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Chirurgie 1999 ; 124 : 258-63 0 Elsevier, Paris Article original Stratbgie chirurgicale dans le traitement des mktastases hkpatiques synchrones des cancers colorectaux. Analyse d’une skrie de 59 malades op&G* D. Jaeck, P. Bachellier, J.C. Weber, K. Boudjema, A. Mustun, F. P&-is, J.C. Schaal, P. Wolf Centre de chirurgie visce’rale et transplantation, CHU Hautepierre, 67098 Strasbourg cedex. France RESUME But de I’e’fude : Les metastases hepatiques synchrones et resecables des cancers colorectaux doivent-elles etre traitees dans le meme temps que la tumeur primitive ou secondairement ? L’analyse retrospective de notre serie a pour but de preciser les circonstances, les indications et les resultats de la procedure en un temps. Maf&iel et m&odes : Du 1 er janvier 1982 au 31 decem- bre 1996, 146 patients ont ete operes par resection hepa- tique pour metastase d’un cancer colorectal. Cinquante- neuf patients (40 %) etaient porteurs de metastases hepatiques synchrones. Chez 28 patients (475 %) a ete realisee une resection simultanee de la tumeur primitive et des metastases hepatiques (groupe des resections simul- tanees : RS). Chez les 31 autres patients (52,5 %), la re- section hepatique a ete differee avec un delai moyen de 6 f 4 mois (groupe des resections differees : RD). R&u/tats : L’age moyen des deux groupes n’etait pas si- gnificativement different (56 ans versus 60 ans). Le re- tours a la transfusion sanguine et la quantite de sang transfusee n’etaient pas significativement differents entre les deux groupes. La duree operatoire etait comparable (320 f 76 min [RS] versus 308 f 88 min [RD]). Des com- plications ont ete observees dans 18 % des cas pour le groupe RS et 16 % des cas pour le groupe RD (NS). La mortalite operatoire a ete nulle dans les deux groupes. La survie a ete de 86, 63, et 43 % a un, deux, et trois ans pour le groupe RS et 81, 51, et 36 % pour le groupe RD, sans difference significative entre les deux groupes. Conclusion : Ces resultats confirment que la resection si- multanee de la tumeur primitive et des metastases hepa- tiques n’augmente ni la morbidite ni la mortalite dans notre *Communication prCsentCe g 1’AcadCmie nationale de chirurgie au cows de la sCance du 6 janvier 1999. experience. Le meilleur candidat a la resection simultanee est represente par un patient porteur d’un cancer colique droit non complique, en bon &at general et ayant des me- tastases hepatiques synchrones r&&cables par une hepa- tectomie mineure. 0 1999 Elsevier, Paris cancer colorectal I metastase hepatique synchrone / resection chirurgicale ABSTRACT Treatment of synchronous colorectal liver me- tastases: surgical strategy. A review of 59 patients. Aim of the study: The surgical strategy for the treatment of resectable synchronous hepatic metastases of colorec- tal cancer remains controversial. The retrospective analy- sis of our series of resectable synchronous hepatic me- tastases is focused on the percentage of simultaneous resections, the circumstances, the indications, and the re- sults of the one-step procedure compared to the two-step strategy. Methods; From January 1 st 1982 to December 31 st 1996, 146 patients were operated on for resection of hepatic me- tastases of colorectal cancer. Fifty-nine (40%) presented with synchronous metastases, 28 (47.5%) of whom under- went simultaneous resection of the primary tumor and of the hepatic metastases (simultaneous resection group: SR). For the other 31 patients (52.5%), the hepatic resec- tion was delayed for a mean interval of 6 + 4 months (de- layed resection group: DR). Results: The mean age in the two groups was not signifi- cantly different (56 years vs. 60 years). The need for blood transfusion and the volume required were not significantly different between the two groups. The duration of each sur- gical operation was comparable between the two groups

Stratégie chirurgicale dans le traitement des métastases hépatiques synchrones des cancers colorectaux. Analyse d'une série de 59 malades opérés

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Chirurgie 1999 ; 124 : 258-63 0 Elsevier, Paris

Article original

Stratbgie chirurgicale dans le traitement des mktastases hkpatiques synchrones des cancers colorectaux.

Analyse d’une skrie de 59 malades op&G*

D. Jaeck, P. Bachellier, J.C. Weber, K. Boudjema, A. Mustun, F. P&-is, J.C. Schaal, P. Wolf

Centre de chirurgie visce’rale et transplantation, CHU Hautepierre, 67098 Strasbourg cedex. France

RESUME But de I’e’fude : Les metastases hepatiques synchrones et resecables des cancers colorectaux doivent-elles etre traitees dans le meme temps que la tumeur primitive ou secondairement ? L’analyse retrospective de notre serie a pour but de preciser les circonstances, les indications et les resultats de la procedure en un temps. Maf&iel et m&odes : Du 1 er janvier 1982 au 31 decem- bre 1996, 146 patients ont ete operes par resection hepa- tique pour metastase d’un cancer colorectal. Cinquante- neuf patients (40 %) etaient porteurs de metastases hepatiques synchrones. Chez 28 patients (475 %) a ete realisee une resection simultanee de la tumeur primitive et des metastases hepatiques (groupe des resections simul- tanees : RS). Chez les 31 autres patients (52,5 %), la re- section hepatique a ete differee avec un delai moyen de 6 f 4 mois (groupe des resections differees : RD). R&u/tats : L’age moyen des deux groupes n’etait pas si- gnificativement different (56 ans versus 60 ans). Le re- tours a la transfusion sanguine et la quantite de sang transfusee n’etaient pas significativement differents entre les deux groupes. La duree operatoire etait comparable (320 f 76 min [RS] versus 308 f 88 min [RD]). Des com- plications ont ete observees dans 18 % des cas pour le groupe RS et 16 % des cas pour le groupe RD (NS). La mortalite operatoire a ete nulle dans les deux groupes. La survie a ete de 86, 63, et 43 % a un, deux, et trois ans pour le groupe RS et 81, 51, et 36 % pour le groupe RD, sans difference significative entre les deux groupes. Conclusion : Ces resultats confirment que la resection si- multanee de la tumeur primitive et des metastases hepa- tiques n’augmente ni la morbidite ni la mortalite dans notre

*Communication prCsentCe g 1’AcadCmie nationale de chirurgie au cows de la sCance du 6 janvier 1999.

experience. Le meilleur candidat a la resection simultanee est represente par un patient porteur d’un cancer colique droit non complique, en bon &at general et ayant des me- tastases hepatiques synchrones r&&cables par une hepa- tectomie mineure. 0 1999 Elsevier, Paris

cancer colorectal I metastase hepatique synchrone / resection chirurgicale

ABSTRACT Treatment of synchronous colorectal liver me- tastases: surgical strategy. A review of 59 patients. Aim of the study: The surgical strategy for the treatment of resectable synchronous hepatic metastases of colorec- tal cancer remains controversial. The retrospective analy- sis of our series of resectable synchronous hepatic me- tastases is focused on the percentage of simultaneous resections, the circumstances, the indications, and the re- sults of the one-step procedure compared to the two-step strategy. Methods; From January 1 st 1982 to December 31 st 1996, 146 patients were operated on for resection of hepatic me- tastases of colorectal cancer. Fifty-nine (40%) presented with synchronous metastases, 28 (47.5%) of whom under- went simultaneous resection of the primary tumor and of the hepatic metastases (simultaneous resection group: SR). For the other 31 patients (52.5%), the hepatic resec- tion was delayed for a mean interval of 6 + 4 months (de- layed resection group: DR). Results: The mean age in the two groups was not signifi- cantly different (56 years vs. 60 years). The need for blood transfusion and the volume required were not significantly different between the two groups. The duration of each sur- gical operation was comparable between the two groups

MCtastases hkpatiques synchrones et rCsCcables des cancers colorectaux 259

(320 f 76 min vs. 308 f 88 min). Postoperative complica- tions were observed in 18% of patients in the SR group and in 16% of patients in the DR group (no significant dif- ference). There was no postoperative mortality in either group. Survival was 86, 63 and 43% at 1, 2, 3 years re- spectively in the SR group, and 81, 51 and 36% in the DR group, with no significant difference between the groups. Conclusion: Simultaneous resection of the primary tumor and the hepatic metastases does not increase neither mor- tality nor morbidity in our series. The best candidate for a one-step procedure is a patient with a right colonic tumor, in a good status, with liver synchronous metastases resec- table by mean of a minor hepatectomy. 0 1999 Elsevier, Paris

colorectal cancer I synchronous liver metastasis I surgical resection

Le choix de la meilleure stratkgie chirurgicale dans les mktastases hipatiques synchrones r&cables du cancer colorectal reste controversk [l-3]. Le dkbat oppose les partisans de la rksection simultanke du cancer colorectal primitif et des mktastases hkpati- ques synchrones [l] g ceux qui prkfkrent la r&section diff&Ce de principe des mktastases hkpatiques aprks un dClai d’environ trois mois au tours desquels une chimiothkrapie systkmique aura kventuellement &Z rCalisCe [2]. Dans 1’Ctude de 1’AFC [4], les mktasta- ses synchrones avaient CtC rCsCquCes dans 5 I % des cas lors de la m&me intervention que le cancer pri- mitif. Les rksultats avaient montrC une augmentation significative de la mortalitk opCratoire en cas de rC- section des mktastases par hkpatectomie majeure (trois segments ou plus) alors qu’il n’existait pas de diffkrence en cas d’hkpatectomie mineure. Les SC- ries de Scheele [5] et de Vogt et al. [6] font &at de pourcentages analogues, respectivement 61 et 53 %, de ksections simultankes. Plus rkemment, l’expk- rience d’Elias et al. [l] et la ndtre [7] ont montrC qu’une rksection simultarke Ctait possible sans aug- mentation de la morbiditk et avec une mortalitk nulle, g condition de bien sklectionner les candidats B ce type de chirurgie. Ces rksultats sont en contra- diction avec ceux d’autres auteurs [3] qui observent une mortalitk significativement plus ClevCe chez les patients ayant fait l’objet d’une rksection simultade.

Le but de cette &ude rktrospective est de rapporter une skie de mktastases hkpatiques synchrones r&C- quees, de prkiser quel a CtC le pourcentage de rC-

sections simultankes, et surtout de mieux dCfinir les circonstances et les indications de la proctdure en un temps.

PATIENTS ET MhTHODES

Du premier janvier 1982 au 3 1 dkembre 1996, 146 patients ont ttC opCrCs par rksection hkpatique pour mktastases d’un cancer colorectal. Cinquante-neuf patients (40 %) ktaient porteurs de mktastases syn- thrones. Celles-ci Ctaient dkouvertes au moment du diagnostic de la tumeur primitive par les examens complkmentaires prkopkratoires ou lors de la lapa- rotomie pour exC&se de la tumeur primitive.

La r&section des mktastases hkpatiques a CtC effec- tuCe dans le meme temps opkratoire que la tumeur primitive chez 28 patients (47,5 lo) (groupe des r& sections simultankes [RS]) et a CtC diff&Ce chez 31 patients (52,5 %) (groupe des rksections diffkrkes [RD]). Dans le groupe RD, le dklai entre la rksection de la tumeur primitive et la rksection des mktastases hkpatiques a CtC de 6 f 4 mois. La localisation de la tumeur primitive, dans les deux groupes, figure dans le tableau 1. Lorsque les patients Ctaient adress& avant tout traitement chirurgical, le choix d’une rC- section diffkrke ou simultanke etait guidC par la lo- calisation de la tumeur primitive, l’importance de la rksection hkpatique et 1’Ctat gCnCra1 du patient. L’in- tervention en urgence pour une complication Cvolu- tive de la tumeur primitive, colique ou rectale, contre-indiquait la rksection hCpatique simultanke. L’dge moyen Ctait de 56 ans pour le groupe RS (ex- tremes 29-79 ans) et de 60 ans pour le groupe RD (extrkmes 33-78 ans). Quatre patients du groupe RD (7,3 %) ont CtC opCrCs en urgence pour rksection de la tumeur primitive colique en raison d’une occlu- sion aigue.

Avant la rksection hkpatique, le bilan morphologi- que a comportk une exploration hkpatique par Ccho-

Tableau I. Localisation de la tumeur primitive chez les patients trai- t& par rksection hkpatique simultanCe (RS) ou diffkrke (RD).

RCsection sirnultanPe R&section difhke (RS) n = 28 (RD) n = 31

Tumeur primitive CGlon droit 1 I (39 %) 1 (3 7c) CGlon gauche 11 (39 %) 18 (58 %) Rectum 6 (22 %) 12 (39 %)

260 D. Jaeck et al.

Tableau II. Localisation des metastases hepatiques chez les patients trait& par resection hepatique simultanee (RS) ou differee (RD).

R&section simultane’e R&section di$er&e (RS) n = 28 (RD) n = 31

Siege metastases Foie droit Foie gauche Bilaterales

11 (39 %) 10 (32 %) 7 (25 %) 3 (10%)

10 (36 %) 18 (58 %)

graphie, associee a un scanner et/Ott une IRM. La re- cherche de localisations secondaires pulmonaires par tomodensitometrie a CtC systematique. Tous les pa- tients du groupe RD ont eu, avant la resection hepa- tique, une coloscopie B la recherche d’une rkcidive locale ou d’une seconde localisation.

La voie d’abord, dans le groupe RS a consist& en une laparotomie transversale sus-ombilicale 11 fois et une laparotomie mediane xiphopubienne, genera- lement associee a une incision transversale droite a la Rio Branco dans les autres cas (n = 17). Dans le groupe RD, la resection hepatique a CtC effectuee dans tous les cas par voie transversale sus- ombilicale.

Une tkhographie peroperatoire a CtC pratiquee chez tous les operes lors de la resection hepatique qui n’etait entreprise qu’a visee curative (RO). Le tableau II precise la localisation des metastases he- patiques dans les deux groupes. Dans 65 % des cas, les metastases bilobaires ont fait l’objet d’une resec- tion differee. Les differents types de resection hepa- tique, realids dans chacun des deux groupes, sont repertories dans le tableau 111. Le taux de resections majeures Ctait de 32 % dans le groupe RS et de 52 % dans le groupe RD (p < 0,OS). Le tableau IV precise pour le groupe RS, le type de resection hepatique pratique en fonction de la localisation de la tumeur primitive. Dans ce groupe, une resection hepatique majeure etait associee a une colectomie droite dans 60 % des cas et une resection hepatique mineure Ctait associee & une colectomie gauche dans 64,3 % des cas.

Les resultats analyses en terme de duke opera- toire, transfusions sanguines peroperatoires, duke de clampage vasculaire hepatique, mortalite et mor- biditt postoperatoires, duke d’hospitalisation posto- peratoire et survie a distance, ont ete compares entre

Tableau III. fitendue des resections hepatiques realisdes dans chaque groupe (RS et RD).

Hepatectomie droite 4 4 Hepatectomie droite elargie au IV 3 1 Lobectomie gauche 3 2 Hepatectomie gauche 1 7 Resection segmentaire 2 3 segments 1 4 Resection segmentaire -C 3 segments 7 6 Metastasectomie 9 7 Resection 2 3 segments 9 (32 %) 16 (52 %)

R&section sin&an&e (RS) n = 28

R&section diff&e (RD) n = 31

Tableau IV. Siege des resections colorectales et &endue des exereses hepatiques realistes dans le groupe des patients trait& par resection simultanee.

H6micolectomie droite n = I1

Colectomie gauche n = II

R&section rectale n=6

Hepatectomie droite 3 1 Hepatectomie droite Clargie au IV 1 2 Lobectomie gauche 0 3 Hepatectomie gauche 1 0 Resection segmentaire 2 3 segments 1 0 Resection segmentaire < 3 segments 2 2 Metastasectomie 3 3 Resection > 3 segments 545 % 2?,3 %

0 0 0 0 0 3 3

0%

M&stases hkpatiques synchrones et rCsCcables des cancers colorectaux 261

les deux groupes. A distance de la resection hepati- que, la periode de suivi s’est &endue de janvier 1982 a decembre 1998.

Les tests statistiques utilises ont Cte le test du x2 et le test exact de Fischer. La difference a CtC jugee sta- tistiquement significative pour un p < 0,05. La sur- vie a CtC analysee a l’aide du Log-Rank test.

~~SULTATS

La difference de duree operatoire moyenne n’etait pas statistiquement differente dans les deux groupes (320 -+ 76 min dans le groupe RS versus 308 + 88 min dans le groupe RD).

La duree moyenne du clampage vasculaire du PC- dicule hepatique Ctait au total de 31 f 9 min dans le groupe RS et de 22 + 12 min dans le groupe RD (NS).

Une transfusion sanguine peroperatoire etait prati- qde chez neuf malades du groupe RS (32 %) et huit du groupe RD (26 %) (NS). Les quantites transfu- sees n’etaient pas significativement differentes entre les deux groupes (3,3 + 1,5 unites de sang pour le groupe RS versus 5,0 f 2,5 unites pour le groupe RD).

La mortalite per- et postoperatoire Ctait nulle dans les deux groupes. La morbidite Ctait de 17 % (dix patients) : cinq patients du groupe RS et cinq pa- tients du groupe RD. Dans le groupe RD, trois pa- tients ont presente des complications pulmonaires a type d’adlectasie basale droite avec Cpanchement pleural droit, dont l’evolufon a CtC favorable sous antibiotherapie et kinesitherapie respiratoire et deux patients ont presente des complications thrombo- emboliques d’evolution favorable sous traitement anticoagulant. Dans le groupe RS, deux malades (apres une resection hepatique majeure dans un cas et apres une resection hepatique mineure dans un cas) ont developpe un abds sous-phrenique, trait6 avec sucds par ponction-drainage percutanee Ccho- guidee dans les deux cas. Un malade a CtC reopere pour fistule biliaire a la quatrieme semaine postope- ratoire. Deux patients ont presente une pneumopa- thie basale droite d’evolution favorable.

La duree moyenne d’hospitalisation a CtC de 17 + 10 jours pour le groupe RS et de 15 + 5 jours pour le groupe RD (NS).

La mediane de survie Ctait de 39,4 mois pour le groupe RS avec des extremes de 1 a 42 mois, et de

% de survie

20 10 Annbes

0 :::::::::::::::I::::I:;::: 1 2 3

Figure 1. Survie actuarielle des patients trait& par rksection hCpa- tique simultanke (RS) ou diff&Ce (RD).

26 mois pour le groupe RD avec des extremes de 2 a 56 mois.

La survie actuarielle est represende dans la &we 1. Elle a Cte de 86, 63 et 43 % respectivement a un, deux et trois ans pour le groupe RS, et de 81, 51, et 36 % pour le groupe RD, saris difference si- gnificative entre les deux groupes.

DISCUSSION

Les progres realids au tours des dix dernieres an- nees en chirurgie hepatique ont permis d’atteindre un degre de securite ClevC ; celui-ci permet de ga- rantir une mortalite perioperatoire quasi nulle et une morbidite faible, tout au moins pour les Cquipes en- trainees a la chirurgie hepatique. Ces avancees ont permis de diminuer les risques hemorragiques qui Ctaient a l’origine de transfusions parfois massives dont l’effet d&&be sur le pronostic carcinologique est maintenant demontre [8,9]. La tendance actuelle qui consiste a prendre de plus en plus en compte le confort du patient a conduit a proposer, lorsqu’il ap- parait realisable et sur, le traitement en un temps de la tumeur primitive colique et des metastases hepa- tiques synchrones. Une premiere analyse retrospec- tive de notre serie en 1995 [7], portant sur 41 pa- tients dont 20 avaient bQCficiC d’une resection simultanee de la tumeur colique primitive et des me- tastases hepatiques synchrones, avait permis de de- terminer, a notre sens, le meilleur candidat a ce type de traitement. Celui-ci Ctait un malade porteur d’un cancer colique droit non complique, en bon Ctat ge- n&al et porteur de metastases hepatiques synchrones facilement resecables par une hepatectomie mineure. Nous avions aussi constate que le type d’hepatecto-

262 D. Jaeck et al

mie (majeure ou mineure) n’influait pas sur la mor- biditk et la mortalitk postopkratoires. Ces rksultats ktaient concordants avec ceux de 1’Ctude d’Elias et al. [l]. En revanche dans 1’Ctude de 1’AFC [4], les rksultats ktaient diffkents selon le type d’hepatecto- mie rkaliske. En effet, la mortalitk ktait semblable pour les hkpatectomies mineures qu’il s’agisse de r& sections simultankes (2,2 %) ou diffkrkes (OS %) (diffkrence non significative p = 0,ll). En revanche, la difference devenait significative aprks hkpatecto- mie majeure puisqu’elle Ctait de 6,l 410 aprks hCpa- tectomie simultanke et de 2,4 5% aprks hkpatectomie diffkrke (p < 0,005). 11 faut cependant souligner que dans cette enqu&te, 42 5% des malades avaient &C opCr& avant 1987.

Les rCsultats analysks dans ce travail confirment les rksultats prkliminaires de notre &tude prCcC- dente [7].

Avant de dkcider de la rt%ection simultarke des mktastases hkpatiques et du cancer primitif, trois ty- pes de considkkations mkritent d’&re pris en compte.

ConsidCrations techniques

La rksection simultake n’est justifike que chez des patients en bon &at g&n&al, sans tare associke et en dehors d’une complication Cvolutive de la tumeur primitive. Une prkparation colique soigneuse est in- dispensable. La voie d’abord doit permettre une bonne exposition du foie et de la tumeur primitive. En cas de localisation droite de la tumeur primitive, une incision transversale bi-sous-costale permet d’obtenir un excellent jour. En cas de localisation gauche ou rectale de la tumeur primitive, une inci- sion mkdiane sus et sous-ombilicale, Cventuellement compl&5e par un trait de refend sous costal droit, permet de rkaliser le geste opkratoire en toute s&u- rit& L’anastomose intestinale est rCalisCe de prkfk- rence avant le geste d’hkpatectomie. En effet, en cas de contamination septique au tours du geste de co- lectomie, il sera possible de surseoir au geste d’hC- patectomie. Par ailleurs, le clampage pkdiculaire hC- patique premier risque d’induire un ozdkme intestinal pouvant g&ner la rkalisation de la suture digestive. Notre sCrie n’a pas mis en Cvidence d’incidence plus ClevCe de complications intestinales et notamment de fistule digestive dans le groupe RS.

ConsidCrations carcinologiques

I1 a Ctk dCmontrC que l’exC&se de la tumeur primi- tive, comme tout acte chirurgical, entrainait une im- munodkpression passagkre postopkratoire qui pour- rait favoriser la prolifkration des cellules mktastatiques [lo]. Cet argument plaide en faveur de l’exkrkse en un temps. Les partisans de l’exCr&se en deux temps insistent sur la nkessitt de diffkencier un processus mktastatique isolC d’une disskmination mktastatique systkmique et prkonisent de respecter un dtlai d’environ trois mois entre la dkouverte de la l&ion synchrone et la rkalisation de 1’exCrkse [2]. Pour notre part, en l’absence d’argument formel d& montrant l’intCr& d’attendre afin de juger du poten- tie1 Cvolutif de la tumeur, nous prkfkrons, chaque fois que cela est techniquement rkalisable, prockder au traitement chirurgical en un temps de la tumeur primitive et des l&ions mktastatiques hkpatiques.

Confort du malade

Le traitement en un temps apporte un gain indknia- ble de confort pour le patient. I1 s’agit j nos yeux d’un argument important. Cette stratkgie permet Cga- lement, en cas d’indication g une chimiothkapie ad- juvante, de l’entreprendre dans les meilleures condi- tions.

CONCLUSION

La r&section simultanke des mkastases hkpatiques synchrones et de la tumeur colorectale primitive peut &re envisagke chaque fois que sa rkalisation est ef- fectuCe B visCe curative, dans de bonnes conditions de skcuritk, par une Cquipe entrainke B la chirurgie hkpatique. Une telle attitude, qui tend & devenir plus frkquente, ne doit pas pour autant devenir systkma- tique. Le meilleur candidat 2 cette chirurgie en un seul temps est un malade en bon Ctat gCnCra1 ayant une tumeur du c8lon droit, et des mktastases hkpati- ques dont l’exC&se curative peut se faire par une h& patectomie mineure (< trois segments). Seule une Ctude prospective randomiske comparant rksection simultanke et r&section diff&Ce permettra d’ktablir prkistment les indications et les rksultats de cha- curie des deux attitudes.

M&stases hepatiques synchrones et resecables des cancers colorectaux 263

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