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Merci à nos fidèles associés et membres bienfaiteurs Christine Chataigner Jean-Jacques Chavane M. et M me Christian Lameloise, Jacques et Brigitte Long Claudine Maréchal Pierre-Eugène et Françoise Pitance Georges et Annie Rousseau Merci au Conseil Général du Rhône pour son fidèle soutien Chers Amis, Ils étaient venus en France… Ils étaient venus en France faire leurs études supérieures, heureux et fiers d’avoir décrochés une bourse ou le soutien de leur famille, pour acquérir, ici, ce que nous avons de mieux à leur offrir : un enseignement de qualité et une recherche de pointe. Aujourd’hui, à la Maison de l’Orient, dans les différents laboratoires, de jeunes Syriens poursuivent un cursus universitaire, du master au doctorat, comme cela se fait depuis toujours… Mais cette année, l’actualité les a rattrapés. Les événements tragiques qui marquent l’histoire de leur pays les ont mis dans une situation de précarité. Les subsides de l’État syrien n’arrivent plus, de même que l’aide de leurs familles. Privés de moyens financiers, continuer leurs études devient problématique mais le retour chez eux en pleine guerre civile est impensable, pour le moment ; une partie de la population a fui les combats, beaucoup ont perdu leur maison et manquent de tout. L’Association des Amis, mise au courant de la situation par des membres de la MOM, s’en est émue et cherche depuis à venir en aide à ces jeunes étudiants d’une manière efficace, sans faire de politique, pour des raisons humanitaires et de solidarité avec les différents chercheurs de la Maison de l’Orient. Un soutien juridique est en train de se mettre en place pour répondre à toutes les difficultés liées à leur nouvelle situation de même que des démarches vont être entreprises auprès des différentes instances locales et régionales pour leur permettre de poursuivre leurs études. Mais si la situation devenait critique pour tous ces jeunes étudiants de notre MOM, nous serions alors tenus d’envisager d’autres actions et il conviendrait de faire appel à toute la bonne volonté des adhérents. Nous souhaitons qu’ils puissent trouver chez nous toute l’écoute et le soutien que nous pouvons leur donner. Bien amicalement, Martine Chanon É D I T O R I A L LA LETTRE DE LA MAISON DE L’ORIENT N° 40 – janvier 2013 Association des Amis de la Maison de l’Orient Découverte de la Grèce du Nord p. 2 Rois mages p. 5 À voir et à entendre p. 6 Nouvelles publications p. 8 La vie de l’Association L’association a besoin de ses membres pour mener à bien ses projets Faites connaître l’AAMO à vos amis ! Adhérez ou réadhérez : Membre individuel 47 Couple 80 (12 pour les membres de la MOM) Horaires de l’AAMO mardi 9h30-12h30 jeudi 14h-16h Site néolithique de Dimini (Grèce du Nord)

s LA LTTRE - mom.fr · une bourse ou le soutien de leur famille, pour acquérir, ici, ce que nous avons de mieux à ... ont perdu leur maison et manquent de tout. L’Association

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Merci à nos fidèles associéset membres bienfaiteurs

Christine ChataignerJean-Jacques Chavane

M. et Mme Christian Lameloise,Jacques et Brigitte Long

Claudine MaréchalPierre-Eugène et Françoise Pitance

Georges et Annie Rousseau

Merci au Conseil Général du Rhône pour son fidèle soutien

Chers Amis,

Ils étaient venus en France…

Ils étaient venus en France faire leurs études supérieures, heureux et fiers d’avoir décrochés une bourse ou le soutien de leur famille, pour acquérir, ici, ce que nous avons de mieux à leur offrir : un enseignement de qualité et une recherche de pointe.Aujourd’hui, à la Maison de l’Orient, dans les différents laboratoires, de jeunes Syriens poursuivent un cursus universitaire, du master au doctorat, comme cela se fait depuis toujours…

Mais cette année, l’actualité les a rattrapés. Les événements tragiques qui marquent l’histoire de leur pays les ont mis dans une situation de précarité. Les subsides de l’État syrien n’arrivent plus, de même que l’aide de leurs familles. Privés de moyens financiers, continuer leurs études devient problématique mais le retour chez eux en pleine guerre civile est impensable, pour le moment ; une partie de la population a fui les combats, beaucoup ont perdu leur maison et manquent de tout.

L’Association des Amis, mise au courant de la situation par des membres de la MOM, s’en est émue et cherche depuis à venir en aide à ces jeunes étudiants d’une manière efficace, sans faire de politique, pour des raisons humanitaires et de solidarité avec les différents chercheurs de la Maison de l’Orient. Un soutien juridique est en train de se mettre en place pour répondre à toutes les difficultés liées à leur nouvelle situation de même que des démarches vont être entreprises auprès des différentes instances locales et régionales pour leur permettre de poursuivre leurs études.

Mais si la situation devenait critique pour tous ces jeunes étudiants de notre MOM, nous serions alors tenus d’envisager d’autres actions et il conviendrait de faire appel à toute la bonne volonté des adhérents.Nous souhaitons qu’ils puissent trouver chez nous toute l’écoute et le soutien que nous pouvons leur donner.

Bien amicalement,Martine Chanon

Éditorial

L A L E T T R E DE LA MAISON DE L’ORIENT

N° 40 – janvier 2013

Asso

ciatio

n de

s Ami

s

de la Maison de l’Orient

Découverte de la Grèce du Nord p. 2

Rois mages p. 5

À voir et à entendre p. 6

Nouvelles publications p. 8

La vie de l’Association

L’association a besoin de ses membres pour mener à bien ses projets

Faites connaître l’AAMO à vos amis !Adhérez ou réadhérez :

Membre individuel 47 €Couple 80 €

(12 € pour les membres de la MOM)

Horaires de l’AAMO

mardi 9h30-12h30jeudi 14h-16h

Site néolithique de Dimini (Grèce du Nord)

Le voyage qui nous a été proposé en octobre par Martine Chanon et l’AAMO avait pour objectif, en une dizaine de jours bien remplis, de nous faire décou-vrir une Grèce moins connue. En effet, le temps n’était pas au ciel bleu des Cyclades et aux paysages arides écrasés de soleil, mais aux montagnes couvertes de forêts et aux vastes plaines fertiles de Macédoine et de Thessalie orientale, à une mer plus grise qui baigne le Mont Athos ou l’île de Thasos… Nous l es avons parcourus sous la conduite de notre collègue et ami Jean-Claude Decourt, et de notre charmante guide grecque Lina (Pascalina) Lkarakatsani.

Dans l’Antiquité, les Grecs de l’Attique ou du Péloponnèse considéraient généralement comme peu civilisés ceux qui habitaient au-delà de l’Olympe. Et pourtant…

Thessalonique (agglomération d’environ 1 million d’habi-tants), capitale de la Macédoine centrale et première ville portuaire de Grèce du Nord, fut notre camp de base. Fondée en 315 av. J.-C. par un successeur d’Alexandre, la ville devint après la conquête romaine une des capitales provinciales de l’Empire, et une des grandes étapes de la Via Egnatia qui relie la Grèce du Nord à la côte dalmate. Ville cosmopolite à l’histoire mouvementée, elle connut après le temps de Byzance la domination ottomane (de 1430 jusqu’à son rattachement à la Grèce en 1912), accueillit en 1492 les Juifs d’Espagne chassés par Isabelle la Catholique, vit arriver les Grecs d’Asie mineure dans les années 1920… Nous avons arpenté une ville moderne très animée, y compris lorsque les rues sont barrées pour laisser passer les courses cyclistes qui mobilisent l’intérêt des promeneurs du dimanche, ou que des manifestations sociales retardent notre accès à l’hôtel. Son histoire reste visible à travers les monuments répartis dans la ville.

Nous avons été impressionnés par l’ensemble que forment la Rotonde et l’« arc de Galère » (vers 300 de notre ère), dont les reliefs exceptionnels rappellent la campagne victorieuse de cet empereur sur les Perses. Thessalonique, dont la communauté avait reçu saint Paul

en 50 et en 56, fut l’un des premiers foyers de diffusion du christianisme. Ses monuments chrétiens – églises de plan centré ou de plan basilical à trois ou cinq nefs – construits du ive au xve siècle constituent une série de références architecturales dans le monde byzantin. Les mosaïques de la Rotonde (église Ayios-Georgios, devenue mosquée sous les Ottomans) ou d’Ayios-Dimitrios (ive et ve siècle) comptent au nombre des chefs-d’œuvre de l’art paléochrétien. L’église Ayia‑Sofia (viiie siècle), combinaison originale de plan grec cruciforme et de plan basilical à trois nefs, devint en 1205 (conquête par les Croisés) la cathédrale de Thessalonique. Plusieurs monuments byzantins ont été inscrits en 1988 au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Le poids de la tradition byzantine apparaît dans le statut exceptionnel de la Sainte montagne de l’Athos (presqu’île orientale de la Chalcidique), célèbre par ses fresques et icones byzantines, et par les manuscrits qui y sont conservés. Le territoire jouit d’un statut d’autonomie (« République monastique indépendante du Mont Athos ») confirmé en droit international par le traité de Lausanne en 1923, échappant aux lois de la Grèce, et de l’Europe. En 2009 Guillaume Bady, chercheur de la Maison de l’Orient (« Sources chrétiennes ») avait pu y effectuer une mission grâce aux crédits « Jeunes chercheurs » de la Maison de l’Orient,

2 La Lettre de la Maison de l’Orient n° 40

décOuverte de La grèce du nOrdpar Marguerite YON

La « Rotonde » – Église Saint﹘Georges, et minaret

Une longue histoire de plus de 8 millénaires a conduit ces régions de l’époque néolithique de la région de Volos jusqu’aux villes actuelles de Thessalonique ou Larissa durement marquées par la crise actuelle, en passant par les Âges d’or que furent pour les Macédoniens le temps de Philippe II et de son fils Alexandre le Grand, ou les débuts du Christianisme à l’époque byzantine si apparents encore à Thessalonique et au Mont Athos. La région accueille plusieurs programmes scientifiques de la Maison de l’Orient.

feuillage en or, ivoires sculptés, etc.) ; son concept (tumulus reconstruit sur les tombes elles -mêmes, et mise en scène un peu dramatique dans une semi -obscurité), et les aména-gements techniques (hygro mé trie contrôlée, etc.) en font un musée exceptionnel. Le vaste site de Dion, avec ses nombreux sanctuaires au pied de l’Olympe, est resté la capitale religieuse du royaume macédonien. Le massif du mont Olympe, la plus haute montagne de Grèce (2917 m) et résidence des dieux, sépare la Macédoine de la Thessalie. La

La Lettre de la Maison de l’Orient n° 40 3

pour travailler sur des manuscrits rares de saint Jean Chrysostome. L’accès, très limité pour les hommes, en est interdit aux femmes (ainsi qu’aux animaux vertébrés femelles, à l’exception des poules, dont les œufs frais sont nécessaires à la fabrication des peintures pour les icônes, et des chattes, à cause des rats !). Une petite

croisière au départ d’Ouranopolis (« la Ville du ciel ») nous a permis au moins de longer la côte ouest pour voir de loin (minimum de 500 m de la côte) quelques-uns des vingt monastères établis depuis le xe siècle, et les crêtes montagneuses dont les forêts portent les traces des terribles incendies de l’été dernier.

De Kavala, dont nous avons gravi les pentes jusqu’à l’impres sion nante forteres se, byzan tine puis ottomane,

le ferry nous a emmenés à Thasos, qui fut en son temps l’un des lieux privilégiés des travaux de Jean Pouilloux. Nous avons été accueillis par Tony Kozjel, architecte de l’École française d’Athènes, qui a su nous faire apprécier l’intérêt historique et culturel de la cité antique. Le ferry du retour embar quait aussi vers

le continent des files de camions chargés d’énor mes blocs des carrières de marbre de l’île, toujours en activité.

La Macédoine antique accède au pre-mier plan de l’histoire au ive siècle av. J.-C. avec le roi Philippe II, puis le règne fulgurant de son fils Alexandre, qui fut l’élève d’Aristote (né à Stagire où nous avons fait une étape), et dont la personnalité et la renommée dépassent de très loin les limites de la Macédoine. Son expédition jusqu’aux Indes et à l’Asie centrale a infléchi pour plusieurs siècles le destin du Proche Orient et de la Méditerranée orientale. Nous avons parcouru les restes specta culaires de la cité de Philippes, dont la prospérité à l’époque romaine était assurée par sa posi-tion sur la Via Egnatia, sa plaine fertile et les mines d’or voisines ; ceux de Pella, capitale politique du royaume de Macédoine à partir du ive siècle, remarquable par son plan d’urbanisme, les restes d’époque romaine et les basiliques chrétiennes. Le splendide musée de Vergina, récemment aménagé, nous a éblouis par les richesses de la tombe de Philippe II (coffrets et couronnes de

Coffret funéraire en or de Philippe II, ive siècle av. J.‑C., et emblème solaire ornant le

coffret (Musée de Vergina)

L’île de Thasos. L’agora et carrière de marbre

Le vallon délicieux de Tempé

Le lieu symbolisait dans l’Antiquité un lieu paradi siaque par sa fraîcheur, même au plus fort de l’été, et il a gardé longtemps dans la littérature occidentale classique cette valeur symbolique :

« Au milieu de ce vallon délicieux coule le fleuve Pénée, qui étant grossi de quatre belles rivières, est capable de porter d’assez grands bateaux. […] Mais ce qui rend la vallée de Tempé plus belle, c’est que tous les arbres qu’on y voit, sont entortillés de lierre depuis leurs racines jusques au sommet, et qu’ainsi on ne voit rien qui ne soit vert […] », M. de Scudéry, Clélie (1658), IV 2, p. 165.

Et Jean-Jacques Rousseau songea un temps à en faire la résidence des héros de La Nouvelle Héloïse.

Le Pénée dans la vallée de Tempé

4 La Lettre de la Maison de l’Orient n° 40

route suit la vallée du fleuve Pénée qui, pour atteindre la mer, entre l’Olympe et le mont Ossa, s’engage dans la vallée de Tempé, aux rives escarpées et aux arbres immenses bordant l’eau courante.

La Thessalie, région de vastes plaines où on élevait des chevaux, abritait des êtres fabuleux et ambivalents, les centaures, mi-hommes mi-chevaux, vivant dans des cavernes ; si la plu-part étaient monstrueux et sauva ges, quelques-uns, rares, étaient présen-tés comme des sages bienveillants – le centaure thessalien Chiron, expert en médecines douces, fut le précep-teur d’Asclépios, de Jason, d’Achille. La Thessalie était aussi le territoire de la magie qu’évoqua si bien pour nous Nadine Decourt à travers l’œu vre de Marguerite de Lussan (1682-1758), nous rappelant aussi la magicienne Médée, amoureuse du héros thes-salien Jason, qu’elle aida à revenir à Iolcos-(Volos) avec la Toison d’or.La ville portuaire de Volos et ses environs, dominés par le massif du Pélion, ont aussi retenu notre intérêt, grâce à l’accueil amical de

Le massif du Mont Olympe (depuis Litochoro)

Roula Intzessiloglou, qui a bénéficié dans les années 1980 de séjours d’études à la Maison de l’Orient ; aujourd’hui directrice régionale de l’archéologie et conservatrice du Musée Athanassaki de Volos, elle fit ouvrir pour nous des sites signifi‑catifs pour les progrès récents de l’histoire de cette région. L’occupa-tion humaine y remonte à plus de 8000 ans, sur les sites néolithiques fortifiés de Sesklo et de Dimini ; bien plus tard, une ville et des tombes à tholos du xiiie siècle av. J.-C. mar-quent à Dimini l’extension vers le nord de la civilisation mycénienne, au temps du mythique Jason. La visite du musée nous fit aussi percevoir

l’importance de Démétrias-Volos à l’époque historique ; et l’ensemble des stèles funéraires peintes hellénis-tiques, dont l’édition est en cours de préparation par Bruno Helly, de la Maison de l’Orient, est une des plus riches collections connues de la peinture grecque antique.L’époque moderne a conservé de pitto res ques villages de montagne, tels Makrinitsa dont la place ombra-gée de platanes offre une large vue dominant Volos et le golfe Pagasétique, ou encore Ambelakia au-dessus de Tempé, célèbre pour sa « Compagnie commune et Fraternité d’Ambelakia » (la plus ancienne coopé ra tive connue, fondée en 1778), qui regroupait des filatures et possédait des comptoirs

dans la plupart des pays européens ; son président, Giorgos Mavros (en grec « le Noir ») se fit édifier une belle demeure – dite « maison Schwartz » –, décorée de peintures, de boiseries sculptées, de fenêtres aux verres colorés.

Trop court pour prétendre donner une image complète d’une région assez mal connue des touristes, mais bien rempli, ce séjour a excité notre curio sité et notre intérêt pour cer-tains aspects que nous avons eu à peine le temps de survoler. Grâce aux rencontres que nous avons faites, il a aussi permis de prendre contact avec une réalité d’aujourd’hui, dans

la situation économique difficile que traverse la Grèce, avec des maga sins fermés, des logements à vendre qui ne trouvent pas preneur, des carrières interrompues par des retraites prématurées, un personnel du tourisme qui n’est pas sûr du lendemain… Mais nous avons été frappés par le poids d’un riche passé qui est en partie le nôtre, par la variété des paysages et des sites que nous avons visités, par la vitalité et la qualité d’accueil d’une population à qui l’on souhaite le meilleur.Et vous tous qui cherchez où vous rendre, allez visiter la Grèce du Nord : on vous attend.

Marguerite Yon 30 novembre 2012

Jean‑Claude Decourt devant le théâtre de Larissa

Cette région est le terrain des activités de l’équipe « Thessalie » du laboratoire HiSoMA de la Maison de l’Orient. Ainsi à Larissa, chef-lieu de la région, J.-C. Decourt nous a fait partager son enthou-sias me pour la réalisation en cours du programme d’étude du théâtre, assez grand pour accueillir dans l’Antiquité 10 000 spectateurs, et dont les gradins étaient couverts d’inscriptions.

Les mages ne seraient-ils pas quelques fervents de Zoroastre, astrologues venus d’un coin de Perse à cause de la comète de Haley qui passait près de la terre en 6 avant Jésus-Christ ? Et pourtant, ils en sont venus à représenter toute l’humanité, dans ce qu’elle avait de plus beau et de plus grand, de plus savant et de plus puissant, s’inclinant devant un enfant logeant dans une grotte ou une masure, mais en qui ils reconnaissaient le roi des rois, et finalement Dieu lui-même venu à la rencontre de tous les hommes. C’est cette splendeur que les peintres et sculpteurs ont voulu représenter, et que nous rappelons chaque année en « tirant les rois », un geste tout simple qui voudrait bien dire que chacun d’entre nous pourrait être l’un d’entre eux.

La reine de Saba

Problème : nous a-t-on caché la présence d’une femme, d’une « reine mage », dans le groupe des adorateurs de Jésus ? Je n’en ai vu aucune dans les récits choisis par les cahiers d’évangile, à moins qu’il n’y ait eu de la censure ! En revanche, Nicolas de Verdun, l’auteur de ce panneau, a mis en parallèle sur l’ambon de l’église des chanoines de St. Augustin à Klosterneuburg, la Reine de Saba avec les rois mages. Magnifiquement dessinée, debout, avec son visage noir et sa couronne, on a le sentiment qu’elle mène la danse, pointant son doigt impératif vers Salomon qui, assis, n’a qu’à bien se tenir. Elle a des arguments forts pour que Salomon lui réponde, ses serviteurs portant de généreux trésors. Ce sont les hommes qui sont en position d’infériorité. On retrouve dans ce récit beaucoup de parallèles avec les rois mages : les dons (l’or et l’encens), les mages apportent en outre la myrrhe, et la reine de Saba des bijoux, mais le Psaume 44 et le Cantique attribuent à la bien aimée de Salomon aussi la myrrhe. Salomon est l’ancêtre de Jésus. Les mages et la Reine sont anonymes et viennent en quête du fils de David, pour l’admirer, pour l’adorer. Des deux côtés, la dimension internationale de la démarche, la générosité des cadeaux et le rayonnement d’une sagesse accessible à tous, qui existe potentiellement chez l’enfant Jésus. En fait, si on lit bien

l’Évangile, le mot masculin du grec ne permet pas de savoir s’il y avait ou non une femme parmi eux. Mais surtout, c’est Jésus lui-même qui rend hommage à la Reine de Saba : « La reine du Midi se lèvera avec cette génération et la condamnera, parce qu’elle est venue des confins de la terre pour écouter la sagesse de Salomon, et voilà qu’ici, il y a plus que Salomon » (Matthieu 12,42 et son parallèle Luc 11, 22-3 31) : donc, pas de femme parmi les mages, mais un précédent au plus haut niveau, une reine venue consulter un roi. À noter que, comme par hasard, la mise en valeur de ce parallèle a disparu au xixe siècle. Nos ancêtres étaient-ils plus féministes que nous, même si Marie, la mère de Jésus, a une place essentielle dans la plupart des représentations de l’Adoration des mages ?

Mosaïques des rois mages

Voici maintenant un détail, important pour notre sujet, de l’une des deux immenses et célèbre mosaïques de la nef, à Saint-Apollinaire-le-Neuf de Ravenne ; elles ont été exécutées au milieu du vie siècle, après que l’église, cons-truite par Théodoric, roi ostrogoth et arien, est revenue aux chrétiens orthodoxes. On note des perma nences dans l’atti tude d’offrande, dans les vêtements et les traits d’orientalisme (ici trois palmiers). Les mages offrent leurs présents, comme à Castiliscar, mais sans les recouvrir. On voit apparaître deux nouveautés importantes : les trois personnages sont nommés ; de

plus, des diffé rences entre eux sont accusées ; Melchior porte une barbe blanche, Gaspard est imberbe, Balthazar a le poil noir. Il est possible que les noms aient été ajoutés lors d’une restauration tardive. Ces noms apparaissent sans doute pour la première fois dans l’Évangile arménien de l’enfance (xe siècle ?) sous la forme Melkon, Gaspar et Balthasar. Il précise aussi qu’ils étaient trois frères régnant sur les grands royaumes de l’Orient : Perse, Inde et Arabie. « Le premier des Mages s’appelait Melchior, c’était un vieillard à cheveux blancs, à la longue barbe. Il offrit l’or au Seigneur comme à son roi, l’or signifiant la Royauté du Christ. Le second,

r o i s m a g e s

La Lettre de la Maison de l’Orient n° 40 5

Dominique Gonnet, s.j., de Sources chrétiennes, a présenté juste avant Noël une conférence sur les Rois mages (13 décembre 2012, Maison de l’Orient, amphithéâtre Benveniste). Vous en trouverez ci-dessous quelques moments forts.

Nicolas de Verdun, La reine de Saba, Klosterneuburg, près de Vienne (Autriche), 1181

6 La Lettre de la Maison de l’Orient n° 40

nommé Gaspard, jeune, sans barbe, rouge de couleur, offrit à Jésus, dans l’encens, l’hommage à sa Divinité. Le troisième, au visage noir, portant toute sa barbe, s’appelait Balthazar ; la myrrhe qui était entre ses mains rappelait que le Fils devait mourir. » (La Légende dorée, Jacques de Voragine). En revenant de Palestine, Balthazar se serait arrêté aux Baux-de-Provence, dans le sud de la France. Les seigneurs des Baux le tenant pour leur ancêtre portaient sur leur blason une étoile d’argent et leur cri de guerre était : « Au hasard, Balthazar ! » Marco Polo avait trouvé leur tombe côte à côte en Perse à Sava (= Saba).

D’autres textes, appartenant à d’autres cultures chrétiennes, donnent aussi des renseignements sur les rois. Ainsi, la Caverne des trésors, un écrit syriaque du vie siècle donne trois autres noms : Hormo de Ramhodri, roi de Perse, qui était appelé « Roi des rois » et qui demeurait en bas, en Adrwigan ; Azdayr, roi de Saba ; et Porzdan, roi de Shaba de l’Orient. Ces noms sont nettement moins familiers ! Ces quelques exemples qu’on pourrait multiplier à l’infini montrent l’importance des rois mages dans la conception qu’on se faisait des circonstances de la naissance du Christ.

À voir et à entendre

à Lyon

Cycle Jean Pouilloux organisé en collaboration avec l’AAMO

Les conférences ont lieu le mercredi à 18 h au Grand amphithéâtre de l’Université Lumière-Lyon 2. • 13 février 2013 : La Olmeda : un modèle aristocratique de villa romaine en Hispania Tarraconensis (ive-ve siècles) par José-Antonio Abásolo, professeur d’archéologie romaine à l’Université de Valladolid, Directeur scientifique du site et musée de La Olmeda, Espagne.• 20 mars 2013 : Mosaïque et sculpture : décors des villas romaines en Hispania Bætica, par Pedro Rodríguez Oliva, professeur d’archéologie romaine à l’Université de Malaga, directeur scientifique du site de Caviclum, Espagne.• 17 avril 2013 : La ville de Palmyre : nouvelles perspectives, par Michel Gawlikowski, professeur d’archéologie, Université de Varsovie, Pologne, directeur de la mission polonaise de Palmyre, Syrie, de 1973 à 2011.• 12 juin 2013 : Recherches archéologiques au Kurdistan d’Irak (2010-2013), par Olivier Rouault, professeur d’archéologie du Proche-Orient ancien, laboratoire Archéorient de la MSH MOM, directeur de la mission archéologique française à Qsar Shemamok, Kurdistan irakien. et toujours les podcasts des conférences sur le site de l’Université Lumière-Lyon 2 (http://www.univ-lyon2.fr/actualite/podcasts)Informations : [email protected] ou 04-72-71-58-94/25

Cycles de conférences du GREMMO : « Les Voyages des Savoirs 2012-2013 », L’aire arabe et le monde : contacts, échanges, stratégies

Les conférences ont lieu le jeudi de 18 h à 20 h à la Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Amphi Benveniste, Rez de chaussée, 7 rue Raulin, Lyon 7e. Entrée libre, sans réservation. http://www.gremmo.mom.fr/

• 7 mars 2013 : L’internationalisation du conflit syrien, par Fabrice Balanche, maître de conférences à l’Université Lyon 2, directeur du GREMMO.

• 4 avril 2013 : Contacts, échanges et stratégies à la lisière septentrionale du Proche-Orient médié- val, par Marie-Odile Rousset, chercheuse CNRS au GREMMO.

• 2 mai 2013 : Les échanges commer ciaux entre le Maghreb et l’Afrique Saharienne, par Karine Bennafla, maître de conférence à l’IEP de Lyon, chercheuse au GREMMO.

Mosaïques de la nef à Saint‑Apollinaire‑le‑Neuf

Cercle Victor Loret

Les conférences ont lieu à 19h30 à la Salle de la Mairie du 7e, Place Jean Macé, 69007 Lyon. L’accès aux conférences est payant (tarif étudiant : 5 €, plein tarif : 8 €).http://asso.univ-lyon2.fr/cercle-egyptologie

• jeudi 21 février 2013 : Paul Barguet par Jean-Claude Goyon, Professeur Émérite d’Égypto logie de l’université Lumière Lyon 2, Président d’honneur du Cercle Lyonnais d’Égyptologie Victor Loret. • mardi 19 mars 2013 : Conférence par Vincent Rondot, égyptologue, cher cheur au CNRS, président de la Société Interna tio nale des Études Nubiennes. • mardi 23 avril 2013 : Exposer : l’art du contour – le dessin dans l’Égypte ancienne (à propos de l’exposition du Louvre du 17 avril au 22 juillet 2013), par Guillemette Andreu, conservateur général, direc trice du département des antiqui tés égyptienne du musée du Louvre.

Guillaume Budé

Les conférences ont lieu à 18 h 15 à la salle l’Escale, 100 rue de Créqui 69006. L’accès aux conférences est payant (entrée : 5 €)• Jeudi 21 février 2013 : La piraterie en Méditerranée antique, par Pascal Arnaud.

Musée des Beaux-Arts de Lyon

La collection Denise et Michel Meynet, exposition du 22 février au 19 mai 2013, 20 place des Terreaux, Palais Saint-Pierre, 69001 Lyon (tarif réduit : 6 €, plein tarif : 9 €).http://www.mba-lyon.fr/L’exposition Métissages propose la découverte de la collection sin gulière d’un couple d’amateurs, donateurs des musées lyon nais : Denise et Michel Meynet.

La Lettre de la Maison de l’Orient n° 40 7

à Paris

INSTITUT DU MONDE ARABE

Les Mille et Une Nuits, exposition du 27 novembre 2012 au 28 avril 2013, 1 rue des Fossés-Saint-Bernard, Paris 5e (plein tarif : 12 € 30, gratuit pour les moins de 18 ans UE)http://www.imarabe.org

Les Mille et Une Nuits, extraordinaire recueil d’histoires « étonnantes et surprenantes » a une place sans égale au firma ment de la culture universelle. Véhicule de mythologies et de croyances propres à l’Orient, cet ouvrage populaire est un témoin culturel unique, que quelques trois cents œuvres permet tent au visiteur d’approcher d’aussi près qu’il est possible. On suit l’ouvrage, depuis sa genèse et ses origines indo-persanes, en passant par les contes arabes du ixe siècle jusqu’à Antoine Galland qui fut l’auteur de sa première traduction dans une langue européenne. L’exposition s’attache aussi à l’iconographie des Mille et Une Nuits, qui a sa source en Europe et en Occident, et a touché tous les arts, du théâtre à la mode, de la musique au cinéma, de la peinture à l’opéra, de la photographie à la littérature. Haroun al-Rachid, Shahriyâr et Shéhérazade, Sindbâd et Aladin : on retrouve là tous les personnages des Nuits et les villes qui leur ont servi de décor.

Activités adhérents 2013

28 janvier : visite de l’exposition « Soulages » au musée des Beaux-Arts. 14 février : visite de l’exposition « Péplum » au musée gallo-romain de Vienne, suivie d’un déjeuner sur place à « La table de César ».Mars : visite des vestiges sous la cathédrale de Genève, et de l’exposition sur le Liban.14 mars : visite au musée des tissus : « Lyon et dragons ».Avril : voyage de deux jours pour visiter le musée archéologique de Montpellier et le site de fouilles de Lattes.25 au 29 mai : petit voyage de 5 jours en Andalousie.12 juin : cocktail de fin de cycle lors de la dernière conférence Pouilloux, accompagné de la remise du prix de thèse Marie-Jo Chavane à un(e) doctorant(e).19 juin : visite du site d’Alésia.

AAMO, 7 rue Raulin 69007 LYON – 04/72/71/58/[email protected]

Constituée d’œuvres d’art où le matériau joue souvent le premier rôle, elle présente des objets d’origines diverses, de l’art africain à la culture urbaine.

Musée gallo-romain de Fourvière et de Vienne

Peplum, exposition du 9 octobre au 7 avril 2013 ; Musée gallo‑romain de Fourvière, 17 rue Cleberg, 69005 Lyon (tarif réduit : 4,5 €, plein tarif : 7 €). http://www.musees-gallo-romains.com/lyon_fourviereMusée gallo‑romain de Saint‑Romain‑en‑Gal (Vienne), Route départementale 502, 69560 Saint-Romain-en-Gal (tarif réduit : 2 €, plein tarif : 3 €).http://www.musees-gallo-romains.com/saint_romain_en_gal

L’Antiquité rêvéeL’exposition traite de la fiction cinématographique sur l’Antiquité, des origines du cinéma à nos jours. En pénétrant dans les coulisses du péplum, l’exposition s’attache à en révé-ler les multiples sources d’inspiration et les différents compo-sants. Elle en illustre l’idéologie en analysant les scénarii et leur traitement selon les pays et l’époque de production. Cette manifestation propose de passer « derrière les images » et de décrypter un genre cinématographique qui garde depuis plus d’un siècle les faveurs du public.

8 La Lettre de la Maison de l’Orient n° 40

LA LETTRE DE LA MAISON DE L’ORIENT(Association)

Directeur de la publication : Jean-Baptiste YonPAO : Nelly Kalaï

Maison de l’Orient et de la Méditerranée – Jean Pouilloux7, rue Raulin – 69007 Lyon

ISSN : 1245-4087Ce numéro a été imprimé à 250 exemplaires

Publications de la Maison de l’Orient

7, rue Raulin, F-69365 Lyon cedex 733 (0)4 72 71 58 26

Catalogue en ligne : http://www.mom.fr/publications

Les Hymnes de la Grèce antique. Approches littéraires et histori ques.Édité par R. Bouchon, P. Brillet-Dubois et N. Le Meur-Weissman, CMO 50, 2012.ISSN : 0151-7015ISBN : 978-2-35668-031-0

Route maritimes et systèmes d’échanges internationaux au Bronze récent en Méditerranée orientale.Par C. Sauvage, TMO 61, 2012.ISSN : 1955-4982ISBN : 978-2-35668-028-0

Caroline Sauvage

Routes MaRitiMes

et systèMes d’échanges

inteRnationaux

au bronze récent

en méditerranée orientale

travaux de la maiSon de l’orient et de la méditerranée n° 61

Parutions récentes aux Publications de la Maison de l’Orient

travaux de la maison de l’orient et de la méditerranée n° 62

sous la direction de Catherine abadie-reynal

Zeugma III

fouilles de l’habitat (2) la maison des synaristôsai

nouvelles insCriptions

Zeugma III. Fouilles de l’habitat (2) : la maison des Synaristôsai. Nouvelles inscriptions.Sous la direction de C. Abadie-Reynal, TMO 62, 2012.ISSN : 2259-4884ISBN : 978-2-35668-025-9

Les Publications de la MOM et de ses chercheurs

Hors publications Maison de l’Orient

Autour du Périple de la Mer Érythrée. Actes du colloque de Lyon, 13‑14 décembre 2010. Édité par M.-Fr. Boussac, J.-Fr. Salles et J.-B. Yon, Topoi supplément 11, 2012.ISSN : 1161-9473

Économies, sociétés et espaces en Alpe : la grotte des Balmes à Sollières‑Sardières (Savoie), du Néolithique moyen 2 à l’âge du Fer.Sous la direction de J. Vital, P. Benamour (+), H. Barge, J.-L. Brochier, R. Chemin, F. Convertini, S. Fudral, K. Lundström-Baudais (+), L. Martin, C. Olive, N. Provenzano, L. Serrières, S. Thiébault, É. Thirault, A. Vital. 2012.ISBN : 978-2-91-612506-0 ; 2-916125-06-X

L’Enfant et la mort dans l’Antiquité II. Types de tombes et traitement du corps des enfants dans l’antiquité gréco‑romaine, Actes de la table ronde interna tio nale organisée à Alexandrie, Centre d’Étu des Alexandrines, 12-14 novembre 2009.

Édité par M.-D. Nenna (CNRS-HiSoMA), 2012.ISBN : 978-2-11-128615-3

Le Laïc et le religieux dans l’huma‑nitaire. Sous la direction de J. Furniss (post-doc au Gremmo) et D. Meier, A contrario, revue interdisciplinaire de sciences sociales 18, 2012.ISBN : 978-2-94-051601-8