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Le magazine de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale Nutrition Le PNNS porte ses fruits Yves Lévy Quelle biomédecine pour demain ? Quand votre santé entre dans la lumière Autotests Enfin seuls, enfin libres ? N°26 l JUILLET - AOûT 2015

ScienceSante_0708_2015

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  • JUILLET - AOT 2015 N 26 3

    La lumire fait partie intgrante de la recherche en biologie depuis des dcennies, mais lirruption des protines fluorescentes et photo-activables a rvolutionn son emploi, tant dans le domaine

    de la recherche fondamentale que dans celui de la recherche translationnelle.

    On voit ainsi apparatre des socits ou des instituts semi-publics dont les rles premiers transforment le paysage de la R&D : certains produisent des animaux transgniques exprimant des protines photo-sensibles, dautres utilisent, voire mettent au point, les derniers dveloppements en optique qui permettent de cartographier des organes et des tumeurs ou encore dobserver simultanment le fonctionnement de dizaines de milliers de cellules.

    Dailleurs, certains de ces instituts proposent douvrir en open source les donnes obtenues par leur mga-plateformes . Ainsi, les dcouvertes fondes sur lemploi de la lumire vont, certes, continuer suivre les schmas classiques de la recherche ou de lexploitation industrielle que lon peut en faire, mais lampleur des donnes auxquelles la lumire permet daccder impose galement une rvision de nos comportements.

    Ce nest plus tre futuriste que prdire une redistribution des tches o les dcouvertes des chercheurs rsulteront de lanalyse de donnes optiques produites par des structures high-tech localises lautre bout du monde.

    Serge CharpakDirecteur de lunit 1128 Inserm Universit Paris-Descartes

    Laboratoire de neurophysiologie et nouvelles microscopies

    la une 4 Nutrition

    Le PNNS commence rcolter ses fruits

    Dcouvertes 6 LED

    Des ampoules pas si lumineuses 8 Maladies de lintestin

    Renforcer le mucus pour mieux protger 10 Cancer Cibler SPARC pour bloquer les mtastases 12 Bioinformatique Quand le labo se fait virtuel

    ttes chercheuses 14 Caroline Huron

    Un cartable fantastique contre la dyspraxie

    reGarDs sur le MonDe 17 Sclrose en plaques

    Deux nouvelles molcules pour rgnrer la myline

    cliniqueMent vtre 18 Dtresse respiratoire

    Les petites canules qui sauvent des vies

    Grand anGle 20 Quand votre sant

    entre dans la lumire

    MDecine Gnrale 36 Cancer colorectal

    Vers un dpistage mieux accept

    entreprenDre 40 MUSIC CARE

    Quand la musique adoucit la douleur

    opinions 42 Autotests

    Enfin seuls, enfin libres ?

    stratGies 44 Innovation en sant Quels dfis pour demain ?

    Bloc-notes 46 Anne Tursz et Jon M. Cook

    Les violences faites aux enfants 48 Corpus Gang

    Lappli qui joue avec votre corps

    SOMMAIRE

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  • NutRItIONLe PNNS commence rcolter ses fruitsDs l'anne prochaine, l'laboration du 4e Programme national nutrition sant (PNNS) va commencer sur la base des rsultats glans au cours des volets prcdents. Si les recommandations sont de mieux en mieux connues pour le plus grand bien des Franais, il existe encore de grandes disparits entre les catgories sociales.

    serge hercberg : unit 1153 Inserm/Inra/Paris 7/Universit Paris 13 - Universit Paris-Descartes, Centre de recherche en pidmiologie et statistique Sorbonne Paris Cit (CRESS), quipe de recherche en pidmiologie nutritionnelle (EREN) Marie-aline charles : unit 1153 Inserm/Inra/Paris 7/Universit Paris 13 - Universit Paris-Descartes, Centre de recherche en pidmiologie et statistique Sorbonne Paris Cit (CRESS), quipe Origines prcoces de la sant du dveloppement de lenfant (ORCHAD) olivier Dubourg : unit 1018 Inserm/Universit Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines - Universit Paris Sud 11, quipe pidmiologie et recherches translationnelles dans les maladies rnales et cardiovasculaires

    Manger mieux, bouger plus, c'est le message du Programme national nutrition sant (PNNS), dont le 3e volet doit tirer sa rvrence en 2016. Mais cette structure de pilotage qui propose la popula-tion et aux professionnels des recommandations fiables et scientifiquement valides sur la nutrition devrait tre prolonge par un 4e chapitre en 2017.Nos mauvaises habitudes de vie peuvent en effet gran-dement augmenter le risque de dvelopper certaines pathologies: cancer, maladies cardiovasculaires, dia-bte de type 2 mais aussi maladies auto-immunes, allergies ou encore troubles du sommeil et tats dpres-sifs. Voil donc 14 ans que ce programme propose des recommandations nutri-tionnelles - une alimentation quilibre et une certaine dose dactivit physique - afin damliorer notre sant aujourdhui et de prvenir le risque de maladies futures. Avec quelle efficacit? Les Franais connaissent de mieux en mieux nos recommandations, affirme Serge Hercberg *, responsable dquipe Inserm Paris et prsident du comit de pilotage des diffrents volets du PNNS. Les plus mdiatiques - cinq portions de fruits ou lgumes et trente minutes dactivit physique par jour- sont logiquement les plus connus. Toutefois, dans la pratique, ces conseils ne sont pas toujours suivis. Le rap-port annuel de Direction de la recherche, des tudes, de l'valuation et des statistiques (Drees) (L), intitul tat de sant de la population en France et rendu public en fvrier 2015, confirme que la population ne consomme toujours pas assez de fruits et lgumes: seulement 40%

    des Franais en mangent cinq portions quotidienne-ment. Quant lactivit physique, elle reste insuffisante pour plus de la moiti des personnes, tandis que le temps pass devant des crans, en dehors des temps de travail ou scolaire, dpasse les trois heures pour plus de la moiti des adultes et plus dun tiers des enfants.Pourtant certains lments samliorent et cette dyna-mique semble continue depuis plusieurs annes, affirme Serge Hercberg. La consommation de fruits et lgumes, par exemple, est en augmentation alors que celle de produits sucrs et de sel diminue. Ces changements

    alimentaires pourraient dj bnficier notre sant. Et ce rcent rapport confirme le ralentissement de la progression de la prva-

    lence(L) de lobsit, observ depuis les annes 2000. Des conclusions qui ont notamment t tires des rsul-tats de la dernire enqute pidmiologique triennale Obpi, pour Obsit pidmiologie, laquelle a col-labor lInserm. Ralise en 2012 par tlphone, elle a recueilli la taille, le poids et le tour de taille de 25 714 individus de plus de 18 ans. Les donnes ont montr que la prvalence de lobsit a augment de 3,4% par rapport 2009 pour atteindre 15% dadultes obses en 2012 : une augmentation significativement infrieure aux annes prcdentes (+ 18,8 % entre 1997-2000, +17,8% entre 2000-2003, + 10,1% entre 2003-2006 et + 10,7% entre 2006-2009). Ce ralentissement de la progression de lobsit est surtout observ chez les hommes, prcise Marie-Aline Charles *, cher-cheuse Inserm et membre de son comit scientifique.

    Les Franais connaissent de mieux en mieux nos recommandations

    4 N 26 JUILLET - AOT 2015 4

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    la une Dcouvertes ttes chercheuses regarDs sur le monDe cliniquement vtre granD angle mDecine gnrale entreprenDre opinions stratgies Bloc-notes

  • personnes qui ont particip ltude semblent donc rcep-tives aux messages sanitaires. Un bmol cependant: la population des Hauts-de-Seine nest pas tout fait reprsentative de celle de l'ensemble du territoire. Elle est plus riche et plus duque , confirme le chercheur. Selon lInstitut national de la statistique et des tudes conomiques, cest, en effet, le deuxime dpartement le plus riche de France, aprs Paris.Or, le niveau socio-conomique est un facteur im-portant dingalit vis--vis de la sant. Les enqutes nationales auprs des lves montrent, en effet, que la prvalence de lobsit et du surpoids est plus leve chez les enfants douvriers que parmi les enfants de cadres. Un exemple: dans les classes de CM2 en 2007-2008, ces derniers taient ainsi dix fois moins touchs que les enfants douvriers. Quant ltude Obpi, elle confirme le lien entre le niveau de revenus et la prva-lence de lobsit: celle-ci atteint 24% pour les foyers gagnant moins de 1200 par mois alors quelle dpasse peine les 8% lorsque les revenus sont suprieurs 3800 mensuels. Il est plus facile de suivre les recom-mandations nutritionnelles quand on est duqu et quon en a les moyens, confirme Marie-Aline Charles.Lensemble de ces informations ne constitue que lavant-poste des rsultats labors partir des donnes du PNNS. D'autres sont venir, notamment le 3e volet de ltude individuelle nationale des consommations alimentaires (INCA 3), coordonne par lAgence natio-nale de scurit sanitaire de l'alimentation, de l'envi-ronnement et du travail (Anses), et ltude de sant sur lenvironnement, la biosurveillance, lactivit physique et la nutrition (Esteban), ralise par lInstitut de veille sanitaire (InVS). Toutes les donnes accumules per-mettront dlaborer en 2016 le prochain volet du PNNS qui, nen pas douter, renforcera, en 2017, laccent mis sur des mesures cibles vers les populations les plus dfavorises. n Simon Pierrefixe

    Chez lenfant, des donnes collectes dans le cadre des enqutes nationales de sant auprs des lves de classe de CM2 (2007-2008), de troisime (2008-2009) et de grande section de maternelle (2012-2013) montrent mme une stabilisation du surpoids et de lobsit. Selon la Drees, ces observations concident avec les campagnes de prvention menes durant cette priode, en particulier le PNNS.Le risque cardiovasculaire semble lui aussi tre la baisse selon ltude CARVAR 92, pour CARdioVAscular Risk factors 92, coordonne par Olivier Dubourg *, chercheur Inserm au Centre de recherche en pid-miologie et sant des populations (CESP) Villejuif, et rcemment publie dans PLoS One. Des conclusions ont t obtenues grce aux donnes recueillies auprs de 20324 personnes inscrites la caisse primaire dassu-rance maladie des Hauts-de-Seine, ges de 40 65 ans pour les hommes et de 50 70 ans pour les femmes. Ces volontaires ont bnfici dune visite mdicale gratuite au cours de laquelle poids, taille et tension artrielle ainsi que taux de cholestrol, de triglycrides(L) et de glucose taient relevs. Lors dun entretien avec un mdecin, ces donnes ont alors t compiles dans un logiciel destin dterminer le risque daccidents cardio- vasculaires fatals dix ans. Ce dernier sest rvl tre moins important chez les personnes ayant particip ltude en 2012 que celui des participants de 2007. Cette diminution serait notamment due une baisse sensible de lhypertension et de la consommation de tabac. Ces rsultats sont concomitants des campagnes de prvention comme celle du PNNS et de linterdiction de fumer dans les lieux publics, prcise Olivier Dubourg, les

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    C. Karam et al. PLoS ONE, 23 avril 2015 ; 10 (4) : e0124817 doi : 10.1371/journal.pone.0124817

    L Drees La Direction de la recherche, des tudes, de l'valuation et des statistiques agit sous la tutelle de plusieurs ministres (Sant, Travail et Finances) et leur fournit des donnes fiables sur les populations et les politiques sanitaires et sociales.

    L PrvalenceRapport du nombre de cas dun trouble ou dune maladie lensemble de la population

    L TriglycridesIls font partie, comme le cholestrol, des composs lipidiques de l'organisme. Ils constituent la principale rserve nergtique de l'organisme et sont stocks dans les tissus adipeux.

    JUILLET - AOT 2015 N 26 5 5

    Les recommandations du PNNS pour les adultes fruits et lgumes : au moins 5 portions par jour

    produits laitiers : 3 par jour fculents : chaque repas et selon l'apptit viande, poisson, uf : 1 2 fois par jour matires grasses, produits sucrs et sel : limiter

    eau : volont pendant et entre les repas activit physique : au moins l'quivalent de 30 minutes de marche rapide par jour

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  • lEDDes ampoules pas si lumineusesPeu nergivores et ayant une longue dure de vie, les ampoules LED semblent prsenter bien des avantages. Mais de rcents travaux viennent obscurcir cette belle rputation, en mettant en lumire la phototoxicit de ces diodes lectroluminescentes, qui se traduit notamment par la mort des cellules de la rtine.

    LApoptoseMort programme et contrle dune cellule, sans incidence sur les cellules voisines

    LNcroseMort incontrle dune cellule, entranant la mort des cellules voisines

    LLongueur dondeGrandeur physique qui caractrise une onde, comme la lumire ou un son. Dans le cas de la lumire, chaque couleur correspond une longueur donde diffrente.

    LdmeGonflement dun organe ou dun tissu d une accumulation de liquides dans le milieu interstitiel

    alicia torriglia : unit 1138 Inserm/Universit Paris 7-Denis-Diderot/Universit Paris-Descartes - Universit Pierre-et-Marie-Curie

    I. Jaadane et al. Free Radical Biology and Medicine, avril 2015 ; 84 : 373-84

    Attention les yeux! La lumire mise par les am-poules LED, pour Light-Emitting Diode, est nocive pour la rtine de vos yeux. Ce risque tait dj largement souponn, mais des travaux, dune quipe du Centre de recherche des Cordeliers Paris, dirigs par Alicia Torriglia *, viennent de faire la lumire sur les mcanismes dactions sous-jacents de ces ampoules.Grce des analyses molculaires effectues sur des rats, ces chercheurs ont mis en vidence quune expo-sition une source lumineuse issue de LED entranait, au niveau de la rtine, un stress oxydant, responsable de dommages importants. On parle alors de toxicit rtinienne. Lorganisme tente de lutter contre ces effets dltres en liminant les cellules abmes, mais en vain : les cellules de la rtine meurent les unes aprs les autres, via un phnomne dapoptose(L) ou encore de ncrose(L). Et ces ractions sont visibles ds six heures dexposition. Par comparaison, Alicia Torriglia indique qu il faut une dizaine de jours dexposition au non pour obtenir les mmes dgts que ceux causs par deux jours dexposition aux LED. Mais pourquoi ces ampoules sont-elles nocives ? Parce quelles ne diffusent pas une lumire ordinaire, mais une lumire bien plus riche en longueurs donde(L) corres-pondant au bleu de celle du jour. En outre, par unit de surface, une LED met une quantit plus importante de lumire quun non , illustre Alicia Torriglia. Cest pour cela que le corps mdical a suspect les LED dtre nocives. Dailleurs, ds 2010, lAgence nationale de scu-rit sanitaire de lalimentation, de lenvironnement et du travail (Anses) avait cr un groupe de travail sur le sujet et prconis que des recherches approfondies soient effectues afin de statuer sur leur ventuelle toxicit.Le problme, cest que les constructeurs respectent

    la rglementation en vigueur. Mais celle-ci nest pas adapte aux diodes lectroluminescentes, explique Alicia Torriglia, car elle a t mise au point dans les annes 1960 et 1970 et sapplique des sources polychroma-tiques classiques, qui couvrent donc plusieurs longueurs donde. Elle stipule, en effet, que les sources lumineuses ne doivent pas provoquer de blanchiment de la rtine, signe dun dme(L) important son niveau. Or, il na pas t dtect lors des recherches sur les LED: les doses utilises ntaient pas suffisantes pour provoquer un dme, mais assez leves pour dclencher bien pire, le stress oxydant responsable de la destruction des cellules rtiennes, qui nest pas dtectable par les tests actuellement en vigueur.Dautres arguments accroissent encore la force des rsul-tats obtenus par lquipe Inserm. Dabord, les ampoules testes sont issues du commerce. Ensuite, les conditions dclairage ont t mises au point par des ingnieurs du Centre scientifique et technique du btiment, afin quelles se rapprochent le plus possible des clairages que chacun dentre nous peut rencontrer au quotidien. Enfin, les rats avaient la libert de circuler librement et ntaient pas attachs, les yeux rivs vers la source de lumire. Toutefois, il reste dmontrer que ces rsultats peuvent tre extrapols lhumain, concde la cher-cheuse, qui sefforce tout de mme dattirer lattention des pouvoirs publics afin de faire changer la rglemen-tation. Mais, nul doute que les nouveaux travaux en cours de son quipe, toujours sur les rats, dont le but est de montrer les dgts des LED sur lpithlium pigmentaire rtinien, la couche la plus profonde de la rtine, implique dans des maladies telles que la DMLA (dgnrescence maculaire lie lge), donneront cer-tainement du poids ses arguments. n Bruno Scala

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    N 26 JUILLET - AOT 2015 6 6

    Chez les rats exposs aux LED ( droite) : prsence despaces au niveau des noyaux des photorcepteurs (NPR) de la rtine, dsorganisation, vacuolisation de leurs segments externes (SEPR). Preuve de lagression : les cellules gliales de Mller synthtisent en masse la GFAP (en rouge).

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  • Ingnierie tissulaireUn substitut pour lsophage

    En cas de cancer ou de malformation congnitale de l'sophage, l'ingnierie tissulaire pourrait permettre de remplacer une partie de l'organe ls. C'est ce que Tigran Poghosyan*, dans l'quipe de Pierre Cat-tan * du CIC-Biothrapies de l'hpital Saint-Louis (Paris), vient de tester avec un sophage made in laboratoire chez des cochons nains auxquels cinq cen-timtres de cette partie du tube digestif ont t enle-vs. Compos d'une matrice de collagne recouverte de cellules souches musculaires humaines, ce substi-tut est entour d'une membrane amniotique(L) qui accueille des cellules pithliales buccales de cochons. L'ensemble est plac dans l'abdomen des animaux

    pour deux semaines de maturation. Les chercheurs ont alors expriment trois approches: la greffe du substitut seul, celle d'une endoprothse seule -un tube en plastique qui remplace la partie endommage de l'sophage- et, enfin, celle du substitut plac autour de l'endoprothse qui est retire au bout de six mois. Contrairement aux autres, les cochons traits par cette dernire approche ont retrouv une autonomie nutritionnelle mme aprs le retrait de l'endoprothse. En outre, neufmois aprs la greffe, le substitut prsentait toutes les caractristiques tissulaires d'un sophage naturel : un pithlium(L) mature, des glandes sous-muqueuses (L) et des cellules musculaires. Comme lindique Tigran Poghosyan, ce substitut ne sera pas propos ds demain lhomme, mais ces travaux confirment le potentiel de l'ingnierie tissulaire. F. D. M.

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    LMembrane amniotiqueMembrane prleve sur un placenta

    LpithliumTissu form de cellules juxtaposes et solidaires, qui recouvre soit les surfaces externes, soit les cavits internes de l'organisme.

    LGlandes sous-muqueusesGlandes tubuleuses ramifies composes de cellules mucus, situes dans la paroi de l'sophage

    tigran poghosyan, pierre cattan : unit 1160 Inserm - Universit Paris Diderot - Paris 7 et CIC BT-Saint-Louis 1427

    T. Poghosyan et al. Surgery, juillet 2015 doi : 10.1016/j.surg.2015.01.020

    Les drglements de la concen-tration en phosphate dans le cerveau sont associs aux cal-cifications crbrales primaires familiales (CCPF), une maladie gntique rare caractrise par des troubles neurologiques ou psychiatriques. Le gne XPR1, connu depuis 2013, code pour un exportateur de phosphate. Une quipe de luniversit de

    Californie avait dj identifi une mutation dans ce gne lintrieur dune grande famille atteinte de CCPF. Dans le cadre dune collaboration franco-amricaine, ce gne a t squenc chez 47patients franais par lunit Inserm 1079 * : la mme mutation ainsi que trois nouvelles ont t identi-fies. De son ct, lquipe de lIGMM * a tu-di lensemble des mutations de XPR1 sur le plan

    fonctionnel : elles rduisent lexport du phosphate de la cellule. Il sy accumule et entrane la prcipitation du calcium, causant les CCPF. Un pas de plus vers llucidation du mcanisme de calcification impliqu dans de nombreuses autres maladies. T. G.

    unit 1079 inserm - Universit de Rouen, Gntique du cancer et des maladies neuropsychiatriques uMr 5535 cnrs/Universit de Montpellier, Institut de gntique molculaire de Montpellier (IGMM)

    A. Legati et al. Nature Genetics, juin 2015 ; 47 (6) : 579-81 doi : 10.1038/ng.3289

    Calcifications crbralesUn exportateur de phosphate responsable

    JUILLET - AOT 2015 N 26 7 7

    Scanners crbraux en coupe axiale de 2 sujets (normal gauche, porteur de calcifications droite). Les flches blanches indiquent les calcifications.

    Remplacement de lsophage cervical par le substitut, au centre

    Sujet sainA B

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    Accident vasculaire crbralL'alcool doublement mauvaisL'excs d'alcool est connu pour augmenter le risque d'accident vasculaire crbral (AVC). Des recherches menes chez la souris par Marina Rubio * montrent que son effet dltre ne s'arrte pas l : non seulement l'alcool aggrave les lsions causes par les AVC, mais il compromet aussi l'action du seul traitement disponible, la thrombolyse. Celle-ci tente de dissoudre les caillots de sang l'origine de l'AVC grce l'injection d'une enzyme, l'activateur tissulaire du plasminogne ou tPA. Or, en cas d'exposition l'alcool, le foie est affect et n'limine pas correctement ce tPA. En excs dans le sang, il perd alors son effet bnfique et peut mme se rvler toxique pour le cerveau. Des rsultats prendre en compte au moment de prescrire, ou non, ce traitement aux victimes d'AVC. S. P.

    Marina rubio : unit 919 Inserm Universit de Caen Basse-Normandie, Serine protases et physiopathologie de lunit neurovasculaire

    E. Lemarchand et al. Stroke, juin 2015 ; 46 (6) : 164150 doi : 10.1161/STROKEAHA.114.007143

    dcouvertes

  • Certains intestins sont plus sensibles que dautres aux agressions. Dans des cas de maladies inflammatoires chroniques de lintestin (MICI), comme la maladie de Crohn*, cest le mucus de lintestin qui est responsable: moins dense, parfois poreux, il est incapable de jouer plei-nement son rle protecteur de lpithlium(L) de la paroi intestinale.Des chercheurs de lInserm, du Centre international de recherche sur linflammation de Lille, viennent douvrir la voie une nouvelle piste thrapeutique. Ils ont cr une souris transgnique avec un gel de mucus intestinal renforc, plus dense, optimisant ainsi la protection de la muqueuse. Nous sommes parvenus modifier le mucus intestinal, explique Jean-Luc Desseyn *, qui a co- dirig ces travaux avec Frdric Gottrand *, ce qui navait encore jamais t ralis jusque-l. Un renforcement vrifi exprimentalement chez la souris : le mucus est moins permable, comme le prouve lobservation de la progression de particules inertes au sein de ce dernier, il neutralise davantage les colites chimiquement induites et protge plus effica-cement lpithlium contre des bactries pathognes de lintestin introduites par gavage. Enfin, le mucus de ces souris transgniques comporte davantage de

    lactobacilles, des bactries prsentes en grande quantit dans le microbiote(L) intestinal, connues pour protger la muqueuse.Mais comment les scientifiques ont-ils procd? En insrant, dans leur gnome, un gne codant la syn-thse dune chane de douze domaines CYS, constitus chacun dune centaine dacides amins(L) riches en cystines, impliques dans la formation de ponts favo-risant la stabilit des protines. Chez les souris comme chez les humains, le mucus intestinal est compos es-sentiellement deau et dune protine glifiante appele mucine2: une molcule trs complexe, responsable, grce ses qualits hydrophiles, de la structure glatineuse du mucus. Elle comporte, entre autres, deux domaines CYS qui sont suspects de servir de point dattache entre les mucines, assurant la cohsion globale de cette substance visqueuse. Ainsi, en ajoutant des domaines CYS dans le mucus, les chercheurs avaient pour objectif de renforcer son maillage. Un travail simple en apparence, mais la mise au point du transgne(L) avec douze domaines CYS a, elle seule, ncessit plusieurs annes.Les scientifiques cherchent dsormais adapter leurs tra-vaux lhomme, puisque la transgense pour des raisons thiques et la thrapie gnique pour des raisons tech-niques ne sont pas applicables. Une premire mthode consisterait ajouter des domaines CYS au mucus, grce des levures qui les dlivreraient directement dans lintestin. Une autre consisterait stimuler les gnes de mucines qui ne sont normalement pas exprims dans lintestin, mais dans dautres tissus, et qui comportent plus de domaines CYS, envisage Jean-Luc Desseyn. Cest le cas notamment des mucines des voies respiratoires qui comportent sept ou neuf domaines CYS. Dj utilise en pharmacologie avec lultra-levure par exemple , la premire mthode a la prfrence des chercheurs, mais il faudra attendre plu-sieurs annes avant lventuelle commercialisation dun traitement. Par ailleurs, ces travaux ne sappliquent pas unique-ment lintestin, mais tous les mucus du corps humain: Dans le cas de la mucoviscidose, illustre le chercheur, il est probable quinversement, il faille casser les liaisons entre ces domaines CYS pour fluidifier le mucus pulmonaire.. n Bruno Scala

    MAlADIES DE l INtEStINRenforcer le mucus pour mieux protgerLe mucus est une vritable barrire physique qui permet de protger lpithlium intestinal. Des chercheurs viennent de montrer, chez la souris, quil est possible de le renforcer dans les maladies inflammatoires chroniques de lintestin.

    * voir S&S n 22, Clini-quement vtre maladies inflammatoires chroniques de lintestin trouver les causes, affiner les traitements , p. 20-21 et S&S n 23, Cliniquement vtre maladie de Crohn - Quand le circuit lectrique court-circuite les symptmes , p. 20

    LpithliumTissu de revtement de toutes les surfaces externes (peau) et internes (plvre, pritoine, paroi intestinale, etc.) du corps, compos de cellules troitement juxtaposes, sans substance intercellulaire, ni vaisseaux, ni fibres

    LMicrobioteEnsemble des micro-organismes dun milieu donn

    LAcides aminsMolcules qui constituent les protines

    LTransgneSquence gntique isole, transfre dun organisme un autre

    Jean-luc Desseyn, Frdric Gottrand : unit 995 Inserm/CHRU Lille Universit Lille 2, quipe Modulations nutritionnelles de linflammation et de linfection

    V. Gouyer et al. Scientific Reports, 14 mai 2015 (en ligne), doi : 10.1038/srep09577

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    Coupe de clon en microscopie fluorescence qui montre des cellules de l'hpithlium intestinal (ADN en bleu) et un mucus (vert et jaune) qui tapisse la surface du tissu. Le vert et le jaune sont dus la mucine 2.

    dcouvertes

  • Derrire ce nom latin, xeroderma pigmentosum, se cache la maladie des enfants de la Lune . Les jeunes patients qui en souffrent doivent leur surnom sa principale caractristique : une hypersensibilit cutane aux ultraviolets, prsents dans la lumire du soleil, qui leur interdit de sexposer au jour. Dorigine gntique, elle touche un nouveau-n sur 1 000 000. Les responsables ? les mcanismes dfaillants de rparation de lADN. Ainsi, les cellules de la peau, dont lADN est ls par lexposition aux UV, sont susceptibles de devenir cancreuses. De plus,

    de nombreux autres symptmes sont associs cette pathologie : troubles du dveloppement et de la croissance, lsions oculaires, dficits neurologiques. Pour lheure, de nombreuses recherches sont mises en uvre afin de trouver un traitement qui permettrait de pallier la dfaillance de ces mcanismes. Cest dans cette optique que lquipe de lIGBMC dirige par Frdric Coin * et Jean-Marc Egly * oriente ses recherches sur TFII-H. Lorsquil est mut, ce complexe protique (L) fait partie des lments capables de dclencher des pathologies du type

    de xeroderma pigmentosum. Ltude de lensemble de ces facteurs permettra de mieux comprendre les mcanismes lis ces maladies et, terme, de trouver un traitement pour ces enfants qui en oublieront donc leur triste surnom. W. G.

    Frdric coin, Jean-Marc egly : unit 964 Inserm/CNRS Universit de Strasbourg, Institut de gntique et de biologie molculaire et cellulaire, quipe Expression et rparation du gnome

    A. Singh et al. The American Journal of Human Genetics, 5 fvrier 2015 ; 96 (2) : 194-207

    LComplexe protiqueEnsemble de protines formant une structure physique cohrente et ralisant une fonction prcise

    QUeSaco ?

    Grce des souris modles de l'infarctus du myocarde, Lucile Miquerol * dans l'quipe de Robert Kelly *, directeur de recherche Inserm l'IBDM, en collaboration avec celle de Sylvain Richard * Montpellier, ont dcouvert de nouveaux vaisseaux

    cardiaques qui apparaissent dans le tissu cardiaque ls. Ceux-ci - appels fleurs endocardiaques du fait de leur aspect - poussent depuis l'endocarde, la couche interne du ventricule, et non partir de l'enveloppe extrieure du cur, comme habituellement

    rapport. En outre, l'endocarde adopte des proprits tissulaires caractristiques des artres. Seul bmol : les fleurs , sans doute pas assez matures, ne suffisent pas revasculariser la zone lse. En revanche, comme l'endocarde est relativement facile d'accs, il pourrait

    tre envisag de stimuler la pousse de ces bouquets de vaisseaux. F. D. M.

    lucile Miquerol, robert Kelly : UMR 7288 CNRS/Aix-Marseille Universit, Institut de biologie du dveloppement de Marseille sylvain richard : unit 1046 Inserm/CNRS - Universit de Montpellier, Physiologie et mdecine exprimentale du cur et des muscles

    L. Miquerol et al. Circulation Research, 22 mai 2015, 116 (11) : 1765-71

    Infarctus du myocardeBouquet de nouveaux vaisseaux

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    X comme Xeroderma pigmentosum

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    cancer de la prostateLe lait hors de cause chez la souris La consommation rgulire de lait favorise-t-elle le cancer de la prostate ? cette question, les tudes pidmiologiques (L) rpondent de faon contra-dictoire. C'est pourquoi l'quipe de Vincent Goffin * a dcid d'valuer ces effets chez deux modles murins. L'un prsente une hyperplasie bnigne (L) un stade prcoce, le second, une forme prmaligne du cancer de la prostate. Rsultat : la consommation leve de lait en poudre reconstitu, quivalant chez l'homme 2 litres de lait par jour, durant 15 27 semaines, n'a pas favoris la progression de l'hyperplasie dans le premier modle, ni celle des lsions pr-tumorales dans le second. Cependant, les chercheurs restent prudents car le rgime tait limit dans le temps, et l'anatomie des prostates humaines et celle des prostates murines diffrent. Ils suggrent donc de nouvelles tudes avec des dlais plus longs et d'autres modles murins de tumorigense (L) prostatique. F. D. M.

    Ltudes pidmiologiquestudes de facteurs agissant sur la sant de populations donnes

    LHyperplasie bnigne Augmentation du volume de la prostate due une prolifration non cancreuse de ses cellules

    LTumorigenseConstitution dune tumeur

    Infarctus du myocarde chez la souris : en vert, formation de nouveaux vaisseaux, en forme de fleur, qui partent de lendocarde (en rouge) et se ramifient dans la zone atteinte (microscopie confocale).

    Par rapport un rgime classique ( gauche), la consommation de lait ( droite) ne modifie ni lorganisation des tissus des glandes prostatiques (H&E), ni leur indice de prolifration (Ki-67), ni

    limmunomarquage de ce cancer .

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    vincent Goffin : unit 1151 Inserm/CNRS Universit Paris-Descartes, Institut Necker- Enfants malades, Centre de mdecine molculaire, Laboratoire de physiopathologie des hormones PRL/GH

    S. Bernichtein et al. PLOS One, 4 mai 2015 doi : 10.1371/journal.pone.0125423

    dcouvertes

  • LARN antisensPetite molcule d'ARN qui se colle certaines squences de l'ARN issu d'un gne et empche leur lecture par la machinerie cellulaire.

    Julien vermot : unit 964 Inserm/CNRS - Universit de Strasbourg, Institut de gntique et de biologie molculaire et cellulaire

    C. Ramspacher et al. Cell Reports, 3 juin 2015 doi : 10.1016/j.celrep.2015.05.010

    Myopathie Dsagrger la desmine ? Maladie gntique rare qui se traduit par une dgnrescence des diffrentes fibres musculaires avec l'ge, la desminopathie est une myopathie due des mutations du gne de la desmine, une protine qui intervient dans la solidit et l'lasticit de ces fibres. Ces anomalies entranent soit la formation d'agr-gats protiques dans la cellule musculaire, soit la perte de la fonction de la desmine. Grce des poissons-zbres modles de la pathologie, l'quipe de Julien Vermot * de l'IGBMC, Strasbourg, a montr que les agrgats sont plus toxiques que l'ab-sence de desmine. En effet, les poissons ayant des agrgats prsentent des problmes importants de

    mobilit et des perturbations de la modulation des ions calcium, capitaux pour la contraction muscu-laire, notamment au niveau du cur. Les poissons dpourvus de desmine sont, eux, moins affects. Forts de ce constat, les chercheurs ont ensuite valu deux pistes thrapeutiques, toujours chez le poisson-zbre. Ainsi, l'antibiotique doxycycline entrane la formation d'agrgats plus petits et dissout, en partie, ceux dj forms. En outre, il est possible d'empcher la production de desmine grce des morpholinos, des ARN antisens (L) qui perturbent la traduction du gne en protine. Reste maintenant valuer si ces phnomnes sont aussi prsents chez les patients humains. F. D. M.

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    CANCER

    Cibler SPARC pour bloquer les mtastases

    sophie tartare-Deckert : unit Inserm 1065 Universit Nice Sophia Antipolis

    M. Tichet et al. Nature Communications, 30 avril 2015 ; 6 : 6993 doi: 10.1038/ncomms7993

    LMtastaseMigration, par voie sanguine ou lymphatique, et croissance d'une cellule tumorale maligne distance du site initial

    LMlanome cutanCancer de la peau au pronostic dfavorable dans ses formes avances

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    Lors dun cancer, sil y a bien un processus qui est particulirement redout, cest le dveloppement de mtastases (L). De nombreuses tudes ont dj mis en vidence limplication de la protine SPARC (Secreted Protein Acidic Cysteine-Rich) diffrentes tapes du processus mtastatique de certains types de cancers, comme les mlanomes cutans (L). De rcents travaux rvlent une nouvelle activit de cette protine : la permabilisation des vaisseaux sanguins qui permet la diffusion des mtastases. Cest, en tout cas, dans ce sens que vont les images de cellules endothliales, constitutives de la paroi des vaisseaux sanguins, prsentes ici. En effet, ces photomicrographies (L), obtenues par Sophie Tartare-Deckert * au Centre mditerranen de mdecine molculaire (C3M), montrent les consquences de lexposition de ces cellules la protine SPARC.Ainsi sur la photo n 2, on observe que lorsquelles sont exposes cette protine, les cellules endothliales vont avoir tendance rorganiser

    leur architecture interne et leurs interactions avec leurs voisines. Consquence du phnomne : lapparition despaces vides entre les cellules de lpithlium (signals ici par un astrisque), qui vont permettre le passage des cellules tumorales. Afin de vrifier que SPARC est bien la responsable de ces mcanismes de modification des structures qui assurent la jonction des cellules entre elles, les chercheurs ont mis en contact les cellules endothliales avec des mlanomes dans lesquels la production de SPARC a t inhibe comme cest le cas sur la photo n 3. Or, celles-ci ne montrent pas de diffrences significatives avec les cellules contrles qui, elles, nont pas t exposes la protine (photo n 1).Ces expriences ont donc bel et bien dmontr que SPARC est lorigine du phnomne de permabilisation vasculaire qui permet aux cellules tumorales de se propager dans lorganisme. Mais ce nest pas tout. En poursuivant leurs travaux, les chercheurs ont prouv quil

    Cellules endothliales seules. En bleu : les noyaux ; en rouge : les fibres dactine du cytosquelette ; en vert : ZO1, composant des jonctions cellulaires1

    dcouvertes

  • Les personnes atteintes de paludisme participent, malgr elles, la transmission de la maladie. Certains de leurs globules rouges contiennent, en effet, des gamtocytes, les cellules sexues du parasite, qui, transmises au moustique, perptuent

    le cycle parasitaire. Dans l'quipe de Pierre Buffet *, Julien Duez * et ses collaborateurs cherchent rigidifier ces gamtocytes qui seraient ainsi reconnus par la rate et exclus de la circulation sanguine. En effet, la rate filtre en permanence le sang

    et limine les cellules sanguines devenues rigides car dtriores ou en fin de vie. Pour examiner leffet de diffrentes substances sur la dformabilit des gamtocytes, ces chercheurs ont optimis un dispositif reproduisant in vitro le filtre mcanique splnique. Ce nouvel outil permet de tester simultanment sur une microplaque et de manire automatise 96 composs, ce qui ouvre la voie un criblage

    mdicamenteux. De plus, ils ont montr que l'efficacit des composs slectionns pouvait tre confirme in vivo chez la souris. Ces rsultats permettent denvisager une approche thrapeutique originale, o une fonction simple de la rate contribuerait au contrle du paludisme. S. P.

    pierre Buffet, Julien Duez : unit 1135 Inserm - Universit Pierre-et-Marie-Curie, Centre dimmunologie et des maladies infectieuses LabEx Gr-Ex, Biogense et pathologies du globule rouge

    J. Duez, J. Holleran et al. Antimicrobial Agents and Chemotherapy, 4 mai 2015 (en ligne) doi : 10.1128/AAC.05030-14

    PaludismeLa rate, un filtre pour viter de transmettre le parasite ?

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    LPhotomicro- graphiePhotographie obtenue laide d'un microscope associ un appareil photo

    LAnticorps monoclonauxAnticorps issus dune seule ligne de cellules immunitaires ne reconnaissant quun seul et mme motif antignique

    existe, sur cette protine, un domaine particulier lui permettant de se lier de manire spcifique un rcepteur prsent la surface des cellules endothliales, le rcepteur VCAM1. prsent, pour lquipe de Sophie Tartare-Deckert, lenjeu est de rechercher des outils molculaires, comme des anticorps monoclonaux (L), qui seraient dirigs contre ce domaine prcis de SPARC. Avec, pour objectif, le blocage spcifique de linteraction avec le rcepteur afin de limiter efficacement la dissmination des mlanomes mtastatiques. Un nouvel espoir de lutte contre les cancers de ce type est donc en vue. n Walter Gillot

    Gamtocytes, cellules sexues du parasite, ici colores au bleu de Giemsa

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    Cellules endothliales mises en prsence du milieu de culture de mlanomes :2 - contenant SPARC3 - non producteurs de SPARC

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    laurence vaysse : unit 825 Inserm - Universit Toulouse III-Paul-Sabatier, Imagerie crbrale et handicaps neurologiques

    L. Vaysse et al. Biomaterials, 4 mai 2015 (en ligne). doi : 10.1016/j.biomaterials.2015.04.019

    Tissu crbralUn implant pour rgnrer les neuronesLa rgnration du tissu neuronal est un vritable dfi pour lavenir et les chercheurs utilisent toutes leurs armes pour lutter contre la neurodgnrescence qui tend augmenter, notamment avec le vieillissement de la population. Dans cet objectif, Laurence Vaysse *, de lunit Inserm 825, et ses collgues toulousains sont parvenus mettre au point un chafaudage implantable capable de diriger la croissance des axones (L) au sein des tissus endommags. Test sur un rat prsentant un dficit moteur, ce maillage 3D de polydimthylsiloxane (PDMS) - un polymre (L) organo-minral - de 2 mm sur 5 mm et 300 microns dpaisseur, en combinaison avec des cellules neuronales, a permis au rongeur de recouvrer un usage fonctionnel de son membre antrieur trois mois aprs implantation. Des rsultats prometteurs pour la recherche neurologique. T. G.

    L AxoneProlongement de neurones

    L PolymreSubstance compose de molcules caractrises par la rptition, un grand nombre de fois, dun ou de plusieurs atomes ou groupes datomes

    dcouvertes

  • Et si, plutt que de tester de nouveaux mdicaments in vivo, les chercheurs le faisaient virtuellement en modlisant, notamment, les ractions du corps humain vis--vis de diffrentes molcules potentiel pharmaceutique ? Cest lobjectif dont sest empar le projet BioIntelligence. De 2009 2014, un consortium de partenaires* a souhait bouleverser la R&D pharma-cologique en dveloppant un ensemble dapplications logicielles. Objectif: proposer aux industriels et aux chercheurs une plateforme doutils de modlisation, de simulation et de prdiction permettant de mener bien leurs recherches et la mise au point de nouveaux pro-duits. lissue de cinq annes de dveloppement, une quinzaine de logiciels a t peaufine et est aujourdhui en cours de commercialisation. Un laboratoire ne peut pas fonctionner aujourdhui sans la bioinformatique. Grce cette approche multidisci-plinaire, nous sommes en mesure de modliser jusqu lenvironnement pathologique dans lequel se trouve une molcule. Cest important, car elle na pas le mme rle ni le mme fonctionnement chez un individu ou un autre,

    puisque leur mtabolisme diffre. La bioinformatique nous y donne accs facilement, explique Sophie Visvikis-Siest *, directrice de lunit de recherche Interactions gne-environnement en physio-pathologie cardiovasculaire (IGE-PCV). Pour parvenir de telles prouesses, les partenaires de ce projet se sont inspirs du principe Product Lifecycle Management (PLM), ou gestion du cycle de vie des produits. Dvelopp initiale-ment dans le domaine de la mtal-lurgie et plus largement pour les

    sciences de lingnieur, il permet doptimiser la concep-tion de nouveaux produits grce une suite de logi-ciels fonctionnant ensemble autour dune plateforme commune: logiciels pour traiter de grandes quantits de donnes, pour rechercher et agrger toutes les infor-mations disponibles sur un sujet prcis, visualiser en 3D les rsultats des tudes ou encore pour faciliter le contact entre toutes les quipes travaillant un mme projet. Afin dutiliser ces outils dans le domaine phar-macologique, il a fallu les adapter. Dans le cas des sciences de lingnieur, on a une ide de ce que lon invente, de ce que lon veut concevoir: un nouveau pare-choc de voiture, une coque de bateau, etc. Les outils PLM sont alors utiliss ds le dbut de la concep-tion. Tout est diffrent avec la pharmacologie: dans les phases amont, il faut explorer, dcouvrir des mcanismes biologiques profonds et lon ne dispose pas forcment de lensemble des informations associes ! Nous ne connais-sons pas, par exemple, certaines interactions biologiques cibler. Dans notre domaine, nous dcouvrons autant que nous concevons des produits. Sans compter que nous

    BIOINfORMAtIquEQuand le labo se fait virtuelLe programme BioIntelligence, auquel a particip lInserm, a permis de mettre au point une plateforme informatique collaborative capable de simuler laction de mdicaments sur une cellule, de modliser sa toxicit ou encore danticiper lissue de diffrentes prises sur des malades. Retour sur laventure concrte dun laboratoire virtuel.

    * Le consortium runissait le chef de file Dassault systmes, cinq partenaires industriels (ipsen, pierre Fabre, sanofi-Aventis, servier et bayer Cropscience), deux pme spcialises dans la bioinformatique (sobios et Aureus pharma) et trois partenaires publics (linRiA, le genopole et linserm).

    **voir S&S n 18, Dcou-vertes Chmoinformatique De lalgorithme au mdica-ment , p. 12-13

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    Plus de 100 millions de donnes dans l'application BIOVIA

    sophie visvikis-siest : Unit 1122 Inserm Universit de Lorraine

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    dcouvertes

  • avons affaire des processus de nature bien diffrente, et nous ne matri-sons pas encore e n t i r e m e n t la complexit i n c r o y a b l e du corps hu-main ! , ex-plique Patrick

    Johnson, vice-prsident Corporate Research & Sciences pourDassault Systmes.

    Une plateforme nourrie aux Big DataAfin de prvoir des mcanismes complexes, tels que le bnfice ou la toxicit de molcules ou les interactions entre cellules, la collection dinformations est une des cls de vote: en accumulant les donnes cliniques is-sues du suivi de patients ou celles issues dexpriences en laboratoire de recherche, des rsultats peuvent tre corrls et la simulation du vivant in silico**(L), appro-che. Dans le cadre des maladies cardiovasculaires, par exemple, ltude du profil gntique des malades, croise avec lidentification en laboratoire des mcanismes de fonctionnement des gnes impliqus dans le dveloppe-ment de ces pathologies, permet de simuler comment la prsence de tels ou tels variants(L) de ces gnes influe sur la survenue de ces cancers.

    Lintgration des infor-mations contenues dans des bases de donnes dj existantes a t pri-mordiale. Cest le cas de

    la plateforme Biostatistiques/Bioinformatique, admi-nistre par lIGE-PCV. Pour comprendre les mca-nismes impliqus dans la physiopathologie des maladies multifactorielles lies au vieillissement, il faut exploiter une quantit importante de donnes exprimentales h-trognes: biologiques, protomiques(L), gntiques, pignomiques(L) ou encore transcriptomiques(L). Pour extraire des informations, notre plateforme assure une analyse haut dbit et une veille mthodologique constantes. De telles informations, qui dcrivent notam-ment les liens entre des lments molculaires et des observations physiopathologiques sur une population donne, sont trs intressantes lorsquil sagit de modliser le vivant, explique Sophie Visvikis-Siest. En retour, la chercheuse et son quipe ont bnfici des apports de BioIntelligence pour alimenter le consortium interna-tional fdratif de gnomique Vascular Endothelial Growth Factor (VEGF ou facteur de croissance de lendothlium(L) vasculaire) dont le but est de dve-lopper un programme personnalis de prvention des maladies cardiovasculaires fond sur lanalyse du VEGF. Produite par les cellules, cette protine a la capacit de stimuler la croissance des vaisseaux sanguins: ce facteur jouerait de fait un rle important dans le dveloppe-ment de maladies cardiovasculaires. Au sein des pro-jets du consortium VEGF, des outils -omiques(L) seront dvelopps, tels que des biopuces et des algo-rithmes: grce ceux-ci, toutes les donnes accumules (profils -omiques des individus, facteurs environ-nementaux, styles de vie, etc.) seront intgres et servi-ront dindicateurs prdictifs et diagnostiques de maladies cardiovasculaires. Un logiciel dvelopp dans le cadre de

    BioIntelligence sera appli-qu lanalyse des voies de signalisation(L) de deux des variants du VEGF. Aujourdhui, les logiciels dvelopps pour alimen-ter une plateforme de recherche collaborative en pharmacologie, baptise 3DEXPERIENCE, sont dsormais oprationnels et en cours de commer-cialisation auprs de lin-dustrie pharmaceutique et des chercheurs. Pari russi donc pour le pro-gramme BioIntelligence, collaboration entre le monde de la biologie et celui de linformatique!n Alice Bomboy

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    Application BIOVIA : carte des cancers humains

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    esperanto scientifiquePour faire fonctionner un tel projet de laboratoire virtuel , il a fallu passer par une tape essentielle : standardiser les termes utiliss par tous les participants afin quils parlent tous le mme langage. Problme : pour dsigner telle molcule ou tel processus, chaque spcialit scientifique possde des termes spcifiques, lesquels, une fois intgrs un modle informatique ne donnent quun brouhaha incomprhensible ! Cest, par exemple, le cas pour le terme interactions , qui peut soit dsigner des interactions entre voies mtaboliques, entre gnes, entre gnes et environnement, avec une consquence biologique, mais qui peut aussi dsigner une interaction statistique. Sophie Visvikis-Siest et ses collgues ont ainsi travaill la mise au point dune sorte d esperanto scientifique afin que tout le monde se comprenne et que les rsultats des recherches menes par tous les partenaires puissent tre compatibles avec la plateforme BioIntelligence : pour interactions , il est dsormais demand de prciser pour chaque utilisation le domaine respectif.

    LIn silicoRecherche ou essai ralis au moyen de modles informatiques

    LVariantsDiffrentes versions existantes dun gne

    LProtomiqueScience qui tudie les protomes, soit lensemble des protines dune cellule, dun tissu, etc.

    Lpignomiquetude de lensemble des modifications pigntiques, soit des changements de lactivit des gnes sans modifications de lADN

    LTranscriptomique

    tude de lensemble des ARN messagers, copies transitoires de portions de lADN, au cours du processus de transcription

    LEndothliumCouche la plus interne des vaisseaux sanguins, en contact avec le sang

    L-omiquesCe suffixe correspond aux technologies qui permettent dtudier un grand nombre de donnes, tel que le squenage du gnome grande chelle ou gnomique .

    LVoie de signalisationEnsemble de mcanismes de communication qui rgissent le fonctionnement et lactivit des cellules.

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    dcouvertes

  • Un exercice de franais adapt avec la plateforme des cahiers fantastiques

    CAROlINE HuRONUn cartable fantastique contre la dyspraxie la fois psychiatre, chercheuse en sciences cognitives et prsidente de l'association Le Cartable Fantastique, Caroline Huron met aujourd'hui tout en uvre pour que la dyspraxie ne soit pas une fatalit pour les 7 000 enfants scolariss qui souffrent de ces troubles de la coordination, de la planification des gestes et de l'organisation du regard. Une dmarche qui allie depuis toujours recherche fondamentale et solutions pragmatiques.

    caroline huron, stanislas Dehaene : unit 992 Inserm/CEA - Universit Paris-Sud 11 Jean-Marie Danion : unit 1114 Inserm - Universit de Strasbourg, Neuropsychologie cognitive et physiopathologie de la schizophrnie roland Jouvent : unit 1127 Inserm/UMR 7593 CNRS - Universit Pierre-et-Marie-Curie, Institut du cerveau et de la moelle pinire Marie-odile Krebs : unit 894 Inserm - Universit Paris-Descartes, Centre de psychiatrie et neurosciences Jean-luc Martinot : unit 1000 Inserm/CEA ERM 02-05 Imagerie crbrale en psychiatrie /SHFJ -Universit Paris-Sud 11

    Maladroit, lent, peu appliqu, criture illisible... Telles sont quelques-unes des apprciations qui maillent les bulletins scolaires des enfants dys-praxiques. Or, si leurs troubles de la coordination et de la planification des gestes et ceux de l'organisation du regard les pnalisent, ce handicap - aussi frquent que la dyslexie (L) - n'est pas une fatalit. Une des solutions: Le Cartable Fantastique. Cette association, retenue dans les projets soutenus par le programme prsidentiel La France s'engage (voir encadr), a pour objet de faciliter la scolarit d'enfants en situation de handicap, et plus particulirement dyspraxiques, indique sa prsidente, Caroline Huron *, qui est galement chercheuse dans le laboratoire de Neuroimagerie cogni-tive de Stanislas Dehaene *, Gif-sur-Yvette. Nous y croisons le regard de chercheurs en sciences cognitives et d'enseignants habitus "adapter pour inclure" (L), afin de proposer des outils qui vont permettre aux enfants de travailler en mme temps que les autres en classe. Le Cartable Fantastique allie donc la recherche fon-damentale et celle de solutions pragmatiques l'image de sa prsidente, la fois chercheuse et maman d'une enfant dyspraxique.Pour autant, sa dmarche, qui consiste comprendre pour soigner, ne date pas de lpoque o sa fille a t diagnostique. Au dbut des annes 1990, durant son internat en psychiatrie Strasbourg, la jeune femme

    fait des stages dans le laboratoire Inserm de Jean- Marie Danion* qui travaille sur les troubles cognitifs en psychiatrie. Elle y tudie plus particulirement les troubles de la mmoire dans la schizophrnie. Il a t dterminant dans mes choix, assure Caroline Huron. la fois psychiatre et chercheur, il a toujours eu cur de mener des recherches fondamentales visant tablir des concepts solides pour les mettre au service des patients. Fidle cette ligne de conduite, elle fera donc de la recherche au plus prs des malades. Ainsi, jeune ma-rie, en 1997, elle quitte Strasbourg pour le labora-toire Personnalits et conduites adaptatives de Roland Jouvent *, spcialiste de la dpression, l'hpital de la Piti-Salptrire Paris. Elle y termine sa thse sur l'tude de la remmoration consciente dans la schizophrnie, toujours sous la direction de Jean-Marie Danion.Puis, dbute la phase postdoctorale notamment dans le laboratoire de Marcia Johnson, une des cinq plus im-portantes spcialistes internationales de la mmoire, l'universit de Yale aux tats-Unis, o j'ai embarqu bb et mari durant quelques mois avant que ce dernier ait rentrer Paris pour assurer ses cours, glisse-t-elle en souriant. La parenthse amricaine est enrichissante, aprs avoir tudi la manire dont la mmoire restitue les informations, je me suis penche sur leurs processus d'encodage(L) . De retour dans la capitale, elle rejoint l'quipe Inserm de Marie-Odile Krebs * l'hpital

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    la une dcouvertes TTes chercheuses regards sur le monde cliniquement vtre grand angle mdecine gnrale entreprendre opinions stratgies Bloc-notes

  • Sainte-Anne pour tudier, chez les patients schizo-phrnes, les perturbations de ces processus d'enco-dage. Charge de recherche l'Inserm, elle dcide de se former l'IRM fonctionnelle (L) dans le laboratoire de Jean-Luc Martinot * du CEA Saclay afin d'ana-lyser les liens entre les neurones et les troubles de la mmoire. Elle travaille toujours sur la schizophrnie, mais seule sur cette thmatique, elle ne sy retrouve pas. En 2006, elle dcide donc de rintgrer le laboratoire de Jean-Marie Danion, justement centr sur ce sujet et sy ressource profession-nellement. C'est aussi cette priode que la plus jeune de ses filles est dia-gnostique dyspraxique.De fait, en 2008, lors de son entre en CP, il tait clair que Manon aurait besoin daide. Un retour dans la capi-tale simposait donc. Le laboratoire de Neuroimagerie cognitive de Stanislas Dehaene lui pro-pose alors de venir travailler sur les liens entre mmoire et conscience dans la schizophrnie. Et c'est l qu'en plus de son travail temps plein, elle cre Le Cartable Fantastique de Manon. Une tche colossale! Comme les enfants dyspraxiques ont du mal suivre les lignes d'un texte et situer un exercice dans la page d'un livre, elle adapte tous les manuels scolaires de sa fille: lignes sur-lignes, cartes, de couleurs diffrentes, avec des carac-tres plus gros, etc. Ces enfants ayant des difficults avec l'criture manuscrite, elle transcrit, dans le mme esprit, les exercices en format numrique afin que ces jeunes n'aient pas crire, mais juste rpondre aux questions poses en cliquant ou en tapant. L'objectif est qu'ils accdent au contenu et qu'on value leurs comptences et non leur capacit crire , explique-t-elle. Enfin, elle met ces ressources sur Internet et quipe Manon d'un ordinateur ds le CP. Cette dcision de "contourner" l'criture manuscrite n'a pas t simple faire accepter, se souvient la chercheuse. Mais j'ai t grandement aide dans ma rflexion - et je le suis toujours- par Michle Mazeau, mdecin rducateur spcialiste de la dyspraxie, et par Herv Glasel, qui coordonne les coles du Centre de rfrence pour lvaluation neuropsychologique de lenfant (Cerene), dispensant unenseignement adapt ceux prsentant destroubles des apprentissages: troubles

    "dys" (dyslexie, dyscalculie, dysphasie) et dficits de l'attention. En 2010, Le Cartable Fantastique devient une association.Au sein du laboratoire de Gif-sur-Yvette, ses camarades s'intressent ce deuxime travail et, surtout, lui proposent de l'aide. La belle-mre d'une collgue s'est propose comme dveloppeuse informatique, son

    mari a conu de petits logiciels pour faciliter l'adaptation des textes et un cousin informaticien a mis au point un programme pour crer des manuels numriques, relate Caroline Huron. Puis, Ghislaine et Stanislas Dehaene m'ont incite dvelopper un pro-jet de recherche sur la dyspraxie qui a dmarr en septembre 2011 avec un financement provenant de la Fondation pour la recherche mdicale.Dsormais, Caroline Huron et ses

    consurs, Alice Gomez et Antoinette Jobert, tudient les comptences numriques des enfants dyspraxiques et le fonctionnement de leur rgion paritale grce l'IRM fonctionnelle. En effet, cette rgion, situe l'arrire du cerveau, est implique dans la perception de l'espace, la coordination motrice volontaire et le systme visuel.En parallle, l'association se dveloppe. Pour mieux rpondre aux besoins des enfants, elle doit passer du bnvolat un fonctionnement professionnel. Depuis l'anne passe, Caroline Huron y est donc dtache temps plein, ou presque, car elle continue aussi travailler pour son laboratoire. Elle obtient alors un premier financement de 300000euros de la Fondation Bettencourt Schueller et le premier prix de l'innovation sociale du conseil gnral de l'Essonne, d'un montant de 8000euros. Puis, Le Cartable Fantastique postule pour participer au programme La France s'engage. Retenu, il reoit une aide qui double son budget. Aujourdhui, lassociation prend une autre dimen-sion avec des moyens financiers plus importants. Nous devons agrandir notre quipe et, donc, recruter, annonce sa prsidente ravie. Cest pourquoi, afin de mettre en place cette nouvelle organisation, jai demand une prolongation d'un an de mon dtachement, mme s'il me tarde de reprendre mes recherches

    temps plein ! De fait, au laboratoire, l'quipe va dbuter sous peu une tude sur la perception de l'espace par ces enfants dyspraxiques. Quant Manon, aujourd'hui ge de 12ans, grce une scolarit adapte, elle est en 5e o elle a entre 16 et 18 de moyenne, conclut avec fiert sa maman.n Franoise Dupuy Maury

    La France sengageCet appel projet lanc par le Prsident de la Rpublique en 2014 vise identifier, mettre en valeur, soutenir et faciliter lextension dinitiatives socialement innovantes et dutilit sociale. Il permet des projets isols mais prometteurs de changer d'chelle grce un soutien mieux pilot des pouvoirs publics. Programm pour durer jusqu'en 2017, et dot d'une enveloppe globale de 50 millions d'euros, tous les semestres ce dispositif slectionne 15 laurats qui reoivent un soutien financier et une aide pour lever les ventuels freins administratifs.

    JUILLET - AOT 2015 N 26 15 15

    www.cartablefantastique.fr8

    lireLenfant dyspraxique : mieux laider la maison et lcole, C. huron, 2011, Odile Jacob, 198 p., 22,25

    LDyslexieTrouble dacquisition de la lecture

    LAdapter pour inclurePrincipe de la loi d'orientation pour la refondation de l'cole qui dsigne un ensemble de pratiques pdagogiques permettant l'lve de dvelopper son potentiel scolaire sans tre gn par son handicap.

    LEncodageProcessus par lequel une information est mmorise.

    LIRM fonctionnelleTechnique d'imagerie par rsonance magntique qui permet de visualiser les zones actives du cerveau lors d'une tche.

    ttes chercheuses

  • N 26 JUILLET - AOT 2015 16 16

    Exercice pratiquer pour lutter contre les ronflements

    AllEMAgNE

    Nouvel espoir contre la tuberculose

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    Quand un vaccin aDN soignera lhypertension artrielle

    Et si les patients atteints dhypertension ntaient plus contraints dingrer une ou plusieurs pilules par jour ? Cest sur cette question que lquipe de Ryuichi Morishita, de la facult de mdecine d'Osaka, sest penche en dveloppant un vaccin pour diminuer lhypertension. Pour le fabriquer, les chercheurs ont intgr lADN de l'angiotensine II, une molcule ayant pour effet d'augmenter la pression artrielle. Aprs linjection du vaccin, une rponse immunitaire (L) se dveloppe chez des souris hypertendues en diminuant leur pression artrielle de 20 %. Grce la mmoire du systme immunitaire, la scrtion des anticorps et donc la baisse de la pression se prolongent pendant six mois. Dautres expriences pour sassurer de linnocuit totale du vaccin sont en cours.

    H. Koriyama et al. Hypertension, 26 mai 2015 ; 66 : 167-74

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    Le rgime mditerranen contre le cancer de lutrus ? Dans la plupart des cas, le cancer de lutrus ou celui de lendomtre (L) sur-

    vient aprs la mnopause. Pour mesurer les bnfices dun rgime mditerra-nen sur la probabilit dapparition de cette maladie, Cristina Bosetti de lInstitut

    de recherche pharmacologique Mario-Negri de Milan et ses collaborateurs ont suivi plus de 5 000 femmes entre 1983 et 2006. Rsultat ? Adopter une alimentation quili-

    bre en intgrant les composants du rgime mditerranen (lgumes, fruits et noix, lgumineuses, crales, poissons, acides gras insaturs), tout en limitant sa consommation en viandes, produits laitiers et alcool, divise par deux le risque de survenue de ces cancers. Selon les chercheurs, la richesse de ce rgime en antioxydants, fibres, acides gras insaturs et polyphnols (L) explique son effet protecteur contre le can-cer de lendomtre. M. Filomeno et al. British Journal of Cancer, 26 mai 2015 ; 112 : 1816-21

    Depuis une quinzaine dannes, lapparition de nouvelles formes de tuberculose rsistantes aux traitements pressent les scientifiques trouver de nouveaux mdicaments. Une quipe internationale dirige par Angela Kling du Centre Helmholtz pour la recherche sur les maladies infectieuses de Sarrebruck et du Centre de recherche en infectiologie dHanovre a focalis ses recherches sur la gryslymicine (GM). Dcouvert dans les annes 1960, ce peptide (L) produit par la bactrie du genre Streptomyces (L) a t mis de ct devant le succs rencontr par dautres mdicaments. En reprenant les travaux, les chercheurs ont slectionn un analogue de la GM capable de dvelopper une activit efficace

    contre des bacilles de Koch (L) multirsistants. Sur des modles murins, son administration par voie orale renforce les effets thrapeutiques des associations dantibiotiques habituellement prescrits. Les chercheurs estiment que le risque de survenue de rsistances cette GM est faible tant donn son mcanisme daction. Reste dsormais dmontrer lefficacit de ce traitement sur lhomme.

    LPeptideEnchanement de quelques dizaines dacides amins

    LStreptomycesBactrie non pathogne lorigine de la production de trs nombreux antibiotiques

    LBacille de KochBactrie en forme de btonnet responsable de la tuberculose

    A. Kling et al. Science, 5 juin 2015 ; 348 (6239) : 1106-12

    Lanalogue de la gryslymicine (en rouge) se lie lADN de lagent pathogne de la tuberculose pour empcher sa rplication.

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    LRponse immunitaireMcanisme de dfense de lorganisme

    L EndomtreMuqueuse interne de lutrus

    L PolyphnolsFamille de molcules prsente dans le rgne vgtal

    exercices buccaux antironflements

    Mme si pour tous les ronfleurs, il natteint pas forcment les

    95 dcibels niveau sonore du passage dun camion - le ronflement peut devenir un vritable cauchemar. Daprs une tude mene par lquipe de Vanessa Ieto de lcole de mdecine de luniversit de So Paulo, la pratique quotidienne dexercices oropharyngs, mobilisant bouche et langue, diminue la frquence et lintensit sonore des vibrations des tissus de la gorge. Une bonne nouvelle pour les 15 millions de ronfleurs de lHexagone, dautant plus quau-del de la gne occasionne pour soi-mme et son partenaire, le ronflement est un des symptmes de lapne du sommeil (L), elle-mme lorigine de maladies cardiovasculaires.

    V. Ieto et al. Chest, 7 mai 2015, doi : 10.1378/chest.14-2953

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    L Apne du sommeilArrt involontaire de la respiration durant le sommeil

    Page ralise par Julie Paysant

    la une dcouvertes ttes chercheuses regards sur le monde cliniquement vtre Grand anGle mdecine Gnrale entreprendre opinions stratGies Bloc-notes

  • lE POINt AvEC Brahim Nait-oumesmarDirecteur de recherche, Inserm UMRS1127/CNRS UMR 7225 - Universit Pierre-et-Marie-Curie, Institut du cerveau et de la moelle pinire, quipe Approches molculaire et cellulaire de la rparation mylinique

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    LCriblage haut dbitIl teste le potentiel thrapeutique dun grand nombre de molcules en un minimum de temps, en sappuyant sur la bioinformatique, la gnomique, la protomique, la robotique et les nanotechnologies.

    LAnticorpsProtine capable de reconnatre une autre molcule, et seulement celle-ci. Lanticorps vient se lier lantigne, favorisant son limination par les reins ou le systme immunitaire.

    LNvrite optiqueInflammation du nerf optique pouvant causer une perte partielle ou totale de la vision

    Science&Sant : En quoi cette tude est-elle innovante ?Brahim Nait-Oumesmar : Dabord, elle porte sur un domaine actuellement en plein essor: la recherche de composs pharmacolo-giques capables de promouvoir la rgnration des oligodendrocytes et donc la remylinisation. Ensuite, les traitements actuels de la sclrose en plaques ciblent surtout la composante inflam-matoire de la maladie, mais ont trs peu dimpact sur la rgnration de la myline. Cest donc une relle innovation de la part de ces chercheurs amricains, qui ont dvelopp ici une technique de criblage haut dbit (L) capable didentifier des molcules stimulant la diffrenciation des CPOs en oligodendrocytes mylinisants.

    JUILLET - AOT 2015 N 26 17 17

    S&S : Mais est-ce un rel espoir pour les malades ?B. N.-O. : Oui. Il y a de vritables perspec-tives thrapeutiques. L'objectif est de stimuler la remylinisation des lsions de la sclrose en plaques et de ralentir la progression de la mala-die. Or, lavenir, il est tout fait envisageable de soigner les patients en combinant cette stratgie aux traitements anti-inflammatoires classiques, base dimmunomodulateurs et immunosuppresseurs.

    S&S : Les premiers essais cliniques sont donc pour bientt ?B. N.-O. : Effectivement, les premiers essais cliniques peuvent tre envisags dans un avenir proche, mme si les travaux ici sont au stade prclinique et que des validations sont encore ncessaires. Lavantage, cest que le clobtasol (un gluccocorticode) et le miconazole (un antifongique) sont dj approu-vs par la Food and Drug Administra-tion aux tats-Unis. Par ailleurs, dautres molcules pro-my-linisantes, comme les anticorps (L) anti-Lingo 1, ont

    dj intgr des essais cliniques, conduits par la socit de biotechnologies Biogen Cambridge aux tats-Unis. Les premiers rsultats montrent une amlioration clinique des patients atteints de nvrites optiques (L). Quant nos quipes de lICM et de lhpital Piti-Salptrire, elles mnent galement une recherche trs active dans le criblage haut dbit de molcules pro-mylinisantes. n Propos recueillis par Julie Paysant

    Lobjectif est de stimuler la remylinisation des lsions et de ralentir la progression de la maladie

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    Sclrose en plaques

    Deux nouvelles molcules pour rgnrer la mylineLa sclrose en plaques (SEP) affecte le systme nerveux central en dtruisant progressivement la myline et les oligodendrocytes, responsables de la synthse de cette gaine protectrice entourant les fibres nerveuses. Lquipe de Fadi J. Najm, de luniversit Case Western Reserve de

    Cleveland, sest donn pour mission de dcouvrir de nouveaux mdicaments capables de stimuler la production doligodendrocytes, afin de contrer les effets de cette maladie auto-immune (L). Ils ont ainsi test les proprits mylinisantes de plus de 700 molcules. Deux dentre elles sont sorties du

    lot : le miconazole et le clobtasol, qui activent la diffrenciation des cellules prognitrices des oligodendrocytes (CPOs). Rsultat : la myline est nouveau synthtise et les lsions des fibres nerveuses diminuent. Une innovation dans le traitement de la SEP.

    F.J Najm et al. Nature, 11 juin 2015 ; 522 (7555), 216-20, doi : 10.1038/nature14335

    Production de myline par les oligodendrocytes

    LMaladie auto-immuneRsulte dun dysfonctionnement du systme immunitaire qui sattaque aux constituants normaux de lorganisme.

    regards sur le monde

  • DEtRESSE RESPIRAtOIRELes petites canules qui sauvent des vies

    Jean-pierre Frat : CIC Inserm 1402 - Universit de Poitiers

    F. Stphan et al. JAMA, 17 mai 2015 doi : 10.1001/jama.2015.5213

    J.-P. Frat et al. New England Journal of Medicine, 17 mai 2015 doi : 10.1056/NEJMoa1503326

    LHypoxietat doxygnation insuffisante de certains tissus ou de lorganisme entier

    Les mdecins ranimateurs le savent bien: pour vi-ter lhypoxie(L), il faut augmenter la quantit de dioxygne qui parvient au patient en insuffisance respiratoire. La mthode classique consiste accrotre la teneur du mlange inhal en oxygne. Alors que lair ambiant contient 21% doxygne, tous les dispositifs dassistance respiratoire peuvent relever ce taux jusqu 100 %. Objectif: viter le recours lintubation sous anesthsie.Dernier progrs en date : loxygnothrapie haut dbit nasale qui dlivre 70 litres de mlange par minute via des canules. En thorie, il est impossible dinsuffler une telle quantit de gaz mdical pendant plus de 10mi-nutes sans obstruer les voies nasales ni asscher les muqueuses. Les constructeurs ont donc conditionn lair inspir en lhumidifiant et en le rchauffant. Cette mthode a rcemment fait ses preuves, mises en avant dans deux tudes franaises prsentes Denver, lors du congrs de lAmerican Thoracic Society en mai der-nier. Portant sur 830 patients ayant subi une chirurgie cardiaque, ltude BiPOP (BipoP vision versus OPtiflow), dirige par Franois Stphan du service de ranima-tion adulte au Centre chirurgical Marie-Lannelongue, au Plessis-Robinson, montre lquivalence en termes defficacit de loxygnothrapie haut dbit compare la ventilation non invasive (VNI), o un masque pos sur le patient est aliment en permanence en oxygne. Quant ltude FLORALI (FLOw nasal oxygen therapy in Ressuscitation of patients with Acute Lung Injury), dirige par Jean-Pierre Frat *, du service de rani-mation du CHU de Poitiers, elle est alle plus loin. Elle a montr, chez 310 patients atteints de pneumonie, que

    le nouveau dispositif tait plus efficace que la VNI en cas dinsuffisance respiratoire aigu. Par ailleurs, les patients qui en taient quips doublaient leurs chances de survie au cours des 90 jours suivant leur admission aux urgences: moins de 12% de dcs contre 27% chez ceux qui lon avait appos un masque et ce, mme si celui-ci tait connect aux appareils utiliss en oxygno-thrapie. Cest donc lassociation de ce nouveau dispositif et des canules qui permet une oxygnation suffisante des patients pour sauver les cas les plus graves, souligne le chercheur. Elle remplace avantageusement la VNI dans les insuffisances respiratoires aigus.Autres avantages: dabord son dbit permet de vider les poumons du dioxyde de carbone qui sy accumule en raison de linsuffisance respiratoire. Ensuite, pour les personnels soignants, il est galement moins contrai-gnant dutiliser ces canules : Le patient est moins paniqu que lorsquon lui pose un masque, prcise Jean-Pierre Frat.Il reste savoir si ces dispositifs, qui ont fait leur entre dans les services de ranimation il y a deux ans, peuvent tre efficaces dans dautres indications, comme lassis-tance respiratoire des patients que lon vient de dsin-tuber. Une piste qui fait galement lobjet de travaux au sein du laboratoire poitevin, avec des rsultats paratre prochainement. n Damien Coulomb

    Que lon souffre dune pneumonie ou que lon sorte de chirurgie cardiaque, peu de situations sont aussi angoissantes que de suffoquer sur un lit dhpital. Heureusement, les mthodes dassistance respiratoire ne cessent de se perfectionner. Le dernier concept en date, loxygnothrapie haut dbit nasale, russit mme le double exploit de rduire la mortalit et dtre plus simple utiliser.

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    Patient sous assistance respiratoire dans un service de soins intensifs

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    la une dcouvertes ttes chercheuses regards sur le monde Cliniquement vtre grand angle mdecine gnrale entreprendre opinions stratgies Bloc-notes

  • Sclrose en plaquesLincidence en Bretagne suit-elle la rgle ?La sclrose en plaques (SEP) est connue pour tre plus frquente sous de hautes latitudes mais une tude mene par Jacqueline Yaouanq * et des col-lgues du CHU de Rennes montrent que dautres facteurs sont impliqus. Ces chercheurs ont, en effet, recens les

    310patients ayant dclench un premier symptme vocateur de SEP sur lensemble de la Bretagne en 2000 ou 2001. Aprs dix ans de suivi, le diagnostic de SEP a t re-tenu chez 249 patients de cette cohorte, indiquant rtrospectivement un taux dinci-dence en 2000-2001 de 4,28 sur 100000 habitants, similaire au taux moyen europen la mme priode. La comparaison diffrentes donnes franaises, comme celles de la Lorraine, situe la mme latitude que la Bretagne, suggre dautres facteurs de risque que cette situation gographique. Par ailleurs, la proportion de femmes (3contre 1 homme) confirme une diffrence croissante entre les sexes. A. H.

    Jacqueline Yaouanq : CIC 0203 Inserm/CHU de Rennes, Service de sant publique et dpidmiologie J. Yaouanq et al. Acta Neurologica Scandinavica, mai 2015 ; 131 (5) : 321-8

    NUTrITIoNDu pamplemousse pour assouplir les artres

    Vronique Habauzit * et lquipe de lUnit de nutrition humaine, dirige par Christine Morand *, ont tudi les effets des microconstituants majeurs du pamplemousse sur 48 femmes mnopauses. Aprs une cure de 6 mois de 340 millilitres quotidiens de jus de pamplemousse ou dune boisson similaire, mais sans microconstituants, ces femmes ont subi diffrents

    tests vasculaires. La vitesse de propagation de londe de pouls sest rvle statistiquement plus faible chez celles qui ont bu du jus de pamplemousse, indiquant une rigidit artrielle moindre. Les flavanones, polyphnols connus des agrumes, seules ou en association avec dautres molcules prsentes dans ce fruit, contribueraient donc prvenir la rigidit artrielle. Mais avant den recommander fortement la consommation, il faudra saffranchir de leffet potentiellement ngatif dautres bioactifs prsents. A. H.

    vronique habauzit : unit 1107 (ex-766), Inserm Universit dAuvergne, Neuro-Dol, et CIC 1405 (ex-501) Inserm/CHU Clermont-Ferrand christine Morand : UMR 1019 Inra/Universit dAuvergne

    Habauzit et al. American Journal of Clinical Nutrition, 27 mai 2015

    Trouble du dficit de lattention/hyperactivit Le statut socio-conomique est-il prdictif ?Quels sont les facteurs de risque prdictifs de lhyperactivit chez les enfants de 3 ans ? Pour rpondre cette question, Stphanie Foulon * de lunit Inserm 669 et ses collgues se sont intresss aux donnes de ltude EDEN,

    mene sur des femmes enceintes suivies dans les maternits de Poitiers et Nancy entre 2003 et 2006, et notamment celles de 1 311 couples mre-enfant. Ils ont principalement identifi deux types de squences dveloppementales impliquant le statut socio-conomique (SSE) : un SSE faible est associ plus de symptmes maternels danxit-dpression au cours de la grossesse, suivis de plus de troubles de linteraction mre-bb et plus de symptmes dhyperactivit chez lenfant 3 ans. linverse, un SSE plus lev est associ un allaitement plus long et moins de symptmes dhyperactivit 3 ans. Cette tude identifie ainsi des cibles sur lesquelles agir pour prvenir en amont lapparition de ce trouble chez le jeune enfant. A. H.

    stphanie Foulon : unit 669 Inserm/Universit Paris-Descartes, Universit Paris-Sud, Trouble du comportement alimentaire de ladolescent

    S. Foulon et al. PLOS One, 4 mai 2015 ; 10 (5) : e0125996, doi : 10.1371/journal.pone.0125996

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    Maladies neurodgnrativesamliorer le consentement aux essais cliniquesDans quelle mesure les patients atteints de la maladie de Huntington peuvent-ils donner leur consentement clair avant de participer un essai clinique ? Laurent Cleret de Langavant * et ses collaborateurs du Centre de rfrence de la maladie de Huntington se sont penchs sur cette question en sintressant 46 malades inclus dans un protocole de greffe neuronale et 26 de leurs proches. Si les participants sont capables de fournir un consentement clair valide au dbut de ltude malgr leurs troubles et la complexit de la recherche propose, leurs facults de comprhension du protocole peuvent cependant dcliner avec le temps. Les chercheurs mettent ainsi plusieurs recommandations pour les futurs essais complexes dans des maladies neurodgnratives. Parmi elles : valuer la comprhension des patients via un questionnaire initial, identifier une personne de confiance qui sera apte assister le malade, ou encore rvaluer la stabilit de son libre choix pendant et aprs ltude. Ces instructions sinscrivent dans un contexte o les essais cliniques innovants sont de plus en plus courants. T. G.

    laurent cleret de langavant : unit 955 Inserm Universit Paris-Est-Crteil-Val-de-Marne, Institut Mondor de recherche biomdicale, quipe Neuropsychologie interventionnelle

    L. Cleret de Langavant et al. PLOS One, 26 mai 2015 (en ligne) doi : 10.1371/journal.pone.0128209

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    Lsions dues la SEP visibles en vert au centre (IRM, coupe sagittale dun cerveau)

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    De bonnes molcules caches dans ce fruit ?

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  • n 26 JuiLLet - AOt 2015 20

    la une dcouvertes ttes chercheuses regards sur le monde cliniquement vtre Grand anGle mdecine gnrale entreprendre opinions stratgies Bloc-notes

  • Quand votre sant entre dans la lumire

    Cest lt, la priode de lanne o la lumire du soleil sattarde le plus longtemps sur notre pays. Et cest le moment choisi pour sassocier aux clbrations de lUnesco qui a proclam 2015 anne internationale de la lumire . Lorganisme soutient de multiples initiatives pour mettre sous les feux de la rampe les usages et les technologies qui y sont lis. Dans notre domaine, celui de la sant humaine, nous avons donc voulu

    mettre en avant les recherches les plus innovantes entreprises grce aux proprits de ce phnomne physique. Comment les scientifiques observent-ils linfiniment petit ? Comment organisent-ils finement des tissus vivants ? Comment les gnes dune algue ou dune bactrie peuvent-ils faire voir linvisible ou rendre la vue ? Comment la lumire soignera-t-elle certains cancers ? Ou stimulera-t-elle notre cerveau ? En trois grands chapitres, Observer, Soigner, Rparer, quelques-unes des recherches de pointe associes la lumire dcouvrir

    Chirurgie oculaire au laser

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    Dossier ralis par Pascal Nguyn

    JuiLLet - AOt 2015 n 26 21JuiLLet - AOt 2015 n 26

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  • N 26 JUILLET - AOT 2015 22 22

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    2015 a t dclare anne internationale de la lu-mire par lOrganisation des nations unies pour lducation, la science et la culture (Unesco). La page du site Web de lorganisation indique que cest une initia-tive qui vise sensibiliser les citoyens du monde entier sur limportance, dans leur vie quotidienne, de la lumire et des technologies qui y sont associes. Si elle est impor-tante dans la vie quotidienne, la lumire est primordiale pour la vie tout court. Cest dabord celle mise par le Soleil qui est lorigine de la cration des conditions propices lapparition de la vie sur Terre, voici trois ou quatre mil-liards dannes. Cest encore elle qui permet aux plantes de se dvelopper grce, notamment, la photosynthse et donc de mettre en uvre la plupart des chanes ali-mentaires dont nous sommes un des derniers maillons. Un maillon qui a trs tt souhait dompter la lumire et russi, au fil des sicles, lui trouver des applications de plus en plus innovantes. Aujourdhui, la lumire offre un formidable spectre doutils. Comme le rappelle le site de

    Dompter la lumireAu cours des sicles, nous avons tent dapprivoiser la lumire pour notre bien-tre, notre sant. Si nous possdons dj quelques outils lumineux dans leur conception, dautres innovations sont venir.

    LMicroscopie de fluorescence biphotonique

    Permet de dtecter la fluorescence induite par labsorption de deux photons, dans le but de suivre une volution in vivo de tissus pralablement marqus.

    LLupus vulgarisLsions tuberculeuses cutanes apparaissant le plus souvent sur le visage

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    lUnesco, elle est exploite dans un nombre considrable de domaines: lnergie, la construction, les communications, lexploration spatiale et, bien entendu, la sant. La premire utilisation de la lumire en mdecine est lobservation. Depuis des sicles, les tres humains ont exploit ses proprits (voir encadr) pour tudier le corps humain et en comprendre les mcanismes. Ils ont ainsi dvelopp des outils pour augmenter leur vision puis, pour la suppler. Le premier microscope daterait du XVe ou XVIe sicle. Il permettait dobserver des bactries et des glo-bules de quelques micromtres (m). Aujourdhui, grce la microscopie de fluorescence biphotonique(L), on est capable dobtenir des images avec une prcision de 0,5 m, qui peuvent mme tre en 3D et concerner des lments et des vnements biologiques in vivo. La lumire ne per-met pas seulement dobserver. Elle soigne aussi. Richard John Cremer a relev, en 1958, linfluence de la lumire du jour sur lictre (ou jaunisse) du nouveau-n. La luminothrapie est galement utilise pour combattre

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  • JUILLET - AOT 2015 N 26 23 23

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    la dpression saisonnire. Elle consiste exposer le patient des systmes lumineux reproduisant la lumire du soleil. Toute-fois, la lumire utilise nest pas toujours celle dorigine naturelle. Ainsi, lictre des nouveau-ns se traite aussi sous des lampes met-tant une lumire bleue.

    En 1903, Niels Ryberg Finsen fut dailleurs rcompens du prix Nobel de mdecine en reconnaissance pour sa contribution au traitement de maladies, spcifiquement le lupus vulgaris(L), grce un rayonnement lumineux concentr, qui a ouvert une nouvelle voie pour la science mdicale, celle, notamment, de la photothrapie ou celle des traitements au laser simple, lumire monochro-matique concentre. En dermatologie, par exemple, on utilise cette photothrapie base dUVA et/ou UVB pour traiter le psoriasis ou des eczmas, ou les lasers pour ter un tatouage. Ces derniers sont galement employs en ophtalmologie pour traiter la myopie, la cataracte ou en urologie pour dtruire des calculs. Aujourdhui, la lumire entre dans des recherches et des applications trs pointues. Un exemple: la microscopie biphotonique qui sappuie notamment sur des stratgies de gnie gntique. Celles-ci consistent insrer des gnes fluorescents dans des cellules cibles pour pouvoir les observer in vivo. Le gnie gn-tique est galement en action lorsquil sagit de restaurer partiellement la vision. Cest loptogntique, qui consiste plus gnralement rendre des cellules photosensibles

    pour activer ou inhiber des fonctions, pas seulement vi-suelles. galement, en rendant photosensibles des cellules cancreuses, on parvient les dtruire. Cest la thrapie photodynamique, une branche de la photothrapie, qui devrait se dvelopper grce linvention dun nouveau tissu clairant. Et dici quelques annes, la bio-impression laser pourrait permettre de rparer plus rapidement des os. Petit petit, les scientifiques ont identifi de nouvelles voies de la lumire, notamment non visuelles, et leur impact sur nos fonctions physiologiques. Et ce sont ces six domaines en sant que nous avons dcid de mettre sous les feux de la rampe dans ce dossier, et qui figurent parmi les utilisations les plus innovantes de la lumire.

    chacune sa longueur dondeLa lumire est la fois une onde lectromagntique et un ensemble de particules dnues de masse, les photons. Sans obstacle, elle se propage en ligne droite et, dans le vide, elle le fait la vitesse de presque 300 000 km/s. La lumire visible par lil humain on parle de spectre visible est compose de plusieurs ondes monochromatiques, du violet au rouge en passant par toutes les variantes de bleu, vert, jaune et orange. La lumire blanche est la rsultante de toutes ces ondes. Chacune est dfinie en physique par sa frquence et sa vitesse de propagation dans un milieu donn, le produit des deux tant la longueur donde. Les longueurs dondes du spectre visible sont comprises entre 380 nm (le violet) et 780 nm (le rouge). En de de 380 nm et jusqu 10 nm, cest le domaine des ultraviolets (UV). Au-del de 780 nm et jusqu 1 mm, cest celui des infrarouges (IR). Par ailleurs, la longueur donde a un impact sur la quantit dnergie transporte. Plus elle est courte, plus londe en transporte, et plus elle a un impact sur les molcules biologiques. Et cest en manipulant ces longueurs dondes quil a t possible de concevoir certains outils et applications. Les lasers, par exemple, sont des instruments qui amplifient et dirigent la lumire une longueur donde spcifique. Ils permettent de dcouper ou dtruire trs prcisment des cellules. Limagerie, elle, utilise la proprit de la lumire se rflchir sur certaines surfaces ou encore se dvier si les milieux quelle traverse nont pas le mme indice de rfraction. La microscopie biphotonique se sert, quant elle, des proprits de fluorescence de molcules sous leffet dune projection de photons. Les proprits de la lumire sont donc multiples et ses usages tout autant.

    www.light2015.org8

    Sance de thrapie par la lumire

  • N 26 JUILLET - AOT 2015 24 24

    Grand anGle

    Marquage par fluorescence Voir les lments de la vie en couleurs

    Pour tudier les mcanismes biologiques, les scientifiques ont d recourir non seulement la microscopie, mais galement des techniques de marquage pour rendre visibles cellules et mol-cules dans les tissus observs. Une astuce notamment indispensable pour explorer le systme nerveux o lenchevtrement et la complexit des prolongements des neurones compliquent srieusement lobservation. Une des premires techniques utilises a t cre par Camillo Golgi la fin du XIXe sicle et qui a logiquement donn son nom la coloration de Golgi, indique Jean Livet*, directeur de lquipe Dveloppement des cir-cuits neuronaux lInstitut de la vision, Paris. Cette technique de coloration monochrome consiste imprgner avec du nitrate dargent et du bichromate de potassium des tissus nerveux post-mortem pour pouvoir les observer au microscope optique. Elle a per-mis lhistologiste espagnol Santiago Ramon y Cajal de valider la thorie neuronale, en dsignant les neurones comme des units structurelles et fonctionnelles de base du systme nerveux. Une dcouverte qui a valu Golgi et Cajal de dcrocher le prix Nobel de mdecine en 1906. Par la suite, des injections de colorants fluores-cents, rvlant lanatomie des cellules et les variations de calcium intracellulaire, ont t utilises et ont toujours cours. Depuis les annes 1980, des techniques de trans-gense(L) font appel des enzymes chromognes, qui

    colorent. Et, au milieu des annes 1990, est arrive la GFP, explique Jean Livet.Ces trois lettres sont synonymes dune rvolution dans le domaine de la biologie. Elles signifient green fluorescent protein, soit protine fluorescente verte en franais. Dcouverte par Osamu Shimomura, chimiste et biologiste japonais, au dbut des annes 1960, cest une protine issue de la mduse Aequorea victoria, qui a la proprit dmettre de la lumire par fluorescence lorsquelle est soumise une lumire bleue. Dans l