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Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VII - n° 3 - juillet-août-septembre 2012 132 dossier thématique Adolescents et jeunes adultes (16 à 25 ans) 1 Service d’hématologie et d’oncologie pédiatrique, CHU de Marseille, EA3279. 2 Service de santé publique, CHU de Marseille, EA3279. 3 Membres actuels du groupe LEA : M.F. Auclerc, V. Barlogis, A. Baruchel, K. Baumstarck, J. Berbis, C. Berger, Y. Bertrand, P. Bordigoni, H. Chambost, P. Chastagner, J. Clavel, A. Contet, D. Da Fonseca, F. Demeocq, V. Gandemer, J. Kanold, P. Le Coz, G. Leverger, P. Lutz, Y. Perel, D. Plantaz, M. Poirée, N. Sirvent, M.D. Tabone, F. de Vathaire. Suivi prolongé après traitement d’une hémopathie maligne chez l’AJA Long-term follow-up after treatment of AYA hematological malignancies G. Michel 1 , P. Auquier 2 , au nom du groupe LEA 3 RÉSUMÉ Summary » Les adolescents et jeunes adultes (AJA) atteints d’une hémopathie maligne ont besoin d’un suivi prolongé, longtemps après la guérison de l’hémopathie, car ils sont exposés à un risque d’effets indésirables tardifs. Nos connaissances dans le domaine sont cependant le plus souvent issues de cohortes pédiatriques, et des recherches spécifiques aux AJA constituent un réel besoin pour l’avenir. Il est habituellement admis que l’adhésion à un programme de suivi prolongé risque d’être moins bonne dans cette tranche d’âge que pour les plus jeunes enfants. La mise au point de programmes spécifiques pourrait cependant permettre de résoudre certaines difficultés. Trois exemples d’effets indésirables tardifs, qui comportent une forte spécificité dans la tranche d’âge des AJA, sont décrits ici : l’ostéonécrose cortico- induite, l’atteinte de la poussée de croissance péripubertaire après greffe de cellules souches hématopoïétiques et l’hypogonadisme/ infertilité. Mots-clés : Adolescents et jeunes adultes − Effet indésirable tardif − État de santé après cancer − Leucémie. Adolescents and young adults (AYA) with malignant hematologic diseases need prolonged follow-up, long after their curative cancer therapy, because many will develop some health problems. However, a large part of our knowledge in this area comes from pediatric cohorts of cancer survivors and further specific research in AYA is required. AYA are usually assumed to be less compliant than young children with their long-term follow-up. Setting up specific health programs for AYA might however circumvent some difficulties. Three examples of late effect with special findings in the AYA group are described in the following text: steroid-induced osteonecrosis, peripubertal growth after hematopoietic stem cell transplantation and hypogonadism/infertility. Keywords: Adolescents and young adults − Cancer survivors − Leukemia − Late effects. I l est maintenant admis que les patients guéris d’un cancer de l’enfance doivent bénéficier de programmes de prise en charge prolongée après la fin de leur traitement. Les adolescents et jeunes adultes (AJA) soignés pour une hémopathie maligne n’échappent pas à cette préoccupation, mais la tranche d’âge a probablement des particularités qui doivent être prises en considération pour optimiser le suivi. L’objectif est ici de faire le point sur ces particularités, d’abord de manière globale, avant d’examiner plus précisément 3 exemples dont les spécificités sont marquées dans la tranche d’âge des AJA : l’ostéonécrose cortico-induite, l’atteinte de la poussée de croissance péripubertaire après greffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH) et l’hypogonadisme/infertilité. Un champ de recherche encore mal exploré Nos connaissances sur les séquelles à long terme après traitement d’un cancer chez l’AJA sont souvent extra- polées à partir de données pédiatriques. Ces patients sont très certainement exposés à toute une gamme d’effets secondaires tardifs tels que retard de croissance pour les plus jeunes, obésité, infertilité, atteintes d’or- ganes, anomalies cognitives, second cancer et décès prématuré. Le plus souvent, cependant, les cohortes qui ont alimenté nos connaissances sur le sujet sont des cohortes pédiatriques. La Childhood Cancer Survivor Study (CCSS) est une étude multicentrique de grande envergure, portant, aux États-Unis, sur des patients traités pour un cancer

Suivi prolongé après traitement d’une hémopathie maligne ... · notamment la maladie de Hodgkin, deviennent plus fréquents après 15 ans, tandis que la fréquence relative des

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Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VII - n° 3 - juillet-août-septembre 2012132

d o s s i e r t h é m a t i q u e

Adolescents et jeunes adultes

(16 à 25 ans)

1 Service d’hématologie et d’oncologie pédiatrique,

CHU de Marseille, EA3279.2 Service de santé

publique, CHU de Marseille, EA3279.

3 Membres actuels du groupe LEA :

M.F. Auclerc, V. Barlogis, A. Baruchel,

K. Baumstarck, J. Berbis, C. Berger, Y. Bertrand,

P. Bordigoni, H. Chambost, P. Chastagner, J. Clavel,

A. Contet, D. Da Fonseca, F. Demeocq,

V. Gandemer, J. Kanold, P. Le Coz, G. Leverger,

P. Lutz, Y. Perel, D. Plantaz, M. Poirée, N. Sirvent,

M.D. Tabone, F. de Vathaire.

Suivi prolongé après traitement d’une hémopathie maligne chez l’AJA Long-term follow-up after treatment of AYA hematological malignanciesG. Michel1, P. Auquier 2, au nom du groupe LEA3

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Su

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y

» Les adolescents et jeunes adultes (AJA) atteints d’une hémopathie maligne ont besoin d’un suivi prolongé, longtemps après la guérison de l’hémopathie, car ils sont exposés à un risque d’effets indésirables tardifs. Nos connaissances dans le domaine sont cependant le plus souvent issues de cohortes pédiatriques, et des recherches spécifiques aux AJA constituent un réel besoin pour l’avenir. Il est habituellement admis que l’adhésion à un programme de suivi prolongé risque d’être moins bonne dans cette tranche d’âge que pour les plus jeunes enfants. La mise au point de programmes spécifiques pourrait cependant permettre de résoudre certaines difficultés. Trois exemples d’effets indésirables tardifs, qui comportent une forte spécificité dans la tranche d’âge des AJA, sont décrits ici : l’ostéonécrose cortico-induite, l’atteinte de la poussée de croissance péripubertaire après greffe de cellules souches hématopoïétiques et l’hypogonadisme/infertilité.

Mots-clés : Adolescents et jeunes adultes − Effet indésirable tardif − État de santé après cancer − Leucémie.

Adolescents and young adults (AYA) with malignant hematologic diseases need prolonged follow-up, long after their curative cancer therapy, because many will develop some health problems. However, a large part of our knowledge in this area comes from pediatric cohorts of cancer survivors and further specific research in AYA is required. AYA are usually assumed to be less compliant than young children with their long-term follow-up. Setting up specific health programs for AYA might however circumvent some difficulties. Three examples of late effect with special findings in the AYA group are described in the following text: steroid-induced osteonecrosis, peripubertal growth after hematopoietic stem cell transplantation and hypogonadism/infertility.

Keywords: Adolescents and young adults − Cancer survivors − Leukemia − Late effects.

I l est maintenant admis que les patients guéris d’un cancer de l’enfance doivent bénéficier de programmes de prise en charge prolongée après

la fin de leur traitement. Les adolescents et jeunes adultes (AJA) soignés pour une hémopathie maligne n’échappent pas à cette préoccupation, mais la tranche d’âge a probablement des particularités qui doivent être prises en considération pour optimiser le suivi. L’objectif est ici de faire le point sur ces particularités, d’abord de manière globale, avant d’examiner plus précisément 3 exemples dont les spécificités sont marquées dans la tranche d’âge des AJA : l’ostéonécrose cortico-induite, l’atteinte de la poussée de croissance péripubertaire après greffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH) et l’hypogonadisme/infertilité.

Un champ de recherche encore mal exploré

Nos connaissances sur les séquelles à long terme après traitement d’un cancer chez l’AJA sont souvent extra-polées à partir de données pédiatriques. Ces patients sont très certainement exposés à toute une gamme d’effets secondaires tardifs tels que retard de croissance pour les plus jeunes, obésité, infertilité, atteintes d’or-ganes, anomalies cognitives, second cancer et décès prématuré. Le plus souvent, cependant, les cohortes qui ont alimenté nos connaissances sur le sujet sont des cohortes pédiatriques.La Childhood Cancer Survivor Study (CCSS) est une étude multicentrique de grande envergure, portant, aux États-Unis, sur des patients traités pour un cancer

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Suivi prolongé après traitement d’une hémopathie maligne chez l’AJA

de l’enfance entre 1976 et 1986 (1, 2). Cette cohorte a produit la plus grande quantité d’informations jamais recueillie sur le sujet, mais la limite d’âge était de 20 ans au diagnostic et les analyses spécifiques à la tranche d’âge 15-20 ans sont très rares. La cohorte française LEA, dédiée au devenir à long terme après traitement d’une leucémie de l’enfance, inclut les patients jusqu’à l'âge de 18 ans au diagnostic. L’extension de la cohorte à de jeunes adultes, bien que souhaitée par certaines équipes, n’est pas encore effective.Si un certain nombre de données extrapolées des cohortes pédiatriques sont applicables à la population des AJA, il faut cependant s’attendre à des différences. Ces dernières peuvent être liées à la maladie maligne et à ses traitements, ou à des susceptibilités particu-lières de la tranche d’âge. L’épidémiologie des maladies malignes change fortement entre 15 et 25 ans, les traite-ments utilisés également, et, par conséquent, les effets secondaires tardifs changent aussi. Dans le domaine des hémopathies malignes, les lymphomes malins, et notamment la maladie de Hodgkin, deviennent plus fréquents après 15 ans, tandis que la fréquence relative des leucémies diminue (3).Pour certaines séquelles, on connaît des spécificités liées à la tranche d’âge des AJA. Nous en détaillerons certaines dans la deuxième partie. L’exemple le plus connu est sans doute le risque d’ostéonécrose, dont on sait qu’il augmente considérablement, à dose cumulée de corticoïdes égale, chez les enfants traités après l’âge de 10 ans pour une leucémie aiguë lymphoblastique (LAL). Pour la plupart des autres séquelles, nos connais-sances sont plus parcellaires : la toxicité cardiaque des anthracyclines pourrait être moindre que chez le jeune enfant, de même que le risque relatif de tumeur secon-daire. Le risque spécifique à cette tranche d’âge concer-nant d’autres séquelles est tout à fait inconnu : risque d’obésité, de syndrome métabolique, d’ostéopénie/ostéoporose, d’hypothyroïdie, de cataracte post-radique ou cortico-induite et de neurotoxicité par exemple.L’extension des cohortes pédiatriques aux AJA, ou la constitution de cohortes spécifiques, est donc un réel besoin.

Des difficultés spécifiques de prise en charge ?

Il est possible, bien que cela ne soit pas prouvé, que l’adhésion à un programme de suivi à long terme soit plus difficile pour les AJA que pour les jeunes enfants (4, 5). La place prépondérante qu’ont les parents pour le suivi de leur enfant a tendance à diminuer. Il a été

montré que les survivants d’un cancer de l’adolescence ont plus de détresse psychologique et une perception moins positive de leur état de santé que les survivants d’un cancer de l’enfance. Le souhait d’échapper à l’expé-rience traumatisante du cancer peut également expli-quer une moindre adhésion des AJA à un programme de suivi prolongé, estimé trop contraignant.Aux États-Unis, la couverture sociale des jeunes adultes est particulièrement mal adaptée et cela constitue une difficulté supplémentaire dans ce contexte. Le poids de ce handicap est probablement moindre en France. En l’absence de données chiffrées, cependant, le retentissement pratique de ces considérations reste hypothétique. Il est possible que la création d’espaces spécifiquement dédiés à la prise en charge à long terme des AJA améliore fortement la situation. À Marseille, une partie de l’Espace méditerranéen des adolescents (EMA) est spécifiquement dédiée à la prise en charge après guérison d’une maladie maligne.

Un retentissement différent sur la qualité de vie ?

À notre connaissance, aucune étude n’a comparé la qualité de vie longtemps après la guérison d’un cancer selon que la maladie cancéreuse est survenue chez un AJA ou un enfant plus jeune. L’expérience de la cohorte LEA montre que l’impact des séquelles sur la qualité de vie s’exprime particulièrement au début de l’âge adulte (6). Dans cette cohorte, il apparaît clairement que les patients guéris après greffe de CSH ont plus fréquemment des séquelles physiques que ceux qui ont été traités par chimiothérapie seule. Ils ont notam-ment un risque plus élevé d’altération de la croissance staturale, de la fonction gonadique et thyroïdienne, un risque plus élevé de cataracte, de tumeur secondaire, de diabète, de syndrome métabolique et d’ostéonécrose. Dans les 2 groupes (greffe ou non), les patients âgés de moins de 18 ans au moment où ils remplissent le questionnaire rapportent cependant des scores de qua-lité de vie identiques pour presque tous les domaines. À l’âge adulte, les patients greffés rapportent en revanche des scores moins bons pour les domaines physiques de la qualité de vie.

Trois exemples plus spécifiques

Ostéonécrose L’ostéonécrose est une complication bien identifiée du traitement des hémopathies malignes de l’enfant.

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Adolescents et jeunes adultes

(16 à 25 ans)d o s s i e r t h é m a t i q u e

Elle est liée au traitement corticoïde, ce qui explique sa particulière fréquence au cours des LAL (7, 8). Elle touche souvent la hanche ou le genou, mais d’autres grosses articulations peuvent être concernées, et les atteintes de plusieurs articulations ne sont pas rares. L’ostéonécrose entraîne des douleurs parfois intenses et, aux stades les plus évolués, une diminution invalidante de la mobilité articulaire due à la destruction osseuse.Dans le groupe LEA, nous avons analysé la préva-lence et les facteurs de risque de l’ostéonécrose chez 943 patients ayant survécu à une leucémie aiguë de

l’enfance ainsi que l’impact de l’ostéonécrose sur la qualité de vie à l’âge adulte. L’âge supérieur à 10 ans est un des 3 facteurs fortement prédictifs du risque d’ostéo-nécrose. Les 2 autres facteurs sont les antécédents de traitement par greffe de CSH et la dose cumulée reçue de corticoïdes par mètre carré de surface corporelle (en équivalent prednisone : dose de prednisone + dose de dexaméthasone × 6,67). Comme le montre la figure 1, le risque d’ostéonécrose des adolescents âgés de plus de 10 ans atteint 6,8 % pour les patients traités par chimiothérapie seule et 15,5 % pour les patients greffés. L’étude suggère également un seuil de dose cumulée de corticoïdes qui prédit un risque élevé d’ostéonécrose (figure 2). Enfin, elle met en évidence un fort impact de l’ostéonécrose sur la qualité de vie des patients devenus adultes, soulignant l’importance de la prise en consi-dération de cette complication.

Poussée de croissance péripubertaire des enfants greffésLa poussée de croissance péripubertaire correspond à une accélération physiologique de la croissance statu-rale, qui débute avec les premiers signes pubertaires et va conduire à la taille définitive. Elle est fréquemment perturbée après une greffe de CSH. L’effet est immédiat si la greffe est effectuée à l’adolescence, il est retardé jusqu’à l’âge péripubertaire si la greffe a été effectuée au cours de l’enfance.Dans le groupe LEA, nous avons étudié la poussée de croissance péripubertaire après greffe de CSH pour leucémie aiguë de l’enfant (9). Nous avons sélectionné pour l’étude les adultes de la cohorte LEA qui avaient reçu une greffe de CSH avant leur poussée de crois-sance péripubertaire et avaient atteint leur taille défi-nitive au moment de l’évaluation. La préparation à la greffe comportait soit une irradiation corporelle totale à 12 Gy (groupe ICT), soit une association d’alkylants à base de busulfan (groupe Bu). La taille était mesurée à 3 périodes clés : le moment de la greffe, l’âge au début de la poussée de croissance péripubertaire (9 ans chez la fille et 11 ans chez le garçon) et la taille définitive. Chaque taille était convertie en score DS (déviation standard) en utilisant les données normales de la popu-lation française. La figure 3 montre l’évolution des scores DS. Globalement, le score DS était normal au moment de la greffe et à l’âge de début de la poussée de croissance péripubertaire (0,2 DS et − 0,2 DS, respectivement), mais diminue par la suite pour atteindre − 1,6 DS lorsque la taille définitive est atteinte. On note une différence statistiquement significative entre les groupes ICT et Bu sur la taille définitive (− 1,8 versus − 0,8 ; p = 0,001).

Figure 1. Risque d’ostéonécrose selon l’âge au moment du traitement de la LAL pour des enfants traités par chimiothérapie seule (n = 687) ou par chimiothérapie et greffe de CSH (n = 256).

0

5

Tous les patients Chimiothérapie Greffe

9,9

0

6,8

2,2

15,5

0,5

< 10 ans 10-18 ans

Patie

nts a

vec o

stéo

nécr

ose

(%)

10

15

20

Figure 2. Influence de la dose cumulée de corticoïdes en mg/m2, répartie en quartiles, sur le risque d’ostéonécrose des 943 patients.

2

0

p ≤ 10–3

8,6 % (5,2-14,5)

1,9 % (0,8-4,7)

1,3 % (0,3-5,1)

Années

Dose totale ≤ 2 520 Dose totale 2 521-5 596

Dose totale 5 597-6 149 Dose totale ≥ 6 150

Incid

ence

de

l’ost

éoné

cros

e (%

)

10 20 30

0

4

6

8

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Suivi prolongé après traitement d’une hémopathie maligne chez l’AJA

Ainsi, il apparaît que : ✓ la poussée de croissance péripubertaire est un

moment clé de survenue d’une anomalie de la crois-sance après une greffe ;

✓ les préparations reposant sur le busulfan, bien que moins toxiques que l’irradiation corporelle totale, ont cependant un retentissement sur la taille définitive. Il est probable que le retentissement sur la poussée de croissance du busulfan passe par une toxicité gona-dique.

Toxicité gonadique et préservation de la fertilitéLes alkylants à forte dose et l’irradiation des gonades induisent un risque très élevé de toxicité gonadique et d’infertilité. Les enfants et les AJA greffés − qui reçoivent généralement soit une irradiation du corps entier à 12 Gy, soit une association d’alkylants comportant du busulfan à forte dose − ont un risque particulièrement élevé. Chez les filles, il semble que le risque de toxicité gonadique soit plus élevé pour les AJA que pour les fillettes qui sont prépubères au moment de la greffe. Chez les garçons, la relation est moins claire. Dans tous les cas, l’adolescence et le début de l’âge adulte sont les moments où l’insuffisance gonadique devient patente. Elle est souvent très mal ressentie psychologiquement.Avant de commencer le traitement d’un cancer chez un AJA, il est important d’évaluer le risque de toxi-cité gonadique. Chez le garçon, la cryopréservation de sperme doit être très largement proposée, même lorsque le risque d’infertilité est modéré. Chez la fille, le prélèvement d’ovocytes avant tout traitement est géné-ralement impossible dans les hémopathies malignes. La cryopréservation de tissu cortical ovarien peut être proposée lorsque le risque de toxicité gonadique est très élevé, par exemple avant une greffe de CSH avec

préparation par irradiation corporelle totale ou associa-tion d’alkylants. Le tissu ovarien peut théoriquement être réimplanté, mais, dans le cas des leucémies aiguës, le risque de contamination par la maladie existe. On peut espérer que, dans l’avenir, la folliculogenèse in vitro devienne possible à partir de tissu ovarien congelé, mais cela n’est pas encore réalisable. Le don d’ovocytes par une donneuse non apparentée anonyme est mainte-nant autorisé par la loi en France, et les jeunes femmes stériles après traitement d’une hémopathie maligne peuvent en bénéficier. Il s’agit sans doute d’une avancée importante dans le domaine. ■

1. Oeffinger KC, Mertens AC, Sklar CA et al.; Childhood Cancer Survivor Study. Chronic health conditions in adult survivors of childhood cancer. N Engl J Med 2006;355(15):1572-82.

2. J Clin Oncol 2009;27(14).

3. Wood WA, Lee SJ. Malignant hematologic diseases in adolescents and young adults. Blood 2011;117(22):5803-15.

4. Tonorezos ES, Oeffinger KC. Research challenges in ado-lescent and young adult cancer survivor research. Cancer 2011;117(10 Suppl.):2295-300.

5. Kazak AE, Derosa BW, Schwartz LA et al. Psychological outcomes and health beliefs in adolescent and young adult

survivors of childhood cancer and controls. J Clin Oncol 2010;28(12):2002-7.

6. Michel G, Bordigoni P, Simeoni MC et al. Health status and quality of life in long-term survivors of childhood leukaemia: the impact of haematopoietic stem cell transplantation. Bone Marrow Transplant 2007;40(9):897-904.

7. Arico M, Boccalatte MF, Silvestri D et al. Osteonecrosis: an emerging complication of intensive chemotherapy for childhood acute lymphoblastic leukemia. Haematologica 2003;88(7):747-53.

8. Bürger B, Beier R, Zimmermann M et al. Osteonecrosis: a treatment related toxicity in childhood acute lymphoblastic leukemia: experiences from trial ALL-BFM 95. Pediatr Blood Cancer 2005;44(3):220-5.

9. Bernard F, Bordigoni P, Simeoni MC et al. Height growth during adolescence and final height after haematopoietic SCT for childhood acute leukaemia: the impact of a condi-tioning regimen with BU or TBI. Bone Marrow Transplant 2009;43(8):637-42.

10. Wallace WH. Oncofertility and preservation of reproductive capacity in children and young adults. Cancer 2011;117(10 Suppl.):2301-10.

R é f é r e n c e s

Figure 3. Poussée de croissance péripubertaire et taille finale après greffe selon la préparation (irradiation corporelle totale versus busulfan).

p = 0,001

Irradiation corporelle totale Busulfan

SDS

– 2

– 1

0

1

Greffe 9/11 ans Âge adulte

Score de déviation standard de la taille moyen

0,2 ± 0,1 – 0,2 ± 0,1 – 1,6 ± 0,1