pour s’en assurer sont différents selon la conquête

réalisée.

Pour ce qui concerne la conquête du droit à l’existence, les

signes apparaissent dans la capacité d’accueillir nos émotions

et de reconnaître nos besoins. En ce cas, nous ne contestons

plus leur existence mais les considérons plutôt comme une

expression de nous, de nos caractéristiques personnelles. Notre

vécu est devenu un aspect de notre vie avec lequel nous

sommes en contact et qui nous sert continuellement.

Pour ce qui concerne le droit d’être distinct, le transfert est

résolu si nous sommes capables d’exposer nos idées, exprimer

nos émotions, être ouvertement nous-même, en nous assumant

devant les réactions des gens. (Voir “Transfert et conquête de

l’autonomie”.) Nous sommes alors capables d’être fidèles à

nous-mêmes dans toutes les situations, même les plus

exigeantes et avec les autorités les plus haut placées.

Il ne s’agit pas de nous convaincre de notre valeur, du droit

d’être nous-même ou du fait que nous sommes extraordinaire.

Il ne s’agit pas non plus de nous raidir pour que les jugements,

les sarcasmes ou les autres réactions ne puissent nous

atteindre.

Page 8: Résoudre son transfert

Enfin, le signe de la conquête du droit d’être sexué est la

capacité d’assumer entièrement notre sexualité devant les

personnes des deux sexes. La femme n’a pas de crainte à se

montrer sexuée devant une autre femme (rivale potentielle ou

juge de son comportement) non plus qu’en présence d’un

homme (amant potentiel ou père réprobateur). Elle peut l’être

également en présence des deux. De la même façon, l’homme

n’a pas d’inhibition à se présenter comme être sexué devant un

autre homme comme avec une femme. Il peut aussi porter sa

sexualité ouvertement en présence des deux sexes à la fois.

Dans ce cas, nous ne cherchons plus à nous faire confirmer

comme être attirant sexuellement car cette conviction est

maintenant acquise. De même, nous considérons notre désir

sexuel et notre excitation comme des expressions légitimes de

notre personne. Nous jouissons de notre plaisir sexuel autant

que de notre expression comme être sexué dans nos rapports

avec les gens. Nous connaissons nos goûts en matière de

sexualité et nous sommes capables des les respecter.

Dans les trois types de transfert je parle de “conquête” car il

s’agit véritablement de liberté que nous gagnons au fil des ans.

Grâce au travail de résolution, nous reprenons possession du

pouvoir d’être qui, autrefois, dépendait de l’attitude de nos

parents et plus tard, de celle de leurs substituts.

Page 9: Résoudre son transfert

Cette récupération ne se fait pas d’un seul coup. Nous y

parvenons grâce à une série de tentatives d’expression

authentique et en contact avec l’interlocuteur. Ce dernier peut

être le parent lui-même ou un de ses substituts. Il y en a

toujours dans notre entourage. ;-)

La résolution d’un transfert ne se passe donc pas dans notre for

intérieur. Elle se produit grâce au contact interpersonnel tout

comme l’impasse a été vécue, autrefois, dans le contact avec

notre parent.

C. Les étapes de résolution du transfert

1. Reconnaître la présence du transfert (en prendre

conscience)

Nous avons déjà vu dans le premier article de cette série quels

indices signalent la présence du transfert. Le signe le plus

évident est une réaction émotionnelle forte et disproportionnée

par rapport à la situation.

Dans l’article “Homo affectivité”, nous avons vu que Thierry est

très émotif par rapport à son professeur de physique. Lorsqu’il

rêve qu’il est son fils et lorsqu’il se trouve en sa présence il vit

des émotions intenses: immense contentement, énervement,

Page 10: Résoudre son transfert

désir d’être remarqué. Il peut réagir fortement aux marques

d’attention mais aussi à leur absence.

Toutes ces émotions sont précieuses pour l’informer de ce qui

se passe réellement pour lui dans cette relation. Il est donc

capital qu’il les accueille et en les ressente à fond pour que

cette information se précise.

2. Identifier le besoin

Le contact avec nos émotions d’aujourd’hui dans une situation

semblable, déclenche des liens avec ce que nous avons vécu

dans des relations antérieures. Petit à petit, le manque affectif

qui nous hante se clarifie également. (Voir “La vie d’une

émotion”.)

Thierry découvre, par contraste avec ce qu’il vit à l’égard de

son père qui l’ignore presque totalement, son besoin d’être

confirmé dans son existence. Dans son cas, il s’agit du transfert

concernant le droit à l’existence. (Voir: “Transfert et droit à

l’existence” ainsi que La résolution du transfert, dans “L’Auto-

développement: psychothérapie dans la vie quotidienne”.)

3. Exprimer les reproches

La privation affective donne lieu a beaucoup de frustration,

durant plusieurs années. Celle-ci provoque de la colère qui

surgit habituellement sous forme de reproches.

Page 11: Résoudre son transfert

S’il osait, Thierry reprocherait à son père de ne s’être jamais

intéressé à lui, à ses études et à ses activités sportives. Il lui

dirait combien il lui en veut de sa présence rarissime à ses

compétitions d’athlétisme, là où il se défonçait pour gagner

l’admiration de la foule (sans doute substitut de son père

absent).

L’émergence de reproches est inévitable lorsque nous faisons

place à nos frustrations. Il est très important de les accueillir

dans notre expérience car sans cela il sera impossible de nous

laisser aller, un jour, à l’expression du besoin. En effet, la colère

contenue dans les reproches est incompatible avec l’attitude de

vulnérabilité nécessaire à l’expression du besoin. Ces

récriminations doivent être liquidées pour avoir accès au besoin

dans toutes ses dimensions. La liste des reproches peut être

longue dans la mesure où la frustration s’est accumulée

pendant de nombreuses années.

Plusieurs personnes élèvent des objections considérables à

l’idée d’exprimer leurs reproches. Au nom du fait que leurs

parents ont fait de leur mieux (ce qui dans la plupart des cas

est indiscutable), ils choisissent de repousser leur expérience.

Cette rationalisation ne parvient cependant pas à éliminer le

mécontentement. Elles demeurent donc bloquées et stagnent à

cette étape de la résolution de leur transfert.

Il n’est pas nécessaire d’adresser nos reproches à notre parent

lui-même. Mais il faut trouver le moyen de les exprimer. Il

Page 12: Résoudre son transfert

existe diverses façons de le faire. Par exemple les communiquer

à la personne avec laquelle nous sommes en transfert. Les

objections sont ici moins nombreuses même si cette solution

apparaît comme un risque. Il est aussi possible de parler à notre

parent en simulant sa présence. Dans ce cas, comme dans

l’adresse à son substitut, il est nécessaire de laisser passer

l’émotion de colère dans toute son intensité et d’exprimer la

panoplie des reproches. En d’autres mots, il faut “vider son

sac”.

Jusqu’ici, il n’est pas tellement question de plaisir, mais de

soulagement et de l’impression fort importante de nous occuper

d’un sujet capital de notre vie. Le plaisir sera lié plus

directement aux tentatives pour assouvir le besoin.

4. Distinguer la demande du besoin

Je l’ai déjà mentionné, le travail de résolution du transfert

suscite beaucoup de résistance. La principale consiste à

accepter la vulnérabilité d’être en manque par rapport à un

besoin que nous jugeons habituellement “infantile”. Il faut donc

prendre le risque de changer notre image aux yeux de

personnes dont nous désirons la reconnaissance. De l’adulte

accompli “au-dessus de ses affaires”, nous devenons par le fait

même l’adulte “ayant un besoin affectif criant”. Pour la plupart

d’entre nous, il s’agit d’une humiliation à laquelle il est très

difficile de consentir. Toutes les stratégies deviennent alors

Page 13: Résoudre son transfert

bonnes pour éviter cette situation. Y compris la détérioration

d’une relation amoureuse pourtant prometteuse. (Voir

“humiliation”.)

Nos résistances sont actives, voire envahissantes, mais la

tendance actualisante ne renonce pas pour autant: nous

tentons, même sans le vouloir consciemment, de résoudre nos

échecs d’autrefois. (Voir “Une théorie du vivant”.) Nous ne

renonçons pas à satisfaire notre besoin, mais nous le déformons

dans l’espoir de trouver une solution moins exigeante. Nous le

traduisons en demandes de confirmations.

Dans le cadre de la quête du droit à l’existence, nous réclamons

des marques d’affection (“embrasse-moi”, “dis-moi que tu

m’aimes”, “montre-moi que tu me désires”). Nous attendons

des gestes démontrant notre importance (qu’il m’offre des

fleurs, qu’elle fasse des compromis, qu’il se sacrifie pour moi...).

Souvent ces demandes sont teintées de reproches (“il y a

longtemps que nous n’avons pas fait l’amour, “tu es distant”,

“tu ne penses qu’à toi”, “tu sais que j’aime les compliments et

tu ne m’en fais jamais”). De toute évidence, la demande est

moins compromettante que l’expression directe du besoin sous-

jacent, mais elle l’est davantage que le reproche. En effet,

accuser l’autre permet de concentrer l’attention à l’extérieur de

notre point vulnérable. C’est plus sécurisant même si cela

donne souvent lieu à des querelles. Cette tactique est

complètement stérile du point de vue de la résolution du

Page 14: Résoudre son transfert

transfert tout comme l’est l’expression des demandes et des

attentes.

5. Exprimer le besoin au bon interlocuteur

Avec l’expression du besoin, nous approchons du point crucial

de la résolution du transfert, mais ce n’est pas encore ce qui

produira le retournement que constitue la résolution. Ce qui

produira le changement, c’est la combinaison de l’expression et

de la prise en charge du besoin. Voyons en quoi consiste ce

besoin.

Le besoin affectif

Nous avons l’habitude d’exprimer nos besoins dans des termes

qui traduisent davantage la source de satisfaction que le

besoin. Par exemple l’attention, les fleurs, le compliment ou

même l’affection, ne constitue pas le besoin en lui-même. Ce

sont des moyens par lequel notre besoin peut être comblé.

Ainsi, si je reçois l’attention d’une personne de laquelle je

l’attends, ma valeur à mes yeux est rehaussée. Si celui dont je

veux être aimé m’offre un présent, j’en conclue que j’ai une

certaine importance pour lui. En fait, mon besoin c’est ce que le

geste me procure et non le geste lui-même. Dans les exemples

Page 15: Résoudre son transfert

ci-dessus, j’ai besoin d’être confirmé comme être valable,

comme être aimable.

Le besoin affectif est différent selon le genre de transfert en

cause. Il est important de les distinguer pour orienter

adéquatement l’action expressive qui permet la résolution.

Concernant la recherche du droit à l’existence, il est toujours

question d’être reconnu en tant que personne valable, aimable,

valant la peine qu’on s’y intéresse. Dans le cas de la recherche

d’une identité distincte, il est toujours question de la liberté

d’être soi-même sans perdre le contact avec l’autre.

Quant à la recherche d’une identité sexuelle, l’expression prend

successivement diverses formes selon l’étape où nous sommes.

Dans un premier temps, le besoin prend la forme d’une

confirmation et appréciation comme être sexué. La recherche

suivante porte sur la légitimité du désir sexuel, de l’excitation,

du plaisir et de notre expression en tant qu’homme ou femme

sexué. Enfin, nous recherchons notre manière propre de vivre

notre sexualité ainsi que des partenaires qui nous conviennent.

Dans cette exploration excitante mais difficile, c’est le support

de la personne transférée que nous recherchons. (Voir: La

résolution du transfert dans “L’Auto-développement:

psychothérapie dans la vie quotidienne”.)

L’interlocuteur réel

Page 16: Résoudre son transfert

Déjà, le fait d’exprimer notre besoin devant quelqu’un à qui

nous reconnaissons le pouvoir de nous valider est un moyen

puissant de mieux l’assumer et de reprendre nos droits sur ce

besoin. Mais comme il n’a pas été assumé devant le parent

concerné, nous ne parviendrons à en reprendre possessions

que si nous l’exprimons à ce parent à travers notre

interlocuteur. Nous verrons plus loin un exemple de la façon

dont on peut réussir une telle expression. Bien entendu, il est

également possible de nous adresser à notre parent “en

personne” au lieu de son substitut.

6. Prendre le besoin en charge

C’est lorsque nous devenons actif dans la recherche de la

satisfaction de notre besoin transférentiel que se produit le

changement en profondeur caractéristique de la résolution du

transfert. En effet, jusqu’à ce moment, nous avons été en

quelque sorte la victime de l’action ou de l’inaction d’un parent

et de ses sentiments à notre égard. Jusqu’à la tentative de

résolution de ce transfert, nous sommes demeuré relativement

passif quant à notre satisfaction. Nous avons tenu notre parent

et ses substituts responsables de nous procurer la nourriture

affective nécessaire.

Maintenant, nous devons non seulement prendre la

responsabilité d’exprimer ce besoin mais aussi prendre

l’initiative d’y répondre. En d’autres mots, prendre le risque de

Page 17: Résoudre son transfert

faire les pas nécessaires pour obtenir la satisfaction désirée.

Nous verrons dans la prochaine section à quoi ressemble

concrètement la prise en charge du besoin.

D. Comment faire

Revenons à Thierry qui nous a servi d’exemple dans le texte qui

précède (“Homo affectivité”) et voyons concrètement comment

il peut travailler activement à la résolution de son transfert dans

ses relations avec les personnes importantes de sa vie actuelle.

Thierry remarque une saveur familière dans sa relation avec

son chef d’équipe: c’est encore la même admiration et la même

dépendance qu’avec ses anciens professeurs. Mais cette fois,

des les premières manifestations de son besoin, Thierry choisit

d’être expressif. Prenant son courage à deux mains, il avoue à

son supérieur immédiat l’admiration qu’il lui porte. Il ajoute qu’il

est valorisé chaque fois que celui-ci lui porte attention ou

s’intéresse à ce qu’il fait. Il lui déclare aussi qu’il aimerait avoir

un père qui lui ressemble.

Thierry fait cette expression en contact: il regarde son chef

pendant qu’il parle et il s’efforce de rester attentif à ce qu’il

ressent. Il devient ému en cours de route et ne le cache pas.

Comme il éprouve des émotions devant la manière dont son

supérieur l’écoute et en réaction à la réponse de ce dernier, il

Page 18: Résoudre son transfert

les ressent et les exprime. Il demeure donc vivant pendant

cette interaction.

Thierry profite de chaque occasion où il éprouve des émotions

en rapport avec son besoin d’être confirmé comme être valable

et aimable pour les exprimer à son supérieur. Par exemple, s’il

se trouve ignoré et en est blessé, il l’exprime.

Comme il s’agit alors d’une répétition de ce qu’il a vécu avec

son père (l’indifférence perçue par Thierry), les émotions sont

souvent intenses et paraissent disproportionnées par rapport à

l’événement (aux yeux de Thierry et de son interlocuteur). Il

tient habilement compte de cette dimension en précisant à ce

dernier que ça lui fait particulièrement mal parce qu’il s’agit

d’une blessure qu’il a vécue à répétition avec son père.

En s’exprimant ainsi, Thierry agit tout autrement qu’avec son

père. Il prend le risque d’exposer sa blessure et de faire voir

son besoin, même si ces aveux le placent dans une position

vulnérable. C’est grâce à cette différence que la résolution de

son transfert est bien amorcée et promet de déboucher sur un

succès.

Chaque fois qu’il fait une tentative de ce genre, s’il a

l’impression d’avoir encore des choses à exprimer et que celles-

ci concernent uniquement son père, Thierry revient sur son

vécu dans son journal personnel. Il y écrit un billet à son père à

propos de ce qu’il a vécu. Cette fois-ci il lui parle de cette vieille

blessure qui revient depuis hanter ses relations avec les

Page 19: Résoudre son transfert

hommes auxquels il accorde plus d’importance. Il lui écrit ce

qu’il ressent face à son indifférence passée et présente. Il ose

prendre les mots qui traduisent exactement l’intensité de ses

sentiments.

Ensuite, il imagine son père présent dans la pièce et lui lit à

haute voix ce qu’il vient d’écrire. Et encore une fois, il demeure

disponible aux émotions qui surgissent alors et les exprime à

son père.

Parfois, lorsqu’il est particulièrement frustré, il lui arrive d’être

envahi par une mer de reproches qu’il n’a jamais osé faire à son

père. Il n’est pas capable de les lui adresser en personne. Mais

il prend bien soin de le faire à travers son journal. Autant qu’il le

peut, il tente d’exprimer ce qu’il ressent vraiment à propos de

ces récriminations. Une fois son expérience bien cernée et

formulée, il s’efforce d’adresser ces reproches à son père qu’il

imagine devant lui, toujours à haute voix pour mieux ressentir

ses réactions. (Voir "L'expression qui épanouit" à propos de ce

type d’expression.)

Thierry profite donc de toutes les occasions de ressentir et de

s’exprimer sur ce sujet auprès des personnes qui prennent de

l’importance par rapport à son besoin d’être confirmé comme

être valable et aimable. Lorsque ces personnes lui apportent

une confirmation de sa valeur, il leur communique sa réaction.

Lorsqu’il attend une telle reconnaissance, il prend souvent le

risque de leur dire en expliquant la valeur qu’il accorde à leur

opinion. Car il s’agit habituellement de personnes qu’il admire

Page 20: Résoudre son transfert

ou qu’il trouve chaleureuses. Son chef d’équipe fait

évidemment partie de ces personnes, tout comme son

professeur de piano.

Il avoue aussi à ce dernier toute l’importance de l’attention et

de l’affection qu’il reçoit. Lorsque l’affection du professeur se

manifeste par des gestes sexuels, Thierry y consent

uniquement si c’est ce qu’il désire lui aussi. S’il acquiesce, il

reste en contact avec lui-même pour ressentir et l’exprimer.

Aux moments où son besoin affectif est comblé, il en fait part

en disant toute l’importance que cela revêt pour lui.

S’il ne consent pas aux rapports sexuels, il ose manifester

clairement son désaccord et faire comprendre la nature de son

besoin réel: celui d’affection. Le cas échéant, il exprime par la

même occasion sa peur de perdre le contact avec son

professeur s’il refuse de répondre sexuellement à son besoin.

Dans les deux cas, Thierry assume son besoin et le prend en

mains. C’est aussi ce qu’il fait lorsqu’il prend l’initiative d’agir

au moment où il éprouve lui-même un désir.

Ainsi, il fait les premiers pas pour obtenir l’accolade qu’il

souhaite ou en augmenter l’intensité. Il demande au professeur

de le prendre dans ses bras si c’est ce qu’il désire. Il manifeste

son désir d’une étreinte si c’est le cas. Toujours, il s’efforce de

demeurer en contact et expressif.

De cette façon, petit à petit, le grand manque éprouvé avec son

père commence à être comblé. Ce qu’il vit maintenant ne

Page 21: Résoudre son transfert

change en rien à qu’il a vécu autrefois avec ce dernier. Ce qui

change, avec le temps, c’est l’importance de son manque

actuel. Mais le changement le plus important c’est la capacité

qu’il acquiert de prendre en charge la satisfaction de son

besoin.

Il est possible qu’un jour Thierry éprouve le besoin de

s’adresser directement à son père. Dans ce cas, il choisira aussi

de lui parler de ses véritables préoccupations et de le faire en

contact.

Conclusion

C’est à travers une démarche de ce genre que nous pouvons

trouver un nouvel équilibre même en ayant eu une enfance et

une adolescence passablement carencées du point de vue d’un

besoin affectif particulier. Mais pour l’obtenir, nous devons

profiter de chaque occasion qui s’offre à nous pour vivre

autrement nos expériences en rapport avec ce besoin.

Essentiellement, il s’agit de faire ce que nous ne faisions pas au

passé soit: ressentir nos émotions, reconnaître le besoin et nous

exprimer complètement. Ces trois formes d’action psychique

sont les ingrédients principaux qui nous permettent d’arriver un

jour à éliminer le déficit.

Page 22: Résoudre son transfert

Voici, en terminant, une image qui traduit bien comment la

résolution du transfert se déroule.

J’ai, en mon for intérieur, un champ de mines émotionnelles.

Ces explosifs sont constitués par des émotions importantes qui

touchent mes besoins fondamentaux en souffrance. Au cours de

mon enfance et de mon adolescence, j’ai enfoui certaines

émotions dans mon champ expérientiel et les y ai en quelque

sorte oubliées.

Depuis, divers événements les font éclater. Chacun est une

nouvelle opportunité que m’offre la vie de déterrer l’émotion et

vivre l’expérience complètement. À chaque fois que je le fais, je

déterre une mine. Lorsque l’ensemble du champ est nettoyé,

mon transfert est réglé. Alors, le type d’événement qui autrefois

me bouleversait ne suscite plus de réaction excessive. Mes

anciens manques ont fait place à des satisfactions que je suis

capable d’obtenir.

Page 23: Résoudre son transfert

Aux sources du transfert

Par Michelle Larivey, psychologue

Cet article est d’abord paru dans le magazine électronique

" La lettre du psy"

Volume 2, No 6: Juin 1998

sous le titre "La source des noeuds"

Résumé de l'article

C'est dans nos relations les plus importantes, avec les

personnes souvent les plus précieuses pour nous que nous

développons une manière d'être qui produit des noeuds. Ces

noeuds durcissent parfois au point de devenir incontournables.

Le fait de ne pas les dénouer nous amène à des échecs ou à

une forme d'adaptation où notre vitalité est laissée pour

compte. Comment se forment ces noeuds ? Pourquoi existent-

ils ? Quel est le rôle qu'ils peuvent jouer dans notre vie et notre

développement psychique ?

Table des matières

A. Introduction: les deux racines des noeuds

B. Le besoin de se développer

Devenir soi-même: la conquête d'une vie

Page 24: Résoudre son transfert

Nos premiers pas: avec nos parents

C. Les expériences incomplètes

Ressenti ou expression

La recherche d'harmonie

D. Comment se forment les noeuds?

Les noeuds: des expériences incomplètes

Les noeuds: des tentatives de développement

E. Conclusion

Vous pouvez aussi voir:

Vos questions liées à cet article et nos réponses !

A. Introduction: les deux racines des noeuds

Pour bien comprendre ce texte il est préférable d'avoir lu "Les

noeuds dans nos relations" . Dans ce texte, j'ai présenté ce que

j'appelle "les noeuds" que nous rencontrons constamment dans

nos relations les plus importantes. Ces noeuds se manifestent

sous la forme d'insatisfactions chroniques devant lesquelles on

a une impression d'impuissance. Nous butons régulièrement sur

ces difficultés. C'est pourquoi je leur ai donné le nom de

"noeuds".

Page 25: Résoudre son transfert

Ces noeuds qui nous étouffent et nous empêchent d'avancer

autant qu'on le voudrait, prennent racine dans deux genres

d'expériences. Aussi étonnant que cela puisse paraître, ils

proviennent de nos tentatives de relever des défis de

croissance personnelle. Ils proviennent aussi des expériences

émotives du passé que nous avons négligé de vivre

complètement.

L'objectif de cet article est de vous faire comprendre pourquoi il

en est ainsi. Il s'agit de phénomènes naturels simples, au fond,

mais il faut les comprendre pour arriver à démêler ce que l'on

vit. Je fournirai donc quelques pistes qui permettront aux

intéressés, de faire une auto-évaluation de leurs

comportements qui engendrent des noeuds dans leurs

relations. Commençons par quelques notions préalables qui

contribueront à augmenter notre perspicacité.

B. Le besoin de se développer

1- Devenir soi-même : la conquête d'une vie

Durant toute notre vie, nous cherchons à nous développer. À

travers son échelle de besoins, le psychologue Abraham Maslow

Page 26: Résoudre son transfert

a bien décrit cette réalité psychologique. Cette démarche

consiste essentiellement à devenir soi-même. Cela veut dire,

devenir de plus en plus capable de respecter ses besoins et ses

valeurs et cela, devant qui que ce soit. Une fois cette liberté

atteinte, nous nous consacrons à la raffiner.

Le besoin de se réaliser s'incarne à travers différentes

préoccupations. L'exemple de Jérôme illustre bien la présence

d'une préoccupation constante qui se manifeste partout dans sa

vie. Les préoccupations se modifient à mesure qu'on avance. En

d'autres termes, une fois la question réglée, une autre

préoccupation émerge qui nous permettra de faire un autre

pas.

Si nos préoccupations demeurent inchangées, sur une longue

période de temps, ce n'est pas parce qu'on est borné ou encore

anormal, comme plusieurs le pensent, c'est plutôt que nous ne

sommes pas encore parvenus à relever le défi de cette

conquête. C'est essentiellement parce que nous nous y prenons

mal pour y parvenir.

Ces préoccupations de développement surgissent de l'intérieur.

Elle n'ont rien à voir avec les exigences de changement qu'on

s'impose ou que notre entourage cherche à nous imposer. Elles

prennent la forme de diverses questions. Voici quelques

exemples fréquents.

Page 27: Résoudre son transfert

"J'ai peur d'approcher les femmes qui m'intéressent. C'est

désespérant pour moi car j'ai l'impression que je ne pourrai

jamais partager ma vie avec quelqu'un qui répond à mes

aspirations."

"Je n'ai pas confiance dans les hommes. J'aime mieux vivre ma

vie avec des femmes. Les hommes ne me manquent pas, mais

j'aimerais tout de même être plus confortable avec eux."

"Je pense que je ne suis intéressante pour personne. Je m'isole

et m'organise mais je souffre énormément de solitude."

"Ma relation de couple n'est pas satisfaisante. J'ai peur de tout

faire éclater si j'en parle. Alors j'endure, mais je ne sais pas

combien de temps je pourrai le faire."

"La critique me tue. J'aime mieux éviter de m'exposer que

risquer d'être jugé. J'en souffre, car je n'ai jamais de

reconnaissance."

Certains de ces problèmes illustrent la difficulté d'être soi-

même et de tenir compte de ses désirs et aspirations. Les

autres démontrent la difficulté de respecter ce qui nous

importe, devant ou avec d'autres. Ces deux difficultés

représentent l'essentiel du défi du développement de soi. Ce

développement est l'affaire d'une vie, mais c'est tous les jours

que nous y sommes confrontés. C'est à travers la plupart de

nos occupations que nous parcourons ce chemin et

principalement au contact des personnes qui sont significatives

Page 28: Résoudre son transfert

à nos yeux. Nous commençons cette construction de notre

personne dès notre apparition au monde. Nous la continuerons

notre vie durant.

2- Nos premiers pas: avec nos parents

C'est avec nos parents, ou ceux qui les ont remplacés, que nous

faisons nos balbutiements dans ce sens et que nous acquérons

nos premiers outils de développement personnel. Nous

progressons en nous adaptant aux conditions fournies par notre

milieu ainsi qu'au style particulier des personnes qui sont

importantes pour nous à ce moment-là. Ainsi, la capacité d'être

soi-même et de se respecter au contact des autres, est

tributaire de plusieurs facteurs. Il serait inutile de tenter de les

énumérer tous. Il suffit de comprendre que lorsque nous

arrivons à l'âge adulte nous avons un certain chemin de fait

dans la direction de devenir nous-mêmes mais il nous reste

encore beaucoup à faire. Voici deux exemples typiques.

"J'ai l'impression de ne pas exister pour mes parents et que mes

tentatives pour obtenir leur attention s'avèrent vaines. Je

prends donc l'habitude de m'effacer et je conserve le message

que je ne vaux pas la peine. Je m'abstiens le plus souvent de

déranger en étant convaincue qu'il n'y a pas de place pour moi.

À la longue, je développe, par rapport à moi, la même attitude

que celle de mon entourage: j'accorde peu d'importance à ce

que je veux et à ce que je désire. Je ne trouve pas que je vaux

Page 29: Résoudre son transfert

la peine d'essayer d'obtenir ce qui m'importe. De fait, je

n'essaie même plus de l'obtenir. Ainsi je ne développe pas la

capacité de me mobiliser pour obtenir ce que je veux dans la

vie. De plus, comme il serait souffrant de désirer en vain, à

répétition, je fais en sorte de n'avoir pas trop de désirs. Pour

diminuer mes désirs, j'essaie de ne pas trop ressentir. Cela

m'arrange d'autant plus que ce que je ressens se résume

souvent à de la tristesse. Je me coupe de moi-même."

"Je suis le centre d'attention de mes parents, recevant

continuellement le message que je suis extraordinaire du seul

fait que j'existe. C'est avec une toute autre attitude que

j'aborde le monde. Il m'est facile de me considérer important,

mais je souffre lorsqu'on ne m'accorde pas d'emblée un statut

spécial. Gagner l'estime est quelque chose que je ne connais

pas. Cela m'est dû. Faire ma place est aussi une chose qui

m'est inconnue. Non seulement on doit me l'accorder, mais on

doit m'accorder la première. Je suis incapable de souffrir la plus

légère critique, habitué que je suis à ce que tout ce que je fasse

soit considéré extraordinaire. Mes rapports avec les autres sont

difficiles à plusieurs égards."

Nous arrivons à l'âge adulte en ayant atteint un certain niveau

de développement. Nous avons également une certaine

conception de ce que c'est qu'être une personne adulte et cette

conception nous sert de guide. Nous possédons aussi un

bagage d'outils: capacité de contact avec soi, de ressentir nos

émotions, de les exprimer. Comme nous avons appris "par

oreille", à l'occasion de relations avec des personnes qui

Page 30: Résoudre son transfert

avaient leurs propres difficultés de développement, il est

normal que notre équipement soit incomplet. À cause de cela, il

n'est pas étonnant que nos tentatives de développement soient

souvent erratiques. Il n'est pas surprenant non plus que l'on

doive vivre le même scénario à répétition avant d'arriver à

comprendre ce qui se passe et à trouver des solutions

satisfaisantes.

Par ailleurs, au cours de nos tentatives de développement nous

accumulons inévitablement des expériences incomplètes. Leur

présence jouera aussi un rôle dans la formation des noeuds

relationnels. Voyons d'abord ce qu'on entend par "expériences

non finies".

C. Les expériences incomplètes

Page 31: Résoudre son transfert

1- Ressenti ou expression

Il s'agit essentiellement d'un vécu affectif qui n'a pas été

"digéré" ou assimilé, qui demeure comme "en suspens" dans

notre mémoire psychique. Ce vécu est incomplet en ce sens

que les émotions n'ont pas été ressenties ou exprimées

complètement. Bien entendu lorsque les émotions ne sont pas

entièrement ressenties il est impossible de les exprimer ou

encore de poser une action qui en tienne compte totalement. Le

fait de faire avorter ainsi ces expériences est une sorte d'accroc

à notre équilibre émotionnel. C'est pour cela que l'organisme ne

peut le tolérer. Cette notion est loin d'être évidente. Elle mérite

des explications. Mais commençons par une analogie, celle de

la digestion.

La digestion est un processus en plusieurs étapes. Les étapes

sont constantes et le but est toujours le même: l'assimilation de

l'aliment. Cette assimilation a pour but de nourrir l'organisme,

pour son maintien ou pour sa croissance.

Les expériences affectives ont une fonction identique. Elles

nous nourrissent psychiquement et contribuent à nous

construire. Comme la digestion, l'assimilation psychique se fait

à l'intérieur d'un processus dont chacune des étapes est

indispensable. Une première étape cruciale dans ce processus

est celle qui consiste à ressentir les émotions. Si cette étape est

vécue complètement, elle entraîne automatiquement d'autres

étapes. C'est le fait de passer à travers toutes ces étapes qui

Page 32: Résoudre son transfert

nous permet de bien tenir compte de la manière dont nous

avons été atteints. C'est ensuite, par nos gestes et nos paroles,

que nous arriverons à nous respecter. Voici d'abord un exemple

d'expression contenue.

"Il m'est arrivé souvent d'être ridiculisé lorsque j'étais jeune.

J'étais gros, j'en avais honte et je fondais littéralement lorsque

ceux qui se disaient mes copains se moquaient de moi. J'avais

beaucoup de peine. J'étais humilié et parfois, quand ça durait

trop longtemps, je devenais enragé. Je ne leur montrais aucun

de mes sentiments. Je baissais la tête et j'attendais que cela

finisse. Aujourd'hui, quand j'y pense, je leur en veux encore.

Dès que je perçois de la moquerie dans les propos de

quelqu'un, la moutarde me monte au nez. Mais encore, je n'ose

rien dire."

Voici maintenant un exemple de ressenti incomplet.

"J'ai perdu ma mère au début de l'adolescence et elle me

manque depuis ce temps-là. J'avais si peur de cette peine qui

m'apparaissait sans fond, que je m'en distrayais autant que je

pouvais. Je pense que j'ai enterré ma sensibilité dans les livres

et dans mes études. Aujourd'hui, je pense encore souvent à

elle. Je ne veux pas avoir d'enfant de peur de les perdre ou de

moi-même les abandonner comme ma mère a fait. En fait, tout

attachement et toute séparation me font très peur."

Il n'y a pas que les expériences incomplètes du passé qui

s'inscrivent en nous. Il nous arrive encore de le faire dans le

présent. Certaines situations sont tellement intenses qu'il est

Page 33: Résoudre son transfert

difficile de se laisser les vivre entièrement du premier coup. La

terreur dans le cas d'une agression, par exemple, est difficile à

tolérer. Il faut parfois s'en couper pour être capable de faire ce

qu'il faut dans la situation: se défendre, se sauver, etc... Dans

certains contextes retenir nos réactions est une question de

sécurité. Ce peut-être le cas si quelqu'un nous menace avec

une arme.

Toute émotion repoussée resurgira éventuellement. Pourquoi

en est-il ainsi?

2- La recherche d'harmonie

Tout être vivant recherche l'harmonie. C'est parce que le vécu

en suspens constitue un accroc à son équilibre que l'organisme

ne peut le tolérer. Il le garde donc en mémoire et le fait resurgir

à la première occasion similaire.

Comment reconnaître une émotion qui surgit du passé?

Typiquement, l'émotion ou la réaction signalant une expérience

non finie est plus intense que la situation actuelle ne l'exigerait.

Quand on se dit qu'on réagit trop fort, quand on trouve notre

réaction étrange, quand notre interlocuteur est très surpris, il y

a des chances qu'une partie de notre réaction s'adresse à une

situation antérieure.

Page 34: Résoudre son transfert

"J'ai une peine démesurée à l'occasion de la mort de ma belle-

mère. Je pleure, à travers le deuil présent, la perte de ma mère

que je n'ai pas pleurée complètement."

"Je revis, devant l'attitude hautaine de la fille de mon conjoint,

les mêmes émotions que devant les sarcasmes répétés de ma

soeur aînée durant toute ma jeunesse. J'ai la même réaction

spontanée de cacher ma rage derrière une grande froideur et

de couper le contact avec elle."

"Chaque critique me ravage comme le faisaient celles de mon

père. Je me rappelle encore avec une certaine douleur que

même lorsque je tentais de me dépasser je n'échappais pas à la

dureté de son perfectionnisme. Comme dans le passé, je ne

laisse rien paraître de ma réaction."

Dans ces exemples, les personnes sont aux prises avec des

expériences de leur passé qu'elles n'ont pas assimilées. Elles se

sont empêchées de ressentir complètement combien elles

étaient atteintes ou elles ne se sont exprimées que

partiellement. L'apparition de la réaction liée au passé est une

précieuse occasion d'intégrer enfin cette expérience. À chaque

fois, cela permet d'augmenter notre équilibre.

Nous avons maintenant une idée plus précise de ce qu'on

appelle expériences incomplètes. Voyons comment elles

contribuent à former des noeuds dans nos relations actuelles.

Page 35: Résoudre son transfert

D. Comment se forment les noeuds?

Souvent nous souffrons de nos sentiments pour les autres. Nous

voudrions vivre autre chose ou être autrement. Souvent nous

ne sommes pas libres d'être nous- mêmes. Souvent nous avons

des réactions qui nous semblent trop fortes ou infantiles. C'est

à tâtons que nous passons à travers ces expériences émotives

en cherchant à "être normal". C'est justement en se forçant à

"vivre ce qui n'est pas" et à "réagir autrement qu'on réagit"

qu'on tisse nos noeuds ou les renforce.

1- Les noeuds: des expériences incomplètes

Les expériences incomplètes doivent être complétées. Il faut

profiter de toutes les situations où elles surgissent pour le faire.

Mais ce n'est pas ce que l'on fait généralement. Comme on ne

comprend pas la pertinence de leur apparition, on cherche à

s'en débarrasser. Ce faisant, on répète sensiblement le même

scénario que les fois précédentes.

a) Repousser de nouveau son sentiment

"J'ai vécu beaucoup de séparations, tout au long de mon

enfance. J'ai du quitter ma grand-mère qui était comme une

deuxième mère pour moi. À plusieurs reprises, j'ai été séparée

Page 36: Résoudre son transfert

de mes amis parce que le travail de mon père l'appelait à des

mutations. Ma meilleure amie d'enfance est morte de la

leucémie alors qu'elle avait six ans. Ce ne sont là que quelques

exemples des multiples déchirements que j'ai vécus. Je me

souviens d'avoir pleuré, d'en avoir souffert. Depuis des années,

toutefois, je pleure en visionnant un film où des gens qui

s'aiment doivent se séparer, où des animaux qui sont liés

doivent être éloignés les uns des autres."

Suis-je détraquée, anormale? Non, tout ça est parfaitement

normal. Mes pleurs sont un réflexe pour ajuster ma vie émotive.

Je pleure maintenant ce que je n'ai pas pleuré complètement

autrefois. Il en sera ainsi tant que je n'aurai pas versé toutes les

larmes que j'ai retenues dans mes multiples séparations.

Par ignorance, par gêne, on cherche à faire cesser ces émotions

inattendues. Au mieux, on cherche à contrôler leur débit pour

les vivre "au compte-gouttes" plutôt que d'ouvrir le "barrage".

Le résultat c'est qu'il nous faut beaucoup plus de temps pour en

venir à bout.

b) Inhiber de nouveau son expression

Pour d'autres expériences incomplètes, c'est l'expression qui a

été inhibée. On pourrait dire que nous sommes "restés pris

avec" car aucun geste ou aucune parole ne nous a permis

d'aller au bout.

"J'ai subi les nombreux sarcasmes et mauvais traitements de la

part de ma soeur aînée sans faire autre chose que de me replier

Page 37: Résoudre son transfert

sur moi-même avec ma peine et ma rage. Lorsqu'elle ou

d'autres me font des choses semblables aujourd'hui, j'ai

tellement de peine et de rage que je n'ose pas réagir. Tout au

plus je laisse paraître que je ne suis pas contente."

Pour compléter le vécu du passé et pour ne pas continuer

d'accumuler les expériences incomplètes, je devrais réagir aux

situations actuelles en respectant intégralement l'intensité de

mes sentiments. Cette ouverture me permettrait d'identifier "à

qui d'autres" s'adresse cette réaction qui m'étonne. Mais ce que

nous faisons le plus souvent c'est de réagir en étant conscients

de l'exagération de notre réaction, mais sans savoir quoi faire

d'autre. Certains le font même beaucoup: ils "ventilent"

régulièrement leurs réactions sur leur entourage. Réagir sans

plus de conscience ne leur permet toutefois pas de dénouer les

expériences passées.

2- Les noeuds: des tentatives de développement

Nous sommes continuellement occupés à conquérir la capacité

d'être nous-mêmes et de nous respecter dans nos relations

avec les autres. Cette démarche de développement, toutefois,

ne se fait pas en ligne droite ni sans heurt. Elle se fait, au

contraire, à travers beaucoup d'obstacles. Les échecs de notre

enfance proviennent à la fois de nos capacités déficientes à

composer avec notre vie émotive et des réponses de ceux qui

nous entouraient. Ces deux types d'obstacles nous ont conduits

à des noeuds relationnels. Si nous continuons de relever nos

Page 38: Résoudre son transfert

défis de croissance de la même manière que nous le faisions

avec eux, nous rencontrerons les mêmes noeuds. Mais la force

de développement des êtres vivants est vive. Les moyens que

nous prenons pour réussir ce que nous n'avons pas réussi dans

le passé sont parfois étonnants.

a) Répéter la situation

(1) Rechercher des situations similaires

Sans en être vraiment conscients, nous cherchons à nous

trouver dans des situations qui vont nous permettre de réussir

ce que nous n'avons pas réussi antérieurement.

Jérôme qui a tant besoin d'exister pour quelqu'un afin de

confirmer sa valeur, choisit, comme épouse, une femme qui ne

semble pas très douée pour lui donner ce qu'il cherche. Elle est

très indépendante et valorise l'indépendance. Elle est peu

expressive et peu sensible aux besoins de Jérôme. En ce sens,

elle ressemble beaucoup à la mère de ce dernier: une femme

affairée qui s'impatientait devant le moindre besoin d'attention

de son fils.

(2) Sauter sur l'occasion

Les besoins de croissance sont si impérieux que l'on dirait qu'on

est doté d'un sonar qui détecte ce qui est susceptible de nous

toucher dans des situations qui apparemment ne le devraient

pas. C'est ainsi qu'on s'attache à des détails, à des choses

secondaires. À cause de cela, les personnes impliquées sont

souvent très surprises de notre réaction.

Page 39: Résoudre son transfert

Mon ami me fait un compliment. Je suis insultée. Je suis

choquée par son ton qui me semble moqueur. J'y vois donc une

critique plus qu'un compliment. Il est abasourdi."

"Le groupe d'étudiants auquel j'enseigne est très intéressant et

stimulant. L'un d'entre eux, toutefois, me cause beaucoup de

soucis car il n'a jamais l'air intéressé. Quoi que je fasse, il me

regarde d'un air hautain et critique. Il m'empoisonne la vie.

C'est au point que c'est toujours avec beaucoup d'angoisse que

j'entre dans cette classe."

(3) Transformer les relations

À la longue, par notre façon de réagir on réussit à changer le

climat de la relation. Ce faisant, on provoque l'autre à réagir

comme on a besoin qu'il réagisse pour nous retrouver dans la

situation initiale qu'on a besoin de résoudre.

"La femme que j'ai épousée était douce et aimante. Après

quelques années elle est devenue acariâtre. Que s'est-il passé?

Il me semble que je me retrouve à vivre avec ma marâtre de

belle-mère. En fait, bien que son affection m'ait attiré, j'étais

incapable de la recevoir. J'ai été avec elle aussi fermé qu'avec

la femme de mon père qui me détestait. Mon épouse a

beaucoup tenté de me faire parler, m'ouvrir. À la longue elle

s'est découragée de réussir. Petit à petit elle a pris ma

fermeture comme un manque d'amour à son égard. Elle est

frustrée. Elle m'attaque de plus en plus vigoureusement. Je me

Page 40: Résoudre son transfert

renferme de plus en plus. J'ai l'impression de revivre le passé.

J'ai l'impression que notre couple est détruit."

"J'étais certaine que cet homme ne serait jamais violent avec

moi. C'est pour cela que je l'ai choisi. Il n'avait jamais levé le

petit doigt sur personne. Pourtant, à certains moments avec

moi, il devient hors de lui et me frappe. Je m'aperçois que j'ai

avec lui la même attitude passive et hostile que j'ai eue dans

mes relations antérieures avec les hommes qui m'ont battue. Il

dit qu'il ne peut me rejoindre quand j'ai cette attitude et qu'il

n'y arrive qu'en étant violent."

Pour un oeil aiguisé, il est évident qu'à travers ces péripéties

nous recherchons à créer des situations qui sont susceptibles

de nous permettre d'évoluer. Nous cherchons à nous placer

dans la situation qui nous permettra de relever le défi de

croissance que nous n'avons pas réussi à relever encore. Dans

chacune de ces situations nous évoluons au moins un peu. Nos

progrès reposent sur la manière dont nous utilisons ces

situations.

b) Répéter les mêmes comportements

Nous faisons des efforts pour nous trouver dans une situation

suffisamment semblable à celle qui nous permettrait de relever

des défis de développement. Malheureusement ces efforts sont

en quelque sorte annulés par le fait que même si nous

réussissons à recréer cette situation, nous nous conduisons

d'une manière identique à ce que nous avons toujours fait.

Page 41: Résoudre son transfert

(1) Jérôme

Jérôme se préoccupe de sa place dans plusieurs de ses

relations. Il se contente de constater son manque et de profiter

des situations où son besoin était comblé. Jérôme s'accommode

de ces situations, comme il l'a toujours fait, même petit. Il

s'organise, par ailleurs, pour avoir une vie intéressante. Son

leitmotiv: ne pas compter sur les autres et sur leur affection.

(2) Jasmine

Comme elle l'a fait jadis avec sa mère et continue de le faire,

Jasmine passe sa vie à faire des pieds et des mains pour éviter

les critiques, la désapprobation et le rejet. Pour elle,

l'approbation des autres est le signe qu'elle est "correcte". Elle

désire tant cette approbation qu'elle réagit souvent à ce sujet

avec des personnes qui ont peu d'importance dans sa vie. La

postière qui hausse le ton en lui laissant entendre qu'elle

devrait connaître le prix d'un timbre, la met dans tous ses états.

Sa réaction: s'expliquer longuement pour prouver qu'elle n'est

pas "si bête qu'on pense." Comme elle fait toujours avec sa

mère, elle se justifie.

(3) Olivier

Olivier vit avec sa fiancée et son associé des sentiments

semblables à ceux qu'il vit depuis toujours avec sa mère. Une

certaine peur d'être critiqué et le sentiment omniprésent de ne

pas être à la hauteur. Il agit avec ces personnes comme il a

toujours agi avec sa mère. Il subit leur attitude autoritaire en

rageant intérieurement et en se dévalorisant d'agir ainsi. Olivier

Page 42: Résoudre son transfert

a presque toujours l'impression de vivre dans un étau. Il a

quitté plusieurs femmes avec lesquelles la relation avait bien

commencé parce, qu'à la longue, il étouffait. Il s'aperçoit qu'il

est attiré par les femmes qui sont capables de s'affirmer mais

constate qu'il est incapable de s'affirmer devant elles. Il

s'efforce toujours d'être à la hauteur sans jamais y parvenir. Il

tente donc plutôt de passer inaperçu, s'effaçant, faisant passer

ses besoins après ceux de l'autre.

Ces trois personnes se plaignent de ne pas avancer bien

qu'elles fassent de constants efforts. Pourquoi n'avancent-elles

pas? Pourquoi n'arrivent-elles pas à se vivre pleinement et à se

sentir bien avec les personnes importantes de leur vie? Voici

quelques autres raisons qui contribuent au maintien du "statu

quo."

c) Attendre que l'autre change

Jérôme, Jasmine et Olivier continuent d'agir de la même façon

comme s'ils s'attendaient à ce qu'un déclic se produise et qu'un

changement survienne. Ce changement, ils attendent qu'il se

produise chez les autres.

Jérôme pourrait dire: "si un jour ils pouvaient se rendre compte

de ma valeur et la reconnaître, je serais enfin comblé".

Si Jasmine livrait ses pensées intimes, elle dirait probablement:

"si un jour ma mère m'acceptait enfin telle que je suis, si les

Page 43: Résoudre son transfert

gens cessaient d'être critiques à mon égard, je pense que je

pourrais vivre détendue et enfin heureuse".

Quant à Olivier, on l'imagine souhaiter "que toutes les

personnes devant lesquelles il est si difficile pour moi de

m'affirmer deviennent plus douces et acceptantes. Je pourrais

alors enfin avoir droit à l'erreur".

Souvent convaincus que la solution réside dans un changement

chez les autres, on attend cette transformation. Non seulement

on l'attend, mais on essaie de la provoquer. Obnubilé par l'effet

que l'autre nous fait, on a peu de disponibilité pour

l'introspection qui pourtant pourrait nous révéler d'autres

solutions.

d) Demeurer inconscient de ses besoins

La concentration sur l'autre nous permet d'éviter de jeter un

regard lucide sur ce que nous vivons dans ces noeuds. La

plupart du temps nous sommes peu conscients des besoins qui

sont à l'origine de nos efforts. Toute notre énergie est

concentrée à obtenir que l'autre agisse d'une façon qui nous

convienne. Si nous devenons inventifs quant aux moyens d'être

satisfaits, c'est pour imaginer toutes les façons dont l'autre

pourrait enfin régler notre problème. C'est ainsi que nous

passons parfois nos "commandes" à nos proches qui refusent

ou s'empressent d'obtempérer. Qu'ils acceptent ou refusent ne

contribuera pas à défaire le noeud. La situation sera peut- être

Page 44: Résoudre son transfert

moins tendue, mais elle engendrera souvent d'autres difficultés

relationnelles.

Occulter nos besoins et focaliser sur le comportement de l'autre

présente un avantage: on est moins forcé de s'impliquer. Mais

au total, les désavantages sont beaucoup plus nombreux.

e) Cacher sa dépendance

On préfère ne pas être en contact avec nos besoins car ils

témoignent de notre dépendance. Il est souvent difficile

d'admettre qu'un autre a une immense importance pour nous

cela, même quand il s'agit d'un conjoint ou d'un parent. Lui

avouer c'est se rendre vulnérable. L'idée de dépendance fait

peur. Beaucoup d'auteurs et de pseudo- psy nous encouragent

d'ailleurs à cultiver cette crainte. C'est donc souvent en se

basant sur leur rationnel boiteux qu'on cherche à dissimuler

notre dépendance.

Pour dissimuler l'importance de l'autre et de notre besoin nous

devons prendre des distances ou faire des "joutes inter

personnelles" qui nous permettent de nous cacher. Parfois nous

choisissons de nous durcir. Ce faisant, nous n'exprimons

souvent qu'une partie de notre vécu, celui sur lequel nous nous

sentons en contrôle. L'expression incomplète de tout vécu

important, nous l'avons vu, conduit à des noeuds ou les

perpétue. Se cacher à soi-même et cacher à l'autre ce que nous

vivons d'important à son égard est un des moyens les plus

Page 45: Résoudre son transfert

efficaces de tisser des noeuds dans lesquels enchevêtrer nos

relations.

E. Conclusion

Tant que la raison d'être des noeuds nous échappe, on les

considère comme des encombrements dont il faut se

débarrasser en évitant les sujets "brûlants" ou en se séparant

des personnes avec lesquelles on les vit. Une fois qu'on

comprend leur raison d'être, ils peuvent devenir des occasions

recherchées pour relever un défi de croissance. Pour réussir ces

défis toutefois il est important d'identifier ses façons de

contribuer aux noeuds. C'est d'autant plus important que

chacun des partenaires a ses propres noeuds dans la relation. Il

nous reste ensuite à nous outiller psychologiquement pour les

dénouer et retrouver la vitalité qui y est emprisonnée.

Page 46: Résoudre son transfert

L'expression qui épanouit

Par Gaëtane Laplante, psychologue

Cet article est tiré du magazine électronique

" La lettre du psy"

Volume 2, No 12: Décembre 1998

Résumé de l'article

Parfois, l'expression est une libération qui renouvelle notre

relation avec un être cher. On en sort grandi et plus vivant.

Mais à d'autres moments, cette expression débouche sur un

affrontement pénible d'où on sort blessé; on en vient même à

couper le lien, au moins temporairement.

Qu'est-ce qui fait la différence? Comment s'assurer de réussir

une expression constructive et non destructrice? Comment

vérifier si on a réussi son expression? C'est ce que Gaëtane

LaPlante explique dans cet article.

Table des matières

A- Introduction

L'exemple d'une expression épanouissante- Les amies Juliette

et Lucie

Page 47: Résoudre son transfert

L'exemple d'une expression destructrice- Les frères Pierre et

Richard

B- Ça veut dire quoi s'assumer?

C- Quoi dire

D- À qui le dire

Lorsque la personne concernée n'est pas disponible

La difficulté de l'expression avec les proches

Lorsque je réagis à une personne peu importante dans ma vie

E- Comment le dire

F- Demeurer ouvert pendant mon expression

G- Comment vérifier l'efficacité de mon expression

H- Conclusion

Vous pouvez aussi voir:

Vos questions liées à cet article et nos réponses !

A- Introduction

Nous avons tous déjà constaté combien il peut être bienfaisant

de s'exprimer. Ça permet d'accéder à un sentiment d'harmonie

et de bien-être qui se manifeste même dans nos sensations

physiques. Le poids que je sentais sur mes épaules est disparu.

La compression que je ressentais à la gorge ou à la poitrine

Page 48: Résoudre son transfert

s'est dissoute comme par magie. Il est évident qu'une telle

expression comporte en soi son propre bénéfice.

Les psychologues humanistes estiment qu'il est primordial

d'être habile à reconnaître son expérience à travers ses

sensations; il est important d'être attentif aux réactions de son

corps, à ses points de tension. Être à l'écoute de ces sensations

est important, car ce sont ces indices physiques qui nous

donnent accès aux émotions qui y sont liées. C'est en me

servant de ces données (sensations et émotions) que je peux

identifier clairement mes besoins.

Par exemple: ce matin, avant de partir pour le travail, je remets

mon article sur l'expression à mon conjoint, et je lui dis que

j'aimerais bien qu'il me fasse part de ses commentaires. En fin

de journée, je reviens à la maison. Nous échangeons

brièvement sur le "vécu" de la journée. Tout à coup je

commence à me sentir triste et déçue, sans savoir à quoi je

réagis. Je m'arrête pour ressentir ma tristesse et ma déception.

Assez rapidement je constate que cette tristesse a un sens

précis: je suis déçue que mon conjoint ne me parle pas de mon

article. J'imagine alors que ce n'est par très important pour lui.

J'en suis bien déçue et peinée parce que je tiens à être

reconnue et appréciée dans mon travail, particulièrement par

lui.

Page 49: Résoudre son transfert

Pour répondre adéquatement aux besoins que j'identifie il est

essentiel de poser les actions adéquates. Dans l'exemple ci-

dessus, il est très important d'identifier ma tristesse et ma

déception. Cependant, si j'en reste là, ces émotions nuiront tôt

ou tard à ma relation avec mon conjoint. Cet événement

contribuera à développer ce que Michelle Larivey appelle "Le

transfert dans les relations". Mon propre niveau de satisfaction

et de bien-être personnel en sera également affecté. (Voir "Aux

sources du transfert".)

C'est ici que l'expression épanouissante prend tout son sens. Il

s'agit d'une forme d'action privilégiée qui permet d'affirmer et

de communiquer nos besoins et ainsi de parvenir à les

satisfaire. Dans l'exemple ci- haut, il est bien important de faire

part de mon besoin à mon conjoint. Mais ce n'est pas pour qu'il

accepte de le prendre en charge. La raison principale de cette

expression c'est que le fait d'en parler est déjà une façon d'y

répondre en me donnant l'importance que je recherche.

Tenir compte de ce besoin en le prenant en charge

complètement dans les différentes étapes de mon processus

est une façon concrète de m'assumer. (Voir plus loin dans la

section - Ca veut dire quoi s'assumer - les étapes à franchir

pour y arriver) . Lorsque je m'ouvre ainsi, je m'épanouis en me

montrant totalement moi-même: à la fois vulnérable et

affirmative de mes besoins. J'ose sortir de l'image protectrice

que je m'étais bâtie pour me montrer authentique et vivre "au

grand jour", en toute liberté!

Page 50: Résoudre son transfert

Qu'est-ce qui fait qu'une expression peut parfois être

épanouissante et nous permettre de nous assumer alors qu'à

d'autres moments, nos expressions sont inutiles ou même

nuisibles?

Voici deux exemples qui illustrent ces situations.

1. L'exemple d'une expression épanouissante: Les amies

Juliette et Lucie

Ce sont des amies intimes. Lucie est très expressive et

extravertie. Juliette est plutôt l'opposée de Lucie; c'est souvent

elle qui écoute. Mais elle suit depuis quelques mois une

thérapie dans laquelle elle apprend à s'affirmer davantage et

s'aperçoit que le fait que Lucie prenne autant de place dans

leur relation la frustre de plus en plus. Elle constate avec

tristesse que ce sentiment de frustration l'éloigne

graduellement de son amie.

Elle décide alors de parler à Lucie de son insatisfaction et de

son désir d'être écoutée. Lucie se montre réceptive et

compréhensive. Juliette aussi demeure ouverte aux réactions de

Lucie qui lui exprime sa déception devant le fait qu'elle est

souvent peu expressive.

Page 51: Résoudre son transfert

La tendance de Lucie à prendre beaucoup de place ne sera pas

changée instantanément par cette mise au point. Cependant, la

détermination de Juliette à prendre plus de place et sa façon

claire de le faire savoir lui permettront d'être plus satisfaite par

rapport à ce besoin. On peut dire que cette expression aura eu

un effet épanouissant pour Juliette

2. L'exemple d'une expression destructrice: Les frères Pierre et

Richard

Deux frères Pierre et Richard ont été partenaires dans une

usine de meubles pendant cinq ans. Pour diverses raisons, ils

décident de mettre fin à leur association et Pierre demeure seul

propriétaire de l'entreprise. Cependant Richard continue de se

comporter comme s'il en faisait encore partie. Il se sert de

l'atelier en dehors des heures de travail, sans en informer

Pierre. Et lorsque celui-ci décide de faire des heures

supplémentaires, il est confronté au fait que son atelier est

occupé. Richard de plus, continue de facturer l'huile pour

l'usage de sa résidence, au nom de l'entreprise.

Pierre est bien en colère par rapport à ces comportements qu'il

trouve injustes. Mais il refoule ses sentiments parce qu'il ne sait

pas trop comment le dire, parce qu'il tient à ne pas faire de

chicane. Surtout, il craint de déplaire à son père et aussi d' être

rejeté par lui. Car son père a toujours proclamé bien haut,

"qu'une famille, ça ne se chicane pas!"

Page 52: Résoudre son transfert

Mais un jour, alors que Pierre arrive à son atelier pour y

travailler et que Richard s'y est installé avant lui, sans le

prévenir encore une fois, il éclate! N'en pouvant plus après

toutes ces années de frustrations accumulées, il se vide le

coeur en insultant Richard et en le traitant de tous les noms!

Richard répond sur le même ton: il fait à son frère tous les

reproches qu'il a accumulés à son endroit depuis leur

association. Et il dévoile même les véritables raisons de son

abandon de l'entreprise, et pourquoi il continue de profiter de

l'atelier à son insu.

Après deux heures d'une intense bataille verbale, chacun des

deux frères se retrouve déçu et blessé. Même s'ils se sentent

aussi soulagés et libérés d'avoir enfin parlé! La seule possibilité

qui reste alors c'est la rupture, au moins temporaire. Car

chacun se retrouve trop souffrant et en colère pour prendre le

risque d'être blessé à nouveau et peut-être aussi d'éclater

encore. Et Pierre reste bien inquiet de la réaction de son père,

lorsqu'il apprendra ce qui s'est passé entre ses deux fils. Nous

avons ici un exemple d'une expression destructrice

Qu'est ce qui fait que dans un cas on assiste à une expression

épanouissante alors que dans l'autre c'est un échec total? Dans

l'exemple qui tourne mal, il s'agit d'un type d'expression qui

vise surtout un soulagement. Le souci de s'assumer est tout à

fait absent. Chacun a plutôt tendance à rendre l'autre

responsable de ses frustrations et il cherche à s'en libérer en

Page 53: Résoudre son transfert

blâmant l'autre. C'est tout le contraire de ce que les amies

Juliette et Lucie ont fait.

Le but de cet article est justement d'expliquer comment on

peut s'exprimer d'une façon épanouissante. Il permettra de

comprendre les principes à respecter pour y arriver. Quoi dire?

A qui le dire? Comment le dire? Comment garder l'ouverture

nécessaire pendant l'expression?

Avant de répondre à ces questions cependant, il m'apparaît

important de clarifier le fondement principal sur lequel repose

l'expression épanouissante: la capacité de s'assumer. Pour

rendre cette explication plus concrète, revenons à l'exemple

des deux amies.

B- Ça veut dire quoi s'assumer

On peut considérer que Juliette a réussi à s'assumer, car:

Elle a identifié son sentiment de frustration, son agacement

devant la grande place que prend son amie dans la relation et

devant le peu de place qui lui reste.

Page 54: Résoudre son transfert

Elle a reconnu et exprimé son besoin d'être entendue et

écoutée par Lucie.

Elle a reconnu ce besoin comme important et légitime, assez

pour s'en occuper activement en en parlant à son amie.

Elle a montré son insatisfaction à son amie, au risque qu'elle se

fâche, lui en veuille ou même la rejete.

Une telle démarche permet à Juliette de se respecter dans toute

son intégrité. C'est ce qui contribue à la garder vivante. Elle fait

alors le choix de répondre efficacement à ses besoins, quitte à

ne pas correspondre à l'image que son amie a d'elle.

A quoi lui servira d'être aimée si, pour avoir cette appréciation,

elle doit renier ce qu'elle est? Juliette est convaincue qu'elle ne

sera bien dans cette relation que dans la mesure où elle saura

se respecter et chercher à être satisfaite, autrement dit:

s'assumer.

Voyons quelles seraient les conséquences pour Juliette si,

incapable de s'assumer, elle avait choisi de se taire? D'abord,

sa propre vitalité, c'est à dire sa capacité à rester vivante et

ouverte à la vie qui se déroule en elle, en serait affectée, tôt ou

tard, au moins dans cette relation. Ou bien elle s'éloignerait

petit à petit de son amie, ou bien elle continuerait de subir ces

frustrations en "ravalant" ou en exprimant son agressivité, sur

différents sujets qui n'ont pas de rapport avec l'origine de ce

sentiment.

Page 55: Résoudre son transfert

Sa relation avec Lucie serait de plus en plus insatisfaisante. De

plus, si c'est sa façon habituelle de réagir devant les conflits

qu'elle rencontre, c'est l'ensemble de sa vitalité qui en serait

affectée. A plus long terme, il serait possible qu'elle développe

des symptômes de dépression. Car dans ce type de réaction

deux éléments sont importants. L'origine de la dépression est

souvent due à une mauvaise gestion des besoins de même que

le signe du refoulement de l'agressivité. Mais heureusement

Juliette a réussi à s'exprimer de façon épanouissante. Elle a été

prête à s'assumer, mais la façon dont elle s'y est prise compte

aussi pour beaucoup dans le succès de sa démarche. Voyons

comment elle a fait.

C- Quoi dire?

Pour qu'une expression soit épanouissante, elle doit avant tout

porter sur les principales émotions et sur les besoins actuels les

plus importants du moment. Plus concrètement, voyons ce que

Juliette à exprimé à son amie.

Elle a parlé essentiellement de la frustration de son désir d'être

écoutée. C'est ce qu'elle a identifié comme le principal obstacle

à sa relation; ce qui l'empêche d'être confortable dans sa

Page 56: Résoudre son transfert

relation avec Lucie. Après avoir bien identifié son expérience,

elle a choisi de la faire connaître, telle quelle, à son amie, au

risque que celle-ci ne l'accepte pas.

Il aurait été tentant d'y aller de façon plus indirecte et moins

risquée. Elle aurait pu, par exemple, se contenter de faire une

allusion indirecte à son malaise en lui demandant: "Comment te

sens-tu dans notre relation?". Elle aurait pu aussi choisir de

rendre Lucie responsable de son problème en l'accusant, en la

blâmant d'être inapte à une relation.

Mais elle a choisi, au contraire, d'agir de façon responsable par

rapport à son insatisfaction en l'identifiant correctement, en la

faisant connaître à son amie et en assumant pleinement le

risque d'une telle expression. C'est en agissant ainsi, c'est à

dire en étant complètement elle-même, qu'elle peut en retirer

un effet épanouissant.

D- À qui le dire?

Il est parfois soulageant et moins risqué de se laisser aller à

"chialer" avec un bon ami plutôt que de s'adresser à la bonne

personne. Cependant, si on veut s'assumer dans l'expérience

qu'on vit, c'est à la personne concernée qu'il faut s'adresser!

Page 57: Résoudre son transfert

Comme c'est dans notre relation avec elle que l'on est touché,

c'est à elle qu'il s'agit de dire et de montrer ce qu'on ressent.

C'est par rapport à cette personne qu'il est important d'assumer

ce que l'on ressent et ce dont on a besoin.

Il n'est pas toujours possible, cependant, de s'adresser à la

personne concernée. C'est le cas lorsque cette personne est

décédée ou lorsqu'elle est dans un état qui la rend

inatteignable (comme dans certaines maladies physiques ou

mentales). Mais alors, même si elles sont inaccessibles, on peut

continuer de vivre des sentiments "inachevés" par rapport à ces

personnes. Il est alors utile de trouver d'autres situations

semblables pour travailler à se dégager de ces conflits. (Voir:

"Aux sources du transfert".)

1- Lorsque la personne concernée n'est pas disponible

(trop loin, décédée, psychologiquement inatteignable).

On peut alors faire une expression par "simulation". C'est une

technique souvent utilisée dans le bureau du psychothérapeute

(mais on peut aussi s'en servir tout seul dans son salon). Il

s'agit alors de s'imaginer qu'on est en présence de la personne

concernée, et de lui parler comme si elle était vraiment

présente.

Page 58: Résoudre son transfert

Pour que cette méthode soit efficace, il est important de

prendre le temps d'imaginer vraiment la personne comme si

elle était présente. Il faut aussi, pour bien réussir un tel

exercice, être bien en contact avec les émotions qui sont

présentes, avec toute leur intensité. Un simple exercice

intellectuel n'est pas satisfaisant car cette expression doit être

réelle, même si la situation est en partie imaginaire. Il s'agit

avant tout d'exprimer des émotions!

Ce genre "d'expression-simulation" est un bon exercice pour se

préparer à une véritable expression avec la personne

concernée. Ça permet de se préparer graduellement afin de

mieux réussir. Car souvent les expressions importantes sont

difficiles à faire et on ne peut pas être certain de les réussir du

premier coup. Il vaut mieux être bien préparé!

Ecrire une lettre (qu'on garde pour soi ) peut aussi être une

méthode d'expression utilisable dans le cas où la personne

concernée est inatteignable. Comme l'expression-simulation,

cette méthode peut aussi servir d'exercice préparatoire avant

de rencontrer la personne à qui on veut s'adresser.

20/05/2007 12:18:35

2- La difficulté de l'expression avec les proches.

Ces expressions importantes auxquelles je réfère concernent

surtout les personnes les plus importantes de notre vie comme

nos proches, nos parents, nos amis, nos amoureux. À cause de

Page 59: Résoudre son transfert

leur importance privilégiée, le risque d'être délaissé ou même

rejeté par ces personnes devient beaucoup plus grave. Il est

donc tout à fait normal de trouver ce type d'expression plus

difficile, surtout parce que nous avons l'impression d'être

démuni ou sans ressources devant ces proches. Nous leur

attribuons un pouvoir considérable sur nous. Arriver à s'affirmer

vraiment devant eux, c'est la meilleure façon de récupérer ce

pouvoir. C'est ce qui nous permet de devenir adulte, en pleine

possession de nos moyens.

Dans l'exemple des deux frères Pierre et Richard, nous avons ici

un bon exemple de comment le désir de Pierre de s'exprimer

est refoulé par la peur d'être rejeté de son père. Il semble ici,

qu'il est plus important pour Pierre d'être accepté de son père,

que de se respecter lui-même en assumant complètement les

insatisfactions et les injustices qu'il vit avec Richard.

Dans le cas de Pierre, devenir adulte et en pleine possession de

ses moyens impliquerait qu'il soit prêt à assumer ce qu'il vit

avec Richard en le lui exprimant clairement, même au risque

que son père ne soit pas d'accord. Il serait important pour lui

également d'être conscient de cette peur, et de lui faire de la

place en l'exprimant à son frère. Car cette peur fait aussi partie

de son expérience, et il se doit d'en tenir compte pour que son

expression soit complète.

Page 60: Résoudre son transfert

3- Lorsque je réagis intensément à une personne peu

importante dans ma vie.

Il existe une autre situation où il n'est pas nécessaire de

s'exprimer devant la personne concernée. Il s'agit du cas où la

personne concernée n'est pas vraiment une personne

importante dans ma vie. Elle prend de l'importance par

exemple seulement parce qu'elle me rappelle fortement une

autre personne avec laquelle je suis en conflit. Dans ces

circonstances, ce n'est pas vraiment à cette personne que

s'adresse mon expression. Il est plus utile alors d'investir mon

énergie auprès de la personne qui importe vraiment, celle à

laquelle je réagis en fait. (Voir: "Aux sources du transfert" .)

E- Comment le dire

Ici, le plus important c'est d'être vraiment fidèle à mon

expérience dans la façon dont je l'exprime, dans l'insistance

que j'y apporte et dans les gestes que j'utilise. Ainsi, le ton avec

lequel je m'exprime peut faire ressortir l'importance que

j'accorde à mon expérience ou peut la dissimuler. Par exemple,

même si j'arrive à dire les mots justes, mon message ne sera

pas entendu et il ne sera pas satisfaisant si je m'exprime sur un

ton neutre, comme si je parlais d'une chose anodine. Cette

expression ne sera pas utile, car elle ne traduira pas

adéquatement mon expérience réelle. Elle ne me permettra pas

d'assumer vraiment ce que je vis.

Page 61: Résoudre son transfert

Par exemple, si Pierre avait exprimé tout gentiment à son frère

Richard, sa déception qu'il occupe son atelier lorsqu'il en a de

besoin."Tu es encore là...je pensais venir travailler

également..." Son message n'aurait pas tellement eu de poids.

Mais si il lui avait dit la même chose fermement en ajoutant: "Je

ne peux plus accepter que tu occupes mon atelier comme si tu

en était encore propriétaire! Ca me met en colère d'être ainsi

brimé et non respecté dans ma propriété!" Le ton de ce

message serait sans doute plus adéquat, pour la

compréhension de Richard mais surtout pour la satisfaction de

Pierre.

Reprenons l'exemple des deux amies: si Juliette avait

simplement "fait sentir" à Lucie son désir d'être écoutée, si elle

s'était contentée d'allusions vagues comme "on sait bien, pour

toi c'est facile de parler..." et si elle l'avait fait sur un ton

presque gentil, on ne pourrait pas parler "d'expression

épanouissante". Le problème, c'est qu'en s'exprimant de façon

aussi indirecte, Juliette n'assume pas vraiment l'importance de

son désir; elle n'est pas prête à montrer toute l'importance

qu'elle y accorde.

F- Demeurer ouvert pendant mon expression

Pour que mon expression soit épanouissante, il est aussi

important de demeurer vivante pendant que je la fais. Je dois

demeurer fidèle à ce que je ressentais au moment où j'ai décidé

de parler, mais aussi réceptive aux nouvelles émotions qui

apparaissent au fur et à mesure que je m'exprime, et que mon

interlocuteur répond. Ça demande donc une disposition

Page 62: Résoudre son transfert

contraire à celle de la personne qui, devant une expression

importante et difficile, prend son courage à deux mains, se

durcit et "fonce" sur son interlocuteur.

Il est évidemment important d'avoir bien identifié au préalable

les aspects importants de ce que je vis dans la situation: mes

émotions et les insatisfactions en cause. Mais il est tout aussi

important de demeurer ouvert au mouvement en cours entre

mon interlocuteur et moi, pendant cette confrontation. Les

réactions de mon interlocuteur vont nécessairement changer

ma perception de la situation et ainsi influençer mon

expérience émotive.

Par exemple, lorsque je suis triste que mon conjoint ne me

fasse pas de commentaire sur mon article, ma réaction émotive

sera peut-être modifiée s'il m'explique qu'il a simplement oublié

de m'en parler. Elle pourra même changer radicalement si

j'avais imaginé une raison tout à fait différente comme son

indifférence ou son opinion très négative sur mon texte.

Dans une telle situation, si je me durcis et je reste accrochée à

mon interprétation et à ma réaction initiale, je ne m'assume

plus dans la réalité. Je ne suis plus ouverte à l'expérience qui

m'habite sur le moment, mais je persiste à défendre une

position passée qui a changé rapidement. Même si toutes les

autres conditions de l'expression épanouissante étaient

respectées, je créerais quand-même, par cette fermeture, un

obstacle important à la possibilité de m'assumer.

Page 63: Résoudre son transfert

G- Comment vérifier l'efficacité de mon expression

Pour évaluer sommairement le succès de mon expression, il

peut être utile de commencer par être tout simplement à

l'écoute des réactions de mon corps. Mes sensations pourraient

en effet m'aider à voir plus clairement mes émotions à la suite

de cette expression.

Mais comme dans l'interprétation des rêves, il est important ici

de décoder par nous-même le sens de nos sensations. On ne

peut établir une "symbolique universelle" qui viserait à traduire

l'expérience de tous.

Par exemple, la même sensation d'épuisement après une

expression difficile et intense pourra avoir un sens différent

pour Pierre et pour Louise. Ca pourrait être pour Louise le signe

qu'elle a réussi à maîtriser chacune des conditions de

l'expression épanouissante, et en éprouve une très grande

satisfaction. Alors que pour Pierre, sa fatigue pourrait traduire

un sentiment d'échec important. Il appartient donc à chacun à

décoder le sens propre de sa sensation.

Une fois que j'ai fait cette première vérification générale à partir

de mes sensations, je peux chercher à identifier de façon plus

systématique ce qui a ou n'a pas bien fonctionné. Il est alors

utile de vérifier si j'ai bien respecté chacune des conditions de

l'expression épanouissante. J'essaierai donc de répondre aux

questions suivantes:

Page 64: Résoudre son transfert

"Ai-je dit ce qui était important pour moi?"

"Ai-je respecté l'importance et l'intensité réelle de mon

expérience?"

"Suis-je demeurée ouverte pendant mon expression?"

"Ai-je parlé à la bonne personne?"

La vérification du contenu de l'expression est particulièrement

cruciale. Il faut bien comprendre ici que, lorsque je parle

d'exprimer ce qui est important pour moi, je réfère avant tout à

ce que je ressens et non pas simplement à dire des choses à

l'autre sur ce qu'il dit et fait.

En reprenant l'exemple de Pierre et Richard, voyons comment

Pierre aurait pu faire cette vérification:

Ai-je exprimé comment ça me mettait en colère d'être si peu

respecté dans ma propriété par Richard?

Ai-je exprimé comment je me sens traité injustement lorsque

Richard me refile ses factures d'huile alors que je ne veux plus

les assumer?

Ai-je exprimé comment je crains d'être rejeté par mon père si

j'ose exprimer ainsi mes insatisfactions?

Si oui, il a réussi son expression du point de vue du "Quoi

exprimer".

Ca n'aurait pas été le cas s'il avait dit à Richard: " Tu es un

salaud, un exploiteur! Tu penses que c'est à moi de te faire

vivre! Je ne veux plus que tu remettes les pieds ici! Tes factures

Page 65: Résoudre son transfert

d'huile, tu es mieux de les récupérer parce que je vais les

déchirer! etc..."

Les autres aspects de l'expression sont plus faciles à vérifier. La

partie précédente du texte devrait permettre de comprendre

assez clairement comment s'y prendre.

H- Conclusion

S'exprimer de façon épanouissante, n'est pas un choix

accidentel ou isolé. C'est avant tout le choix de la personne qui

souhaite vivre sa vie le plus pleinement possible. Ça implique

de demeurer ouverte à tout ce qui lui arrive et a un impact sur

elle, en tâchant de le gérer et d'en profiter de la façon la plus

satisfaisante possible.

On peut y parvenir si on est bien décidé à se connaître

profondément dans sa façon d'être et dans ses besoins

fondamentaux. Il faut aussi avoir le courage de s'autoriser à

être pleinement ce que l'on est, à ses propres yeux , comme à

ceux de son interlocuteur. Ça suppose enfin qu'on s'autorise à

rechercher la satisfaction la plus complète possible.

Cette forme d'expression nous aide à demeurer disponibles à

nos besoions et à vraiment les prendre en charge. Par ce

chemin, nous pouvons accéder à une vie de qualité dans

laquelle nous jouissons d'une liberté de plus en plus grande.

Page 66: Résoudre son transfert

Le transfert dans les relations

Par Michelle Larivey, psychologue

Cet article est dabord paru dans le magazine électronique

" La lettre du psy"

Volume 2, No 5: Mai 1998

sous le titre "Les noeuds dans nos relations"

Résumé de l'article

Plusieurs auteurs parlent de blessures du passé qui influent sur

nos relations présentes. D'autres soulignent les scénarios

répétitifs qui nous conduisent toujours dans les mêmes

impasses. En fait, c'est notre "manière de vivre" nos

expériences émotives avec l'autre qui est responsable des

noeuds qui nous étouffent ou étouffent la relation. Pourquoi en

est-il ainsi? Que faire pour dénouer ces noeuds?

Table des matières

A. Introduction

B. Histoire de noeuds: constance et similitude

C. Caractéristiques des histoires de noeuds

D. Conclusion: réactions à l'impasse

Vous pouvez aussi voir:

Page 67: Résoudre son transfert

Vos questions liées à cet article et nos réponses !

A. Introduction

Il s'écrit beaucoup de choses sur les relations humaines. On en

traite sous différents angles: la communication, la vie de

couple, l'amour, la psychologie de l'homme et de la femme, la

relation parent-enfants, etc. Dans beaucoup de ces livres, les

difficultés interpersonnelles et les conflits sont bien décrits. Le

lecteur s'y reconnaît tellement que plusieurs de ces ouvrages

sont devenus des best-sellers. Dans la majorité de ces

ouvrages, toutefois, je trouve peu de solutions efficaces et

réalistes à ce qu'on considère comme des noeuds dans les

relations. Par exemple, les conseils sont souvent inapplicables

dans les faits parce qu'ils font appel à la volonté seulement.

C'est le cas de cette recommandation concernant ce que

certains appellent la dépendance affective: "ne vous attachez

plus à ce genre de personne". Une telle prescription ne tient

pas compte du fait que le psychisme ne peut se soumettre à la

raison seulement. On se souvient de la phrase de Pascal: "le

coeur a des raisons que la raison ne connaît point". Elle

s'applique bien aux attraits et aux antipathies, aux émotions et

aux réactions intenses envers les autres. On ne peut composer

avec ces expériences complexes en faisant des choix

uniquement rationnels sans y laisser une partie de sa vitalité.

Page 68: Résoudre son transfert

Les solutions proposées sont souvent inefficaces aussi, parce

qu'elles ne s'attaquent pas au coeur du problème. En fait la

cause des difficultés n'est pas cernée. Souvent on se limite à les

décrire et à en déterminer l'origine. Lorsqu'on ne comprend pas

ce qui cause un problème il est difficile d'y trouver une solution.

Mais il faut l'avouer, la question est complexe et elle ne date

pas d'aujourd'hui. Les complications relationnelles ont, de tous

les temps, fait saigner bien des coeurs et fait aussi répandre

beaucoup de sang. Le suicide et le meurtre sont parfois le

dramatique aboutissement de conflits entre personnes. On

remarque dans les drames politiques et armés des ingrédients

identiques à ceux qui attisent les guerres interpersonnelles.

Les noeuds dans les relations engendrent beaucoup de

souffrance. Il est courant de voir des gens écorchés par leurs

multiples ruptures, y compris parfois avec leurs parents. Mais il

n'est pas rare non plus de voir des personnes âgés, adresser à

leur conjoint les mêmes reproches et vivre les mêmes

insatisfactions que dans les premières années de leur vie à

deux. Ces gens sont souvent dans un état déplorable, autant au

plan psychique que physique.

On s'en doute aussi, il n'y a pas de recette magique ou de truc

simple pour dénouer les relations problématiques. Les noeuds

sont d'ordre émotif et c'est par une solution émotive qu'on les

dénoue. Ce n'est pas facile. Ceux qui veulent trouver une issue

aux noeuds qu'ils rencontrent régulièrement dans leurs

Page 69: Résoudre son transfert

relations pourront donc troquer la souffrance présente contre

des moments exigeants au plan émotif. Mais combien

nombreuses seront les récompenses qu'ils trouveront dans

cette voie de solution: vitalité accrue, relation plus dense et

plus satisfaisante, confiance et fierté plus grandes avec en

prime, un pas dans la direction d'une plus grande maturité

psychique.

Cet article a pour but de mieux comprendre en quoi consiste ce

que nous appelons Le transfert dans les relations. À l'aide d'un

exemple élaboré, il dégage la similitude des difficultés vécues

dans diverses relations importantes ainsi que la présence d'un

dénominateur commun au coeur des divers noeuds. Il met aussi

en lumière les attitudes et les comportements qu'on adopte

typiquement par rapport à ces difficultés et face aux personnes

vis-à-vis desquelles on les éprouve.

B. Histoire de noeuds: constance et similitude

Jérôme est un cadre supérieur dans une entreprise de services

informatiques. C'est un homme très intelligent, réservé, articulé

et couvert de diplômes. Il a gravi les échelons de l'entreprise

qui l'a pris à son service dès sa sortie de l'université, grâce à

son désir d'excellence et à sa capacité d'abattre une somme

monstrueuse de travail en un temps record. Sa vie familiale, à

première vue, est bonne. Il vit avec la même femme depuis 15

ans. Ils ont chacun leur vie professionnelle et font beaucoup de

sport ensemble. Jérôme adore ses trois enfants.

Page 70: Résoudre son transfert

Bien qu'il soit admirablement performant sur beaucoup de

terrains, Jérôme est déprimé. Mais il ne parle jamais de cela.

C'est sa vie. En fait, il est déprimé depuis à peu près l'âge de 9

ans. À son souvenir, un fond de tristesse a toujours tapissé sa

vie. Mais Jérôme s'est fait à l'idée. Selon lui, c'est irrémédiable...

il y a des choses qu'il n'a pas eues dans sa vie et qu'il ne pourra

jamais avoir. Il n'a pas eu l'importance qu'il aurait voulu avoir

auprès de sa mère et cela il ne peut le changer. Au plan

amoureux, Jérôme a aussi sa théorie: la lune de miel ne peut

toujours durer. Il faut être adulte. Il est convaincu aussi qu'il est

impossible, dans un milieu de travail, d'obtenir la

reconnaissance dont on a besoin. Il faut se faire à l'idée qu'on

est payé pour fournir des résultats un point c'est tout.

Concernant son travail, Jérôme parle toujours comme s'il s'était

fait à l'idée de cet état de fait, mais au fond, il est déçu lorsqu'il

fournit une performance remarquable et que son directeur n'en

fait aucun cas. Il sait, aussi que ce dernier se sert parfois de ses

idées auprès de la haute direction. Il aimerait que son patron lui

en donne le crédit. Il voudrait aussi que son patron lui dise de

vive voix à quel point il trouve sa contribution valable dans

l'entreprise.

Il n'est toutefois pas question d'avouer ce souhait au patron. Il

est encore moins question de lui avouer son besoin de

reconnaissance. Ce serait montrer une faiblesse. À chaque

opportunité, cependant, il se prend à espérer. Chaque fois, il est

Page 71: Résoudre son transfert

déçu. Sa vie n'est pas réellement empoisonnée par cette

frustration au travail... seulement ternie.

Jérôme se trouve exigeant et trop dépendant. Sa solution:

enrayer son désir de reconnaissance et maintenir une distance

avec son patron à qui il en veut à répétition.

Avec son épouse, Jérôme vit aussi une insatisfaction profonde,

sur un aspect en particulier. C'est avec beaucoup de réticence

qu'il accepte de parler de ce sujet car, depuis plusieurs années

déjà, il n'essaie plus d'obtenir satisfaction. Il est convaincu que

son épouse ne changera jamais. Il lui a souvent dit ce qu'il

n'aimait pas. À maintes reprises il s'est mis en colère. Chaque

fois, il a obtenu une réponse identique. Il en conclut qu'il est

trop exigeant et qu'il devrait s'accommoder.

Ce qui le blesse le plus c'est l'impression que sa femme agit

souvent comme s'il n'existait pas. Elle ne prend aucunement en

considération certaines demandes qu'il lui fait. Elle les traite

comme des caprices. Il a l'impression que tout doit se faire à sa

manière à elle. Cela le choque au plus haut point. Cela le peine

aussi. Mais avec elle, pas plus qu'avec son patron, il n'est

question de lui faire voir quelle blessure elle lui inflige. Il serait

alors en position trop vulnérable. D'ailleurs, ça le révolte d'être

blessé par ce manque de considération. Il se trouve infantile et

trop dépendant. Sa solution: se taire pour ne pas se faire traiter

d'enquiquineur et prendre ses distances pour marquer sa

froideur..

Page 72: Résoudre son transfert

La vie de Jérôme n'est pas réellement empoisonnée par ce

tiraillement avec sa femme. Mais sa relation est ternie. Il lui en

veut souvent (il remarque son manque de sensibilité envers lui

à chaque fois que cela se produit... même pour une si petite

choses que de ne pas retenir une porte quand il la suit de près).

Il s'aperçoit, intérieurement, qu'il s'éloigne d'elle. Il a aussi le

goût de se venger: pourquoi serait-il gentil, prévenant, lui? Une

poire! Le vase déborde parfois. Il réagit démesurément pour

une peccadille. Et voilà qu'elle le traite de capricieux,

grincheux! Il n'en faut pas plus pour repartir le carrousel de

Jérôme: il est blessé (à la fois peiné et en colère). Il boude sa

femme et il s'en veut de lui accorder autant d'importance. Il

s'en veut d'avoir ce besoin et cherche à se raisonner; il réussit

passablement et se retrouve éteint et déprimé.

Le fils aîné de Jérôme vient d'entrer dans l'adolescence. Ils

avaient jusque-là une relation chaleureuse. L'enfant le

réclamait, lui démontrait de l'affection. Depuis quelque temps,

son fils l'ignore. Qui plus est, il se moque de ce qui importe à

son père. Jérôme est peiné. Trop peiné, trouve-t-il. Il devrait

être plus adulte et comprendre que l'adolescence est un âge

ingrat, un âge où les parents comptent apparemment peu.

Jérôme se raisonne en vain. L'attitude de son fils le peine

profondément. Ce dernier aussi le traite comme un rien!

Encore une fois, impossible de parler de cette peine et de ce

besoin d'être pris en considération. Il invoque comme raison

Page 73: Résoudre son transfert

qu'un enfant n'a pas à porter les problèmes de ses parents.

Cette dépendance est son problème à lui et il réglera ce

problème lui-même. Sa solution: tenter des rapprochements sur

des terrains que lui et son fils ont en commun. Mais même sur

ces terrains Jérôme n'obtient pas de considération de son fils.

Alors, il cherche à se détacher émotivement.

Jérôme dépense beaucoup d'énergie pour "avoir une place"

auprès de ceux qui ont de l'importance pour lui. Il travaille à

cela avec sa femme, son fils, son patron et souvent avec

d'autres personnes. Ce besoin est tellement grand et si

inassouvi que toute situation le moindrement propice à l'éveiller

se transforme en arène où Jérôme se débat pour obtenir ce à

quoi il aspire. Parfois la bataille est uniquement intérieure. Par

exemple lorsqu'il se trouve en société et qu'il cherche

"comment se comporter" pour qu'on le trouve intéressant et

qu'on apprécie sa présence.

Parfois la bataille qu'il livre est plus visible, par exemple avec sa

secrétaire. Cette dernière fait fi, systématiquement, de ses

directives concernant le temps supplémentaire, les pauses, les

retards. Alors, il explique, s'explique, ré-explique, justifie. Mais

en vain. Il est en colère d'avoir si peu d'impact, mais à chaque

occasion il espère qu'elle aura compris sa position et en tiendra

compte. Mais non, à la première occasion, elle récidive. Bien

qu'il la considère par ailleurs comme une secrétaire hors pair, il

rêve de se débarrasser d'elle tellement son manque de

considération pour lui l'irrite profondément.

Page 74: Résoudre son transfert

Il n'est pas question, pour Jérôme, de révéler à sa secrétaire à

quel point son comportement le dérange et combien il est

contrarié par son manque de respect pour ses directives. Ce

serait être trop émotif avec une subalterne. Il craint d'être

ridicule. Avec elle aussi, Jérôme se trouve trop dépendant,

réagissant trop intensément.

Avec Julia, sa fille de 5 ans, c'est merveilleux. Il est son papa

adoré. Elle ne cesse de le cajoler et de rechercher sa présence

(comme son fils aîné le faisait quelques années auparavant). Il

aime cet enfant à la folie. En sa présence, il est aux oiseaux.

Parfois, il a peur qu'elle grandisse.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, Jérôme vit des

sentiments analogues avec ses animaux. C'est un amoureux

des chevaux. Il a eu longtemps un étalon et une jument dont lui

et son épouse s'occupaient beaucoup à l'époque où il avait

encore des loisirs. Dans son fort intérieur, Jérôme désire être

aimé de ses bêtes. Il lui est arrivé souvent de tolérer des

comportements dangereux de sa jument, pour ne pas "être

bête" avec elle.

À son grand désarroi, il vit quelque chose de semblable avec le

chat de la maison. Ce dernier, comme beaucoup de moustachus

du genre, ne daigne même pas remarquer sa présence. S'il

allonge la main pour le flatter, systématiquement l'indépendant

félin file en douce. Il se prend à haïr cet animal! Sa solution: il

Page 75: Résoudre son transfert

l'ignore autant qu'il peut et se jure de n'avoir plus jamais de

chat.

En psychothérapie, par contre, c'est le bonheur, comme avec sa

fille Julia. Dans ce cadre, un homme (que Jérôme estime)

l'écoute, prend en considération ce qu'il vit, l'aide à trouver des

solutions qui lui conviennent réellement. Ce lieu devient une

sorte de refuge. Il y vient chaque fois avec plaisir, même si le

travail qu'il y fait est parfois pénible. Là, il avoue qu'il éprouve

un grand bien "à être considéré pour ce qu'il est", "à avoir une

place". Malgré tout, c'est pour lui une faiblesse d'avoir autant

besoin de cela.

Jérôme, on le devine, ne veut pas voir la fin de sa

psychothérapie. On peut penser qu'elle s'éternisera, par

compensation, si le thérapeute ne l'aide pas à dénouer ce qui

fait problème dans ses relations.

On ne s'étonne certainement pas maintenant de savoir que

Jérôme est déprimé. Cet homme qui pourrait paraître comblé

n'obtient pourtant pas ce qu'il souhaite tant: "être quelqu'un

d'important pour les gens qui ont de l'importance pour lui". Et,

qu'il le veuille ou non, cela le fait souffrir énormément.

On ne s'étonnerait pas non plus d'apprendre que Jérôme est

tombé amoureux fou d'une femme pour qui il a l'impression

d'être tout et qu'il songe à tout quitter pour partir avec elle...

comme un certain roi, Édouard VIII, l'a fait autrefois au grand

Page 76: Résoudre son transfert

étonnement de tous... comme plusieurs hommes se tiennent

sur leur garde de peur que cela leur arrive.

C. Caractéristiques des histoires de noeuds

L'histoire de Jérôme pourrait être celle de chacun d'entre nous,

à quelques variantes près. Nos histoires de relations difficiles

ont en effet les caractéristiques suivantes:

l'existence d'une frustration se manisfestant dans diverses

zones de notre vie

une certaine conscience de ce que nous recherchons

un entêtement indéfectible à garder le silence sur le besoin que

cache nos demandes ou nos reproches à l'autre

des ruptures ou des coupures émotionnelles

une tentative de survivre dans la relation, même si on a

l'impression de s'y vider (ou la tendance à se trouver, à

répétition, dans une relation où on vit quelque chose

d'analogue)

la persistance du besoin, malgré tout ce que l'on fait pour s'en

débarrasser.

La description de ce que vit Jérôme révèle la présence de ces

caractéristiques. Voyons cela plus en détail.

En prenant un certain recul, Jérôme constate une similitude de

frustration qu'il éprouve dans presque toutes ses relations

importantes. Il s'aperçoit aussi que les relations qui le rendent

Page 77: Résoudre son transfert

heureux sont justement celles où l'inverse se passe, comme

avec sa fille et son psychothérapeute.

Comme Jérôme s'autorise à ressentir les divers sentiments qu'il

éprouve dans ses relations, même si ceux-ci sont parfois

pénibles, il est capable de cerner ce qui lui manque avec

certaines personnes et ce qui le comble avec d'autres. Une

certaine introspection lui permet d'identifier un dénominateur

commun: sentir qu'il a de l'importance pour ces personnes.

Pour Jérôme, comme pour la plupart des personnes, un tel désir

est inavouable. Jugée infantile, cette quête place Jérôme en

situation de vulnérabilité par rapport aux personnes dont il

attend une réponse. Il est donc juste de dire que Jérôme peut

être très ébranlé sur ce sujet. Par exemple, lorsque l'importance

qu'il souhaite ne lui est pas accordée, il est généralement triste.

Lorsqu'il a la place qu'il souhaite, il est rempli et content. Il est

vrai également que les personnes qui ont une telle importance

pour lui ont le pouvoir de le blesser autant que de le réjouir.

Jérôme a raison de se trouver dépendant de ces personnes.

Comme Jérôme, l'impasse à laquelle on aboutit nous fait parfois

l'impression d'un noeud gordien. Or, on se rappelle le fameux

geste d'Alexandre le Grand qui voulu relever le défi de dénouer

le lien inextricable d'une série de noeuds si compacte que ni la

réflexion ni la vue ne permettait de saisir d'où partait cet

entrelacement et où il se dérobait. Le brillant Alexandre lutta

longuement contre le secret de ces noeuds. N'arrivant pas à

Page 78: Résoudre son transfert

trouver le fil par lequel dénouer l'inextricable, il sortit son épée

et rompit toutes les courroies.

Découragés et impuissants, c'est le choix que nous faisons. La

rupture peut être physique: on cesse de fréquenter la personne.

Mais on peut demeurer en relation avec la personne et rompre

le contact émotif. On voudrait bien que d'une manière où de

l'autre le tour soit joué: être débarrassé du problème.

Cette célèbre solution est la plus courante que j'aie rencontrée

dans les entreprises. En fait, c'est la seule qu'on applique aux

conflits de personnalité, à ce que je sache. On sépare les

personnes impliquées. Cette issue coûte parfois très cher

pécuniairement, mais c'est la meilleure que les dirigeants

puissent envisager car on ne comprend pas comment naissent

ces conflits. Bien entendu, on ne sait pas sur quelle corde tirer

pour dénouer le problème quand le noeud est devenu si serré

que la situation est invivable pour les individus impliqués ainsi

que pour leur entourage.

Trancher le noeud gordien est aussi la solution que l'on choisit

dans certains cas où nos amis ne nous conviennent plus. Les

individus les plus portés sur l'expression tenteront une ou deux

explications. Les autres mettront fin au lien. D'une manière

drastique ou en filant à l'anglaise, la solution est la même: on

cesse la relation pour se débarrasser du problème, ou de la

personne-problème (la plupart du temps, on pense que l'autre

est le problème). Souvent, on agit ainsi parce qu'on ne sait que

Page 79: Résoudre son transfert

faire d'autre. Mais parfois, on a tellement enduré longtemps

l'insatisfaction qu'on ne veut même plus chercher comment

régler le problème!

Devant l'impossibilité de dénouer la situation, avec chaque

personne chez qui il "frappe un noeud", Jérôme choisit la

solution d'Alexandre le Grand: trancher la sangle au-dessus du

noeud. Il ne rompt pas la relation mais c'est tout comme: il

s'éloigne de sa femme, cherche à s'insensibiliser devant son

fils, prend ses distances face à son patron, souhaite le départ

de sa secrétaire, ignore le chat autant qu'il peut. Jérôme

cherche à effectuer une rupture émotionnelle.

L'autre solution de Jérôme: occulter son besoin. Pour cela, il lui

faut rompre le contact avec lui-même. Il le fait en contestant

continuellement son besoin: "je suis trop dépendant", "mon

besoin est infantile". Il le fait aussi en refusant de tenir compte

de son besoin autrement que de la manière vaine à laquelle il a

recours continuellement. En effet, on voit que Jérôme répète le

même comportement, même si celui-ci s'avère inutile. Il donne

des explications à sa secrétaire, fois après fois, même si cela ne

donne rien. Il a fait de nombreuses scènes à sa femme, même

après s'être rendu compte que cette méthode était inefficace.

Après un certain temps, usé, il choisit de laisser faire. Cette

décision ne le satisfait pas davantage car il renonce ainsi à

répondre à son besoin.

Page 80: Résoudre son transfert

Certaines personnes quittent plus que d'autres. Celles qui

quittent, dans une situations comme celle où se trouve Jérôme,

reproduisent typiquement le même schéma dans une relation

subséquente. Et cela, quel que soit le type de relation

interrompue: relation amoureuse, de travail, etc. On

comprendra, à la lecture des articles subséquents, pourquoi on

emprunte systématiquement la même structure de

comportements.

Jérôme demeure dans ses relations même si elles sont

grandement insatisfaisantes. Il est remarquable également qu'il

reste constant à la fois dans sa frustration et dans son choix de

solutions. En effet, il résiste constamment à faire connaître son

besoin. Si on peut comprendre sa pudeur à le faire avec sa

secrétaire, on s'étonne toutefois de sa résistance à le faire avec

son épouse. On constate que même avec elle, il garde cette

position inébranlable.

"L'essentiel n'est visible qu'avec le coeur" faisait dire St-

Exupéry au Petit Prince. Or Jérôme ne veut pas parler de coeur

à coeur. Il a trop peur. Toutefois, il veut que les autres ouvrent

leur coeur pour le comprendre.

En fait, ce n'est pas parce que Jérôme se refuse à montrer son

besoin que ce dernier disparaît. Ce n'est pas non plus parce

qu'il cherche à l'occulter qu'il se dissout non plus. Au contraire,

l'aspiration à être quelqu'un pour l'autre reste présente. Plus

Page 81: Résoudre son transfert

Jérôme en est conscient, plus il se rend compte que cette

préoccupation est omniprésente.

D. Conclusion: réactions à l'impasse

On le voit dans l'exemple, on l'expérimente dans notre vie, la

façon typique de composer avec les noeuds de nos relations

conduit à l'impasse:

les gens autour de nous ne changent pas, mais ils demeurent

tout aussi importants pour nous;

même si nous décidons d'abandonner notre recherche et de

renoncer à la satisfaction, on se surprend à la continuer

inconsciemment (Jérôme est déçu malgré lui de l'absence de

reconnaissance de son patron et de l'ignorance du chat à son

égard);

si on cherche à s'adapter à la situation insatisfaisante, on vit

malgré nous une insatisfaction. Il s'ensuit des sentiments de

tristesse et de colère qui se transforment parfois en dépression

plus ou moins intense.

Devant l'impasse certains ont la réaction de se décourager: ils

perdent confiance dans la possibilité d'avoir des relations

réellement satisfaisantes. D'autres perdent confiance en leur

capacité d'établir des relations. Ils se pensent handicapés

psychologiquement. Certains, enfin, n'en finissent plus de

Page 82: Résoudre son transfert

poursuivre une recherche, cherchant conseil dans les livres, les

experts, les diverses expériences de croissance personnelle.

Pourquoi est-ce si difficile de trouver les réponses? Pour trouver

la clé qui permette de délier les noeuds de nos relations, il faut

d'abord comprendre comment ces noeuds se forment. Pour

ensuite dénouer ces situations interpersonnelles intenses, il

faut maîtriser certaines habiletés à composer avec notre

expérience émotive.

Pour poursuivre votre lecture, l'article "Aux sources du

transfert" est la deuxième partie de "Le transfert dans les

relations". Il traite de la formation des noeuds et de leur raison

d'être dans notre vie d'humains.

Vous pouvez aussi vous préparer à cette lecture en parcourant

le texte intitulé "Les chemins de la croissance" . Ce dernier

donne un aperçu des grands défis que nous avons à rencontrer

dans notre développement psychique. Or, les noeuds de nos

relations sont intimement liés à ces défis.

À ceux qui veulent se servir activement de cette série d'articles,

je suggère l'outil "Repérer les noeuds dans mes relations".

Enfin, pour un aperçu du même sujet, cette fois présenté dans

un autre style, on peut lire, dans la section "Images

intérieures", le récit poétique "À la recherche d'un paradis

tordu".

Page 83: Résoudre son transfert

Les chemins de la croissance

Par Michelle Larivey, psychologue

Résumé de l'article

Ce texte s'adresse principalement aux personnes qui

s'occupent activement de leur développement personnel. Vous

y verrez une description des principales étapes: Se faire une

place, s'explorer, s'assumer ouvertement et résoudre ses

transferts. Vous trouverez aussi des moyens efficaces de

faciliter le passage d'une étape à une autre et les pièges à

éviter!

Table des matières

Avant propos

Introduction

1e étape: Se faire une place

2e étape: S'explorer

3e étape: S'assumer ouvertement

3b: Résoudre ses transferts

Conclusion

Page 84: Résoudre son transfert

Avant-propos

Ce texte a été rédigé à l'occasion d'une conférence donnée à

Montréal le 4 février 1996 dans le cadre du Salon de la santé et

des médecines douces.

Il s'adresse principalement aux personnes qui s'occupent

activement de leur développement personnel, en s'aidant de

divers moyens et services qui s'offrent à eux.

Cette conférence visait à aider ces personnes à faire des choix

plus éclairés et efficaces dans leur cheminement. Ainsi, elles

deviendront des proies moins faciles pour la publicité et

certains intervenants dont l'éthique et le professionalisme

laissent parfois à désirer.

Introduction

"Grow or Die". Croître ou mourir. Ce titre de livre est percutant,

mais il traduit vraiment la réalité. Tout ce qui est vivant est soit

dans un processus de croissance, soit dans en dégénérescence.

Page 85: Résoudre son transfert

Il n'existe pas de stade inerte chez les vivants. Le rosier donne

des boutons qui s'ouvrent lentement, les roses atteignent leur

maturité dans toute leur splendeur et commencent

immédiatement à se flétrir. Physiquement il en est ainsi de

l'humain. Ayant atteint le maximum de son développement

physique vers 25 ans, le processus de dégénérescence

s'amorce.

Malgré cette réalité, les humains, dans bien des cas,

s'acharnent à ne pas vouloir changer. Ils se refusent à grandir,

même si la situation appelle un changement.

Marie a un mari qui va au-devant de ses besoins et se montre

très enveloppant. Ça la satisfait car elle a beaucoup besoin de

marques d'affection sans lesquelles elle est insécure.

Mais son milieu de travail n'est pas aussi chaud que son cocon

familial. De fait, sa collègue de travail est plutôt froide et ne fait

pas de cas d'elle. Marie enrage de ce manque de considération

et fait durant plusieurs années, maints efforts pour faire

changer le comportement de sa partenaire.

Lorsque j'interviens, elle est sur le point de quitter l'entreprise

parce qu'au bord de la dépression. Cette situation est si

intenable, que même sa vie familiale est empoisonnée par ses

réactions. Mais il n'est pas question pour Marie de faire la

démarche de développement psychique nécessaire pour

Page 86: Résoudre son transfert

devenir capable de tolérer de n'être pas minimalement aimée

de tout le monde. Marie ne veut pas changer.

Croître, c'est changer. Changer pour le mieux, pour s'adapter

lorsque nécessaire, pour traverser une difficulté qui nous

empêche d'être satisfait, pour mieux se posséder, etc. En Auto-

développement, l'approche dont s'inspire mon travail comme

psychothérapeute, croître c'est plus particulièrement devenir

continuellement de plus en plus sujet dans son existence. C'est

exactement le contraire que de se vivre comme un objet à la

merci de la vie, des événements, de l'entourage, des êtres

aimés.

Si Marie, comme nous tous souvent, préfère l'immobilité et

s'acharne à changer l'autre pour l'adapter à son besoin, ce n'est

pas par mauvaise volonté, ou par paresse. Je crois que c'est

essentiellement pour deux raisons:

D'abord par peur d'être inconfortable ou de souffrir. Elle a,

pense-t-elle, une recette gagnante dans le mode d'interaction

de son milieu familial. Elle ne voit pas pourquoi elle

l'abandonnerait.

Mais c'est surtout, par ignorance qu'elle choisit l'immobilité.

Marie ne sait pas combien elle y gagnerait en solidité

personnelle si elle arrivait à être capable de vivre, même dans

l'adversité.

Page 87: Résoudre son transfert

Il n'y a pas de raison que Marie sache cela, à moins qu'elle ne

soit une spécialiste du développement humain. C'est une réalité

qui n'est absolument pas évidente.

Même si l'humain est mû de l'intérieur par une force qui le

pousse à rechercher la satisfaction et même à se développer

(cf. la tendance actualisante dont parle Abraham Maslow), il a

souvent tendance à éviter ce qui le fait souffrir. Or, le

changement passe toujours par une certaine souffrance, ou du

moins un certain inconfort.

On accepte cette souffrance lorsqu'on sait qu'elle est

temporaire et quelle prépare un mieux être. Comme disent les

véliplanchistes extrêmes "Pain is only temporary" (entendre la

joie est tellement grande qu'on est prêt à payer le prix qu'il

faut).

Dans certains domaines où on s'y connaît, on peut faire ce

choix éclairé. On s'entraîne, douloureusement, pour être en

forme. On se prive dans l'espoir d'atteindre la silhouette rêvée.

On étudie à se crever pour réussir son examen. Mais dans le

domaine de la croissance personnelle, peu de gens possèdent

les connaissances qui leur permettent de choisir la douleur pour

un mieux-être ultérieur.

C'est la raison qui m'a poussée à offrir une conférence sur le

thème "Les chemins de la croissance": fournir des

éclaircissements qui permettent de voir son développement

Page 88: Résoudre son transfert

dans une perspective plus large. Je vois souvent des clients qui

ont investi beaucoup d'énergie, d'argent et de temps dans

toutes sortes d'activités de croissance et qui, au bout du

compte, se retrouvent à peu près au même point qu'au départ.

Parfois, ils sont confus, mêlés, découragés que leurs efforts

n'aient pas donné plus de résultats, malgré la sincérité et la

force de leur investissement personnel.

Que vous soyez parmi ces personnes où non, si vous êtes

intéressé à demeurer en mouvement et si vous êtes préoccupé

de votre développement comme personne, les réponses aux

questions suivantes vous seront utiles.

Quelles sont les étapes de la croissance?

Quelles sont les moyens de rendre notre démarche de

développement personnel la plus efficiente?

Y a-t-il des conditions plus favorables que d'autres?

Dans notre optique, il y a 3 grandes étapes de développement

personnel. Ces trois étapes que je vais développer ici sont:

se faire une place

s'explorer

s'assumer.

Pour en savoir plus:

À quoi servent les émotions?

Page 89: Résoudre son transfert

Par le psychologue

Jean Garneau

1ère étape: Se faire une place

Se faire une place, c'est oser être réceptif à ce qui est

important pour soi, à ce qui est vivant en soi. Cela revient

essentiellement à être prêt à ressentir ses sentiments, à

considérer d'un regard accueillant ses besoins et ses

préoccupations.

Certaines personnes parviennent à l'âge adulte sans avoir

réussi à se donner ainsi une place dans leur vie. Il est

absolument essentiel qu'elle se consacrent à atteindre cet

objectif. Plusieurs raisons expliquent pourquoi c'est si

important.

Nos émotions sont les données fournies par un système

d'information qui nous renseigne continuellement sur nos

besoins. Et pour vivre de façons satisfaisante, il faut prendre

nos besoins en considération (ce qui suppose, bien sûr, qu'on

apprend à se centrer pour qu'ils puissent émerger par ordre de

priorité). Il est essentiel d'être à l'écoute de ce qui est

important, de ce qui nous préoccupe; c'est ce qui nous permet

d'avoir une vie pleine.

Page 90: Résoudre son transfert

La seule motivation de changement qui dure est celle qui vient

de l'intérieur. Il est indispensable d'être à l'écoute et réceptif à

soi pour y avoir accès. Sinon, on cherchera à se manipuler: on

se dira qu'il faut arrêter de fumer, prendre plus de vacances,

être plus gentille avec son amoureux. Où encore, on tentera de

céder aux pressions de l'extérieur: "tu devrais...." sans que cela

ait de sens pour nous.

Pour devenir davantage sujet de sa vie, il faut être en contact

avec sa vie (son corps, ses besoins, ses émotions, ce qui est

important pour soi...).

Se faire ainsi une place, c'est aussi la garantie de n'être jamais

la proie d'un gourou ou d'une secte. Personne ne peut alors se

substituer à nous pour savoir ce qui est bon pour nous.

Personne ne peut nous manipuler en répondant à nos besoins

inconscients, car nous avons la capacité d'être en contact avec

nos besoins.

Les moyens

Si devenu adulte on n'est pas parvenu à se faire une place, il

est plus efficace de chercher de l'aide pour y arriver car on a

développé des "plis" et on oppose des résistances à le faire.

La psychothérapie individuelle est un moyen très efficace d'y

arriver. Il est indispensable, toutefois, qu'il s'agisse bien de

psychothérapie et non de traitement de problème dans le genre

des différentes thérapies brèves, cognitives, béhavioristes.

Page 91: Résoudre son transfert

Un autre moyen peut être utilisé par ceux qui ne veulent pas où

ne peuvent pas entreprendre une psychothérapie, mais

souhaitent apprendre à se faire une place dans leur vie.

Ressources en Développement a publié dernièrement un outil

qui poursuit exactement cet objectif. Il s'agit du Programme

Savoir Ressentir, un ensemble d'instruments dont on peut se

servir seul pour améliorer sa capacité de contact avec son

monde intérieur.

Toute personne qui s'attarde quelque peu sur elle pour

reconnaître ce qui la touche, ce qui lui importe et pour cerner

ses besoins, se met automatiquement à devenir quelqu'un

d'intéressant. C'est alors que naît le désir de se connaître

davantage. On est intrigué par certains de nos comportements,

on ne comprend pas pourquoi on n'arrive jamais à...etc. On est

alors prêt pour la phase suivante.

Il existe cependant un danger (il se présentera d'ailleurs à

toutes les phases), c'est d'en rester là. Passer à la phase

suivante implique nécessairement de nouveaux défis, de

nouvelles difficultés et nous avons probablement atteint un

niveau de confort agréable qu'il n'est pas intéressant, à priori,

de bouleverser.

Si on atteint un point où on se fait presque une religion de

"s'écouter", de "prendre soin de soi", de "se faire plaisir", si on

se met à trouver "qu'on est donc bien tout seul... que la vie est

Page 92: Résoudre son transfert

donc plus facile", il y a de bonnes chances qu'on soit en train

d'éviter le passage normal à la phase suivante.

2ième étape: S'explorer

Si la première étape est complétée, on en viendra tout

naturellement à l'exploration de soi. Celle-ci se fera

harmonieusement, les sujets s'arrimant les uns aux autres.

C'est parce que le questionnement viendra de l'intérieur qu'il en

sera ainsi. Et c'est parce qu'il se fera à partir de l'intérieur qu'il

en restera quelque chose. C'est exactement le contraire de ce

qui se produit lorsque l'exploration est conduite par des

questions parachutées de l'extérieur comme celles qui viennent

des autres ou qui nous sont suggérées par des auteurs.

J'ai vu beaucoup de personnes qui n'arrivaient à rien en

essayant de mettre en pratique des conseils comme "change de

genre de femme!", "sois ta propre mère", "aime-toi" ... Si ce

conseil n'arrive par exactement au moment où la personne est

rendue à cette étape précise dans sa démarche (un

synchronisme infiniment rare), il est à toute fin pratique inutile.

Page 93: Résoudre son transfert

Combien de personnes se sont perdues en cherchant à mettre

en application des choses intéressantes et valables qu'elles

avaient lues mais pour lesquelles elles n'avaient pas fait le

cheminement préalable. Combien se sont retrouvés en mauvais

état en suivant le conseil de leur gourou "d'adresser leur colère

immédiatement à leurs parents, quelle que soit leur réaction"!

Je ne le répéterai jamais assez, pour être constructives, les

expérimentations doivent être assumées et pour cela, il faut

qu'elles soient commandées de l'intérieur. Les suggestions ne

sont pas à bannir, mais elles doivent être évaluées

soigneusement pour choisir celles qui nous conviennent au

moment et au point précis où on se trouve.

Les moyens pour alimenter l'exploration

la lectures

l'expérimentation active

parler de nos découvertes avec d'autres

Les moyens pour rendre la démarche plus efficace

la psychothérapie individuelle (qui doit être absolument

enrichie de diverses expériences). La psychothérapie servira de

lieu pour

traiter nos découvertes

digérer les nouvelles expériences

Page 94: Résoudre son transfert

comprendre ce qu'on a vécu (le vécu avec le psychothérapeute

constitue un matériel d'exploration très précieux qui doit faire

partie de cette exploration)

Durant cette phase on se rend compte qu'il y a certaines choses

de soi qu'on préfère cacher aux autres. Il y a des sentiments,

des besoins, des comportements qu'on n'est confortable d'avoir

que lorsqu'on est seul avec soi.

Mon opinion est claire, mais je n'arrive pas à l'exprimer en

réunion.

Je ne peux pas me permettre de n'être pas à mon meilleur

devant les autres.

Je n'arrive pas à dire non.

Il m'est impossible de faire voir à un homme qu'il me plaît. C'est

tellement vrai que je choisis ceux qui ne me plaisent pas.

Malgré les indices clairs que nous présentent ces constatations,

le danger d'en rester-là nous guette encore une fois. On est en

effet assez confortable avec soi, on réussit à avoir une vie

relativement agréable et intéressante.

Pourquoi se forcer à passer à un autre stade? D'ailleurs, y a-t-il

un autre stade? N'est-ce pas important de se suffire dans la vie?

L'important n'est-il pas d'être bien avec soi et d'être assez

autonome pour avoir ses activités? Toutes les rationalisations

populaires de notre époque sont au service de notre goût de

confort et de notre crainte du changement!

D'abord, il n'est pas évident qu'il existe un autre stade. Quant

aux autres questions, la réponse de beaucoup de gens est un

Page 95: Résoudre son transfert

GROS OUI. Ils confondent "autonomie dans l'initiative pour

répondre à ses besoins" et autarcie, c'est-à-dire, se suffire.

Mais aucun être vivant ne peut se suffire. Il a besoin de contact

avec l'univers. Entre humains, le contact est indispensable pour

combler les besoins affectifs qui perdurent la vie durant. Il est

donc important de savoir qu'il existe une phase subséquente.

Seul quelqu'un de familier avec ces étapes peut nous informer

de leur existence!

3ième étape: S'assumer devant les autres

Cette étape est cruciale dans la vie de tout individu. C'est en

réussissant, graduellement, à s'assumer devant les autres

qu'on gagne la sérénité tant espérée. C'est un processus dans

lequel on a avantage à être guidé par un expert car il est facile

de s'égarer.

Par exemple, s'assumer devant les autres ne signifie pas

"pouvoir faire quoi que ce soit devant les autres parce qu'on

s'est durci". Cela n'a rien à voir non plus avec se "foutre" du

monde.

Page 96: Résoudre son transfert

Au contraire. C'est un cheminement dans lequel nous prenons

le risque de nous respecter dans toute notre intégralité devant

des personnes auxquelles on tient vraiment.

Les moyens de rendre cette démarche efficiente

le groupe de psychothérapie

les sessions de croissance sur des thèmes en rapport avec les

dimensions que nous cherchons à mieux posséder.

Il est important de choisir un groupe où les gens auront des

réactions vraies, ni complaisantes, ni exagérées. C'est essentiel

pour pouvoir en tirer une vision réaliste de notre impact sur les

autres. Il est important de choisir une approche de

psychothérapie qui encourage à s'assumer soi-même et qui ne

cherche pas à faire adopter des attitudes et des comportements

corrects.

En cours de démarche, on se rendra compte qu'il existe des

personnes devant lesquelles il est plus difficile de s'assumer.

Sans le savoir très clairement, nous investissons ces personnes

d'un pouvoir particulier de nous reconnaître. On s'aperçoit

qu'on trouve continuellement de telles personnes sur notre

chemin et que parfois même on les cherche. S'affirmer devant

ces personnes devient un défi supplémentaire, mais essentiel à

notre satisfaction.

Le danger, ici aussi, c'est de renoncer à s'assumer devant ces

personnes. En les évitant, par exemple.

Page 97: Résoudre son transfert

Il est facile de trouver dans la littérature populaire et chez

plusieurs conférenciers un encouragement à éviter les

personnes qui réveillent nos vieilles blessures. Je ne pense pas

qu'il faille les éviter. Au contraire. D'ailleurs une force intérieure

nous pousse sur le chemin de ces personnes, pour régler ces

vieux conflits. Mais encore faut-il savoir comment arriver à les

régler.

C'est ici qu'on doit distinguer une deuxième partie de cette

troisième étape, une partie où on cherche encore à s'assumer

ouvertement devant autrui, mais avec des personnes spéciales.

Il s'agit de s'assumer vraiment devant les personnes qui ont

pour nous le plus d'importance.

Pour en savoir plus:

Le transfert dans les relations

Par la psychologue

Michelle Larivey

3b: Résoudre ses transfert

Page 98: Résoudre son transfert

On est mûr pour cette démarche lorsqu'on commence à penser

qu'il y a anguille sous roche du fait par exemple,

d'être systématiquement en désaccord avec les personnes en

autorité

d'être aussi défensive avec son mari qu'on l'était avec son père

d'avoir avec son conjoint des chicanes qui ressemblent

étrangement à celles qui nous faisaient tant souffrir avec nos

parents

qu'on enrage que l'entreprise ne nous manifeste pas davantage

de reconnaissance

qu'on ne supporte aucune critique

qu'on tombe en amour aussitôt que quelqu'un s'intéresse à

nous

qu'on déprime devant l'indifférence de notre adolescent

... etc, etc, etc

La répétition, l'intensité de nos réactions, le fait qu'elles soient

si stéréotypées (toujours les mêmes dans une situation

semblable) sont des signes qui ne trompent pas. Ils indiquent

que nous revivons, dans le présent, des expériences

antérieures non complétées.

Lorsqu'on remarque ces indices et qu'on veut y voir plus clair,

on est vraisemblablement prêt à compléter ces situations qui

empoisonnent notre vie. Mais pour être efficace dans cette

démarche et pour ne pas se décourager devant les difficultés

qu'on y rencontre, il est important d'être bien instrumenté.

Les moyens de résoudre nos transferts

Page 99: Résoudre son transfert

Le groupe de psychothérapie, dans une approche qui fournira

l'instrumentation

la possibilité de pratiquer

Les situations de la vraie vie avec interlocuteurs transférés et

les originaux, c'est-à-dire, notre famille d'origine.

Conclusion

Il est important de bien comprendre où on en est dans sa

démarche de développement personnel. Il est impérieux de

connaître les moyens appropriés pour s'aider à réaliser avec

succès l'étape où on en est.

En étant bien orienté dans notre démarche de développement

personnel, on économisera beaucoup de temps. On évitera

aussi plusieurs expériences négatives qui laissent des traces

profondes ou nous amènent à abandonner notre recherche.

Page 100: Résoudre son transfert
Page 101: Résoudre son transfert

Fidèle à moi-même

Par Jean Garneau, psychologue

Cet article est tiré du magazine électronique

" La lettre du psy"

Volume 1, No 4: Décembre 1997

Résumé de l'article

Nous voulons tous augmenter un peu ou beaucoup notre

confiance en nous-même, notre estime de nous-même et notre

sécurité intérieure. Saviez-vous que ces qualités tant

recherchées ne sont pas des cadeaux du destin mais plutôt des

résultats de notre façon d'agir? En fait, ce sont les effets que

nous obtenons rapidement et de plus en plus lorsque nous

choisissons d'être fidèle à nous- même. Comment y parvenir, à

quoi exactement est-il important d'être fidèle?

Table des matières

A. Ce que nous procure la fidélité à nous-même

B. C'est quoi être fidèle à moi-même ?

C. Fidèle à quoi ?

D. Ce qui en résulte

E. Comment faire ?

F. En guise de conclusion

Page 102: Résoudre son transfert

Vous pouvez aussi voir:

Vos questions liées à cet article et nos réponses !

A. Ce que nous procure la fidélité à nous-même

Qui n'aimerait pas avoir un peu (ou beaucoup) plus confiance

en lui-même? Qui ne souhaite pas augmenter un peu (ou

beaucoup) son estime de lui-même? Nous aimerions tous être

encore un peu (ou beaucoup) plus sûrs de nous-mêmes;

augmenter notre sécurité intérieure.

Ces certitudes intérieures auxquelles nous aspirons semblent

bien mal distribuées. Nous avons souvent l'impression qu'elles

sont plus ou moins un cadeau du destin, le résultat d'une

chance que nous n'avons pas eue. Il s'agit de caractéristiques

qui appartiennent à d'autres et demeurent, pour toujours, hors

de notre portée.

Pourtant, c'est tout le contraire qui est vrai! Ces qualités sont

des résultats. Elles apparaissent naturellement à la suite de

certains genres d'action. Elles se bâtissent peu à peu chez les

personnes qui se comportent d'une façon particulière. Plus

Page 103: Résoudre son transfert

précisément, ces qualités sont le résultat principal

qu'obtiennent les personnes qui, dans leurs actes, sont

soucieuses de se respecter elles-mêmes.

Difficile à croire, n'est-ce pas? Pourtant, c'est bien vrai! Je crois

même que chacun de nous est capable de le vérifier

directement à partir de sa propre expérience de vie.

...

Page 104: Résoudre son transfert

Fidèle à moi-même

Par Jean Garneau , psychologue

Fidèle vs infidèle

La fidélité sexuelle

Est-ce qu'il me trompe en fantaisie ?

Est-ce qu'elle a un amant?

Différences dans les valeurs ?

La confiance ébranlée

À la recherche de modèles de vie

Vous avez une question qui demeure sans réponse ?

Question: Fidèle vs infidèle

Dans quelles conditions être fidèle à son conjoint peut-il être

une façon d'être infidèle à soi-même et dans quelles conditions

être infidèle à son conjoint peut-il être une façon d'être fidèle à

soi-même?

Réponse

Page 105: Résoudre son transfert

La réponse est disponible dans Les émotions source de vie

Question: La fidélité sexuelle

Oui, mais ça détourne un peu la question. Quand la fidélité

sexuelle est-elle contradictoire avec la fidélité à soi-même?

Réponse

La réponse est disponible dans Les émotions source de vie

Question: Est-ce qu'il me trompe en fantaisie ?

Mon ami aime beaucoup les photos de femmes nues; il achète

des CD de photos et fréquente les sites X sur Internet. J'ai

l'impression d'être trompée et ça m'inquiète énormément. Est-

ce que je ne lui plais plus? Suis-je assez belle pour lui? Est-il

insatisfait de nos relations sexuelles? Est-ce moi qui suis trop

insécure? Je ne sais pas comment me respecter et me faire

respecter dans cette situation.

Réponse

La réponse est disponible dans Les émotions source de vie

Question: Est-ce qu'elle a un amant?

Page 106: Résoudre son transfert

Je soupçonne mon épouse d'avoir une aventure avec quelqu'un

d'autre. J'ai des indices qui m'inquiètent, mais elle nie

complètement et refuse d'en parler. Et elle a toujours de

bonnes explications! Mais plus ça va, plus je deviens

soupçonneux. J'en viens à ressembler à un détective qui

cherche à la prendre en défaut et à monter une preuve. C'est

l'enfer et je crains de détruire notre relation par ma méfiance.

Réponse

La réponse est disponible dans Les émotions source de vie

Question: Différences dans les valeurs

Je n'arrive pas à établir un contact authentique avec mes

collègues parce que nous sommes trop différents. Je suis

incapable d'accepter leurs valeurs différentes, leur faible sens

des responsabilités, leur immoralité. Ça m'isole et m'inhibe

dans ma spontanéité. Je me trouve hypocrite de ne rien dire

mais je suis constamment heurté par leurs actions. Devrais-je

m'adapter ou combattre cette mentalité que je n'accepte pas?

Comment être fidèle à moi-même dans une telle situation?

Réponse

La réponse est disponible dans Les émotions source de vie

Page 107: Résoudre son transfert

Question: La confiance ébranlée

Vous dites qu'il est important de respecter nos valeurs pour

maintenir notre équilibre. Ça m'a fait comprendre pourquoi j'ai

des problèmes de confiance en moi depuis un certain temps.

Depuis toujours, j'accorde beaucoup d'importance à mon

apparence physique. Le fait qu'on me trouve belle me rassure

et me donne confiance. Mais j'ai lu récemment dans un

magazine très sérieux que n'importe qui pouvait se faire refaire

les yeux, le nez et tout ce qui est disgracieux, à un prix très

accessible. Ça m'a bouleversée et révoltée. C'est comme si la

beauté n'avait plus de valeur ou d'importance! Plus personne

n'y attachera de valeur si on peut l'acheter au coin de la rue.

Je ne sais plus comment réagir pour retrouver ma confiance

envolée.

Réponse

La réponse est disponible dans Les émotions source de vie

Question: À la recherche de modèles de vie

Page 108: Résoudre son transfert

Nous sommes 2 personnes du monde de l'éducation et nous

cherchons des informations sur le Web concernant des

personnes qui peuvent être des modèles de vie pour d'autres.

Est-ce que vous possèdez des écrits ou des liens internet à ce

sujet?

Réponse

La réponse est disponible dans Les émotions source de vie

Vous avez une question qui demeure sans réponse ?

Vous avez une question qui demeure sans réponse ?

Deux options vous sont offertes:

Une question personnelle à laquelle vous voulez une réponse

individuelle.

Le psy virtuel est à votre disposition. Pour 50$ (canadiens) un

de nos psychologues consacrera 30 minutes à vous répondre

s'il estime pouvoir vous être vraiment utile. Il s'agit d'un genre

de consultation individuelle et vous aurez la réponse en 3 jours.

Page 109: Résoudre son transfert

Voyez les détails ici: http://redpsy.com/virtuel/question.html

Une question de clarification ou d'approfondissement dont la

réponse est publiée sur le site.

Les auteurs des articles répondent gratuitement aux questions

d'intérêt général. Les réponses sont des principes généraux

dont chacun doit évaluer la pertinence pour sa propre situation.

Il s'agit d'une intervention éducative et non d'une consultation

personnelle. Les psychologues répondent à la fin du mois aux

questions qui concernent l'article du mois courant. Ils répondent

aux autres questions au moment qui leur convient.

Il vous suffit de nous faire parvenir votre question à

[email protected]

Page 110: Résoudre son transfert

Mettre mes émotions au travail

Par Jean Garneau , psychologue

Cet article est tiré du magazine électronique

" La lettre du psy"

Volume 2, No 2: Février 1998

Résumé de l'article

Plusieurs personnes voient mal comment elles peuvent faire

une place adéquate à leurs émotions dans leur milieu de travail.

On se soucie des relations humaines et des communications en

milieu de travail, des conflits interpersonnels, du stress ou de

l'usure professionnelle et même des relations avec un patron

exigeant, un employé ou un client difficile. Toutes ces

préoccupations soulèvent la même question: comment utiliser

nos émotions de façon réaliste et efficace dans notre

environnement de travail.

Table des matières

A. Avertissements importants

B. Les émotions s'absentent du travail

C. Leur place en milieu de travail

D. Les pièges de l'évitement

E. Ressentir pour s'informer

F. Accueillir pour comprendre

Page 111: Résoudre son transfert

G. Conclusion temporaire

Vous pouvez aussi voir:

Vos questions liées à cet article et nos réponses !

A. Avertissements importants

Prérequis

Ce texte est le deuxième d'une série de trois. Comme il ne

reprend pas les explications du précédent, son sens véritable

ne peut être compris sans une connaissance du premier. Le

lecteur qui n'a pas lu "À quoi servent les émotions ?" ou qui

n'en a pas un souvenir clair devrait le lire avant d'entreprendre

ce texte-ci.

"À quoi servent les émotions ?" a été publié pour la première

fois dans "La lettre du psy", (Vol. 1, No 2, octobre 1997).

Utilité de ce texte

Page 112: Résoudre son transfert

Ce texte vise principalement l'utilisation des émotions en milieu

de travail. Mais il s'applique tout aussi bien à plusieurs autres

situations de vie. On peut en utiliser le contenu dans toutes les

relations non-intimes, particulièrement dans les situations où

nous sommes en contact régulier avec des personnes que nous

n'avons pas choisies (voisins, groupes de loisirs, etc.). Il n'a pas

été conçu pour s'appliquer aux relations familiales, conjugales

ou amicales.

B. Les émotions s'absentent du travail

Pour la plupart d'entre nous, les émotions n'ont pas leur place

dans notre milieu de travail. Elles sont un signe de faiblesse et

un phénomène indésirable. Elles peuvent être acceptables dans

des relations intimes, mais pas avec des collègues.

Pourtant, elles existent ! Que nous y consentions ou non, il nous

arrive, dans des situations particulièrement importantes, de

devenir émus, blessés, fâchés, joyeux, inquiets, excités, etc.

Comme nous l'avons vu dans "À quoi servent les émotions ?"

nos réactions émotives sont non seulement inévitables, mais

elles sont également nécessaires à notre adaptation. Leur utilité

essentielle consiste à nous informer sur nos besoins importants

et combien ils sont satisfaits.

Page 113: Résoudre son transfert

En choisissant d'ignorer nos émotions, nous mettons notre vie

en déséquilibre. Si c'est au travail que nous refusons de les

ressentir, c'est notre vie professionnelle qui en souffre

principalement. Mais d'autres dimensions de notre vie vont

également être atteintes éventuellement : santé physique,

relations avec les proches, plaisir de vivre, etc.

Ce que je propose ici, c'est de mettre nos émotions à la tâche :

de leur faire jouer leur rôle pour contribuer à notre bien-être, à

notre satisfaction et à notre adaptation aux situations de vie

que nous rencontrons. En conséquence, notre satisfaction et

notre efficacité au travail seront maximisées. Il s'agit donc de

faire travailler nos émotions pour nous en leur donnant une

place et un rôle adéquats dans les situations quotidiennes de

notre vie professionnelle.

Leur place en milieu de travail

Lorsqu'il est question de faire une place aux émotions dans

notre milieu de travail, nous imaginons immédiatement des

éclats de colère ou des crises de larmes. Nous pensons à des

situations où les émotions prennent le dessus et débordent

Page 114: Résoudre son transfert

alors que la personne qui les éprouve ne veut pas qu'elles

paraissent.

Il faut comprendre que ces "crises émotives" sont le résultat du

refus des émotions et non leur manifestation normale. Si je

repousse toutes mes réactions émotives, j'en viendrai

inévitablement à une telle crise, car elle deviendra nécessaire

pour me "défouler" et rétablir un certain équilibre.

C'est le but des émotions d'attirer notre attention sur des

déséquilibres ; si nous les ignorons systématiquement, elles

trouvent un autre moyen pour signaler qu'un problème existe.

Comme je l'ai souligné dans "À quoi servent nos émotions ?", le

débordement émotif est un des premiers moyens que notre

organisme utilise. Si nous persistons à ignorer le déséquilibre,

nous en viendrons éventuellement à être affligés d'angoisse, de

dépression et de problèmes physiques.

Si au contraire je tiens compte de mes émotions dès qu'elles

apparaissent, elles garderont une intensité raisonnable et

demeureront contrôlables. Mais pour que cette option soit

acceptable, il me faudra trouver des façons "adaptées au milieu

de travail" de faire une place à mes émotions.

On peut diviser en deux groupes les utilisations de nos

émotions en milieu de travail. Le premier groupe s'appuie sur

l'ouverture aux réactions émotives. Cette ouverture sert d'outil

pour nous informer sur nous-mêmes et sur notre

Page 115: Résoudre son transfert

environnement. C'est le thème du présent texte. Le deuxième

groupe s'appuie sur l'expression émotive. Cette dernière est un

moyen d'agir sur les situations pour qu'elles deviennent plus

satisfaisantes. Un autre texte sur cette question est parue en

avril 1998 sous le titre "Travailler avec mes émotions".

Les pièges de l'évitement

"Je n'ai plus l'énergie que j'avais pour aller travailler ; je me

traîne au travail comme à l'échafaud."

"Je n'arrive pas à me concentrer sur ce projet qui me tient à

coeur ; on dirait que je suis devenu indifférent."

"Je deviens anxieux dès que je pense à cette réunion ; j'ai le

goût de me déclarer malade."

"Dès que je pense à mon patron, je deviens confus ; je n'ai plus

d'idée et je me trouve débile."

Ces exemples semblent relativement anodins : ce sont des

réactions qu'on observe fréquemment et auxquelles on

n'accorde pas tellement d'attention. Pourtant, chacun peut

cacher un problème majeur qui, si on n'y trouve pas de

Page 116: Résoudre son transfert

solution, engendrera une situation de crise. Vous croyez que

j'exagère ? Examinons-les ensemble pour voir...

Manque d'énergie ou d'enthousiasme

"Je n'ai plus l'énergie que j'avais pour aller travailler ; je me

traîne au travail comme à l'échafaud." C'est ce que disent

souvent les personnes qui sont au seuil du burnout. C'est un

indice de la révolte de notre organisme contre la façon dont

nous le traitons dans le travail.

Si je suis généralement attentif à mes réactions émotives, je

saurai bien plus tôt que j'abuse de moi, de ma résistance, de

ma santé. Je sentirai en moi un conflit fréquent entre mes

besoins personnels et ce que je considère comme mon devoir. Il

me sera plus facile de trouver un moment opportun pour tenir

compte de ma fatigue croissante et y trouver des solutions non

seulement dans l'immédiat, mais également à plus long terme.

Je trouverai une nouvelle façon d'organiser mon travail et de

définir sa place dans ma vie. J'éviterai le burnout éventuel et

tous les inconvénients qui l'accompagnent.

Si je suis moins attentif mais que j'accepte de prendre mon

manque d'énergie au sérieux, je pourrai encore éviter le

burnout. Pour cela, il faudra que je prenne immédiatement des

mesures vigoureuses pour corriger la situation. Si j'accepte

vraiment de tenir compte de mes indices, si je prends le temps

d'y être attentif à partir de ce signal d'alarme, je pourrai assez

rapidement découvrir le problème et sa gravité actuelle. Mais

Page 117: Résoudre son transfert

serai-je assez courageux pour apporter à ma situation de travail

les changements qui s'imposent ?

Manque de concentration ou de motivation

"Je n'arrive pas à me concentrer sur ce projet qui me tient à

coeur ; on dirait que je suis devenu indifférent." C'est souvent

ce que constatent les personnes qui n'osent s'avouer

l'importance de leur déception devant les résultats de leurs

efforts. Cette difficulté est la première étape vers un

désinvestissement plus général qui atteindra l'ensemble de la

personne. Le résultat pourra ressembler à une dépression

aiguë.

Si je suis habituellement attentif à ce que je ressens, il est

probable que je ne me rendrai jamais à cette réaction

dépressive, ni même à ces difficultés de concentration ou de

motivation. Bien avant, j'aurai constaté que mes efforts ne

m'apportent pas ce que j'en attends. J'aurai bien plus tôt

l'occasion de rechercher une façon plus efficace d'obtenir les

satisfactions auxquelles j'aspire. Je pourrai, si mon insatisfaction

est inévitable, choisir de désinvestir de ce projet pour consacrer

mes énergies à un domaine plus rentable.

Même si je n'ai pas l'habitude d'accorder de l'importance à mes

réactions émotives, je peux choisir de considérer mon manque

de concentration ou de motivation comme un signal d'alarme. Il

n'est pas trop tard pour examiner sérieusement ma situation et

tirer les conclusions qui s'imposent.

Page 118: Résoudre son transfert

Par exemple, je peux constater que la qualité de mon travail ne

semble pas appréciée, que les commentaires de mon patron

sont trop souvent négatifs, que l'obstruction d'un collègue

m'enrage, etc. Il est encore temps de choisir comment je veux

tenir compte de ces frustrations qui s'accumulent : demander

une évaluation formelle de mon travail, vérifier si mon patron

est réellement insatisfait de ma performance, interroger mon

collègue sur la nature de ses objections fondamentales, ou

encore désinvestir, confronter, refuser de continuer sans un

meilleur appui, etc.

Anxiété ou tentation d'éviter

"Je deviens anxieux dès que je pense à cette réunion ; j'ai le

goût de me déclarer malade." Nous avons tous vécu des

situations de ce genre : celles dont la pensée suffit à nous

rendre anxieux. Mais il est plus rare que cet inconfort aille

jusqu'à faire apparaître la maladie comme une solution

attrayante. C'est le signe que nous ne croyons plus être

capables de faire face aux réactions que provoque en nous

cette situation. L'évitement nous apparaît alors comme la seule

solution viable. Pourtant, nous savons bien qu'une absence ne

résoudra rien et que le problème demeurera entier pour la fois

suivante.

Si j'ai l'habitude d'être attentif à ce que je ressens, je sais déjà

quelles sont les émotions que cette situation m'amène à vivre.

Même si elles sont désagréables ou inconfortables, elles ne me

Page 119: Résoudre son transfert

rendront pas anxieux (mal sans savoir pourquoi). Je serai plutôt

habité par mon expérience véritable : inquiétude, tristesse,

colère, excitation, joie, désir, amour, envie, etc. En y consacrant

un peu de temps et d'attention, avec une attitude réceptive, je

saurai rapidement en quoi ce qui se passe dans cette situation

est important du point de vue de la satisfaction de mes besoins

importants. Il deviendra vite possible de choisir comment en

tenir compte dans ma façon d'agir et de m'exprimer avec mes

collègues et partenaires.

Par contre, si je suis peu porté à accorder de l'attention à mes

émotions, je peux être habité par l'anxiété. C'est le signe que

j'adopte régulièrement l'évitement comme solution : je refuse

les émotions qui se présentent et je tente de les repousser.

(Voir à ce sujet le texte de Michelle Larivey intitulé "L'anxiété et

l'angoisse : les Vigiles de l'équilibre mental" dans le premier

numéro de "La lettre du psy".)

Il est encore temps, lorsque l'anxiété et la tentation de fuir la

situation nous habitent, de retrouver nos indices intérieurs en

accueillant ce que nous ressentons. Il faut y consacrer une

attention suffisante et le temps nécessaire. On peut retrouver

assez facilement les émotions et les préoccupations qui se

cachent derrière l'anxiété pourvu qu'on le veuille vraiment et

qu'on accepte les réponses qui surgiront, quelles qu'elles

soient. C'est le refus des réponses spontanées qui maintient

l'évitement et l'anxiété. Une attitude accueillante nous fera

rapidement découvrir les émotions qui sont en cause. En

Page 120: Résoudre son transfert

prenant ces émotions au sérieux, nous découvrirons bientôt les

enjeux importants qui se dissimulaient à nous et nous pourrons

choisir comment en tenir compte.

Confusion et vide

"Dès que je pense à mon patron, je deviens confus ; je n'ai plus

d'idées et je me trouve débile." Voilà une réaction fréquente

devant les personnes à qui nous accordons une grande

importance. Elle peut se manifester autant devant la collègue

particulièrement attirante que devant l'expert que nous

admirons ou le patron que nous voudrions impressionner. Dans

tous les cas, c'est le fait de vouloir dissimuler nos réactions qui

est responsable du vide et de la confusion. Nos efforts pour

repousser les manifestations de ce qui est intensément présent

sont tellement forts et efficaces, qu'ils font disparaître tout ce

qui nous habite.

Si j'accorde beaucoup d'importance à mes sentiments et mes

émotions, il est improbable que je me retrouve dans une telle

situation. Je ne repousserai pas assez mes réactions pour

qu'elles deviennent aussi invisibles et confuses. Je serai peut-

être embarrassé d'accorder autant d'importance à cette

personne, mais je ne serai pas tenté de me le cacher à moi-

même. Si je choisis de le cacher à cette personne, je serai gêné,

retenu, intimidé ou porté à rougir, mais je n'éprouverai pas

cette sensation de vide et je ne serai pas confus.

Page 121: Résoudre son transfert

Quel est l'avantage de remplacer la confusion par la gêne ?

Apparemment, il n'y a pas tellement de différence de qualité

entre ces deux expériences inconfortables. Pourtant, il existe

une différence fondamentale entre les deux : dans la confusion

ou le vide, je ne suis pas en possession de moi. Mon expérience

personnelle est absente de ma conscience et elle m'échappe.

Une dimension importante de ce que je vis m'est étrangère. Au

contraire, dans le cas de la gêne ou de l'inhibition, je sais ce qui

m'habite et j'en connais l'importance ; mon problème en est un

d'expression. Je ne veux pas exprimer ni laisser voir ce que je

sais être réel et important. Dans ce cas, je suis encore en

possession de moi. Je peux, à tout moment, changer ma façon

d'agir pour retrouver l'harmonie entre ma vie intérieure et mon

expression.

Ressentir pour s'informer

Tous ces exemples ont un point en commun. Chacun souligne la

première façon d'utiliser nos émotions : les ressentir. En effet, il

suffit de prendre soin de les ressentir pour obtenir une

information importante et précieuse sur notre situation du

moment. Plus nous demeurons attentifs à ce que nous

ressentons, plus nous sommes en mesure de tenir compte de

ce qui nous importe le plus et moins nous risquons les

Page 122: Résoudre son transfert

conséquences souvent graves qui surviennent si on n'en tient

pas compte.

L'avantage de cette façon de tenir compte de nos émotions,

c'est qu'il peut demeurer complètement confidentiel aussi

longtemps que nous le voulons. Si nous prenons soin de

demeurer attentifs à nos émotions, elles nous apparaissent

clairement dès qu'elles prennent un peu d'importance ou

d'intensité, alors qu'elles sont encore faciles à contrôler. Nous

pouvons donc en faire ce que nous voulons : en prendre note

pour nous en occuper au moment qui nous conviendra, en tenir

compte pour voir plus clair dans la situation, les exprimer

immédiatement, prévoir un moment pour les communiquer à

l'autre, etc.

C'est nous qui décidons ce que nous voulons en faire et quand

nous voulons le faire. C'est le bénéfice direct que nous

obtenons si nous restons régulièrement attentifs à nos

émotions. Elles deviennent claires assez tôt pour que nous

puissions choisir la façon de leur faire de la place.

Accueillir pour comprendre

Page 123: Résoudre son transfert

Plus nous sommes dans des situations complexes ou dans des

relations où nos interlocuteurs dissimulent une partie

importante de leur point de vue ou de leurs motifs, plus nos

émotions deviennent utiles pour nous aider à comprendre ce

qui se passe. Bien des gens croient que nos émotions nous

aveuglent et nous empêchent de bien nous adapter aux

situations. Mais en réalité c'est le contraire qui est vrai : c'est le

fait de repousser sans cesse les émotions qui rend aveugle et

inadapté.

Mais pour que nos sentiments et nos émotions nous aident à

comprendre les situations complexes, il est nécessaire d'y être

attentifs d'une façon particulière. Il ne suffit pas, dans ces

conditions, d'attendre qu'elles apparaissent d'elles-mêmes ; il

faut être plus accueillant afin qu'elles livrent toute la richesse

de leur message.

"J'ignore pourquoi, mais je ne me sens pas à l'aise avec cette

personne."

"Il a beau dire qu'il apprécie ma contribution, je n'arrive pas à

me sentir apprécié."

"Il dit qu'il m'appuie, mais je me sens méfiant."

"Je ne comprends pas pourquoi je me sens attiré par elle ; nous

ne parlons que de cette tâche."

Voici une série d'exemples où mes réactions émotives

m'indiquent qu'il y a des dimensions de la situation que je

décèle sans les percevoir clairement. On pourrait parler

Page 124: Résoudre son transfert

d'intuition, mais en réalité il s'agit de sentiments subtils que

j'éprouve en réaction à ce que je sais sans en être vraiment

conscient. Ces expériences sont plus fréquentes qu'on veut bien

le croire et il suffit de s'y arrêter pour en bénéficier.

Souvent, en effet, nous pouvons comprendre ce qui se passe

entre nous et un collègue bien avant d'avoir tous les éléments

pour y parvenir. Il suffit d'être vraiment attentif aux subtilités

de nos réactions émotives face à cette personne ou dans les

situations où nous la côtoyons. Nous pourrons, à travers nos

sentiments et nos réactions émotives subtiles, avoir des indices

pour découvrir que les sourires ne sont pas sincères, que les

encouragements ont des objectifs cachés, que les consensus

sont faux ou fragiles, etc. Nous saurons également, de façon

intuitive, que nous avons la confiance, l'affection ou l'estime

d'un collègue.

C'est donc en étant volontairement attentif et réceptif aux

subtilités de mes réactions émotives que j'obtiens des indices

qui viennent enrichir et éclairer ma compréhension de la

situation, surtout dans ses dimensions interpersonnelles.

Certaines personnes sont plus habiles à ressentir ainsi les

subtilités de leur vie émotive et elles peuvent s'en servir

facilement. D'autres ont peu développé cette habileté, mais

elles peuvent apprendre si elles choisissent des moyens

adéquats. (Voir le programme Savoir Ressentir pour un moyen

qui a fait ses preuves.)

Page 125: Résoudre son transfert

Comment être ainsi réceptif ? C'est relativement simple : il faut

être attentif à ce que je ressens,

être prêt à accueillir ce que je découvre ainsi et

laisser à ces impressions subtiles le temps nécessaire pour

qu'elles deviennent claires.

Par cette attitude accueillante, je fournis à mes sentiments les

conditions nécessaires pour qu'ils m'informent des aspects que

je ne voyais pas encore clairement. Les mêmes situations

m'amèneront alors à me dire :

"Je sais que quelque chose n'est pas clair entre nous, même si

j'ignore quoi."

"Je suis sûr qu'il s'objecte à ce que je fais, même s'il prétend le

contraire."

"Je sais que je ne peux compter sur son appui."

"Nous avons beau nous cacher derrière le travail, je la désire et

je sais qu'elle y réagit."

Conclusion temporaire

Nous avons vu ici comment nos émotions peuvent nous servir à

nous informer sur notre situation et à nous y adapter. Nous

avons vu aussi comment nos réactions plus subtiles peuvent

nous aider à mieux percevoir la situation en y décelant des

dimensions qui ne sont pas encore explicites. Mais le plus

Page 126: Résoudre son transfert

important, c'est que l'attention à nos réactions émotives

permet de prévenir un grand nombre de problèmes. Nous

faisons place à nos besoins plutôt que de nous épuiser, nous

adaptons notre comportement plutôt que de perdre notre

motivation. Cette attention nous permet également de savoir ce

qui nous affecte plutôt que d'être envahis par l'angoisse ou la

confusion. En somme, nous récupérons des outils essentiels à

notre adaptation en remplacement d'expériences de

détérioration.

Ces utilisations de notre vie émotive dans les situations de

travail ne changent rien à nos façons habituelles d'agir, du

moins aux yeux des autres. Tout cela se passe intérieurement,

dans notre conscience de ce qui nous habite. C'est la première

façon de mettre nos émotions au travail.

Dans un deuxième texte de cette série traitant des émotions au

travail "Travailler avec mes émotions"), nous examinerons un

autre volet de la même question : la place que nous pouvons

faire à l'expression de nos émotions dans notre milieu de

travail. Nous verrons dans quelles situations nous avons

avantage à faire connaître ou à faire voir nos émotions, et quels

résultats nous pouvons attendre à la suite d'une telle

expression.

Avant de lire cet article, je vous suggère de mettre ce texte en

pratique: être plus attentif à ce que vous ressentez dans les

situations de travail et être plus accueillant face à ce que vous

Page 127: Résoudre son transfert

y découvrez. Ceci vous permettra de vérifier dans quelle

mesure ces moyens sont applicables dans votre vie. En plus,

vous y trouverez des exemples concrets de votre vie qui seront

utiles pour la lecture de " Travailler avec mes émotions ".

N'hésitez pas à nous envoyer vos commentaires.

Page 128: Résoudre son transfert

Mettre mes émotions au travail

Par Jean Garneau , psychologue

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Vos questions et nos réponses

Les hommes et les émotions

Comment éviter de rougir ?

L'expression mal reçue

Le "placotage"

Micro-traumatismes

Vous avez une question qui demeure sans réponse ?

Question: Les hommes et les émotions.

Pourquoi les hommes refoulent-ils leurs émotions davantage

que les femmes?

Page 129: Résoudre son transfert

Réponse

De plus en plus il est imprudent de généraliser ainsi en

attribuant une caractéristique psychologique à l'ensemble des

hommes ou des femmes. Il est facile de trouver de nombreuses

exceptions à chaque affirmation qu'on pourrait faire. Alors, les

explications qui suivent ne s'appliqueront certainement pas à

tous les hommes ou toutes les femmes. C'est peut-être même

en examinant les exceptions que nous comprendrons les

éléments les plus importants de la vraie réponse à cette

question.

Certaines explications sont classiques. On dit souvent que

l'éducation des garçons et des filles est responsable des

différences. On enseigne aux garçons à être forts, solides,

fiables, durs, afin qu'ils deviennent des hommes "virils". À la

limite, la colère et le désir sexuel sont acceptables, mais le

répertoire d'émotions s'arrête là.

Par contre, on enseigne aux filles qu'elles doivent être

"féminines". L'expression libre des émotions, surtout les

émotions tendres, fait partie de ces exigences de base qui sont

inculquées à la majorité des filles dès la tendre enfance. Les

émotions de vulnérabilité sont également inclues dans le

répertoire normal, mais pas l'expression du désir ou

l'agressivité.

Page 130: Résoudre son transfert

Ces exigences sont liées aux rôles sexuels. À l'époque où

presque tous les hommes devaient assurer seuls la subsistance

de leur famille en travaillant "à l'extérieur" alors que la majorité

des femmes étaient chargées de la vie familiale et de

l'éducation des enfants, ces normes correspondaient à des

qualités nécessaires à chacun. Les hommes devaient survivre

et vaincre dans un univers hostile alors que les femmes

devaient créer un environnement aimant et rassurant qui soit

favorable à l'épanouissement des enfants.

Mais maintenant, cette vision est désuète pour la majorité des

gens. Les femmes se sentent aussi responsables d'assurer la

subsistance de leur famille que les hommes. Elles sont d'ailleurs

souvent seules pour le faire. Les hommes s'impliquent plus que

jamais dans la vie familiale et l'éducation des enfants, et ils

sont très nombreux à y tenir!

Cette explication par les rôles sexuels et l'éducation n'est

sûrement plus suffisante. Mais il en reste sans doute quelque

chose: plusieurs hommes continuent de croire qu'il n'est pas

"viril" de laisser voir leurs émotions, surtout la tendresse, la

tristesse, l'insécurité, l'inquiétude... Mais maintenant, ce n'est

plus la seule façon d'être un homme qu'on connaisse. C'est

donc davantage à partir d'un choix personnel que certains

hommes continuent de croire qu'il leur faut éviter de se montrer

émotifs. C'est une forme d'image de soi qui est au coeur de ce

choix. L'un dira: "moi, je suis un homme fort et dur, pas un

Page 131: Résoudre son transfert

mou". Un autre se vantera: "moi, je suis sensible et tendre,

c'est ainsi que les gens me connaissent et m'aiment".

Mais qu'est-ce qui explique ce choix? Est-ce que ça ne revient

pas aussi à l'éducation?

Bien sûr, il y a les bases d'éducation et les rôles sexuels qui

jouent un rôle. Mais il y a aussi les résultats du cheminement

personnel. Les hommes qui ont appris à connaître et respecter

leurs émotions ont plus tendance à estimer que l'expression de

leurs sentiments est un atout et une force. Ceux-là auront plus

de facilité à exprimer leur tendresse. Ils seront plus proches de

leurs enfants et de leur conjoint, plus proches de leurs besoins

et de leur vie intérieure.

C'est la même chose pour les femmes: plusieurs sont

incapables d'exprimer la moindre agressivité et sont limitées à

des manifestations indirectes comme l'hostilité passive, la

bouderie, la position de victime ou le sabotage. Il faut un

cheminement personnel important à plusieurs femmes pour

qu'elles deviennent à l'aise dans la compétition et la

confrontation. Mais de plus en plus de femmes font cette

démarche, par nécessité. Quand on doit gagner sa vie et faire

carrière dans un univers qui ne nous fait pas de cadeau, la

compétition efficace n'est pas un luxe!

Au bout du compte, je crois qu'il s'agit de plus en plus d'un

choix personnel et de moins en moins d'une caractéristique

Page 132: Résoudre son transfert

commune à un groupe. C'est chaque personne qui décide, pour

des raisons qui lui sont propres et qui incluent son éducation,

ses connaissances et ses expériences de vie. Certaines

personnes choisissent de vivre avec leurs émotions, partout,

alors que d'autres choisissent de neutraliser leurs émotions,

partout! Le texte "À quoi servent les émotions" explique

clairement combien il est coûteux de choisir la neutralisation

des émotions.

Voici un exemple particulièrement éloquent. Récemment, dans

le même contexte de travail, deux de mes amis se sont fait dire

qu'ils étaient émotifs. Ce qui est intéressant, c'est leurs

réactions respectives. Une des deux personnes a

immédiatement reconnu qu'elle était émotive, même s'il

s'agissait d'un reproche. Encore plus, cette personne s'est mise

à s'en vanter, à taquiner les autres à ce sujet et à proposer, en

blague, la création du groupe "les émotifs anonymes". L'autre,

objet de la même attaque a été blessé par ce reproche et s'est

efforcé, sans succès évidemment, de ne plus laisser voir

d'émotion. Le même reproche, dans le même milieu de travail,

donne des résultats complètement différents sur les deux

personnes impliquées. Pourquoi?

Simplement parce qu'une des deux personnes considère ses

émotions comme une ressource et estime que leur expression

est utile et avantageuse. Cette personne est fière d'être

émotive et s'exprime régulièrement comme un être émotif.

Lorsque quelqu'un lui reproche cette dimension de son être,

Page 133: Résoudre son transfert

c'est comme si on lui reprochait sa beauté! Il n'y a rien là pour

la faire reculer, l'inhiber ou l'humilier.

Pourtant, cette personne est un homme, alors que l'autre est

une femme! Étonnant? Pas vraiment! De plus en plus on voit ce

phénomène: des femmes qui croient que leur sensibilité est une

faiblesse indésirable et des hommes qui cultivent leur

sensibilité et en font une dimension essentielle de leur identité.

Ces femmes invoquent souvent les exigences du milieu de

travail pour justifier leur choix, mais il faut les voir dans les

autres zones de leur vie pour comprendre que cette explication

ne correspond pas à toute la réalité. C'est vraiment un choix

personnel, le choix d'accorder de la valeur à cette dimension de

nous.

Le guide des émotions

Voyez les fiches explicatives de:

la gêne

les tics

le tremblement

la tension

le malaise

Question: Comment éviter de rougir?

Page 134: Résoudre son transfert

Existe-t-il une ou plusieurs techniques (ou même un

apprentissage) qui permettent d'éviter de rougir dans certaines

situations "troublantes"? Je rougis intensément lorsque je dois

prendre la parole en public et ça me gêne énormément.

J'aimerais aussi que les autres signes de ma tension

(tremblements et sourires crispés) soient moins apparents.

Réponse

Pour bien répondre à cette question, il faut d'abord comprendre

ce qui nous fait rougir (ou trembler) dans certaines situations.

Ensuite, à partir de cette compréhension, il sera possible

d'envisager des solutions.

Le fait de trembler ou de rougir est le signe extérieur d'une

lutte intérieure intense. Deux tendances s'opposent avec force.

L'une des deux est une force d'action ou d'expression: nous

éprouvons une émotion intense qui cherche à se manifester.

Une autre force s'oppose à la première: une force d'inhibition.

Celle-ci cherche à empêcher l'expression, à arrêter l'action.

Souvent, nous sommes plus en accord avec cette deuxième

tendance: nous voulons vraiment, de toutes nos forces,

dissimuler notre émotion, contrôler notre intensité. C'est cet

effort qui nous fait trembler ou rougir. L'expression directe de

notre émotion intense n'aurait pas cet effet.

Page 135: Résoudre son transfert

Bien sûr, il y a des personnes qui sont plus portées à rougir que

d'autres. Ça dépend du teint et de la circulation sanguine de

chacun. Mais si je ne suis pas porté à rougir, les mêmes

situations auront d'autres effets équivalents. Les tremblements

font partie de ces autres effets, mais on peut en identifier une

grande variété. Certains vont bégayer, d'autres vont perdre

leurs idées ou leur concentration, d'autres vont aller jusqu'à

s'évanouir.

Ce qui est frappant, c'est que nous avons tous tendance à

trouver que notre symptôme (rougir, trembler, etc) est le pire!

Si je suis quelqu'un qui rougit, je veux surtout éviter qu'on me

voit rougir et je serait particulièrement attentif à toute

sensation de chaleur dans mes joues. Le moindre début de

rougissement devient alors un problème grave à mes yeux et je

m'efforce d'autant plus de me contrôler. Comme on peut

facilement le deviner, il n'y a pas de pire solution que de vouloir

contrôler son rougissement: ça l'accentue! Et en plus on devient

entièrement centré sur le symptôme et on en oublie la vraie

question: nous sommes dans une situation émotivement

intense et il faut l'assumer.

Plus précisément, il faut assumer trois choses:

Je suis une personne qui réagit intensément à cette situation.

Il faut que mes réactions se manifestent extérieurement pour

maintenir mon équilibre.

J'ai un teint pâle (dans le cas du rougissement).

Page 136: Résoudre son transfert

Si j'accepte ces trois aspects de moi, je ne suis plus occupé à

dissimuler mes réactions et leur intensité, mais je cherche au

contraire à exprimer ou manifester mon état intérieur. Je choisis

les manifestations que je préfère plutôt que de chercher en vain

à les éliminer. Ceci élimine la bataille entre mon émotion et

mon désir de contrôle. Je ne suis plus en conflit et le problème

s'atténue automatiquement.

Bien sûr, avec l'habitude et la familiarité, mes réactions à cette

situation deviendront moins intenses. Et alors, c'est presque

accidentellement que je cesserai de rougir ou de trembler. La

question ne sera plus là!

Infopsy

Voyez aussi:

- Quand l'autre réagit mal

- L'expression qui épanouit

Question: L'expression mal reçue

Je suis frustré et j'exprime mes sentiments, mais les autres ne

sont pas réceptifs. Ils ne répondent pas à mon appel et je

deviens encore plus frustré. Que faire?

Réponse

Page 137: Résoudre son transfert

L'article suivant de cette série sur les émotions au travail

("Travailler avec mes émotions") traite longuement des

difficultés de l'expression, notamment lorsque la réponse qu'on

obtient n'est pas satisfaisante. C'est un problème fréquent en

milieu de travail. En attendant, voici quelques pistes de

réflexion.

Il est important de nous souvenir que l'expression réelle n'est

pas une obligation automatique pour les autres. Chaque

personne est occupée à la recherche de sa propre satisfaction

et de son épanouissement; nul n'est responsable de la

satisfaction et de l'épanouissement des autres. En considérant

notre expression comme une invitation plutôt qu'une obligation,

nous pouvons souvent mieux comprendre la situation.

Pourquoi mes collègues ne sont pas réceptifs à mon

expression? Pourquoi ils n'acceptent pas mon invitation à la

communication? Qu'est-ce qui les indispose ou les amène à se

fermer? Comment je les amène à refuser le dialogue?

Si je considère mon expression comme une invitation et non un

ordre, ces questions deviennent possibles et leurs réponses

pourront m'éclairer sur ce qui se passe vraiment. Ce n'est pas

entièrement par hasard que je n'obtiens pas la réponse que je

souhaite! J'y contribue au moins en partie.

Page 138: Résoudre son transfert

Question: Le "placotage"

Je suis souvent portée à parler de mes collègues et de mes

connaissances dans leur dos. Je me sens ainsi une forte

"connivence" avec les personnes avec qui j'ai ces échanges,

mais je me sens ensuite très inconfortable et même coupable

envers ceux dont nous avons ainsi parlé. J'aimerais trouver un

truc pour me faire taire ou une autre façon d'établir le contact

avec mes collègues.

Réponse

Quand deux personnes ou un groupe ont de la difficulté à

s'entendre, rien de tel qu'un ennemi commun pour les mettre

d'accord! L'harmonie artificielle ainsi obtenue permet de

dissimuler et même d'oublier les conflits et les malaises qui

étaient auparavant des obstacles entre eux.

Parler d'une tierce personne, même en bien, peut souvent jouer

le même rôle: ça m'évite de faire face à toutes les personnes

concernées.

J'évite évidemment la personne dont je parle. Au lieu de lui dire

ce que je lui reproche ou ce que j'apprécie, j'en parle à

quelqu'un d'autre. Ceci m'évite d'assumer ce que je ressens et

de découvrir ce qu'une véritable expression m'amènerait à

vivre. Rien de tel pour empêcher la situation d'évoluer!

Page 139: Résoudre son transfert

Mais j'évite aussi la personne à qui j'en parle. En me mettant

artificiellement d'accord avec cette personne pour critiquer

l'autre, j'évite de vivre les sentiments qui pourraient survenir

entre nous. Je saute l'étape du contact où nous serions plus ou

moins indécis ou inconfortables. Mais en même temps,

j'empêche toute réaction spontanée et réelle de voir le jour.

Il n'est donc pas étonnant que je me retrouve, au bout du

compte, à me sentir coupable et faux. Je me crée une fausse

solidarité aux dépens d'une autre personne qui n'est pas là pour

s'expliquer. Cette connivence artificielle ne pourra jamais

devenir vraiment rassurante car je sais, intérieurement, qu'elle

est superficielle et sans fondement véritable.

Que faire? Il me semble plus facile de résister à la tentation du

"placotage" quand je suis conscient du caractère artificiel et

irréel de la relation qu'il crée avec les autres. Ceci ne règle pas

entièrement le problème, car je me retrouve avec "rien à dire"

et un inconfort désagréable. Mais si je le veux, je peux alors

choisir de m'impliquer dans une relation réelle où je serai en

contact avec la personne à qui je m'adresse.

Un truc qui peut être utile lorsque je me surprends à "placoter"

contre quelqu'un, c'est la réappropriation. Il suffit de repasser

ce que je disais de l'autre en m'imaginant que c'est de moi-

même que je parlais et non de lui. Souvent, je trouve alors que

c'est effectivement de mes qualités, de mes défauts, de mes

Page 140: Résoudre son transfert

besoins ou de mes manques que je parlais surtout. Quand c'est

le cas, il devient plus facile de me demander comment je peux

m'occuper de ça dans la situation où je me trouve. La plupart

du temps, c'est très pertinent et utile pour mieux comprendre

comment je pourrais être plus satisfait. Si le truc précédent

semble trop difficile à appliquer, je peux en utiliser un autre. Il

suffit de me demander à quoi j'aurais à faire face actuellement

si je ne parlais pas de quelqu'un d'autre. En identifiant ainsi ce

que j'évite avec mon interlocuteur réel, je suis en mesure de

faire un choix différent. J'ai la possibilité de prendre le risque de

faire ce que j'évitais, mais aussi celle de trouver autre chose à

faire. Ainsi, je me donne l'occasion de faire plus de place à ce

qui créerait un contact réel au lieu de l'éviter.

Question: Micro-traumatismes

Ma patronne ne cesse de me blâmer pour des choses qui ne

dépendent pas de moi. J’ai tenté en vain de lui faire

comprendre. J’ai même entrepris des actions auprès de ses

supérieurs. Mais ça continue depuis près de deux ans: des

reproches à répétition sur des détails auxquels je ne peux rien.

J’ai lu quelque part que des micro-agressions répétées

pouvaient être aussi dommageables, mais de façon plus

pernicieuse, qu’un traumatisme important comme une

Page 141: Résoudre son transfert

catastrophe, un divorce ou un meurtre. J’aimerais savoir quel

pourrait être, selon vous, l'impact de tels micro-traumatismes.

Réponse

Effectivement, un sabotage systématique peut causer des

dommages psychologiques importants. Dans la mesure où les

interventions destructrices viennent d’une personne à laquelle

nous accordons de l’importance, elles peuvent agir sur notre

image de nous-même et sur notre identité.

C’est pour cela que ces attitudes hostiles ou critiques sont

surtout graves lorsqu’elles sont faites par les parents ou les

éducateurs d’un enfant. Parce qu’elles proviennent d’une

personne dont le pouvoir et l’influence sont considérables aux

yeux de l’enfant et parce qu’elles surviennent à une époque où

l’identité et l’image de soi sont encore en plein développement,

ces interventions négatives ont une influence importante qui

peut avoir des effets à long terme.

Lorsque les mêmes phénomènes ont lieu dans la vie d’une

personne adulte, leur impact peut être beaucoup moins

déterminant. Mais ce n’est pas nécessairement le cas: tout

dépend de la relation entre les deux personnes et plus

particulièrement de la relation de pouvoir qui les implique. Plus

nous accordons d’importance à la personne qui critique et à son

opinion, plus les effets peuvent être marqués. Évidemment,

l’impact des commentaires est particulièrement important

Page 142: Résoudre son transfert

lorsque nous sommes en transfert avec la personne (voir

notamment “Transfert et droit de vivre" ainsi que “La conquête

de l’autonomie”).

Dans ce cas, ils peuvent être particulièrement pernicieux si

nous ne sommes pas clairement conscients du pouvoir

psychologique et émotif que nous accordons à la personne qui

critique. Le fait qu’il n’y ait pas d’événement marquant

contribue à l’efficacité de cet effet presque invisible.

Chez les enfants la solution d’un tel problème suppose la

collaboration du parent ou de l’éducateur impliqué, car leur

pouvoir sur le développement de l’identité de l’enfant est réel

et déterminant. Mais chez les adultes, la voie de solution la plus

efficace s’appuie généralement sur la récupération de son

pouvoir personnel à travers la résolution du transfert sous-

jacent. C’est au moment où on cesse vraiment de donner à

l’autre le pouvoir de nous définir qu’on devient capable de

neutraliser l’impact d’un sabotage systématique.

Vous avez une question qui demeure sans réponse ?

Vous avez une question qui demeure sans réponse ?

Deux options vous sont offertes:

Page 143: Résoudre son transfert

Une question personnelle à laquelle vous voulez une réponse

individuelle.

Le psy virtuel est à votre disposition. Pour 50$ (canadiens) un

de nos psychologues consacrera 30 minutes à vous répondre

s'il estime pouvoir vous être vraiment utile. Il s'agit d'un genre

de consultation individuelle et vous aurez la réponse en 3 jours.

Voyez les détails ici: http://redpsy.com/virtuel/question.html

Une question de clarification ou d'approfondissement dont la

réponse est publiée sur le site.

Les auteurs des articles répondent gratuitement aux questions

d'intérêt général. Les réponses sont des principes généraux

dont chacun doit évaluer la pertinence pour sa propre situation.

Il s'agit d'une intervention éducative et non d'une consultation

personnelle. Les psychologues répondent à la fin du mois aux

questions qui concernent l'article du mois courant. Ils répondent

aux autres questions au moment qui leur convient.

Il vous suffit de nous faire parvenir votre question à

[email protected]

Page 144: Résoudre son transfert

Pour aller plus loin dans votre exploration !

Vous pouvez discuter de cet article avec les autres lecteurs...

La babillard électronique Infopsy

Vous pouvez lire...

La suite: Travailler avec mes émotions de Jean Garneau

Pour trouver autre chose sur notre site

Rechercher:

Vous n'avez pas encore trouvé ce que vous cherchiez ?

Pour en savoir davantage sur la question, ou sur un thème

particulier traité dans cet article, vous pouvez poursuivre votre

recherche avec nos outils préférés.

Page 145: Résoudre son transfert

Travailler avec mes émotions

Par Jean Garneau, psychologue

Cet article est tiré du magazine électronique

" La lettre du psy"

Volume 2, No 4: Avril 1998

Résumé de l'article

Quelle place pouvons-nous faire à l'expression de nos émotions

dans un contexte de travail ? Est-il possible de tout exprimer ?

Comment déterminer quand il est opportun de dire ou de ne

pas dire mon point de vue subjectif ? Que faire quand mon

expression est mal reçue ? Comment éviter de blesser

inutilement mes collègues ?

Cette article fait suite à Mettre mes émotions au travail

Table des matières

A. Introduction

B. Combien j'assume mon expression

C. Une expression dans un contexte

D. L'objectif de mon expression

E. Les buts fondamentaux de l'expression

F. Les objectifs de chaque expression

Page 146: Résoudre son transfert

Exprimer pour informer

Exprimer pour influencer

Exprimer pour me soulager

Exprimer pour m'assumer

Exprimer pour nourrir la relation

G. Conclusion

Vous pouvez aussi voir:

Vos questions liées à cet article et nos réponses !

A. Introduction

Dans "Mettre mes émotions au travail", nous avons vu

comment nos réactions émotives et même nos sensations

peuvent nous informer sur les situations dans lesquelles nous

sommes et nous guider dans les décisions que nous avons à

prendre. Cette façon d'utiliser nos émotions s'applique au

travail comme partout ailleurs.

Cette fois, nous allons examiner les possibilités et les limites de

l'expression émotive en milieu de travail. L'expression a des

effets équivalents qu'elle survienne au travail ou dans notre vie

Page 147: Résoudre son transfert

privée. Cependant, nos relations avec nos collègues étant

différentes de celles que nous avons avec des proches, le choix

du contenu, du moment et du moyen d'expression sera

différent. Ce sont essentiellement des mêmes dimensions que

nous tiendrons compte, mais avec des objectifs et des

contraintes différents.

...

Page 148: Résoudre son transfert

Travailler avec mes émotions

Par Jean Garneau , psychologue

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Vos questions et nos réponses

Travail vs intimité

Stress et expression

Trop d'expression

La place de la spontanéité

Vous avez une question qui demeure sans réponse ?

Question: Travail vs intimité

Qu'est-ce qui distingue les qualités de l'expression au travail de

celles de l'expression dans l'intimité, avec nos proches.

Comment faire la différence dans les situations de la vie de tous

les jours.

Page 149: Résoudre son transfert

Réponse

La réponse est disponible dans Les émotions source de vie

Pour en savoir plus sur le stress, voyez l'article:

Le stress: causes et solutions

par le psychologue

Jean Garneau

Question: Stress et expression

Dans des réunions importantes au travail, j'essaie de participer

autant que possible malgré ma timidité, mais ça me stresse

énormément. Résultat: je n'arrive pas à bien vendre mes idées

et j'ai l'impression d'un échec. Après la réunion, je m'inquiète

de ce que les autres vont penser de mon attitude. Comment

sortir de cet enfer?

Réponse

La réponse est disponible dans Les émotions source de vie

Page 150: Résoudre son transfert

Question: Trop d'expression

L'autre jour (j'avais un peu trop bu) j'ai dit à ma collègue des

choses qui dépassaient ma pensée. Emporté par la colère, je l'ai

insultée et j'ai exagéré mes reproches. Je crois qu'elle est

vraiment blessée et je ne sais plus comment réparer.

Réponse

La réponse est disponible dans Les émotions source de vie

Question: La place de la spontanéité

C'est bien beau toutes vos explications et toutes ces

distinctions que vous faites, mais je ne me promène pas partout

avec votre article pour me rappeler comment procéder dans

chaque situation. Les objectifs de mon expression ne sont pas

toujours bien clairs. Je ne veux pas appliquer bêtement une

méthode car ça me semble trop artificiel. Est-ce qu'il reste une

place pour la spontanéité dans votre affaire?

Réponse

La réponse est disponible dans Les émotions source de vie

Page 151: Résoudre son transfert

Vous avez une question qui demeure sans réponse ?

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Deux options vous sont offertes:

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Le psy virtuel est à votre disposition. Pour 50$ (canadiens) un

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Une question de clarification ou d'approfondissement dont la

réponse est publiée sur le site.

Les auteurs des articles répondent gratuitement aux questions

d'intérêt général. Les réponses sont des principes généraux

dont chacun doit évaluer la pertinence pour sa propre situation.

Il s'agit d'une intervention éducative et non d'une consultation

personnelle. Les psychologues répondent à la fin du mois aux

Page 152: Résoudre son transfert

questions qui concernent l'article du mois courant. Ils répondent

aux autres questions au moment qui leur convient.

Il vous suffit de nous faire parvenir votre question à

[email protected]

Page 153: Résoudre son transfert

Une théorie du vivant

Par Jean Garneau et Michelle Larivey , psychologues

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articles |

Résumé de l'article

En "Auto-développement", nous visons à favoriser et à

maximiser le caractère vivant des personnes; à augmenter leur

vitalité. Mais qu'est-ce que signifie ce concept ? Dans cet

article, les psychologues Michelle Larivey et Jean Garneau

tentent de cerner les caractéristiques du vivant en général et

celles de l'humain en particulier.

Table des matières

A- La vie comme valeur primordiale

B- La conception du vivant en Auto-développement

Les caractéristiques du vivant

a) La tendance actualisante

b) Le système d'auto-régulation

Page 154: Résoudre son transfert

c) Les échanges avec l'environnement

d) Le mouvement

e) L'unicité

f) Caractéristiques propres à l'humain

Implications des caractéristiques propres à l'humain

a) Au niveau de la tendance actualisante

b) Au niveau du processus d'auto-régulation

c) Au niveau des échanges

d) Au niveau du mouvement

e) Au niveau de l'unicité

A- La vie comme valeur primordiale

Depuis toujours, les approches du courant humaniste mettent la

personne au centre de leurs préoccupations. La personne

humaine est sa propre raison d'être et sa valeur la plus

importante, considérant que la vie, en elle-même, a déjà son

sens et sa valeur. Que ce courant se soit développé à partir

d'une perspective phénoménologique n'est pas un hasard, mais

pour nous, ce point de vue est devenu secondaire. Le respect

du vivant a supplanté la primauté de la subjectivité.

Page 155: Résoudre son transfert

Comme psychothérapeutes humanistes, nous optons pour le

respect de la personne humaine dans toute sa dignité et nous

privilégions la vie. Nous tentons de donner à nos clients

l'instrumentation nécessaire pour qu'ils puissent devenir

pleinement vivants, de la façon particulière qui en fait des

personnes aussi complètement humaines que possible. C'est

donc clairement dans ce qu'on intitulait le "mouvement du

potentiel humain" ou la "troisième force" que nous sommes

inscrits, mais d'une façon bien particulière qui vise à favoriser

et à maximiser le caractère vivant des personnes.

B- La conception du vivant en Auto-développement

Entre 1976 et 1984, nous avons contribué, comme consultants,

à l'élaboration de programmes visant le développement affectif

et social dans le cadre des activités scolaires. C'est durant ces

années que nous avons réfléchi en profondeur, avec nos

collaborateurs du Ministère de l'éducation du Québec, sur les

caractéristiques du vivant. Il s'agissait de créer un programme

couvrant les douze années de l'élémentaire et du secondaire et

dont le but principal était que l'élève "devienne capable de faire

des choix libres et responsables, éclairés par le respect de la

vie".

Les objectifs du programme ainsi que la démarche ou le

processus pour y parvenir ont été définis en détails. Une équipe

Page 156: Résoudre son transfert

d'éducateurs a développé le matériel pédagogique. Des

enseignants ont reçu la formation pour travailler dans cette

perspective. Bref, durant plusieurs années nous avons baigné

dans le sujet et l'avons exploré sous plusieurs angles. Ce fut

une expérience enrichissante qui a largement influencé notre

point de vue de psychothérapeutes et nous a permis d'articuler

notre conception du vivant.

On sait que plusieurs approches du courant humaniste visent à

augmenter la vitalité. Toutefois, ce concept demeure souvent

relativement flou. On y parle d'énergie, de ressenti,

d'expression. Nous avons voulu avoir une meilleure

compréhension de ce concept pour mieux l'intégrer à notre

approche thérapeutique. Pour cela, nous avons tenté de cerner

les caractéristiques du vivant en général et celles de l'humain

en particulier. Nous avons également tenté de préciser leur

articulation dans un système qui nous apparaît universel.

1- Les caractéristiques du vivant

a) La tendance actualisante

Un fait ressort clairement de l'étude de tout organisme vivant,

c'est sa tendance inhérente à maximiser sa propre vie. Lorsque

les circonstances sont favorables, l'organisme cherche à se

développer davantage, à atteindre un degré d'harmonie et

Page 157: Résoudre son transfert

d'intégration supérieur, quitte pour y arriver à ébranler

temporairement ses acquis antérieurs. Si les circonstances

(internes ou externes) sont défavorables, l'organisme tend

naturellement à protéger sa vie, à empêcher sa destruction.

Tout organisme qui n'est plus en croissance, d'un point de vue

ou d'un autre, est en processus de régression vers la mort. Il ne

peut être question, chez un organisme vivant, de

développement achevé et stable ; ce développement est en

mouvement en vertu d'un processus naturel et vital inhérent à

tout organisme.

Dès 1974 (Larivey et Garneau) nous étions activement engagés

dans une recherche clinique visant à identifier ce qui distinguait

de tous les autres, les clients dont la démarche débouchait sur

un changement durable. Grâce en particulier à notre

connaissance approfondie des travaux de Gendlin (1962, 1964)

et de Perls (1947, 1969) sur la question, nous avons pu

identifier des événements particuliers dans la démarche de

ceux qui obtenaient un changement durable. Nous avions là un

début d'explication au fait que d'autres personnes exposées à

la même situation (groupe de thérapie ou session intensive)

n'obtenaient pas de résultats comparables. C'est ce qui nous a

conduit à notre vision du "processus naturel de croissance" :

une conception qui permet non seulement de déceler les

mécanismes favorables au changement, mais également de

comprendre comment et pourquoi ils peuvent le rendre

possible.

Page 158: Résoudre son transfert

Nous croyons donc que les étapes que nous avons décrites

(Garneau et Larivey 1979) rejoignent un processus vital,

fondamental. Quoique décrivant l'expérience psychique, cette

formulation des étapes de l'évolution de l'expérience émotive

rejoint probablement aussi celle d'autres phénomènes

caractéristiques des êtres vivants. Nous savons, notamment,

qu'un certain processus d'apprentissage se rapproche de notre

formulation. (Allaire et Couillard, 1975 ). Mais l'étude d'un tel

processus est encore peu répandue.

Toutefois, le concept de tendance actualisante qui définit

l'orientation générale de ce processus naturel vital est bien

connu depuis qu'Abraham Maslow l'a popularisé. Ce concept

s'est retrouvé au coeur de l'articulation de notre conception du

développement humain.

b) Le système d'auto-régulation

La tendance actualisante est une caractéristique des êtres

vivants. Mais elle serait aveugle et vouée à l'inefficacité si elle

ne s'accompagnait pas d'une autre caractéristique de

l'organisme vivant : un système d'auto-régulation. Ce dernier

correspond à un autre aspect du processus vital auquel nous

faisions allusion ci-dessus. Il se manifeste par une évaluation

automatique de chaque événement du point de vue de

l'ensemble de l'organisme. S'appuyant sur l'ensemble des

informations accumulées par l'organisme dans son histoire et

sur l'ensemble de ce qui fait partie de son champ expérientiel

Page 159: Résoudre son transfert

du moment, ce processus central réalise une synthèse qui

permet de situer toute expérience du point de vue du bien de

l'organisme dans son ensemble. L'être vivant "sait" si

l'événement auquel il est confronté (de l'intérieur ou de

l'extérieur) est bon ou toxique pour sa vie. La forme de

connaissance et de conscience varie évidemment d'une espèce

à l'autre, mais la réaction organismique se retrouve partout.

c) Les échanges avec l'environnement

Un troisième aspect inhérent à toute vie, est le fait que chaque

organisme s'alimente à travers des échanges avec son

environnement. C'est cette forme de contact qui crée et

renouvelle constamment l'énergie nécessaire à la vie et à la

croissance. Ce contact est d'une nature bien particulière : il

suppose une sélection et un échange. La sélection est

nécessaire pour que les contacts recherchés nourrissent

l'organisme et lui permettent de créer des énergies vitales à

partir de cette nourriture, plutôt que de se détruire en

s'alimentant de contacts toxiques pour lui. C'est le processus

d'auto- régulation qui sert de fondement à la sagesse de cette

sélection. D'une espèce à l'autre et même d'un individu à

l'autre, la valeur nutritive d'un échange donné varie

grandement. C'est ce qui permet à un équilibre d'ensemble de

se développer, équilibre qui repose précisément sur les

différences entre organismes vivants. Pour illustrer cette forme

d'équilibre et de perpétuation de la vie grâce à des différences,

il suffit d'évoquer le fait que les plantes utilisent pour se nourrir

Page 160: Résoudre son transfert

les éléments de l'air avec lesquels hommes et animaux

s'empoisonneraient eux-mêmes tout en rendant dans le même

processus les composantes qui permettent à ces derniers de

respirer.

Dans l'exemple qui précède nous soulignons déjà la deuxième

caractéristique du contact nécessaire à la vie : l'échange. On

pourrait considérer cet aspect d'un point de vue éthique et en

faire, chez l'humain, une question de justice ou de bienveillance

normale. Cependant, si on l'examine au niveau des nécessités

de la vie, il devient vite évident que chaque contact qui

implique une absorption d'un élément extérieur engendre

nécessairement une restitution quelconque. Un "input"

continuel sans "output" serait destructeur de deux points de

vue : il appauvrirait progressivement l'environnement jusqu'à

l'élimination des éléments nutritifs et d'autre part il

engendrerait tôt ou tard un étranglement dans l'organisme par

surcharge ou par une sur-croissance effrénée analogue à la

multiplication des cellules cancéreuses. La réciprocité devient

donc, examinée sous cet angle, une nécessité vitale qui est

régie par le processus d'auto-régulation organismique et non

une valeur qu'on superposerait aux mécanismes vitaux.

Les trois caractéristiques mentionnées jusqu'à présent

pourraient être suffisantes pour comprendre l'essentiel de la

vie. Toutefois nous croyons opportun d'expliciter deux autres

qualités qui en découlent, à cause de leur importance dans les

manifestations concrètes de la vie. Il s'agit du mouvement et de

Page 161: Résoudre son transfert

l'unicité, deux caractéristiques dont la vie ne saurait s'éloigner

sans disparaître elle- même.

d) Le mouvement

La vie est mouvement continu. Ce mouvement se manifeste

superficiellement par des déplacements plus ou moins vastes

dans l'espace, mais son essence est bien plus subtile et

importante à la fois. Le mouvement auquel nous référons est

celui qui fait que chaque organisme vivant devient autre, tout

en demeurant le même, à chaque instant. Ceci implique à la

fois qu'il accumule les résultats de son histoire passée et qu'il

se transforme continuellement. Ce changement peut être plus

ou moins évident, mais il est aussi réel chez l'adulte "en pleine

possession de ses moyens" que chez le bébé dont la

transformation physique et l'évolution est facile à remarquer

même sur une courte période de temps. Ce mouvement ne

peut être arrêté que par la mort.

C'est-là un aspect lourd de conséquences, car il exclut du

domaine du vivant tout état d'équilibre terminal, toute forme de

maturité achevée ou statique. Seules la croissance ou la

détérioration sont possibles. Ceci s'applique non seulement à

chaque organisme pris isolément, mais à chaque contact d'un

être vivant avec son environnement. Une relation, quelle qu'elle

soit, ne peut demeurer nourrissante, génératrice d'énergie et

créatrice de vie si elle ne se renouvelle pas constamment. Il

Page 162: Résoudre son transfert

n'est pas nécessaire d'être spécialiste en consultation

conjugale, familiale ou organisationnelle pour le constater.

e) L'unicité

L'être vivant est unique. Grâce à tous les aspects mouvants qui

font partie de chacune des caractéristiques déjà mentionnées,

grâce à tous les choix entre des possibilités très diversifiées que

supposent les trois premières, un organisme vivant ne peut se

développer sans devenir de plus en plus unique, individuel et

irremplaçable. Ceci n'exclut pas les ressemblances énormes

qu'on constate à l'intérieur d'une collectivité, d'une race ou

même de l'ensemble des êtres vivants. Mais il n'en demeure

pas moins que chaque être vivant se crée une identité unique

dans la mesure où il se développe. Plus son développement

sera élaboré, plus ses caractéristiques individuelles tendront à

se dessiner. Dans cette perspective, tout individu est

irremplaçable et sa vie unique constitue une valeur suprême

qui ne saurait être sacrifiée à aucune autre. C'est par une sorte

de myopie intellectuelle et affective sur la nature de la vie elle-

même que les humains peuvent considérer les êtres d'autres

espèces comme interchangeables. Ce trouble de vision n'est

possible qu'à distance. Nous laissons au lecteur le soin

d'imaginer la nature des dysfonctions qui permettent de

considérer de la même façon les individus qui composent une

race ou une collectivité sociale. Ce n'est sûrement pas le fait

d'être sensible à la vie en soi et autour de soi...

Page 163: Résoudre son transfert

Les cinq caractéristiques définies ci-dessus correspondent, à

nos yeux, aux aspects essentiels de la vie en général. Elles

s'appliquent autant au végétal qu'à l'humain. Le degré de

complexité ou d'évolution d'une espèce ne change rien de

fondamental à ces caractéristiques. Toutefois, chaque espèce

détermine un éventail de possibilités et de contraintes qui

modifieront les manifestations concrètes de ces facteurs

généraux. Ainsi, les être unicellulaires permettent une

observation directe du processus d'auto- régulation à l'état

brut. Le même processus ne peut être décelé chez l'humain que

grâce à une analyse extrêmement complexe et subtile.

f) Caractéristiques propres à l'humain

Ces caractéristiques générales des êtres vivants prennent chez

l'humain des formes qui lui sont particulières. En les examinant,

il est possible d'ajouter des précisions qui sont d'une grande

importance pour comprendre le changement chez les humains

et pour orienter le travail thérapeutique.

(1) La capacité d'abstraction et de représentation

Ce qui distingue principalement l'humain de toute autre espèce,

c'est sa capacité d'abstraction et de représentation. Nous

entendons par là ses capacités intellectuelles ainsi que son

potentiel de développement à ce niveau. Cette capacité de

regroupement au-delà des différences secondaires (abstraction)

et d'évocation volontaire d'objets absents (représentation) a

des implications importantes sur les processus vitaux. Grâce

Page 164: Résoudre son transfert

aux possibilités de symbolisation quasi infinies que procurent

ces capacités supplémentaires, la personne humaine peut

atteindre un degré de raffinement expérientiel remarquable.

Comme l'a démontré Gendlin (1964) c'est précisément la

symbolisation qui permet de cerner et de faire progresser une

expérience. Il est évident que les mots et les concepts sont des

instruments de symbolisation plus puissants que des

grognements ou des mouvements d'orientation. Ils permettent

à la personne humaine de cerner son expérience de façon très

raffinée. Ils sont également les instruments qui lui rendent

possible une saisie précise et nuancée de son environnement,

et par là une maîtrise supérieure sur l'univers comme sur elle-

même.

(2) La liberté

On peut donc dire que l'expérience subjective de la personne

humaine est plus subtile et précise, que sa conscience d'elle-

même est plus raffinée, que sa vision de l'univers est plus

complexe, plus englobante et potentiellement plus objective,

grâce à sa capacité d'abstraction. C'est sur ces qualités, qu'on

pourrait qualifier de perceptuelles, que se fonde l'exercice

potentiel d'une liberté accruecomparativement à celle, fort

limitée par les automatismes, des autres espèces. Enfin, grâce

à sa capacité supérieure de représentation, la personne

humaine a la possibilité de prévoir dans une certaine mesure

les conséquences de ses actes ou de ceux d'autrui, et ce, bien

au-delà de l'immédiat. Sa liberté de choix a donc la possibilité

de s'exercer dans une perspective à moyen ou long terme en

Page 165: Résoudre son transfert

s'appuyant sur d'autres critères que le bien-être ou la

satisfaction immédiate.

2. Implications des caractéristiques propres à l'humain

Les caractéristiques spécifiquement humaines que nous avons

mentionnées ont un effet important sur les formes particulières

de sa vie. En général, on peut dire que tous les aspects de la

vie que nous avons identifiés prennent avec l'humain un

caractère plus souple, plus variable, moins déterminé. Une

grande part des automatismes inhérents aux processus vitaux

devient partiellement ou entièrement soumis à la volonté de la

personne elle-même. C'est la marge de liberté, la quantité et la

qualité des choix continuels de l'existence qui, à ce niveau,

constituent la différence essentielle. Voyons maintenant les

principales conséquences de cette différence.

a) Au niveau de la tendance actualisante

Au niveau de la tendance actualisante, les choix possibles vont

jusqu'à la destruction ou au sacrifice de sa propre vie.

Cependant, les différences les plus importantes entre les

humains et les autres espèces sont d'un autre ordre. La

première est de l'ordre de l'efficacité : la personne humaine

peut faire des choix d'une sagesse bien plus grande pour le

maintien et le développement de sa vie parce qu'elle est

Page 166: Résoudre son transfert

capable de s'en représenter les conséquences dans une

perspective temporelle très vaste qui, à la limite, peut englober

toute sa vie. La deuxième différence est de l'ordre de

l'orientation des choix: la personne humaine tend à exprimer sa

tendance actualisante en se créant des valeurs personnelles

dont elle se servira pour orienter ses choix particuliers. L'être

humain est le seul qui ait la capacité d'être éthique au sens

propre du terme et dont la liberté aille jusqu'au point de choisir

et créer lui-même ses valeurs (même concrètes ou opérantes).

b) Au niveau du processus d'auto-régulation

Au niveau du processus d'auto-régulation, ce qui distingue la

personne humaine c'est d'abord l'ampleur du contrôle

volontaire sur son fonctionnement. C'est également la quantité

et la qualité de l'information sur laquelle les sélections

organismiques peuvent s'appuyer. Enfin, et c'est là le plus

important, la responsabilité réelle de l'humain par rapport à son

propre destin et son auto-régulation est beaucoup plus

considérable, précisément à cause des deux différences

précédentes. La puissance de ses choix en fait en quelque sorte

son propre créateur comme son propre bourreau. Seule sa

capacité d'obtenir et de traiter de l'information peut lui servir

de garantie partielle contre ses propres interventions

intempestives sur son processus organismique d'auto-

régulation. Autant ce processus peut prendre dans d'autres

espèces un caractère déterminant en agissant de façon

Page 167: Résoudre son transfert

automatique, autant chez l'humain le même processus se limite

à suggérer des directions.

c) Au niveau des échanges

Pour ce qui est des échanges avec l'environnement, il est

évident qu'ils peuvent trouver chez l'humain une variété et une

subtilité incomparables, les genres de nourriture recherchés

étant de tous ordres et les instruments de contact étant

beaucoup plus subtils. Ceci représente un potentiel supérieur

mais aussi une vulnérabilité supplémentaire. En effet, à cause

de la variété des contacts possibles et des modes d'échange

utilisables, à cause également de la capacité d'abstraction et de

valorisation, le processus naturel d'échange peut facilement

être faussé. L'input et l'output pouvant être à la limite

purement symboliques, il est possible à l'humain d'avoir des

contacts qui ne respectent pas la réciprocité inhérente à la vie

en général et par le fait même ne peuvent être nourrissants à

long terme. Des exemples permettront de bien comprendre cet

aspect délicat.

Une personne peut s'illusionner elle-même dans un contact

avec une autre (ou une collectivité) en ayant un output

considérable (comme travailler très fort à résoudre un problème

et y parvenir) dont le seul équivalent au niveau des intrants est

purement symbolique et ne la nourrit pas réellement (comme la

reconnaissance, l'admiration, le sentiment du devoir accompli

ou la "satisfaction" de s'être sacrifié pour l'autre).

Page 168: Résoudre son transfert

Réciproquement, une personne peut fort bien obtenir que son

environnement lui procure des nourritures (comme l'aimer, la

prendre en charge) en échange d'outputs sans valeur nutritive

réelle pour l'interlocuteur (comme cesser de lui faire des

reproches ou paraître satisfaite).

Grâce à sa capacité de symboliser et de créer des valeurs,

l'humain peut donc fausser la réciprocité naturelle de la vie et

devenir un parasite qui fonde son pouvoir sur des symboles

sans valeur nutritive réelle. La réciproque est également vraie.

C'est en vertu des mêmes capacités que la personne humaine

peut aller jusqu'à ériger cette non-réciprocité et cette absence

de vie en valeur prépondérante(ex. : se sacrifier pour les autres,

accorder des faveurs à un individu sans réciprocité aucune pour

la simple raison qu'il est malheureux ou faible). Ces valeurs

"d'altruisme" peuvent faire illusion pendant un temps, mais un

examen attentif permet de déceler (1) que l'altruisme n'est

qu'apparent (la personne attendant quand même une

récompense quelconque), (2) que le degré de vitalité des deux

interlocuteurs diminue rapidement (autant chez le parasite que

chez sa victime consentante) et (3) qu'un tel contact ne peut

déboucher que sur la violence et la destruction réciproque.

L'écroulement du système communiste soviétique en fournit

une illustration éloquente.

d) Au niveau du mouvement

Page 169: Résoudre son transfert

Au niveau du mouvement, il est évident que la liberté de la

personne est considérable. Elle peut choisir ses directions de

changement parmi un éventail beaucoup plus large que les

autres espèces. Ce sont à la fois la variété de ses potentialités

et l'ampleur des possibilités que sa connaissance peut examiner

qui lui fournissent cette abondance. Il lui est nécessaire de

choisir constamment parmi les capacités qu'elle pourrait

développer. Aucun automatisme ne fait ces choix pour elle;

seules les limites de sa connaissance des possibilités offertes

par l'environnement et par son organisme viennent limiter ses

choix. De plus, comme nous l'avons déjà mentionné, sa

capacité d'avoir une perspective temporelle très étendue lui

permet des choix de développement plus audacieux. C'est ce

qui explique le potentiel de développement quasi infini de

l'humain, comparé aux autres espèces, le résultat visé n'ayant

pas nécessairement à être atteint à court terme pour être choisi

et activement poursuivi.

e) Au niveau de l'unicité

Enfin, au niveau de l'unicité, on constate chez l'humain un

développement sans pareil. C'est là la conséquence inévitable

de sa grande liberté de choix. Chaque option volontaire rend la

personne plus individuelle, d'autant plus que l'éventail des

possibilités de choix est d'une ampleur presque infinie. Non

seulement la personne devient ainsi un individu qui se distingue

plus clairement de tous les autres dans son unicité, mais en

plus cette personne est capable d'une conscience beaucoup

Page 170: Résoudre son transfert

plus aiguë de son identité unique. Elle peut cerner son unicité

elle-même en y englobant un grand nombre de choix de tous

ordres (passés et présents). Enfin, la personne humaine a la

capacité de s'identifier profondémentà son espèce ou à toute

collectivité appropriée sans pour autant perdre son individualité

et sa capacité de s'en distinguer tout aussi profondément. Sa

conscience de ses racines collectives n'a rien de contradictoire

avec sa conscience d'elle-même en tant qu'individu unique et

différent.

Le tableau suivant permettra de retrouver les éléments

essentiels de cette conception du vivant. On y présente les

caractéristiques générales de la vie ainsi que les variations

particulières qui distinguent l'espèce humaine, avec les

caractéristiques qui permettent ces variations.

Tableau synthèse

Les caractéristiques de la vie

Caractéristiques inhérentes

à la vie en général

Caractéristiques supplémentaires

de la vie humaine

Page 171: Résoudre son transfert

Tendance actualisante

(protéger et maximiser sa vie)

Des choix qui s'appuient sur une perspective temporelle plus

vaste

Création des ses propres valeurs

Processus d'auto-régulation

(s'appuie sur un système d'information)

Le contrôle volontaire est déterminant

L'information est plus abondante

L'information est mieux traitée

Pouvoir et responsabilité accrus

S'alimente de contacts avec l'environnement

(échanges : entrée et sortie)

Variété et subtilité des échanges

(nourritures d'ordre très varié)

Possibilité d'échanges faussés

(services-symboles)

Capacité de valoriser la non-réciprocité

Changement continuel

(sans point terminal)

Choix de directions de changement

Éventail de possibilités plus vaste

(potentialités et connaissance)

Perspective temporelle très étendue

(objectifs plus audacieux)

Page 172: Résoudre son transfert

Unicité

(individu unique irremplaçable)

Individualité plus développée

Conscience de son identité unique

Capable de s'identifier à une collectivité

(sans perte d'individualité)

Caractéristiques propres

(selon l'espèce)

Capacité d'abstraction et de représentation

Degré et qualité de conscience de soi

Raffinement expérientiel

Liberté, choix volontaires et responsables

Page 173: Résoudre son transfert

Dépendance affective et besoins humains

Par Michelle Larivey , psychologue

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Vos questions et nos réponses

Psychothérapie et besoins affectifs

L’amour à sens unique

Manigancer pour combler ses besoins affectifs

Vie religieuse et besoins affectifs

Se guérir de la jalousie

Vivre avec un jaloux

Vous avez une question qui demeure sans réponse ?

Question: Psychothérapie et besoins affectifs

Page 174: Résoudre son transfert

Est-il possible de combler ses besoins affectifs avec son

psychothérapeute?

Réponse

Il s'établit toujours un rapport affectif avec un

psychothérapeute. Même lorsque ce dernier est peu actif ou

expressif, le client éprouve des sentiments à son égard. Le

psychothérapeute éprouve aussi des sentiments envers son

client.

La relation thérapeutique s'apparente à celle avec d'autres

professionnels: le médecin, l'avocat... Elle en diffère toutefois

par son objectif et par le degré d'intimité qu'exige celui-ci. Ces

différences ont plusieurs conséquences.

En psychothérapie, on cherche habituellement à résoudre des

blocages intérieurs. Le client espère ainsi devenir capable

d'être lui-même plus librement. L'objectif de la thérapie

implique donc un examen soigné de la vie intérieure du client,

de même qu'un changement important dans ses façons d'agir.

Pour parvenir à ces objectifs, le client en vient à se révéler plus

que dans toute autre relation professionnelle, souvent même

plus que dans ses relations avec ses proches. C'est donc une

grande intimité qui se développe entre le psychothérapeute et

son client.

Page 175: Résoudre son transfert

En principe, le cadre thérapeutique est idéal pour défaire les

blocages ainsi que pour travailler à mieux s'assumer. Dans les

approches humanistes d'ailleurs, on considère que la personne

est égale à elle-même dans son rapport avec le

psychothérapeute, c'est-à-dire qu'elle entre en relation avec lui

d'une manière qui traduit à la fois ses ressources et ses

blocages. C'est pour cela que dans ces approches, le vécu dans

le présent à l'égard du psychothérapeute est utilisé comme

occasion de "se découvrir", "se comprendre", "s'expérimenter

dans du nouveau" et "s'assumer".

Dans cette perspective, il est avantageux pour le client

d'exprimer à son thérapeute l'importance qu'il lui accorde et de

lui révéler le pouvoir qu'il lui accorde, particulièrement celui de

le confirmer comme personne.Le seul fait de prendre ce risque

lui permet de s'assumer davantage. Je dirais même que pour

exploiter la psychothérapie au maximum, il doit se laisser vivre

et exprimer tous ses sentiments à l'égard du psychothérapeute.

C'est l'importance du psychothérapeute comme interlocuteur

transférentiel qui rend cette expression nécessaire.

En fait, pour résoudre son transfert avec son psychothérapeute

(et non pas seulement "comprendre son transfert"), le client

doit aussi communiquer "ses besoins" et les prendre en charge.

J'ai précisé ailleurs en quoi consiste exactement la prise en

charge de ses besoins (cf. Question : "Porter la responsabilité

de ses besoins").

Page 176: Résoudre son transfert

En somme, il est vrai que le client peut combler des besoins

affectifs avec son psychothérapeute. La psychothérapie peut

même être considérée comme un lieu privilégié où apprendre à

le faire. (Pour certaines personnes le cadre de la

psychothérapie de groupe est moins menaçant, parce que

moins intime, pour apprendre à combler ses besoins affectifs.)

Le travail thérapeutique dans cette perspective est possible et

peut être rentable, mais à certaines conditions. Premièrement,

il est nécessaire que le psychothérapeute comprenne et

accepte cette perspective et qu'il soit adéquatement formé à

son utilisation thérapeutique. Deuxièmement, il est essentiel

que le psychothérapeute respecte les règles d'éthique

appropriées. Plus particulièrement, il doit absolument éviter de

profiter de la situation (vulnérabilité de son client) pour

répondre à ses propres besoins.

Dans une approche thérapeutique où on enseigne à combler

ses besoins affectifs, le client peut faire des pas de géants sur

ce sujet. Car en plus d'être un pédagogue et un conseiller dans

cette démarche d'apprentissage, le psychothérapeute agit

comme interlocuteur. Il devient donc une personne qui répond

tout en veillant à ce que le client prenne ses besoins en charge.

Mais il ne faut pas oublier que la "réponse" reçue n'est pas

l'élément crucial du changement. Ce qui est le plus important,

c'est que le client ose "porter son besoin", c'est-à-dire, qu'il

parvienne à l'exprimer directement. J'ai parlé de l'importance

Page 177: Résoudre son transfert

de cette expression dans l'article "Conquérir la liberté d'être

soi-même".

Toute personne qui arrive à porter ainsi son besoin devient

éventuellement capable de trouver, dans les situations de sa

vie quotidienne, les interlocuteurs qui seront en mesure de la

"prendre" avec ce besoin. Cette démarche peut s'amorcer avec

le psychothérapeute, mais c'est hors de la thérapie qu'elle

trouve son aboutissement. Si on devient capable, dans le cadre

de la relation thérapeutique, de prendre le risque d'exprimer

ouvertement son besoin, si on y parvient sans s'appuyer sur

l'assurance qu'il dira oui à notre demande, il est certain qu'on

sera capable d'avoir le même courage avec les personnes

importantes de notre vie.

Question: Manigancer pour combler ses besoins affectifs

Je crois souffrir d'un grave problème de dépendance affective.

Dès qu'une personne, peu importe qui et pour quelle raison,

m'accorde un peu d'attention, j'essaie par tous les moyens

imaginables qu'elle devienne obligée à moi. Je fais aussi tout ce

que je peux pour qu'elle reste disponible en tout temps pour

moi. Quand cela ne se passe pas de cette façon, j'ai très mal et

je me sens abandonnée. C'est la déprime.

Réponse

Page 178: Résoudre son transfert

En agissant de manière indirecte ("par tous les moyens

inimaginables"), il n'y a aucune chance d'évoluer dans ma

dépendance à l'égard des autres. Cela correspond à ce que

j'appelle, dans l'article, les façons dysfonctionnelles, qui

peuvent même devenir pathologiques, de tenter d'obtenir

satisfaction.

Au lieu d'exprimer MOI-MÊME à l'autre son importance, je

prends des moyens détournés pour que L'AUTRE se comporte

comme si j'avais de l'importance pour lui. C'est comme si je lui

"arrachais" des comportements, du temps...

En procédant de cette façon, il est impossible d'évoluer.

Comme je ne porte pas mon besoin, je demeure en situation de

dépendance, même lorsque j'obtiens de l'autre les réponses

que je souhaite.

Lorsque l'autre ne tombe pas dans le piège, il est normal que je

sois en mauvaise posture, car je ne peux éviter de constater ma

dépendance à son égard. Si j'obtiens ce que je recherche, ma

dépendance est moins visible car elle est cachée derrière la

"disponibilité" excessive de l'autre. Mais il s'agit d'une illusion

car je demeure tout aussi dépendant de cette "présence

garantie".

Page 179: Résoudre son transfert

Question: Vie religieuse et besoins affectifs

Si tout humain a des besoins affectifs qu'il satisfait grâce à ses

contacts avec d'autres personnes, comment les religieux

peuvent-ils garder un équilibre psychique? S'agit-il d'exceptions

ou se trouve- t-on dans le domaine de l'inconnu, de

l'inexplicable, de la force divine?

Réponse

Les humains ont tous des besoins affectifs. Il n'y a pas

d'exception à ce sujet. Mais ils n'ont pas tous recours aux

mêmes moyens pour répondre à leurs besoins.

Il existe de multiples moyens de répondre à nos besoins

affectifs. Les rapports sexuels en font partie. À travers le

contact sexuel, on peut trouver diverses nourritures. Ce peut

être une occasion d'obtenir des confirmations sur sa valeur et

son impact sur l'autre (je suis aimable, valable, attrayante,

satisfaisante sexuellement...) Ce peut être une aussi une simple

occasion de vivre un contact agréable ou passionnant,

réconfortant, stimulant.

Concernant les besoins affectifs, il faut distinguer deux réalités

qui s'imbriquent très souvent: (1) la gestion quotidienne des

besoins affectifs et (2) la conquête du droit d'être (incluant le

droit à l'existence, le droit à une identité distincte et le droit

d'être sexué). Plus sa conquête du droit d'être est avancée, plus

Page 180: Résoudre son transfert

une personne trouve normal d'avoir des besoins affectifs et de

prendre l'initiative de les combler. Elle peut inventer toutes

sortes de manières dans toutes sortes des situations pour le

faire. Cela est possible pour les personnes engagées dans la vie

religieuse et le célibat comme pour les autres.

La conquête du droit d'être sexué, toutefois, ne peut se faire

qu'à travers des contacts de "nature sexuelle". Puisqu'elle

consiste essentiellement à obtenir des confirmations sur soi

comme être sexuel, elle doit se faire en s'impliquant avec des

individus de l'autre sexe. Je ne pense pas, en effet, qu'il soit

possible pour quelqu'un de se posséder comme être sexué, s'il

ne s'est pas exposé comme tel avec des personnes signifiantes.

Mais il ne faut pas oublier que la conquête du droit d'être sexué

se fait en bonne partie à l'adolescence. On peut donc s'attendre

à ce que tout le monde arrive à l'âge adulte en ayant fait un

certain nombre d'acquisitions dans ce domaine.

Les gens qui renoncent à vivre cette dimension d'eux-mêmes

choisissent, du même coup, de renoncer à se posséder comme

personne sur le plan sexuel. Ils arrêtent le développement de

cette diemension d'eux-mêmes. Ce ne sont pas nécessairement

tous les religieux qui font ce choix et beaucoup de laïques,

même parmi ceux qui ont régulièrement des relations

sexuelles, ont fait le même choix. Il faut noter aussi qu'il ne

s'agit pas nécessairement d'un choix volontaire. Souvent, ce

renoncement est plutôt la conséquence de n'avoir pas voulu

prendre les risques nécessaires pour s'assumer.

Page 181: Résoudre son transfert

La conquête du droit d'être sexué est une question assez

complexe. Nous n'avons encore aucun article de "La lettre du

Psy" qui en explique les nuances. Les personnes intéressées à y

réfléchir davantage peuvent toutefois consulter le chapitre 5

"La résolution du Transfert" dans "L'Auto- développement:

psychothérapie dans la vie quotidienne".

Question: L’amour à sens unique

Que faire avec quelqu’un que j’aime à la folie mais qui est très

froid et distant avec moi ? Je sais que je vais souffrir, mais j’ai

quand-même envie de rester avec lui. Même si j’ai l’impression

qu’il ne m’accorde aucune importance et qu’il invente toutes

sortes de prétextes pour m’éviter, je m’accroche comme une

folle et je suis prête à tout pour lui. Est-il possible qu’il soit

Page 182: Résoudre son transfert

simplement timide ou qu’il ait des problèmes qui l’empêchent

de répondre à mon amour ? Je ne sais plus quoi faire.

Réponse

Il arrive souvent qu’on amorce une relation amoureuse sur des

bases aussi fragiles. Parfois, comme ici, c’est le comportement

de l’autre qui ne correspond absolument pas à ce qu’on

recherche. Dans d’autres cas, c’est nous-mêmes qui donnons

une fausse image de ce que nous sommes dans l’espoir de

plaire ou de séduire. Comment comprendre qu’une personne

soit prête à s’investir intensément alors que tous les indices lui

signalent que la relation n’a aucune chance réelle de survie ?

Ce n’est pas en examinant ou en interprétant le comportement

de l’autre qu’on peut trouver la réponse. C’est en examinant ce

que nous investissons dans la relation malgré les signes clairs

que nous donne la réalité. Il faut arriver à déceler quelles sont

les vertus magiques que nous accordons à la personne choisie

pour arriver à comprendre ce qui nous anime vraiment.

Si je choisis d’aimer “à la folie” quelqu’un qui m’ignore ou me

repousse, ce n’est pas sans raison. C’est parce que je trouve

“normal” qu’une telle personne ne me rende pas mon amour.

Ou bien je ne me considère pas vraiment digne de son amour,

ou bien je suis incapable d’accepter son rejet. Dans les deux

cas, je suis porté à persister malgré tous les signes qui me

disent que cette relation n’a aucun avenir, aucun potentiel réel

Page 183: Résoudre son transfert

de satisfaction. Il n’est pas étonnant que ce chemin conduise

toujours à des frustrations intenses et des souffrances

prolongées.

Je ne suis pas digne de son amour

Si je ne me trouve pas vraiment digne de son amour, je serai

tenté de “m’améliorer pour être à la hauteur”. Je tente alors de

mettre en valeur des qualités que je n’ai pas vraiment, d’être

mieux que ce que je crois être à force d’efforts de volonté et

d’application. Dans ce cas, je suis particulièrement porté à

mettre en valeur des qualités qui correspondent aux attentes

que je devine chez l’autre. Peu importe si ces caractéristiques

ressemblent à ce que je suis réellement, peu importe si c’est

vraiment ce que l’autre attend d’un partenaire amoureux: ce

qui compte c’est d’être à la hauteur des attentes que j’imagine.

Peu importe le résultat de mes efforts, ce que j’obtiens ainsi, ce

n’est pas de l’amour. Si je réussis, je me retrouve emprisonné

dans un rôle qui ne correspond pas à ce que je suis vraiment. Si

j’échoue, je me retrouve dans le vide: loin de ma réalité et

confirmé dans mon impression d’être inadéquat. Dans les deux

cas, je me suis renié, j’ai perdu contact avec moi-même et j’ai

contribué à détruire le peu d’estime de moi qui me restait. Je

suis encore plus handicapé pour mes prochaines relations.

Page 184: Résoudre son transfert

Je ne peux accepter son rejet

Dans la question telle qu’elle est posée ci-dessus, c’est plutôt le

rejet qu’on ne peut accepter. Le manque d’intérêt de l’être

“aimé” a beau être évident, il n’est pas considéré comme une

réalité. Pourtant, il est évident qu’on lui attribue une

importance énorme.

Une question peut nous aider grandement à voir plus clair dans

une telle situation: “pourquoi je tiens autant à être aimé par

cette personne en particulier”? D’autres versions peuvent aider

à identifier plus clairement les vraies réponses:

“Pourquoi je choisis d’aimer cette personne qui n’est pas

intéressée à moi plutôt que quelqu’un qui m’aimerait ?”

“Qu’est-ce que ça changerait à ce que je suis si cette personne

consentait à m’aimer?”

“Qu’est-ce que cette personne a de particulier pour que je m’y

attache aussi intensément ?”

“Est-ce que ce que je vis avec cette personne ressemble à

d’autres expériences de ma vie ?”.

Poser ces questions, c’est déjà y apporter des éléments de

réponse. C’est parce que cette personne représente quelqu’un

d’autre qui a un pouvoir considérable sur mon identité et ma

vie que j’y attache une telle importance. C’est à cause des

implications qu’aurait son rejet que je suis incapable d’accepter

la réalité.

Page 185: Résoudre son transfert

C’est aussi parce que je ne veux pas me résigner à me passer

de cette validation fondamentale de ce que je suis que je

n’accepte pas le rejet évident. En fait, j’espère convaincre cette

personne de ma valeur afin d’acquérir, en la validant ainsi, une

valeur personnelle qui ne m’appartient pas encore. (Voir à ce

sujet “Le transfert dans les relations” et “Transfert et droit de

vivre”.)

L’essentiel de la solution

Dans chacune de ces situations, c’est d’abord sur un retour à

soi-même que repose la solution. Plutôt que de céder à la forte

tentation d’examiner le comportement de l’autre, c’est à cerner

nos vrais besoins que nous devrions investir nos premiers

efforts.

Mais cette identification n’est pas une tâche aussi facile qu’on

pourrait le croire. Il faut notamment distinguer nos besoins des

moyens auxquels nous avons pensé pour y répondre (voir

http://redpsy.com/infopsy/noeuds3-qr.html#autre). Il faut aussi

identifier notre vrai besoin alors qu’il se dissimule parfois

derrière une image familière et rassurante (nos habitudes) ou

adopte une forme socialement acceptable (conventionnelle) qui

ne le respecte pas vraiment. L’aide d’un psychothérapeute est

souvent nécessaire pour parvenir a faire clairement toutes les

distinctions nécessaires.

Page 186: Résoudre son transfert

Lorsque les besoins sont bien identifiés, la situation change de

façon radicale. Le fait de savoir clairement ce que nous

recherchons nous donne automatiquement du pouvoir sur notre

satisfaction. En nous laissant le choix des moyens qui peuvent,

dans les circonstances où nous sommes, nous procurer les

satisfactions auxquelles nous aspirons, cette connaissance

multiplie nos capacités et nos occasions de répondre à nos

besoins réels.

L’autre personne devient alors un des moyens qui s’offrent à

nous. Et souvent, nous constatons alors que cette personne est

bien loin de constituer le meilleur moyen pour obtenir

satisfaction.

Dans la question telle qu’elle est résumée ci-haut, il est clair

que la personne choisie n’est pas un bon choix si on cherche

une réponse satisfaisante. Quelles que soient ses raisons, cette

personne ne se montre pas disponible. En identifiant bien

précisément ce qu’on cherche à satisfaire avec elle, il est

possible d’investir ses énergies dans des relations plus

prometteuses.