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del Día 1 Biennale du Cinéma Espagnol 14 e Sabores Phrase du jour : Proverbe : RECHERCHE ET CAPTURE DE FELIPE SANDOVAL Jueves 18 de Marzo 2010 N° 6 «Même si Mars se déguise en été, n’oublie pas le ciné ! » « En mi opinión, el cine no ha de produrcise únicamente en la pantalla sino también en la mente del espec- tador. » « Je pense que le cinéma ne doit pas se produire seulement sur l’écran, mais aussi et surtout dans la tête du spectateur. » Carlos Sorin. L’anarchisme, une tragédie ? A un enseignant à qui j’exposais il y a peu les idées novatrices de la CNT en matière d’enseignement, celui-ci répondit « Ah, les anarchistes, ces poseurs de bombe… que pourraient-ils nous dire de valable ? ». El honor de las injurias et l’exposition qui l’accompagne répond formidablement à ces clichés déplorables qui accompagnent le syndicalisme anarchiste depuis son apparition. Une occasion à ne pas manquer pour ceux qui ont malheureusement raté sur grand écran ce prix DeMon de la dernière biennale. Juan Felipe Sandoval incarne l’anarchisme espagnol du début du vingtième siècle pour lui donner un visage et surtout une âme. Nous adhérons à travers lui à l’espoir qu’a fait naître la gauche révolutionnaire dans une dictature à la botte de l’Eglise, de la grande bourgeoisie et de l’armée. Les photographies de l’exposition sont à la fois âpres et réalistes, rendant la misère comme l’exultation de la lutte dans leur grain mat. Mais elles ont aussi la beauté sublime de l’espoir puis de la tragédie, grâce à la qualité du tirage de Didier Devos. Les reproductions exposées de ces photos inédites d’une Espagne en guerre rendent à la fois la précision du moment historique et l’émotion de notre regard a posteriori sur une révolution manquée. En effet, ce qui reste à la fin de cette exposition est une impression désespérante de tragédie et d’espoir ba- foué. La foule de bras levés devient une foule de bras armés, puis une multitude de visages cernés derrière des barreaux, et une accumulation de corps ensanglantés à même la terre. La CNT, interdite, malmenée, opte pour l’illégalité et se fait Robin des bois à travers un Sandoval qui détrousse le bourgeois pour servir la révolution. La tragédie passe alors par l’épopée, et Carlos García-Alix sait nous faire vibrer avec les milliers de travailleurs exploités qui placent tous leurs espoirs dans cette révolution constamment avortée, constamment emprisonnée, torturée, mais toujours debout. L’idée anarchiste, ce rêve magnifique d’égalité et de respect, prend forme sous nos yeux, sans cesser de nous serrer le cœur. Les suicides sur lesquels s’ouvre le film reflètent bien le point de vue pessimiste de García-Alix, qui nous montre un mouvement précaire, vacillant, à l’image de son montage rapide, de son noir et blanc nostalgique, de ses splendides plans fugaces, mouvants, qui nous font ressentir physiquement l’existence instable de Juan Felipe Sandoval. Les images d’archives ne semblent pas fixes tant le montage est vigoureux, et les reconsti- tutions ne heurtent pas grâce à un parti pris résolument expressif : il ne s’agit pas de rejouer la vie de Sandoval, mais de restituer le climat oppressant d’une traque sans espoir. Ce pessimisme est le seul reproche qu’on puisse faire à cette superbe exposition et à ce magnifique do- cumentaire, qui n’insistent pas sur l’existence actuelle de la CNT et sur sa capacité à enrichir les débats sociaux, économiques, pédagogiques, écologiques, partout où on veut bien l’écouter. Rencontre avec Didier Devos : Didier Devos est le responsable du tirage photo Recherche et capture de Felipe Sandoval. Cette tâche était technique car il travaillait sur des archives qu’il n’était pas question de retoucher et de restaurer. La question essentielle était de restituer le document et l’émotion qui va avec. Il a fallu sélectionner les photos les plus explicatives envoyées par Carlos García-Alix, le réalisateur primé en 2008, travail mené en équipe avec la gra- phiste Diana Graf et Loïc Diaz-Ronda. Le choix s’est porté sur une progression chronologique, de l’Espagne avant-guerre jusqu’à la guerre civile, en passant par la République jusqu’à la terrible répression de la résistance, à Franco. Sandoval, figure essentielle du mouvement anarchiste, est au cœur de l’exposition et permet d’incarner une période très dure de terreur et d’horreur pour susciter l’émotion des spectateurs et les inciter à approfondir leur connaissance d’une période et d’un mouvement peu connus, voire dénigrés. Sabores del Dia 6.indd 1 18/03/10 12:17

Sabores Del Dia n°6

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Gazette de la 14 ème Biennale du cinéma espagnol d'Annecy 2010.

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del

Día

1

Biennale du Cinéma Espagnol14e

Sabores

Phrase du jour :

Proverbe : RECHERCHE ET CAPTURE DE FELIPE SANDOVAL

Jueves 18 de Marzo 2010 N° 6

«Même si Mars se déguise en été, n’oublie pas le ciné ! »

« En mi opinión, el cine no ha de produrcise únicamente en la pantalla sino también en la mente del espec-tador. » « Je pense que le cinéma ne doit pas se produire seulement sur l’écran, mais aussi et surtout dans la tête du spectateur. » Carlos Sorin.

L’anarchisme, une tragédie ?A un enseignant à qui j’exposais il y a peu les idées novatrices de la CNT en matière d’enseignement, celui-ci répondit « Ah, les anarchistes, ces poseurs de bombe… que pourraient-ils nous dire de valable ? ». El honor de las injurias et l’exposition qui l’accompagne répond formidablement à ces clichés déplorables qui accompagnent le syndicalisme anarchiste depuis son apparition. Une occasion à ne pas manquer pour ceux qui ont malheureusement raté sur grand écran ce prix DeMon de la dernière biennale. Juan Felipe Sandoval incarne l’anarchisme espagnol du début du vingtième siècle pour lui donner un visage et surtout une âme. Nous adhérons à travers lui à l’espoir qu’a fait naître la gauche révolutionnaire dans une dictature à la botte de l’Eglise, de la grande bourgeoisie et de l’armée. Les photographies de l’exposition sont à la fois âpres et réalistes, rendant la misère comme l’exultation de la lutte dans leur grain mat. Mais elles ont aussi la beauté sublime de l’espoir puis de la tragédie, grâce à la qualité du tirage de Didier Devos. Les reproductions exposées de ces photos inédites d’une Espagne en guerre rendent à la fois la précision du moment historique et l’émotion de notre regard a posteriori sur une révolution manquée. En effet, ce qui reste à la fin de cette exposition est une impression désespérante de tragédie et d’espoir ba-foué. La foule de bras levés devient une foule de bras armés, puis une multitude de visages cernés derrière des barreaux, et une accumulation de corps ensanglantés à même la terre. La CNT, interdite, malmenée, opte pour l’illégalité et se fait Robin des bois à travers un Sandoval qui détrousse le bourgeois pour servir la révolution. La tragédie passe alors par l’épopée, et Carlos García-Alix sait nous faire vibrer avec les milliers de travailleurs exploités qui placent tous leurs espoirs dans cette révolution constamment avortée, constamment emprisonnée, torturée, mais toujours debout. L’idée anarchiste, ce rêve magnifique d’égalité et de respect, prend forme sous nos yeux, sans cesser de nous serrer le cœur. Les suicides sur lesquels s’ouvre le film reflètent bien le point de vue pessimiste de García-Alix, qui nous montre un mouvement précaire, vacillant, à l’image de son montage rapide, de son noir et blanc nostalgique, de ses splendides plans fugaces, mouvants, qui nous font ressentir physiquement l’existence instable de Juan Felipe Sandoval. Les images d’archives ne semblent pas fixes tant le montage est vigoureux, et les reconsti-tutions ne heurtent pas grâce à un parti pris résolument expressif : il ne s’agit pas de rejouer la vie de Sandoval, mais de restituer le climat oppressant d’une traque sans espoir. Ce pessimisme est le seul reproche qu’on puisse faire à cette superbe exposition et à ce magnifique do-cumentaire, qui n’insistent pas sur l’existence actuelle de la CNT et sur sa capacité à enrichir les débats sociaux, économiques, pédagogiques, écologiques, partout où on veut bien l’écouter.Rencontre avec Didier Devos : Didier Devos est le responsable du tirage photo Recherche et capture de Felipe Sandoval. Cette tâche était technique car il travaillait sur des archives qu’il n’était pas question de retoucher et de restaurer. La question essentielle était de restituer le document et l’émotion qui va avec.Il a fallu sélectionner les photos les plus explicatives envoyées par Carlos García-Alix, le réalisateur primé en 2008, travail mené en équipe avec la gra-phiste Diana Graf et Loïc Diaz-Ronda. Le choix s’est porté sur une progression chronologique, de l’Espagne avant-guerre jusqu’à la guerre civile, en passant par la République jusqu’à la terrible répression de la résistance, à Franco.Sandoval, figure essentielle du mouvement anarchiste, est au cœur de l’exposition et permet d’incarner une période très dure de terreur et d’horreur pour susciter l’émotion des spectateurs et les inciter à approfondir leur connaissance d’une période et d’un mouvement peu connus, voire dénigrés.

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Une bonne raison pour voir...

ECHOSECHOS2

Boîtacritik

Coin de table

COORDONNEES DES SALLES & DES LIEUX PARTENAIRES

Bonlieu Scène nationale1, rue Jean Jaurès74 000 AnnecyTel : 04 50 33 44 11 www.bonlieu-annecy.comBus, 5, 6, 7, 8. Arrêt : Bonlieu.

Cinéma Les 4 Nemours22 Rue Sainte Claire74 000 AnnecyTel : 04 50 45 47 88 www.decavision.comBus : lignes 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 10. Arrêt Gare.

MJC NovelPlace Annapurna74 000 AnnecyTel : 04 50 09 68 35 www.mjc-novel.orgBus : ligne 5. Terminus Novel.

Cinéma La TurbinePlace ChorusRue de l’Arlequin74960 Cran-Gevrier04 50 46 18 34 www.laturbine-crangevrierBus : ligne 1. Arrêt Chorus.

Auditorium de Seynod27 Avenue Champ Fleuri74603 SeynodTel : 04 50 520 520 www.auditoriumseynod.comBus : ligne 5. Arrêt Seynod St Jean, Polynôme.

ArteppesPlace Rhododendrons74 000 AnnecyTel : 04 50 57 56 55Ligne 4. Arrêt : Plaine-Edelweiss.

Javier Rebollo, auteur de La mujer sin piano, avait réalisé un premier film franco-espagnol: Ce que je sais de Lola (2006). Les aventures de Léon, voyeur à ses heures, étaient incar-nées par Michaël Abiteboul, acteur aux airs d’Olivier Gourmet. Un film prometteur qui n’avait pas eu l’audience qu’il méritait.

Jaime Rosales est à l’affiche avec son troi-sième film Un tir dans la tête (2008), après La soledad et Les heures du jour ( pour le-quel il était venu à Annecy, en 2006). Film sans parole, sauf une injure, un parti pris qui étonne plus d’un spectateur ! L’histoire de trois membres de l’ETA qui flinguent deux policiers dans les Landes. Voilà un film qui fait écho avec l’actualité la plus brûlante, puisqu’un commando de l’ETA vient d’abattre un policier français en région parisienne.

Garbo, el espia et La mujer del anarquista

Aujourd’hui, 18 mars, est une journée qui occupe une place particulière dans la Biennale : elle sera entièrement consacrée à l’Histoire avec des rencontres, une conférence et des pro-jections dont Garbo, el espia et La mujer del anarquista.

Détrompez-vous, si vous entendez parler du rôle de Garbo pendant la seconde guerre mon-

diale, ne pensez pas tout de suite à Greta. Garbo était le nom de code de Juan Pujol, qui n’avait en commun avec la grande actrice que son don de comédien. Il était en réalité agent double pour le compte de l’Allemagne et ensuite de l’Angleterre. Sa carrière atteint son apogée le 6 Juin 1944 lors du débarquement en Normandie. En effet, pendant toute la du-rée de l’opération, Juan Pujol envoyait des messages aux Allemands leur confirmant que la Normandie n’était qu’une diversion et que le vrai débarquement se déroulerait dans le Pas de Calais. L’intérêt du documentaire d’Edmon Roch vient du mélange entre la réalité et la fiction. Effectivement, celui-ci se compose d’images d’archives de la seconde guerre mondiale, mais aussi d’extrait de films d’espionnages, et d’interviews contemporaines. En qualifiant son film de « comédie d’espionnage », le réalisateur dresse le portrait d’un homme drôle et exceptionnel, un véritable mythe.

L’autre film se rattachant à l’histoire de l’Espagne est réalisé par Marie Noëlle et Peter Sehr : La Mujer del Anarquista. Le film raconte une histoire d’amour passionnel entre un leader anarchiste est une femme en décalage avec son temps. A la fin de la guerre ci-vile espagnole, son amoureux et contraint d’émigrer. Ce n’est pas une simple histoire de guerre que nous racontent les réalisateurs ; la guerre ne sert que comme arrière-plan à la folle idylle amoureuse entre Manuela et Justo. Revenir sur cette période est une démarche indispensable pour un grand nombre d’espagnols afin d’expliquer les mensonges, panser les blessures du passé. Marie Noëlle elle-même a connu cette réalité avec une mère qui a grandi dans le Madrid de l’après-guerre et un père exilé en France.

Rencontre avec Cristian Magaloni

Acteur dans Ramírez

Les études de sociologie et de psychologie le prédestinent à jouer des rôles de psychopathe, d’autiste, de schizophrène…Acteur de théâtre au départ, il a été contacté par Albert Arizza pour ce premier rôle de psychopathe au cinéma, bien qu’il préfère les planches (au printemps prochain, il jouera le rôle d’un autiste).Interrogé sur le fonctionnement intérieur du serial killer qu’il interprète, il ex-plique que le film ne prétend pas raconter une histoire mais le quotidien mono-tone d’un jeune homme en manque de relations affectives. C’est le portrait d’un onaniste perturbé par une mère abusive qu’il a fuie, habité par une solitude qui

lui interdit de considérer tout humain autre que lui- même. Cela le conduit forcément à chercher à établir des contacts qui, mal-heureusement, s’avéreront fatals. Eprouve-t-il quelque chose lorsqu’il tue sauvagement ? « Non » dit-il, il éprouve au contraire un bien-être créé par la proximité avec l’autre. C’est une délivrance, un soulagement, la mort le rattache à la vie, mais sans jamais un sentiment de culpabilité. Les seuls moments de « tendresse » à peine visibles se passent en présence de María qui le rapproche de sa mère.Il nous confie qu’Arizza a utilisé deux caméras numériques pour un aspect plus sombre à l’écran et un grain particulier grâce à des objectifs traditionnels, à l’ancienne.Tous les « raccords cut » sont voulus, on suit le personnage à travers son point de vue uniquement et rien d’autre n’existe, seul Ramírez est important pour le réalisateur.Le jeu d’acteur de Cristian Magaloni est incroyable car il est seul pour porter le film et ce n’était pas facile … nous espérons le revoir bientôt au cinéma.

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Une bonne raison pour voir...

ECHOSECHOS3

Boîtacritik

Javier Rebollo, auteur de La mujer sin piano, avait réalisé un premier film franco-espagnol: Ce que je sais de Lola (2006). Les aventures de Léon, voyeur à ses heures, étaient incar-nées par Michaël Abiteboul, acteur aux airs d’Olivier Gourmet. Un film prometteur qui n’avait pas eu l’audience qu’il méritait.

Jaime Rosales est à l’affiche avec son troi-sième film Un tir dans la tête (2008), après La soledad et Les heures du jour ( pour le-quel il était venu à Annecy, en 2006). Film sans parole, sauf une injure, un parti pris qui étonne plus d’un spectateur ! L’histoire de trois membres de l’ETA qui flinguent deux policiers dans les Landes. Voilà un film qui fait écho avec l’actualité la plus brûlante, puisqu’un commando de l’ETA vient d’abattre un policier français en région parisienne.

A noter, pour les admirateurs du cinéma contemplatif et silencieux, C’est ici que je vis de Marc Recha, auteur catalan de référence, dont Les mains vides avait été sélectionné à Cannes, dans Un certain regard, en 2003 . Petit écho dans les échos : Olivier Gourmet joue dans Les mains vides.

Ce soir, à 18h, Salle Pierre Martin, au siège du Conseil Général près de la Préfecture, conférence de Evelyn Mesquida, journaliste écrivain. L’histoire de La Nueve, sujet de son dernier livre éponyme, sera relatée et commentée. La Nueve, composée de Résistants espagnols, faisait partie de la 2ème DB de Leclerc qui libéra Paris le 24 août 1944. Un moment in-dispensable dans cette journée de Biennale dédiée à l’histoire.

Le Café des Arts blindé de monde hier soir, dedans dehors, au bord du Thiou. Un concert de musique métissée de Jungle Julia. Et quelques beaux passages de chansons hispa-nisantes avec une reprise de La Bamba et surtout des clins d’œil à Lhassa, mé-lodies réé-coutées avec b e a u c o u p d’émotion.

Garbo, el espia et La mujer del anarquista

Aujourd’hui, 18 mars, est une journée qui occupe une place particulière dans la Biennale : elle sera entièrement consacrée à l’Histoire avec des rencontres, une conférence et des pro-jections dont Garbo, el espia et La mujer del anarquista.

Détrompez-vous, si vous entendez parler du rôle de Garbo pendant la seconde guerre mon-

diale, ne pensez pas tout de suite à Greta. Garbo était le nom de code de Juan Pujol, qui n’avait en commun avec la grande actrice que son don de comédien. Il était en réalité agent double pour le compte de l’Allemagne et ensuite de l’Angleterre. Sa carrière atteint son apogée le 6 Juin 1944 lors du débarquement en Normandie. En effet, pendant toute la du-rée de l’opération, Juan Pujol envoyait des messages aux Allemands leur confirmant que la Normandie n’était qu’une diversion et que le vrai débarquement se déroulerait dans le Pas de Calais. L’intérêt du documentaire d’Edmon Roch vient du mélange entre la réalité et la fiction. Effectivement, celui-ci se compose d’images d’archives de la seconde guerre mondiale, mais aussi d’extrait de films d’espionnages, et d’interviews contemporaines. En qualifiant son film de « comédie d’espionnage », le réalisateur dresse le portrait d’un homme drôle et exceptionnel, un véritable mythe.

L’autre film se rattachant à l’histoire de l’Espagne est réalisé par Marie Noëlle et Peter Sehr : La Mujer del Anarquista. Le film raconte une histoire d’amour passionnel entre un leader anarchiste est une femme en décalage avec son temps. A la fin de la guerre ci-vile espagnole, son amoureux et contraint d’émigrer. Ce n’est pas une simple histoire de guerre que nous racontent les réalisateurs ; la guerre ne sert que comme arrière-plan à la folle idylle amoureuse entre Manuela et Justo. Revenir sur cette période est une démarche indispensable pour un grand nombre d’espagnols afin d’expliquer les mensonges, panser les blessures du passé. Marie Noëlle elle-même a connu cette réalité avec une mère qui a grandi dans le Madrid de l’après-guerre et un père exilé en France.

RAMIREZ

...es un buen hombre.Ce jeune homme ne fume pas, ne boit pas,

ou peu, ne se drogue pas, fait du sport...Ah oui ! Zut ! Il y a quand même un pro-

blème, Ramirez est un névrotique, un psycho-pathe en puissance… Son passe-temps pré-féré, à part bien sûr dealer de la cocaïne, c’est de tuer. Des femmes de préférence. Mais bon, excusez-le, il a des vocations artistiques ce jeune. Il espère un jour percer dans la photo et propose donc à la tante d’un ami junkie d’ex-poser dans sa galerie… les photos de ces pros-tituées qu’il tue après une passe rapide (sic).

Bref, on peut légitimement se demander ce que veut exprimer ce film qui montre un jeune homme malsain tuant et revendant de la coke à tout va, qui, dans une scène ridicule, se prend sérieusement pour un artiste (je lui donne trois secondes avant que les flics ne fassent une descente dans la galerie pour l’arrêter) et qui dans un finale plus qu’énigmatique, s’enfuit déguisé, ironie du sort, en femme…

Bref, quand je veux du sor-dide, une histoire crue et sale, je lis les faits divers dans le journal, je ne vais pas au ci-néma.

Néanmoins, si Ramirez a bien une force, c’est celle de ses acteurs, terriblement cré-dibles et d’autant plus déran-geants...

Rien n’explique le débor-dement pulsionnel du prota-goniste, qui paraît insensible.

Pourtant, le ‘héros’ peut vaciller, hésiter. Face à Maria, la fille qui s’occupe de sa mère, pour qui il ressent quelque chose... Du coup le film décolle, dès que Ramirez perd le contrôle de ses sentiments, et fait perdre au film la ligne que le spectateur croyait définitivement tracée.

Enfin, le film a un certain mérite d’avoir, avec un si petit budget (50 000€) et une ca-méra DV, fait de si beaux plans, contrastés, sombres, désincarnés, utilisant la puissance de la longue focale.

EL ULTIMO CUPLE

Le film retrace la gloire et la décadence de Maria Lujan, star du « cuplé », chansons populaires très en vogue en Espagne avant la seconde guerre mondiale. Cette star, qui connut une popularité internationale dans les années 20, est portée à l’écran par une autre star, du cinéma cette fois, Sara Montiel, « La Montiel », comme on l’appelait alors.

Grandeur et décadence d’une star, ruinée par tout ce qui peut ruiner la vie d’une star. Tout cela pourrait faire un film comme on en a vus de nombreux, évoque le destin d’autres stars de la chanson populaire, elles aussi por-tées à l’écran . Du « déjà vu », donc, même si le film, réalisé en 1957, a précédé les autres .

Pourtant, en dépit de certains aspects que l’on pourrait juger « kitsch » aujourd’hui dans

l’usage appuyé des effets de lumière et des strass, le film est porté par la forte présence de Sara Montiel, qui envahit littéralement l’écran et la bande son : les chansons, elles, ne vieillis-sent pas . Autre chose, en-core relativement rare à l’époque, est la construction du film, qui recourt au flash back pour raconter son his-toire. Tout cela fait que les « défauts » mêmes du film contribuent à lui donner un charme très fort, celui que l’on ressent en écoutant ces

vieilles chansons, dont les effets ampoulés nous font rire et continuent cependant de nous émouvoir…

UN BUEN HOMBRE

Un buen hombre réalisé par Juan Martinez Moreno, est l’histoire d’un homme, honnête, qui croit aux valeurs, mais se rendra compte par la suite que tout n’est pas « blanc ou noir ». Le personnage principal de ce thriller, Vicente, surprend malgré lui son meilleur ami et supérieur hiérarchique, Fer-nando, assassiner sa femme. Ce film met en scène la descente aux enfers de Vicente, tor-turé par la culpabilité: deux options s’offrent à lui, dénoncer Fernando devenu criminel ou le couvrir et ainsi devenir complice. Pour se défendre les deux personnages devront aller jusqu’au bout de leurs mensonges au péril de leur vie privée. Vicente en trahissant les prin-cipes de valeurs qui étaient les siennes, s’ef-fraye de l’homme qu’il est devenu.

Le réalisateur arrive parfaitement à nous faire ressentir le mal-être et l’enfermement de ce personnage dans son mensonge.

Ce thriller nous donne une vision très réaliste qui touche notre conscience. En re-vanche, la peur et l’angoisse ne parviennent pas jusqu’à nous. La caméra est le plus sou-vent immobile au point que certaines scènes peuvent créer un malaise chez le spectateur.

Finalement, ce film sur le bien et le mal, ne nous impose aucune morale mais cherche à nous montrer qu’il n’y a pas de limite nette entre l’un et l’autre puisqu’il est toujours diffi-cile de juger un acte criminel.

Rencontre avec Cristian Magaloni

Acteur dans Ramírez

Les études de sociologie et de psychologie le prédestinent à jouer des rôles de psychopathe, d’autiste, de schizophrène…Acteur de théâtre au départ, il a été contacté par Albert Arizza pour ce premier rôle de psychopathe au cinéma, bien qu’il préfère les planches (au printemps prochain, il jouera le rôle d’un autiste).Interrogé sur le fonctionnement intérieur du serial killer qu’il interprète, il ex-plique que le film ne prétend pas raconter une histoire mais le quotidien mono-tone d’un jeune homme en manque de relations affectives. C’est le portrait d’un onaniste perturbé par une mère abusive qu’il a fuie, habité par une solitude qui

lui interdit de considérer tout humain autre que lui- même. Cela le conduit forcément à chercher à établir des contacts qui, mal-heureusement, s’avéreront fatals. Eprouve-t-il quelque chose lorsqu’il tue sauvagement ? « Non » dit-il, il éprouve au contraire un bien-être créé par la proximité avec l’autre. C’est une délivrance, un soulagement, la mort le rattache à la vie, mais sans jamais un sentiment de culpabilité. Les seuls moments de « tendresse » à peine visibles se passent en présence de María qui le rapproche de sa mère.Il nous confie qu’Arizza a utilisé deux caméras numériques pour un aspect plus sombre à l’écran et un grain particulier grâce à des objectifs traditionnels, à l’ancienne.Tous les « raccords cut » sont voulus, on suit le personnage à travers son point de vue uniquement et rien d’autre n’existe, seul Ramírez est important pour le réalisateur.Le jeu d’acteur de Cristian Magaloni est incroyable car il est seul pour porter le film et ce n’était pas facile … nous espérons le revoir bientôt au cinéma.

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PortraitChinoisCinéExpress Tapis Rouge

BSN Petite Salle16h30 : Garbo: El espia 

de Edmon Roch18h30 : Les dues vides d’andres 

Rabadan de Ventura Durall21h : La mujer del anarquista

de Marie Noëlle & Peter Sehr

Les 4 Nemours14h : La mujer sin piano 

de Juan Manuel de Javier Rebollo16h45 : El truco del manco 

de Santiago A. Zannou19h : Un buen hombre de Juan Martinez Moreno 21h30 : Pagafantas 

de Borga Cobeaga

La Turbine16h : Megaton ye-ye 

de Jesus Yagüe18h30 : Tres dies amb la fami-

lia de Mar Coll21h : Ramirez de Albert Arizza

MJC Novel16h : Flores de luna 

de Juan Vincente Cordoba18h30 : C’est ici que je vis

de Marc Recha20h45 : Un tir dans la tête 

de Jaime Rosales

Auditorium de Seynod16h : Bienvenido a Farewell-Gutmann de Xavi Puebla18h30 : Familystrip 

de Luis Miñarro20h30 : El último cuplé 

de Juan de Orduña

L’équipe de SaboreS deL día : Maquette : Jules GARREAU rédaction : Terminales « Cinéma Audio-visuel » du lycée Gabriel Fauré, à Annecy : Yuna DE MEO, Fanny DUPERIER, Laurine DUSSOLIET-BERTHOD, Audrey GALLACIO, Johanna GONZALEZ, Orianne JACQUIER, Amélie LASSALLE-RAMBES, Clara LAVIGNE, Chloé MIGNON, Elodie MUFFAT-MERIDOL,

Adélie NEGRE, Laura PARCHET, Mathilde RASTELLO, Manon REYNAUD, Camille SAYOUS, Laurie-Anne THEVENOT, Mélanie VINCETTE, Manon VIGLINO, Elise LUCIANI. profeSSeurS : emmanuel DELESSERT, Caroline DU CREST DE VILLENEUVE, Perrine LAMY-QUIQUE.

Lycée Gabriel Fauré

Quoi faire ?

Arme : Arma Armée : Ejercito Combattre : Luchar contra / CombatirAnarchiste : Anarquista Idéologie : Ideología  Occupation : OcupacíónLibération : LiberaciónMémoire : MemoriaAprès-guerre : Postguerra  Soldat : Soldado

Charlotte Garcia

Assistante du Délégué Gé-

néralCheville (ou-vrière) et bras

(droit)

Un baiser de cinéma : hier soir, au NemoursUn navet : difficile de choisir, il y en a tropUn héros de film d’animation : la lineaQuelqu’un : MozartUn artiste espagnol : Joán MiróUn fruit : la fraiseUn bruit : PLOCUne scène d’horreur : qu’on mange mon dernier carreau de chocoletUn coin d’Espagne : l’Andalousie, coup de cœur pour GrenadeUn genre cinématographique : tous, sauf le goreUn dicton : « Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles » Oscar WildeUn sentiment : la peurUn mot : caracolUne partie du corps : les mainsUn des cinq éléments : l’airUn plat espagnol : pan con tomate : simple, une valeur sûreUne danse : le flamenco, pour sa beauté bruteUn animal : le chatUn acteur, une actrice de cinéma : Natasia Kinski et Harry Dean Stanton dans Paris Texas.

L’Association pour la Diffusion de la Culture Hispa-nique est l’organisatrice de la Biennale. Elle programme aussi la manifestation images Hispano-américaines, avec l’appui amical de l’association Plan Large. Fondée en 1982, par Raoul Rodriguez, professeur d’es-pagnol, inlassable militant de ce qu’on nommait « éduca-tion populaire », pour donner à découvrir le cinéma espa-gnol à Annecy. Elle a d’abord occupé l’écran de la défunte MJC des Marquisats, dans le mouvement vivace de cinéphilie et de militantisme culturel qui animait Annecy. L’ADCH a regroupé les te-nants de l’action culturelle (dont beaucoup de profs et les habitants de l’agglomération venus de l’immigration espagnole). Aujourd’hui, sous la Présidence de Georges Alvarez, prof d’espagnol éminent, succédant à Jacqueline Le-françois non moins éminente, l’ADCH a ce mérite ori-ginal de mêler les médiateurs de la culture et les témoins du passé de l’Espagne et de la présence à Annecy d’une communauté active. Ainsi, la Biennale a toujours cet ancrage dans le terreau de l’Espagne, sans trop d’es-pagnolades. Les Résistants espagnols survivants, les familles fières de renouer avec leur culture, les mères expertes en tortillas mais curieuses du cinéma côtoient leurs semblables, ceux qui sont souvent vus comme plus intellos, dont l’emprise des codes sociaux tend pourtant à les séparer.Il y a peu d’associations qui apparaissent aussi sou-cieuses de préserver l’intégrité et la diversité de sa com-position. Bien sûr, il faut professionnaliser. L’ADCH embauche donc : une délégué général, des assistantes. Mais ni Loïc Diaz-Ronda, ni Charlotte Garcia, indis-pensable et incollable, ni Myriam Benkhedimallah, po-lyvalente suractive au casier associatif chargé, ne restent à l’écart des préoccupations des adhérents. La Biennale est l’affaire de tous. Et cela se sent, se voit. Il y a comme une ambiance d’amitié, un partage, qui effacent vite les accès de stress, les petits empêchements avec les autres.

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