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SARA MONTIEL LE CORPS MYTHIQUE JEAN-CLAUDE SEGUIN Université de St Etienne 1946 : Nita interviewe Henri Napoléon. Sensible aux charmes de la jeune femme, ce deier lui lance : «Usted tampoco va muy vestida» 1 . Août 1991 : La revue Pronto fait sa une sur: El desnudo de Sara Montiel sin trampa ni carton. Plusieurs photos nous offrent la poitrine dénudée de l'acice 2 . Presque un demi-siècle pour pouvoir enfin mettre à nu ce que des milliers de paires d'yeux avides avaient - faute de mieux - recréé par la pensée pendant plusieurs décennies. Mais hélas, le temps est aussi cruel que la revue qui commente: «Pero, aunque no lo parezca, la edad no entiende de mitos, ni de estrellas del celuloide, ni de grandes divas. Los afios no pasan en balde para nadie y si bien es cierto que Sara, Antonia para los amigos, sabe lucir lo que es y lo que fue con ese !. Dans le film de Gonzalo Delgrâs, El misterioso viajero del Clipper (1946). 2. Outre une série de photo, Korpa signe un article dans Pronto du 17 août 1991. HISP. XX - 9 - 1992 301

SARA MONTIEL LE CORPS MYTHIQUE JEAN-CLAUDE SEGUIN … · 2018-03-02 · Sara Montiel : le corps mythique en marge qui joue de ses charmes pour parvenir à ses fins. Dans Mariana Rebull

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Page 1: SARA MONTIEL LE CORPS MYTHIQUE JEAN-CLAUDE SEGUIN … · 2018-03-02 · Sara Montiel : le corps mythique en marge qui joue de ses charmes pour parvenir à ses fins. Dans Mariana Rebull

SARA MONTIEL LE CORPS MYTHIQUE

JEAN-CLAUDE SEGUIN

Université de St Etienne

1946 : Nita interviewe Henri Napoléon. Sensible aux charmes de

la jeune femme, ce dernier lui lance : «Usted tampoco va muy

vestida»1.

Août 1991 : La revue Pronto fait sa une sur: El desnudo de Sara

Montiel sin trampa ni carton. Plusieurs photos nous offrent la poitrine

dénudée de l'actrice2.

Presque un demi-siècle pour pouvoir enfin mettre à nu ce que des

milliers de paires d'yeux avides avaient - faute de mieux - recréé par la

pensée pendant plusieurs décennies. Mais hélas, le temps est aussi

cruel que la revue qui commente : «Pero, aunque no lo parezca, la edad

no entiende de mitos, ni de estrellas del celuloide, ni de grandes divas.

Los afios no pasan en balde para nadie y si bien es cierto que Sara,

Antonia para los amigos, sabe lucir lo que es y lo que fue con ese

!. Dans le film de Gonzalo Delgrâs, El misterioso viajero del Clipper (1946).

2. Outre une série de photo, Korpa signe un article dans Pronto du 17 août 1991.

HISP. XX - 9 - 1992 301

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Jean-Claude SEGUIN

estilo que solo ella tiene, también el transcurrir del tiempo se ha dejado

sentir en su escultural naturaleza» 1.

Maria Antonia Alejandra Vicenta Isidora Elpidia Abad Fernandez,

alias Sara Montiel, est née le 10 mars 1928 (ou 1925 ?) à Campo de

Criptana dans la province de Ciudad Real2.Tout comme Joselito, autre

grand mythe du cinéma espagnol, Sara Montiel est issue d'une famille

pauvre : «Mi hermana y yo fbamos a robar patatas para poder corner.

En casa me tocaba leerle el peri6dico a mi padre. De esta forma, poco a

poco, aprendi a leer. Pero, l,Sabes?, la vida me ha ensefiado

muchisimo, tanto coma las escuelas»3.

Après un bref parcours sur sa carrière, nous nous sommes attaché à

analyser la place tenue par les chansons dans les films de Sarita

Montiel et les relations qu'elles entretiennent avec le spectateur.

UNE CARRIERE A QUATRE TEMPS

De 1944 à 1975, Sara - Sarita - Montiel a tourné 48 films ce qui

ne constitue pas réellement un record. On s'accorde généralement à voir

quatre étapes dans cette carrière : l'étape espagnole pendant laquelle

l'actrice multiplie les seconds rôles, les années mexicaines où elle tient

très souvent la vedette, le passage bref mais fondamental par

Hollywood et enfin l'époque de la splendeur avec son retour en

Espagne en 1957.

Il serait vain d'aller chercher, dans les seize premiers films, que

Sarita Montiel tourne en Espagne, une continuité dans les

interprétations qui lui sont proposées ; toutefois, il est intéressant de

remarquer que certains rôles, plus à sa mesure, commencent à

construire un type de personnage : la Nita de El misterioso viajero del

Clipper, la fille du gouverneur de Bambu, Elena dans Confidencia4,

Antonia, choriste dans Vidas confusas, Aldara dans Locura de amor et

la courtisane de Pequeneces esquissent le portrait d'une femme souvent

1. Korpa, Pronto, 1006, 17 août 1991, p. 4-5.

2. Dans la même province, quelques années plus tard, devait naître Pedro

Almodovar avec lequel Sara Montiel a eu un projet de film qui n'a jamais abouti.

3. Centro Espaiiol de Estudios Cinematograficos, Sara Montiel, Revue Cine y

mas, 75, mars 1991, p. 100.

4. Fray Mauricio de Begoiia, censeur de l'époque, exigea que des mesures fussent

prises au sujet de la tenue que Sarita Montiel portait sur la plage : «hay ligereza de

ropa por parte de la protagonista».

302 HISP. XX - 9 - 1992

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Sara Montiel : le corps mythique

en marge qui joue de ses charmes pour parvenir à ses fins. Dans

Mariana Rebull (1947) de José Luis Sâenz de Heredia - une adaptation

très subtile de deux romans, Mariana Rebull et El viudo Rius - Sarita

Montiel interprète un cuplé annonciateur des succès à venir. Le cinéma

espagnol et ses multiples censures n'offrent plus à Sarita Montiel les

rôles qu'elle souhaite. En outre, le début des années 50 - marqué par

l'apparition d'un courant néoréaliste espagnol et d'une progressive

mainmise des autorités ecclésiastiques sur le cinéma - ne sont guère

proprices à l'épanouissement actoriel de Sarita Montiel.

Le cinéma mexicain des années cinquante est particulièrement riche

(Luis Buiiuel ou Emilio Femandez) et libéral. Sarita Montiel va y

tourner treize films dont la plupart sont de merveilleux mélodrames

(Carcel de mujeres, Piel canela ou Cuando se quiere de veras) où

l'actrice peaufine ses rôles de fille perdue et partage la vedette avec

Pedro Infante, le grand chanteur mexicain dans Necesito dinera, jAh[

viene Mart(n Corona! et jVuelve Mart(n Corona! Le film Carcel de

mujeres, adapté pour le cinéma par Max Aub, est emblématique de

cette carrière mexicaine.

Evangelina, accusée du meurtre d'un certain Alberto, est

emprisonnée. Elle fait la connaissance de Dora (Sarita Montiel),

maîtresse de feu Alberto, qui cherche à se venger d'Evangelina. Dora,

enceinte, met au monde un enfant que Petrona, une prisionnière à moitié folle, dérobe. Evangelina parvient à arracher l'enfant des bras de

Petrona qui est sur le point de le lancer du haut d'un escalier.

Réconciliation entre les deux femmes. Révolte des femmes dans la

prison et tentative d'évasion qui se solde par le décès, entre autres, de

Dora. Cette dernière, dans un dernier soupir, avoue sa culpabilité dans

l'assassinat d'Alberto et confie son fils à Evangelina et à son mari

Julio.

Sarita Montiel va poursuivre sa carrière aux U.S.A., à «Jodibud»

(Hollywood) chose remarquable pour une actrice espagnole. Elle

épouse le grand metteur en scène Anthony Mann et tourne trois films :

Veracruz (1954) de Robert Aldrich, Serenade (1955) d'Anthony Mann

et Run of the Arrow (1957) sous la directioa de Samuel Fuller. Par

trois fois, elle incarne des rôles très typés et a l'occasion de côtoyer

ainsi Gary Cooper, Burt Lancaster, Mario Lanza, Joan Fontaine,

Vincent Price, Rod Steiger et Charles Bronson. Cette brève carrière

américaine précède son retour en Espagne en 1957 où elle va tourner

les films qui feront d'elle un véritable mythe.

HISP. XX - 9 - 1992 303

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Jean-Claude SEGUIN

EL ULTIMO CUPLE DE MARIA LUJAN

Depuis ses origines, le cinéma espagnol a toujours eu un fort

penchant pour le musical ; c'est ainsi que les zarzuelas triomphèrent au

temps du muet. Après la guerre civile, le régime franquiste encouragea

un cinéma où l'image de l'Espagne se confondait le plus souvent avec

celle d'une Andalousie baignant dans un flamenco qui tenait plus de la

sevillana que du canto jondo. Qu'il s'agisse de Juanita Reina, de

Paquita Rico ou -dans une moindre mesure- de Conchita Piquer, le

cinéma exploitait la veine folklorique et faisait de la copia la chanson

espagnole par excellence1• Tous ces films aux limites extrêmement

définies renvoyaient une image immaculée de l'Espagne franquiste. Par

ailleurs, la fin des années cinquante constitue une des périodes les plus

sombres du cinéma espagnol ; en effet, après les tentatives néoréalistes

des années 1951-1953, après les premières oeuvres de Bardem et

Berlanga, le cinéma espagnol, muselé par une censure tatillonne

plongea dans une léthargie de laquelle seuls quelques metteurs en scène

singuliers (Fernando Fernan-G6mez ou Carlos Saura) parvinrent à

l'extraire.

C'est dans un tel contexte que va naître El ultimo cuplé. Le film

faillit ne jamais voir le jour ; en effet, personne, pas même son

réalisateur, Juan de Ordufia, ne croyait en lui. Ce dernier devait

d'ailleurs déclarer quelques années plus tard:

.... (El ultimo cuplé se rod6) con préstamos de amigos y parientes. Fue, ademâs, la unica vez en mi vida de productor que, en lugar de acordar una garantia con la distribuidora, vendf la pelfcula por un plato de lentejas, pensando que hubiera podido ganar uno o dos millones si la pelfcula funcionaba bien. Y o no creia en ella y la compr6 Cifesa a la fuerza. Dio mas de cien millones ... 2

1. Le genre avait déjà eu son heure de gloire sous la République, et des artistes

tels que Miguel de Molina ou Angelillo - qui devaient l'un et l'autre fuir l'Espagne -

en devinrent les chantres.

2. Antonio Castro,. El cine espaiiol en el banquillo, Valencia : Fernando Torres

Editor, 1974, p. 298.

304 HISP. XX - 9 - /992

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Sara Montiel : le corps mythique

Pourtant, il s'agit d'un véritable phénomène qui fera de Sarita Montiel une star. El ultimo cuplé resta à l'affiche à Madrid pendant plus d'un an et relança un genre musical oublié le cuplé.

Maria Lujan, cupletista, revoit le film de sa vie en un long flash­back. Elle a eu de nombreux amants. Elle délaisse son premier fiancé Candido (un horloger) sur les conseils de son impresario Juan ; un prince russe s'éprend de la belle espagnole ; Pepe, le torero, est tué dans les arènes ... De déchéance en déchéance, Marfa Lujan poursuit sa vie tumultueuse. Un jour pourtant, Juan la retrouve et organise pour elle un grand hommage au cours duquel elle chante son dernier cuplé.

Juan de Ordufia hésite sans cesse entre la condamnation moralisatrice et la fascination pour son interprète. C'est pourtant bien Sarita Montiel qui tire son épingle du jeu. Certaines scènes nous amènent à bien comprendre comment fonctionne l'intrusion de l'actrice dans l'univers filmique. Ainsi la première séquence permet au réalisateur de jouer sur deux tableaux : le rideau d'un théâtre se lève et une voix off annonce que l'on va nous conter l'histoire d'une célèbre cupletista, Marfa Lujan. Juan de Ordufia construit sa fiction sur une autre fiction (le théâtre dans le cinéma) et glisse ainsi une distance entre la voix narratrice (sa propre voix, d'ailleurs) et le spectacle. Le film se termine à l'envers avec un rideau qui retombe sur une scène. Cette mise en scène fort classique acquiert pourtant ici un sens tout spécifique : dès le premier instant un jeu s'organise autour d'une «perception distanciée» : le rideau «déchiré» c'est bien entendu l'oeil du spectateur qui s'ouvre', ce même oeil qui quelques instants plus tard découvre Sarita Montiel de dos, se refusant ainsi au regard du spectateur. Dernier avertissement, Sarita Montiel prévient : "No soy apta para menores". En trois temps, Juan de Ordufia construit une stratégie narrative qui désormais poursuivra Sarita Montiel. Toute la force du récit consiste à jouer sans cesse sur le trinôme : désir/refoulement-frustration/identification. Or, le lieu privilégié de la résolution du conflit est le cuplé. La presque totalité des chansons interprétées, et par conséquent les cuplés, s'inscrivent dans le film en «décrochement». Les airs sont chantés devant un public diégétisé qui se trouve être à la fois spectateur et destinataire. Spectateur il l'est au

1. Dans une métaphore semblable, Luis Buiiuel exigeait du spectateur du Chien

andalou de changer son regard, de voir autrement.

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Jean-Claude SEGUIN

même titre que le loup avérien du Petit chaperon rouge1 et le choix, au début du film, du Molino de Barcelone est particulièrement judicieux, ce voyeur devient soudain le «vu» du cuplé. Avec une remarquable régularité, les chansons interprétées par Sarita Montiel parlent à la premier personne, l'actrice prend ainsi en charge le je-narrateur et le fait chair. Le public diégétisé devient - ou peut alors devenir - le réceptacle idéal, parfois même la diégétisation des cuplés est telle que le destinataire est expressément désigné

Acabo de acariciarte.

No pierdo las esperanzas ...

Con el tiempo y un ganchillo,

mi vida,

hasta las verdes se alcanzan.

Ven, y ven, y ven,

chiquillo, vente conmigo.

No quiero para pegarte,

mi vida,

ya sabes "pa" lo que digo.

Porque canto el « Ven y ven»

se enfadan muchas esposas,

de que luego sus maridos,

mi vida,

en casa las llamen sosas.

Ven, y ven, y ven ...

L'inclusion diégétique est un procédé habituel dans le film ; la chanson Fumando espero est ainsi introduite par un dialogue entre deux vieilles femmes qui critiquent Maria Lujan parce qu'elle fume en public. La confusion entre cuplé et récit devient extrême avec la passion de la cupletista pour Pedro; par deux fois, Sarita Montiel l'inclut dans ses chansons : Le vi por la calle et Ya sé que vas

pregonando dont les vers suivants donnent une idée assez juste :

Sus ojos en mi

se fijaron con tal fuerza en el mirar,

1. Sans oublier la scandaleuse Betty Boop dont Sarita Montiel emprunte au

moins les rondeurs.

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et

Sara Montiel : le corps mythique

que entonces senti

una cosa muy dificil de explicar.

j Qué poco te acuerdas

de las veces que has ido rogando

que yo te quisiera!

jQué poco hablas de ello!

Haces bien, como que es cosa de hombres,

y tu no eres eso.

Y no es que me importe

el haberte querfo,

que limosna también se da a un pobre,

y tu, pobre has sfo.

A ces deux interprétations, il faut évidemment ajouter celle du très

célèbre El relicario. La position du spectateur du film devient dès lors

particulièrement ambiguë : non destinataire du cuplé, il est pourtant en

position de complice ce qui lui confère un avantage sur le spectateur

diégétisé : son savoir est plus vaste et il tisse ainsi un lien étroit avec

Sarita Montiel, il devient son intime et il est le seul au bout du

compte à ne jamais être trahi par la vedette ; cette dernière confirme

d'ailleurs cette assertion lorsqu'elle dit à son impresario

Juan, vives entre artistas, pero no puedes sentir como

ellos. Somos como una llama que hay que alimentar para que

no se apague. Y ahora que empezaba a tener miedo de que el

brillo del nombre de Marîa Lujan fuera apagandose, llega a

mi esta ilusi6n para decirme: si estas empezando otra vez,

si aun te queda mucho camino ...

Avec une régularité suspecte le metteur en scène multiplie les

plans poitrine ; jamais plan n'aura mieux porté son nom, tant il est

vrai que la caméra joue d'une façon particulièrement indécente du

champ/hors-champ. Tout n'est que variation infinie sur une caméra

hésitation qui redouble de caresses d'une manière toute délicieuse sur

les seins montiéliens, caresses/hommages qui ne sont que ceux dont

sont continuellement frustrés les spectateurs. Mais la construction est

en même temps plus subtile : si le réceptable/destinataire de la

chanson est un personnage de la diégèse, la caméra réduit la distance

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Jean-Claude SEGUIN

entre espace de la diégèse et espace spectatoriel et fait du spectateur le

complice de Sarita Montiel.

Le retour de Sarita Montiel fut fracassant et la censure classa le

film dans la catégorie 3-R (mayores con reparo). Fernando Méndez

Leite rapporte une anecdote particulièrement cocasse : un prince russe

prénommé Vladimiro se sentit visé lorsque le personnage, prénommé

également Vladimiro, prenait à bras-le-corps la jolie Sarita ; sa colère

fut telle qui fit en sorte que les mots «russe» et « Vladimiro»

disparussent de la bande sonore. Cette histoire singulière fut à l'origine

d'une comédie humoristique, El pleito del ultimo cuplé. Le succès du

film fut tel qu'il entraîna dans son sillage toute une kyrielle de films de

cuplés qui envahiront les écrans espagnols : l'essentiel de l'oeuvre à

venir de Sarita Montiel va désormais tourner autour du cuplé. Mais

elle ne fut pas la seule à s'engouffrer dans la brèche ouverte par El

ultimo cuplé : Marujita Diaz, Carmen Sevilla ou Mikaela vont tourner

de nombreux films de cuplés . Si la plupart de ces films ne présentent

que peu d'intérêt, certains parviennent à se hisser à un niveau

acceptable ce qui est le cas du dyptique de Jestis Franco : La reina del

Tabarfn (1960) et Vampiresas 1930 (1960).

LA VIOLETERA ET LES AUTRES

C'est sur un schéma assez voisin que Luis César Amadori fait

tourner Sarita Montiel dans La violetera. En réalité, les ingrédients

sont les mêmes et le répertoire reste essentiellement celui du cuplé

mais un certain glissement s'effectue puisque certains airs plus

andalous apparaissent dans l'oeuvre. Le film obtint à son tour un grand

succès et Terence Moix évoque avec humour les réactions du public de

l'époque:

308

La participaci6n del pueblo en las ficciones era intensa y bien repartida. Todavia en 1957, durante la proyecci6n de La Violetera en un cine de lujo, los partidarios de la acreditada bondad de Sarita Montiel la pregonaban no mediante el elogio de su virtud, sino a través del insulto a quienquiera que pretendiese herirla o siquiera faltarle. Asf, cuando el marques6n Raf Vallone se vefa obligado a abandonar a la humilde florista por motivos que la casta impone, se oian voces que le gritaban «Sinvergüenza, mal hombre, soplapollas». Y cuando la condesa Ana Mariscal, después de observar despectivamente el escote de Sarita, la

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Sara Montiel : le corps mythique

humillaba con un des plante famoso ( « Yo no veo aqui a ninguna sefiora») un coro indignado exclamaba: «cerda, alcahueta, borracha, mala madre».1

Dès le troisième film, nous retrouvons une évolution tout à fait habituelle dans le phénomène des séries : l'extension narrative correspond à une destruction de la structure initiale2 . Le mythe de Carmen a, depuis l'époque du muet, séduit les réalisateurs espagnols3

,

et il était inévitable que Sarita Montiel finît par incarner le personnage dans Carmen, la de Ronda (1959) de Tulio Demicheli. Le répertoire est désormais bien plus aflamencado, même si l'actrice y perd en crédibilité et en séduction.

Ce qui retient notre attention c'est la présence du premier regard à la caméra. Jusqu'à présent, les chansons s'inscrivaient dans la logique du récit, le personnage ne regardait pas la caméra. Dans ce film pour la première fois, Sarita Montiel s'adresse au spectateur en chantant, Los

piconeros, brisant ainsi le pacte qui s'est établi antérieurement dans le récit4. Rappelons ce que Marc Vernet dit à propos de cet effet:

L'expression «regard à la caméra» semble, dans un premier temps, bien mal fagotée, puisqu'elle veut rendre compte en termes de tournage d'un effet produit à la projection du film : le spectateur aurait l'impression qu'un personnage de la diégèse et (ou) un acteur sur le tournage, le regardent directement à sa place, dans la salle de cinéma. Ainsi se trouveraient alignés trois espaces différents : le tournage, l'univers diégétique et la salle de cinéma. On notera pourtant (l'expression n'est peut-être pas si mal fagotée que cela) qu'on ne dit pas «regard au spectateur», comme si on avait conscience, au-delà de la précision

1. Terence Moix, El peso de la paja, Barcelone, 1990, p. 266.

2. Les films de Joselito répondent au même type de structure : à partir d'un noyau

initial, les metteurs en scène tentent d'étendre progessivement le rayon d'action de

la vedette.

3. Quelques titres espagnols : Carmen (1914) de Giovanni Doria, La Carmen

(1975) de Julio Diamante, Carmen, la de Triana (1938) de Florian Rey ou Carmen

(1983) de Carlos Saura.

4. Le «regard à la caméra» représente l'un des principaux interdits au cinéma

depuis les années vingt. Au préalable, les acteurs pouvaient s'adresser au spectateur

(La buenaventura de Pitusfn -1924 - de Raul L. Alonso). Encore aujourd'hui, le film

de fiction respecte scrupuleusement cette «règle».

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Jean-Claude SEGUIN

«technique», que ce regard puisse ne pas «dépasser» la

caméra et ne pas atteindre le spectateur1 .

Cette «figure de l'absence» détermine, dans un espace en creux, la présence d'un autre, la figure d'une altérité. Creux comblé par le regard du spectateur ; pour la première fois, Sarita Montiel rompt le pacte, brise le triangle virtuel : elle/l'amant/le spectateur. Sa voix, tout comme son regard, appelle un autre. La présence/absence du spectateur fonctionnait comme une merveilleuse complicité : moi, spectateur, je regarde Sari ta Montiel et je suis son complice, manière de me glisser à ses côtés sans dénoncer ma présence. Dans Carmen, la de Ronda,

Sarita ME regarde, je suis - artificiellement sans doute - dans SON regard, je suis en quelque sorte, SON regard. Certes l'instant est furtif et bien vite l'équilibre est rétabli, mais il annonce une évolution future et une rupture sur laquelle il ne sera plus possible de revenir.

Les oeuvres suivantes vont assez naturellement parcourir de nouveaux champs musicaux tels que le tango (Mi ultimo tango en 1960 de Luis César Amadori) ou les rythmes brésiliens (Samba en 1963 de Rafael Gil). En réalité, il s'agit d'un immense répertoire que Sarita Montiel va explorer jusqu'à satiété. Tous ces films construits sur un schéma presque toujours identique sont autant de variations sur la «femme perdue» qui avait fait son succès. Nous retiendrons pourtant deux films de la fin de la carrière de l'actrice : Tuset Street (1968) et Variétés (1971). Après avoir repris sans cesse un même rôle, Sarita Montiel voit dans Tuset Street l'occasion de renouveler son personnage. L'année de réalisation du film est particulièrement importante pour l'évolution du cinéma espagnol : d'un côté, le cinéma mesetero, celui du Nuevo cine espaiiol, d'un autre, les catalans de l'École de Barcelone. Il s'agissait de deux manières de renouveler le cinéma ibérique de l'époque, deux tentatives de faire un cinéma différent et novateur. On connaît la célèbre phrase de Joaquin Jordâ : "Puisque l'on ne nous laisse pas être Victor Hugo, nous serons Mallarmé". Les positions parfois extrêmement opposées des deux écoles trouvèrent dans le film Tuset Street une manière de compromis. Le résultat est particulièrement décevant ; certes, Sarita Montiel trouve un rôle qui renouvelle son personnage habituel, mais les difficultés de tournage (Sarita Montiel exige le changement de metteur en scène) et l'échec commercial du film mettront fin à ses prétentions. Ce film reste un des mauvais souvenirs de la carrière de Sarita Montiel :

1. Marc Vernet, Figures de l'absence, Cahiers du cinéma, 1988, p.10.

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Sara Montiel : le corps mythique

Ese ha sido un suceso que ya tengo olvidado y del que no me gusta hablar, pero debo decir, para aclarar conceptos, que fue la firma productora quien le dijo al sefior Grau que lo que interesaba era una pelicula con Sara Montiel y no con la arquitectura y tipismo de una calle, por muy «graciosa» que ésta fuese. Ahi empez6 todo y ese fue el motivo principal que aconsej6 -de comun acuerdo con el sefior Grau- el cambio de director. Por lo demâs, repito, es un asunto olvidado y que no deseo remover1.

Cet échec ne mettra pourtant pas un terme à la carrière de l'actnce__ et elle permettra à Juan Antonio Bardem de revenir en Espagne après plus de cinq ans d'absence pour le tournage de Variétés. On connaît la tendance du metteur en scène à revenir sur des' sujefi;-déjà tournés (Calle mayor et Nunca pasa nada). Avec Variétés, il reprend le thème principal de l'un de ses meilleurs films, C6micos (1954). Si le film a retenu notre attention c'est que plus que tout autre, il est celui qui pousse jusque dans ses derniers retranchements le mythe Sarita Montiel. Le meilleure exemple est sans nul doute l'extraordinaire interprétation du chef-d'oeuvre de Miguel de Molina, La bien paga.

Cette copia a eu une destinée particulièrement remarquable au cinéma2. Attardons-nous un instant sur le début de la chanson. Le texte original disait :

Bien pagâ ... si, tu eres la bien pagâ porque tus besos compré y a mi te supiste dar por un pufiao de pamé. bien pagâ, bien pagâ bien pagâ, fuiste mujer.

1. Centro Espano! de Estudios Cinematograficos, Sara Montiel, Revue Cine y

mas, 75, mars 1991, p. 100.

2. Miguel de Molina l'interprète dans Esta es mi vida (1952) de Roman Viîioly

Barreto ; on entend sa voix dans Cancianes para después de una guerra (1971) de

Basilio Martin Patino ; Pedro Almodovar lui rend hommage dans lQué he hecha ya

para merecer esta? (1984) et Jaime Chavarri la reprend dans Las casas del querer

(1989), un film sur la personne du grand chanteur.

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Jean-Claude SEGUIN

Dans le film, Miguel de Molina chante pour un public diégétisé et

fait de l'une des spectatrices la destinatrice de sa copia ; les raccords

s'effectuent continuellement sur les regards ce qui ne fait qu'accentuer

la relation entre le chanteur et la bien paga/spectatrice. La caméra est

un regard témoin, la diégétisation du regard ne se produit pas. Il suffit

de reprendre le texte de la version interprétée par Sarita Montiel pour

comprendre que la construction est d'une autre nature :

Bien pagâ

me llaman la bien pagâ

porque mis besos cobré

y a ti me supe entregar

por un pufiao de parné

Bien pagâ, bien pagâ

bien pagâ, fuiste mujer.

La chanson avait été écrite pour que l'interprète fût un homme.

Une modification de texte était dès lors nécessaire. Mais ce qui fait

toute la richesse de l'interprétation de Sarita Montiel c'est qu'elle

identifie le regard de la caméra avec celui du destinataire. Les

théoriciens féministes du cinéma auraient vu là une trace indiscutable

d'un regard masculin inscrit dans la caméra : lorsque le destinataire de

la chanson est une femme, la caméra ne peut servir de réceptable, mais

lorsqu'il s'agit d'un homme il n'en va plus de même, l'oeil voyeur est

masculin. Sarita Montiel, dans une tenue qui n'occulte que le superflu,

s'offre totalement au spectateur, à son regard et fait de lui son

interlocuteur exclusif. La diégèse perd en cohérence : le destinataire du

récit est tantôt le personnage, tantôt le spectateur.

Le parcours de Sarita Montiel à l'écran est celui de ce regard/caméra

qui glisse sur un corps. Ce regard s'innocentait en assumant son

voyeurisme, en se permettant d'assister aux scènes des autres

imaginaires ou pas - et en se constituant comme le troisième angle ou

le troisième oeil, celui que le film exclut. En un peu plus d'une

douzaine d'années, le regard n'est plus voyeur, il devient acteur de la

fiction, il se diégétise. Mais par là même ne finit-il pas par dé­

construire le jeu de la fiction qui même dans le cinéma "hard" fait du

spectateur un voyeur certes, mais bien rarement un complice ? La

fiction n'existe que par une série de conventions dont la moindre n'est

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Sara Montiel : le corps mythique

pas d'exclure le spectateur de la diégèse : les décrochements que

représentent les chansons ne s'inscrivent plus dans la logique d'écriture

du film. Dans El ultimo cuplé, Juan de Ordufia «introduisait» les

chansons et il en faisait des éléments à part entière du récit. Dans

Variétés, le personnage chante ses textes mais en rupture avec le reste

de la diégèse. La logique n'est plus respectée, et le film perd en

crédibilité. Sarita Montiel a construit son succès sur cette manière

spécifique d'exclure le spectateur du récit, tout en laissant comprendre

qu'il était malgré tout son complice. Une rupture de cette logique

conduit nécessairement à une rupture dans les récits qui hésitent sur le

destinataire. Le mythe mineur «Sarita Montiel» était à la portée du

spectateur, mais le propre des mythes n'est-il pas de rester à jamais

inaccessible ?

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Jean-Claude SEGUIN

FILMOGRAPHIE

1944 Te quiero para mi (L. Vajda) Empez6 en boda (Rafaello Matarazzo) 1945 Bambu (J.L. Saenz de Heredia) Se le fue el novio (Julio Salvador) 1946 El misterioso viajero del Clipper (Gonzalo P. Delgras) Por el gran premio (Pierre Caron) 1947 Mariona Rebull (J.L. Saenz de Heredia) Confidencia (J. Mihura) Vidas confusas (J. Mihura) Alhucemas (J. L6pez Rubio). Don Quijote de la Mancha (R. Gil) 1948 Locura de amor (J. de Ordufia) La mies es mucha (J.L. Saenz de Heredia) 1950 Pequefieces (J. de Ordufia) El capitan veneno (L. Marquina) Aquel hombre de Tanger!That Man from Tangier (Robert Elwyn y Luis M. Delgado) (E.-EEUU) (L'homme de Tanger) Furia roja/Stronghold (Misi6n peligrosa) (Steve Sekely) (Méx.-EEUU) 1951 Necesito dinero (Miguel Zacarias) (Méx.) Carcel de mujeres (Miguel M. Delgado) (Méx.) (Le bagne des filles perdues) Ahi viene Martin Corona (M. Zacarias) (Méx.) El enamorado (Vuelve Martin Corona) (M. Zacarias) (Méx.) 1952 Ella, Lucifer y yo (Miguel Morayta) (Méx.) Yo soy gallo donde quiera (Jimmy) (Roberto Rodriguez) 1953 Rodaje (Emilio Femandez) (Méx.) Piel canela (Juan J. Ortega) (Méx.) 1954 lPor qué ya no me quieres? (Chano Urueta) (Méx.) Se solicitan modelos (Ch. Urueta) (Méx.)

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Sara Montiel : le corps mythique

Frente al pecado de ayer (Cuando se quiere de veras) (J.J. Ortega) (Méx.-Cu.) Yo no creo en los hombres (J.J.Ortega) (Méx.-Cu.) Vera Cruz (Veracruz) (Robert Aldrich) (EEUU) 1955 Donde el cfrculo termina (La ambiciosa) (Alfonso B. Crevenna) Serenade (Dos pasiones y un amor) (Anthony Mann) (EEUU) 1957 Run of the Arrow (Yuma) (Samuel Fuller) (EEUU) (Le jugement des flèches) El ultimo cuplé (J. de Ordufia) (Valencia) 1958 La violetera (Luis César Amadori) (E.-lt.) 1959 Carmen, la de Ronda (Tulio Demicheli) (Carmen de Grenade) 1960 Mi ultimo tango (L.C.Amadori) (Mon dernier tango) 1961 Pecado de amor (L.C.Amadori) (E.-lt.) (Magdalena) 1962 La bella Lola/Quel nostro impossibile amor/Une dame aux camélias (Alfonso Balcazar) (E.-It.-Fr.) La reina del Chantecler (R. Gil) 1963 Noches de Casablanca/Casablanca, nid d'espions/Operazione Casablanca (Henri Decoin) (E.-Fr.-lt.) La vida de Pedro Infante (Miguel Zacarîas) (Méx.) 1964 Samba (R.Gil) (E.-Bra.) 1965 La dama de Beirut/Aventure à Beyrouth (L. Vajda y L.M. Delgado) (E.-Fr.-lt.) 1966 La mujer perdida/Quel nostro grande amore (T. Demicheli) (E.-It.-Fr.) 1968 Tuset street (J.Grau y L. Marquina) 1969 Esa mujer (M. Camus) 1970 Variétés (J.A. Bardem) La casa de los Martfnez (Agustfn Navarro) 1974 Cinco almohadas para una noche (P. Lazaga) 1975 Canciones de nuestra vida (Eduardo Manzanos)

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