Second Anneau Du Pouvoir- Carlos Castaneda

7/31/2019 Second Anneau Du Pouvoir- Carlos Castaneda

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RFACE

tait un sommet de montagne, plat et dnud, sur le versant occidental de la Sierra Madre, dans le centre duexique, qui avait servi de cadre ma dernire rencontre avec don Juan et don Genaro, ainsi quavec leurs deuxtres apprentis, Pablito et Nestor. tant donn la solennit et la porte de ce qui stait pass en cet endroit, je nenservais pas le moindre doute : nos apprentissages taient parvenus leur terme, et ctait vraiment la dernire

s que je voyais don Juan et don Genaro. Vers la fin, nous nous tions tous dit au revoir, et ensuite nous avionsut ensemble, Pablito et moi, depuis le haut de la montagne dans un prcipice.ant ce saut, don Juan avait nonc le principe de base de tout ce qui allait marriver. Daprs lui, en sautant dansbme, jallais devenir perception pure et jallais me dplacer entre les deux royaumes inhrents toute cration lnal et le nagual , rebondissant de lun lautre.

cours de mon saut, ma perception tait passe par dix-sept rebonds lastiques entre le tonal et le nagual.ndant mes dplacements au sein du nagual, je percevais mon corps en tat de dsagrgation. Je ne pouvais ninser ni ressentir de faon cohrente, univoque, comme je le fais normalement, et pourtant, en quelque autre

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Le second anneau de pouvoir

anire, je pensais et je ressentais. Au cours de mes dplacements dans le tonal, jexplosais dans lunit. Jtais unt. Ma perception avait une certaine cohrence. Javais des visions dun certain ordre. Leur force contraignante tantense, elles avaient lair tellement relles, et elles taient si complexes que je navais pas t capable de lespliquer de faon satisfaisante. Dire qu'il sagissait de visions, de rves saisissants ou mme dhallucinations, nentribuait gure jeter quelque clart sur leur nature.rs avoir examin et analys de la manire la plus complte et la plus attentive mes sentiments, mes perceptionsmes interprtations relatives ce saut dans labme, jen tais parvenu ne plus pouvoir, rationnellement, croireil avait rellement eu lieu. Et cependant, une autre partie de moi-mme, inbranlable, saccrochait au sentimente cela stait rellement pass, que javais vraiment saut.n Juan et don Genaro ntaient plus ma disposition ; leur absence avait cr en moi un besoin extrmement

essant : le besoin de foncer la tte la premire au milieu de contradictions apparemment insolubles.retournai donc au Mexique voir Pablito et Nestor pour leur demander de maider rsoudre mes conflits. Mais ce oi je fus confront au cours de mon voyage ne peut tre dcrit autrement que comme un dernier assaut lancntre ma raison, une attaque range conue davance par don Juan lui-mme. Ses apprentis, sous sa directionoique en son absence, allaient dmanteler en quelques jours, de la manire la plus mthodique et la plusticuleuse qui soit, le dernier bastion de ma raison. Et au cours de ces mmes journes, ils me rvlrent lun desux aspects pratiques de leur sorcellerie: lart du rveur, qui constitue le cur mme de cet ouvrage.ant lart du traqueur, autre aspect pratique de leur

rcellerie, et clef de vote des enseignements de don Juan et de don Genaro, il me fut prsent au cours de visitesrieures ctait, de trs loin, laspect le plus complexe de leur tre-au-monde en tant que sorciers.


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a transformation de doa Soledad

us soudain la prmonition que Pablito et Nestor ntaient pas chez eux. Ma certitude fut si profonde que jarrtai lature. J'tais l'endroit o l'asphalte s'interrompt brusquement, et je voulais examiner de nouveau si je continueraijour-l : la conduite serait longue et difficile sur la route escarpe, revtue de gravier grossier, qui mne leur villens les montagnes du centre du Mexique.baissai la vitre de ma voiture. Il y avait du vent et il faisait plutt froid. Je sortis pour me dgourdir les jambes. Lasion des longues heures de conduite m'avait raidi le dos et le cou. Je marchai jusqu'au bord de la route revtue. Ltait rest humide aprs une onde matinale. La pluie tombait encore trs fort sur le versant des montagnes, ver

sud, non loin de l'endroit o je me trouvais. Mais droit devant moi vers l'est, et aussi vers le nord, le ciel tait clair. rtains dtours de la route, javais pu apercevoir les cimes bleutes des sierras, qui brillaient dans le lointain sousclat du soleil.rs avoir rflchi un instant, je dcidai de faire demi-tour vers la ville, car javais prouv le sentiment trs singuliee j'allais trouver don Juan dans le march. Aprs tout, je navais jamais fait que cela le trou-


r au march depuis que je m'tais mis le frquenter. En rgle gnrale, si je ne le trouvais pas Sonora, jentinuais ma route jusqu'au centre du Mexique et j'allais au march de la ville en question : tt ou tard don Juan sesentait. Jamais je navais eu l'attendre plus de deux jours. Jtais si habitu le rencontrer de cette manire quvais la certitude la plus absolue que je le retrouverais, comme toujours.ttendis dans le march tout laprs-midi. Je marchai de long en large dans les alles comme si je cherchais

elque chose acheter. Puis j'attendis autour du jardin public. Au crpuscule, je sus quil n'tait pas en chemin. J'eue moment-l la sensation claire quil avait t l mais qu'il tait parti. Je massis sur un banc du jardin, l'endroit omasseyais d'habitude avec lui, et j'essayai d'analyser mes sentiments. En arrivant dans la ville, j'avais cru savoir don certaine que don Juan tait l, dans les rues et cela m'avait transport de joie. Ce que javais ressenti taitvantage que le souvenir de lavoir dj trouv l tant de fois ; mon corps savait quil me recherchait. Mais ensuite,sis sur le banc, j'avais prouv une autre espce de certitude trange. Je savais quil ntait plus l. Il tait parti et vais manqu.rs un certain temps, je cessai de me poser des questions. Je me dis que lendroit o je me trouvais commenait uer sur moi. Je me mettais ne plus raisonner logiquement ; cela m'tait toujours arriv aprs tre rest quelquesrs en ces lieux.llai dans ma chambre d'htel me reposer quelques heures, puis je ressortis errer dans les rues. Je ne ressentis pamme esprance de trouver don Juan que dans laprs-midi. Je renonai. Je retournai mon htel pour prendre

e bonne nuit de sommeil.matin venu, avant de me lancer vers les mon-nes, je parcourus les principales rues en tous sens,volant de ma voiture, mais de toute faon je savaise je perdais mon temps. Don Juan n'tait pas l.

me fallut toute la matine pour parvenir la petitee o Pablito et Nestor vivaient. Jarrivai vers midi.Juan mavait dit de ne jamais entrer directementns la ville en voiture, pour ne pas attirer la curiosits oisifs. Chaque fois que jtais venu l, javais tou-rs quitt la route juste avant datteindre la ville, pourengager sur un terrain plat o des jeunes jouaientuvent au football. La terre tait bien tasse jusqu


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e piste, assez large pour une voiture, qui passait prss maisons de Pablito et de Nestor, au pied des collinesues au sud de la ville. Ds que je parvins au bout durain, je dcouvris que la piste avait t amnage en

ute gravillonne.dlibrai si jirais la maison de Nestor ou cellePablito. Le sentiment qu'ils ntaient pas l persistaitcore. Joptai pour la maison de Pablito : je me dis questor vivait seul, tandis que Pablito demeurait avec sa

re et ses quatre surs. Sil ntait pas l, les femmesurraient m'aider le trouver. Quand je parvins pluss de chez lui, je remarquai que le sentier montant deroute la maison avait t largi. On avait limpres-n que le sol tait dur, et comme il y avait assez dece pour ma voiture, je roulai presque jusqu' la portedevant. On avait ajout la maison dadobe unrche neuf avec un toit de tuiles. Aucun chienboyait, mais j'en vis un, norme, assis paisiblementns un parc cltur : il m'observait, lil en alerte. Unende de poulets qui picoraient devant la maison s'taitperse alentour en caquetant. Je coupai le moteur et

mtirai en posant mes mains sur ma tte. Mon corpsait raide.maison paraissait dserte. Une pense me traversa


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sse-vert clair et un corsage presque blanc. Sa jupeait plus courte que celles quelle portait de coutume. Jepouvais pas voir ses cheveux : elle les avait remonts

ec un bandeau large un morceau de tissu semblablen turban. Elle tait pieds nus, et elle frappait le sol deon rythmique avec ses grands pieds, tout en souriant

ec une candeur de jeune fille. Jamais je navais vutant de force maner de quelqu'un. Je remarquai uneur trange dans ses yeux, une lueur provoquant le

uble mais non la frayeur. Je me dis que je ne lavaisut-tre jamais regarde bien attentivement. Cestcore une de ces choses que je me reprochais : d'avoirglig bien des gens au cours de mes annes avec donan. La force de sa personnalit m'avait fait paratres les autres tres ples et sans importance.lui dis que jamais je n'avais imagin quelle puisseoir une vitalit aussi formidable ; si je ne l'avais pasnnue pour ce quelle tait, l'inattention en taituse ; pas de doute, il allait falloir que je refasse enti-ment connaissance avec tout le monde.


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e vint prs de moi. Elle sourit et mit sa main droiter l'arrire de mon bras gauche, en lempoignant avecuceur.a, c'est sr, murmura-t-elle mon oreille.n sourire se figea et ses yeux devinrent de verre.e tait si prs de moi que je sentis ses seins presss

ntre mon paule gauche. Jessayai de me convaincree je navais aucune raison de m'alarmer, mais monntiment de malaise augmenta dautant. Je me rptaisns cesse que je n'avais jamais vritablement connumre de Pablito, et quen dpit de son comportementgulier, elle tait probablement dans son tat normal.

ais la partie effraye de moi-mme savait que jtaismplement en train de me bercer de penses, rconfor-

tes certes, mais sans aucune substance : en effet,me si je mtais trop peu intress sa personne, nonulement je me souvenais parfaitement delle, maisavais trs bien connue. Elle reprsentait pour moi

chtype de la mre ; j'estimais qu'elle avait la cin-antaine bien sonne et mme davantage. Ses faiblesscles avaient normment de mal dplacer sonds encombrant. Elle avait beaucoup de cheveux gris.

tait dans mon souvenir une femme triste, sombre,ec des traits aimables, agrables : une mre dvoue,nnaissant la souffrance, toujours dans sa cuisine,jours fatigue. Je me souvenais aussi delle commene femme trs gentille et gnreuse, ainsi que trside, timide au point de se montrer extrmement

umise toute personne survenant dans son entou-ge. Telle tait l'image que javais delle, image confir-

e par des annes de relations fortuites. Ce jour-l,avait en elle quelque chose de terriblement diffrent.femme qui se trouvait devant moi ne correspondaits du tout limage que javais de la mre de Pablito,pourtant ctait la mme personne, plus maigre et

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s robuste, paraissant vingt ans de moins que lors de ma dernire rencontre. Je sentis mon corps frissonner.e recula de quelques pas, et me dvisagea.

Laissez-moi vous regarder, dit-elle. Le Nagualus a dit que vous tes un diable.me souvins alors que tous Pablito, sa mre, ses

urs, ainsi que Nestor avaient toujours montrelque rticence prononcer le nom de don Juan, etils l'appelaient le Nagual, usage que javais adopt

oi-mme lorsque je parlais avec eux.e posa hardiment les mains sur mes paules, choseelle navait jamais faite auparavant. Mon corps sedit. Je ne savais vraiment pas quoi dire. Il y eut ung temps mort qui me permit de me reprendre. Elleavait tellement effray par son aspect et par sa faon


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tre que j'en avais oubli de linterroger sur Pablito etstor.

Dites-moi... O est Pablito ? lui demandai-je, tan-qu'une vague dapprhension montait soudain en

oi.

Oh ! il est parti dans les montagnes, rpondit-ellen ton neutre, et elle s'carta de moi.

Et o est Nestor ?e roula les yeux comme pour montrer son indiff-nce.

s sont ensemble dans les montagnes, dit-elle surmme ton.me sentis sincrement soulag et je lui dis que

vais su, sans lombre dun doute, qu'ils se portaients bien.

e me lana un regard et sourit. Une vague de bonheur et dexubrance s'empara de moi et je la pris dans mesas. Elle me rendit hardiment mon treinte et je sentis ses mains me serrer ; cet acte tait si incongru

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La transformation de doa Soledad 21

e jen eus le souffle coup. Son corps tait rigide. Jentis en elle une force extraordinaire. Mon cur com-ena taper dans ma poitrine. J'essayai de la repous-r avec douceur, tout en lui demandant si Nestor

yait encore don Genaro et don Juan. Au cours detre rencontre d'adieu, don Juan avait exprim desutes propos de Nestor : peut-tre ntait-il pas prt miner son apprentissage.

Genaro est parti pour toujours, dit-elle en mehant.e se mit tourmenter nerveusement lourlet de sonrsage.Et don Juan ?Le Nagual est parti lui aussi, dit-elle en plissant lesres.

O sont-ils alls ?Vous voulez dire que vous ne le savez pas ?lui expliquai quils m'avaient dit au revoir tous lesux, deux ans auparavant, et que tout ce que je savais,tait qu' ce moment-l, ils partaient. Je navais vrai-

ent pas os faire des conjectures sur l'endroit o ilsaient alls. Ils ne mavaient jamais fait part de leursmeures dans le pass, et jen tais venu accepter le que, s'ils dsiraient disparatre de ma vie, il leur suf-

ait de refuser de me voir.s ne sont pas par ici, a cest sr, dit-elle ennant les sourcils. Et ils ne vont pas revenir, a aussist sr.voix tait extrmement neutre. Elle commenait

de ma voiture. Compare son attituded'autrefois, sahardiesse tait stupfiante.

Mais dabord, je vais vous montrer mon ami, dit-

elle, et elle me conduisit d'autorit sur le ct de lamaison.Il y avait un espace cltur, comme un petitenclos.Un norme chien mle s'y trouvait. La premirechosequi attira mon attention fut son pelage brun-jaune,lui-sant, en pleine sant. Il n'avait pas l'air d'un chienmchant. Il n'tait pas enchan et la clturentait pasassez haute pour l'arrter. Le chien demeuraimpassiblependant notre avance vers lui, sans mmeremuer laqueue. Doa Soledad me montra du doigt uneassezgrande cage, l'arrire. Il y avait dedans, enroulsurlui-mme, un coyote.

Cest lui mon ami, dit-elle. Pas le chien. Il appar-tient mes filles.Le chien me regarda et grogna. Il me plut.J'prouvaiun sentiment absurde de parent avec lui.


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ndisposer. J'eus envie de partir.Mais vous, vous tes ici, dit-elle, changeant en sou-e son froncement de sourcils. Il faut que vous atten-z Pablito et Nestor. Ils mouraient denvie de vousr.

e tenant fermement par le bras, elle mattira lcart

Venez, entrons dans la maison, dit-elle en metirant par le bras.Jhsitai. Une certaine partie de moi tait extrme-ment alarme et dsirait se tirer de l touteallure,mais une autre fraction de moi ne serait partiepourrien au monde.

Vous navez pas peur de moi, n'est-ce pas ?

demanda-t-elle d'un ton accusateur. Oh que si ! m'criai-je. Sans le moindre doute !Elle eut un petit rire, puis, dun ton trsrconfortant,elle dclara quelle tait une femme primitive, mal-adroite, ayant du mal se servir des mots, etsachant peine comment traiter les gens. Elle me regardadroitdans les yeux et dit que don Juan lavait chargedem'aider, parce quil tait inquiet mon sujet.

Il nous a dit que vous ntiez pas srieux et que



us vous baladiez en causant des tas d'ennuis desns innocents, dit-elle.sque-l, ses affirmations avaient t cohrentesur moi, mais je ne pouvais pas concevoir don Juanant des choses pareilles mon sujet.us entrmes dans la maison. J'eus envie de m'as-oir sur le banc o nous avions lhabitude de nousseoir, Pablito et moi. Elle marrta.Ce n'est pas une place pour vous et moi, dit-elle.ons dans ma chambre.e prfrerais m'asseoir ici, dis-je dun ton ferme.

connais cet endroit et je m'y sens l'aise.e marqua sa dsapprobation d'un petit claquementlvres. Elle se comportait comme un enfant du.e contracta sa lvre suprieure pour la rendre sem-ble au bec plat dun canard. y a quelque chose qui ne va pas du tout ici, dis-Je crois que je vais m'en aller si vous ne me ditess

qui se passe.e devint trs agite et elle prtendit que ce qui l'en-yait, ctait de ne pas savoir comment me parler. Je

paraissait aussi vide que je lavais vue auparavant, saufqu'il y avait un lit, exactement au centre, et deuxmodestes commodes prs de la porte. Le badigeon lachaux des murs, un peu pass, tait devenu dun blanc

jauntre trs apaisant. Le bois du plafond stait patinlui aussi. En constatant la propret des murs lisses,

j'eus limpression quils taient frotts tous les jours l'ponge. La pice ressemblait beaucoup une cellulemonastique, trs dpouille et asctique. Nul ornementd'aucune sorte. Aux fentres, d'pais volets de boismobiles, renforcs par une barre de fer. Pas de

chaises,ni rien dautre pour s'asseoir.Doa Soledad me prit mon carnet de notes, le tintcontre sa poitrine puis sassit sur son lit, fait de deuxmatelas pais, sans sommier. Elle me fit un signe : ilfal-lait que je m'assoie prs delle.

Vous et moi, nous sommes pareils, dit-elle en metendant mon carnet de notes.

Je vous demande pardon ? Vous et moi, nous sommes pareils, rpta-t-ellesans me regarder.


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opposai sa transformation vidente, et j'exigeaielle me raconte ce qui stait pass. Il fallait que jeche comment un tel changement tait survenu.Si je vous le dis, vous resterez ? me demanda-t-ellene voix enfantine. faudra bien.

Dans ce cas, je vous dirai tout. Mais il faut que cet dans ma chambre.connus un instant de panique. Je fis un effort

prme pour me calmer, puis nous entrmes dans saambre. Elle vivait l'arrire, o Pablito avaitnstruit une chambre pour elle. J'avais dj t danste pice au cours de sa construction, et mme aprsfinition, juste avant quelle nemmnage. La pice

Je ne pouvais pas concevoir ce qu'elle voulait dire.Elle me fixa, comme dans l'attente d'une rponse.

Que voulez-vous dire exactement par l, doaSoledad ? demandai-je.Ma question parut la drouter. De toute vidence, ellesattendait que je sache ce quelle voulait dire. D'abord,elle clata de rire, mais ensuite, lorsque je raffirmaique

je ne comprenais pas, elle se mit en colre. Elle sassit

toute droite et m'accusa d'tre dloyal son gard. Sesyeux tincelrent de rage ; sa bouche se contracta enunemoue de fureur trs laide, qui la fit paratre extrme-ment vieille.En toute sincrit, jtais dsorient, et je sentais quetout ce que je pourrais dire n'arrangerait rien. Elle sem-


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it se trouver, elle aussi, dans le mme embarras. Sauche s'ouvrit pour dire quelque chose, mais ses lvresssaillirent et ce fut tout. Finalement elle grommelail ntait pas impeccable dagir comme je lavais faitun moment aussi grave. Elle me tourna le dos.

Regardez-moi, doa Soledad ! dis-je avec force. Je

cherche absolument pas vous embrouiller. Vousvez savoir quelque chose que j'ignore compltement.Vous parlez trop, dit-elle dun ton cassant, enre. Le Nagual ma dit de ne jamais vous laisser par- Vous emberlificotez tout.e se leva soudain et frappa du pied par terremme un enfant gt. Je m'aperus ce moment-le la pice avait un sol diffrent. Dans mon souvenir,tait un sol de terre battue, fait avec la terre sombres environs. Le nouveau sol tait rose rougetre.nonant lui tenir tte, en tout cas pour linstant, je

e mis marcher autour de la pice. Je ne parvenais

s imaginer comment javais pu ne pas remarquer leds mon entre. Il tait magnifique. Au dbut, jes que ctait de largile rouge que lon avait tale

mme du ciment au moment o elle tait encore mollehumide ; mais ensuite, je vis quil n'y avait pas de cra-elures la surface. En schant, l'argile se seraitntracte, craquele, et des blocs se seraient aggluti-s. Je me penchai et je fis glisser mes doigts douce-ent sur la surface. Ctait aussi dur que des briques.rgile avait t cuite. Je m'aperus alors que le sol

ait fait de dalles d'argile plates, trs grandes, assem-es sur un lit d'argile meuble servant de matrice. Les

les formaient un dessin trs enchevtr et attrayant,ais extrmement discret : il fallait vraiment y faireention. Lhabilet avec laquelle les dalles avaient tses en place mindiqurent quil sagissait dun projets bien conu. Jeus envie de savoir comment des


les aussi grandes avaient pu cuire sans se gauchir. Jedemi-tour pour poser la question doa Soledad. Je

nonai aussitt. Elle n'aurait pas su de quoi je parlais.fis de nouveau quelques pas sur le sol. L'argile taitpeu rugueuse, presque comme du grs. Cela faisaite surface parfaitement antidrapante.C'est Pablito qui a pos ce sol ? demandai-je.e ne rpondit pas.Cest un travail superbe, dis-je. Vous devriez tres fire de votre fils.tait Pablito qui l'avait fait, jen tais certain. Il taitseul avoir l'imagination et la comptence nces-res pour concevoir une chose pareille. Je calculaiil devait lavoir fait pendant la priode o javais t


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sent. Mais la rflexion, je me rendis compte que jetais jamais entr dans la chambre de doa Soledadpuis lpoque de sa construction, six ou sept ans aupa-vant.

Pablito ! Pablito ! Bah ! s'cria-t-elle dune voixeuse, pre. Qu'est-ce qui vous fait penser quil est le

ul pouvoir faire des choses ?us changemes un long regard appui, et tout

up je sus que ctait elle qui avait fait ce sol, et quen Juan ly avait incite.us restmes debout, en silence, nous regardanttuellement pendant un certain temps. Je savais quil

rait t absolument superflu de lui demander si j'taisns le vrai.e lai fait moi-mme, dit-elle finalement dun ton

c. Le Nagual ma dit comment.s paroles provoqurent en moi un sentiment deu-orie. Je la soulevai presque dans mes bras. Je la fisrnoyer. Jtais incapable de penser quoi que cet, sinon la bombarder de questions. Javais envie de

voir comment elle avait fabriqu les dalles, ce que

Le second anneau de pouvoirLa transformation de doaSoledad 2

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prsentaient les dessins, o elle avait pris largile.ais elle ne partageait pas ma gaiet enthousiaste. Ellemeurait calme et impassible, me jetant de temps tre des regards obliques.me remis arpenter le sol. Le lit avait t plac

picentre mme de certaines lignes en convergence.

s dalles d'argile avaient t coupes angles vifs pourer des motifs convergents qui semblaient rayonner rtir de dessous le lit.e ne trouve pas de mots pour vous dire leffet queme fait, lui dis-je.

Des mots ! Qui a besoin de mots ? dit-elle d'un tonssant.us un clair d'intuition. Ma raison mavait trahi. Ilavait quune manire possible dexpliquer sa magni-

ue mtamorphose : don Juan avait fait delle sonprentie. De quelle autre faon une vieille femmemme doa Soledad aurait-elle pu devenir un tre

ssi singulier, aussi puissant ? Cela aurait d tre vi-nt pour moi ds l'instant o j'avais pos les yeux sure, mais lventail de possibilits que je rattachaisrs doa Soledad ne comportait pas cette ventua--l.conclus que tout ce que don Juan lui avait faitvait avoir eu lieu au cours des deux annes o je nevais pas vue, quoique deux annes ne fussent sem-it-il qu'un instant, pour une modification aussiblime.e crois savoir maintenant ce qui vous est arriv,-je gaiement, d'un ton dsinvolte. Une chose vient de


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us un instant de frayeur irraisonne, et soudaine pense folle me traversa lesprit. Serait-il possible,e demandai-je, que don Juan soit cach dans lesrages en train de rire s'en faire sauter la tte ?Don Juan ! hurlai-je.on cri tait si fort et si profond que doa Soledadndit de son lit et se couvrit en hte avec sa jupe. Je viselle l'enfilait tandis que je hurlais de nouveau :

Don Juan !

courus travers la maison en hurlant le nom den Juan jusqu' en avoir mal la gorge. Doa Sole-d, pendant ce temps-l, avait couru hors de la mai-n, et elle se tenait debout prs de ma voiture, megardant d'un air dconcert.mavanai vers elle et lui demandai si don Juan luiait dit de faire tout cela. Elle acquiesa dun geste. Jedemandai s'il tait dans les parages. Elle dit non.

Racontez-moi tout, dis-je.e m'affirma quelle se bornait suivre les ordres den Juan. Il lui avait command de changer son tre enui dun guerrier pour pouvoir maider. Elle dclara

elle attendait depuis des annes pour accomplir cetteomesse.e suis trs forte maintenant, dit-elle doucement.

ste pour vous. Mais je vous ai dplu dans ma chambre,st a ?

enjou. le vais vous faire manger. Il y a un tas de choses que vous ne mavez pasexpliques, dis-je. Je serai franc avec vous. Je ne resterai ici pour rien au monde. Vous meffrayez.

Vous tes oblig d'accepter mon hospitalit ; neserait-ce quune tasse de caf, rpondit-elle impertur-bable. Venez. Oublions ce qui sest pass.Elle fit un mouvement vers la maison. cet instant,

jentendis un grondement. Le chien, dress sur ses

pattes,nous regardait, comme sil comprenait nos paroles.Doa Soledad me fixa d'un regard tout fait effrayant.Puis elle radoucit ses yeux et sourit.

Ne vous laissez pas tracasser par mes yeux, dit-elle. La vrit, cest que je suis vieille. Rcemment, jesuis devenue sujette des tourdissements. Je croisquil me faudrait des lunettes.Elle clata de rire et se mit faire des singeries, met-tant des doigts en cercle et regardant travers commesi c'taient des lunettes.

Une vieille Indienne lunettes ! Quelle rigolade !

s'cria-t-elle en gloussant de rire.Je dcidai alors dtre grossier et de partir de l sansla moindre explication. Mais avant de prendre le volant,

je dsirais laisser certaines choses lintention dePablito et de ses surs. J'ouvris le coffre de la voiturepour prendre les cadeaux que je leur avais apports. Je


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e penchai trs en avant pour atteindre en premier les deux paquets placs contre le dos du sige, derrire la rouesecours. J'en saisis un, et jtais sur le point de prendre l'autre lorsque je sentis sur ma nuque une main douce,

couverte de fourrure. Je poussai un cri involontaire et je me cognai la tte contre le capot ouvert. La pressionerce par la main de fourrure ne me permit pas de me retourner compltement, mais je fus mme dentrevoir duup dil fugitif un bras (ou une patte) argent se balanant au-dessus de mon cou. Je me tortillai de panique, jecartai du coffre et je me laissai tomber sur les fesses, avec le paquet toujours la main. Tout mon corps tremblait

muscles de mes jambes se contractaient et je me surpris en train de bon-et de courir lcart.e navais pas l'intention de vous effrayer, dit doaledad d'un ton dexcuse, tandis que je lobservais pas.

e tendit vers moi les paumes de ses mains en unste de soumission, comme pour massurer que ce quevais senti ntait pas sa main.Quest-ce que vous m'avez fait ? demandai-je,sayant de paratre calme et dtach.e sembla, soit extrmement gne, soit dconcer-e. Elle murmura quelque chose et secoua la tte

mme si elle ne pouvait pas le dire, ou comme si ellesavait pas de quoi je parlais.Allons, doa Soledad, dis-je en venant plus prslle, cessez de me jouer des tours.e parut au bord des larmes. J'eus envie de lansoler, mais quelque chose en moi sy opposa. Aprsbref instant, je lui racontai ce que javais senti et vu.

Cest tout simplement horrible ! dit-elle dune voixdente.

un geste trs enfantin elle cacha son visage au


eux de son avant-bras droit. Je crus quelle pleurait.mavanai vers elle et j'essayai de passer le brastour de ses paules. Je ne pus me rsoudre le faire.Allons, allons, doa Soledad, dis-je, oublions touta et permettez-moi de vous donner ces paquets avantpartir.me plaai devant elle pour lui faire face. Derriren bras, je pouvais voir ses yeux noirs brillants et unertie de son visage. Elle ne pleurait pas. Elle tait enn de sourire.

fis un bond en arrire. Son sourire me terrifiait.us restmes tous les deux sans bouger pendant ung moment. Elle gardait son visage cach, mais jeuvais voir ses yeux qui mobservaient.tais debout, paralys par la frayeur, et je me sentaisrmement abattu. J'tais tomb dans un puits sansd. Doa Soledad tait une sorcire. Mon corps le

vait, et cependant, je ne pouvais pas vraiment leoire. Ce que je dsirais croire, ctait que doa Sole-d tait 'devenue folle et quon la gardait la maisonlieu de la mettre dans un asile.nosais ni bouger ni dtacher mes yeux de son


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age. Nous restmes certainement dans cette positionndant cinq ou six minutes. Elle avait gard son bras, et pourtant sans mouvement. Elle tait debout

rrire de la voiture, presque penche contre laileuche. Le capot du coffre tait encore ouvert. Je dci-de me ruer vers la portire droite. Les cls de

ntact taient au volant.me dtendis un peu de faon prendre mon lanur courir. Elle sembla remarquer mon changement de

sition immdiatement. Son bras s'abaissa, rvlantn visage en entier. Ses dents taient serres. Ses yeuxaient fixs sur les miens. Ils paraissaient durs etchants. Soudain elle fit un bond vers moi. Elle frappa


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pied droit, comme un escrimeur, et elle tendit ses mains armes de griffes pour me saisir par la taille, tout enussant le plus glacial des cris.on corps bondit en arrire hors de sa porte. Je courus la voiture, mais avec une agilit inconcevable elle roulavant mes pieds et me fit trbucher par-dessus elle. Je tombai la tte la premire et elle m'empoigna par le pieduche. Je contractai ma jambe droite et je lui aurais lanc un coup de pied la figure avec la semelle de maaussure si elle ne m'avait pas lch, en roulant en arrire. Je me relevai dun bond et essayai douvrir la portire d

voiture. Elle tait ferme. Je m'lanai sur le capot pour atteindre lautre ct mais doa Soledad s'arrangea pour rvenir avant moi. Je tentai de faire demi-tour par-dessus le capot, mais au beau milieu, je sentis une douleur aiguns mon mollet droit. Elle m'avait attrap par la jambe. Je ne pouvais pas la frapper avec mon pied gauche, car elleait immobilis mes deux jambes contre le capot. Elle me tira vers elle et je lui tombai dessus. Nous nous mmes er par terre. Elle tait dune force redoutable et ses cris aigus taient terrifiants. Je pouvais peine bouger sous la

ession gigantesque de son corps. Ce n'tait pas une question de poids mais plutt de tension, et elle l'emportait.udain jentendis un grognement et le chien norme lui sauta sur le dos et la repoussa loin de moi. Je me levai.vais envie dentrer dans ma voiture, mais la femme et le chien combattaient contre la porte. La seule retraitessible consistait entrer dans la maison. Il ne me fallut pour cela quune ou deux secondes. Sans me retournerur les regarder, je me prcipitai lintrieur et fermai la porte derrire moi, la renforant avec la barre de fer qui seuvait derrire. Je courus vers larrire et fis de mme pour lautre porte.l'intrieur, je pouvais entendre le grognement


eux du chien et les cris inhumains de la femme. Puisudain, les aboiements et les grondements du chientransformrent en gmissements et en hurlements,mme sil souffrait ou comme si quelque chose l'ef-yait. Je sentis un choc au creux de lestomac. Mes

eilles commencrent bourdonner. Je me rendismpte que jtais pris au pige l'intrieur de la mai-n. Jeus un accs de pure terreur. J'tais rvolt :

elle stupidit davoir couru dans la maison ! Lattaquela femme mavait plong dans une telle confusion que

vais perdu tout sens stratgique : je mtais comportmme si jtais en train de fuir un opposant ordinaire,e lon peut maintenir dehors en fermant simplemente porte. Jentendis quelquun venir vers la porte etppuyer contre elle, essayant de louvrir de force. Puiseut des coups frapps trs fort.

Ouvrez la porte ! dit doa Soledad dune voixre. Cette salet de chien m'a fait mal.me demandai si j'allais oui ou non la laisser entrer.vais lesprit le souvenir dune confrontation, des

nes auparavant, avec une sorcire qui avait, selon donan, adopt cette forme pour me tromper et me frappern coup mortel. De toute vidence doa Soledad n'taits telle que je l'avais connue autrefois, mais javais dessons de douter qu'elle ft une sorcire. Le facteurmps jouait un rle dcisif dans ma conviction. Pablito,stor et moi avions t en relation avec don Juan et donnaro pendant des annes, et nous ntions pas du touts sorciers. Comment doa Soledad aurait-elle pu trercire ? Peu importait quel point elle avait chang, ellevait pas la possibilit d'improviser quelque chose dont

ccomplissement exigeait toute une vie.


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Pourquoi mavez-vous attaqu ? lui demandai-jehaussant la voix pour tre entendu travers la porteaisse.


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e rpliqua que le Nagual lui avait dit de ne pas messer partir. Je lui demandai pourquoi.e ne rpondit pas ; la place, elle cogna sur larte furieusement et je lui rpliquai en cognant plust encore. Nous continumes donner des coups larte pendant quelques minutes. Elle sarrta et se mit

me supplier douvrir. Jeus un sursaut dnergie ner-use. Je savais que si jouvrais la porte je pouvais avoire chance de fuir. Je retirai la barre de fer. Elle entratitubant. Son corsage tait dchir. Le bandeau quienait sa coiffure tait tomb et ses longs cheveux se

pandaient en dsordre sur son visage.Regardez ce que cette saloperie de chien ma fait !a-t-elle. Regardez ! Regardez !repris mon souffle. Elle semblait passablement malpoint. Elle sassit sur un banc et commena enlever

n corsage en lambeaux. J'en profitai pour courir horsla maison et bondir dans la voiture. Avec une rapidit

e seule la peur peut susciter, jentrai, refermai larte, mis automatiquement le moteur en marche et pas-en marche arrire. J'appuyai sur l'acclrateur etrnai la tte pour regarder par la lunette arrire. Au

oment mme o je me retournai, je sentis une haleineaude sur mon visage : jentendis un grognement terri-nt et dans un clair japerus les yeux dmoniaques duen. Il se tenait debout sur la banquette arrire. Je viss dents horribles presque dans mes yeux. Je baissaitinctivement la tte. Ses dents se refermrent sur meseveux. ce moment-l, j'ai d me recroqueviller sur lege, et mon pied doit avoir lch lembrayage, car

mbarde de la voiture fit perdre lquilibre la bte.uvris la porte et je sautai dehors. La tte du chienlit par la portire. Jentendis ses dents normes cla-er au moment o ses mchoires se refermrent, man-ant mes mollets dune paisseur de main. La voiture


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mmena rouler en marche arrire et je mlanai une fois de plus vers la maison. Je marrtai avant davoir atteiporte.

a Soledad tait l, debout. Elle avait remont ses cheveux. Elle avait jet un chle sur ses paules. Elle megarda pendant un instant, puis elle se mit rire, trs doucement au dbut, comme si ses blessures lui faisaient maensuite de plus en plus fort. Elle tendait le doigt vers moi et se tenait les ctes en se tordant de rire. Elle se

nchait et se redressait, apparemment pour reprendre haleine. Elle tait nue au-dessus de la taille. Je pouvais voirs seins, que les convulsions de son rire faisaient tressaillir.

sentis que tout tait perdu. Je jetai un regard la voiture derrire moi. Elle s'tait arrte delle-mme aprs avoirul quatre ou cinq mtres ; la porte s'tait rabattue, enfermant le chien. Je pouvais voir et entendre la bte norme

mordait le sige avant et griffait les glaces des portires.

allait que je me dcide et le choix ntait pas ordinaire. Je ne savais ce qui m'effrayait le plus : doa Soledad ou leen. Aprs un moment de rflexion, je dcidai que le chien n'tait qu'une bte stupide.revins la voiture en courant et je grimpai sur le toit. Le bruit mit le chien en rage. Je lentendis arracher lesrnitures des siges. Couch sur le toit, je m'efforai d'ouvrir la portire du cot du volant. Mon ide, ctait d'ouvrirdeux portires, puis de glisser du toit dans la voiture par lune d'entre elles, aprs que le chien serait sorti par

utre. Je me penchai pour ouvrir la portire de droite. J'avais oubli qu'elle tait ferme cl. ce moment-l, leen passa la tte par la portire ouverte. J'eus un accs de panique aveugle l'ide que le chien puisse sauter horla voiture et de l sur le toit.


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moins dune seconde, j'avais gliss terre et je me retrouvais debout la porte de la maison.a Soledad, sur le seuil, retrempait ses forces. Le rire sortait de son corps par saccades qui paraissaient

esque douloureuses.chien tait rest lintrieur de la voiture, cumant encore de rage. Apparemment il tait trop gros pour faire glisscarcasse massive par-dessus le dossier du sige avant. J'allai la voiture et je refermai doucement la portire. Jemmenai chercher un bton assez long, pour dbloquer le verrou de scurit

la portire droite.cherchai devant la maison. Il n'y avait pas un seulorceau de bois qui tranait. Doa Soledad, entre-mps, avait disparu l'intrieur. Je fis le bilan de lauation. Il me fallait lui demander de laide, je n'avaiss dautre choix. Le cur battant, je franchis le seuil,gardant en tous sens au cas o elle se serait cacherrire la porte pour mattendre.Doa Soledad ! criai-je.Qu'est-ce que vous voulez ? rpliqua-t-elle enant depuis sa chambre.Voulez-vous venir, je vous prie, pour faire sortir

re chien de ma voiture ?Vous voulez rire, ou quoi ? rpondit-elle. Ce nest pas mon chien. Je vous lai dj dit, il appartient meses.O sont vos filles ? demandai-je.Elles sont dans les montagnes.e sortit de sa chambre et me fit face.Vous voulez voir ce que cette saloperie de chiena fait ? demanda-t-elle dun ton sec. Regardez !e ta son chle et me montra son dos nu.ne vis aucune trace visible de morsures sur sons ; simplement quelques gratignures superficielles


elle aurait aussi bien pu se faire au contact du solr. Dailleurs, elle pouvait s'tre corche au momentelle m'avait attaqu.

Vous n'avez rien du tout, lui dis-je.Venez voir la lumire, rpliqua-t-elle en s'avan-nt vers la porte.e insistait pour que je regarde avec soin lestailles faites par les dents du chien. Je me sentis stu-e. Javais une sensation de poids autour de mes yeux,

particulier sur mes arcades sourcilires. Je sortisns regarder. Le chien n'avait pas boug et il recom-ena aboyer ds que je parus la porte.me maudis moi-mme. Tout tait ma faute. J'avaiss le pied dans ce pige comme un imbcile. Je rsolusssitt de partir pour la ville pied. Mais mon porte-ille, mes papiers, tout ce que j'avais se trouvait dans

a serviette sur le plancher de la voiture, juste sous lesttes du chien. Jeus un accs de dsespoir. Aller lae ne servirait rien. Je navais mme pas assez dar-nt dans mes poches pour payer une tasse de caf. Entre, je ne connaissais pas un chat en ville. Je n'avais


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s le choix : il fallait que je fasse sortir le chien de lature.

Qu'est-ce quon lui donne manger, ce chien ?criai-je depuis la porte.

Essayez donc votre jambe ! rpondit doa Soledadpuis sa chambre.e se mit ricaner.cherchai dans la maison quelque chose de cuit. Lests taient vides. Je ne pouvais faire autrement quaf-

nter doa Soledad de nouveau. Mon dsespoir s'tait en rage. Je me prcipitai dans sa chambre, prtur un combat mort. Elle tait allonge sur son lit,uverte de son chle.e vous en prie, pardonnez-moi de vous avoir fait


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tes ces choses, dit-elle brusquement, les yeux fixs aufond.n audace arrta ma rage. faut que vous compreniez ma position, poursui-elle. Je ne pouvais pas vous laisser partir.e se mit rire doucement, et dune voix claire,

me et trs agrable, elle s'accusa dtre impatiente etaladroite : puis elle dit quelle avait presque russi e faire fuir de frayeur avec ses bouffonneries, maise la situation avait soudain chang. Elle sarrta etssit sur son lit en recouvrant ses seins avec son chle,s elle ajouta quune trange confiance tait descen-e dans son corps. Elle leva les yeux au plafond et sesas sanimrent en une trange coule rythmique,mme les ailes dun moulin.Maintenant, vous n'avez plus aucun moyen deus en aller, dit-elle.e mobserva sans rire. Ma rage intrieure stait calme, mais mon dsespoir tait plus cruel que jamais. Je savais

ns conteste que sur le plan de la force pure je ne pouvais rivaliser ni avec elle ni avec le chien.e dit alors que notre rendez-vous avait t fix des annes lavance, et que nous n'avions, ni lun ni lautre, assepouvoir pour le prcipiter ou pour l'an-er.

Ne perdez pas vos forces essayer de fuir, dit-elle.est aussi inutile que ma tentative de vous garder ici.elque chose au-del de votre volont vous librera

ci, et quelque chose au-del de ma volont vous gar-ra ici.demeurant, sa confiance ne lavait pas seulement adoucie, elle lui avait confr une grande matrise sur les mots

s paroles, d'une clart de cristal, foraient ladhsion. Don Juan avait toujours dit que j'tais une me confiantesquil s'agissait de mots. Tandis quelle par-

La transformation de doaSoledad 3

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, je me surpris en train de penser quelle n'tait pas enalit aussi menaante que je lavais cru. Elle ne don-t plus l'impression d'avoir quelque chose de fl au-ssus des paules. Ma raison tait presque son aise ;ais une autre partie de moi-mme ne ltait pas. Tous

muscles de mon corps taient comme des fils de ferdus ; cependant, il me fallait bien le reconnatre : bienelle met enray au point de me faire perdre lesprit,a trouvais extrmement attirante. Elle mobservait.e vais vous montrer quel point il est inutile des-

yer de partir, dit-elle en sautant du lit. Je vais vouser. Quest-ce quil vous faut ?e me regardait, une lueur dans les yeux. Ses petitesnts blanches donnaient son sourire une touche dia-ique. Son visage plein tait trangement lisse et vrai-

ent sans rides. Les deux lignes profondes qui couraientpart et dautre de son nez jusqu'aux commissures de


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re mal. Le chien baissa la tte pour en finir avec moi mais au lieu de me mordre il heurta le volant. Je fonai dehordun seul mouvement je grimpai sur le capot, puis, de l, sur le toit. Javais la chair de poule sur tout le corps.uvris la portire de droite. Je demandai doa Soledad de me faire passer le bton long, et je men servis pourusser le levier qui immobilisait le dossier-couchette en position verticale. J'avais calcul que si jexcitais le chien, ilusserait le dossier vers lavant, ce qui lui donnerait assez d'espace pour sortir de la voiture. Mais il ne bougea paslieu de cela, il se mit mordre furieusement le bton.

est alors que doa Soledad sauta sur le toit de la voiture et sallongea prs de moi. Elle voulait m'aider exciter leen. Je lui dis quelle ne pouvait pas rester sur le toit, car lorsque le chien sortirait de la voiture,

Le second anneau de pouvoir La transformation de doa Soledad 43

lais y entrer et partir. Je la remerciai de son aide etdis quelle ferait mieux de rentrer dans la maison.e haussa les paules, sauta terre et retourna larte. Jabaissai de nouveau le levier et avec mon cha-au je continuai exciter le chien. Je le frappai autours yeux, sur le bout du museau. La fureur du' chienait son comble mais il ne voulait pas quitter le sige.

alement, ses mchoires massives me firent sauter leton des mains. Je descendis pour le reprendre sous lature. Soudain, jentendis doa Soledad crier.

Attention ! Il va sortir !jetai un regard vers lintrieur. Le chien se glissaitr-dessus le sige. Il avait ses pattes de derrire prisesns le volant ; part cela, il tait presque dehors.fonai vers la maison et je parvins l'intrieurte temps pour viter dtre renvers par lanimal.n lan tait si puissant qu'il scrasa contre la porte.ut en fixant la barre de fer pour renforcer la porte,a Soledad me dit d'une voix ironique :

e vous avais bien dit que a ne servirait rien.e sclaircit la gorge et se retourna pour me regarder.Pouvez-vous attacher le chien avec une corde ?mandai-je.tais sr quelle allait me faire une rponse dnue denification, mais mon grand tonnement, elle dit quilus fallait tout essayer, et mme attirer le chien dans laaison pour l'y prendre au pige.n ide me sduisit. Jouvris la porte de devant, nonns prcautions. Le chien n'tait plus l. Je me risquai unu plus loin. Il ntait pas en vue. Jesprais qu'il taitntr dans son enclos. Jallais attendre encore un instant

s foncer dans ma voiture, lorsque jentendis unognement sourd : je vis alors la tte massive du chien trieur de la voiture. Il tait revenu se glisser sur lege avant.

Doa Soledad avait raison : il tait inutile d'insister.Une vague de tristesse m'enveloppa. Dune manire oudune autre, je savais que ma fin tait proche. En unaccs de pur dsespoir, je dis doa Soledad que j'al-lais prendre un couteau dans la cuisine et tuer le chien,ou bien tre tu par lui, et cest ce que jaurais fait mais il se trouvait que la maison ne contenait pas un

seul objet de mtal. Le Nagual ne vous a pas enseign accepter votresort ? demanda doa Soledad, qui ne cessait de mesuivre. Ce chien, dehors, nest pas un chien ordinaire.Ce chien a du pouvoir. C'est un guerrier. Il fera ce quila faire. Mme si c'est vous tuer.Pendant un instant j'prouvai un sentiment de frus-tration incontrlable, je la saisis par les paules et jecriai. Elle ne parut ni surprise ni froisse de cet clatsoudain. Elle me tourna le dos et laissa glisser sonchlesur le sol. Son dos tait fort et trs beau. Jeus une

envieirrsistible de la frapper, mais au lieu de cela je fis cou-rir mes mains sur ses paules. Sa peau tait douce etlisse. Ses bras et ses paules taient muscls sanstregros. Elle semblait avoir une trs lgre enveloppe degraisse sur les muscles, ce qui donnait tout le haut deson corps un aspect satin ; et cependant, lorsque j'ap-puyais du bout des doigts en quelque endroit de sapeau, je pouvais sentir la fermet des musclesinvisiblessous la surface lisse. Je ne voulus pas regarder ses

seins.Elle alla dans une sorte de patio couvert qui servaitde cuisine, larrire de la maison. Je la suivis. Ellesassit sur un banc et, calmement, elle se lava les piedsdans un seau. Tandis qu'elle remettait ses sandales,

jen-trai tout tremblant dans un nouvel appentis que lonavait construit l'arrire. Lorsque je ressortis, elle setenait debout prs de la porte.

Vous aimez parler, dit-elle d'un ton dtach en me


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nduisant vers sa chambre. Rien ne presse. Mainte-nt nous pouvons parler jamais.e prit mon carnet de notes sur le haut de sa com-ode l'endroit o elle avait d le mettre, et elle me ledit avec un excs de prcautions. Puis elle retira son

ssus-de-lit, le plia avec soin, et le plaa sur le haut de

mme commode. Je remarquai alors que les deuxmmodes taient de la couleur des murs, blanc jau-tre, et que sans le dessus-de-lit, le lit tait rouge ros,s ou moins de la couleur du sol. Le dessus-de-lit,utre part, tait brun sombre, comme le bois du pla-d et les volets de bois des fentres.

Parlons, dit-elle en s'asseyant confortablement surit aprs avoir t ses sandales.e remonta ses genoux contre ses seins nus. Onrait dit une jeune fille. Sa manire dtre, agressivedominatrice, stait adoucie et mtamorphose enarme. En cet instant, elle tait lantithse de ce quelle

ait t plus tt. La faon dont elle me pressait dcriree fora rire. Elle me rappelait don Juan.Maintenant, nous avons le temps, dit-elle. Le venthang. Vous n'avez pas remarqu ?l'avais remarqu. Elle dit que la nouvelle directionvent tait sa propre direction bnfique ; le vent taitnc devenu son auxiliaire.Que savez-vous propos du vent, doa Soledad ?demandai-je en masseyant paisiblement au pied den lit.Seulement ce que le Nagual ma enseign, dit-elle.us autres, c'est--dire les femmes, nous avons cha-

ne une direction particulire, un vent particulier. Lesmmes, non. Je suis le vent du nord ; quand il souffle,suis diffrente. Le Nagual dit qu'un guerrier-femmeut se servir de son vent particulier pour tout ce quilut. Je m'en suis servie pour arranger mon corps et le


aire. Regardez-moi ! Je suis le vent du nord ! Sentez-oi quand je viens par la fentre.

avait un vent fort, soufflant par la fentre place

atgiquement face au nord.Pourquoi pensez-vous que les hommes nont pasvent ? demandai-je.e rflchit un instant puis rpliqua que le Nagualvait jamais dit pourquoi.

Vous vouliez savoir qui a fait ce sol, dit-elle enroulant sa couverture autour de ses paules. Je l'ai moi-mme. Il ma fallu quatre annes pour le mettreplace. Maintenant ce sol est comme moi-mme.

ndis qu'elle parlait, je remarquai que les lignesnvergentes du sol taient orientes pour que leur ori-e soit au nord. La pice, cependant, ntait pas par-


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ement aligne avec les points cardinaux ; ainsi, sonaisait des angles singuliers avec les murs, de mmee les lignes des dalles dargile.Pourquoi avez-vous fait le sol rouge, doa Soledad ?C'est ma couleur. Je suis rouge, comme la terreuge. Jai pris l'argile rouge dans les montagnes autourci. Le Nagual ma dit o chercher, et il ma gale-ent aide la porter, et tous les autres aussi. Tousont aide.

Comment avez-vous cuit largile ?Le Nagual ma fait creuser une fosse. Nous l'avonsmplie de bois de feu puis nous y avons empil lesles d'argile, avec des morceaux de rocher bien platstre les dalles. J'ai referm la fosse avec un couvercleterre et des fils de fer, puis jai mis le feu au bois. a

brl pendant des jours.Comment avez-vous empch les dalles de seuchir ?Ce nest pas moi. Cest le vent qui la fait, le ventnord qui a souffl pendant que le feu brlait. Le


gual m'a montr comment creuser la fosse deanire qu'elle soit face au nord et au vent du nord. Ila galement fait laisser quatre trous pour que le ventnord souffle dans la fosse. Puis il m'a fait laisser unu au centre du couvercle pour laisser sortir la fume.vent a fait brler le bois pendant des jours ; quand

fosse est redevenue froide, je l'ai ouverte et j'ai com-

enc polir et galiser les dalles. Il ma fallu plusn an pour faire assez de briques pour terminer

on sol.Comment avez-vous dtermin le dessin ?Cest le vent qui me la appris. Quand jai fait mon, le Nagual mavait dj enseign ne pas rsister aunt. Il mavait montr comment m'abandonner monnt, et le laisser me guider. Il lui avait fallu beaucoup demps pour a, des annes et des annes. Au dbut jtaise vieille femme sotte, trs obstine ; il me l'a dit lui-me et il avait raison. Mais j'ai appris trs vite. Peut-e parce que je suis vieille et que je n'ai plus rien

rdre. Au commencement, ce qui me rendait les chosess difficiles encore, ctait la crainte que j'avais. La

mple prsence du Nagual me faisait bgayer et mva-uir. Le Nagual faisait le mme effet tous les autres.tait son sort d'tre si effrayant.e sarrta de parler et me fixa.Le Nagual nest pas humain, dit-elle.Quest-ce qui vous fait dire cela ?Le Nagual est un diable de qui sait quel temps.s paroles me glacrent. Je sentis mon cur cognerns ma poitrine. Elle naurait srement pas pu trouvereilleur auditoire. J'tais intrigu l'infini. Je la sup-


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ai d'expliquer ce quelle voulait dire par l.Son contact changeait les gens, rpondit-elle. Vousvez cela. Il a chang votre corps. Dans votre cas voussaviez mme pas quil tait en train de le faire. Mais il

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entr dans votre vieux corps. Il y a mis quelqueose. Il a fait la mme chose avec moi. Il a laisselque chose en moi et ce quelque chose a pris la suite.'y a quun diable pour faire a. Maintenant je suis lent du nord et je ne crains rien ni personne. Mais avantil ne met change, jtais une vieille femme laide etble, et il suffisait que j'entende son nom pour mva-uir. Pablito, bien sr, n'tait daucun secours pouroi, car il craignait le Nagual plus que la mort elle-me.Un jour, le Nagual et Genaro sont venus la maison

rs que jtais seule. Je les ai entendus prs de larte, comme des jaguars en chasse. Je me suis signe :ur moi ctaient deux dmons, mais je suis sortie toutmme voir ce que je pouvais faire pour eux. Ils

aient faim et jai t heureuse de leur prparer man-r. Javais quelques grosses boulettes de courge, et jer ai donn chacun un bol de soupe. Le Nagual nas paru apprcier la nourriture ; il ne voulait pas man-r des aliments prpars par une femme aussi faible,rs il a fait semblant dtre maladroit et dun revers de

ain, il a fait tomber le bol de la table. Mais le bol, auu de se retourner et de se renverser partout sur le sol,

port par la force du coup donn par le Nagual, estnu tomber sur mon pied, sans clabousser une goutte.bol avait vraiment atterri sur mon pied, et il est restqu ce que je me penche pour le prendre. Je l'ais sur la table, en face du Nagual, et je lui ai dit queme si jtais une faible femme, mme si je lavais tou-rs redout, mes aliments avaient de bons sentiments.

Ds cet instant-l, le Nagual a chang mon gard.fait que le bol de soupe tait tomb sur mon pied etstait pas renvers lui prouvait quun pouvoir

avait dsigne lui. Je lignorais ce moment-l, etpensais quil avait chang mon gard parce quil


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ait honte d'avoir refus ma nourriture. En fait, je nensais rien de son changement. l'tais encore ptrifiee ne pouvais mme pas le regarder dans les yeux.

ais il a commenc faire de plus en plus attention oi. Il ma mme apport des cadeaux : un chle, unebe, un peigne et dautres choses. a a fait natre en

oi des sentiments horribles. Javais honte, parce quee prenais pour un homme en qute dune femme. Legual avait des jeunes filles, qu'est-ce quil voulaitne vieille femme comme moi ? Au dbut je nai pasulu porter ses cadeaux, ni mme les regarder, maisblito my a pousse, et jai commenc les porter.i commenc aussi avoir encore plus peur de lui, etne voulais pas tre seule avec lui. Je savais que ctaithomme diabolique. Je savais ce quil avait fait sa

mme. me sentis contraint linterrompre. Je lui dis quenavais jamais connu de femme dans la vie de don

an.Vous savez bien qui je veux dire, rpondit-elle.Croyez-moi, doa Soledad, je ne sais rien.Vous ne me ferez pas avaler a. Vous savez biene je parle de la Gorda.seule Gorda que je connaissais tait la sur deblito, une norme fille adipeuse surnomme larda , la grosse. Javais eu le sentiment, bien que nulmet rien dit ce sujet, quelle ntait pas vraiment la

e de doa Soledad. Je ne voulus pas la presser pourtenir d'autres renseignements. Je me souvins tout up que la grosse fille avait disparu de la maison, et que

rsonne n'avait pu, ou os, me dire ce qui lui taitvenu.Un jour, poursuivit doa Soledad, j'tais seulevant la maison, en train de coiffer mes cheveux aueil avec le peigne que le Nagual mavait donn ; je ne


e suis pas rendu compte de sa venue : il tait l,bout derrire moi. Tout coup, j'ai senti ses mainse prendre par le menton. Je lai entendu me dire trs

ucement de ne pas bouger, parce que mon cou ris-ait de se briser. Il ma tordu la tte vers la gauche.s tout fait, mais un peu. J'ai eu trs peur. J'ai cri,ai essay de me dgager de sa prise en me tordantns tous les sens, mais il a maintenu fermement mae pendant un temps long, trs long.

Quand il a lch ma tte, je me suis vanouie. Je nee souviens pas de ce qui sest pass ensuite. Quand jee suis veille, j'tais couche par terre, juste l'en-oit o je suis assise en ce moment. Le Nagual taitrti. Javais une telle honte que je ne voulais voir per-nne, en particulier la Gorda. Pendant longtemps jai


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me pens que le Nagual ne m'avait jamais tordu leu, et que javais eu un cauchemar. e sarrta. J'attendis une explication de ce quitait pass. Elle semblait distraite, pensive peut-tre.

Quest-il arriv exactement, doa Soledad ? deman--je, incapable de me contenir. Vous a-t-il fait quelqueose ?

Oui. Il ma tordu le cou pour changer la direction

mes yeux, dit-elle ; et devant mon regard de surprise,e se mit rire trs fort.e veux dire, est-ce qu'il a... ?

Oui. Il a chang ma direction, poursuivit-elle,gligeant ma question. Il vous a fait a vous aussi, etous les autres.

C'est vrai. Il ma fait cela. Mais pourquoi pensez-us qu'il la fait ?

le fallait. C'est la chose la plus importante re.

e se rfrait un acte particulier que don Juan avait jug absolument ncessaire. Je navais jamais parl de


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a personne. En fait, je lavais presque oubli. Unes, au dbut de mon apprentissage, il avait construitux petits feux dans les montagnes du nord duexique. une distance d'environ sept mtres. Il

avait fait rester debout, sept mtres deux gale-ent, en maintenant mon corps, et surtout ma tte, danse position trs dtendue et naturelle. Ensuite, ilavait fait mettre en face de l'un des feux, puis, venurrire moi, il mavait tordu le cou vers la gauche, et il hait align mes yeux mais non pas mes paules ec l'autre feu. Il avait maintenu ma tte dans cettesition pendant des heures, jusqu' ce que le feuteigne. Javais cru comprendre que toute cette affairetait que lune des singularits impntrables de donan, lun de ses rites absurdes.Le Nagual disait que nous tous, au cours de nos

s, nous exploitons une seule direction de regard,ursuivit-elle. Et cette direction devient la directions yeux de l'esprit. Avec les annes, cette directionpuise et devient faible et dsagrable ; et comme nousmmes lis cette direction particulire, nous deve-ns nous-mmes faibles et dsagrables. Le jour o legual m'a tordu le cou, et la maintenu jusqu ce quemvanouisse de frayeur, il ma donn une nouvelleection.Quelle direction vous a-t-il donne ?Pourquoi me demandez-vous cela ? dit-elle avece violence dplace. Vous pensez que peut-tre le

gual ma donn une direction diffrente ?e peux vous dire la direction qu'il ma donne,

pondis-je.Nimporte ! dit-elle dun ton cassant. Il ma dit amme.e paraissait agite. Elle changea de position et seucha sur le ventre. Mon dos me faisait mal force


crire. Je lui demandai si je pouvais masseoir sur son sol et utiliser le lit comme table. Elle se leva et me tendit lessus-de-lit pli, en guise de coussin.

Quest-ce que le Nagual vous a fait d'autre ?mandai-je.

Aprs avoir chang ma direction, le Nagual a vrai-ent commenc me parler de pouvoir, dit-elle en secouchant. Au dbut, il a voqu des choses un peu au


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sard, parce qu'il ne savait pas exactement quoi faireec moi. Un jour, il ma emmene faire une petite pro-enade pied dans les sierras. Puis un autre jour,a emmene en autobus jusqu' son propre paysns le dsert. Peu peu je me suis habitue aller loinec lui.

Est-ce qu'il vous a donn des plantes de pouvoir ? m'a donn Mescalito, une fois o nous tions

ns le dsert. Mais comme jtais une femme vide,escalito ma refuse. J'ai eu avec lui une rencontrereuse. Cest ensuite que le Nagual a su quil devait place me mettre en rapport avec le vent. a s'estss, bien sr, aprs quil eut obtenu un prsage. Cer-l, il avait dit souvent, trs souvent, qu'il avait beaue un sorcier ayant appris voir, sil nobtenait pasprsage il n'avait aucun moyen de savoir quellee prendre. Il avait dj attendu pendant des jourse indication certaine mon sujet. Mais aucun pou-r ne dsirait la donner. En dsespoir de cause, que je crois, il ma prsente sa guaje, et jai vu

escalito.

linterrompis. Elle avait utilis le mot guaje , gourde, et cela m'embrouillait. Examin dans le contexte de ceelle tait en train de me raconter, ce mot n'avait aucun sens. Je pensai quelle parlait peut-tre par mtaphore, oue gourde tait un euphmisme.Quest-ce qu'une guaje, doa Soledad ?


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e me regarda dun air surpris. Elle marqua unmps avant de rpondre.Mescalito est la guaje du Nagual, dit-elle enfin.

rponse rendait les choses encore plus confuses.me sentis humili, car elle semblait vraiment avoir

ur de tout clarifier mon intention. Quand je lui

mandai de m'expliquer davantage, elle rpta que jevais tout cela moi-mme. C'tait le stratagme prfrdon Juan pour luder mes questions prcises. Je luique don Juan mavait racont que Mescalito tait

e divinit, ou une force contenue dans les boutons deyotl. Dire que Mescalito tait sa gourde n'avait abso-

ment aucun sens.Le Nagual peut vous mettre en relation avec nimporte quoi par lintermdiaire de sa gourde, dit-elle aprs un temprrt. Cest la cl de son pouvoir. N'importe qui peut vous donner du peyotl, mais seul un sorcier, par sa gourde,ut vous mettre en relation avecescalito.e s'arrta de parler et fixa les yeux sur moi. Son

gard tait froce.Pourquoi avez-vous besoin de me faire rpter cee vous savez dj ? demanda-t-elle d'un ton de colre.fus compltement dsaronn par son revirementbit. Linstant d'avant elle tait presque douce.Ne faites pas attention mes sautes dhumeur, dit-e en souriant de nouveau. Je suis le vent du nord. Jes trs impatiente. Toute ma vie je nai jamais os direque j'avais dans lesprit. Maintenant je ne crains per-nne. Je dis ce que je ressens. Pour me faire face, ilt tre fort.

e glissa plus prs de moi, sur son ventre.

Bon... Le Nagual ma mise en relation avec leescalito qui est sorti de sa gourde, poursuivit-elle.ais il ne pouvait pas deviner ce qui marriverait. Il


ttendait quelque chose comme votre propre ren-ntre avec Mescalito, ou bien celle d'Eligio. Dans cesux cas, il tait dsorient. Alors, il avait laiss saurde dcider de ce qu'il fallait faire aprs. Dans les

ux cas sa gourde lavait aid. Avec moi, a a t diff-nt ; Mescalito lui a dit de ne jamais memmener parbas. Le Nagual et moi, nous avons quitt lendroit ente hte. Nous sommes alls au nord au lieu de venir

a maison. Nous avons pris un autobus pour aller exicali, mais nous en sommes descendus au milieu dusert. Il tait trs tard. Le soleil se couchait derriremontagnes. Le Nagual voulait traverser la route et

er pied vers le sud. Nous attendions le passage deelques voitures rapides, lorsque soudain il ma tapr lpaule et il m'a dsign la route en face de nous.i vu une spirale de poussire sur le bord de la route.


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us l'avons regarde qui se dplaait vers nous. Legual a travers la route en courant et le vent m'aveloppe. Il ma fait rellement tourner trs douce-ent sur moi-mme, et ensuite il a disparu. C'tait a lesage que le Nagual attendait. partir de ce moment-nous sommes alls dans les montagnes ou le dsert,ns le but de chercher le vent. Au dbut le vent neaimait pas, parce que jtais mon ancien moi. Alors legual s'est mis en devoir de me changer. Dabord, il

a fait construire cette pice et ce sol. Puis il m'a faitrter des nouveaux vtements et dormir sur un mate-au lieu d'une paillasse. Il ma fait porter des chaus-

res, et avoir des tiroirs pleins de vtements. Il mace marcher pendant des centaines de kilomtres,l ma enseign tre calme. Jai appris trs vite. Ila aussi fait faire des choses tranges sans aucune rai-n du tout.Un jour o nous tions dans les montagnes de sonopre pays, jai cout le vent pour la premire fois. Il


venu directement dans ma matrice. Jtais allonger le haut d'un rocher plat et le vent virevoltait autourmoi. Je lavais dj vu ce jour-l tourbillonner autours buissons, mais cette fois il est venu au-dessus deoi et il sest arrt. Jai senti comme un oiseau qui serait pos sur mon ventre. Le Nagual m'avait fait quit-tous mes vtements ; j'tais nue comme la main,

ais je navais pas froid car le vent tait en train de mechauffer.Vous aviez peur, doa Soledad ?Peur ? J'tais ptrifie. Le vent tait vivant; il mahe de la tte aux pieds. Et ensuite il a pntr dans

on corps tout entier. J'tais comme un ballon, et lent sortait de mes oreilles et de ma bouche, ainsi queutres endroits que je ne veux pas nommer. Jai pense j'allais mourir, et je me serais enfuie en courant,tait que le Nagual me maintenait sur le rocher. Il merlait loreille, et il est parvenu me calmer. Je suisste allonge, paisible, et jai laiss le vent faire avec

oi ce qu'il dsirait. Cest ce moment-l que le venta dit quoi faire.Quoi faire de quoi ?De ma vie, de mes choses, de ma chambre, de mesntiments. Au dbut ce n'tait pas clair. Je croyais quetait moi qui pensais. Le Nagual disait que cela nousive tous. Quand nous sommes calmes, pourtant,us nous rendons compte que cest quelque choseutre qui nous dit des choses.

Vous avez entendu une voix ?Non. Le vent se dplace lintrieur du corpsne femme. Le Nagual dit que cest comme a parce


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e les femmes ont une matrice. Une fois quil est lin-eur de la matrice, le vent vous soulve, tout simple-

ent, et vous dit de faire certaines choses. Plus lamme est calme et dtendue, meilleurs sont les rsul-


s. On peut dire que tout dun coup, la femme s'aperoit qu'elle fait des choses dont elle n'avait pas la moindre ide

Depuis ce jour-l, le vent est venu moi tout lemps. Il m'a parl dans ma matrice et il m'a dit tout cee je dsirais savoir. Le Nagual a vu ds le dbut queais le vent du nord. D'autres vents ne m'ont jamaisrl comme a, bien que j'aie appris les distinguer.Combien y a-t-il d'espces de vents ? y a quatre vents, comme il y a quatre directions.

est--dire, bien sr, pour les sorciers et pour tout cee les sorciers font. Quatre est un nombre-pouvoirur eux. Le premier vent est la brise, le matin. Elleporte lespoir et la clart ; elle est le messager du jour.e vient et va et pntre dans tout. Parfois elle estuce et elle passe inaperue ; dautres fois elle est har-euse et importune.

Autre vent, le vent dur ; il est, soit trs chaud, soits froid, soit les deux. Un vent de la mi-journe.plosant, plein dnergie, mais aussi plein daveugle-

ent. Il brise les portes et abat les murailles. Une sor-re doit tre terriblement forte pour satteler au ventr.

Ensuite, il y a le vent froid de l'aprs-midi. Triste etnible. Un vent qui ne vous laisse jamais en paix. Ilus glace et vous fait pleurer. Le Nagual disait quil y ae telle profondeur lie lui que cela vaut tout deme vraiment la peine de le rechercher.Enfin, il y a le vent chaud. Il rchauffe, protge etveloppe tout. C'est un vent de la nuit pour les sor-rs. Son pouvoir s'accorde avec l'obscurit.

Voil les quatre vents. Ils sont galement associsx quatre directions. La brise est lest. Le vent froid estuest. Le vent chaud est le sud. Le vent dur est le nord.

Les quatre vents ont aussi des personnalits. La


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s la supriorit des hommes uniquement parce que jes une femme vide. Il doit avoir raison. l'ai t videndant si longtemps que je ne peux pas me souvenir oi a ressemble dtre complte. Le Nagual disait queamais je devenais complte un jour, je changerais dentiments ce sujet. Mais sil avait raison, sa Gordarait fait aussi bien quEligio ; or, comme vous le savez,nest pas le cas. ne pouvais pas suivre le cours de son rcit, car elle

sait certaines choses, supposant que je savais ce oi elle faisait allusion. Dans ce cas prcis, je n'avaiscune ide de ce quEligio ou la Gorda avaient fait.De quelle manire la Gorda tait-elle diffrenteEligio ? demandai-je.e me regarda pendant un moment, comme si elleupesait quelque chose en moi. Puis elle sassit avec lesnoux contre la poitrine.Le Nagual me racontait tout, dit-elle d'un tonm. Le Nagual navait pas de secrets pour moi. Eli-tait le meilleur ; cest pourquoi il nest plus au

onde maintenant. Il nest pas revenu. En fait il tait si


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n qu'il na pas eu sauter d'un prcipice quandn apprentissage a t termin. Il tait comme Genaro ;jour, tandis qu'il travaillait dans le champ, quelque

ose est venu lui et la entran. Il a su lcherse.us envie de lui demander si javais rellement saut

ns un abme. Jhsitai pendant un instant avant decer ma question. Aprs tout, ctait pour clarifier cent que j'tais venu voir Pablito et Nestor. Toute infor-

ation que je pourrais obtenir sur ce sujet de toutersonne implique dans le monde de don Juan rait vraiment une prime pour moi.e clata de rire ma question, comme je l'avaisvu.Vous voulez dire que vous ne savez pas ce queus avez fait vous-mme ? demanda-t-elle.Cest trop tir par les cheveux pour tre rel, dis-je.C'est le monde du Nagual, c'est sr. Pas une seule

ose en lui nest relle. Lui-mme m'a dit ne me fieren. Mais pourtant, il faut que les apprentis-hommesutent. Sauf s'ils sont vritablement magnifiques,mme Eligio.Le Nagual nous a emmenes, moi et la Gorda, cetteontagne, et nous a fait regarder vers le bas, tout aud. L, il nous a montr quelle sorte de Nagual volanttait. Mais seule la Gorda a pu le suivre. Elle a voulualement sauter dans labme. Le Nagual lui a dit quetait inutile. Il a dit que les guerriers-femmes ont re des choses plus pnibles et plus difficiles que a. Ilus a dit aussi que le saut tait uniquement pour vous

atre. Et cest ce qui est arriv, vous avez saut tous lesatre.e disait que nous avions saut tous les quatre, mais

ma connaissance seuls Pablito et moi-mme lavions. la lumire de ses dclarations, je me dis que don


an et don Genaro devaient nous avoir suivis. Cela nee parut pas extraordinaire, ctait plutt prvenant etme touchant de leur part.

Qu'est-ce que vous racontez ! me dit-elle aprs queus exprim mes penses. Je voulais dire : vous et less apprentis de Genaro. Vous, Pablito et Nestor avez

ut le mme jour.Qui est lautre apprenti de don Genaro ? Je connaisulement Pablito et Nestor.Vous voulez dire que vous ne saviez pas que Beni-o tait l'apprenti de Genaro ?Absolument pas.C'tait le plus ancien apprenti de Genaro. Il aut avant vous, et il a saut de lui-mme.nigno tait lun des cinq jeunes Indiens que j'avais


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ncontrs une fois, alors que jerrais dans le dsertSonora avec don Juan. Ils taient en qute d'objets-uvoir. Don Juan mavait dit qu'ils taient tousprentis en sorcellerie. J'avais nou avec Benigno unertaine amiti, les rares fois o je lavais vu aprs cer-l. Il tait du sud du Mexique. Je laimais beau-up. Pour je ne sais quelle raison il semblait se com-ire crer autour de sa vie personnelle un mystrem'intriguait. Je navais jamais pu dcouvrir qui

tait ou ce quil faisait. Chaque fois que je lui parlais,me dcontenanait par la candeur dsarmante avecuelle il ludait mes questions. Une fois, don Juanavait donn spontanment des renseignements surnigno, disant quil avait eu beaucoup de chancevoir trouv un matre et un benefactor. J'avais priss paroles de don Juan comme une remarque banalens grande importance. Doa Soledad venait dclair-ce qui avait t pour moi un mystre de dix ans.

votre avis, pourquoi don Juan ne ma-t-il jamaisn dit sur Benigno ?



Qui sait ? Il devait avoir une raison. Le Nagual namais rien fait la lgre.ant de me remettre crire, je dus calmer mon dosdolori en l'appuyant contre son lit.Quest-il arriv d'autre Benigno ? va merveille. Il s'en est peut-tre mieux sortiaucun autre. Vous verrez. Il est avec Pablito et Nes-. En ce moment, ils sont insparables. La marque denaro est sur eux. La mme chose est arrive aux

es ; elles sont insparables parce que la marque dugual est sur elles.dus linterrompre de nouveau et lui demanderxpliquer quelles filles elle faisait allusion.

Mes filles, rpondit-elle.Vos propres filles ? Je veux dire, les surs deblito ?

Ce ne sont pas les surs de Pablito. Ce sont desprenties du Nagual.tte rvlation fut un choc pour moi. Depuis que j'avais

ncontr Pablito, des annes auparavant, javais toujours amen croire que les quatre filles vivant dans saaison taient les vritables filles de doa Soledad. Donan lui-mme mavait prsent les choses ainsi. Jeombai soudain dans le sentiment daccablement quevais prouv tout l'aprs-midi. On ne pouvait pas fairenfiance doa Soledad. Elle maniganait quelqueose. Jtais certain que don Juan, en aucune

annes sont celles du Nagual. Ctaient ses apprentiesMaintenant que le Nagual est parti, elles sont le Nagualui-mme. Mais ce sont aussi mes filles. moi !

Vous voulez dire que vous n'tes pas la mre dePablito et quelles sont en ralit vos propres filles ?

Je veux dire quelles sont moi. Le Nagual me les adonnes en sauvegarde. Vous tes toujours danslerreur,parce que vous comptez sur les mots pour expliquerchaque chose. Comme je suis la mre de Pablito et quvous avez entendu dire que ce sont mes filles, vous enavez dduit quils devaient tre frre et surs. Les fillesont mes vrais bbs. Pablito, bien qu'il soit lenfant sode ma matrice, est mon ennemi mortel.Ma raction ses paroles fut un mlange de rpulsionet de colre. Je pensai quelle n'tait pas seulement unfemme lesprit gar, mais une femme dangereuse. Equelque manire, une partie de moi l'avait su ds monarrive.Elle mobserva pendant un long moment. Pour viterde la regarder, je massis de nouveau sur le dessus-de-lit.

Le Nagual mavait prvenu que vous tiez trange,dit-elle soudain, mais je ne pouvais pas comprendre cequil voulait dire. Maintenant je sais. Il m'a dit de fairetrs attention ne pas vous mettre en colre, parce quvous tes violent. Je regrette de ne pas avoir fait atten-


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constance, n'avait pu minduire en erreur de faon aussiossire.a Soledad mexaminait avec une curiosit mani-te.

Le vent vient de me dire que vous ne croyez pas cee je vous dis, scria-t-elle en clatant de rire.Le vent a raison, rpondis-je schement.Les filles que vous avez vues pendant toutes ces

tion autant que j'aurais d. Il m'a dit aussi que tant quevous avez la possibilit dcrire, vous pourriez aller danl'enfer mme sans vous en rendre compte. Je ne vous pas tracass avec a. Ensuite, il m'a dit que vous tiezsouponneux parce que les mots vous embrouillaient.Je ne vous ai pas non plus tracass avec a. Jai dit ceque javais dans la tte, en essayant de ne pas vousembrouiller.Il y avait dans le ton de sa voix une accusation infor-


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le. Je me sentis quelque peu gn de lavoir contra-e.Ce que vous me disiez est trs difficile croire,-je. On m'a menti dune faon terrible, soit vous, soitn Juan.Nous navons menti ni lun ni l'autre. Vous ne

mprenez que ce que vous dsirez comprendre. Legual disait que ctait une modalit de votre vide.es filles sont les enfants du Nagual, tout comme

us et Eligio tes ses enfants. Il a fait six enfants, quatremmes et deux hommes. Genaro a fait trois hommes. Iln a neuf en tout. L'un deux, Eligio, a dj russi, alors

aintenant c'est vous, les huit autres, d'essayer.O est all Eligio ? est all rejoindre le Nagual et Genaro.

Et o sont alls le Nagual et Genaro ?Vous savez bien o ils sont alls. Vous vousoquez de moi, pas vrai ?

Mais cest justement le problme, doa Soledad.ne me moque pas de vous.Alors je vais vous le dire. Je ne peux rien voususer. Le Nagual et Genaro sont retourns au mmedroit do ils taient venus, dans lautre monde.rsque leur temps est arriv, ils sont simplement sortisns l'obscurit au-dehors ; et depuis, ils n'ont passir revenir : lobscurit de la nuit les a avals.sentis qu'il tait inutile de linterroger davantage.tais prt changer de sujet, mais elle me devana.

Vous avez jet un regard fugitif sur lautre mondeand vous avez saut, poursuivit-elle. Mais peut-tre le

ut vous a-t-il troubl. Dommage. Nul ne peut rienre ce sujet. Cest votre destin dtre un homme. Lesmmes sont meilleures que les hommes cet gard.es nont pas sauter dans un abme. Les femmes ontrs propres voies. Elles ont leur propre abme. Les


mmes ont des menstrues. Le Nagual ma dit que, pour elles, c'tait la porte. Pendant leurs priodes, ellesviennent quelque chose d'autre. Je sais que ctait

moment-l quil enseignait mes filles. C'tait tropd pour moi, je suis trop vieille, aussi je ne sais pas

aiment de quoi cette porte a l'air. Mais le Nagualptait aux filles de faire attention tout ce qui leurivait ce moment-l. Pendant ces journes-l, ils lesmenait dans les montagnes, et il restait avec ellesqu ce quelles voient la flure entre les mondes.

Le Nagual navait ni scrupules ni crainte proposquelque acte que ce soit, aussi les poussait-il sans pour quelles puissent dcouvrir par elles-mmesil y a une flure dans les femmes, une flure quelles

asquent trs bien. Pendant leurs priodes, le masque a


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au tre trs bien fait, il tombe, et les femmes sont couvert. Le Nagual poussait mes filles jusqu ceelles soient demi mortes, pour ouvrir cette flure.es l'ont fait. Il le leur a fait faire, mais il leur a fallus annes.Comment sont-elles devenues apprenties ?Lidia a t sa premire apprentie. Il la trouve unatin o il s'tait arrt prs d'une cabane en ruinens les montagnes. Le Nagual ma dit quil ny avait

rsonne en vue et que pourtant certains prsages lap-aient vers cette maison depuis les premires heuresmatin. La brise l'avait terriblement drang. Il a ditil ne pouvait mme pas ouvrir les yeux chaque foisil essayait de scarter de cet endroit-l. C'est pour-oi, quand il a dcouvert la maison, il a su que quelqueose s'y trouvait. Il a regard sous un tas de paille etbrindilles, et il a trouv une fille. Elle tait trs

alade. Elle pouvait peine parler, mais elle lui a ditpendant quelle n'avait besoin de personne pour lai-r. Elle allait continuer dormir l, et si elle ne se


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gual et il y a eu une lutte terrible entre Lidia et Jose-a. Elles se hassaient. Mais je les aimais toutes lesux. Cependant le Nagual, voyant quil ne pourrait pasvenir bout, devint trs ferme avec elles. Comme

us le savez, le Nagual peut devenir fou furieux contremporte qui. Alors il les a effrayes au point de lessser demi mortes. Un jour, Lidia est devenue folleeuse et elle est partie. Elle avait dcid de se trouverjeune poux. Sur la route, elle a trouv un poussin

nuscule. Il venait dclore et il tait perdu au milieula route. Lidia la ramass, et comme elle tait dansendroit dsert, sans maisons autour, elle a estime le poussin nappartenait personne. Elle la misns son corsage, entre ses seins pour le tenir au chaud.ia m'a dit quelle s'tait mise courir et qu ce

oment-l le petit poussin avait commenc se dpla-r sur le ct de son corps. Elle a essay de le rameneravant, mais elle n'a pas pu lattraper. Le poussin cou-



t trs vite autour de ses flancs et dans son dos, lin-eur de son corsage. Au dbut, les pattes du poussin

chatouillaient, puis elles lont rendue folle. Lors-elle sest aperue quelle ne pourrait pas le faire sor-elle est revenue vers moi en hurlant, horslle-mme ; et elle ma dit de faire sortir ce fichu truc-

de son corsage. Je l'ai dshabille, mais sans aucunsultat. Il ny avait pas de poussin du tout, et pourtant

e sentait encore ses pattes sur sa peau, tournant etrnant sans cesse.

Le Nagual est arriv ce moment-l, et il lui a dite le poussin s'arrterait de courir, uniquement lors-elle abandonnerait son ancien moi. Lidia est restee pendant trois jours et trois nuits. Le Nagual ma ditlattacher. Je la nourrissais, je la lavais et je lui don-s de l'eau. Le quatrime jour, elle est devenue trssible et calme. Je lai dtache. Elle a mis ses vte-

ents, et quand elle a t de nouveau vtue comme ler o elle s'tait enfuie, le petit poussin est ressorti.e la pris entre ses mains, elle l'a cajol, elle la

merci et elle est alle le remettre l'endroit o ellevait trouv. Je lai accompagne pendant un bout deemin. partir de ce moment-l, Lidia n'a plus importunrsonne. Elle a accept son sort. Le Nagual est sonrt ; sans lui, elle aurait perdu la vie. Dans ces condi-ns, quoi bon essayer de refuser ou de modifier desoses qui ne peuvent qutre acceptes ?Ensuite, cest Josefina qui a draill. Elle avait djpeur, cause de ce qui tait arriv Lidia, mais elle

vait vite oubli. Un dimanche aprs-midi, alorselle rentrait la maison, une feuille sche s'est fixe

la maison, elle a essay de la dgager. Or il ny avaitaucun moyen, la feuille tait fixe. Josefina, dans unaccs de colre, a empoign le chle et la feuille, et ellea miett la feuille dans sa main. Elle se figurait que despetits morceaux seraient plus faciles enlever. J'aientendu un hurlement vous rendre fou, et Josefina esttombe par terre. Jai couru vers elle et je me suis aper-ue qu'elle ne pouvait pas ouvrir la main. Elle avait eu

la main coupe en charpie par la feuille, comme si celle-ci tait des morceaux de lame de rasoir. Nous lui avonsport secours, Lidia et moi, et nous l'avons soigne pen-dant sept jours. Josefina tait plus ttue que personne.Elle a failli mourir. la fin, elle est parvenue ouvrir lamain, mais seulement aprs avoir, dans son propreesprit, rsolu dabandonner ses anciennes voies. Elle aencore des douleurs dans son corps de temps en tempsen particulier dans sa main, provoques par les mau-vaises attitudes qui reviennent encore en elle. LeNagual leur a dit toutes les deux quelles ne devaientpas compter sur leur victoire, parce que le combat que

chacun de nous engage contre son moi ancien est uncombat de toute la vie. Lidia et Josefina nont jamais lutt de nouveau. Je nepense pas qu'elles sapprcient mutuellement, maiselles font certainement bon mnage. Ce sont ces deux-lque j'aime le plus. Elles ont t avec moi depuis toutesces annes. Je sais qu'elles maiment aussi.

Et les deux autres filles ? O se placent-elles ? Un an plus tard, Elena est venue; c'est elle laGorda. Elle tait dans un tat pire que tout ce que vouspouvez imaginer. Elle pesait cent dix kilos. Ctait unefemme dsespre. Pablito lui avait offert un refuge dan


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ns la trame de son chle. Il tait tiss de faon trshe. Elle a essay de tirer la petite feuille, mais elle

aignait dabmer son chle. Alors, ds son entre dans

son atelier. Elle faisait des lessives et du repassage pouvivre. Un soir, en venant chercher Pablito, le Nagual atrouv la grosse fille au travail, avec des papillons de



t volant en cercle au-dessus de sa tte. Il a dit que

pillons avaient fait un cercle parfait pour attirer sonention. Il a vu que la femme tait proche de la fin de

, mais les papillons de nuit devaient avoir toute lanfiance du monde, pour lui avoir donn un tel pr-ge. La Nagual agit vite et la prit avec lui.Elle a russi bien faire pendant un certain temps,ais les mauvaises habitudes qu'elle avait apprisesaient trop profondment ancres, et elle na pas pu

andonner. Alors, un jour, le Nagual a envoy cher-er le vent pour l'aider. Il s'agissait de laider ou d'enr avec elle. Le vent a commenc souffler sur elle,point de l'entraner hors de la maison ; elle tait

ule ce jour-l, et personne na vu ce qui se passait.

nt la pousse par-dessus les collines et dans lesvins, jusqu ce qu'elle tombe dans un foss, un trouns la terre semblable une tombe. Le vent l'a main-ue l pendant plusieurs jours. Lorsque le Nagual la

fin trouve, elle tait parvenue arrter le vent, maise tait trop faible pour marcher.Comment les filles sont-elles parvenues arrterqui agissait sur elles, quoi que ce soit ?

Eh bien, tout dabord, ce qui agissait sur elles,tait la gourde que le Nagual portait attache santure.

Et qu'est-ce qu'il y a dans la gourde ?Les allis que le Nagual porte avec lui. Il disaite l'alli se coule travers sa gourde. Ne men

man-z pas davantage, parce que je ne sais rien dautrerli. Tout ce que je peux vous dire, cest que le Nagualmmande deux allis et se fait aider par eux. Dans les de mes filles, lalli a battu en retraite lorsqu'ellest t prtes changer. Pour elles, bien sr, c'taitanger ou mourir. Mais cest le cas avec nous tous,ne manire ou dune autre. Et la Gorda a chang

plus que nimporte qui dautre. Elle tait vide ; en fait, plusvide que moi ; mais elle a travaill son esprit jus-qu cequelle devienne pouvoir mme. Elle ne me plat pas. Elleme fait peur. Elle me connat. Elle sintroduit dans moi etdans mes sentiments, et a me gne. Mais personne nepeut rien lui faire parce qu'elle ne baisse jamais sa garde.Elle ne me hait pas, mais elle pense que je suis unemauvaise femme. Elle a peut-tre raison. Je pense quelleme connat trop bien, et je ne suis pas aussi impeccableque je voudrais tre ; mais le Nagual ma dit de ne pasm'inquiter de mes sentiments son

gard. Elle est comme Eligio; le monde ne la touche plus.

Qu'est-ce que le Nagual lui a fait de si particulier ? II lui a enseign des choses quil na enseignes personne dautre. Il ne l'a jamais dorlote, ni rien de cegenre. Il lui faisait confiance. Elle sait tout sur tout lemonde. Le Nagual ma tout dit moi aussi, sauf deschoses au sujet dElena. Cest peut-tre pour a qu'ellene me plat pas. Le Nagual lui a dit d'tre ma gelire.O que jaille je la trouve. Quoi que je fasse, elle le sait.En ce moment mme, par exemple, si elle se montrait,

je n'en serais pas surprise. Vous pensez quelle le fera ? a m'tonnerait. Ce soir le vent est avec moi. Qu'est-elle cense faire ? Est-ce qu'elle a une tcheparticulire ?

Je vous en ai assez dit son sujet. Je crains que sije continue parler d'elle, elle ne me remarque depuislendroit o elle est, quel qu'il soit ; et je nai pas envieque a arrive.

Alors parlez-moi des autres.

Quelques annes aprs avoir trouv la Gorda, le Naguaa trouv Eligio. Il m'a dit qu'il tait all avec vous dans sonpropre pays. Eligio tait venu vous voir,



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r curiosit votre gard. Le Nagual ne la pas remar-. Il le connaissait depuis qu'il tait gamin. Mais unatin, comme le Nagual avanait vers la maison ous l'attendiez, il est tomb sur Eligio, en chemin luissi. Ils ont march ensemble sur une courte distance,ensuite un morceau sch de cholla1 sest fix sur leut de la chaussure gauche dEligio. Il a essay de letacher en secouant le pied, mais ses pines taient

mme des aiguil

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Second Anneau Du Pouvoir- Carlos Castaneda