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SUR ALIENOR.ORG Ll réseau Alienor regroupe à ce jour 41 musées en Poitou-Charentes, L'ensemble des acteurs de ce réseau oeuvrant ensemble à la mise en aleur de leurs collections via les nouveaux réseaux de communication. Le site alienor.org propose ainsi régulièrement des expositions virtuelles composées à partir des ressources des musées du réseau. Sept oeuvres de Camille Claudel au Musée Sainte-Croix de Poitiers Le Musée Sainte-Croix de Poitiers possède la deuxième plus importante collection publique d'oeuvres de Camille Claudel en France. Pas moins de sept sculptures de cette artiste virtuose, longtemps restée dans l'ombre de Rodin, peuvent être admi- rées au musée de Poitiers. Représentatives de sa carrière et témoins privilégiés d'une vie oscillant entre passions et déceptions, ces sculptures - dont certaines sont reproduites en 3D - sont à découvrir dans le cadre d'une nouvelle exposition virtuelle sur le site alienor. org. http://www.alienor.org/publications/claudel

SUR ALIENOR · VIENNE CAMILLE CLAUDEL AU MUSÉE SAINTE-CROIX témoigné une fidèle amitié jusqu'à sa propre mort en 1938. Ce premier noyau de collection Claudel a ensuite été

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Page 1: SUR ALIENOR · VIENNE CAMILLE CLAUDEL AU MUSÉE SAINTE-CROIX témoigné une fidèle amitié jusqu'à sa propre mort en 1938. Ce premier noyau de collection Claudel a ensuite été

SUR ALIENOR.ORG

Ll réseau Alienor regroupe à ce jour 41 musées en Poitou-Charentes,

L'ensemble des acteurs de ce réseau œuvrant ensemble à la mise en aleur de leurs collections via les nouveaux réseaux de communication.

Le site alienor.org propose ainsi régulièrement des expositions virtuelles composées à partir des ressources des musées du réseau.

Sept œuvres de Camille Claudel au Musée Sainte-Croix de Poitiers Le Musée Sainte-Croix de Poitiers possède la deuxième plus importante collection publique d'œuvres de Camille Claudel en France. Pas moins de sept sculptures de cette artiste virtuose, longtemps restée dans l'ombre de Rodin, peuvent être admi­rées au musée de Poitiers. Représentatives de sa carrière et témoins privilégiés d'une vie oscillant entre passions et déceptions, ces sculptures - dont certaines sont reproduites en 3D - sont à découvrir dans le cadre d'une nouvelle exposition virtuelle sur le site alienor.org.

http://www.alienor.org/publications/claudel

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COLLECTIONS

Poitiers

Camille Claudel •

au Musée Sainte-C ro1x Il est plus que légitime d'être surpris lorsque l'on apprend que les Musées de Poitiers exposent la deuxième plus importante collection publique d'œuvres de Camille Claudel - la première étant celle détenue par le Musée Rodin à Paris. La richesse inattendue de ce fonds de sculpture est le fruit d'un heureux hasard de départ, ensuite conforté par une politique d'achat éclairée et vigilante. Histoire d'une collection.

• Texte : Soph ie Bozier, diplômée en histoire de l'art

Pour comprendre la présence des œuvres de Camille Claudel au Musée Sainte-Croix de Poitiers, il faut remonter au début des années 1950, lorsque le collectionneur

parisien André Brisson souhaite se dessaisir d'un ensemble de tableaux et de reproductions en bronze, réunies tout au long des 40 années précé­dentes. Sans descendance, il invoque la présence d'un lointain aïeul poitevin dans son arbre généa­logique pour entrer en contact avec Marc Sandoz, conservateur du musée de Poit iers. Au terme de plusieurs années d'échanges et de tractations parfo is délicates, les œuvres sont accueillies en juin 1953 , dans le cadre d'une convention de bail, assortie d'un legs testamentaire. La col lection comprend de nombreux tableaux (Vuillard , Bonnard , Boudin , Guigou, Lehmann, pour n'en citer que quelques-uns), ainsi que deux statuettes en bronze de Rod in, quelques Maillol , et trois œuvres de Camille Claudel : La Valse, L'Abandon, La Fortune. Pour constituer sa collec­t ion , André Brisson a vraisemblablement bénéficié des avis d'Eugène Blot, lui-même collectionneur, éd iteur de bronzes, galeriste réputé, marchand d'art et fervent admirateur de Camille Claudel , dont i l a soutenu la carrière , et à laquelle i l a

Cet article a été in itialement rédigé pour le site www.alienor.org (voir pages Expos - p94)

VIENNE CAMILLE CLAUDEL AU MUSÉE SAINTE-CROIX

témoigné une fidèle amitié jusqu'à sa propre mort en 1938. Ce premier noyau de collection Claudel a ensuite été renforcé par la mise en dépôt de La Niobide blessée en 1984, puis par les achats du marbre de Profonde Pensée, du chef-modèle à cla­vettes de cette œuvre, et enfin , en 2000, de la terre cuite de la Jeune femme aux yeux clos .

Les débuts d'une œuvre personnelle En abordant la sculpture de Camille Claudel, il est difficile de ne pas chercher les multiples passe, rel les qt1i corrèlent sa vie et son œuvre. Bien qui soit dommage de réduire cette artiste aux épi­sodes les plus tragiques de son existence -c là même qui ont par ailleurs partiellement favorill sa redécouverte à l'aube des années 1980 -1 n'en reste pas moins vra i que l'acte créateur, Camille Claudel , est étroitement subordonné à états d'âme, aux aléas de son parcours, à I' fiévreux et passionné qui l'habite. Malgré le peu d' informations jusqu'à mainte collectées sur son enfance, et sur le rapport e tenu avec le modelage dans son extrême jeu il ressort néanmoins des éléments biograph' connus qu'elle est attirée très tôt par la seul Son talent, encouragé par son premier ma Alfred Boucher, à Nogent-sur-Seine, la jusqu'à la capitale alors qu 'elle n'a que 17 ans.

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>» paraît pourtant évident que dès cette période, la volonté d'être sculptrice est ancrée profondément en elle. Bien que sa formation initiale ait été empreinte d'un certain classicisme, la jeune femme témoigne très tôt d'un goüt pour le naturalisme, le rejet de l'accessoire ou de l'anecdotique - qui rattache sa démarche à celle de Rodin. Même une œuvre de jeunesse comme La Jeune femme aux yeux clos est déjà pétrie de cette force et de cette intériorité qui part icipe de sa signature artistique. Avec cette figure féminine, Camille Claudel se détourne de toute tentation complai­sante. Aucune afféterie dans la traduction de ce visage aux méplats accentués, à l'ossature fer­mement dessinée, au menton expressivement projeté en avant. Le regard voilé par les paupières n'évoque pas davantage un retrait pudique, une quelconque rêverie, mais bien plutôt une forme de tension intérieure, une façon de ramasser l'énergie, comme on referme le poing. Ce buste, dans lequel i I est parfois tentant de chercher les traits de l'artiste, n'a pourtant rien d'un autoportra it

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La Fortune, 1900-1904 - bronze (fonte Blot, 1905).

au sens le plus strict du terme . Elle s'est prêtée à l'exercice du portrait avec des membres de sa famille (sa sœur Louise, son frère Paul) ; elle le fera à l'occasion de quelques commandes. Mais ici, cette Jeune femme aux yeux clos semble incarner avant tout une volonté, celle d'affirmer une vocation, un besoin expressif de créer, et d'être reconnue dans cette création . C'est tout l'enjeu de sa relativement brève carrière.

L'élève et son mentor Le classicisme d'Alfred Boucher ne consti tue que la première influence de Camille Claudel. Sensible aux courants artistiques de son temps, la jeune femme emprunte également à l'Art Nouveau (res­senti , par exemple, dans le drapé évoquant un enroulement floral, qui épouse comme un lierre Je corps de la danseuse dans La Valse), au japo­nisme qui inspire ses œuvres des années 1890 (comme La Vague ou Les Causeuses) . L'exemple de l'influence de Rodin est à la fois plus manifeste et plus complexe. Si l'œuvre de Camille Claudel est indissociable de celle de Rodin, la ligne de partage entre l'enseignement >»

Signature sur la roue. (détail).

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»> que la jeune femme a retiré des leçons du maître et l'apport plus personnel de sa sensibilité artis­tique, n'est pas toujours si facile à tracer. Le journaliste Mathias Morhardt relate l'anecdote de la surprise de Paul Dubois, directeur de !'École des Beaux-Arts, confronté aux premiers mode­lages de Camille à son arrivée à Paris. « Vous avez pris des leçons avec Monsieur Rodin », se serait écrié Paul Dubois, alors même qu'à cette époque, il semble que les deux artistes ne se soient pas encore rencontrés. Peut-être Morhardt prend-il la liberté d'embellir la vérité pour surligner ce que certains appelleront une rodinité autodidacte. Mais au-delà de l'osmose manifeste entre Rodin et Claudel - vraisemblablement nourrie par la passion amoureuse, le travail et l'i nspiration en commun, voire certaines œuvres partagées, com­posées à quatre mains - i l existe des distinctions notables. La comparaison d'un groupe comme L'Abandon avec d'autres couples sculptés par Rod in en offre une lecture intéressante , car dans le cas où les sujets ou l'inspiration sont proches, l'esprit dif­fère sensiblement. On a souvent opposé une forme de hardiesse assimilée au modernisme chez Rodin, à un senti­mentalisme plus traditionnel chez Claudel. Paul Claudel en donne une lecture tranchée : « Dans Le Baiser, l'homme s'est pour ainsi dire attablé à la femme. Il s'est assis pour en profiter [ ... ]. Dans le groupe de ma sœur, l'homme à genoux n'est que désir, le visage levé, il aspire, il étreint avant qu'il n'ose le saisir. Elle, cède, aveugle, muette, lourde, elle cède à ce poids qu'est l'amour ... [ ... ]. Il est impossible de voir rien à la fois de plus ardent et de plus chaste ». 11 est d'ailleurs à noter que les études préparatoires de Sakountala montrent un couple plus étroitement enlacé, une étreinte corporelle plus franche, qui

ARCADESl1 3

La Niobide blessée, 1886-1906 - bronze (fonte Blot 1907).

a ensuite cédé le pas à une composition plus vir­tuose. L'Abandon est également souvent comparé à tterne//e Idole, comme des sculptures présen­tant la plus proche parenté. Peut-être existe-t-il en effet une sorte de rappel dans le schéma de composition, mais le groupe de Camille Claudel exprime davantage d'échange, un état d'âme partagé, ce que le cri­tique Louis Vauxcelles nomme une indicible ten­dresse - quand Rodin, par ailleurs, avoue par ce groupe une dévotion masculine, un état de sujé­tion amoureuse, qui ne sont pas inintéressants pour reconsidérer la relation des deux artistes à l'aune d'une fusion véritablement partagée, et non pas unilatérale, comme le fruit plus ord inaire de la vénération d'une élève pour son mentor. Pourtant, contrairement à l'univers de Rodin, la sentimentalité, voire la suggestion de la volupté, demeure toujours en retenue, chez la sculp­trice - le couple de L'Abandon ne se regarde pas, non plus que les deux danseurs enlacés de La Valse.

Rupture avec le maitre Le traitement anatomique est assez bien différen­cié entre Rodin et Claudel. Les corps puissants et parfois presque noueux de Rodin - sans doute en partie redevables à l'art de Michel-Ange - ne se retrouvent pas à l'identique chez Claudel, qui pri­vilégie quant à el le une musculature moins osten­sible, revêtue d'un modelé plus lisse, qui adoucit les saillies des articulations, de l'ossature. Et là où Rodin façonne des formes pleines, char­nelles, d'une expressive densité, on découvre dans quelques œuvres de Claudel une tendance inverse à l'évidement de la matière, une façon de cerner le personnage d'un entremêlement com­plexe qui joue avec un volume traité en creux, en manque (voir l'écheveau enchevêtré qu i >»

Profonde pensé 1898-1905 - bronz

(fonte Blot, 1905

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Au Musée Sainte-Croix de Poitiers, une salle de l'exposition permanente est réservée aux œuvres de la collection Camille Claudel.

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>» enveloppe la Clotho ou certains traitements de chevelure - une version primitive de l'implorante, ou encore La petite Châtelaine). D'ailleurs, l'enjeu de la période qui succède à la séparation d'avec Rodin, vers 1892, va consister pour Camille à s'affranchir de la tutelle du maître, qui éclipse sa jeune carrière, même sans le vou­loir. Ce désir d'indépendance est très expressive­ment décrit dans un courrier adressé par la jeune femme à son frère Paul en décembre 1893 ; elle détaille quelques projets, assortis de croquis, et conclut sa lettre d'un « tu vois que ce n'est plus du tout du Rodin ». Cette phrase constitue le pos­tulat de ses créations à venir, en même temps que le départ d'une obsession. Mais ce qui distingue peut-être plus fondamen­talement encore les deux artistes, relève d'une question assez essentielle de composit ion.

Un travail d'équilibriste Chez Rodin, les personnages seuls ou les groupes sculptés sont souvent caractérisés par une sta­bilité de posture, une sorte de solidité, qui n'est absolument pas synonyme d'immobilisme. En effet, comme dans L'Éternel Printemps, le sculp­teur confie ensuite la dynamique de l'œuvre à une gestuelle volontiers un peu théâtrale, qui projette expressivement bras et jambes dans l'espace. Même ses travaux autour du thème de la danse, lorsqu'ils érigent un personnage sur la pointe d'un pied pour une arabesque parfaite, n'enta­ment pas cette constatation : dans l'exemple de Mouvement de danse A, le pied de la danseuse

VIENNE CAMILLE CLAUDEL AU MUSÉE SAINTE-CROIX

est si fermement ancré dans le sol qu' il ne pour­rait en aucune sorte remettre en cause l'aplomb de la figure. A l'inverse, les sculptures de Camille Claudel semblent questionner les limites, dans la recherche d'un déséquilibre qui explore ses extrêmes : centres de gravités désaxés, corps ployés vers l'avant, soumis à des torsions du buste, personnages emportés dans d'impossibles vertiges hélicoïdaux. Ces positions instables obligent l'artiste à de savants rééquilibrages des masses, qui confèrent néanmoins à l'œuvre un caractère de précarité très caractéristique de l'univers de Claudel. Le mouvement est intériorisé, dans cette quasi-rup­ture avec les lois conventionnelles de l'équilibre, dans la virtuosité avec laquelle les figures défient les règles de la pesanteur et suggèrent de fragiles funambules risquant de s'écraser au sol. Cette mise en péri I des personnages est forcé­ment touchante chez Camille Claudel. D'abord, la jeune femme est née avec une légère claudi­cation, dont il serait bien sûr hasardeux de faire un point nodal du lien entre elle et l'expérience du déséquilibre. Mais surtout, elle vit à la marge, sur un fil ténu qu'elle doit à sa ténacité, en butte à des finances chancelantes, aux appuis incertains de ses proches, au manque de reconnaissance des ins­titutions, à l'hostilité globale d'une société peu prête à conforter une femme dans son ambition artistique - d'autant plus au déni de sa destinée d'épouse et de mère.

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Après sa rupture parfa itement dél ibérée avec Rodin , le cheminement de son existence va encore accentuer son trébuchement, dans une quête d'accomplissement certes plus autonome, mais aussi désormais dépourvue d'un soutien qui ne lui avait pas fa it défaut au cours des dix années précédentes. Ces scu lptures qu i sondent et explorent l'espace à la recherche de leur point de rupture ne sont donc pas sans évoquer le propre parcours de leur créatrice.

L'univers de Camille Claudel Pour compléter ce qu i précède et apporter un élément de lecture qui dépasse la simple com­paraison avec ses contemporains et la confronta­tion plus directe avec Rodin , i l est intéressant de revenir sur le caractère d' intériorité des œuvres de Camille Claudel. La part autobiographique a déjà été évoquée, et plus exactement la part à la fois subtile et intense avec laquelle elle n'hésite pas à retranscrire ses états d'âme, dans un élan de sincérité dépouillée de tout relent complaisant ou plaintif . La Niobide blessée représente à cet égard un exemple significativement troub lant. Outre un schéma de composition à l 'évidence très proche du Sakountala, et donc du bronze de L'Abandon - dont le titre explore toute la richesse du double sens - cette sculpture révèle peut-être davantage que le rappel de la solitude à laquelle Camille s'est condamnée. A la faveur d'un canon anatomique relativement

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r Bibliographie indicative • Jacques Cassar, Dossier Camille Claudel, Ségu ier,

1987.

• Anne Rivière, Bruno Gaudichon , Dan ielle Ghanassia, Camille Claudel, catalogue raisonné, nouvelle édition revue et augmentée, Adam Biro, 2000.

• Camille Claudel et Rodin, la rencontre de deux des­t ins, catalogue de l'exposition organisée par le Musée nat ional des Beaux-Arts de Québec , avec le Musée Rodin de Paris et en collaboration avec le Detroit Institut of arts et la Fondation Pierre Gianadda de Martigny, Hazan, 2005.

• Dominique Bona, Camille Claudel : la femme blessée, Les édit ions du huitième jour, 2010.

• Véronique Mattiussi & Mireille Rosambert-Tissier, Camille Claudel, itinéraire d 'une insoumise, Le cava­lier bleu , 2014.

• Anne Rivière , Bruno Gaudichon, Camille Claudel, Correspondances, 3• édition revue et augmentée, Gallimard , 2014.

généreux, la douce sa illie de l'abdomen, épanou i avec mesure, peut tout à fa it s'assimiler à une recherche de plénitude corporelle . Pourtant, vu de profi l, le ventre s'alourdit plus nettement, sans disgrâce ; il semble que les ma ins de la sculp­tr ice l'aient façonné avec une infinie tendresse, jusqu 'à lu i donner ce moelleux bombé qu i sug­gère les prémices d'une vie . Si l'on admet, selon une théorie désorma is large­ment acqu ise, que Camille ait conçu au moins un enfant avec Rodin , et qu 'elle ait fait le choi x - ou qu'elle ait subi la contrainte - de ne pas le garder, peut-être alors peut-on éga lement admettre que le souvenir de cette douleur soit modelé dans ce corps de femme blessée, qui se meurt sans bru it, ployée sur sa tristesse.

Musée Sainte-Croix

3 bis rue Jean-Jaurès

86 000 Poit iers

Tél. 05-49-4 1-07-53

Une expo virtuelle :

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Cette maternité hésitant entre l'aveu et le secret, entre la célébration d'un corps prêt aux réjou is­sances et le deu il d'une mutilation obligée - cette représentation empreinte d'âpre dénuement trou­verait parfaitement sa place dans un univers art istique parlant de repli , de clôture, de mélan­colie - mais qui n'occulte pas la révolte contre un sort hostile. li n'y a guère d'hermétisme dans sa production , pas d'abstraction ou de construction de l'esprit : il s'agit d'une œuvre ouverte, offerte à la sensibi ­l ité du spectateur, pour une appréhension immé­diate, un style intimiste qu i traduit la recherche d'une vérité intérieure et n'hésite pas à s'expo­ser avec le réalisme cru d'une artiste qui croit en son talent , et combat ardemment pour gagner sa place. •

Les œuvres de Camille Claudel font l'objet d'une exposition virtuelle sur le site www.alienor.org (voir pages Expos - p94)