Supplément Le Monde des livres 2012.11.09

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  • 7/30/2019 Supplment Le Monde des livres 2012.11.09

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    Ferrariaimeetcomprend

    p r i r e d i n s r e rAmourtoujours?

    Jean Birnbaum

    Lephilosopheprononcera laleoninauguraleduForum

    Uneaventureobstine

    Il y a plusde deuxmillnaires,le

    Banquetde Platon nous appre-nait que celle ou celui qui napas lexprience de lamour nepeut parvenir librer en lui-mmelnergie de lIde.

    Rinventerlamourseraitdoncaus-si rinventer la pense? Oui, sansaucun doute. Toute vrit, tant uni-verselle,estaussi cequi interdit lin-dividuqui syconfronte demaintenircomme rgle de vie la simple persis-tance de ses apptits propres, dont ilsimagine spontanment tant,entre autres choses, un animal quilsuffit sonbonheurde lessatisfaire.

    Orlamour,la sublimeetdangereu-sepassion,estprcismentlexprien-ce la plus disponible de ce renonce-ment salvateur. Cest en effet la dci-sion daccepter quun(e) autre, audpartparfaitement inconnu(e),fassedsormais, en sonentier,sans restric-tionni condition,partiede notre exis-tence.

    FernandoPessoaaparfaitementrai-sondcrireque lamourest unepen-se. Il est mme plus que cela: il estlexprience,lexpriencepresque sau-vage,de lapenseen gnral.En effet,la pense art, science, politique estinvariablementexpositionau reldune altrit. De cette expositionnous attendons, non les plaisirs de lasatisfaction, mais la joie incompara-

    ble provoque par la dcouverte quenoussommescapables,defaondsin-tresse, dinfiniment plus que cedont nous imaginions tre capables.Or qui ne voit que lamour, lamourvrai,lamourfou,est prcismentlar-chtypede cetteexpositionprilleusecetypedejoieexcessive?

    Etquesemlentcettejoie,commemultiplis par elle, les merveilleux

    plaisirs que savent dispenser lescorps,nestquunepreuvesupplmen-taire de ce quune vraie pense, tellequexposelacceptationintgraleetintime de ce qui outrepasse son sup-port individuel, peut seule lever lasatisfaction laltitude du bonheur.

    Mais, convenons-en: considrscomme individus gnriques ou ano-nymes de notre poque,nous navan-ons gure danscette direction. Noussommesplutttentsparlevaincom-merce immatrielet photographiquedes amis innombrables,par lagr-

    ment des liaisons sans engagement,ou par le contrat qui cimenteun cou-ple sur la base, solide en apparence,prcaire en ralit (50% de divorces),des avantagesrciproques.

    La rinventionne peut donc venir,aujourdhui,que dans le mouvementpremierdune dfense.Oui, dfendre,quelquensoitleprix payer, linsup-portable passion. Et cette guerre en

    lhonneur de lamour se mne surdeuxfronts.

    A droite,si josedire,il fautvenirboutde lidologiefacticeducontratamiable.Il nesagiraitque de veillerlquilibre des avantages, lpa-nouissement des individus concer-ns, lharmoniede chacun,bref, la satisfaction personnelle des ani-mauxapparis.On nefranchitjamais

    la frontire qui spare lintrt delIde,oulasatisfactiondelajoie.Cettereprsentationnest quela projectionconjugaledelagrandeloidenossoci-ts:toutcequiexisteaunprixfixparlemarch.Or, au march dessatisfac-tions individuelles, la passion amou-reuse est proprementhors de prix. Onse contentera donc dun contrat quirguleles satisfactions.

    A gauche, il faut surmonter latentation qui voit dans la libertdesdsirslalphaet lomgade lexis-tence. Or ilsen fautde beaucoupque

    lamour comme pensepuisseserduirecegenrede choix. Pas plus que lecontrat, le libertinagenchappeaux loisde lap-prciation marchande. Satristesse latente, au-deldu rite de lexcitation,rsulteprcismentdecet-te subordination, qui resteloigne de toute joie, ds

    lors que toute joie suppose linfinidunepense.

    Jai crit ailleurs que lamour taitune aventure obstine. Disons quelapensequi syjouerequierteneffetle got dsintress du risque et lapatience den supporter les effets.Maislajoiequienrsulteest,elle,abso-lumentsans prix.p

    6aHistoiredun livre

    La gographie,a sert, dabord, faire la guerre,dYvesLacoste

    2aContributionsChristine Angot,Fabrice Hadjadj

    ET AUSSI

    8aTraverseLittratureblues et rock

    1 4Quatre pagesautour delamour,thmedu ForumphiloLe Monde

    Le Mans

    7aLittratureAragon,fou dcrire

    10aLe feuilletonEric ChevillardsalueWill Cuppy

    Il nestquunseulmoyende connatre,cestdaimer,disaitGeorges Bernanos.LauteurdesGrandscimeti-ressousla lune(1938)affirmait lapuissanceclairante

    delamour; ilfaisaitde cesentimentun landecompr-hension. Ence sens, cestnon seulementun beauromandamourmaisaussiun superbeconte philosophiquequeviennent dercompenserles jurs duprixGoncourt avecLe Sermonsur la chutedeRome, deJrmeFerrari (ActesSud). Etce pourla plus grandejoie de lquipeduMon-

    dedes livres, quiavaittenu luiconsacrer, le23 aot, sapremireunedela rentre.Oui,voilun grand romanbernanosien. Nonseule-

    mentparce queFerrari ymeten scnela btisecommeforce spirituelle,maisaussiparcequele regardquilposesurlesmdiocresdemeuretoujoursempruntde tendres-se.Lcrivainsefforcede comprendre,il faitde sonmieuxpour aimer.Sous saplume,limbcileapparatcommeunpauvrediablequeterroriselemoindreclairdelucidit.VoyezMatthieu,le jeunehrosdu Sermon.Luiqui a reprisun baren Corse,avecun copain,dansles-poirde sebtirun petitcoindeparadis,exprimentefina-lementune existenceignoble, quisuinte lamdiocritsousle soleilde Satan.La preuve,Matthieuestdanslim-possibilitviscraledaimer,commeen tmoigne dans lelivre sagrandesurAurlie: Ellene voulaitmmepasluiparlerdamouret decompassion, ctaientdesmotsquil tait incapabledecomprendreArchologuesavanteet amoureuse fervente, Aurlieest dailleurs le

    seul personnagevraiment positifde ceromantoutentierport parla thologiede saint Augustin.DanssesConfes-sions, lePre delEglise dcrivaitlamourcommeun che-minde vrit,unevoie royalevers lahauteconnaissance.AvecsonpropreSermon, JrmeFerrari,quiest aussi pro-fesseurde philosophie,relance cetteide exaltante. Celle-lmmequiguidera lesdbats du24e ForumphiloLeMondeLeMans, auquelnotre supplmentest largementconsacraujourdhui. p

    12aRencontrePeter Handke,rveur veill

    3aEntretienAvec CatherineMalabouaParutions

    4aProgrammeTout savoirsur le Forum

    roman

    Nous sommes capables,de faon dsintresse,dinfiniment plus que cedont nous imaginionstre capables

    S P C I A L 2 4 e F O R U M P H I L O L E M O N D E L E M A N S 1 6 - 1 7 - 1 8 N O V E M B R E 2 0 1 2

    FLORE-AELSURUN/TENDANCEFLOUE

    Alain Badiou

    Cahierdu MondeN 21090datVendredi9 novembre2012 -Ne peuttrevendusparment

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    Jailu dansElle unentretienavecdeuxfemmes crivains qui ont crit unromanavecunpersonnagedepre,lajournaliste leur demande: Vos

    parents ont-ils lu vos livres? , Avez-vous desregrets?, puisellepose une

    question laquelleje ne mattendaispas:Pensez-vous, comme Christine Angot,quen littrature on na ni famille niamis? Rponsedunedeslinterviewes:Non pas du tout, moi, jcris pour mesamis,jesprequeje vais lesfairerire,quilsvont se reconnatre, comprendre. Je nesacrifierai jamais une famille meslivres. Pources gens-l, il nest pas ques-tiondesacrifierquelquechosequiexistequelque chose qui nexiste pas. Quelquesjoursplustard,jtaisinviteauministrede la culture un dner rentre litt-raire, nous tions une dizaine, plus laministreetsesconseillers,laconversationest partie sur labsence de statutdes cri-vains, tous se plaignaient de ne pas avoirde retraite, pas de Scurit sociale, pas demutuelle complmentaire. Mon cur

    battait, je ne parlais pas, je ne disais rien,jessayaisdeme calmertouten mangeantmonpain.

    Jaurais bien aim moi aussi avoir unevie dcrivain o je me poserais la ques-tionde ma retraite, de monstatut.Ce quimainquitemoi,etquiminquiteenco-re,ce nestpas a. Ce nest pasle genre dechose dont on peut parler dans un dnerau ministre, mme au ministre de laculture.Moi, jaipens queje serais peut-tre toute ma vie prive damour, quandjaicompris quejaimais tellementlalitt-rature, que je serais toute seule pour levivre,que personnenaccepteraitde mac-compagner l-dedans, de maider vivreun sentiment pour quelquun qui nestmme pas un tre humain, et les longsmomentso jene peuxpas fairelamour,seloncequejcris,Unesemainedevacan-ces parexemple, etquilmestimpossibledemecouperendeux,pendantquejcris,lejour, mesouvenir dudgotqueje res-

    sentais lpoque pour mon pre, moninquitudedevant la sexualit, et retrou-verCharlyle soir en relchantmon corpspour le laisser entrer en moi, a, ce nestpaspossible.Jepensaisquepersonnenelecomprendrait jamais, et que donc il nyaurait jamais de rpit, jamais de partage.Queje serais toujoursseule.

    Cest quand mme assez dur de sentirquesavieestdirigeparuntrequinexis-temmepas.Quinestmmepasdechair.Depenserquesarelationdterminante,jeneveuxpasdireprincipale,maisdtermi-nante,se faitavecun trequinexistepas.Pensera.Levoircommeuneinfirmit,ensouffrir, en avoir honte. Au point que,quand jai appris que jtais invite ceforumauMans,parlejournalLeMonde, jeme suis dit dans un premier temps que,pour ne pas prouver cette honte en

    public, ne pas revivre cette peur, ne pasvoirmon handicaptalau grandjour,jeneparleraispas demon amourpour lalit-tratureni du danger quilma faitcourirtoute ma vie, celui dtre prive damour

    toutcourt,ainsiquecelui,unefoislescho-ses crites, par exemple Une semaine devacances quand a t crit, le danger dedouter, de se demander si on a vraimentvcu ce quon a crit, tant donn quelcriture fait disparatre toute forme desouffrance, cest dangereux, ce nest pasthrapeutique du tout, au contraire, aumoins quand vous souffrez vous savezque vous avez vcu quelque chose, alorsquel vousne savezplus.Ecrirefait dis-paratre tous vos sentiments. Un senti-ment crit cest un sentiment que vousnavezplus.Vousneressentezplus.Jaimela littrature mais je naime pas perdremes sentiments et me demander si jaivraiment vcu. Si jai vraiment une vie.Ecrire cest accepter que celui que vousaimez est l avant tout pour vous aider pouvoircrire.

    Aprs mtresparede Claude,a com-menc une longue srie de rencontresapproximatives. Je voulais ressentir, en

    plusde ma passion pourla littrature, dela passion pourun tre humain.Je narri-vais plus me cacher que le long amourquejavaiseu pourlui,et quimavaitper-mis daccepter lautre amour de ma vie,celui pourla littrature, mefrustrait,que, 38 ans, je navais jamais t follementamoureuseduntre humain,sauf demafille,endehorsdequelquespisodesextr-mementcourts.Jaicommencalors pen-dant quelques annes faire des rencon-tres.Jetombaisamoureuse.Jaiaimquel-ques personnes. Le mme mouvementnaturelquifaisaitquejavaiscritlamourpour ma fille me conduisait essayerdemmener ces autres amours avec moidans un livre que jcrivais, pour que lesdeuxpassionsfusionnent,pourque lunesoitla mme quelautre,pourque,enme

    levantle matin,mon amour pourlcritu-re soit le mme que celui pour la person-ne,pourquilnyait pasdeguerre,pas deconflit,pource soitla mmefoi.Maiseuxnavaient pas cette foi. Il y avait pourtantdans la listetoute une srie de littraires,prof de littrature, journaliste, acteur,notable et grand lecteur, possesseur delongs rayons de bibliothque. Mais non.Onauraitditque leslivresleurenlevaientquelquechose.Leur crainteme dgotaitdeux. Men loignait. Faisait que je lesmprisais.Avoirpeurdunlivre?!Lesrup-tures senchanaient. Ils voulaient tousqueje changedes passages,queje corrige.Ils naimaient pas la littrature, ilsaimaientla contrler.p

    Extraitdu texte Commenta acommenc

    L

    e mot amour peutvite devenir dtestable.On lemploie pour tou-teslescauses,onleserttoutes les sauces: deDieuauxcaniches,dela

    gastronomie lassassinat, pourconclure une dissertation mdio-cre, pour faire la bte deux dos,lamour a toujours bon dos.Cestle jokerdans le jeude cartes.Cest le ssame des quarantevoleurs. Chacun y va de son petitloge pour mieux en faire sachose.Quoi?Oseras-tucontesterlamour? Voil quite classe aussi-tt parmi les haineux. De l lecaractre minemment pratique

    deceterme:ilmetuntermetou-tes les discussions. On dit: Cestpar amour, et cest pour mieuxsenfermerdans sabulle.

    Cette facilit vient sans doutedun hritage du christianisme(un hritage dfait de son testa-ment), mais aussi dune ractioncontreleXXe sicle.AuXXe,onass-naitla Vritde lHistoire, avecsa dialectiqueinexorable.Au XXIe,par horreur de cette vrit sansamour, on peut se sentir en droitdassner un amour sans vrit.Cest toutefois oublier la passiondAdolf Hitler pour Tristan et

    Isolde, deWagner: guide duReich,il travaillait encore des dcorspour son opra ftiche Et silamourhroco-suicidairede Tris-tan tait lamatricedunazisme?

    De fait, le verbe aimer sem-ploiepour couvrir une multitudedinclinations diverses. On aimeune femme, mais on aime aussilesmathmatiquesoula poule aupot. Do le danger de confusion.

    Onrisqueunbeaujourdecoucheravec une poule. Ou dessayer dersoudre une femme comme unproblme de maths. Cest pour-quoi il convient, avant de fairel amour, d e faire l a vrit .Daucuns me rtorqueront: voilbien le discours de la prudence,tueuse de passion. Ils prouvent quelpointce sontdes puceauxenla matire: ils nont jamais fait la

    vrit avec une femme, ils enmconnaissent laventure hale-tante.

    Orje constatececi.Jepeuxdire:Jaime la poule au pot, mais jenedisjamaislapouleaupot:Je

    taime. Mon amour la concerne,il ne sadresse pas elle. Une foisque je lai mange, je peux tou-jours dire que je laime. Enrevanche, si je dvore ma bien-aime, le Je taime devientimpossible. Il y va l dun amourplus extatique. Lessor qui metourne vers lautreny estpasquele moment dune prise pour leramener moi.Ilsagitdallerverslautre en tant quautre, en tra-versant la sparation, mais aussien rejetant la fusion. Ici, faire lavrit dans lamour, cest recher-cher une union qui nest pasconsommation jouissive, maisaccueil de lautre dans ce quil estobjectivement.

    Lextasede cetamour nest paslorgasme. Lorgasme me dissoutdans une volupt aveugle ( Ah!quecettepouleestbonne!).Lex-tase me sort vraiment de moi-mme: elle suppose lobjectivit.Si je te dclare: Je taime, cesttoi que je cherche, pas seulement

    tes fesses labiles ou ton intelli-gencemenaceparAlzheimer.Par-deltesqualits,etavantmmedevouloir ton bien, je veux simple-ment que tu sois. Et cet impratifamoureux: Que tu sois! sous-entend: Que le monde soit! Atravers toi, jentrevois la simplebontdtre.QuandBatriceappa-rat, Dante chante: Il ny avait

    pluspour moidennemis.Mais voil: les ennemis, eux,

    poursuiventleurtravaildesape. Ily a la mort et le mal. Il y a nous-mmes, avec notre bassesse.Accueillir lautre, le dgager danslunicitdesontre,dployeraveclui une fcondit qui justifie lemonde,la choseestmoinsconfor-table quede manger unepouleaupot.Ilyfautcettegrcequifaittra-verser lenfer jusquau ciel. Ladchirure dun cri vertical vers cequipeutnoussauver.Etcestpour-quoi, pour esquiver lexigence decettecomdiedivine, nousfaisonslamoursansla vrit.p

    FairelavritdanslamourDelancessitvitalederetrouver, souslamultitudedinclinationspour lesquellesonlemploie, lesensduverbeaimer

    ForumphiloLeMondeLeMans

    Rechercheruneunion

    qui nest pasconsommationjouissive,maisaccueilde lautre

    Ecrirecest accepter quecelui que vousaimez estlavant toutpourvousaider pouvoir crire

    PourlauteurdUnesemainedevacances(Flammarion),lamourestdabordceluidelachosecrite,dterminantaupointderendreproblmatiquelarelationaffective

    Lalittrature,passionexclusive

    Fabrice Hadjadjcrivainetphilosophe

    FLORE-AELSURUN/TENDANCEFLOUE

    Christine Angotcrivain

    2 0123Vendredi 9 novembre 2012

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    Lesactesdu23e Forum,O est pass letemps?Saletempspourleslangoureux,lesflegmatiqueset autrestra-nards.Toutva plusvite,toujoursplusvite.A mesure quesin-vententdesoutilspournousfaire gagnerdu temps serpanduntrangesentiment:nousen manquonsdavantage.Anotre

    poque,la tortueaurait-ellelamoindrechance debattrele li-vre? Toutsacclre etmalheur labtequi se hteaveclen-teur, quandbien mmeelleserait plusefficace.Partout,tou-jours, ilfaut donnerlimpressionde suivrela cadence.Quitte crirebeaucouppourne riendire(deneuf),commele soulignele physicienJean-Marc Levy-Leblond.Onlirasa contributiondansle recueilcollectifOest pass letemps? Ecrivains,historienset philosophesayant participauForumphiloLe Monde LeMans2011y livrentleursrflexions.Sile tempsaujourdhuisemballe,sommes-nouscondamnsvivre la dictaturedelurgence? Et,silsalanguitdansla crise,

    devons-nousabandonnerlefutur? Loinde ressas-serun nime logede lalenteur, lesvoixqui sex-priment(Franoise Balibar,Raphal Enthoven,FranoisHartog, PierreMichon, FranoisJullien)interrogentla vulgatede lacclration.Ainsi duphilosopheClmentRosset, quirappelle que lestrainsdhier,augr deleurspassagers,allaientaus-siviteque ceuxdaujourdhui.paOest pass letemps?, sousladirection

    deJean Birnbaum,Folioessais/Forum philo LeMonde

    LeMans, 278p., 8,60.

    LeDiable aucurLe malentendufondamentalqui rgitles rapportshumains,commelcritAnalleLebovits-Quenehen,directricede publica-tion,estaucurdu10e numrodela revueLeDiable probable-ment. Enplus dundossiersur lesreprsentationscontempo-rainesde lamour,LeDiable propose delonguesinterviewsdac-teurs,ces artistesque nouscouronsvoirinterprter pournousleshistoiresdamourles plusheureuseset lesplus dsespres.Vale-riaBruni-Tedeschi,Denis Podalyds(chroniqueurdu Mondedeslivres), CharlotteRampling,MarinaHands ouencore Phi-lippeCaubrevoquentainsileur mtier, lelien quilsentre-tiennentavec ledsir dumetteuren scne,celuidu spectateur,leurrapportcharnelaux motsdes auteurs quilsinterprtent,maisaussilaplacedelamour,toujours,dansleurvie. pR.L.aLe Diableprobablementn o10, octobre2012,Verdier,240 p.,15 .

    Lamour galitMarset Vnus.Peut-onparler damoursansquestionnerladiffrencedes sexes?Un courantimportantdu fminismercuseavec force lideque lesfemmesseraient,paressence,plusdisposesauxlansdu cur, lasollicitudeou laten-dresse.En 1980, avecLAmouren plus,ElisabethBadinterapportaitsapierre larflexion: sappuyantsurune histoiredelattitudes desmresvis--visde leurs enfants,elleaffirmaitquelinstinctmaterneltaitunmythe: Lamour maternelnest pluslapanagedesfemmes. Dansla prfacequelle donneaujourdhui louvragequirassembleses essais surle sujet, de1980 2010, ellednonce,au nomde lgalit,la rgressionporte sesyeuxpar unfminismeessentialiste,pourqui lesfemmesseraient naturellement plus protectrices,attentivesauxplusfaibleset pacifistes. p JulieClarini

    aLa Ressemblancedes sexes,De LAmour enplus auConflit ,dElisabethBadinter,Livrede poche, LaPochothque, 1150 p.,22,30.

    Dfenseet illustrationdErosOnne stonnerapas quunjeunephilosophequiexpri-mentaitrcemmentune Tentativedassassinatdu bourgeoisquiestenmoi(titrede son prcdentouvrage, Libella/MarenSell,2009)compose prsentune ode lamour.PuisantchezBataille,Nietzsche ouDeleuze, ilvoitdans lamdiocritambiantequil baptiselEpongeConneriePlantaire , EPCmlangedefantasmespublicitairesetde crispationmorale lacausede notreincapacit vivre ceprojetparnaturervolutionnaire:lamour.Un peudemphasene nuitpas lacause,lauteuren rajoute,maisson livre estportparune ardeurindniable,et uneconviction: Lamour,parexcellence,est lesujetdont onne parle pas.Personne.Il va

    falloirque a cesse. Entendu. p J.Cl.aVersune librationamoureuse.Propositions romantiques,

    rotiqueset politiques,deYannKerninon,

    Libella-MarenSell,260 p.,19 .

    BrviairepoursofasVoici nouveaudisponibleun classiquedesannes1920publi(et probablementcrit)par GeorgesAnquetil,diteur entre autres delivres scandale.SonDictionnaire delamournapourtantriende scabreux.Citationsouanecdotessepartagentles entres.On y trouveles attendusChastetetVolupt maisaussi Canapset sofas : Capans ! Quedhistoiresjolies oucocassesvousraconteriezsi lamusiquedevosressortsse transformaiten paroles! Toute unepoqueavecsesbons motsetsa gauloiserie,ses traitsdespritetsamysogynie.p J.Cl.aDictionnairede lamourpour les surdous,

    France-Empire,148 p., 15.

    Sans oublier

    Vient de paratre

    Propos recueillis par

    FlorentGeorgesco

    Catherine Malabou, profes-seurauCentreforResearchinModern European Philoso-phy de luniversit de Kings-ton(Royaume-Uni),estrecon-nuecomme unedes philoso-

    phes franaises les plus novatrices de sagnration. Elle a, ds sa thse sur Hegel,sousladirectiondeJacquesDerrida( LAve-nir de Hegel, Vrin, 1994), introduit leconcept de plasticit, que ses livres sui-vants dvelopperont la fois en histoirede la philosophie (Le Change Heidegger,Lo Scheer, 2004) et dans des domainescomme les neurosciences (Que faire denotre cerveau?, Bayard, 2004) ou la tho-riedesgenres(Changerde diffrence,Gali-le, 2009). Lintervention quelle sappr-te prononcerau Mans, Lediscoursdes

    amoureux conduit-il la philosophie?,nousadonnloccasiondelinterrogersurun sujet finalementassez peutraitdanscetteuvrepourtantampleetclectique:lamour.

    Vousinscrivezvotre rflexionsurlamourdansunspectrehistoriquetrslarge,quiva du Banquetde Platonaux Fragmentsdundiscoursamou-reux deBarthes.QuesignifiepourvouscesautduIV esicleav.J.-C.auXXesicle?

    Ilcorrespond unehistoirequeje veuxraconter: celle dune amnsie, et duneredcouverte.Tout commenceavec le dis-cours queDiotime,dansLe Banquet,tientau jeune Socrate: on aime dabord uncorps,puistouslesbeauxcorps,etdelunesprit,puis tous lesbeauxesprits, jusqucontempler lIde de la Beaut. Aprs lesGrecs, on na retenu que la fin du proces-sus,plongeantdansloublisonaspectroti-que.Ce quiestvrai,cest que lapenseestpour Diotime la finalit de lamour. Maiscela ne signifie pas du tout quil faille sedtourner du corps! Lamour, par lacontemplation laquelle il ouvre, rvlelexistencedelme,lelieuleplusdouxdeltrehumain, critPlaton, qui,dansPh-dre, prciseson image en dcrivant lme,peudechoseprs,commeunsexe.Ellesedilate,ellese gonfle,elle se charge dmo-tion Lamourne rvlepas lecorps,maisilrvlequelmeest quelquechosecom-meun corps,et ille faitdemanirecorpo-relle. Car la dualit propre au sentiment

    amoureux se retrouve au moment de larvlationdelme.Jenesuispas,endcou-vrantmonme,dansunrapportauto-ro-tique:jedcouvrequejesuisdeuxenmoi.

    La pense philosophique, cest prcis-ment parvenir dialoguer avec moi-mme comme si jtais deux. On ne peutpenser sans tre affect par quelquundautre en soi, prsence dont lamour, etdabord lamour charnel, est lexpriencefondatrice.On ne peutpenser froidement.Cest ce que, en mme temps que le Fou-caultdes sminairessur lesGrecs,Barthesredcouvre dans Fragmentsdun discoursamoureux, alors que toute la modernitstaitemploye dsexualiserla philoso-phieaumaximum.Elleavaitannulladua-lit, le fait dtre deux en soi. On le voitchez Descartes, pour qui lme nest pas

    rvlepar lexistencede lautre, maisparunretoursur soio lonne trouvequesoi.Etanapascessensuite.PourBarthes,aucontraire,tantquejenesuispasaffectparlautre,la production dudiscours ne peutavoirlieu.CestlammeidequechezPla-ton. Avec cette diffrence que, pour Bar-thes,la dualitouvresurle multiple,l oPlaton la met en permanence en dangerdtreabolie dans lunit fusionnelle versquoi tendle dsir.

    Quelleimportancea cettequestiondansvotrepropretravail? Onne peutpasne paspenseraux recherchescontemporainessur lecerveau motion-nel,notammentcellesduneurologueAntonioDamasio,lauteurde LErreurdeDescartes (OdileJacob, 1995),aux-quellesvousdonnezuneplacecentrale.

    Ladualitestau cur demonconceptde plasticit, dans la mesure o celui-cidcrit la naissance du sujet comme undouble mouvement de rception et dedonation de forme. Lamour joue dans laplasticitlerledelascissiondujesanslaquelleil nya pasde sujet. Ilrvlelim-possibilit de concider avec soi. Ce quirejoint en effet les travaux de Damasio.Pour lui, la raison quil appelle de sang-

    froid , cest--dire les sites purementcognitifs du cerveau, nest pas apte, parelle-mme, guiderla conduitedes gens.Coupe desmotions,elle ne peutsuffirefairedeschoix,prfrertellechoseplu-

    tt que telle autre, juger du bien et dumal. Ce que Damasio appelle le cerveaumotionnel,quicorrespondaulobefron-tal,o sinscriventles motions, estindis-

    pensableaufonctionnementnormaldelarationalit.Siunmaladedontlelobefron-talatabmjoueauxcartes,ilaurabeautrs bien connatre la rgle du jeu, il nejouera pasla cartequi luiauraitpermisdegagner. Il na pas intrt gagner, parcequilnapas daffect, etquilsen fiche. Onnatteintpas de but sansdsir de lattein-dre,doncsansdsirtoutcourt.Etsansbut,sans ce lien avec le monde autour de soi,qui pousse sy mler, la raison devientuneformedefolie.Cettevritestaujour-dhuiscientifiquementtablie.UnDescar-tesnignoraitpas lerle moteurdes mo-tions, on le voit dans ce livre tonnantquest le Trait des passions, mais, pourlui, le rle de la raison tait de rguler lesaffects. Les problmes commencentquandlesaffectssemballent.PourDama-sio,quirejointencelalesintuitionsdePla-ton, cest quand les affects disparaissentquelesproblmescommencent.Leprobl-me, cest lindiffrence. Ce qui dtruit le

    plus profondment lidentit dun hom-me, cest la perte des motions qui lerelientauxautres.Chaquecerveauestuni-que, parce quil a t sculpt par les mo-tions propres lexprience unique dusujet.Maislecerveaupeuttreendomma-g au point de dfaire cette constructionsingulire. La libido est alors perdue jamais. On peut perdre sa facult treamoureux,et par lce que nous sommesauplus intimede nous-mmes.

    Lamenacedunepertedes motionsrvleainsien creuxce quily adhumaindans lhumanit.

    Cest ce queDamasioa en tte quand ildit: Leslsions sont pour moiunemtho-de. Tantquil navait pastravaillsur lescrbrolss, il ne savait pas quel pointles motions taientconstitutives de lhu-main.Platonnestdailleurspastrsloindecela quand il observe que certaines messontstriles,incapablesde contempler,aubout du processus, lIde de Beaut. Il estpossible quelmene soitpas autre choseque le cerveaumme.Peut-tresuffirait-ildacceptercettevritde plusen plus vi-dente, que beaucoup continuent de refu-seravec violence, pour retrouver,aprslalongueoccultationdont jaiparl, toutelarichessedelapensegrecquedelamour.Jela crois plus ncessaire que jamais. Neserait-ce quepour aider comprendrequelhommene perdriende sacomplexit,desa profondeur en se connaissant mieux,danssafinitudeet safragilit.p

    LaphilosopheCatherineMalabourevientsurlimportancedesmotionsetdudsirdanslaviedelesprit

    Onnepeutpenserfroidement

    Onpeut perdresa facult treamoureux, etpar lcequenoussommesauplusintimedenous-mmes

    ForumphiloLeMondeLeMans

    FLORE-AELSURUN/TENDANCEFLOUE

    30123Vendredi 9 novembre 2012

  • 7/30/2019 Supplment Le Monde des livres 2012.11.09

    4/12

    Dimanche18novembreExercicesde lamour, dsirs devrit

    10heuresLaure Adler,crivain, journaliste10h30 CatherineMalabou, philosophe11heuresBelindaCannone, crivain,essayiste11h30 PierreZaoui, philosophe12heuresPause12h 15-13h15 Forum0

    20h30 : soire cinmaRencontreavec lesralisateurs Jean-Pierreet LucDardenne,animeparThomasSotinel, journalisteauMonde.Projectiondu filmLEnfant,PalmedorduFestival deCannes2005,suiviedune discussionavec lepublic.Entrelibreet gratuite

    15heures:sanceconclusiveDialogueentre JuliaKristeva,crivain,psychanalyste,etAlain Finkielkraut,philosophe,crivain

    16h30 Pause16h45 17h30/18heuresForum

    Samedi 17novembreLeprixdes sentiments

    9h30 PascalBruckner, crivain,essayiste10heures Eva Illouz,sociologue10h30 Jean-PascalGayant, conomiste11heures Pause11h15-12h15Forum

    Il suffira dun signe: lesmotsde lamour

    15heures ChristineAngot, crivain15h30 CamilleLaurens, crivain16heures MichelSchneider,crivain, psychanalyste16h30DavidReby, biologiste,thologue17heures- 17h15 Pause17h15-18h15Forum

    Vendredi 16novembre

    Ouverture

    9h30 Introduction

    10heures: leon inauguraleaAlainBadiouLamour, une aventureobstine

    Quilfaillerinventerlamour,nousle savonsdepuisRimbaud.Maisnousnavanonsguredans cette

    direction.La rinventionne viendraque danslemou-vementpremierdune dfense.Oui,dfendre,quelquen soitleprix payer,linsupportablepassion,cetamour mmedontAndr Bretondisaitquiltaitfou.

    aPascalBrucknerLasacralisationde lamourDanslemondedhier,en Europe,lemariage taitun sacrement,etlamour,silsurvenaitau seindufoyer,une heureusebndiction.Dansle mondedaujourdhui,cestlamourqui estsacretlemariagenest quuneoptionparmidautres.Nous navonspasseulementlibrle corpset lecurdes contraintesreligieuses,sociales,politiquesqui pesaientsur eux,nous clbrons commejamaisla passionet sestransportsdlicieux. Cettepromotiona unprix:le sentiment,devenule seulcritrede lafusion conjugale,prcipiteles sparations dsquilse drobe.Placerla vieconjugalesouslabannirede leffervescenceet delavolupt,cestployersous lefardeaudun idalimpitoyable.Le couplecontemporainestdeve-nu lui-mmeson principalsou-ci,sonuniquetourment.Cestsagrandeuret sa tragdie.

    aEvaIllouzLanouvelle rationalit amoureuseOnoppose frquemmentlespratiquesmatrimonialestradi-tionnelles lamourmoderne.Celles-ltaientrationnelles, lefruitde la ncessitconomique,etle rsultatde stratgiesdegroupe.Lamourmoderneenrevancheserait libre, man-cip,irrationnelet delordre desmotions. Cetteconfrencepro-poseune relecture decette distinc-tion.Elle affirmeque lamourmodernea incorpordespuis-santesformes de rationalitetnestpas moinsle fruitde lacontrainte,sousla formede cequejappellelcologieet larchitectu-redu choixamoureux.

    aJean-PascalGayant

    Peut-onconcevoirune analyseconomiquedelamour?La thorie conomiquesestconstruiteautourde lidedunerecherchede lasatisfaction,duplaisirpersonnel.Ds lors,les com-portementsaltruistes ouamou-reuxne sontenvisageablesquesilsaccroissentlasatisfactiondeceuxqui syadonnent.Cet indivi-dualismemthodologiquenest-ilpas,par essence, troptroitpourapprhenderle sentimentet/oulecomportementamoureux?

    aChristineAngotCommenta a commencJaipensqueje seraispeut-tretoutema vieprivedamourquandjai compris quejaimaistel-lementla littrature,que je serais

    touteseulepourle vivre,que per-sonnenaccepteraitde maccom-pagnerl-dedans.

    aCamilleLaurensLamourtout courtLa questionnestpeut-trepastantAmour,toujours? quecelledelamourtoutcourt.LaRochefoucauldle notaitdj: Ilestdu vritableamourcommedelapparitiondes esprits: toutlemondeen parle,maispeude gensenontvu.Lamourserait-ilalorsunsimplefantmecrparlaparoleet perptuelobjetdedis-cours,un mythedestin nousrassurersurnotremonde,uneinventionde lalittrature? Etsilamour,cestdes mots,que ser-vent-ils colmater? Lesmotsdamourpoursuivent-ilsle mmebutou masquent-ilslemme man-queaujourdhuiquautrefois? Etsi lonprfre admettrelhypoth-se quelamour existevraiment,a-t-ille mmesens, engendre-t-illesmmes formesquedans lepas-

    s?Bref,auXXIe

    sicle, quoirimelamour?

    aMichelSchneiderAmour(suite et fins)

    Direquejaigchdesannesdemavie,quejaivoulumourir,quejaieu monplus grandamour,pourune femmequinemeplaisaitpas,qui ntaitpasmongenre !Quitte lacitersouventde faonfautive,toutle mondeconnatladernirephrasedUnamourdeSwann. Maispeuluidonnentsonsensvritable.Celui, nonpasdunedsillusion,maisde laplusfataledes illusions: penserquunamourpeut finir.

    aDavidRebyLe bramedu cerf: affairedamour

    ouaffairede taille?La slectionsexuelle,un desprinci-

    pauxmoteurs delvolutiondarwinienne,est loriginedelblouissantebiodiversitdessignauxvisuelset sonoresquicomposentles paradesamoureu-ses desanimaux.Quelleest larellefonctiondeces signaux?Jemepencherai sur lexempledubramedu cerfpourmontrerquesonacoustiquecommuniquelatailleet lamotivationdu mlequivocalise,permettant ses cong-nresdapprciersa virilit. Le cerfmle,avec lhomme,se distinguedesautres mammifrespar lappa-ritiondsla pubertdunepom-medAdam prominente.Simplecuriositmorphologique,ouconvergencevolutiveriche den-seignementsquant loriginedelaparolehumaine?

    aLaureAdlerDsamourde soi,

    amourde lautre?IlsagiradtudierlafaondontlaphilosopheSimoneWeil(1909-1943)a dployles multi-plesregistresde lamourdansson parcourspersonnel commedansson itinraireintellectuelet politique.

    aCatherineMalabouLe discoursdes amoureux

    conduit-il laphilosophie?Le cheminversla philosophieestune trajectoirerotique:voilqui, pourPlaton,ne faitpasdedoute. Mais quetrou-ve-t-onau boutde cetrajet?Queltypede vrit?DuBan-quetauxFragments dundis-coursamoureuxdeBarthes,jexamineraideuxtypes derponses: lamour commevrit droite dunepart,lamourcomme vrit ct de lautre.Fusion,unit,engendrementet, linverse,sparation,chec,solitude.Commentpense lamour?

    aBelindaCannone

    La rvolutiondu dsirAprsune premirervolutiondescadresdu mariage,qui fitpasserdes mariages arrangsau mariagedamour,leXXe sicle a connudeuxchange-mentsmajeurs: lmancipa-tionprogressive desfemmes,quia assurleurautonomieet,avecla psychanalyse, lapromo-tiondu dsircommecompo-santessentieldunevie bonne.Cesbouleversementsnousobligent repenser lesrap-portsde lamour etdu dsiretsurtoutmettent malnotreanciennedfinitiondu couple,toujoursfonde,dans nosreprsentations,sur lide depermanence.

    aPierre ZaouiLamourcomme exercice

    Peut-onsexercer aimer? Laquestionheurte presquetouteslestraditions:la tradition anti-quedes artsdaimer,dabord,quiprodiguedes exercicesdes-tins biendavantage assurersapropresantet sapropredignitdanslusagedesplaisirs,quunvritable amourpourlautre,comme lamontrMichelFoucault; maistoutautantla traditionbiblique ducommandementdamour, quiprsupposeque lamourpuissesedcidercommeun devoir;ouencorela traditionromanti-que,quisoumetlaffectamou-reux unerceptivitetunaccueilradicalementpassifs etdontlauthenticitmme tient cettepassivit. Etpourtantcestpeut-tre la question,sinon laplus fondamentaledumoinsla plusconcrte,delamour: commentsexercerpourne pasperdretropvitesesforcesdamour?

    aJuliaKristevaLamourmaternel

    oulrotismede la relianceTandisque lescrisessocialesflattentle pouvoirmaterneldela Matroneuniverselle,cen-sesatisfairetousles besoinsetgranteefficace de lentreprise

    globalise,on peutsoutenirquilexisteun rotismemater-nel,quon appelleraune relian-ce,au carrefourentre biologieetsens,o lesmotions(datta-chementet dagressivit auftus,au bb, lenfant)setransforment en amour(ida-lisation, projet devie dansletemps,transmissiondu lan-gageet dela culture).Ona cruqueles femmesvou-laienttrelibresen semp-chantdtremres.Nousnousapercevonsmaintenantquelles veulenttrelibresdedciderdtre,ou non,mres.Beaucoupde cellesqui ledsirentfont volontiers appelaux maternitsassistes,sansprjugs.Pour lesentendre,nousnavonspas encoretrou-vle juste quilibreentrelcoutedela demandesingu-lire,les prouessesdessciencesetle momentthique prcisdela tolrancesociale.Cenestpas parce quela scula-risationest la seulecivilisationquimanquedediscourssurlematernel,que lesreligionsreclentlavritou latracede

    reliance. Enprouvantet enlucidantlevastecontinentdelamour,ce sontpluttlessymptmesde son refoule-mentdans notrehritage mta-physiqueque nousdconstrui-sons. Ilnousrevientdecrerdenouveauxlangages pourdve-lopperlcoutedelasexua-lit dela femme amante llu-cidationet laccompagnementdelrotismematerneldanssaspcificit.Sans quoilmanci-pationdes femmesest voue ntrequune idologiesansthique.

    aAlainFinkielkrautLpreuvedu temps

    Commentlamourpeut-il sur-vivre sonpropretriomphe,cest--dire lasuppressiondetouslesobstaclesquela socit

    metsurson chemin? Cettequestion,la littrature nyrpondpas, maisellelexplore.Cestpourquoielleestirremplaable.

    Lessensde lamour

    15heures ClaudeHagge, linguiste15h30CorinePelluchon, philosophe16heuresFabriceHadjadj, crivain,philosophe16h30 ValrieGrard, philosophe17heures Pause17h15-18h15Forum

    FranceBleuMaineVendredi16novembre,entre19heureset 20heu-res,missionspciale Amour toujours? surFranceBleu Maine(96.0auMans),prsenteparXavierRinaldiavecla participationde nombreuxphilosophesinvits du ForumLeMondeLeMans.

    FranceCultureLintgralitdes dbatsde ce24e ForumLeMondeLeMansdontFranceCultureest partenaire seradiffusesurlantennependantlt 2013, ettlchargeableen podcastsur Franceculture.fr.

    Pays de la LoireLA CULTURE EN MOUVEMENT

    www.culture.paysdelaloire.fr

    RgiondesPaysdelaLoire/Phovoir

    ForumphiloLeMondeLeMans

    EvnementorganisparLeMonde, lavilleduMans,luniversitduMaineet lassociationdesamisduForumphiloLeMondeLeMans,enpartenariatavecFranceCultureetFrance BleuMaine.

    Entrelibreet gratuite.Palaisdes congrsetde laculturedu Mans.Renseignements:Forumlemondelemans.univ-lemans.fret02-43-47-38-60.

    ForumanimparJean Birnbaum,responsableduMondedeslivres.

    aClaudeHaggeAmouret langue

    La gestuelle,notammentdesyeuxetdes mains, peuttenirlieudedclaration,maisil nestdemeilleuret plusadquatcanalpourla fairequeles mots.Lelangagede lamourestlelangagelui-mme,oulamourlui-mme,commeon voudra.

    aCorinePelluchonLunicitet le sensde lamourLamoursedistinguedela jus-ticeparce quela prfrencequilmanifestesoppose lgalitdetousdevantlaloiet que,enallantau-devantde laim, ildbordece qui,dans la sollicitu-de,ressembleencoreau devoir.Lamour peut-il avoirune signi-ficationthique? Pourrpondre cettequestion,il estncessairedepenserlunicitet lesensdelamouret deplacer le curseurnonsurlobjet, plus oumoinsaimable,de lamour,mais surlesujetqui estamour.Loinde tou-teoppositionentreamour-pas-sionet amour-vertuet detoute

    gnalogiede lamour partirdelgosme,cettedmarchevise faireapparatrelessencegnreusede lamouret exa-minersonrapportavecla cha-rit.Aimer,nest-cepas treau-deldesoi? Lavocationdelamour,nest-cepas de se diffu-ser,dtreamour delhumanit,desvivantsetde laTerre?

    aFabriceHadjadjDevoiraimer

    Onconnatla chanson:Aimez-vousles unsles autres.Onnous commandedaimer.Nest-cepas unemprise?Unautrerefrainne nousdit-ilpasquelamourestun oiseau

    rebelle? Pour sortirdecette

    apparente contradiction,cer-tainsont crubon dopposerErosetAgap, lepremierrelevant delapassion ignorantedes rgles,lesecond,de laccomplissementmmede laloi.Etsi lamourvenaitavecson propreordre?Sile sexe lui-mme,danssonlanle moinsmatris, conte-naitune exigencequele puri-tainaussi bienque lelibertairesefforcentde ne pas entendre?

    aValrieGrardUnequestion degographie?Tomber amoureux,cest dsirervivreune histoire,quil serapossiblede raconteret deseraconter.Mais silsagitdhis-toire, il sagitausside monde dumonde danslequelsinscritlhistoireet quellecre. Elleest

    eneffet dembleinsparabledesonlieu,deson cadre; cequiestdsiret chantcesttoutunmonde etcette inscriptiondonne lhistoiresa prcaritmaisaussi sa consistance.Etlorsquilarriveque lhistoiresetermine,sily a euquelquechose,et ce quilreste,cestunmonde.

    PROGRAMME

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  • 7/30/2019 Supplment Le Monde des livres 2012.11.09

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  • 7/30/2019 Supplment Le Monde des livres 2012.11.09

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    EtlagopolitiquefutrinventeParuen1976,Lagographie,asert,dabord,fairelaguerre,dYvesLacoste,asuscitdevastesdbats.Retoursursoninfluenceloccasiondesardition

    Manueldegurillagographique

    Lagographie,a sert,dabord, fairelaguerre,

    dYvesLacoste,LaDcouverte, Cahiers libres,246p., 20.

    Cest dactualit

    Bruit, fureuretdroitsdauteurLeshritiersde WilliamFaulknerviennentdannoncerquils poursuiventla compa-gnieSonyPicturesClassicpourune para-

    phrase,danslefilmMidnightin Paris, deWoodyAllen (2011),dune clbrecitationdeRequiempour une nonne (1951) :Lepas-sne meurt jamais! Il nest mmepasenco-repass. Satransformation,dansle film,en Lepassnestpasmort!Ilnestmme

    pasencore pass, constituerait une attein-teau droitdauteur. Ilsattaquentgale-mentla compagnieNorthropGrumman,spcialisedans la scuritet larmement,ainsiquele WashingtonPost,causedunepublicitutilisantune autrephrase deFaulkner: Nousdevonstrelibres,nonpar-ceque nousrevendiquonsla libertmais

    parceque nousla pratiquons. Lavocatdeshritiersfaitvaloir,dans lesecondcas,quelassociationdu nomde lcrivain unerclamepourun marchanddarmes nestpasdes plusplaisantes.Mais cestbienlepremierdossierquiinquite auxEtats-Unis,oles loissurle droitdauteur ren-dentdeplusenplusdifficilelesimplehom-mage.Aprstout, Faulkneravaitemprunt

    lexpressionlebruitetlafureurauMac-beth de Shakespeare.

    Aquiprofiteleclic?Enseptembre,on dcouvraitquunauteurdepremierplancommeRJ Elloryavait,sousdefaussesidentits,postsurlesiteAmazon.co.ukdes commentairesdithyram-biquesconcernant ses propresouvrages,ennoubliantpas dedzinguerau passagequelquescamarades de polar.Lenqutemenant Elloryavaitfinipar rvlerquilntaitpas seul pratiquercette forme par-ticulirede critiquelittraire (LeMondedeslivres du 7septembre).Enractioncetteaffaire,Amazona chang sesrgles,tablissantque des sentiments proposoude lapart dune personneou dune com-

    pagnieayant unintrt financierdans leproduit,ou dans un produitdirectementconcurrent () nesont pasautoriss trepublissur lesite(dansla versionfranai-se,on litquesontinterditesles revuescri-tespar unditeur/auteur/artiste (etc.) quil

    publie,crit, produiseou encore fabrique sic).Deuxauteurs amricains,Joe KonrathetSteveWeddle,ont dcouvertcette nou-vellergleaprs avoirvu supprimerdes cri-tiquesquilsavaientcritessurlesitedeventeen ligne,sous leurvritableidentit, proposde livresde confrres.

    Illgale,la fermeturedebibliothques?Consquencede la rigueurbudgtaireimposepar legouvernement britanniquedepuis2010,la fermeturede nombreusesbibliothques publiques(LeMondedeslivresdu 9septembre2011) pourraitbientreillgale.Cestentoutcas ceque sous-entendun rapportparlementairepubli le6novembre,olonnoteque certainesautoritslocales,soumises uneimportan-

    tepressionpourraliser desconomies,ontlabordes plans quine tiennentpas comp-tedes besoinslocauxen matirede biblio-thques,ni dela varitdes optionspossi-blespourles fournir,et risquentainside

    faillir leur devoir statutairedoffrir unservicede bibliothqueefficace etcomplet.Orle PublicLibrairiesand MuseumsAct(loisurles bibliothquespubliques etlesmuses)de 1964impose auxautoritsloca-leslobligationdoffrir tousce service.Les nombreuxcomitsbritanniques dedfensedes bibliothquespubliques necrientpas victoirepourautant, puisquelerapportparlementairerenvoie uneautreenquteen cours,sur leseffetscumulsdesfermeturesde cestablissements,quidoittrerendudici lafin de2014.Dansuncommuniqu,ilssoulignentque ceseratroptard.Des dommagesirrversiblesontdjt causs.Noustremblonsdimagi-nerjusquoles chosesserontallesaprsencoredeuxannesdecoupesbrutales.

    TwittratureDerniersjourspoursinscrireau premierfestivalde lafiction organissur Twitter:lespropositionsde sujetdoiventtrepos-tesavantle 15novembresur leblogdurseausocial (Blog.fr.twitter.com).Les parti-cipantssaffronterontdu 28novembre au2dcembre,et serontautoriss utilisertoutesles fonctionnalitsde la plateformepourraconterleurshistoireset ainsimet-trela narration lhonneur.

    Endpitdesapparenceslesplussoigneusemententretenues, les

    problmesde lagographieneconcernentpas quelesgogra-phes,loinde l,mais,en findecompte,tousles citoyens. Carcedis-courspdagogiquequestla go-

    graphiedes professeurs,qui appa-ratdautantplusfastidieuxquelesmassmediadploientleurspec-tacledumonde,dissimule,aux

    yeuxdetous, leredoutableinstru-mentdepuissancequestla gogra-

    phiepourceux quiont lepouvoir.()Lagographieest dabordunsavoirstratgiquetroitementli

    unensembledepratiquespoliti-queset militaires().Cesontces

    pratiquesstratgiquesquifontquelagographieest ncessaire,aupremierchef, ceuxquisont lesmatresdes appareilsdEtat.Sagit-ilvraimentdunescience? Aufond,

    peuimporte: laquestionnestpasessentielle,dslors quelonprendconscienceque larticulationdeconnaissancesrelatives lespacequestla gographieestun savoirstratgique,un pouvoir.

    Lagographie,a sert,dabord,

    fairela guerre,pages56-57

    DERRIRElappa-rente simplicit desontitre,ce sontplusieurslivresquerecleLa gogra-

    phie, a sert,dabord, fairelaguerre.Cestavanttoutunrappelacr desraci-

    nesmilitairesde ladiscipline,et delacarteen particulier,cettereprsenta-tion efficace mais coteuse delespace,qui nepeut treproduite,lorigine, quepar lesEtatset lestats-majors.Syajouteunecritiquetoutaussicinglantedela gographie des

    professeurs, mollientedans sesnu-

    mrationssans rflexion(relief-climat-vgtation-fleuves),qui ne produi-sentque desbribeshtroclitesdesavoirtout ennaturalisant,par ltudedesrgionsoudespaysages, lidolo-

    gienationale . Encela,louvrageconsti-tueun puissantantidote la nostalgiedelenseignementtraditionnelsi pr-gnanteaujourdhui.

    Toutcela pourraitdonner limpres-siondunpamphletrducteur,ne fai-santquattaquer oudconstruirela dis-cipline.Plusprofondment,on peutylireunlogede lagographie,rvlantsadimensionde savoirstratgiqueet,parl, mancipateur.Penserles-pace, lireunecarte,varierleschelles,cestressembler aux gurillerosqui

    matrisentles lieuxde leurlutte,linversedes paums qui ausens

    propre,ne saventplus o ils en sont .Onvoiticiletonmilitantdunlivre

    austylevivant,quinchappepastoujoursaux facilits,lorsquilsagit dedsignerdesadversairesou descibles(le pouvoirau singulier, quandcenestpaslaCIA etle Pentagone),maisfrappeparsonconstantsouciderflexivitetde critiquedu senscommun.pA.Lz

    Extrait

    Tranchesamricaines,guerredu Golfe,1992.

    SOPHIERISTELHUEBER,

    SRIE FAIT, MNAM-CCI/RMN

    Histoiredunlivre

    AndrLoez

    Le titre choisi par YvesLacoste pour le livrequilpublieen1976chezlditeur Franois Mas-pero, La gographie, asert, dabord, faire la

    guerre, sonne comme une bra-vade. Louvrage hrisse en effet lepetitmondedes gographesfran-ais, qui est prompt y voir uneentreprisede dmolition, tentati-ve caractrise de dmoralisa-tion, comme lcrivent alors les

    Annales de gographie. Le choixdes mots na pourtant rien dune

    provocation gratuite. Il dcouledune exprience de terrain, pen-dant la guerre du Vietnam. YvesLacosteyaenqut,lt1972,surles bombardements mens parlaviation amricaine; visant lesdigues du fleuve Rouge, ils ris-quent de noyer des centaines demilliers de paysans exposs uncoursdeau rehaussau-dessusdela plaine par ses alluvions. Uneobservation approfondie rvlealorsquelechoixdesciblesparlesstratges amricains ne doit rienauhasard,maisrelvedunensem-blederaisonnementsmlanttopo-graphie, hydrologie, localisationdespopulations,traversdessup-ports cartographiques. Autre-ment dit: les savoirs gographi-quesservent,trs concrtement, fairela guerre.

    Lesanalyseslafoissavanteset

    engages que mne Yves Lacostersultent dun itinraire intellec-tuel original, que lauteur lui-mme retrace dans la longue pr-face la nouvelle dition de sonlivre.Souscertainsaspects,sonpar-coursportetracedelatonalitmili-tantededcenniesfortementpoli-tises; ainsi, comme beaucoupdintellectuels de sa gnration, ilquittele PCFen 1956, aprs linsur-

    rectiondeBudapest.Sousdautres,il tmoigne de la prcocit dun

    intrtcroispourlagographieetlesenjeuxpolitiques,qui semani-feste dans les cours donns aulyce dAlger, au dbut desannes1950, maisaussi dans lardactionduntexteen collection Quesais-je? sur Les Pays sous-dvelopps(1959) et, enfin, dans lenseigne-ment luniversit de Vincennesaprs 1968. Il en rsulte une posi-tionunpeudcaledanslemondedelagographieuniversitaire,aus-si bien vis--vis de ses premiers

    matres,lesmarxistesJean Dreschet Pierre George, quau regard ducourantprincipalque cesderniersavaient commenc critiquer,luniversconformistedelagogra-phievidalienne.

    Car, davantage que la dmons-trationpar les bombardementsde1972, cest la rupture avec lhri-tage de Paul Vidal de La Blache(1845-1918)qui estlenjeudu livre.Aumilieudesannes1970,ladisci-plinegographiquereposeencoreen grande partie sur lhritage delauteur du clbre Tableau de la

    gographiede laFrance, gloiresco-lairede laIIIe Rpublique etinitia-teurdinnombrablesthsesdego-graphiergionale.Cestcontrelui,contresa rflexion, quiljuge bor-ne,etcontresoneffet,quilpensedltre dans les salles de classe,quYvesLacosteva promouvoirlafigure dHrodote (vers 484-425av. J.-C.), historien aussi bien quegographe et ethnologue, pen-seur,surtout,duconflitetdeladif-frence. Il baptise de son nom larevue quil lance, comme La go-

    graphie, en 1976 et chez Mas-pero. Avec pour sous-titre Strat-

    gies,gographies,idologies,Hro-dote publie dans son premiernumro les rsultats de lenquteralise au Nord-Vietnam, ainsiquun entretien avec le philoso-phe Michel Foucault, signe dudcloisonnement intellectuelquelleentend oprer.

    Cest, pour la discipline, unmoment crucial de bifurcation,comme lexplique le gographe

    Ren-Eric Dagorn: Cette priodevoit lapparition dHrodote, maisaussi de larevue EspacesTempsde

    Jacques Lvy : deux manires derintroduire lesconflitset lesdiff-rencesdchelle danslanalyse go-

    graphique. Ainsi, au-del de lanotorit immdiate du brlotdYves Lacoste, cest long termesa revue qui sera influente, asso-cielmergencedelagopoliti-que, mot longtemps banni dulexiquesavantenraisondesesusa-ges sous le IIIe Reich. Au tournantdes annes1970 et 1980, le termerapparat, loccasion du conflitentre Cambodgeet Vietnamcom-munistes, de la rvolution ira-nienne,ouencoredelaguerreIran-

    Irak, autant dvnementsquunegrille de lecture idologique stric-tementhritede la guerre froiderendaitinexplicables.Hrodote sesaisitalorsdecesenjeuxetchangede sous-titredans la foule, adop-

    tant en 1982 lactuel: Revue degographie et de gopoliti que,domaine dont elle est devenueune rfrence.

    Lintrt pour cette dmarcheest tout juste esquiss dans lou-vrage de 1976, qui comporte peudexemplesprcisouderflexionssurles conflitsou lesfrontires. Sicertains de ses arguments ontvieilli, ce que pointe lucidementlauteur dans les commentairescontemporains donns chaquechapitre qui font aussi lintrtdecettenouvelledition ,on y littoutefois des prfigurations luci-des de la mondialisation et dunecrisedialectiqueglobalededimen-sion plantaire, en lien avec ladestructionde labiosphre.

    On y dcouvre aussi toute lat-tention,aussiremarquablequelleestrare,quelauteurportelago-graphie enseigne dans le secon-daire, parce quelle est, sociale-ment, la plus influente. Et, si lavulgate scolaire quil pourfendaita largement disparu, on rve delire un texte qui discute avecautant dacuit critique ses ava-tarscontemporains.p

    Signalonsla parutionrcentedHrodote no146-147, La gopo-litique,des gopolitiques,

    LaDcouverte,332 p.,26,50.

    Ilpromeut la figuredHrodote,historien,gographeet ethnologue,penseurduconflitetde ladiffrence

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    JosyaneSavigneau

    P

    ierre Daix, qui a long-temps travaill avecAragon (1897-1982), apubli ds 1974 unebiographie de celui-ci(Seuil), plusieurs fois

    actualise et rdite (Flamma-rion et Tallandier). Depuis, tousceuxqui avaientvouluapprocherce quAragon dsignait commelavritdunmensongeavaientrenonc. Y compris Pierre Juquin,dont on attendait, en 2002, unAragon politique. Heureuse-ment, Juquin, lui, a reprisson tra-vail et publie une grosse biogra-phie, Aragon. Un destin franais,dont vient de paratre le premiertome, 1897-1939. Le second,

    194 0-19 82, s e ra p ub li e nmars2013. Il est videmmentdommage de ne pouvoir tout lire

    demble, et, en terminant les800pages de ce volume, on se ditquePierreJuquinna passu viterlcueilde touteentreprisebiogra-phique vouloirutiliser une tropgrande partie de sa documenta-tion. Nanmoins, pour qui sint-resse aux ambiguts, aux mys-tres et luvre imposantedAragon, la lecture est passion-nante debouten bout.

    La construction est subtile, nesuivant pas toujours la chronolo-gie. On dcouvre des documentsindits,onen revientaux textes,la parole dAragonlui-mme. Sur-tout, Juquin fait des hypothses,propose un point de vue. On estloin de ces biographies dites lamricaine, o ne manqueaucun dtail,mais o la rflexion

    faitdfaut. Ilnestplusdecheminpriv si lhistoire un jour y che-mine, crivait Aragon dans Le

    Roman inachev (1956). Juquinprend donc le point de vue delhistoire.

    Bien sr, il revient, comme unbiographe se doit de le faire, surdes sujets dj beaucoup traits propos dAragon. Sa naissancedabord on fait passer sa mrepoursasur,etsonpre,leprfetLouisAndrieux,pour sonparrain.

    Puis la priode surraliste, domi-ne par la figure dAndr Breton.Leurrupture,en1932,aprsquAra-gon eut rejoint le Parti commu-niste. Sur tous ces points, Juquinrenouvelle lapproche. Sur le der-nier,lui quifutcommunisteaussi,ne mnage pas son sujet: Ainsi

    Aragon prend-il fait et cause, sanshsiter, sans nuancer, pour le pre-mier procs stalinien qui ouvre laTerreur. Le mme Aragon avouabien plus tard avoir t incapable

    de dire, au retour de son premiervoyage en URSS,ce quil avait vu:lacrisedulogement,lemanquedetout,le marchnoir

    Ceux qui dtestent Aragon ontdj beaucoup insist sur toutcela. En revanche, on a souventmoins bien parl que ne le faitJuquin du prcoce et boulimiquelecteur qutait Aragon, de sadcouverte de Rimbaud et deLautramont, de sa folie dcrire Mme quand je nai pas lairdcrirejenefaisquemeprparerle faire , de son intrt pour lejournalisme que Breton mpri-

    sait oude sare-lation passion-nelle avec DrieulaRochelle, quiest ddicatairedu Libertinage(1924).Desesrela-

    tionsaveclesfem-m es a us si : l a

    Dame des Buttes-Chaumont, lariche hritire Nancy Cunard, etElsa, rencontre en 1928, pousedix ans plus tard, et devenue uninpuisablesujet littraire.Juquinrfute ce quil considre commeunelgende: lefait quElsa ait tmanipulepar leKGBpour appro-cher Aragon. Tout en reconnais-sant que ces services secrets ontutilis des femmes auprs deGorki ou de Romain Rolland, ilestime quElsa tait lpoquetrop pauvre, trop dmunie pourtreenrelation aveceux.

    Enfin, le grand mrite de cettebiographie avecnotammentunetrs intressante lecture philoso-phiqueduPaysande Paris (1926) ,est de donner envie de lire ou derelire celui qui disait Les mots

    mont pris par la main et rpon-dait ses dtracteurs: Commen-cezparmelire!

    Justement, si lon veut lire, ondisposedsormaisde latotalitdeluvre romanesque dAragondans La Pliade, avec la sortiedu tomeV, qui contient notam-ment trois livres magistraux, La

    Mise mort (1965) magnifiqueroman sur lambigut de liden-tit , Blanche ou loubli (1967) etThtre/Roman (1974).Jean Ristat,

    lgataireuniverselde lcrivain,ledit dans sa prface: Les troisromansquonva lireoureliresup-

    portent () une diversit dappro-ches,de pointsde vue, tant ilssontriches de sens. Polysmiques.Poly-

    phoniques. On peut sy promenerdans le temps comme dans uneville, sy perdre avec pour seul fildAriane une voix, la voix de celuiquicrit, quiscrit,scrie souvent douleur.

    Comme pour prendre congdAragon, Daniel Bougnoux, lematreduvre descinq volumesde ces uvres romanesques com-

    pltes, publie un essai, Aragon, laconfusion des genres. Sous l esigne dune phrase de La Dfensede linfini (1986) Jenesuisnilesrgles du roman ni la marche du

    pome. Je pratique tout veill laconfusion des genres , Bou-

    gnoux, dans ce texte trs person-nel, rend hommage lcrivaindontil soccupedepuis tantdan-nes, tout en essayant de com-prendre pourquoi celui-ci a tenuunetelle placedanssa vieet danssontravail.

    Il tente de cerner cette foliedcrire qui anime Aragon, sacroyance dans le pouvoir duroman,quilprfrelautobiogra-phie, affirmant sa volont deroman plusforteque legotdese raconter. Il observe les men-songes, les masques, le thme dudouble chez Aragon, la confusiondesgenres lafminit etlhomo-sexualit et, bien sr, la politi-que. Il avait mme envisag din-titulersonlivreLamourlapoliti-que. Au bout du compte, pour-quoiavoirpasssilongtempsaveclestextesdecethommequimar-

    chadedfi endfitouten longeantle mur indfiniment infranchissa-ble que nous oppose la diffrencede lautre, et plus spcifiquementcelledessexes ?

    Daniel Bougnoux donne larponse: Car disant moi-mmeses pomes () je mesure quel

    point leur rythmetombe gnrale-ment juste. Aragon travaillantavec et pour le souffle, ses pomesne sontnullepart ponctuset nenontpasbesoin.Cetteparolemri-tait quon passe des annes lafairerevivre.p

    Autobiographie excentreLeprix Femina delessaivientdecouronnerun ouvragealliantrcitautobiographiqueetrflexionsur lapsychanalyseet leth-nopsychiatrie,dontlauteurest unthoricienet unpraticiendelapremire heure.Servipar unecrituredunebellevitalit,

    Ethno-romanestla chroniqueintellectuelle dunegnrationetdunecommunautoublie,celle desjuifsdEgypte,dont

    lmigration engendraune diasporadiscrte.TobieNathanest nau Caire, en1948,dans unefamille delon-guelignerabbinique.Il ena hritle gotdusavoiret, dsladolescence,lisaitFreudavecla mmeferveurque sesanc-tresleTalmud.Ethno-romanestemplidesa gratitude lgarddeceuxqui linitirent laconnaissance, commencerpar sa

    mre : Posedanssa famillecommeun fragmentdintelligencepure, elle voulaitseulement apprendreetenseigner , crit-il.Ily ajoutala fureurde soignerrencontrechez delointainsgurisseursetaux ctsdeGeorgesDevereux,lefondateurde lethno-psychiatrie,auquellelia unpuissantetambivalentattachement,et dontil dressele portraitacr.Ethno-roman offre unevisionexcentreet captivante dumonde,soutenue parlincessantdsir devivre,dagiret dapprendre.pEglalErreraaEthno-roman, deTobieNathan, Grasset, 380p., 19,50.

    Philippe Labroraconte

    Les 50 toilesqui ont fait briller lAmrique

    De Marilyn Monroe Ernest Hemingway

    Crditphoto

    ricRobert

    Floraison tardiveVoyageur effar,/A moi-mmeenchan,/Trop pensifRobin-son,surunele dehasard. YvesMazagre, quifut mdecinetnavigateur,a longtemps attenduavantde publierune quin-zainedelivres, partir de1996: floraisontardive,pareille celle delagave,dontil faitson emblme.Lagavejubile sec/

    Dans lattentede sa couronnemortuaire , crivait-ildansMiseengarde. Lcrivain-voyageurGilles Lapouge prsentaitainsicespomesdaventures,damouret demort: Quiparledanscesmotset dovientcettevoix? Elleest rude,cruelle mme. Ellea longue mmoire.Elle estcontemporainedufond desges etdufond desocans. Lecteurde WilliamBlakeet desaintJeandela Croix, dHomreetde Lautramont,Mazagrepropose,dansLes AmantsdIthaque un roman-pome,unhom-magevibrant lasubtilePnlope,retrouvepuis disparue,laissant Odysseus, linconsolable, facedesombrespro-phties.pMonique PetillonaLesAmants dIthaque,dYvesMazagre,

    Editions Librairie-Galerie Racine,120p., 15.

    Sans oublier

    Le grand mrite de cette bioest de donner envie de lirecelui qui disait: Les motsmont pris par lamain

    a Unevieuneuvre:AragonAloccasiondu30e anniversaire dela mortdAra-gon,LeMondeconsacreun hors-sriedela collec-tionUnevieuneuvrelauteurdAurlienetduFoudElsa.Uneslectiondequelques-unsdesestextes lesplus importantspermet decom-prendreleparcoursdunhommequifutlafoisromancier,pote,essayiste,journalisteetmilitant.DescontributionsdeBreton, Eluard,Mauriac,Ferr,Juquin,Sollerslesituentdanssonsicle. pAragon.Le foudesmots,

    100p., 7,90, envente enkiosquespendant deuxmois.

    Critiques Littrature

    Aragon.Un destin franais,1897-1939,dePierreJuquin,LaMartinire,804 p., 29,90(enlibrairiele 15novembre).

    uvresromanesquescompltes,TomeV,dAragon,Gallimard,Bibliothquede laPliade,dirigpar DanielBougnouxavecPhilippeForest,1 616p.,69 jusquau28 fvrier2013,79 ensuite.

    Aragon.La confusiondesgenres,deDanielBougnoux,Gallimard, Lunetlautre,224p., 19,90.

    SignalonsaussiVertigedAragon,dePhilippe Forest,d.CcileDefaut,320p., 22.

    Lepremier tomedunepassionnantebiographiesignePierre JuquinestaccompagndesderniersromansdansLaPliadeetdessais

    Aragon,foudcrire

    Aragon,1977.MARTINEFRANCK/MAGNUM PHOTOS

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  • 7/30/2019 Supplment Le Monde des livres 2012.11.09

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    Lebluesetlerocksetransformentenmatireminemmentlittrairedanstrois livresformidables,quiracontentaussi ledestindesEtats-Unisausicledernier

    Lhistoireamricaine, faceB

    FeelLikeGoingHomeLgendesdu blueset pionniersdurocknroll,de PeterGuralnick,traduitde langlais(Etats-Unis)parNicolas Guichard,Rivages,Rouge,400p., 10.Lepremieressaimusical,datantde1971,dece critiqueethistorien.Dfilentbluesmenplus(Muddy Waters,SkipJames)ou moins (JohnnyShines,RobertPeteWilliams) illustres,un pianiste

    blancincendiaire(Jerry LeeLewis)et untimor(CharlieRich)pour clairerlalignequi mnedubluesau rocknroll.

    RservetaderniredansepourSatan(Savethe LastDance forSatan),deNick Tosches,traduitde langlais(Etats-Unis)par HlneFrappat,Allia,Petitecollection,128p.,6,20.Les dbutsartisanaux du rocknroll traversles liens,souventinsouponns,entrede petitslabels,dontlespatronssemblentdroitsortisdunfilm de

    Scorsese,etla pgre. Pourliconoclasteromancier,la corruptionpeutaussitreunmoteurdecrativit.

    BrunoLesprit

    Faux rocker et compositeursavant,Frank Zappaprtendaitqucrire sur la musique, cestcomme danser sur larchitec-ture.Levoicidmentipartroislivres peupls de personnages

    romanesquesetpicaresques,hrosetano-nymes,prouvantque lesunivers dublueset du rock se prtent la littrature. Le

    Pays o naquit le blues, Mmoires dAlanLomax,FeelLike GoingHome, portraitsdebluesmen et de rockers primitifs brosssavec finesse par Peter Guralnick, et R-serveta derniredanse pour Satan, prcisdeNickToschesautourdesmagouillesdelindustrie naissante du rock, offrentensembleunehistoire paralllede lAm-rique des annes 1930 au dbut desannes 1960, longtemps reste dans la

    clandestinit. Et la musique ces troisaccords et douze mesures du blues ndans la misre avant de rvolutionner leXXe sicle fournit laccs un mondeinterlope daventuriers, dartisans ou detruands,tous btisseurs.

    Au peuplenoir duDelta,crateur dunMississippi de chant qui, prsent, couledansla musiquedu mondeentier. Cest lautomnede sa vie, en 1993, que lethno-musicologue et chasseur de chansonsAlan Lomax (1915-2002) publie le rcit deses campagnes, menes dans les dcen-nies1930et1940.LatraductionenfranaisduPayso naquitle blues,rcompensparle National Book Critics Circle Awards,constitue un vnement. Dpch par laBibliothque du Congrs de Washington,souslimpulsiondeJohnLomax,sonpre,grand musicologue qui lui a transmis sapassiondelarchivage,ilfuteneffetleprin-cipal passeur du blues vers le mondeblanc, sillonnant le Deep South avec une

    machine de plus de 200kg pour archiverunartexclusivementoral,largementigno-r de ses contemporains, quil grava surdes disques daluminium ou dactate.Sonlegs a fait dire aumusicienBrianEnoque, sans Lomax, il ny aurait srement

    pas eu dexplosion du blues, ni Beatles niStoneset pasde Velvet Underground.

    Pourtant,ilsexcuseraitpresqueenpr-sentantson livre,mlantcarnets derouteetrflexions,parolesdechansonsetentre-tiens,comme un compte rendubientar-

    dif de (ses) tentatives personnelles pourpntrerces zonesde silence .Sonodyssedbute par une enqute sociologiquedans le comt de Coahoma (Mississippi),dont la principale localit, Clarksdale, estbien connue aujourdhui des amateurspour avoir abrit un gotha du blues. L,Lomaxseheurtelincrdulitdesdescen-

    dantsdesclaveset sattiredjdesennuisaveclapopulationblanche,qui sedeman-de comment ce Texan peut sympathiseravec ces ngres auxquels il donne du

    monsieur.Lomax largit son champ dinvestiga-

    tion le long de la levee, limmense diguequibordele Mississippi,ou deslignesfer-roviaires,danslesplantations,lestemplesbaptistes ou les pnitenciers commecelui,devenufameux, deParchman qui,crit-il,ressemblaient biendesgards

    des camps de concentration nazis. Ilexploreune terra incognita dansson pro-pre pays et invite, pour la premire fois,forats, mtayers, cheminots, prdica-

    teurs, chanteurs aveugles, femmes,enfants prendre la parole devant unmicro. Son pre, John, croyait au carac-tre globalement positif du systme su-diste. Lefils,lui, prendfaitetcausepourson sujet et finit par se demander com-mentFaulkneravaitpuresteraussiprovin-cial, reprochantlcrivaindavoirdlais-sdanssonuvre lamoitiduMississip-

    pi, peut-trela plusintressante : Avait-il jamais entendu une musique, des chan-sons telles que celles dcrites dans ces

    pages ? () Peut-tre que les Noirs gar-daient simplement leurs masques quandils lui parlaient. Peut-tre quil tait trop

    proccup par la doule ur de ses propresgens pour avoir le temps dessayer dedcouvrirce qui se passait dans les bidon-villesdeNgroville()

    Saquteluipermetdereconstituerliti-nraire du peuple du blues et de vrifiersesintuitions.Lomaxpart delhypothseque les traditions africaines dinterpr-tation ont survcu en Amrique. Lapreuve luiest fourniepar lestambours etles fltes de pan utilises par lorchestrede Blind Sid Hemphill. Progressivement,le secret de la crativitde cette musiqueluiapparat comme directementli lartdes griots. Ce sont ces formes rurales etancestrales que Lomax admire dans leblues.Biendavantageque sonavatarlec-triquedeChicago,naveclagrandemigra-tion des travailleurs noirs vers le Nordindustrielet dontMuddy Waters cimen-tale gros son la findesannes1940.En

    mtamorphosant limage du bluesman:LegarsquifaisaittapisseriedansleDelta,lemuletierquiseplaignaitdecequesafem-me lui avait fait du tort, endossait pr-sentle rle du poseur super-viril au costu-me impeccable, avec de largent dans les

    pocheset toutesles femmesde la ville sesbasques.Il clamait et criaitsa virilit dansdes chansons comme Ive Got My MojoWorking, Im Ready et Im Your HoochieCoochieMan.Ceschansonsledisaientclai-rement:laclasseouvrirenoireavaitgraviquelques chelons, depuis le boy du Sud

    profond jusquau Im a Man (Jsuis unhomme) du Middle West. Ce message fitbalancerlesclubsnoirs desannes1940,etctaitjustementce quela jeunessebritan-nique, en saffranchissant du contrle

    parental, voulait pour sa rvolution rockdanslesannes1950et1960.

    Cettetransition,du bluesau rocknroll,forme la trame de Feel Like Going Home,publi pour la premire fois aux Etats-Unisen1971eticirditenpoche.Biogra-phe dElvis Presley, Peter Guralnick four-nit rtrospectivement un complment

    idal aux mmoires de Lomax puisquilrencontre Muddy Waters, Skip James ouHowlinWolf dans les annes 1960. Leblues boom, quia permis ces figuresde toucher la jeunesse blanche des cam-pus,est endcrue.Les pionniers sontfati-gus,souvent convalescents,payant letri-butauxannesde nomadismeet dalcool.Lomax interrogeait des travailleurs dansleschampsde coton,Guralnick desmusi-ciens plus ou moins professionnels,mfiants et obsds par largent forcedavoir t grugs.Amers de ne pas avoirrecueillitous lesdividendesde leurmuta-tion lectrique ayant port le rocknrollsurles fonts baptismauxgrceaux labelsChess (Chicago) et Sun (Memphis) quidevaitrvlerElvis aumonde.

    Guralnick tient classiquement pourresponsable de la premire mort durocknroll, la fin des annes 1950, lascne de Philadelphie, rpute pour sesinoffensivesidolesadolescenteset sacor-

    ruption endmique par le biais du verse-mentde pots-de-vin aux disc-jockeysdesstations de radio. Nick Tosches a choisidclairerce contexteobscuravecRserve

    ta dernire danse pour Satan, extensiondun article paru dans le mensuel Vanity

    Fairen 2000. Lauteur dHros oublis durocknroll (Allia, 2000) prfre aux starslessecondscouteaux et lesmanuvriersdes coulisses. Les balbutiements du rockdans le triangle dor New York-Newark-

    Philadelphie fdrentses centres dint-rt, communautjuive italienne,produc-teurs vreux, bookmakers et mmemafieux,puisqueleslicencespourvendreles fameux juke-boxes Wurlitzer taientdtenues par une compagnie contrlepar Frank Costello et Meyer Lansky, lesdeuxplusgrandsgangstersde NewYork .Oui, rock et crime taient lis. Et Toschesde conclure, dans une fulgurance,dailleurs applicable au blues: Picoler,soudoyer,baiser,ctaitale rocknroll.p

    Desvendeurs decacahutesetdesmarchandsdetamales pi-csdu Mexiquecolportaientleursarticles. ()La frituredepoisson-chatsaffichait commedisponible chaquedevanturederestaurant.A lintrieurdesbars leDipsieDoodle,le RedWagon,le ChickenRoostet Cat-fishBills desjuke-boxesgmis-saientet tonnaient.Du blues,duspiritualbrlant,du jazzdouxetdu syncop(). Jtaissubmergparlmotion pro-fondedtre enfinpass souslefil barbelquimavaittoujoursspardesNoirs etde pouvoir,prsent,entrevoir lesvieslarrire-plande lamusiquelaquelle jeme consacrais.

    LePaysonaquitleblues,page48

    Ensuite,enplusdeleurabstractionpotique, lesparoles taient souvent vagueset difficiles comprendre.Les chanteursmangeaientlessyllabesoumarmonnaientlafindes verset lamauvaisequalitde lenregistrement,souvent vieuxde trenteans,accentuaitlemystre.Blind Lemon Jefferson, SleepyJohn Estes, JaybirdColeman,FunnyPaper Smith et BogusBenCovington: ctait desnomsbizarrestoutdroitsortisdunlointainpassdontnousne connaissions absolu-mentrien.Nous tionslesexplorateursdun paysinconnu.

    FeelLikeGoingHome,page33

    Ctait unepoquedinno-cencedu rocknroll jeveuxdiredeson incarnationdelin-nocence.Onpeutdaterlesdbutsde lgedor durocknroll 1945,quandlamu-siquenoire urbainebrancheadivergendeuxcourantsrvo-lutionnairesdistincts: le cou-rantfroid,pluscrbralet apol-loniendu be-bop,etle torrentplusfbrile etdionysiaquedurhythmnblues,dontlespionniersfurentdes brailleursdeblues propres lpoquecommeWynonieHarris. Cettepoqueduraunpeumoinsdedixans.ElvisPresleyenmar-qualafin ().

    Rserveta derniredanse

    pourSatan, page24

    LePaysonaquitleblues(TheLandWhere theBluesBegan),dAlanLomax,traduitde langlais(Etats-Unis)parJacquesVassal,Les Fondeursdebriques,672p.et 1CDaudio,35.DanslAmriquede laGrande Dpres-sion,AlanLomax collectedinnombra-blesenregistrementsde chansonset de

    tmoignages,afin de donnerunevoixauxsans-voix. Ila rassembllessouve-nirsde cesexpriencesdeterrainen 1993.

    Traverse

    Extraits

    Ces trois accordset douze mesuresfournissent laccs un mondeinterlope aventuriers,artisans ou truands,tous btisseurs

    Unephoto dAlanLomax: lemusicienEd Young,1960.ALANLOMAXCOLL.

    AMERICANFOLKLIFE

    CENTER,LIBRARY

    OFCO NGRESS.COURTESY

    OFTHECENTERFOR

    CULTURALEQUITY

    8 0123Vendredi 9 novembre 2012

  • 7/30/2019 Supplment Le Monde des livres 2012.11.09

    9/12

    ChangerdairUnejeunefemmesduisanteetamusanteestquittele mmejourparson mariet sonamant.Pourne rienarranger,sameilleureamie, Audur,enceinte dejumelles,se casselachevilledevantchezelleet luiconfiesonpetitgaronsourdetmuet de4ans, Tumi. Lesvnementssarticulentdansce roman selondeslogiquesironiques,maisla narratricene senformalisepas

    plusquecela.Cettesemaine-l,ellegagnegalementdeuxfoisdesuite laloterie. Uneseulesolution: partir,prendredesvacancesdten hiver aveclepetitTumi tropsensible,dli-cat, confiant.Son institutrice prtenddailleursque, siltaitunphoque,ilseraitle premier tretupar lesmleset narri-veraitjamais sereproduire.CommedansRosaCandida (Zulma,2010),onretrouvedans ce

    livreantrieurdAudurAvaOlafsdttirlegotde lafausse simplicitet des situationsfarfelues.Ainsiquecetteinquitude dela langue,toujourstran-gre,quiest uneautrefaonde direla solitude:lanarratricedeLEmbellie,polyglotte,esten fuiteavecun enfantquineparlepas.Dansceromande lamaternitpar hasard,tout sajusteexactement.Lquilibre,le jeudes chos,est toujoursparfait.Pourmieux troublerson lecteur.pNils C.AhlaLEmbellie(Rigning nvember),dAudurAva Olafsdttir,

    trad.de lislandaispar CatherineEyjlfsson,Zulma,398 p.,22 .

    Un pre et un ls servant au mme canon, aimant la mme femme,

    choisirent le dessin et la photographie, lamour et la littrature

    pour sublimer la guerre et survivre au massacre. Un captivant rcit.

    LENGAGEMENT RPUBLICAINET AMOUREUXLE PLUS EXTRAORDINAIRE

    DE LA GRANDE GUERRE

    Hesse,unevierebelleIlmanquait unebiographiemoderne etcompltedHermannHesse(1877-1962).Voille videcombl,cinquanteans aprslamortde lcrivain allemand,devenu suisse.FranoisMathieu,traducteur,critiqueetauteur, metenregardlapartpubliqueetlapartintimedece contemporainde ThomasMannqui,bienquemoinsaduldeson vivant,a crune uvrequia mieuxtra-versles frontireset letemps. Rebelle jusquedanssa longueetdfinitiveretraitedans un village duTessin, Hessea servide ma-tre penserau courantlibertairedesannes1970etcontinuedefascinerparla magiequi manede sesrcits.Son uvrefaitcer-testatdu processusde destructionde lacivilisationeuropenne,maiselle estaussianimepar leprincipede lesprance quilancredans unnouvel humanisme. pPierreDeshussesaHermannHesse, poteou rien,de FranoisMathieu,

    Calmann-Lvy, 540p.,25,50. Signalonsla parutionchezle mmediteur

    deLaLeon interrompue,cinqnouvelles deHesse traduites

    par EdmondBeaujon et prfacespar FranoisMathieu, 240p., 14,80 .

    Extrait

    Sans oublier

    CatherineSimon

    Les innocents ont lesmains sales ou alors,anevapastarder.Ainsidu hros de Vire aucrpuscule, lun desrcits de Nouvelles du

    pays: partideLagosavecungrou-pe de migrants, le jeune Nigrianfinit,gostement,parsouhaiterlamort de Patience, une va bene(prostitue)deBamako,quila crupouvoirprotger.On quittele gar-on, la fois bless et sali, emplidune terrible rancur. Le mal-heurnelapasmri.Maistoutcela(etplusencore)est racontdetellefaon, drle et froide, quon seprend souriredes dboiresde cenouveau Candide, qui se verraitbien,unefoisenEurope,enstardufootball,femmeblancheau bras.

    Les onzetextesqui composentNouvelles du pays, recueil subtilet cru de la romancire Sefi Atta,parlentduNigeria; ou,plusexac-tement, des habitantsdu Nigeria,

    qui se battent (contre Shell,contre leurs parents, contre lamisre),se dbattent(contreeux-mmes) et qui courent aprs lebonheur,lapaixoulasurvie.Cha-cun pour soi, le plus souvent. Lesuns vivent Lagos, les autres Londresou auxEtats-Unis. Ily estquestion damour, de ptrole, desachets dhrone, de religieuxtyranniques, de lendemainsdsenchants.

    Dans Dpouilles , une petitevillageoise illettre laisse claterson dsarroi: la belle vie estailleurs, la fillette le devine, maiscommenty accderalorsque,sou-miseaux rgles quilasservissent,ellene disposepas des mots pourschapper? Lassassinat dunechrtienne, brle vive par ungroupe de musulmans, la laisseperplexe. De mme, elle sedemande ce que va devenirFarouk,vendeurambulant,homo-sexuel notoire, le seul hommeduvillage avecqui (elleest) auto-rise demeurer seule . Pourquoicertainslinsultent-ils? se deman-de-t-elle. Innocente, elle aussi, lagamine estpersuadeque le petitamide Farouk,un homme mari,va finir par pouser ce dernier.

    Mais,dansce cas, lefuturmarideFarouk ne risque-t-il pas dtrecondamn mort parce quil nest

    pas fidle sa femme? , se tour-mentelingnue.

    Ne Lagos en 1964, Sefi Attaavait dj donn, avec son roman

    Lemeilleur reste venir(ActesSud,2009), une ide de son talent deportraitiste. Couronn du prixWole-Soyinka en 2 006, Lemeilleur racontait, travers le

    destin de deux jeunes Nigrianes,lvolution et les contradictionsdun pays gigantesque, profond-mentmarqupar laguerreduBia-fra(1967-1970), o se sontsuccdles coups dEtat militaires et lesrgimes dictatoriaux, les compa-gniesptroliresoccidentalescour-tisant tout ce petit monde sanstats dme.Le romansouvrait audbut des annes 1970 et sache-vaitau milieudesannes1990.

    Nouvelles du pays titre (pasfameux)de lun des rcits, donnau recueil fait un saut de plusdans le temps, poussant jus-quauxannes2000,avecescrocs lInternet (surnomms lesYahoo Yahoo) et filles dlu-res,quicouchentavecdegrosseslgumes,mais nenfontpas, pourautant, leur Monica Lewinsky,

    puisquellesacceptent, elles,sansrechigner,le statut de deuximepouse.Chaquenouvelleestunesquence-portrait: une courtescne suffit ramasser une vie,un milieu social, faire saillir letragique ou la drlerie duneexistence.

    Onsamusedudramevaudevil-lesque de ce carrossier de Lagos,assailli, un beau matin, par desfoules en dlire, convaincues quela Vierge Marie a fait son appari-tionsur un boutde pare-brise. Onfrissonne suivre lesgestesdunepasseuse de drogue, qui prendlavion, destination de Londres,le ventre plein de poudre. Onsourit devant la dsinvolturedune fillette qui accompagne ses

    parents, pre mde-cinetmreenseignan-te, faire la queue aubureau de limmigra-tion de La Nouvelle-Orlans, dans lespoirdobtenir la sacro-sainteGreenCard.Lesfemmessontici nom-

    breuses, timides ou dures cuire,de la vieille cash-madame deLagoslajeunebaby-sitterduNewJersey.Ellesdfilentsansfard,peu-plant cette tonnante galerie deportraitsde leursvoix singulires.

    IlyaduMockyetduBalzacchezSefiAtta, romanciredcalejustecequilfaut pourbienvoir etfairevoirsonmonde.Le ntre,biensr,en(trs)noiret (unpeu)blanc.p

    NicolasWeill

    Lintimit bien connuede lcriture avec lamort (en crivant, nousproduisons dembledes traces de ce quenous ne serons plus)

    peut amener lexprience litt-raire sonpointculminantquandcelle-ci emprunte le chemin quimneversles dfunts.Ce chemin,lcrivain isralien David Gross-mansyengageparuntexteinclas-sableen forme de rcit, de pomepolyphonique ou de chant fun-bre, et publie sans doute sonuvrelaplus singulire.

    Dans Tomb hors du temps, ilnest plus question de ce conflitisralo-palestinien dont Gross-man a t si souvent le chroni-queur,nimmedepolitiqueoudecombat,mais dune vocation desmorts qui se rattache aussi bien Homre qu Rilke, dont lin-fluenceest ici omniprsente.

    Certes,ces lignes sontinspiresparla perte dufils deDavidGross-man, Uri, tomb au combat le12aot 2006 au Liban, peu detemps avant son 21e anniversaire.Mais, ce qui frappe, cest plutt lesouci duniversalit, symbolispar le Centaure-crivain dont lefils disparu sappelle tout simple-mentAdam.

    En multipliantles personnagesde pres et de mres contraintsdenterrer leur propre progni-ture, lcrivain sefforce de crer,au moins parles mots, unecollec-tivit dhorim shekholim de

    parents en deuil de leurs enfants.Decetteexpression,existantdanslhbreu de la Bible, le franais nepossdepas dquivalent.

    Pomestle

    Le rythme des vers courts res-semble celui de pas accabls. Ilssonthachs,souventmonosyllabi-ques.Les enjambements systma-tiqueset lafractureentrela proso-die et la syntaxe qui en rsultematrialisent la cassure de lexis-tence, la perte irrparable et inac-ceptable. A mille lieues de la lan-gue de bois actuelle sur le deuil,tropsouventrduit unemaladiequipasseetunprocessusmcani-que, il sagit pour Grossmandavoir Peut-tre/ Trouv/ Desmots/ Pour le dire . Dire la mortdans un univers moderne sansrdemption ni rparation. Com-me chez Paul Celan, le pome eststle.Jamais consolation.

    Les figures qui peuplent laville du pome sont seulementesquisses,commepourleur don-neruneporteplusenglobante:leduc,lhomme,lafemme,lechroni-queur,lasage-femme,levieuxpro-fesseur de mathmatiques tousont en partage davoir perdu unenfant.Toussemettentenmarcheversunl-basimprobableoilsesprent entrevoir ce mort qui

    sature leur vie devenue solitaire.Ce rassemblement de la tristesseaide le pre aller au-devant dumort tomb nonseulement laguerremais horsdu temps quiestle ntre : Il est mort en aot ()/

    Commentvais-jepouvoirpasserenseptembre/Sachantquilvarester/

    En aot? Etlemiraclevaseproduire,bri-

    vement, dans lincertitude duneimage dessine sur une muraillequi soudain empche la progres-sion des marcheurs rfrencesansdouteaumurqui,selonleTal-mud, a trigparDieuentre lesprires des hommes et le ciel; cesprires lafoisvaineset indispen-sablesquelalittratureetlaposieportentseules dsormais.

    La traduction dEmmanuelMoses, passeur et crivain, unfamilier des potes isralienscontemporains, russit donnerune fluidit extraordinaire celivredifficile quona dela peinelcher une fois ouvert; une foisrentr par la lecture dans cettecommunautdu malheur.p.

    Elleavaitunecopine,auntieFlorence, quitenait unebouti-queauMammyMarket().Elle taitgrossede partout,maisdunez aumentonelletaitsplendide.Elleavaitde ceslvres,de cesdents,et labouchelaplusimpeccablequejaie

    jamaisvue, toujourspleine de BazookaJoe. Ds queje lavoyais,dsque jesentaiscetteodeur deBazooka Joe,jtais

    prisdune terribleenvie de lembrasser,de glisserma lan-guedans sa boucheet de luilcher les dentspendant unmoment (). Jtaisaussiattirparsesorteils.Jene pouvais

    pasmempcherde les regarder,mme silstaient disgra-cieux.Ils dpassaientdeslaniresde sessandaleset sesonglespaistaientcouverts devernisrosebrillant.

    Nouvellesdupays,pages293-294

    CommunautdesendeuillsDavidGrossmanvoquelamortdesonfilsdansuntexteinclassable

    Critiques Littrature

    Les femmes dfilenticisans fard,peuplantlelivre de leurs voixsingulires

    Nouvelles dupays

    (NewsFromHome),deSefi Atta,traduitde langlaisparCharlotteWoillez,Actes Sud,368 p., 23 .

    Tombhorsdutemps

    (Nofelmihutz lazman),deDavidGrossman,trad.delhbreuparEmmanuelMoses,Seuil, 204p., 17,50.Signalons,dumme auteur,traduitsparSylvieCohen,laparution enpochedUnefemmefuyantlannonce,Points,782 p., 8,90, et du Livredela grammaireintrieure,Points,522 p., 8,10.

    Enonzenouvellesdrlesetcrues,laromancireSefiAttabrosseleportraitdcaldeshabitantsdupaysdontelleestoriginaire

    Nigrianstouslesvents

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  • 7/30/2019 Supplment Le Monde des livres 2012.11.09

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    Breflogedelinessentielprodigieux aDu9 au11novembre: traduireenArlesTrois jours dateliers,dbats etlecturesautourde traduirelepolitique. Lepointdorguede ces9es Assisesde latraductionlittraireen Arles seralarencontre,le 11novembre,avecValreNovarinaet ses traducteurs.www.atlas-citl.org/fr/assises.htm

    aDu9au11novembre:SalondulivredeChaumontRobertBober,LydieSalvayre,AlainVeinsteincomptentparmilesinvitsdu10e Salondu livrede Chaumont-sur-Loire(Loir-et-Cher).www.ville-chaumont.fr/salon-du-livre

    aLe 12novembre:hommageCatherineLprontMyriamAnissimov,RendeCeccatty, GillesLeroyou encoreAntoine Volo-dinerendenthommagelaromancire et essayistedisparuele19 aot.

    Maisonde lAmriquelatine

    (Paris7e). A 19heures.

    01-49-57-75-35.

    BIENSR,il fautsattaquerauxgrandesquestions,aux vraispro-blmes,se confronteraux mena-cesdelheure,cellesquiseprofi-lentpourdemain.Et lalistenenfinitpasdelagopolitiqueauxfinances,des technologies au cli-mat, desdominations labiodi-versit,sans parlerdes humanitsplusieursvitessesSilfallaitseulementdnombrersujetsessentiels et interrogationssrieu-ses qui exigentnotre attention,quelquesnumros duMonde suf-firaient peine.Cette chroniqueseraitdoncdjfiniealorsquelnumrationne feraitque com-mencer.Alorsquejesouhaiteaucontraireparlerdun autregenredeproccupations futilesenapparence,dpourvues durgenceaupremier regard,malgrtoutprodigieuses.

    Leprodige,selonla belle for-mulede lespagnolManuel Cha-ves Nogales, nestque laconfron-tationdes messimplesaveclab-

    surditdu monde .Cesren-contresfortuiteset phmrespassentpourbanales alorsquellesse rvlentdestructrices,incisives,voire grandioses, dsquelesmotsqui conviennentarri-ventpourlesdcrire. Quevoit-onalors? Parexemple: unbourgeoisconformistecontempleunephotodeluijeuneenrebellesansconcession,et nesaitplussi cestlui-mme,ouunautre,quilasouslesyeux.Oubien:unhom-meneconnatmmeplussonnom,seretrouveaccusdecrimessanscomprendrece quilui arrive,finitparseremmorerlevieuxmeurtrequila commis,justeavantdentendrele verdictquilinnocente.Ouencore: iciunanciencombattantest persuaddtremortetderversaviedechaqueinstant, lune prostitueaveugleseconvaincquellenaquunseul amant.

    Figuremarquantede lapresseespagnole de lentre-deux-guer-

    res,Nogales(1897-1944)ne futpasseulementdirecteurde grandsquotidiens,journalisteengag,auteurde reportagesmmorablessur lURSSet lAllemagnenazie.

    Histoiresprodigieuses,recueildetextesbrefs, lhumourfroid,affirmeun crivainsingulier,unesortedhybridationbaroquedAm-brose Bierceet deFlixFnon.Aufil dercitsimprvisibles,truf-fsde malentendusparfaitset deretournements brusques,il ap-portetout autre chosequundivertissement uneleondemtaphysique,en unsens.

    Gestesinfimes

    Petit petit,elleferait dcou-vrircombiendesincongruitsobs-curespeuventdirece quesontetlemondeet lhumain. Elleensei-gnerait observer laloupelesgestesinfimes de personnagesanonymes,en y rencontrantlesnigmesde lexistencecommeautantde vertigesinfinis. Cette

    leon insisteraitsurce prodige: ctdes interrogationsmajes-tueusesqui simposentcommeinvitables,nousnepouvonsninedevonscarterles scoriesopa-quesdesexistencesmodestes,lescristouffs,gorge noue,lesritournelles idiotes,les grainsdesabledes destinsmicroscopiques,lestragdiessansacte.Lseconcentrenten effet,rduitsleurplussimple expression,devastesmondes.Quand uncri-vainsemploie lesramener lasurface,pouren laisserchacunjuge,il poursuitvidemment,minederien,une destchesmajeuresde lalittrature.p

    Figures libres

    DenisPodalyds

    de la Comdie-Franaise

    Terreetordurenourricires

    Agenda

    A titre particulier

    dEricChevillard

    Surlepointdeseffondrer

    ONDOITAUXDITIONSALLIAnombrede textesaudacieuxetmarginaux,brlantles planches quonse souvienneseule-mentdu troublantRapportsur moi,de GrgoireBouillier(2002).Il fautsaluercet diteur,sonidede lalittrature,sonindpendance,et jusqulenveloppequil lui offre,son choixdetypographie,son format,sa percussion.Ses livresviennentseplanterdans lepaysagelittrairecommedesflchesacresetvibrantes,faisantde bellesentailles.Quonenjugepar deuxouvragesquil vientde publier.

    Unhommeprenddelaterredanssesmains.Ilditqu ilssonttousun peucommea,un peude cette terrequonpeut

    prendre,serrer, effriteret laisserse rpandreau sol, qui feraitunesortedetasduquelilfaudraitvoir sion arrive faireunechosequisortede lordinaire. AinsicommenceNi ce quilsesprentni cequilscroient.

    Parune rudenuit dhiver,sur unmystrieuxchantiercerndnormesengins,quatrehommes,dontlesnomsfontlesper-sonnages,HisMajesty,Hads,LowetMaroubi,lenarrateur,veu-

    lentrcuprerouvolerdugasoilpourlerapporterlaCure,leurbase.Dessoldats?Destruands?Desouvriers?Onhsite,onvattons.Uneviolencesourde,clatantparfoisschement,faitlefonds deleur trangesocit.On nesaura jamais doilsvien-nent,cequilsfont,ce quilssont,en queltemps, quellefin.Ilsresterontobscurset mls,commeextraitset ptris decette terremalaxe lapremirepagede cetrs courtrcit,terrequi obsdeettravaillelanarration:et jaiditsr quondevraittousavoirmislesmainsdansla terreau moinsunefois,poursavoirdequoionparle,etsiasetrouvelafin, ()onseraitjustetentsde setairepourregarderle mondeseffriterlentementautourde nous.

    Lestyleouvrag,traant,dElieTreese,nous emmneetnouscontientdansle mmeparagenoiret fantomatique,enfaisantjaillir etl, comme unefuseclairante,une mta-phore,un trait,unefureurquidchirentun instantlanuitet sti-mulentle gotdulecteur,attir,entrandansce huiscloscielouvert,dontlnigmepersiste,alorsqueles sensations,lesimages,se fonttoujoursplustranchantes.Ne serait-ce pasundeces rves dtaills,prcis,quonmne etsubittour tour,blocobscurchusouslaplumedelauteur?Danscebloc,Treeseparvient tailler, informercettechosequisort delordi-naire, untextedru,dunerelleforcedramatique.

    Uneironie laSwiftLafarcissureestlactionde farcir.Au pluriel,ce sontproba-blementles propositions,farcies et farcesques,contenuesdanslesecondlivrepublichez Allia,pourrsoudrele problmedelordureprolifrante. Laprolifranteet trsriche prosede Fran-oisTisonendressele gigantesqueet mphitiquepaysage,nousfaisant avidementvoir, parexemple, lenversdes couchesde glaceo gtun continentdimmondices agglomres,dou-blurepourrissanteque le mondeconsumristesest lui-mmetaille.

    Lapparenterigueur scientifiqueet juridiquepar laquellesedploieet sedverseladmonstrationproduitune ironie laJonathanSwift: lauteur suggreriende moins quun recyclageparremise aucentre,etnon la priphrieou dans lescaves,etmmeune rabsorptionde toutela souillure, retraite ainsijus-qu pouvoir rtablirlordure sonorigine .Mangersonpro-preanus.Se rapproprierlesmorts.

    Lalanguede FranoisTisonestsi heureuse, charrieret dtaillertoutela merde dumonde,quonse demandesi ellenefinitpas parraliserson impossibleprogramme.Offrantinfine unpetitbijoude proseinsolenteet perverse.p

    Le feuilleton

    Commentattirer lewombat,

    deWillCuppy,traduitde langlais(Etats-Unis)parFrdricBrument,Wombat, LesInsenss, 192p.,18 .Signalons,dummeauteur, laparutionenpochede Commentcesserdexister, traduitde langlais(Etats-Unis)par BatriceVierne,RivagesPoche, 160p., 7,65.

    Roger-PolDroit

    Envoyez vos manuscrits:

    Editions Perse29 rue de Bassano75008 Paris

    Tl. 01 47 23 52 88www.editions-persee.fr

    Les Editions Perserecherchent

    de nouveaux auteurs

    Lewombatestunmarsupialtouten fourrure(du vison gris), unesorte de koala souterrain etfouisseur dont la poche ven-trale souvre vers le bas afin dene pas se remplir de terre et de

    cailloux quand il creuse ses galeries. Ilexiste bel et bien, vous pouvez vrifier(dans votre dictionnaire plutt que dansvotrejardin,lanimaltantuncitoyenaus-tralien peu migrateur). Au reste, WillCuppy ncrivait quavec le plus grandscrupuleet vousne leprendrez jamaisendfaut sur un point dhistoire naturelle.Fuyantlacompagniedesessemblablesengnral et celle dautrui en particulier, ilaimait promener ses pas dans le zoo duBronx avant de rejoindre son apparte-mentet desy calfeutrer,ses livres redou-blant sesmurs, crivantdansla nuitpourle Herald Tribune ou le New Yorker deschroniques humoristiques, animalires

    ou historiques, quil publiait rgulire-ment en recueil (Comment reconnatrevosamisdes grandssinges,Rivages,2007;Grandeur et dcadence dun peu tout lemonde,Wombat,2011).LongtempsilavaitvcuenermitesuruneleausuddeLongIsland, dans une masure baptise Totte-ring-on-the-Brink(surlepointdeseffon-drer).Les misanthropes ne saimentpasbeaucoup non plus. Il ny a pas de raisonde faire une exception. En 1949, WillCuppycrivitCommentattirerlewombat,puisilse donna lamort.

    Les souris domestiquessont de petitescraturesloyales.Ellesrestentavecvousjus-qu la dernire miette, nota WillCuppyen 1949 et, le 8septembre de la mmeanne, il avala tant de somnifres quildort encore aujourdhui. La carapace delhumoristepourraitbientre identiquecelle dutatou.Tandisque celui-cise fli-cite dtre si bien protg par le haut, cer-tains autresmammifresle renversent sur

    le dos et se paient un bon gueuleton detatou cru. Car ce que nous comprenonssoudain en lisant le grand Will Cuppy,cestquilnestpasincompatibledcrire:Comme les coccinelles sont rondouil-lettes et poteles,certainespersonnes pen-sent quelles feraient mieux de porter desrayures,etdeconsidrerque