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COMMUNICATION BRI~VE R tention d'urine apr s m ningo-enc phalite zost rienne A. THEVENON*, B. POLLEZ*, J.P. LEMAIRE*, F. SALOMEZ*, J.M. RIGOT**, H. PETIT***, Ph. DEWAILLY* R~sum4 -- Un cas de r~tention urinaire au d~cours d'un zona ophtalmique est pr~sent~. I.a physiopathologie des troubles v~sico-sphinct~riens est centrale, par m~ningo-enc~phalite. L'~volution est lentement favorable. I_a responsabilit~ respective de la souffrance c~r~brale et de I'atteinte m~ning~e dans la symptomatologie urinaire est discut~e. Rev Med Interne 1991 ; 12 : 139-140. La r~tention urinaire est une complication relativement rare du zona. Elle survient g~n~ralement lors d'une atteinte des racines sacr~es. Nous pr(~sentonsici une observation inhabituelle de r~tention prolong~e secondaire ~ une m(~ningo-enc~phalite. OBSERVATION Une femme de 81 ans, aux ant6c6dents d'hypertension et de cardiopathie isch6mique, pr6sente un zona ophtalmique gauche imm~diatement trait6 par aciclovir per os. Trois jours plus tard, la patiente est hospitalis6e pour alt6ration de 1'6tat g~n~ral, hyperthermie et diarrh6e. Le lendemain de son admission on constate un syndrome m~ning6 franc, avec un 6tat d'obnubilation marqu~ et un discret d~ficit de I'h6micorps droit predominant au membre sup6rieur. La malade esttransf6r6een milieu neurologique (Professeur Petit) ; le bilan biologique montre un syndrome inflammatoire important, avec VS ~a90, leucocytose ~ 11 800 dont 67 p. 100 de polynucl6aires neutrophiles. La ponction Iombaire ram~ne un liquide clair avec 170 ~l~ments/mm 3 dont 95 p. 100 de lymphocytes et une prot~inorachie ~ 0,45 g/I, sans hypoglyco ou chlorurorachie. Les cultures bact6riologiques sont n6gatives dans le LCR ; I'~lectrophor~se des prot~ines r~v~le une hypergammaglobulinorachie avec 3 bandes de migration. On retrouve des immunoglobulines G sp6cifiques de la varicelle et du zona, sans IgM. Les h~mocultures mettent par ailleurs en ~vidence une septic6mie a citrobacter diversus, et la radiographie de thorax montre une opacit6 en bande en regard de la partie moyenne du champ pulmonaire droit. L'examen tomo- densitom~trique enc~phalique avec injection de produit de contraste est normal, I'(~lectro-enc~phalogramme montre une souffrance c~r~brale importante, d'origine sous-corticale, avec * Centre de Soins Pour Personnes ~g6es (Pr DEWAILLY) ; rue des Bateliers ; 59037 LILLE C~dex. ** Service d'Urologie (Pr MAZEMA N) ; H6pital Huriez ; CFIR ; 59037 LILLE C6dex. *** Service De Neurologie B (Pr ARNOTT) ; HSpital B ; CHR ; 59037 LILLE C~dex. une discrete predominance gauche des anomalies, Le diagnostic de m6ningoenc(~phalite zoostOienne sur zona ophtalmique, compliqu~e d'une septic~mie est donc posC Le traitement associe alors aciclovir injectable, amoxicilline, I(~vom~promasine (15 mg/jour), L-Dopa (modopar* 125 mg 3 fois/jour) et bromaz~pam (3 mg le soir), dinitrate d'isosorbide et enalapril. L'apyrexie est obtenue en 3 jours, la patiente est adress~e en convalescence en milieu g~riatrique (Professeur Dewailly). Elle y arrive sond~e. A I'ablation de la sonde, on ne constate aucune reprise de miction volontaire, malgr~ un besoin bien pewu. Le premier sondage retire 1,2 litre. La vidange v6sicale est alors assur6e par drainages intermittents. L'examen clinique ne met pas en ~vidence d'anesth6sie p~rin~ale, il existe une bonne tonicit6 du plancher pelvien, le tonus anal est normal et les r~flexes p~rin~aux presents. La cystomanom6trie montre une vessie normotonique, avec premier besoin aux alentours de 250 rag, un besoin imp~rieux ~ 690 ml. On n'obtient pas de miction au cours de l'examen. La profilom@rie ur~trale retrouve une pression de cl6ture de 60 cm d'eau. L'examen ~lectromyographique du sphincter stri~ urStral est normal, celui du sphincter stri~ anal montre de discr~tes anomalies neurog~nes, la latence du r~flexe clitorido-anal est de 46 ms, ~ la limite haute de la norrnale. La participation de la malade a ~t~ insuffisante pour obtenir des potentiels ~voqu6s somesth~siques identifiables. Durant l'hospitalisation, le d(~ficit moteur et [es troubles de conscience r6gressent rapidement, les soins ophtalmo[ogiques doivent ~tre poursuivis deux mois. Sur le plan v~sical, un traite- ment cholinergique (n6ostigmine 0,25 mg en sous-cutan~/jour) et, dans un deuxi~me temps, alpha-bloquant (nicergoline 15 mg/jour per os) est instaur~ durant le deuxi~me mois qui suit la m~ningo-enc~phalite ; parall~lement le traitement par 16vom~promazine est arr~t6, et les premieres mictions volontaires Re~ule 22-5-1990 Renvoi pourcorrectionle 15-8-1990 Acceptationd~finitive le 07-2-1991 1991 - Tome Xll RLtention d'urine aprOs m~ningo-enc~phalite zostLrienne 139 Num~ro 2

Rétention d'urine après méningo-encéphalite zostérienne

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C O M M U N I C A T I O N BRI~VE

R tention d'urine apr s m ningo-enc phalite zost rienne A. THEVENON*, B. POLLEZ*, J.P. LEMAIRE*, F. SALOMEZ*, J.M. RIGOT**, H. PETIT***, Ph. DEWAILLY*

R ~ s u m 4 - - Un cas de r~tention urinaire au d~cours d'un zona ophtalmique est pr~sent~. I.a physiopathologie des troubles v~sico-sphinct~riens est centrale, par m~ningo-enc~phalite. L'~volution est lentement favorable. I_a responsabilit~ respective de la souffrance c~r~brale et de I'atteinte m~ning~e dans la symptomatologie urinaire est discut~e.

Rev M e d Interne 1991 ; 12 : 139-140.

La r~tention urinaire est une complication relativement rare du zona. Elle survient g~n~ralement lors d'une atteinte des racines sacr~es. Nous pr(~sentons ici une observation inhabituelle de r~tention prolong~e secondaire ~ une m(~ningo-enc~phalite.

OBSERVATION

Une femme de 81 ans, aux ant6c6dents d'hypertension et de cardiopathie isch6mique, pr6sente un zona ophtalmique gauche imm~diatement trait6 par aciclovir per os. Trois jours plus tard, la patiente est hospitalis6e pour alt6ration de 1'6tat g~n~ral, hyperthermie et diarrh6e. Le lendemain de son admission on constate un syndrome m~ning6 franc, avec un 6tat d'obnubilation marqu~ et un discret d~ficit de I'h6micorps droit predominant au membre sup6rieur. La malade esttransf6r6een milieu neurologique (Professeur Petit) ; le bilan biologique montre un syndrome inflammatoire important, avec VS ~a 90, leucocytose ~ 11 800 dont 67 p. 100 de polynucl6aires neutrophiles. La ponction Iombaire ram~ne un liquide clair avec 170 ~l~ments/mm 3 dont 95 p. 100 de lymphocytes et une prot~inorachie ~ 0,45 g/I, sans hypoglyco ou chlorurorachie. Les cultures bact6riologiques sont n6gatives dans le LCR ; I'~lectrophor~se des prot~ines r~v~le une hypergammaglobulinorachie avec 3 bandes de migration. On retrouve des immunoglobulines G sp6cifiques de la varicelle et du zona, sans IgM. Les h~mocultures mettent par ailleurs en ~vidence une septic6mie a citrobacter diversus, et la radiographie de thorax montre une opacit6 en bande en regard de la partie moyenne du champ pulmonaire droit. L'examen tomo- densitom~trique enc~phalique avec injection de produit de contraste est normal, I'(~lectro-enc~phalogramme montre une souffrance c~r~brale importante, d'origine sous-corticale, avec

* Centre de Soins Pour Personnes ~g6es (Pr DEWAILLY) ; rue des Bateliers ; 59037 LILLE C~dex. ** Service d'Urologie (Pr MAZEMA N) ; H6pital Huriez ; CFIR ; 59037 LILLE C6dex. *** Service De Neurologie B (Pr ARNOTT) ; HSpital B ; CHR ; 59037 LILLE C~dex.

une discrete predominance gauche des anomalies, Le diagnostic de m6ningoenc(~phalite zoostOienne sur zona ophtalmique, compliqu~e d'une septic~mie est donc posC Le traitement associe alors aciclovir injectable, amoxicilline, I(~vom~promasine (15 mg/jour), L-Dopa (modopar* 125 mg 3 fois/jour) et bromaz~pam (3 mg le soir), dinitrate d'isosorbide et enalapril. L'apyrexie est obtenue en 3 jours, la patiente est adress~e en convalescence en milieu g~riatrique (Professeur Dewailly).

Elle y arrive sond~e. A I'ablation de la sonde, on ne constate aucune reprise de miction volontaire, malgr~ un besoin bien pewu. Le premier sondage retire 1,2 litre. La vidange v6sicale est alors assur6e par drainages intermittents. L'examen clinique ne met pas en ~vidence d'anesth6sie p~rin~ale, il existe une bonne tonicit6 du plancher pelvien, le tonus anal est normal et les r~flexes p~rin~aux presents. La cystomanom6trie montre une vessie normotonique, avec premier besoin aux alentours de 250 rag, un besoin imp~rieux ~ 690 ml. On n'obtient pas de miction au cours de l'examen. La profilom@rie ur~trale retrouve une pression de cl6ture de 60 cm d'eau. L'examen ~lectromyographique du sphincter stri~ urStral est normal, celui du sphincter stri~ anal montre de discr~tes anomalies neurog~nes, la latence du r~flexe clitorido-anal est de 46 ms, ~ la limite haute de la norrnale. La participation de la malade a ~t~ insuffisante pour obtenir des potentiels ~voqu6s somesth~siques identifiables.

Durant l'hospitalisation, le d(~ficit moteur et [es troubles de conscience r6gressent rapidement, les soins ophtalmo[ogiques doivent ~tre poursuivis deux mois. Sur le plan v~sical, un traite- ment cholinergique (n6ostigmine 0,25 mg en sous-cutan~/jour) et, dans un deuxi~me temps, alpha-bloquant (nicergoline 15 mg/jour per os) est instaur~ durant le deuxi~me mois qui suit la m~ningo-enc~phalite ; parall~lement le traitement par 16vom~promazine est arr~t6, et les premieres mictions volontaires

Re~u le 22-5-1990 Renvoi pour correction le 15-8-1990 Acceptation d~finitive le 07-2-1991

1991 - Tome Xl l RLtention d'urine aprOs m~ningo-enc~phalite zostLrienne 139 Num~ro 2

r~apparaissent, tr~s incompl~tes et irr~guli~res n~cessitant la r~alisation syst~matique d'un sondage post-mictionnel. Trois mois apr~s I'~pisode infectieux, la patiente rentre chez elle, les r~sidus post-mictionnels sont encore de 200 cm set, on pr~conise un sondage v~sical quotidien. Un mois plus tard, le volume des r~sidus post-mictionnels se situe entre 100 et 125 cm 3, on se contente d'un sondage par semaine. L'~volution continue d'etre favorable, et c'est six mois apr?~s I'(~pisode infectieux, devant I'absence de r~sidu post-mictionnel que I'on d~cide d'arr~ter les sondages.

DISCUSSION

Les manifestations urinaires du zona ne sont pas exceptionnelles, dans une revue de la litt~rature en 1974, Richmond (1,2) en collige une cinquantaine de cas. La r~tention en est la manifestation la plus fr~quente. Le plus souvent elle est due ~ I'atteinte des racines sacr~es, retentissant sur la motricit6 automatique de la vessie ; dans ce cas, elle est volontiers associ~e

une cystite zost~rienne. L'auteur signale ~galement des r6tentions accompagnant une Iocalisation dorsale, il invoque alors I'existence concommitente d'une my~lite transverse spontan~ment r~gressive. Enfin, un certain nombre de r~tentions accompagne ~galement une atteinte des racines de la r~gion dorso-lombaire ; Richmond ~voque alors la possibilit~ d'un d~faut d'ouverture du col v~sical Iors de la miction, d'un d~ficit abdominal et d'une inhibition li~e aux douleurs.

Dans notre observation, les examens cliniques, urodynamiques et ~lectrophysiologiques (EMG, latencedu r(~flexe clitorido-anal) n'ontjamais r~v~l~ d'anomalie de type p~riph&ique des territoires sacr~s.

3 m~canismes peuvent ~tre discut~s : un effet iatrog~ne des m~dicaments, I'enc~phalite et la m~ningite.

Les traitements par I~vom~promazine et par L-Dopa, qui sont susceptibles d'induire des r~tentions urinaires, n'ont ~t~ instaur~s

qu'apr~s I'installation de la r~tention, alors que la malade ~tait sond~e, et la symptomatologie s'est prolong~e bien apr~s I'arr~t de ces m~dicaments.

II est plus vraisemblable que la r~tention soit secondaire I'enc~phalite, authentifi~e par les signes de focalisation clinique et ~lectro-enc~phalographique. Les r~tentions urinaires dans les suites d'affections enc~phaliques sont d'ailleurs bien connues, on les observe couramment dans les suites pr~coces d'un traumatisme cr~nien ou d'un accident vasculaire c~r~- bral (3).

II semble bien que la m~ningite puisse par elle-m~me ~tre I'origine de r~tentions, comme en t~moignent les travaux de Tunevall (4) et de Grossiord et coll. (5) dans lesquels sont rapport~s des cas de r6tention Iors de poliomy~lite sans atteinte des muscles squelettiques des territoires sacr~s ou dorso- Iombaires.

L'atteinte m~ningo-enc~phalitique constitue une nouvelle ~tiologie de r~tention d'urine apr~s zona, sans que I'on puisse trancher nettement en faveur de la responsabilit~ de I'atteinte enc~phalique ou m~ning~e. L'~volution favorable en quelques semaines d~crite dans les autres formes de r~tention post- zost~riennes s'est ~galement v~rifi~e dans notre observation, cette 6volution aurait sans doute ~t~ encore plus rapide si I'on avait pu ~viter la distension v~sicale initiale.

S u m m a r y --Retention of urine after herpes zoster meningoencephalitis.

A case of retention of urine after ophthalmic zoster is

reported. The sphincter vesicae disorder was of central o r i g i n , being caused b y a m e n i n g o e n c e p h a l i t i s . T h e patient progressively recovered. The respective responsibilities of brain suffering and meningeal involvement in these urinary tract disturbances are discussed.

BIBLIOGRAPHIE 1. AmarencoG, SavatovskyI,AmarencoP, GoudalH. Neuro-vessiep~riph&ique chez I'h~mipl6gique. J R~adapt M~d 1981 ; 1 : 145-8.

par zona p~rin~al. Presse Med 1986 ; 15 : 2255. 4. Tunevall AG. Vesicalpares vid poliomyelit. Nordisk Medical 1948 ; 38 : 880-

2. Richmond W. the genito-urinary manifestations of herpes zoster. Brit J Urol 5.

1974 ; 46 : 193-200. 5. Grossiord A, Seligmann M, Noel P. Les troubles sphinct~riens au cours de la 3. Perrigot M, Veaux-Renault V, Fakacs Ch, Pichon J. Les troubles mictionnels poliomy~lite. Sem H6p Paris 1953 ; 29 : 278-82.

1 4 0 A. THEVENON et coll. La Revue de M~decine Interne

Mars - Avril