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Section québécoise de la Société nucléaire canadienne Mémoire présenté à la commission sur les enjeux énergétiques du Québec « L’importance du nucléaire pour une politique de développement durable et la réduction de l’émission de gaz à effet de serre » Septembre 2013 1. QUI SOMMES-NOUS ? La Société Nucléaire Canadienne (SNC) est un regroupement d’ingénieurs et de scientifiques œuvrant dans le domaine des sciences et de la technologie nucléaire. Le but principal de la SNC est de favoriser l’échange de connaissances en sciences et technologies nucléaires. Ceci comprend tous les aspects de l’énergie nucléaire, l’uranium, la fission et les autres technologies nucléaires telles que la protection des travailleurs et de l’environnement, les diagnostics et les traitements médicaux, l’utilisation des radio-isotopes et la conservation des aliments. La SNC comprend des divisions techniques et des chapitres régionaux. Les divisions techniques, établies sur une base disciplinaire, organisent des cours, des symposiums et des conférences. Les chapitres régionaux, établis sur une base géographique, tiennent des réunions et des séminaires sur des sujets spécifiques dont l’intérêt est souvent local. On peut retrouver les activités des divisions techniques et des chapitres régionaux sur le site web : www.cns-snc.ca. Pour présenter les sujets d’intérêt pour les membres au Québec, le chapitre québécois de la SNC maintient aussi une page web au http://www.cns-snc.ca/fr/CNS/quebec. 2. NOTRE OPINION ET LA NATURE DE LINTERET DE LA SECTION QUEBECOISE DE LA SNC La SNC tient à souligner dans ce mémoire les atouts de l’énergie nucléaire, les avantages de maintenir une expertise québécoise dans ce domaine, ainsi que rectifier quelques informations contenues dans le document d’orientation de la commission. Cette position s’appuie sur les raisons suivantes, que nous allons élaborer dans la suite de notre mémoire : L’énergie d’origine nucléaire permet de rencontrer trois des objectifs stratégiques poursuivis par le gouvernement, énoncés dans le document d’orientation : Réduire les émissions de gaz à effet de serre; Favoriser l'efficacité énergétique dans tous les secteurs et pour toutes les sources d'énergie pour le développement des régions; Assurer à long terme la sécurité et la diversité des approvisionnements énergétiques du Québec

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Section québécoise de la Société nucléaire canadienne

Mémoire présenté à la commission sur les enjeux énergétiques du Québec

« L’importance du nucléaire pour une politique de développement durable et

la réduction de l’émission de gaz à effet de serre »

Septembre 2013

1. QUI SOMMES-NOUS ?

La Société Nucléaire Canadienne (SNC) est un regroupement d’ingénieurs et de scientifiques

œuvrant dans le domaine des sciences et de la technologie nucléaire. Le but principal de la SNC

est de favoriser l’échange de connaissances en sciences et technologies nucléaires. Ceci

comprend tous les aspects de l’énergie nucléaire, l’uranium, la fission et les autres technologies

nucléaires telles que la protection des travailleurs et de l’environnement, les diagnostics et les

traitements médicaux, l’utilisation des radio-isotopes et la conservation des aliments. La SNC

comprend des divisions techniques et des chapitres régionaux. Les divisions techniques, établies

sur une base disciplinaire, organisent des cours, des symposiums et des conférences. Les

chapitres régionaux, établis sur une base géographique, tiennent des réunions et des séminaires

sur des sujets spécifiques dont l’intérêt est souvent local. On peut retrouver les activités des

divisions techniques et des chapitres régionaux sur le site web : www.cns-snc.ca.

Pour présenter les sujets d’intérêt pour les membres au Québec, le chapitre québécois de la SNC

maintient aussi une page web au http://www.cns-snc.ca/fr/CNS/quebec.

2. NOTRE OPINION ET LA NATURE DE L’INTERET DE LA SECTION QUEBECOISE DE LA SNC

La SNC tient à souligner dans ce mémoire les atouts de l’énergie nucléaire, les avantages de

maintenir une expertise québécoise dans ce domaine, ainsi que rectifier quelques informations

contenues dans le document d’orientation de la commission.

Cette position s’appuie sur les raisons suivantes, que nous allons élaborer dans la suite de notre

mémoire :

L’énergie d’origine nucléaire permet de rencontrer trois des objectifs stratégiques poursuivis

par le gouvernement, énoncés dans le document d’orientation :

Réduire les émissions de gaz à effet de serre;

Favoriser l'efficacité énergétique dans tous les secteurs et pour toutes les sources

d'énergie pour le développement des régions;

Assurer à long terme la sécurité et la diversité des approvisionnements énergétiques du

Québec

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Le Québec possède un actif important, la centrale de Gentilly 2, ainsi qu’une importante

expertise technique qu’il est avantageux de conserver.

L’énergie d’origine nucléaire est très peu polluante, notamment au niveau de l’émission des

gaz à effet de serre. De plus, la centrale occupe très peu de territoire en comparaison aux

autres modes de production envisagés par Hydro-Québec.

Une centrale nucléaire est un atout important dans la diversité de la production d’électricité

au Québec. Elle permet une production de base fiable, stable et sécuritaire.

L’expérience de l’exploitation de la centrale Gentilly 2 démontre qu’elle entraîne des retombées

économiques importantes pour la région du Centre-du-Québec, pour la ville de Trois-Rivières

ainsi que pour le Québec en général. Aussi, sachant que la technologie des réacteurs nucléaires

CANDU de 3e génération, une technologie largement développée sur la base de réacteurs

CANDU-6 comme Gentilly 2, est commercialisée par CANDU Énergie inc., une filiale de la

société québécoise SNC-Lavalin, il est important que la politique énergétique du Québec fasse en

sorte que l’économie du Québec retire sa juste part des retombées à venir.

Bien que pour l’instant, la seule centrale du Québec soit indéfiniment à l’arrêt, nous supportons

l’idée de maintenir cet actif de valeur comme option future, au lieu de procéder à un

déclassement précipité que rien ne justifie. Il y a très peu de différence entre la mise en état de

stockage sûr pour une fermeture définitive ou pour une mise en retrait en attente d’un possible

redémarrage; à titre d’exemple, les réacteurs de la centrale de Bruce en Ontario ont été mis en

retrait pour plus de dix ans avant d’être redémarrés récemment après une réfection complète. La

décision du gouvernement du Québec a été prise sur la base du contexte économique défavorable

pour le prix de l’électricité sur les marchés d’exportation. Une mise en retrait de Gentilly-2 en

attente d’une reprise du marché de l’électricité demeure une option possible et la seule qui

permettrait de récupérer en tout ou en partie les sommes importantes investies par Hydro-Québec

pour la réfection et la prolongation de vie de Gentilly-2. On le sait, le paysage énergétique peut

changer rapidement, de façon imprévisible, et conserver le plus d’atout est, à notre avis, une

stratégie gagnante à long terme.

3. UNE SOURCE D’ENERGIE CONTRIBUANT A L’EFFORT MONDIAL DE REDUCTION DES GES

L’objectif premier poursuivi par le gouvernement dans sa politique énergétique est de « réduire

les émissions de gaz à effet de serre ». À ce chapitre, l’énergie nucléaire offre la seconde

meilleure performance, derrière l’hydraulique au fil de l’eau mais devant l’énergie éolienne et les

centrales hydrauliques.

La production d’énergie nucléaire est donc une source propre d’énergie, qui ne génère pas de gaz

à effet de serre (GES). Elle est un outil important pour permettre de rencontrer les objectifs de

réduction de GES à l’échelle nationale et internationale.

Sur le plan mondial, plusieurs rapports crédibles d’organismes internationaux, incluant

l’Organisme de coopération et de développement économique (OCDE)1, le Programme des

1 “Laisser de côté une seule technologie, telle que le nucléaire ou le stockage du carbone, fera augmenter les

coûts de transition” [Leaving out any single technology, such as nuclear or carbon capture and storage (CCS),

will make the costs of the transition higher.] [1]

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Nations Unies pour l’environnement (UNEP)2, l’agence internationale de l’énergie (AIÉ)3 font

état que sans contribution de l’énergie nucléaire, les cibles de réduction d’émission de GES ne

pourront être atteintes ou alors à un coût significativement plus élevé.

Le rôle de l’énergie nucléaire pour rencontrer les objectifs de limite de l’augmentation globale

des températures est donc reconnu. Selon le Clean Energy Ministerial (CEM), initiative de

l’agence internationale de l’énergie regroupant 22 pays4 responsables de 80% des émissions de

CO2 [3] :

« Le monde n’est pas en voie d’atteindre l'objectif fixé par les gouvernements de

limiter à 2 degrés Celsius la hausse à long terme de la température moyenne

mondiale. »

[…]

« Si les actions entreprises au niveau mondial ne sont pas encore suffisantes pour

limiter la hausse de la température mondiale à 2°C, cet objectif reste

techniquement réalisable, même s’il sera difficile à atteindre. »

[…]

« La production nucléaire a un rôle majeur dans la dé-carbonisation du secteur

électrique, avec un objectif de 15% à 32% de la production électrique en 2025. »

[…]

Les initiatives déployées depuis près de deux décennies sont de loin insuffisantes : malgré les

engagements et protocoles de Rio (1992) et Kyoto (1997), la quantité de CO2 émise par unité

d’énergie produite (Carbon Intensity) n’a pas été réduite de façon significative (moins de 1%

depuis 1990) tel qu’illustré ci-dessous.

2 “Si le taux d’amélioration de l’efficacité énergétique se maintient seulement au taux actuel, des modifications

radicales au niveau de l’approvisionnement énergétique seront nécessaires au cours des deux prochaines

décennies, et il y aura une plus grande dépendance sur l’énergie nucléaire, la bioénergie ou d’autres

technologies à faibles émissions de carbone [… if energy efficiency continues to improve at only current rates,

then more radical changes in energy supply will be required over the next two decades, and there will be

greater dependence on nuclear power, bioenergy, or other low-carbon technologies.]” [2]

3 “In the 2°C scenario, nuclear power plays a substantial role in the decarbonisation of the electricity sector,

reaching around 16% of global generation by 2025” [3]

4 Le CEM est un forum international qui fait la promotion de programmes et politiques pour l’avancement des

technologies d’énergie propre (http://cleanenergyministerial.org/).

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Source : référence [3].

2DS, 4DS et 6DS réfèrent aux scénarios d’augmentation des températures de 2°C, 4°C et 6°C, respectivement,

considérés dans cette référence.

Le CEM formule des recommandations aux pays participants pour atteindre les cibles pour le

scénario 2°C quant aux autres initiatives essentielles, telles que les modes de production

d’électricité, l’efficacité énergétique, les économies d’énergie, la capture et séquestration des

GES, …Une des recommandations du rapport du CEM est d’ailleurs (traduction libre) [3] :

« Pour augmenter l’acceptation du public de l’énergie nucléaire, les gouvernements devraient

travailler avec toutes les parties prenantes pour s’assurer que l’information factuelle, fiable et

scientifiquement crédible est disponible sur les avantages et les risques de l’énergie nucléaire, et

de souligner le rôle de l’énergie nucléaire pour satisfaire les objectifs de la politique énergétique

et environnementale. »

4. PERSPECTIVES DE L’ENERGIE NUCLEAIRE

Perspectives mondiales

Le document d’orientation de la commission prétend que la décision de fermer la centrale

nucléaire Gentilly-2 s’inscrit dans un mouvement mondial. Ceci n’est pas conforme à la réalité.

Si quelques pays ont décidé de réduire ou d’abandonner leur programme nucléaire, d’autres ont

décidé de le maintenir. Bien que l’Allemagne, la Belgique et la Suisse aient annoncé un retrait

progressif du nucléaire, la majorité des pays ont décidé de maintenir leur cible pour le

déploiement du nucléaire, tel qu’illustré ici [3].

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Il faut également souligner que la décision de l’Allemagne de fermer ses centrales d’ici 2022

n’est pas irrévocable : la Suède a pris la décision en 1980 de fermer toutes ses centrales avant

2010, or seule une centrale a été fermée, et depuis cette décision a été renversée et la

construction d’autres centrales en Suède est envisagée.

Depuis la décision de l’Allemagne de fermer 8 réacteurs en 2011, les émissions de GES de ce

pays ont augmenté, principalement par l’augmentation du nombre de centrales au charbon – et ce

malgré un programme très agressif et réussi favorisant le déploiement des énergies

renouvelables. Le nombre de centrales au charbon est appelé à augmenter considérablement en

Allemagne au cours des prochaines années (10 nouvelles centrales ouvertes ou en construction

pour 2013-2014, totalisant 11,000 MW) pour remplacer l’énergie de la filière nucléaire. En

outre, les tarifs d’électricité en Allemagne sont parmi les plus élevés d’Europe, surpassés

seulement par le Danemark.

Il convient d’ajouter, à titre comparatif, que la France, qui tire la majorité de son électricité de sa

filière nucléaire, émet près de 40% moins de GES par habitant que l’Allemagne, championne des

énergies renouvelables, souvent citée en exemple.

On peut également souligner que les émissions de GES du Japon ont fortement augmenté depuis

la fermeture des centrales nucléaires en 2011. Ceci démontre qu’un système de production non

diversifié comporte des risques et rend ces réseaux vulnérables.

Enfin, plusieurs pays poursuivent leur développement de production d’énergie nucléaire,

notamment en Chine, en Inde, en Finlande, etc.

Il y a plus de 60 réacteurs planifiés ou en construction dans 13 pays

La plupart des constructions sont en Asie, mais il y a aussi des projets majeurs pour la

Russie et les États-Unis

La tendance lourde est de prolonger la durée de vie des centrales existantes.

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Perspective canadienne

Le document d’orientation de la commission prétend que le gouvernement ontarien avait renoncé

à la construction de nouvelles centrales. Ceci n’est pas conforme à la réalité. En effet, cet

énoncé est contredit par le document de consultation du ministère de l’énergie de l’Ontario [4] :

« Étant donné la fiabilité, la sûreté, et l’absence totale d’émissions de GES de la

production d’électricité à partir de l’énergie nucléaire, le gouvernement s’est

engagé à s’assurer que l’énergie nucléaire constitue une part importante de la

production d’électricité en Ontario. »

« Dans le but de conserver une gamme d’options flexibles et rentables, le

gouvernement a conclu une entente avec deux fournisseurs de réacteurs, afin que

ces derniers préparent une estimation des coûts, un calendrier et les plans détaillés

relativement à la construction possible de deux unités nucléaires à Darlington. »

« En juin 2013, chaque fournisseur a soumis un rapport détaillé; ces rapports seront

examinés et serviront à déterminer quelle option sera retenue pour la production de

la charge de base.

[…] Le début des travaux de remise à neuf des unités de Darlington est prévu pour

la fin de 2016. Le gouvernement a également donné son aval au projet de

l’Ontario Power Generation (OPG), sous réserve de l’approbation de licence par la

Commission canadienne de sûreté nucléaire, de poursuivre l’exploitation des unités

de Pickering jusqu’en 2020. »

« En ce qui a trait au reste du parc nucléaire, deux unités de Bruce ont été remises à

neuf et ont repris du service vers la fin de 2012. La remise à neuf des six unités

restantes doit être envisagée dans le contexte du Plan énergétique à long terme. »

On voit donc qu’il est faux de conclure que l’Ontario a renoncé à la construction de nouvelles

centrales.

On doit également noter que c’est principalement grâce à la production d’énergie nucléaire

provenant des centrales CANDU, que l’Ontario a considérablement réduit ses émissions de GES.

Environnement et développement durable

La technologie nucléaire est une composante importante de toutes les stratégies envisagées pour

la production d’énergie à faible émission de gaz à effet de serre.

Pour toutes les centrales nucléaires au Canada, le permis d’exploitation exige la mise en place

d’une garantie financière pour le déclassement de l’installation nucléaire et pour la disposition

ultime des déchets et du combustible usé. Les coûts de restitution des sites occupés par les

centrales nucléaires sont donc inclus dans les coûts de l’électricité d’origine nucléaire. En

contrepartie, ils ne sont pas comptabilisés dans les coûts de l’électricité produite par les autres

technologies, incluant les énergies dites renouvelables.

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Section québécoise de la Société nucléaire canadienne

Au Canada, la Société de gestion des déchets nucléaires (SGDN) a été créée en 2002, en vertu de

la Loi sur les déchets de combustible nucléaire, pour assumer la responsabilité de la gestion à

long terme du combustible nucléaire irradié canadien. La mise en œuvre de l’approche de la

gestion adaptative progressive pour la gestion à long terme du combustible nucléaire irradié,

approuvé par le gouvernement du Canada, est en voie de réalisation et ce, avec le soutien

d’Hydro-Québec.

Autant par son faible impact environnemental par rapport à d’autres sources d’énergie plus

polluantes que par sa garantie financière pour le déclassement et la disposition ultime des

déchets, l’électricité d’origine nucléaire constitue un vecteur de développement durable qui

permet de combler les « besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des

générations futures à répondre aux leurs ».

5. DIVERSIFICATION DES SOURCES D’ELECTRICITE

Le Québec est privilégié et fier de posséder une filière de production d’énergie hydroélectrique

qui est une source fiable, renouvelable et propre. Par contre, pour s’assurer de la robustesse d’un

réseau de production électrique, il est recommandé de diversifier ses sources de production. Il est

donc essentiel de maintenir et d’augmenter la diversité des sources d’énergie au Québec. C’est

d’ailleurs un des objectifs stratégique de la future politique énergétique (« Assurer à long terme

la sécurité et la diversité des approvisionnements énergétiques du Québec »).

Avec la fermeture de la centrale nucléaire Gentilly 2, la quasi-totalité de l’électricité produite au

Québec (~98%) provient de l’hydro électricité. Cette source d’énergie comporte beaucoup

d’avantages, mais le fait de se fier à une source unique peut comporter des risques à moyen et

long terme. Les autres sources d’énergies sont essentiellement intermittentes (éolien) et ne

peuvent remplacer l’énergie de base provenant du réseau hydroélectrique.

La figure suivante montre la provenance des sources d’électricité au Canada, illustrant le peu de

diversité des moyens de production du Québec.

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Section québécoise de la Société nucléaire canadienne

Comme on l’a vu par le passé, il suffit d’une ou deux années de faibles précipitations pour

réduire considérablement les réserves d’Hydro-Québec. De plus, on ne connaît pas l’impact des

changements climatiques à long terme sur le niveau des réservoirs. La production d’électricité

nucléaire permet de maintenir une source d’énergie indépendante de l’hydroélectricité.

La grande distance entre les sources de production et les centres de consommation peut aussi être

une limitation du réseau, comme on l’a vécu cet été lors des incendies dans le nord qui ont

affecté des lignes de transmission en provenance de la Baie James. Par ailleurs, la localisation de

Gentilly 2 (à proximité des principaux centres de consommation) contribue à la fiabilité du

réseau provincial, et la stabilité du réseau d’Hydro-Québec est grandement améliorée [5].

6. GENTILLY 2 : PRESERVER L’ACTIF

Bien que la centrale Gentilly 2 soit pour l’instant à l’arrêt, la SNC préconise de préserver l’actif

que représente cette centrale. Il est prévu de laisser la centrale en état de dormance pour une

période relativement longue (une quarantaine d’années).

Il serait avantageux et peu coûteux de prendre des mesures pour éviter la dégradation des

principaux systèmes (caloporteur, calandre, générateurs de vapeur, etc.). Ainsi, si le paysage

énergétique est modifié, cet actif serait disponible pour être remis à neuf. Il est tout à fait

possible de démarrer une centrale après une longue période de dormance : en Ontario, l’unité

Bruce A1 a été redémarrée après avoir été arrêtée pendant 13 ans, et Bruce A2 a été rénovée et a

été redémarrée en octobre 2012, après un arrêt de 17 ans.

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Section québécoise de la Société nucléaire canadienne

Cette approche permet de maintenir cet atout dans les moyens de production d’électricité du

Québec.

Une éventuelle prolongation de vie de Gentilly-2 pourrait se faire à un coût très avantageux

comparé aux autres options, maintenant que les actifs ont été radiés et que la mise en retrait des

systèmes est en voie d’être complétée. Le projet de réfection de Gentilly demeure le moins

coûteux des projets d’Hydro-Québec, même au prix de revient différentiel de 8,3 cents/kWh

établi par Hydro-Québec sur la base d’un estimé de coût qui ne peut être justifié sur la base de

l’expérience de réfection des centrales jumelles de Point Lepreau et Wolsong. Maintenant que le

gouvernement a radié les investissements de près de 1,5 milliard $ faits par Hydro-Québec pour

la prolongation de vie et la réfection de la centrale et qu’Hydro-Québec complètera

prochainement le déchargement du combustible et la mise en retrait des systèmes, la réfection de

la centrale nucléaire Gentilly 2 pourrait sans doute être réalisée à un prix de revient inférieur aux

prévisions actuelles, même en utilisant les estimés les plus conservateurs fournis par Hydro-

Québec au gouvernement.

La réfection, la prolongation de vie et la poursuite de l’exploitation pourraient être confiées à une

firme spécialisée, sans investissement supplémentaire d’Hydro-Québec. Hydro-Québec pourrait

ainsi récupérer en tout ou en partie les sommes importantes investies dans le projet de réfection

et de prolongation de vie autorisé en 2008. D’autre part, un éventuel projet de réfection profitera

de l’expérience de la réfection d’autres centrales CANDU au Canada et à travers le monde (Point

Lepreau, Wolsong (Corée du Sud), Embalse (Argentine), Darlington, etc.). Cette expérience sera

bénéfique au niveau de la planification et de l’exécution des travaux, et permettra d’améliorer les

techniques utilisées lors de ceux-ci. Non seulement la décision de fermeture de Gentilly-2 ne

s’inscrit pas dans un mouvement mondial, mais Gentilly 2 est la seule centrale CANDU6 dans le

monde dont la durée de vie n’aura pas été prolongée par une réfection.

7. EXPERTISE A CONSERVER ET DEVELOPPER

Le Québec possède encore une expertise technique significative dans le domaine de l’énergie

nucléaire. Cette expertise est principalement concentrée dans le domaine de la production

nucléaire en général et dans la technologie CANDU en particulier. Plusieurs entreprises,

institutions universitaires (L3MAPPS, IGE, VELAN, SNC-Lavalin) et le personnel d’Hydro-

Québec impliqué à Gentilly 2 constituent une grappe industrielle dans le secteur nucléaire au

Québec.

Le Québec a joué depuis longtemps un rôle important dans l’industrie nucléaire, et dans

l’industrie des CANDU en particulier. Ceci constitue une richesse à préserver et permettrait au

Québec de participer aux divers projets prévus à moyen terme : centrales en Ontario, projets de

réacteurs CANDU en Roumanie, en Chine et au Royaume-Uni, etc.

L’expertise nucléaire québécoise pourrait contribuer au rayonnement international du Québec à

l’étranger, comme c’est arrivé dans le passé pour le contrat de formation des exploitants de la

centrale CANDU6 de Qinshan en Chine effectué par le personnel de Gentilly 2.

En outre, l’évolution de la conception des centrales et le développement de nouvelles approches

de production d’énergie nucléaire, tel que les centrales modulaires, rendent le potentiel de

développement de cette filière intéressant. Sachant que cette technologie nucléaire CANDU est

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commercialisée par une filiale de SNC-Lavalin, il est donc avantageux et nécessaire, à notre avis,

de maintenir une expertise locale dans ce domaine et de faire profiter l’économie québécoise des

développements réalisés par une société d’ingénierie québécoise.

8. AUTRES CONSIDERATIONS

Développement régional

Le gouvernement actuel a récemment annoncé un appel d’offre pour un bloc d’énergie éolienne

malgré un contexte de surplus d’électricité. La raison invoquée pour cet appel d’offre est de

maintenir en vie le secteur manufacturier éolien et l’impact économique pour la région de la

Gaspésie où est concentrée cette industrie.

La fermeture de la centrale Gentilly 2 aura des effets importants sur la vie économique de la

région de Trois-Rivières, et ces effets se font déjà sentir. En janvier 2012, le Conference Board

du Canada prévoyait une croissance exemplaire pour Trois-Rivières :

« En prédisant une croissance de 2,6 %, le document positionne l'agglomération

de Trois-Rivières au septième rang sur 27 à l'échelle nationale […]

Par ailleurs, à l'intérieur de cette croissance économique, il faut souligner que le

Conference Board inclut la possible réfection de la centrale nucléaire Gentilly-2

qui donnerait un coup de pouce à l'économie locale. » [7]

Le portrait a changé du tout au tout à l’été 2013. La ville de Trois-Rivières est maintenant

dernière au palmarès canadien de prédiction de croissance pour l’année 2014 pour plusieurs

régions métropolitaine au pays, avec un recul de 2.4% :

« Une autre année difficile attend Trois-Rivières, où la fermeture du réacteur de

Gentilly-2 sera la principale responsable du recul de 2,4 p. 100 du PIB réel de la

région. » [8]

Les retombées régionales ne sont pas à notre avis la raison principale pour choisir une filière de

production énergétique, cependant ces dernières constituent un avantage additionnel dont on doit

tenir compte dans les choix de société, un choix envisagé par ce gouvernement qui a déclaré

qu’Hydro-Québec peut sans difficulté concilier les objectifs de hausser les redevances versées au

gouvernement d’une part, et vendre à perte de l’électricité à des entreprises étrangères désireuses

de s’implanter au Québec d’autre part.

Selon les données rendues publiques par Hydro-Québec, la décision cause la perte de 800 à 900

emplois directs pendant les 30 années supplémentaires d’opération et de 1600 emplois directs

pendant la durée de la réfection, dans une région du Québec qui a un besoin urgent de telles

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Section québécoise de la Société nucléaire canadienne

retombées. S’ajoutent la perte de plus de 400 emplois indirects et induits par année pour les 30

années d’exploitation et de 800 emplois indirects et induits pendant la réfection.

Ajoutons que la décision de fermer Gentilly-2 a entraîné une radiation d’actif de 1,9 milliard de

dollars, dont les trois quarts sont des actifs engagés au projet de réfection autorisé en 2008, après

que 80% de l’ingénierie et tout l’approvisionnement des équipements à long délai de livraison

aient été complétés en 2011. Cette radiation augmente la dette du gouvernement d’environ 1,3

milliard de dollars, le solde allant au passif d’Hydro-Québec.

Nous sommes d’avis que la poursuite de l’exploitation demeure la meilleure façon de récupérer

en tout ou en partie l’investissement maintenant radié aux frais de la population.

Impacts environnementaux

L’étude d’impact effectuée pour le projet de nouvelle aire de stockage des déchets radioactifs et

du projet de réfection de Gentilly 2 démontre que les impacts environnementaux anticipés, avec

les mesures d’atténuation identifiées, seront peu importants. La CCSN en est arrivée à la même

conclusion.

De plus, la centrale occupe très peu de territoire en comparaison des autres modes de production

envisagés par Hydro-Québec. Les autres formes de production d’énergie transforment

l’environnement de façon importante et durable. Par exemple, un parc éolien susceptible de

produire autant d’énergie que Gentilly 2 occuperait un territoire considérable, typiquement de

plus de 100 km2 (si on tient compte du facteur d’utilisation faible d’un parc éolien). Les barrages

inondent de vastes territoires et affectent les cours d’eau naturels. De même façon, une

dérivation de rivière ou la construction d’un barrage entraîne des impacts environnementaux sur

les rivières ou sur le territoire inondé.

Une source d’énergie sécuritaire

La centrale Gentilly 2 a les caractéristiques de sûreté intrinsèques des CANDU6, incluant

notamment les particularités suivantes :

Énorme masse d’eau froide d’urgence (1500 tonnes d’eau d’arrosage, 500 tonnes d’eau

de refroidissement d’urgence du cœur) située tout en haut du confinement et permettant

son utilisation par gravité seule, en plus de la masse d’eau tiède présente en opération

normale dans le cœur (250 tonnes d’inventaire du modérateur);

Énorme et robuste bâtiment du confinement avec mur en béton armé de plus d’un mètre

d’épaisseur;

Faible densité de puissance du combustible par l’utilisation d’uranium naturel et non pas

enrichi (refroidissement à l’arrêt et en piscine plus facile);

Redondance des systèmes d’arrêt d’urgence (SAU) unique au monde (deux SAU au lieu

d’un seul);

Grande autonomie d’alimentation électrique avec des diesels redondants et des turbines à

gaz sur le site.

L’expérience de l’exploitation des réacteurs CANDU au Canada et ailleurs dans le monde

démontre que cette technologie est une source d’énergie sécuritaire. En effet, non seulement la

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Section québécoise de la Société nucléaire canadienne

centrale Gentilly 2 a démontré un facteur d’utilisation moyen de 80%, elle est opérée de façon

sécuritaire depuis sa mise en service et aucun incident significatif n’est survenu durant cette

période. De plus, les activités de surveillances constantes faites par Hydro-Québec démontrent

que Gentilly 2 a réussi à maintenir ses rejets à l’environnement à moins de 1% des limites

strictes permises par la commission canadienne de sûreté nucléaire [9].

Une source d’énergie fiable

Le facteur d’utilisation élevé (80% en moyenne) de Gentilly 2 témoigne qu’elle est une source

fiable d’énergie. Contrairement aux énergies alternatives (éolienne ou solaire), l’énergie

produite par Gentilly 2 est disponible au moment où cela compte le plus, lors des pointes de la

demande d’électricité.

De plus, comme le Canada est parmi les plus grands producteurs mondial d’uranium, nous

sommes assurés d’un approvisionnement constant en combustible nucléaire quel que soit le

climat politique international.

Impacts sur les études supérieures et la recherche universitaires

Les activités dans le secteur nucléaire au Québec n’auraient pu se développer sans la mise en

place et le développement de programmes universitaires importants d’études supérieures et de

recherche et développement à l’École Polytechnique de Montréal, à l’Université du Québec à

Trois-Rivières (UQTR) et à l’Université Laval. Ces programmes ont fournis la main-d’œuvre

compétente nécessaire au fonctionnement de la centrale Gentilly-2, ainsi qu’aux autres

entreprises œuvrant dans le secteur nucléaire au Québec et au Canada. En particulier, l’École

Polytechnique maintient une chaire de recherche importante dans ce domaine, soit la Chaire

industrielle CRSNG/EACL/BWC en interaction fluide-structure (la Chaire industrielle Hydro-

Québec en génie nucléaire ayant été abolie par Hydro-Québec à la suite de l’annonce de la

fermeture de Gentilly-2). L’École Polytechnique de Montréal a aussi des ententes de

coopération avec Électricité de France (EDF) et le Commissariat à l'énergie atomique et aux

énergies alternatives en France.

Ces chaires et ententes de recherche permettent à l’Institut de génie nucléaire et aux Département

de génie mécanique et de génie physique d’obtenir des fonds importants en soutien à la

recherche industrielle auprès du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie

(CRSNG) du gouvernement du Canada.

De plus, l’École Polytechnique de Montréal et l’UQTR obtiennent des contrats de formation du

personnel exploitant de la centrale nucléaire de Gentilly-2. Il est malheureusement peu connu

que les codes et méthodes de calcul moderne utilisés maintenant pour les réacteurs nucléaires

CANDU sont le résultat des activités de R&D et des innovations réalisées à l’Institut de génie

nucléaire de l’École Polytechnique de Montréal. En outre, les programmes de l’UQTR et de

l’Université Laval créent des opportunités de collaboration en recherche et en enseignement avec

les chaires de recherche industrielle du CRSNG et de l’University Network of Excellence in

Nuclear Engineering (UNENE), dont la mission consiste à faire avancer la recherche dans le

domaine de la sûreté et la fiabilité des systèmes de production électronucléaire et des réacteurs

CANDU.

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Section québécoise de la Société nucléaire canadienne

9. CONCLUSION

En résumé, étant donné que :

L’énergie nucléaire a un rôle à jouer reconnu dans la réduction des GES au niveau

mondial;

Il y a des perspectives de croissance de l’énergie nucléaire dans plusieurs pays, incluant

le Canada (Ontario);

Le parc de production d’électricité du Québec est peu diversifié, avec 98% de l’énergie

produite provenant d’une source unique, et qu’une diversification des moyens de

production est souhaitable;

L’avenir du marché de l’électricité comporte de grandes incertitudes et qu’il est difficile

de faire des prédictions à moyen terme;

Le Québec déjà possède une expertise dans le domaine du nucléaire, que ceci constitue

un atout et permettrait de profiter d’éventuelles retombées économiques;

La technologie nucléaire CANDU est commercialisée par une filiale de SNC-Lavalin,

une société d’ingénierie québécoise de calibre mondial;

La centrale Gentilly 2 est un actif de valeur;

Il a été démontré que l’on peut redémarrer avec succès une centrale CANDU après une

longue période d’arrêt;

Les retombées régionales de l’exploitation d’une centrale nucléaire sont extrêmement

importantes;

Les objectifs stratégiques de la politique énergétique poursuivis par le gouvernement

comportent les aspects suivants :

o Réduire les émissions de gaz à effet de serre;

o Favoriser l'efficacité énergétique dans tous les secteurs et pour toutes les sources

d'énergie pour le développement des régions;

o Assurer à long terme la sécurité et la diversité des approvisionnements

énergétiques du Québec

Le chapitre québécois de la société nucléaire canadienne recommande au gouvernement

De rectifier les affirmations du document d’orientation de la présente commission.

De considérer la production d’électricité d’origine nucléaire dans la politique et les

stratégies du gouvernement du Québec.

De prendre des mesures pour préserver la centrale Gentilly 2 afin de permettre la

réfection et la prolongation de vie lorsque le marché de l’électricité sera rétabli.

De travailler avec toutes les parties prenantes pour s'assurer que l'information factuelle,

fiable et scientifiquement crédible est disponible sur les avantages et les risques de

l'énergie nucléaire.

De favoriser le maintien d’une expertise nucléaire au Québec, notamment par le soutien

de programmes universitaires.

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Section québécoise de la Société nucléaire canadienne

10. REFERENCES

[1] Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), “Perspectives de

l’environnement de l’OCDE à l’horizon 2050 : les conséquences de l’inaction”, Citation tirée du

résumé « Key Findings on Climate Change »; mars 2012.

[2] UNEP, “The Emissions Gap Report 2012 - A UNEP Synthesis Report”; novembre 2012.

[3] IEA, “Tracking Clean Energy Progress 2013 - IEA Input to the Clean Energy Ministerial”; avril

2013.

[4] Ministère de l’énergie de l’Ontario; « Des choix éclairés - Examen du Plan énergétique à long

terme de l’Ontario », août 2013.

[5] Hydro-Québec TransÉnergie; “Avantages pour le réseau de transport liés à la localisation de la

centrale de Gentilly 2”, (DA38) novembre 2004, 1 page.

[6] Hydro-Québec, “Résultats du programme de surveillance radiologique de l'environnement du site

de Gentilly: rapport annuel 2009”, (fig. 3, 5).

[7] Le Nouvelliste (Vincent Gauthier); « Trois-Rivières devrait être un modèle de croissance

économique en 2012 », 12 janvier 2012

[8] Conference Board, “NEWS RELEASE 14-21B”, août 2013 et “Trois-Rivières: Metropolitan

Outlook 2, Summer 2013”

[9] Hydro-Québec, “Résultats du programme de surveillance de l’environnement du site de

Gentilly 2, Rapport annuel 2012”, mai 2013.

Rédigé par M. Saint-Denis, G. Hotte, G. Sabourin et Guy Marleau.