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Swiss Medical Forum Offizielles Fortbildungsorgan der FMH Organe officiel de la FMH pour la formation continue Bollettino ufficiale per la formazione della FMH Organ da perfecziunament uffizial da la FMH www.medicalforum.ch With extended abstracts from “Swiss Medical Weekly” 38 16. 9. 2015 832 I. Töws, G. Antes Quelle crédibilité à accorder aux preuves? 848 A. H. Bock, A. W. Jehle, A. Fischer, et al. «TMO-MRC: Que faire lorsque les preuves manquent?» 852 C. Müller, U. Kaufmann, A. von Eckardstein, et al. Recommandation relative au changement d’unité de mesure pour la troponine cardiaque 840 R. Hausmann L’examen du cadavre: à quoi faut-il faire attention? FMS – SMF Forum Médical Suisse – Forum Medico Svizzero – Forum Medical Svizzer – Schweizerisches Medizin-Forum

Swiss Medical Forum 38/2015 · visait un échange sur des thèmes issus du domaine des TMO-MRC (troubles minéraux et osseux de la maladie rénale chronique), pour lesquels, faute

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SwissMedical Forum

Offizielles Fortbildungsorgan der FMHOrgane officiel de la FMH pour la formation continueBollettino ufficiale per la formazione della FMHOrgan da perfecziunament uffizial da la FMH www.medicalforum.ch

With extended abstracts from “Swiss Medical Weekly”

38

16.

9. 2

015

832 I. Töws, G. AntesQuelle crédibilité à accorder aux preuves?

848 A. H. Bock, A. W. Jehle, A. Fischer, et al.«TMO-MRC: Que faire lorsque les preuves manquent?»

852 C. Müller, U. Kaufmann, A. von Eckardstein, et al.Recommandation relative au changement d’unité de mesure pour la troponine cardiaque

840 R. HausmannL’examen du cadavre: à quoi faut-il faire attention?

FMS – SMF Forum Médical Suisse – Forum Medico Svizzero – Forum Medical Svizzer – Schweizerisches Medizin-Forum

Et ailleurs…?

A. de Torrenté

831 Hypertension artérielle et insuffisance rénale: corrélation améliorée par mesures répétées? Série d’articles

I. Töws, G. Antes

832 Quelle crédibilité à accorder aux preuves?Bien plus de 20 000 études contrôlées sont publiées chaque année. Mais avons-nous véritable-ment besoin de cet amas de connaissances? Et comment pouvons-nous encore avoir une vue d’ensemble et appliquer ces connaissances à notre pratique? Nos possibilités d’exploiter de manière simple et pratique les résultats de la recherche dans la prise de décisions dépendent essentiellement de la qualité et de la disponibilité de ces résultats.

Articles de revue

R. Hausmann

840 L’examen du cadavre: à quoi faut-il faire attention?L’examen du cadavre est une tâche médicale très sérieuse. Même si cet examen représente la dernière prestation réalisée auprès du patient décédé, il ne doit pas se limiter exclusivement au constat indéniable du décès ni aux aspects purement médicaux. Le présent article porte l’attention sur cette responsabilité médicale particulière, de laquelle résulte pour le médecin une zone conflictuelle entre son devoir médical et son activité d’intérêt public.

A. H. Bock, A. W. Jehle, A. Fischer, S. Farese, A. D. Kistler, G. Meffert, C. Schönholzer, R. Müller,

D. Spirk, P. Ambühl

848 «TMO-MRC: Que faire lorsque les preuves manquent?»Les auteurs du présent article se sont réunis à l’occasion du premier Swiss Expert Meeting in Nephrology (SEMINER) intitulé «TMO-MRC: Que faire lorsque les preuves manquent?». Le SEMINER visait un échange sur des thèmes issus du domaine des TMO-MRC (troubles minéraux et osseux de la maladie rénale chronique), pour lesquels, faute de preuves, aucune préconisation n’existe dans les directives néphrologiques.

SOMMAIRE 829

Rédaction

Pr Nicolas Rodondi, Berne (Rédacteur en chef); Dr Nadja Pecinska, Bâle (Managing editor); Pr David Conen, Bâle; Pr Martin Krause, Münsterlingen; Pr Klaus Neftel, Berne; Pr Rolf A. Streuli, Langenthal; Pr Antoine de Torrenté, La Chaux-de-Fonds; Pr Gérard Waeber, Lausanne; Dr Maria Monika Wertli, Berne

Rédacteurs conseil

Pr Reto Krapf, Lucerne; Pr Ludwig T. Heuss, Zollikerberg; Dr Pierre Périat, Bâle

Membres-adjoints à la rédaction

Dr Sebastian Carballo, Genève; Dr Daniel Franzen, Zurich; Dr Francine Glassey Perrenoud, La Chaux-de-Fonds; Dr Markus Gnädinger, Steinach; Dr Matteo Monti, Lausanne; Dr Sven Streit, Berne; PD Dr Ryan Tandjung, Zurich

Recommandations

C. Müller, U. Kaufmann, A. von Eckardstein, M. Hersberger, K. Rentsch, H. Singeisen, M. Zellweger

852 Recommandation relative au changement d’unité de mesure pour la troponine cardiaqueLes troponines cardiaques T et I sont des composantes diagnostiques élémentaires chez les patients présentant une suspicion d’infarctus myocardique aigu. La Société Suisse de Cardiologie et la Société Suisse de Chimie Clinique souhaitent, grâce à cet article, attirer l’attention sur un problème iatrogène épineux et fournir une recommandation afin de l’éviter au mieux.

Casuistiques

L. Graf, K. El-Hag, S. Berezowska

854 Seltener endobronchialer BefundDie Zuweisung des 40-jährigen japanischen Patienten erfolgte bei chronischem Husten und einer ein maligen Episode von Hämoptysen. Zwei Monate zuvor bestand anamnestisch ein respiratorischer Infekt, der antibiotisch behandelt wurde, mit Verbesserung der Symptome. B-Symptome wurden verneint. Kein Asth ma / vorbestehende Lungenerkrankung, kein Nikotin-konsum.

Courrier des lecteurs

D. Schwander, A. Taylor

856 A propos de l’article «Fahreignung älterer Personen»

Extended abstracts from SMW

New articles from the online journal “Swiss Medical Weekly” are presented after page 856.

SOMMAIRE 830

ImpressumSwiss Medical Forum – Forum Médical SuisseOrgane officiel de formation continue de la Fédération des médecins suisses FMH et de la Société Suisse de Méde-cine Interne

Adresse de la rédaction: Ruth Schindler, Assistante de la rédaction FMS, EMH Editions Médicales Suisses SA, Farnsburgerstrasse 8, 4132 Muttenz, tél. +41 (0)61 467 85 55, fax +41 (0)61 467 85 56,[email protected], www.medicalforum.ch

Soumission en ligne des manuscrits:http://www.edmgr.com/smf

Editions: EMH Editions Médicales Suisses SA, Farnsburgerstrasse 8, 4132 Muttenz, tél. +41 (0)61 467 85 55, fax +41 (0)61 467 85 56, www.emh.ch

Marketing EMH / annonces: Dr Karin Würz, Responsable communication et marketing, tél. +41 (0)61 467 85 49, fax +41 (0)61 467 85 56, [email protected]

Abonnements membres FMH: FMH Fédération des médecins suisses, Elfenstrasse 18, 3000 Berne 15, tél. +41 (0)31 359 11 11, fax +41 (0)31 359 11 12, [email protected]

Autres abonnements: EMH Editions Médicales Suisses SA, abonnements, Farnsburgerstrasse 8, 4132 Muttenz, tél. +41 (0)61 467 85 75, fax +41 (0)61 467 85 76, [email protected]

Prix d‘abonnement: avec Bulletin des médecins suisses 1 an CHF 395.– / étudiants CHF 198.– plus frais de port; sans Bulletin des médecins suisses 1 an CHF 175.– / étudiants CHF 88.– plus frais de port

(abonnements de courte durée voir www.medicalforum.ch)

ISSN: version imprimée: 1424-3784 / version en ligne: 1424-4020Paraît le mercredi

© EMH Editions Médicales Suisses SA (EMH), 2015. Le Forum Médical Suisse est une publication «open-acess» de EMH. Sur la base de la licence Creative Commons «Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 4.0 International», EMH accorde à tous les utilisateurs le droit, illimité dans le temps, de reproduire, distribuer et communiquer cette créa-tion au public, selon les conditions suivantes: (1) Citer le nom de l’auteur; (2) ne pas utiliser cette création à des fins commerciales; (3) ne pas modifier, transformer ou adapter cette création. L’utilisation à des fins commercialespeut être possible uniquement après

obtention explicite de l’autorisation de EMH et sur la base d’un accord écrit.

Note: Toutes les données publiées dans ce journal ont été vérifiées avec le plus grand soin. Les publications signées du nom des auteurs reflètent tout l’opinion de ces derniers, pas forcé-ment celle de la rédaction du FMS. Les doses, indications et formes d’application mentionnées doivent en tous les cas être comparées aux notices des médicaments utilisés, en particulier pour les médicaments récemment autorisés.

Production: Schwabe AG, Muttenz, www.schwabe.ch

Photo de couverture: © Chalermphon Kumchai | Dreamstime.com

Et ailleurs…?Antoine de Torrenté

Hypertension artérielle et insuffisance rénale: corrélation améliorée par mesures répétées?

La questionL’hypertension artérielle, cause et consé-quence, est fréquente chez les insuffisants ré-naux. Il est possible qu’il existe un plateau de l’influence de la TA sur la fonction rénale aux environs de 140/90 et en dessous. Des cibles différentes ont été suggérées pour les patients dont l’insuffisance rénale (IR) est d’origine diabétique (130/80) ou autre (140/90). Mais malheureusement il n’existe que peu d’études corrélant la progression de l’IR et la TA. Sou-vent un set de mesures au début d’une étude suffit à catégoriser les patients alors que des mesures répétées au cours du temps seraient peut-être plus appropriées. C’est précisément le but de cette étude qui pose la question: des mesures de TA au cours du temps sont-elles mieux corrélées à l’évolution de l’IR qu’une mesure au début d’un suivi?

La méthode L’étude CRIC (Chronic Renal Insufficiency Co-hort Study) a évalué 3939 patients de 2003 à

2008 souffrant d’IR chronique modérée. Les patients inclus devaient être âgés de 21 à 74 ans avec un débit de filtration glomérulaire estimé de 20 à 70 ml/min/1,73 m2 pour les patients âgés de 21 à 44 ans; de 20 à 60 ml/min/1,73 m2

pour ceux âgés de 45 à 64 ans; de 20 à 50 ml/min/1,73 m2 pour ceux âgés de 65 à 74 ans. 3 mesures par an en position assise ont été pratiquées une fois par année pour un suivi médian de 5,7 ans. Des catégories de pres-sion systoliques moyennes ont été définies: <120 mm Hg (référence), 120–129, 130–139 et ≥140 mm Hg. Deux issues ont été prises en considération: l’aboutissement en IR termi-nale; un composite d’IR terminale ou la dimi-nution de moitié du débit de filtration glomé-rulaire. Le débit de filtration glomérulaire a été estimé par la créatinine sérique et la cys-tatine C selon une équation développée par l’étude CRIC.

Les résultatsDurant l’étude, 699 patients on atteint l’IR chronique terminale et 921 l’issue composite. Le HR en tenant compte de la pression systo-lique de base de 131 à 139 comparé à la réfé-rence est de 1,46. Mais, tenant compte des moyennes au cours du temps, le HR est de

2,37, significativement différent et plus per-formant. Pour des patients avec une TA ≥ à 140, le HR est de 1,46 et 3,37 respectivement.

Les problèmesSeules 3 mesures par année ont été réalisées. On ne connaît pas la durée de l’hypertension artérielle avant l’incorporation dans l’étude ni sur l’observance du traitement antihyperten-seur. L’étude est observationnelle ce qui ne permet pas de définir une TA «idéale» pour limiter la progression vers l’IR terminale.

CommentairesCette étude montre bien que les mesures répétées de TA permettent de mieux prédire l’évolution vers l’IR terminale qu’une seule mesure. Cliniquement, la persistance d’une TA systolique >140 doit inciter le médecin et le patient à viser une cible plus basse puisque le risque d’atteindre l’IR terminale est 3 fois plus élevé qu’avec des pressions systoliques aux environs de 120 mm Hg. La motivation et l’observance thérapeutique restent primor-diales…Anderson AH, et al. Ann Intern Med. 2015;162:258.

Infections récurrentes chez les patients cirrhotiques: facteurs de risqueLes infections bactériennes sont une cause fréquente de morbi-mortalité chez les pa-tients cirrhotiques et leurs récidives sont par-ticulièrement dangereuses. 6 mois après leur sortie de l’hôpital, 45% des patients cirrho-tiques ont présenté une infection et 27% sont décédés. L’usage continu des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) et la prophylaxie contre la péritonite bactérienne spontanée sont un facteur de risque majeur: HR 3 pour les IPP et 3,5 pour la prophylaxie antibiotique. Ce n’est pas la première fois qu’on met en évidence les dangers des IPP qui sont souvent prescrits sans raison bien documentée.O’Leary JG, et al. Clin Gastroenterol Hepatol. 2015;13(4):753–9. http://dx.doi.org/10.1016/j.cgh.2014.07.060

Interruption des statines lors de maladies terminales: argument pour une attitude raisonnableBien des médecins hésitent à interrompre cer-tains traitements chez des patients même en

cas de maladie terminale (survie <1 année), en particulier les statines. 380 patients avec une espérance de vie de <1 année (50% avec un can-cer) ont été randomisés soit pour l’interrup-tion du traitement de statines soit pour la continuation. 60% souffraient d’une maladie cardiovasculaire. Aucune différence dans la mortalité à 60 jours ou dans l’incidence d’évé-nements cardiovasculaires. Kutner JS, et al. JAMA Intern Med. 2015;175:691.

La constipation chronique: un «truc»?La constipation chronique idiopathique est fréquente et les traitements médicamenteux pas très efficaces et parfois grevés d’effets secondaires. Des moyens mécaniques pour favo riser l’exonération ont été décrits, par exemple le massage périnéal. L’acupressure périnéale consiste à appliquer une pression avec deux doigts entre l’anus et le scrotum ou le vagin lors d’une tentative d’aller à selle. 100 patients ont été randomisés pour pra-tiquer la manœuvre ou pour être traités de manière «usuelle». A un mois, les patients pra-tiquant l’acupressure ont été significative-

ment améliorés de 0,8 point contre 0,2 point sur une échelle de 0 à 4. L’article est accom-pagné d’une figure décrivant la technique. Au moins, il n’y a pas d’effets secondaires.Abbott, R, et al. JGIM. 2015;30(4):434–9. http://dx.doi.org/10.1007/s11606-014-3084-6

Après un AVC: identification d’une fibrillation auriculairePlusieurs moyens d’identification d’une fibril-lation auriculaire après un AVC existent: le simple ECG, Holter, enregistrement continu par électrodes collées ou implantés. Une méta-analyse de 11 000 patients examine ces métho-des et le laps de temps entre l’AVC et leur appli-cation. Les extrêmes vont de 2,9 jours après l’AVC pour le Holter et jusqu’à 75 jours pour l’ECG continu. En tout, 24% des patients ont présenté une fibrillation auriculaire détectée par ces méthodes. Le rendement le plus effi-cace est l’enregistrement continu entre 26 et 75 jours après l’AVC. Tous les patients doivent-ils être investigués? Il semblerait bien que oui…Sposato LA, et al. Lancet Neurol. 2015;14(4):377. http://dx.doi.org/10.1016/S1474-4422(15)70027-X

ET AILLEURS…? 831

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SÉRIE D’ARTICLES 832

En tant que médecin, où puis-je trouver des informations fiables concernant les procédés

diagnostiques et thérapeutiques?

Quelle crédibilité à accorder aux preuves?Ingrid Töws, Gerd Antes

Cochrane Deutschland, Universitätsklinikum Freiburg, Freiburg im Breisgau, Deutschland

Bien plus de 20 000 études contrôlées sont publiées chaque année. Mais avons-nous véritablement besoin de cet amas de connaissances? Et comment pouvons-nous encore avoir une vue d’ensemble et appliquer ces connaissances à notre pratique? Nos possibilités d’exploiter de manière simple et pratique les résultats de la recherche dans la prise de décisions dépendent essentiellement de la qualité et de la disponibilité de ces résultats.

Introduction

L’évaluation scientifique des bénéfices et des risques des procédés cliniques a connu un développement phé-noménal et s’est vue plus globalement acceptée au cours de ces dernières décennies, elle est aujourd’hui l’indispensable pierre angulaire du système de santé moderne. Les connaissances sur lesquelles se base cette évaluation sont issues d’études cliniques soumises aux exigences méthodologiques les plus lourdes afin que les résultats ne conduisent à une conclusion erronée ou ne soient systématiquement biaisés. La protection ultime contre les falsifications en tout genre est le principe fondamental de la production de connaissances. Ces dix dernières années, les exigences imposées aux structures nécessaires à cette production ont été de mieux en mieux reconnues et comprises grâce à a re-cherche et aux études empiriques. Par conséquent, une série de procédures visant à garantir la qualité ont été développées et mises en place, qui doivent d’une part être utilisées au moment de la réalisation et de la publi-cation d’études, et qui, d’autre part, peuvent également constituer une aide précieuse pour le lecteur et l’utilisa-teur dans la juste évaluation de la qualité de l’informa-tion médicale. Outre des listes de contrôle spéciales et des exigences en matière de qualité, les règles de Good Clinical Practice et de Good Scientific Practice sont des principes généraux et largement reconnus pour l’assu-rance qualité, dont le respect est contrôlé et garanti, dans la mesure du possible, par des institutions telles que les comités d’éthique, les instituts de recherche, les autorités sanitaires et d’autres instances actives dans la recherche sur la santé et les soins de santé.

Cependant, le système de production, de diffusion et d’application des connaissances possède également quelques points faibles, avec un impact partiellement fatal sur les soins de santé. Outre les études dont le plan s’est avéré inadéquat ou dont la réalisation a été incorrecte, des erreurs essentielles lors de la publica-tion des résultats constituent la raison principale pour laquelle les médecins et d’autres professionnels de santé sont systématiquement mal informés. Pour éva-luer la fiabilité des connaissances, il faut tout d’abord s’intéresser aux sources. De plus, une connaissance basique des processus de production de connaissances Ingrid Töws

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SÉRIE D’ARTICLES 833

est nécessaire, ou tout du moins utile, pour pouvoir s’orienter dans l’acquisition des connaissances et pour évaluer correctement la fiabilité et les erreurs poten-tielles des études.

Connaissances médicales

Dans cet article, nous nous concentrons sur les preuves en tant que synonymes de connaissances pertinentes pour le patient, acquises grâce à la recherche médicale et de manière empirique à travers des études cliniques prospectives ou d’autres types d’études (par ex. études d’observation), en excluant volontairement la recherche préclinique. Dans ces études, la précision diagnostique ou l’efficacité des procédures médicales sont testées chez l’homme selon des principes scientifiques fondés. Avant d’aboutir, au stade ultime, aux essais sur les pa-tients (ou sur des participants sains, pour le dépistage précoce de certaines maladies par ex.), plusieurs an-nées de recherche fondamentale et de développement ont souvent été nécessaires. Habituellement, le nou-veau procédé est comparé à un placebo pour pouvoir fournir la preuve de son efficacité voire de sa supériorité comparativement au placebo. Parallèlement, il existe un très grand nombre d’études portant sur des pro-cédés déjà connus et introduits sur le marché com-parant leurs bénéfices avec ceux d’autres procédés uti-lisés. Des techniques opératoires ouvertes peuvent ainsi être comparées à des techniques laparoscopiques, de même que des traitements physiothérapeutiques conservateurs, dans le domaine de l’orthopédie, peuvent être comparés à des interventions chirurgi-cales. C’est justement la comparaison de différentes formes de traitement qui présente une grande perti-nence pratique, car ces traitements peuvent différer significativement en termes d’effets secondaires ou de coûts. C’est la raison pour laquelle une attention crois-sante a été portée aux rapports bénéfices-risques des interventions complexes ces dernières années.L’objectif, quoique visionnaire, est aussi de pouvoir évaluer les bénéfices et les risques de chaque interven-tion sur la base d’études comparatives de grande qualité, comme l’Agency for Healthcare Research and Quality des Etats-Unis l’a entrepris entre 2009 et 2012 dans un programme de recherche d’un milliard de dollars appe lé Comparative Effectiveness Research [1].

Etudes – quantité et qualité

Le développement d’un procédé succède à l’autorisation du transfert à la pratique médicale et les recherches préalables d’évaluation, d’implémentation et de soins qui y sont liées. La recherche clinique commerciale et

la recherche clinique publique se sont développées pour devenir de gigantesques producteurs de connais-sances: depuis les années 1950, le nombre d’études aug-mente continuellement. Actuellement, env. 600 000 à 1 000 000 études cliniques randomisées et contrôlées (RCT) achevées sont disponibles. Un chiffre même approximativement précis sur la limite supérieure n’existe pas, et la limite inférieure aussi est une esti-mation incertaine. Le registre Cochrane des études ran-domisées et contrôlées comporte à lui seul plus de 800 000 entrées. Cependant, ce total comprend des doublons et des études mal classifiées, d’où l’esti-mation conservatrice de 600 000 études. Bien plus de 20 000 nouvelles études sont publiées chaque année, et il est estimé qu’actuellement, au moins 45 000 études cliniques sont dans leur phase de réalisation. Mais avons-nous véritablement besoin de toutes ces connais-sances? Et comment pouvons-nous encore garder une vue d’ensemble et les appliquer à notre pratique quoti-dienne? Nos possibilités de transférer le niveau de connaissances à la prise de décisions, de manière simple et en limitant au maximum les erreurs, dépend essentiellement de quatre facteurs:– de la qualité méthodologique des études réalisées;

– de la publication transparente et intégrale des données de

l’étude;

– de la réorganisation systématique et l’évaluation des pub li-

cations d’études déjà existantes sous forme de synthèse de

preuves (entre autres des revues systématiques, des rap-

ports HTA, des dispositifs d’information des patients, des

directives; voir plus bas pour les définitions);

– de l’accès le plus ouvert possible à ces synthèses de re-

cherche.

Critères de qualité

Validité interne Pour obtenir des résultats non biaisés (valides), les études doivent être réalisées conformément à des cri-tères de qualité spécifiques. Le critère de qualité essentiel est la validité interne, influencé par le plan de l’étude et sa réalisation, qui peut être évalué sur la base de listes de contrôle ou de questionnaires. Le plan de l’étude dé-termine avec quelle certitude il peut être affirmé que le critère d’évaluation clinique peut être influencé par certains éléments. En raison de leur structure, les RCT – en raison d’une réalisation rigoureuse – affichent la plus grande validité interne. Les RCT respectent des règles précises qui permettent un contrôle satisfaisant des facteurs d’influence inconnus (Confounder) sur les critères d’évaluation cliniques et réduisent la probabilité d’erreurs systématiques (Bias). Ceci se fait grâce à une distribution égale des facteurs d’influence visibles et in-visibles dans les différents groupes de traitement. Dans les études de cohorte et les études de cas aussi sont em-

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SÉRIE D’ARTICLES 834

ployées des méthodes permettant de tenir compte des Confounder. Contrôler les Confounder, invisibles ou non mesurés, est toutefois plus difficile avec ce type de plan, car le risque d’erreurs systématiques (Bias) est ac-cru. Dans les études de cas et séries de cas, le contrôle des Confounder est réduit au minimum, étant donné qu’elles ne suivent pas de mesures de contrôle. La qua-lité des preuves issues de ces études est limitée et constitue ainsi un faible fondement pour la prise de décisions cliniques. Les avis d’experts ne se basent pas systématiquement sur des résultats issus d’études, et le risque de Bias est par conséquent proportionnellement élevé. La hiérarchie des plans d’étude et leurs risques d’erreurs croissants sont exposés dans la hiérarchie classique des preuves (fig. 1).

Validité externe La validité externe doit être démontrée indépendam-ment de la validité interne, étant donné qu’il ne s’agit pas d’une caractéristique propre à l’étude. La validité externe traduit la transposabilité des résultats à une population ou à une situation. Cette transposabilité est déterminée par les caractéristiques individuelles de la population-cible et par des facteurs externes. Il existe des questions clés exigeant un savoir clinique pour vé-rifier la validité externe. Une question centrale pour les professionnels de santé est de savoir si leur patient se distingue de la population d’étude dans une mesure telle que les résultats de l’étude ne sont pas transpo-sables à ce patient.De ce fait, pour des décisions thérapeutiques pratiques, les résultats des RCT doivent être évalués sur le plan médical et il peut éventuellement être fait appel à des découvertes complémentaires. Les résultats des études d’observation semblent être plus proches de la pra-tique. Ces résultats sont certes directement issus de la pratique clinique, mais leur validité interne est en re-vanche plus faible. Un principe souvent oublié prévaut: pas de validité externe sans validité interne. Cela signi-

fie que pour que les résultats des études soient appli-cables à la pratique, l’efficacité du traitement doit tout d’abord être démontrée dans des études à validité in-terne élevée.Une alternative à la hiérarchie traditionnelle (fig. 1) des degrés de preuve a été développée par le Centre for evi-dence-based Medicine (CEBM) à Oxford en 2011: il s’agit d’une hiérarchie des preuves remaniée et élargie. Elle constitue une aide pratique à la prise de décisions pour les professionnels de santé qui ont besoin de sources d’informations fiables et rapides dans leur pratique quo-tidienne. Un tableau clair permet d’évaluer et de ré-pondre au besoin d’informations concrètes du médecin, il lui apporte des renseignements sur quel type de plan d’étude, c’est-à-dire sur quels articles spécialisés four-nissent des preuves de qualité adéquate, de manière à pouvoir prendre une décision éclairée [2]. Le classement des plans d’étude par le CEBM tient également compte des points faibles, sur les plans méthodologique et éthique, de la hiérarchie des preuves traditionnelle.

Critique des Levels of Evidence Dans la hiérarchie classique, les plans d’étude ont été ordonnés de manière statique indépendamment du questionnement clinique sous-jacent. Toutefois, il n’est pas toujours pertinent ou possible de répondre à un questionnement clinique par une RCT. Ainsi, il n’est pas justifiable sur le plan éthique d’administrer aux participants à l’étude des traitements nocifs.Les aspects méthodologiques des RCT peuvent compli-quer ou même entraver la réalisation des études. Les difficultés de recrutement par exemple constituent un obstacle pour les RCT dans le cas de maladies rares. Dans de tels cas, les études d’observation bien conçues et bien réalisées peuvent être considérées comme étant la meilleure source d’informations. Des études d’ob-servation fortes sur le plan méthodologique peuvent éventuellement primer sur des RCT mal réalisées en termes de qualité des preuves. Il en découle qu’outre le plan de l’étude, le questionnement clinique et la réa-lisation de l’étude déterminent la meilleure source de preuves. L’évaluation de la réalisation individuelle des études est une nécessité supplémentaire pour pouvoir identifier les preuves valides permettant de répondre au questionnement clinique.

Evaluation pratique de la qualité des RCT

Les RCT, en tant que type d’étude possédant potentiel-lement la validité interne la plus élevée, doivent pou-voir être évaluées et classifiées avant la transposition de leurs résultats à chaque patient spécifique. Sur le plan structurel, des propriétés et des savoirs théo-

Figure 1: Niveaux de preuve et leur sensibilité aux erreurs systématiques (Bias).

Sen

sib

ilité

au

x er

reu

rs

Etudes randomisées

contrôlées

Etudes de cohorte

Etudes cas-témoin

Séries de cas, rapports de cas

Avis d’expert

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SÉRIE D’ARTICLES 835

riques issus de la recherche empirique sont associés dans l’élaboration d’une RCT de manière à protéger au maximum du Bias (biais), ils se reflètent dans l’évalua-tion de la qualité.

Protection maximale contre le Bias:

– Comparaison avec des groupes parallèles (simultanément);

– Groupes semblables, avec une différence dans l’intervention

uniquement (répartition égale des facteurs d’influence);

– Standardisation des procédés thérapeutiques;

– Pas d’influence sur les attentes du patient et de l’investigateur

(insu);

– Analyse scientifique de grande qualité;

– Présentation et diffusion de toutes les informations, sans

déformation.

(«Klar» depuis Paul Martini, 1932)

En raison de sources d’erreur potentielles et de la varia-bilité rencontrée dans l’élaboration, la réalisation et l’évaluation des études cliniques randomisées, l’un des aspects qualitatifs essentiels est le contrôle des risques de Bias. Il est vital de rechercher systématiquement les sources d’erreur de chaque étude. Dans la pratique, cette vérification se fait à l’aide de listes de contrôle ou de questionnaires. Le «Risk of Bias Tool» de la Cochrane Collaboration a été développé et éprouvé, celui-ci per-met d’évaluer et de rapporter des erreurs systéma-tiques lors de la randomisation, une allocation cachée de certains participants dans les groupes, la com-plexité du principe de double insu aussi bien pour les patients que pour le personnel impliqué, de la gestion des données manquantes ainsi que la présentation et la diffusion complète des informations. Pour le lecteur et l’utilisateur des données issues des études, cela

signifie que ceux-ci se sont renseignés, grâce à cet outil, sur les sources d’erreur potentielles et qu’ils peuvent ainsi évaluer et classer les résultats des études à la lumière de ces informations.Un autre moyen pour le lecteur d’avoir un aperçu sur la qualité méthodologique des études sont les Reporting Guidelines. Elles ne constituaient initialement pas un outil d’évaluation qualitative mais servent aujourd’hui aux auteurs pour rédiger les comptes rendus d’étude de manière transparente et intégrale. L’initiative inter-nationale EQUATOR (EQUATOR = Enhancing the Qua-lity and Transparency Of Health Research) [3], qui s’im-plique à l’amélioration de la qualité des publications et à la transparence dans la présentation et la diffusion des informations scientifiques, propose des Reporting Guidelines pour différents types d’études et formats de rapports scientifiques.

Biais de publication

La problématique du choix de la source d’informations adéquate est compliquée davantage par les manque-ments massifs dans le domaine des publications. Le biais de publication est une expression regroupant les répercussions inhérentes à la publication sélective des preuves. Ce biais procède d’une part du fait que, sur toutes les études commencées – indépendamment des sources de financement, de l’ampleur de l’étude, de la région ou de la phase de l’étude – seules 50% environ sont publiées, comme il a été démontré par les re-cherches menées sur le sujet. Les résultats de recherche non publiés constituent un gaspillage de ressources, une trahison à l’égard des participants à l’étude et une source de connaissances erronées.D’autre part, dans de nombreuses études, les objectifs de l’étude sont modifiés alors que l’étude est déjà en cours de réalisation, ou bien les résultats allant dans le sens des intérêts des investigateurs sont rapportés en priorité. Il a été constaté que les études aboutissant à des résultats «positifs» statistiquement significatifs venant confirmer l’hypothèse de l’étude ont plus de probabilité d’être publiées que celles portant sur des résultats «négatifs» et non significatifs. Cette saillance des résultats d’étude positifs déforme considérablement le tableau réel des données et conduit à une surestima-tion de l’efficacité des traitements, et potentiellement à une sous-estimation des effets secondaires. La dé-formation au sein des études par la modification des objectifs de l’étude a reçu une attention croissante au cours de ces dernières années et est, en l’état actuel des connaissances, au moins aussi dommageable que la dissimulation d’études complètes – tout en étant poten tiellement encore plus trompeuse, étant donné

Figure 2: Augmentation du nombre global de RCT dans Medline entre 1995 et 2013;

parallèlement, augmentation simultanée du nombre de compte-rendus d’études non

publiés jusqu’à 50% environ (Source: Cochrane Deutschland).

No

mb

re d

e R

CT

dan

s M

edlin

e

RCT dans Medline (PubMed)Au total: 369 023 (4.9.2014)

Uniquement en version papier

– Gaspillage

– Trahison à l’égard des participants

– Base de connais-sances erronée

Non publiées

Année

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SÉRIE D’ARTICLES 836

que ces études sont tout de même publiées.La troisième source d’erreurs majeure est la contradic-tion souvent grave entre les comptes-rendus d’études publiées, notamment entre les résultats numériques issus des analyses statistiques et la description verbale. Cette distorsion est également très préjudiciable, car de nombreux utilisateurs des connaissances ne lisent le texte de l’article que de manière superficielle – sou-vent même uniquement le résumé – et ne prennent gé-néralement pas la peine de s’intéresser aux considéra-tions numériques.

Déformation vers le positifDu fait de l’addition des influences des biais de publica-tion, il a empiriquement démontré que les résultats des synthèses de preuves peuvent être déformés pour aller dans le sens du positif. Ceci influence à son tour la décision de savoir quand il convient de considérer que les données d’une étude permettent une évaluation réaliste des effets. Dès lors qu’il apparaît que l’effet est

significatif, toutes les études ultérieures sont à consi-dérer comme non éthiques et un gaspillage de res-sources. Toutefois, la décision d’interrompre une étude en raison d’une surestimation de l’effet peut potentiel-lement survenir trop précocement.

Synthèse des preuves

La production et la répartition continuelle des nou-velles connaissances ont conduit à un flux d’informa-tion gigantesque, et cela à un point tel que les experts, même dans des spécialisations relativement restrein-tes de la médecine, ne sont plus en mesure d’en garder une vue d’ensemble. La méthodologie de la synthèse de ces connaissances revêt ainsi une pertinence toute particulière. Il s’agit d’un processus systématique de rassemblement de connaissances en intégrant des me-sures de contrôle de biais et comprenant, de manière facultative, des procédés statistiques quantitatifs. Cette dernière variante est appelée «métaanalyse». L’objectif

Figure 3: Analyse individuelle et cumulative des données issues de 33 études relatives à la streptokinase intraveineuse

dans l’infarctus du myocarde aigu. Extrait de N Engl J Med, Lau J, Antman EM, Jimenez-Silva J, Kupelnick B, Mosteller F,

Chalmers TC. Cumulative meta-analysis of therapeutic trials for myocardial infarction. Jul 23;327(4):245–54.

Copyright © 1992 Massachusetts Medical Society. Reprinted with permission from Massachusetts Medical Society.

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SÉRIE D’ARTICLES 837

de la synthèse est de rassembler les informations perti-nentes relatives à tous les participants ayant été impli-qués dans des études sur le même sujet. Les revues systématiques (SR) des connaissances existantes sont aujourd’hui considérées comme étant le fondement essen tiel des processus décisionnels. Leur signification dans la prise de décisions dans le domaine de la santé est capitale quant à l’appréciation des bénéfices pour les patients.L’effet du procédé doit être démontré de manière répé-tée. C’est la raison pour laquelle une unique étude n’est pas à même de pouvoir démontrer un effet de manière satisfaisante. Ceci est illustré dans la représentation graphique des données d’une métaanalyse (Forest Plot), basée ici sur l’exemple des travaux de Lau et al. (fig. 3) [4]. L’analyse des études individuelles portant sur le traitement de l’infarctus du myocarde aigu par le biais de la streptokinase par voie intraveineuse (fig. 3, page de gauche) met en évidence la grande variation des résultats des études individuelles; dans certains cas individuels, elle montre même une supériorité de l’intervention contrôle. La supériorité de l’intervention dans cette présentation est révélée par l’estimateur de l’effet global, tout en bas de la figure (total). La mise en commun des études individuelles dans une perspec-tive globale cumulative modifie le tableau: le côté droit de la figure montre la position de l’effet de l’interven-tion dans les deux premières études comportant 65 pa-tients. Plus le nombre d’études et donc de patients s’y ajoutant croît, plus l’effet favorable de l’intervention apparaît clairement. C’est au plus tard dans l’étude GISSI-1 de 1986, incluant près de 12 000 patients, qu’un avantage de l’intervention peut être empiriquement démontré.

Les connaissances doivent rester d’actualitéLes SR doivent être mis à jour en permanence. L’activité dans le domaine des études cliniques augmentant dans le monde entier, nous sommes pilonnés de nou-veaux résultats d’études produits à un rythme de plus en plus soutenu (fig. 2) qui doivent être intégrés aux SR déjà existants afin que les connaissances y figurant de-meurent d’actualité. Parmi les grandes organisations, seule la Cochrane Collaboration a aussi bien l’objectif que les outils pour actualiser systématiquement les SR.

Revue systématique de la Cochrane CollaborationCochrane est un réseau global indépendant, représenté dans plus de 130 pays, qui rassemble des informations de santé fiables et accessibles, non soumises à un finance ment industriel ou commercial. Les Cochrane Review systématiques sont actuellement élaborées par 52 grou pes de Cochrane Review, qui peuvent être orien-tés sur une intervention ou sur des domaines de soins médicaux spécifiques. Les équipes d’auteurs d’une Cochrane Review se composent idéalement d’experts cliniciens, de méthodologistes, d’épidémiologistes ou de statisticiens et de spécialistes de la recherche. Le point de départ est une question formulée de manière claire qui définit les patients, l’intervention, l’interven-tion de comparaison ainsi que les critères d’évaluation cliniques (schéma PICO). Des méthodes comparatives explicites sont employées pour rechercher systémati-quement les travaux de recherche pertinents pour ré-pondre au questionnement et évaluer la qualité des travaux de manière à éviter les erreurs de sélection. Les travaux non publiés et non disponibles en langue anglaise sont également inclus. Il est ainsi possible d’acquérir une vue d’ensemble unique des connais-sances actuellement dis ponibles sur un thème donné.Les cinq étapes de l’élaboration d’une revue sont au-jourd’hui le modèle fondamental de toute SR: 1) le développement d’un questionnement auquel il est possible

de répondre;

2) une étude systématique de la littérature;

3) une évaluation qualitative des études incluses;

4) une synthèse des données quantitatives;

5) une interprétation objective des résultats.

Ces objectifs doivent respecter des objectifs méthodo-logiques rigoureux pour garantir une grande qualité de la revue. Ce schéma s’applique de manière générale aux SR, les Cochrane Review se distinguent par un de-gré particulièrement élevé de standardisation. La mise à jour d’une Cochrane Review survient régulièrement. Il est aujourd’hui question de «living documents», étant donné que de nouvelles études sont intégrées à un do-cument existant qui est ainsi actualisé. Les Coch rane Reviews sont publiés dans la Cochrane Database of Sys-

Figure 4: Canaux de transposition de connaissances provenant des études aux soins

de santé (Source: Deutsches Cochrane Zentrum).

Transposition de la recherche à la pratique

Etudes cliniques

Revues systématiques

Knowledge translation systems

Résumés

Health Technology Assessment (HTA)

Acteurs-décideurs dans le domaine de la santé

Médecins, soignants, pharmaciens

Patients, autosuffisance, médias

Directives cliniques Dispositifs d’information des patients

SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2015;15(38):832–839

SÉRIE D’ARTICLES 838

Ces trois canaux de transfert des connaissances issues des études à la pratique sont désormais établis dans de nombreux et très différents systèmes de santé, in-dépendamment de leur structure. La figure 4 traduit le rôle central endossé par les revues systématiques, entre les études individuelles et l’utilisation des connais-sances qui en proviennent par différents acteurs. Une différence fondamentale entre les SR, les HTA, les direc tives et les informations aux patients est que ces dernières nécessitent toutes un certain nombre de SR pour aboutir à une conclusion affirmative. Cela est parti culièrement évident dans le cas des directives: la SR classique se rapporte à une intervention, c’est-à-dire que différentes interventions portant sur l’ablation d’un appendice enflammé par exemple sont comparées entre elles. La directive passe en revue les procédés diag nostiques et thérapeutiques utilisés en cas d’in-flammation de l’appendice et décrit les preuves pour les procédés possibles sur la base des SR appropriés.Pour la recherche d’informations, il convient de recou-rir à des sources internationales fondamentales – d’une perspective européenne centrale, il n’existe pas d’alter-native dans le cas où des preuves détaillées sont néces-saires. A l’heure actuelle, les nouvelles connaissances sont publiées presque exclusivement en langue ang-laise et dans des revues de pays anglophones. Etant donné que l’information adaptée à l’utilisateur dépend fortement des conditions locales telles que les rem-boursements par les caisses d’assurance maladie, la structure du personnel médical et soignant ainsi que les données spatiales, il en résulte une expression clé: global knowledge – local implementation. Les connais-sances globales sont indispensables, mais en aucun cas suffisantes sans adaptation locale.

Disclosure statementGA est directeur et IT est collaboratrice scientifique de Cochrane Alle-magne. Les deux sont employés à la clinique universitaire de Fri-bourg-en-Brisgau.

Photo de couverture© Ievgenii Tryfonov | Dreamstime.com

Références1 Agency for Healthcare Research and Quality. What is Comparative

Effectiveness Research? [cited 22.04.2015]; Available from: http://effectivehealthcare.ahrq.gov/index.cfm/what-is-compara-tive-effectiveness-research1/.

2 OCEBM Levels of Evidence Working Group, The Oxford 2011 Levels of Evidence, Oxford Centre for Evidence-Based Medicine 2011 Levels of Evidence, Editor. 2011, Oxford Centre for Evidence-Based Medicine: Oxford, UK.

3 The EQUATOR Network. Library for health research reporting. 2015 [cited 22.04.2015]; Available from: http://www.equator-network.org/library/.

4 Lau J, Antman EM, Jimenez-Silva J, Kupelnick B, Mosteller F, Chalmers TC. Cumulative meta-analysis of therapeutic trials for myocardial infarction. N Engl J Med. 1992;327(4):248-54.

5 The Cochrane Library. [cited 22.04.2015]; Available from: http://www.cochranelibrary.com/.

tematic Reviews [5]. Un accès libre national existe déjà dans des pays tels que la Finlande, la Norvège, le Dane-mark, la Grande-Bretagne et l’Espagne.Les revues systématiques et les métaanalyses sont aujour d’hui considérées comme un élément central et classifiant pour la recherche médicale en vue d’un transfert optimal des connaissances issues de la re-cherche à la pratique et au système de santé.

Systèmes d’utilisateurs: caisses d’assurance maladie, soignants, patients

Les connaissances rassemblées dans les revues systé-matiques sont une composante indispensable à la prise de décisions au sein des structures de soins de santé. Toutefois, elles ne sont pas suffisantes, elles doivent tout d’abord être élaborées et traitées de manière à être adaptées aux groupes-cibles. A cette fin, trois procé-dures principales ont été établies de par le monde, comme illustré sur la figure 4.

Health Technology AssessmentHealth Technology Assessment (HTA) signifie l’évalua-tion de procédés utilisés dans le domaine des soins médicaux (aussi bien en diagnostique qu’en thérapeu-tique) sur la base de rapports bénéfices-risques, en im-pliquant les considérations financières relatives aux soins et en tenant compte du contexte. Au niveau du système de santé, les rapports HTA sont principalement une base d’évaluation en vue de la possibilité de rem-boursement et de prise de décision pour l’introduction de nouveaux procédés et technologies médicaux.

DirectivesLes directives cliniques délimitent un cadre décisionnel pour les professionnels de santé impliqués dans les soins des patients et constituent une base pour formuler des recommandations concrètes dans le domaine des soins de santé. L’objectif est d’améliorer la qualité des soins de santé. Elles sont systématiquement élaborées et ne sont pas juridiquement contraignantes, étant des directives, mais sont à considérer comme des recommandations.

Dispositifs d’information des patientsLes dispositifs d’information des patients mettent à la disposition des patients, de leurs proches et des per-sonnes saines (mesures de dépistage précoce et de pré-vention) les informations nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques dans un format adapté et dans un langage compréhensible pour les non-pro-fessionnels. Ils constituent un prérequis essentiel car ils rendent possible une prise de décision participative dans le contexte de l’entretien médecin-patient.

Correspondance: Ingrid Töws Cochrane Deutschland Berliner Allee 29 D-79110 Freiburg im Breisgau toews[at]cochrane.de

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SÉRIE D’ARTICLES 839

L’essentiel pour la pratique

Cet article décrit la production et la répartition des

connaissances ainsi que le rôle de la qualité des

études comme critère de classification, indispen-

sable pour se repérer. De manière logique, il pour-

rait être attendu que les informations nécessaires à

la pratique médicale quotidienne soient mises à dis-

position des professionnels de santé, des patients

et de leurs proches par un dispositif fonctionnel.

Toutefois, cela n’est pas le cas. Dans l’espace ger-

manophone/francophone, l’approvisionnement en

littérature et revues systématiques en langue alle-

mande/française est particulièrement lacunaire.

Dans la section suivante sont indiquées des sources

pour les rapports HTA, les directives et les dispo-

sitifs d’information aux patients sans classement re-

latif à leur qualité. Une liste plus exhaustive sortirait

largement du cadre de cet article.

Chaque personne à la recherche d’informations et

chaque utilisateur de ces informations doit au moins

procéder à une évaluation informelle et personnelle

de la qualité des sources. A cette fin, il est essentiel

de tenir compte de la date de la dernière mise à jour,

de la mention de conflits d’intérêts et de la partie

relative à la méthodologie, qui décrit quels efforts

ont été faits pour découvrir les preuves pertinentes

et pour les réunir. Cet investissement d’énergie, ac-

tuellement indispensable, doit se faire sur une base

individuelle.

Il est également nécessaire d’accepter que de nom-

breuses questions ne trouvent pas de réponse en

langue allemande/française. La consultation des

sources d’informations en langue anglaise est de ce

fait indispensable, ce qui est pour certains une

source de problèmes insurmontables. Même pour

qui possède une très bonne maîtrise de l’anglais, il

est trop exigeant d’attendre du professionnel de

santé qu’il parcoure rapidement quelques pages

dans un quotidien déjà très chargé. C’est pourquoi

la traduction des résumés des Cochrane Reviews

dans le Cochrane Kompact revêt une grande perti-

nence (voir les liens à droite).

Il n’est pas rare que les médecins soient confrontés

par leurs patients à des informations sur la santé et

sur la médecine relayées par les médias. Etant

donné que la qualité de ces contributions est très

variable, des projets d’amélioration de la qualité qui

peuvent également être utiles aux utilisateurs sont

mis en place. Il s’agit d’une part du projet Medien-

Doktor (http://www.medien-doktor.de/medizin/) qui,

sur la base de dix critères, analyse le contenu de

l’information, et d’autre part du projet «Medizin

Transparent» (http://www.medizin-transparent.at/)

qui aide les non-professionnels à classifier sur la

base des preuves les informations obtenues via des

sources médiatiques.

Sources de connaissances dans les trois canaux de transfert

Rapports HTA:

• Swiss Medical Board, Suisse (http://www.medical-board.ch/)

• Ludwig Boltzmann Institut, Autriche (www.lbg.ac.at)

• Institut für Wirtschaftlichkeit und Qualität im Gesundheits-

wesen, Allemagne (https://www.iqwig.de/)

• NIHR Health Technology Assessment Programme

(http://www.nets.nihr.ac.uk/programmes/hta)

Directives:

• Elaborées par des sociétés médicales spécialisées et l’OFSP.

Disponibles notamment sur la plateforme www.guidelines.ch

• Pour la médecine générale: Leitlinien Kompendium des Ver-

lagshauses für Ärzte (http://www.ebm-guidelines.at/)

• Arbeitsgemeinschaft der wissenschaftlichen medizinischen

Fachgesellschaften (www.awmf.org)

• Ärztliches Zentrum für Qualität in der Medizin (www. aezq.de)

• National Institute for Health and Care Excellence

(www.nice.org.uk)

Information des patients:

• Journal Club du centre Horten (www.evimed.ch)

• Cochrane Kompakt (http://www.cochrane.org/de/evidence)

• Portail autrichien de la santé publique (www.gesundheit.gv.at)

• Information de santé de l’IQWiG

(https://www.gesundheitsinformation.de/)

• USA: «Comparative Effectiveness Research» du «Patient-

Centered Outcomes Research Institute» (www.picori.org)

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ARTICLE DE REVUE 840

La désignation «mort naturelle» ne doit pas servir de terme générique regroupant

les cas de décès inexplicables

L’examen du cadavre: à quoi faut-il faire attention?Roland Hausmann

Institut für Rechtsmedizin, Kantonsspital St.Gallen

L’examen du cadavre est une tâche médicale très sérieuse. Même si cet examen re-présente la dernière prestation réalisée auprès du patient décédé, il ne doit pas se limiter exclusivement au constat indéniable du décès ni aux aspects purement mé-dicaux. Le présent article porte l’attention sur cette responsabilité médicale parti-culière, de laquelle résulte pour le médecin une zone conflictuelle entre son devoir médical et son activité d’intérêt public.

Introduction

L’examen du cadavre ne se résume pas aux réflexions physiopathologiques relatives à la cause du décès ni à l’identification de maladies significatives sur le plan épidémiologique. Le médecin pratiquant l’examen du cadavre doit être davantage conscient de la signification juridique et criminologique de l’inspection du cadavre. En fin de compte, ses constatations et informations consignées dans le certificat de décès déterminent si un état de fait relevant du droit pénal, civil ou du droit des assurances peut être élucidé par des examens com-plémentaires ou non. C’est la raison pour laquelle l’exa-men du cadavre revêt une importance considérable pour la sécurité juridique d’une société, et ce non pas uniquement en termes de lutte contre la criminalité, mais notamment aussi pour l’attribution de prestations d’assurance ou d’indemnités.

Fondement et termes juridiques

Selon le droit suisse, les cas de décès doivent être signalés à l’office de l’état civil compétent dans un délai de deux jours (art. 35 OEC). Sont soumis à une obligation de dé-claration la veuve ou le veuf, le partenaire survivant, les plus proches parents ou les personnes vivant dans le même foyer ainsi que tout autre individu présent lors du décès ou qui a découvert le corps, sauf si la per-sonne est décédée dans un hôpital, un établissement médico-social ou une institution similaire. Dans ce cas de figure, le décès doit être déclaré par la direction de l’établissement (art. 34a OEC). La «preuve» du décès d’une personne est apportée par les actes de l’état civil

(art. 33 CC). Ceux-ci se basent sur le certificat de décès, qui est en règle générale délivré par un médecin de famille ou un médecin urgentiste après réalisation d’un examen du cadavre, puis remis à la personne ayant signalé le décès pour être ensuite transmis à l’office de l’état civil.Il convient de distinguer l’examen du cadavre de l’ins-pection médico-légale de celui-ci. Cette dernière désigne un examen externe du cadavre qui doit être effectué en cas de décès extraordinaire par des médecins «ex-perts» spécialement désignés à cet effet sur ordre du ministère public conformément à l’art. 253 CPP. Roland Hausmann

SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2015;15(38):840–847

ARTICLE DE REVUE 841

Objectifs et signification de l’examen du cadavre

Les obligations de diligence valables pour l’exécution de l’examen du cadavre sont les mêmes que pour l’exa-men de patients en vie. Cet examen doit être réalisé sur demande «sans délai», c’est-à-dire «sans hésitation fau-tive». Lors de l’examen d’une personne inanimée dé-couverte en dehors d’un hôpital, un médecin doit en ef-fet décider le plus rapidement possible de la nécessité d’éventuelles mesures de réanimation, pour autant qu’aucun signe de mort certaine n’est présent (tab. 1). Pour ne pas s’exposer au risque de poursuite pour non-assistance à personne en danger, le médecin doit se rendre le plus rapidement possible sur le lieu en vue de l’examen du cadavre après avoir reçu une déclaration de décès supposé. Pour le médecin exerçant au cabinet médical, cela donne lieu à un conflit de devoirs lorsqu’il est justement en train de traiter un patient ou qu’il ne peut repousser le traitement pour des raisons médi-cales urgentes. Dans de tels cas, il est recommandé d’alarmer un médecin se trouvant dans les environs ou le service médical d’urgence, pouvant alors immédia-tement réaliser l’examen du cadavre à sa place.Outre le constat indéniable du décès, l’établissement de l’identité, l’estimation de l’heure du décès ainsi que la classification de la nature du décès font partie des objectifs essentiels de l’examen du cadavre, qui sont développés plus en détail dans les paragraphes sui-vants.

Constat du décès

Le premier et principal objectif de l’examen médical du cadavre est le constat indéniable de la survenue du décès. Celui-ci repose sur la preuve de signes de mort

certaine. Y figurent les éléments suivants: lividités cadavériques (livor mortis), rigidité cadavérique (rigor mortis), autolyse, signes de putréfaction ainsi que de blessures non compatibles avec la vie (tab. 1). Ce n’est que lorsque au moins un de ces signes peut être incon-testablement établi que la personne inanimée peut être déclarée comme décédée. Des incertitudes peuvent survenir pendant environ 20 à 30 minutes post mortem, dans l’intervalle entre l’arrêt cardiaque et la formation de premiers signes de mort certaine. L’absence de pouls, la respiration imperceptible, des pupilles ne réa-gissant pas à la lumière, l’aréflexie ou la baisse de la température corporelle ne constituent, durant cette phase, aucune évidence de l’irréversibilité de la défail-lance des signes vitaux et par conséquent, aucun signe de mort certaine. Par ailleurs, une prudence particu-lière s’impose dans le cas de certains complexes de causes, que le médecin légal berlinois Prokop a résumé sous la forme des règles «AEIOU» (tab. 2). Dans ces conditions, les manifestations de vie peuvent être ré-duites au point de ne pas être perçues lors d’un examen superficiel et de faussement déclarer la personne comme décédée (cas de «mort apparente»). Le constat du décès dans des conditions de réanimation constitue une situation particulière. Concernant la question de savoir à quel moment une réanimation sans succès peut être interrompue, il est renvoyé aux directives et recommandations de l’Académie suisse des sciences médi cales (www.samw.ch).

Etablissement de l’identité

L’établissement sans équivoque de l’identité d’une per-sonne décédée est tout aussi crucial que le constat d’une mort certaine. Si le médecin pratiquant l’examen du cadavre ne connaît pas le défunt personnellement et ne peut confirmer sans aucun doute son identité par la confrontation avec des proches ou d’autres per-sonnes, il doit signaler le décès à la police ou au minis-tère public (fig. 1). Ce dernier ordonne alors des examens complémentaires qui sont en règle général réalisés par un institut de médecine légale. Les méthodes fiables d’identification employées dans la pratique médico- légale sont la dactyloscopie, la comparaison de données dentaires ante mortem et post mortem ainsi que les analyses génétiques forensiques.

Détermination de l’heure du décès

Le certificat médical de décès doit notamment inclure la date et l’heure de la survenue du décès. Le moment de la découverte du corps suffit uniquement dans le cas où l’heure du décès ne peut être cernée plus précisément

Tableau 1: Signes de mort certaine et de mort incertaine.

Signes de mort certaine Signes de mort incertaine (attention «mort apparente»)

Rigidité cadavérique (rigor mortis) Pupilles dilatées, ne réagissant pas à la lumière

Lividités cadavériques (livores) Aréflexie

Autolyse/putréfaction Absence de pouls, ECG plat

Blessures non compatibles avec la vie Absence de respiration

Baisse de la température corporelle

Tableau 2: Causes d’une mort apparente («règles AEIOU»).

A Alcool, Anémie, Anoxémie

E Electricité, Epilepsie

I Injury (traumatisme crânio-cérébral)

O Opiacés (substances à effets généraux centraux)

U Urémie, hypothermie

SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2015;15(38):840–847

ARTICLE DE REVUE 842

(fig. 2). En cas de mort non survenue sous observation médicale, ces exigences relatives à la détermination de l’heure du décès se heurtent ainsi régulièrement à des limites, car il n’existe pas de «moment du décès». Le passage de la vie vers la mort biologique constitue davantage un processus de décès plus ou moins long. Durant cette étape, la mort de l’individu est définie par l’interruption irréversible de la circulation sanguine et la respiration, suivie de la perte fonctionnelle défi-nitive du système nerveux central. Toutefois, aucune méthode scientifique n’est en mesure d’enregistrer

précisément l’instant de cette irréversibilité, qui peut uniquement être approximativement délimité au vu des modifications du cadavre. Cette estimation est d’autant plus précise que l’intervalle post mortem, c’est-à-dire le délai entre la survenue effective du décès et l’examen du cadavre, est bref et que le nombre de para-mètres pouvant être analysés est important. Dans le cadre de l’examen du cadavre par le médecin de famille, le degré des lividités et de la rigidité cadavériques per-mettent de s’orienter, bien qu’il faille tenir compte de l’écart temporel considérable des différents paramètres (tab. 3). Parmi toutes les méthodes d’estimation du délai post mortem, la plus précise est la «méthode intégrée selon Henssge». Elle repose sur l’évaluation du refroi-dissement du cadavre et la graduation des réactions supravitales (excitabilité électrique, mécanique et pharmacologique de la musculature) ainsi que sur les modifications du cadavre (lividités, rigidité). Toutefois, en raison de l’expérience nécessaire et des exigences en termes d’appareillage, son utilisation est en règle générale réservée à un examen et une expertise relevant de la médecine légale. Au vu de l’éventuelle pertinence juridique de l’heure du décès, que ce soit dans le cadre du droit des successions ou d’enquêtes criminelles, une délimitation trop étroite de l’heure du décès uni-quement basée sur les modifications du cadavre doit en principe être évitée.

Nature du décès

Un autre objectif essentiel de l’examen du cadavre est la classification de la nature du décès. Quelques ex-

Remarques:

Si le jour du décès est connu, mais pas l’heure exacte: le (date) entre heures et heures Si le jour du décès peut être délimité à max. 4 jours: entre et (date) Si le jour du décès ne peut pas être délimité à max. 4 jours: découverte (date)Le délai d’attente de 120 heures peut exceptionnellement être prolongé de max. 48 heures si le cadavre est mis en bière dans une morgue ou un endroit particulièrement aménagé à cet effet et si le médecin ayant pratiqué l’examen du cadavre ne soulève aucune objection pour des raisons de santé publique.Selon la loi, les cas de décès extraordinaire, c.-à-d. de mort inexpliquée ou non naturelle, doivent être immédiatement déclarés aux autorités compétentes (police ou Ministère public).

Figure 2: Remarques concernant l’indication de l’heure du décès sur le certificat

de décès (canton de Saint-Gall).

Tableau 3: Lividités et rigidité cadavériques et leur rapport temporel à l’heure du décès (extrait de [2]).

Lividités cadavériques

Stade Limite inférieure (en heures)

Limite supérieure (en heures)

Début 1/4 3

Confluence 1 4

Intensité et étendue maximales 3 16

Disparition à la pression (complète)

1 20

Mobilité (complète) 2 6

Mobilité (incomplète) 4 24

Rigidité cadavérique

Stade Limite inférieure (en heures)

Limite supérieure (en heures)

Début – 7

Rigidité maximale 6 10

Disparition totale 12 140

Figure 1: Déroulement de l’examen médical du cadavre.

Ordre d’examen du cadavre

Examen du cadavre

Déclaration(art. 253 CPP)

Réanimation?(directives ASSM)

Mort naturelle

Non

Non

Non

Non

Oui

Oui

Oui

OuiDEO?

Identité certaine?

Signes de mort certaine?

DEO?

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ARTICLE DE REVUE 843

plications concernant la terminologie: tandis que la «cause du décès» décrit l’origine médicale et scienti-fique de la mort d’une personne, la «nature du décès» désigne les circonstances et conditions ayant conduit à la survenue du décès. La distinction est faite entre mort naturelle et mort non naturelle. En fonction du contexte criminalistique, les cas de mort non naturelle peuvent être dus à des actes criminels, accidentels ou autodestructeurs. Pour les cas où aucune indication apparente ne pointe vers l’un de ces trois «types d’évé-nements» (crime, accident, suicide), mais où de tels événements sont en principe possibles, la catégorie «mort inexpliquée» a été créée (tab. 4). En Suisse, les cas de mort non naturelle et inexpliquée sont regrou-pés sous la dénomination «décès extraordinaire», abrégée DEO (tab. 5).

Lors de la classification de la nature du décès, il est im-portant de tenir compte du fait que les séquelles cau-sées par des événements violents, une intoxication ou une erreur médicale représentent également des cas de mort non naturelle. Même si cette indication se trouve sur le certificat de décès, un tel lien de causalité reste souvent «inaperçu» dans la pratique, surtout lorsqu’un délai important subsiste entre l’événement primaire et la survenue du décès. Ainsi, le médecin légal est souvent confronté à des cas où, en raison d’une pneumonie, embolie pulmonaire ou autre maladie des organes internes cliniquement diagnostiquées, les médecins hospitaliers attestent faussement une mort naturelle, bien que la condition essentielle de l’apparition de cette pathologie aboutissant au décès soit un accident, un crime ou un autre événement non naturel [1].

Procédure en cas de décès extraordinaire (DEO)

La responsabilité particulière du médecin pratiquant un examen du cadavre consiste alors à distinguer les cas de mort naturelle de tous les autres cas de décès. En cochant une case sur le certificat de décès (fig. 3), il dé-cide au bout du compte notamment si un acte criminel peut être décelé ou pas. En effet, si le médecin conclut au terme de ses examens qu’il s’agit d’un «décès extra-ordinaire», il doit le déclarer aux autorités de pour-suites pénales compétentes (police ou ministère pu-blic).

Tableau 5: Indices d’un «décès extraordinaire» (tous cas de mort non naturelle et inexpliquée).

Anamnèse – Survenue soudaine du décès – Aucune maladie préalable – Antécédents d’événement traumatique (par ex. accident, suicide, «bagarre») – Rapport temporel avec un traitement médical

Circonstances – Décès durant la grossesse – Décès du nourrisson ou de l’enfant – Cadavre dans la baignoire – Décès dans une maison d’arrêt – Décès sur le lieu de travail

Situation de la découverte – Médicaments, suspicion de drogues – Etablissements ou places publiques, circulation routière, zone ferroviaire – Terrain impraticable – Cadavre sorti de l’eau – Proximité de sources de gaz, électricité, chaleur

Signes cliniques – Modifications avancées du cadavre (par ex. putréfaction, décomposition, squelettisation) – Forte destruction du cadavre – Répartition ou coloration inhabituelles des lividités cadavériques – Odeur anormale (par ex. amande amère) – Hémorragie au niveau des orifices corporels – Syndrome de congestion (par ex. pétéchies des conjonctives) – Blessures (par ex. hématomes, plaies cutanées, piqûres, instabilités osseuses)

Critères inutilisables pour l’hypothèse d’une mort naturelle

– Age avancé – Maladies chroniques préexistantes, multimorbidité – Absence de preuves portant sur des blessures externes apparentes (attention: homicide sans trace)– Découverte dans des habitations closes

Tableau 4: Qualification de la nature du décès.

Nature du décès Critères

Mort naturelle – Décès dû à une maladie, indépendamment d’autres facteurs externes significatifs sur le plan juridique

– Survenue du décès prévisible en raison de l’affection sous-jacente connue

Mort non naturelle 1. Impact violent (accident, suicide, crime) 2. Empoisonnement 3. Erreurs médicales 4. Séquelles mortelles résultant de 1 à 3.

Important: les indices suffisent (voir tab. 5)

Décès inexpliqué – Cause du décès non reconnaissable par examen du cadavre en tenant compte de l’anamnèse

– Survenue soudaine et inattendue du décès

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Mort suspecte (art. 253 CPP)

1 Si, lors d’un décès, les indices laissent présumer que le dé-

cès n’est pas dû à une cause naturelle, et notamment qu’une

infraction a été commise, ou que l’identité du cadavre n’est

pas connue, le ministère public ordonne un premier examen

du cadavre par un médecin légiste afin de déterminer les

causes de la mort ou d’identifier le défunt.

Par la suite, le ministère public ordonne une inspec-tion médico-légale. Celle-ci doit être pratiquée par un expert, en règle générale un médecin de district ou d’état civil. En fonction du résultat de cet examen, le ministère public prescrit des examens complémen-taires, à savoir l’autopsie du cadavre par un institut de médecine légale. Celle-ci consiste en une inspection externe et interne supplémentaire. Selon les éléments récoltés et la problématique, l’autopsie peut être com-plétée par un procédé d’imagerie tel qu’une tomoden-sitométrie post mortem, des examens histologiques ainsi que des analyses toxicologiques forensiques et microbiologiques. Ce procédé d’examen en plusieurs étapes est la condition indispensable pour élucider et reconstituer les cas de décès violents et sert au main-tien de la sécurité publique. Il ne peut toutefois être initié que lorsqu’un décès extraordinaire est déclaré en tant que tel. Tous les médecins pratiquant un examen du cadavre doivent être conscients de cette responsabilité. Une mort naturelle peut être documen-tée sur le certificat de décès en toute bonne conscience uniquement si les indications correspondantes s’avèrent fondées. Les maladies existantes ou l’âge avancé du défunt ne suffisent pas à eux seuls; ils doivent également être en mesure d’expliquer de ma-nière plausible le moment du décès. La désignation «mort naturelle» ne doit pas servir de terme géné-rique pour regrouper tous les décès inexplicables et l’attestation d’un tel décès ne doit pas être le résultat d’un examen superficiel du cadavre.

Déroulement pratique de l’examen du cadavre

Un examen du cadavre réalisé avec soin et de manière individuelle est la condition nécessaire pour remplir

correctement le certificat de décès. L’examen inclut une inspection détaillée de la totalité de la surface cor-porelle, y compris tous les orifices corporels. A cette fin, le cadavre doit être complètement dévêtu. Il convient de retirer bandages et pansements, afin de pouvoir également examiner la peau sous-jacente. Le médecin doit renoncer au déshabillage complet et autres modi-fications uniquement lorsqu’en raison des résultats et circonstances, il existe un soupçon d’homicide ou d’une autre mort non naturelle, ou lorsque l’examen révèle des indices correspondants. Dans de tels cas, l’examen doit se limiter au constat indéniable du décès est une déclaration immédiate doit être faite auprès de la police ou du ministère public.

Lividités cadavériquesLors de l’évaluation des lividités cadavériques, il convient d’observer leur intensité, couleur, mobilité et disparition à la pression ainsi que leur répartition en fonction de la position du corps. Les résultats peuvent être utiles pour l’estimation de l’heure du décès. Des lividités cadavériques particulièrement peu nombreuses peuvent pointer vers une perte de sang. Les lividités cadavériques anormalement rouge clair sont caracté-ristiques d’une intoxication au monoxyde de carbone (CO) (fig. 4B), tandis qu’en présence d’une coloration rouge clair non homogène, l’effet du froid doit être pris en compte dans le diagnostic différentiel. Les lividités cadavériques particulièrement prononcées développées dans le cadre d’une stagnation du sang en post mortem, comme c’est par exemple le cas lorsque la tête est en position déclive, peuvent être associées à des pseudo-hémorragies en forme de petites tâches ou de points, appelées vibices (fig. 4C), qui sont parfois difficiles à distinguer de véritables hématomes.

Rigidité cadavériqueIl est fondamental de vérifier la rigidité cadavérique au niveau de plusieurs articulations et d’évaluer son im-portance. Le phénomène de reconstitution de la rigidité cadavérique après rupture peut être utile pour estimer l’heure du décès. L’intervalle jusqu’à l’apparition de la rigidité cadavérique dépend du degré d’activité phy-sique avant la survenue du décès et de la réserve d’ATP associée au niveau de la musculature, tandis que le dé-lai jusqu’à sa disparition est déterminé par la vitesse des processus de putréfaction.

Putréfaction et autres modifications tardives du cadavreLa putréfaction du cadavre débute typiquement par une coloration verdâtre de la peau délimitée sur la par-tie inférieure droite de l’abdomen. Les signes avancés

Figure 3: Classification de la nature du décès sur l’exemple du certificat de décès

du canton de Saint-Gall. Les cas de mort non naturelle et inexpliquée sont regroupés

sous la dénomination «décès extraordinaire».

Mort naturelle (enterrement ou crémation autorisés) Mort non naturelle (accident, suicide, crime, y compris séquelles) Décès inexpliqué (mort non naturelle possible)

La déclaration auprès de la police ou du Ministère public a été effectuée

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de putréfaction sont caractérisés par une coloration et un gonflement étendus de la peau et des parties molles, un système veineux gorgé de sang, la formation de cloques et la perte de la couche superficielle de la peau (fig. 5). En fonction des conditions environnementales, la putréfaction provoquée par des bactéries anaérobies peut être remplacée par une décomposition, momifi-cation ou saponification. En présence de telles modifi-

cations, un examen médico-légal s’impose ne serait-ce que pour identifier le cadavre.

Etat généralDe même que pour l’examen d’une personne vivante, il convient, lors de l’examen du cadavre, de prêter atten-tion à l’état physique général, l’état d’hygiène et l’état nutritionnel ainsi qu’aux changements de coloration

Figure 5: Altérations cadavériques après décubitus prolongé. A: Système veineux gorgé de sang. B: Vésicules de putréfaction.

A B

Figure 4: Evaluation des lividités cadavériques. A: Normales: lividités confluentes de forte intensité, de couleur blafarde, à l’exception des zones d’appui

des fesses. B: Lividités cadavériques anormalement rouge clair dans un cas d’intoxication au monoxyde de carbone. C: Extravasation de sang post mortem

(vibices) dans les régions hypostatiques, avec lividités cadavériques particulièrement marquées.

A C

B

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cutanée, bien délimités (par ex. hématome) ou diffus (par ex. ictère). Il est généralement difficile voire im-possible de distinguer les signes de déshydratation des modi fications post mortem. Les cicatrices, tatouages et autres caractéristiques individuelles peuvent s’avérer utiles à l’identification d’un cadavre inconnu.

Tête/couLa palpation du cuir chevelu permet de déceler tumé-factions, lacérations cutanées ou déplacements au nive au du crâne. Il convient de contrôler l’éventuelle présence d’une hémorragie ou d’un corps étranger au niveau des conduits auditifs externes. Une attention particulière doit être portée aux signes d’une stagna-tion de sang dans la partie supérieure du corps, sous forme de pétéchies. Les zones de prédilection sont les paupières et les conjonctives oculaires, la muqueuse buccale ainsi que la peau de la région située derrière les oreilles (fig. 6). De telles observations sont pathogno-moniques d’une agression au niveau du cou dans le sens d’une strangulation et doivent absolument être soumises à des examens complémentaires conformé-ment à l’art. 253 para. 1 CPP. Des dommages au niveau de la paroi de la cloison nasale peuvent indiquer un

abus chronique de cocaïne. Il convient de rechercher la présence éventuelle de plaies, déchaussement ou écla-tement des dents, morsure de la langue (épilepsie) ou corps étranger (par ex. bâillon, bolus, vomissures) dans la cavité buccale. Un champignon de mousse peut indi-quer une intoxication ou une mort par noyade. La peau du cou doit faire l’objet d’une inspection particulière-ment détaillée à la recherche d’hématomes (signes de strangulation), de marques de ligature et d’érosions cuta nées (par ex. griffures). Même en cas de strangula-tion mortelle, ces signes peuvent être très restreints, voire même complètement absents. La mobilité anor-male des articulations de la tête et du cou peut être due à une blessure ou simulée par l’absence de raideur musculaire, non encore survenue.

TroncL’examen du tronc inclut, outre l’inspection détaillée du revêtement cutané, la vérification de la stabilité du thorax, de la ceinture scapulaire, de la colonne verté-brale et de la ceinture pelvienne. Comme c’est le cas pour les patients vivants, une fluctuation abdominale peut indiquer la présence de liquide libre dans la cavité abdominale.

Figure 6: Zones de prédilections des pétéchies en cas de syndrome de congestion à la suite d’une strangulation.

A: Paupières. B: Conjonctives oculaires. C: Peau de la région située derrière les oreilles. D: Muqueuse buccale.

A

C

B

D

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Organes génitaux/anusLes organes génitaux externes et l’ouverture anale doivent faire l’objet d’une inspection recherchant prin-cipalement les blessures et hémorragies.

ExtrémitésIl convient d’examiner la stabilité, la symétrie et les éventuelles différences de circonférence des membres supérieurs et inférieurs. L’inspection cutanée doit prê-ter attention aux blessures, telles qu’hématomes et éraflures, marques d’électrocution, piqûres, cicatrices et éventuels dépôts, notamment de sang, de résidus de poudre, etc.

Erreurs potentielles lors de l’examen du cadavre

D’après les résultats de grandes études multicen-triques, il faut partir du principe qu’un nombre élevé et inquiétant d’homicides n’est pas reconnu. En Alle-magne, ce nombre se trouve chaque année entre 1200 et 2400, étant ainsi presque aussi élevé que le nombre des homicides décelés. Aucune étude scientifique com-parable n’est disponible pour la Suisse. Toutefois, selon une analyse récemment publiée, le nombre de cas non enregistrés est estimé encore plus élevé [1].Au vu de cette hypothèse, la qualité de l’examen médi-cal du cadavre ainsi que l’utilité de la procédure prévue par la loi pour élucider les cas de décès extraordinaire conformément à l’art. 253 CPP doivent être remises en question. L’expérience médico-légale suggère qu’une réalisation incomplète ou pas assez soigneuse de l’exa-men clinique constitue l’un des manquements les plus fréquents de l’examen du cadavre. Il n’existe aucune autre explication au fait que même des blessures mor-telles par balle ou perforation, ou encore des signes apparents de strangulation passent inaperçus lors du premier examen du cadavre, que de tels cas de décès soient initialement déclarés «naturels» et ne soient dé-couverts que lors d’un examen médico-légal pratiqué par hasard. Une autre erreur potentielle réside dans le

fait que le lien de causalité entre la survenue du décès et un événement non naturel déjà ancien soit mécon- nu. Dans ce contexte, il convient de rappeler la «théo-rie de l’équivalence» qui est appliquée lors du jugement pénal de la causalité en vertu de la formule conditio sine qua non. Selon cette dernière, une condition (évé-nement) doit être considérée comme causale lorsqu’en son absence, le dommage (dans le cas présent: décès) ne serait pas survenu. Il convient alors de tenir compte du fait qu’il n’existe aucun intervalle temporel inter-rompant la causalité entre un événement extérieur se trouvant au début de la chaîne de causalité conduisant à la mort et la survenue du décès. Le décès dû à une em-bolie pulmonaire trois semaines après un accident de la route avec fracture du col du fémur doit donc être classé comme une mort non naturelle, puisque l’acci-dent constitue un événement extérieur se trouvant au début de la chaîne de causalité. Evidemment, un tel lien peut être vérifié uniquement dans le cadre d’une expertise médico-légale, qui inclut en règle générale une autopsie et une évaluation du dossier médical, et non pas par un simple examen externe du cadavre. Toutefois, l’examen du cadavre doit au moins recon-naître la possibilité d’un lien de causalité entre un évé-nement non naturel, même déjà ancien, et la survenue du décès, et déclarer le décès comme extraordinaire. Ainsi seulement des enquêtes policières et médico-léga les peuvent être initiées, qui constituent le fonde-ment objectif indispensable à la qualification pénale et relevant du droit des assurances.

Disclosure statementL’auteur ne déclare aucun soutien financier ni d’autre conflit d’intérêt en relation avec cet article.

Photo de couverture© Chalermphon Kumchai | Dreamstime.com

Références1 Jackowski C, Hausmann R, Jositsch D (2014). Eine Dunkelziffer

bei Tötungsdelikten in der Schweiz – Fiktion oder Realität. Kriminalistik. 10:607–4.

2 Madea B, Dettmeyer R, Schmidt P (2007). Thanatologie. In: Madea B. (Hrsg.). Praxis Rechtsmedizin – Befunderhebung, Rekonstruktion, Begutachtung. Springer Medizin Verlag Heidelberg, 2. Auflage, S. 7ff.

Correspondance: Prof. Roland Hausmann Chefarzt Institut für Rechtsmedizin Kantonsspital St. Gallen Rorschacher Strasse 95 CH-9007 St. Gallen roland.hausmann[at]kssg.ch

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Swiss Expert Meeting in Nephrology sur les troubles minéraux et osseux de la maladie rénale chronique

«TMO-MRC: Que faire lorsque les preuves manquent?»Andreas H. Bocka, Andreas W. Jehleb, Andreas Fischerc, Stefan Faresed, Andreas D. Kistlere, Georg Meffertf, Carlo Schönholzerg, Rebekka Müllerh, David Spirkh, Patrice Ambühli

a Abteilung Nephrologie, Kantonsspital Aarau; b Klinik für Transplantationsimmunologie und Nephrologie, Universitätsspital Basel; c Abteilung Nephrologie, Luzerner Kantonsspital, Luzern, Sursee, Wolhusen; d Abteilung Nephrologie, Bürgerspital Solothurn; e Abteilung Nephrologie, Kantonsspital Frauenfeld;f Abteilung Nephrologie, Hirslanden Kliniken, Bern; g Servizio di Nefrologia, Ospedale Regionale di Lugano; h Medizinische Abteilung, Sanofi-Aventis (Schweiz) AG, Vernier; i Institut für Nephrologie, Stadtspital Waid, Zürich

Introduction

Les auteurs du présent article se sont réunis le 23 janvier 2014 à Berne à l’occasion du premier Swiss Expert Mee-ting in Nephrology (SEMINER) intitulé «TMO-MRC: Que faire lorsque les preuves manquent?». Le SEMINER visait un échange sur des thèmes issus du domaine des TMO-MRC (troubles minéraux et osseux de la maladie rénale chronique), pour lesquels, faute de preuves, aucune pré-conisation n’existe dans les directives néphrologiques. Chaque auteur avait préalablement reçu une question d’une grande pertinence pratique à approfondir et était invité à préparer une brève présentation à ce sujet. Les présentations ont été données sous forme d’exposés interactifs de stimulation et ont servi de base aux dis-cussions. La suite de cet article présente l’opinion des auteurs concernant les huit cercles thématiques trai-tés, non répertoriés dans les recommandations.

Question 1: Donnez-vous des recommandations diététiques aux patients atteints de MRC de stade 4 (tab. 1) et présentant des taux de phosphate à la limité supérieure de la normale ou légèrement accrus?

Contexte Les ouvrages de référence fournissent des indications claires concernant le rapport entre les taux de phos-phate sérique et la mortalité (cardiovasculaire) en cas de MRC [1, 2]. Toutefois, la plupart des données sont ex-clusivement issues d’études de cohorte, de sorte que les preuves d’un lien de causalité font défaut. La question se pose ainsi de savoir si un bénéfice clinique peut être attendu de mesures visant à abaisser les taux de phos-phate. Les experts ont discuté de la pertinence du taux de phosphate sérique en tant que marqueur des TMO-MRC et ont jugé la parathormone (PTH) et le facteur de croissance des fibroblastes 23 comme étant probable-ment de meilleurs marqueurs, car plus sensibles. Ces substances pointent en effet vers un déséquilibre mi-néral dès les stades précoces de la MRC, tandis que des mécanismes régulateurs peuvent maintenir le taux de phosphate sérique dans la norme encore longtemps jusqu’au stade 4 de la MRC.

Bilan Chez les patients atteints de MRC de stade 4 et pré-sentant des taux de phosphate à la limite supérieure de la normale, les auteurs considèrent qu’il convient de conseiller une alimentation limitée en phosphate lors-que le taux de PTH se trouve deux à trois fois supérieur à la norme, et ce après correction d’une éventuelle ca-rence en vitamine D. Il faut alors tenir particulièrement compte du risque de malnutrition en cas de régime for-tement réduit en phosphate. C’est pourquoi la consul-tation doit mettre surtout l’accent sur la «qualité» des sources de phosphate. Les phosphates «de mauvaise qua-lité», par ex. les stabilisateurs (phosphate de sodium) contenus dans les produits congelés ou pré parés indus-triellement, doivent être particulièrement évités. Au vu du manque d’études prospectives contrôlées avec des critères d’évaluation solides, les auteurs ont renoncé à émettre une recommandation générale relative à un traitement précoce par chélateur de phosphate associé à une alimentation limitée en phosphate.Andreas H. Bock

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Question 2: Quelles sont les indications et consé-quences d’une mesure de la 1,25-OH-vitamine D3?

ContexteLa 1,25-OH-vitamine D3 (calcitriol) est la forme hormo-no-active de la vitamine D, dont la concentration est déjà abaissée relativement tôt dans le cadre d’une MRC. L’un des traitements les plus souvent prescrits contre les TMO-MRC consiste en une substitution de la 1,25-OH-vitamine D3. Il semblerait donc logique de se référer à la mesure du taux de 1,25-OH-vitamine D3 pour le diagnostic précoce de TMO-MRC et comme aide à la prise de décision thérapeutique. Le fait que la 1,25-OH-vitamine D3 (contrairement à la 25-OH-vita-mine D3 souvent déterminée) ne soit présente qu’en très faible concentration, que sa demi-vie soit très courte et la mesure non standardisée, de sorte que les mesures varient fortement et les «mesures normales» n’existent pas pour les patients atteints de MRC, s’op-pose toutefois à la mesure routinière de la 1,25-OH-vita-mine D3. Les auteurs ont discuté du bénéfice d’une éventuelle mesure de 1,25-OH-vitamine D3 chez les pa-tients atteints de MRC et dialysés en s’appuyant sur des exemples de cas et en sont arrivés à la conclusion qu’une mesure de la 1,25-OH-vitamine D3 n’influence-rait dans aucun des cas examinés la décision thérapeu-tique pratique.

Résumé Conformément à la directive KDIGO (Kidney Disease Improving Global Outcome) relative aux TMO-MRC émise en 2009, les auteurs recommandent de mesurer le taux de 1,25-OH-vitamine D3 uniquement dans des cas tout à fait exceptionnels.

Question 3: Qui doit gérer le bilan phosphocalcique en cas de MRC de stade 4/5?

ContexteLes processus de calcification contribuant à la morta-lité cardiovasculaire, qui surviennent au niveau de la média vasculaire, des valves cardiaques et d’autres tis-sus, commencent en phase de prédialyse lorsque le pa-

tient ne présente aucun signe clinique et est souvent encore traité par le médecin de famille. Ce dernier pourrait-il ainsi gérer l’équilibre phosphocalcique? Les experts estiment toutefois les rapports cliniques entre le bilan phosphocalcique et la morbidité associée chez les patients atteints de MCR de stade 4/5 comme étant extrêmement complexes. Les médicaments employés, comme par exemple le calcitriol, provoquent de nom-breux effets indésirables et exigent une certaine expé-rience dans la gestion thérapeutique, nécessitant des contrôles spéciaux en cas de MCR de stade 4/5. Cette prise en charge s’avère difficile pour les médecins de famille sans expérience spécifique, d’autant plus que les directives actuelles (KDIGO 2012 Clinical Practice Guideline for the Evaluation and Management of CKD) ne fournissent que peu d’aide à l’orientation.

Bilan Les auteurs s’accordent pour dire que le traitement du bilan phosphocalcique chez les patients atteints de MCR de stade 4/5 doit être effectué par le néphrologue ou du moins en étroite collaboration avec celui-ci.

Question 4: Quelles sont les indications pour des chélateurs de phosphate sur base calcique versus non calciques?

Contexte Les preuves du bénéfice clinique (en termes de mor-bidité et mortalité) d’un abaissement du phosphate sérique à l’aide d’un chélateur de phosphate chez les patients atteints de MCR ne nécessitant pas de dialyse sont incomplètes. Jusqu’à présent, seules deux études réalisées par Russo et al. [3] et Di Iorio et al. [4] ont été publiées pour cette population de patients. Chez les pa-tients sous dialyse, il existe plusieurs études ayant éva-lué l’efficacité sur la mortalité des chélateurs du phos-phate sur base calcique par rapport aux chélateurs non calciques. Ces études ont presque exclusivement pour objet le sévélamer, un chélateur du phosphate non cal-cique à base de polymères. La première étude de mor-talité réalisé par Block et al. a montré une réduction à la limite du significatif de la mortalité dans le bras sous sévélamer; la différence devenait statistiquement signi ficative après ajustement de plusieurs variables (p = 0,016) [5]. La plus grande étude de mortalité réali-sée par Suki et al. n’a pu mettre en évidence aucune ré-duction significative de la mortalité dans le collectif to-tal [6]. Les nouveaux travaux menés par Di Iorio et al., suggérant une amélioration des résultats chez les pa-tients atteints de MCR [4] et chez les patients dialysés [7] due à des chélateurs non calciques du phosphate, ne sont pas non plus conclusifs: dans [4], aucune analyse de la population «en intention de traiter» n’a été effec-

Tableau 1: Classification des stades de la maladie rénale chronique (MRC). Selon les KDOQI Clinical Practice Guidelines for Chronic Kidney Disease.

Stade Débit de filtration glomérulaire DFG (ml/min/1,73 m2)

Description

1 ≥90 et albuminurie Lésions rénales

2 60–89 Insuffisance rénale légère

3 30–59 Insuffisance rénale moderée

4 15–29 Insuffisance rénale sévère

5 <15 (ou dialyse) Insuffisance rénale terminale

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tuée et dans [7], l’effet était potentiellement imputable à un meilleur contrôle de la phosphatémie et non pas à «l’absence de calcium» dans le chélateur du phosphate.En outre, aucune des études mentionnées plus haut ne prend en compte l’influx de calcium potentiel provo-qué par le dialysat (normocalcémique) chez les patients hypocalcémiques, et ce durant les premières heures de la dialyse. Cela pourrait potentiellement réduire l’effet favorable des chélateurs du phosphate non calciques. Il pourrait alors être judicieux d’adapter la concentration de calcium du dialysat, bien que le fondement d’une telle recommandation fasse défaut, puisque l’influx de calcium est difficile à mesurer et qu’il agit également de manière protectrice contre les baisses de pression artérielle.Par ailleurs, les études ne distinguent pas les «calcifiers» des «non-calcifiers» (degré de calcification des artères en début de dialyse), bien que cette distinction pour-rait être un facteur hautement significatif pour la sur-vie. Une identification des «calcifiers» est possible à l’aide d’une radiographie latérale de l’abdomen. Dans une étude, le sévélamer a augmenté la concentration de la protéine fétuine-A [8], inhibiteur puissant de la calcification vasculaire, ce qui pourrait expliquer la faible progression des calcifications observée. Dans une métaanalyse actualisée de Jamal et al. [9], résu-mant onze études randomisées réalisées auprès de patie nts atteints de MCR et dialysés, le traitement par chélateurs non calciques du phosphate était, pour une diminution similaire du taux de phosphate, associé à un bénéfice de survie tout juste significatif de 22% et à une calcification plus faible des artères coronaires. Même si cette métaanalyse suggère un éventuel avan-tage des chélateurs non calciques du phosphate, il est possible que des études ne montrant aucun bénéfice des chélateurs non calciques du phosphate n’aient pas été publiées et que d’autres études soient nécessaires.

BilanAu vu des données peu conclusives, les experts ren-voient, en ce qui concerne le choix du chélateur de phosphate, aux directives K/DOQI (The National Kid-ney Foundation Kidney Disease Outcomes Quality Ini-tiative) et KDIGO qui suggèrent de limiter la dose de chélateurs du phosphate sur base calcique en cas d’hy-percalcémie, de calcifications vasculaires, de maladie osseuse adynamique et de faible taux de PTH. Les auteurs utiliseraient plus souvent des chélateurs non calciques du phosphate si ceux-ci n’étaient pas considé-rablement plus onéreux.

Question 5: Les chélateurs du phosphate alumi-niques ont-ils encore leur place?

ContexteLes chélateurs aluminiques du phosphate étaient aupa-ravant souvent utilisés en raison de leur haute efficacité, jusqu’à ce que leur potentiel toxique soit reconnu. L’alu-minium est faiblement absorbé au niveau du tractus gastro-intestinal mais, en cas d’insuffisance rénale, peut s’accumuler dans les organes et les tissus et provoquer encéphalopathie, ostéomalacie et anémie microcytaire. C’est pourquoi les directives K/DOQI et KDIGO décon-seillent unanimement l’utilisation à long terme de ché-lateurs aluminiques du phosphate. Par le passé, de graves cas d’intoxication à l’aluminium ont été décrits principalement après contamination du dialysat par l’aluminium. Dans des conditions normales, l’absorp-tion d’aluminium n’engendre pas ou peu souvent un taux sérique toxique >1,5 µM/l; toutefois cela peut être différent chez les enfants ou en cas de prise concomi-tante de médicaments à base de citrate. Les arguments en faveur de l’utilisation de chélateurs aluminiques du phosphate sont une bonne tolérance favorisant l’obser-vance, une bonne efficacité et un faible prix. Néanmoins, la question relative à un taux d’aluminium «sûr» reste sujette à controverse. Hutchin son n’a pas été en mesure de recommander une dose d’aluminium «sûre» [10]. Il convient également de prendre en considération le fait qu’en cas d’intoxication à l’aluminium, le traitement de secours à base d’agent chélatant employé provoque des effets indésirables considérables.

Bilan Les experts préconisent une prescription restrictive des chélateurs aluminiques du phosphate. En cas d’uti-lisation, il convient de surveiller le métabolisme osseux et le taux sanguin et d’informer de manière répétée les patients sur l’interaction avec le citrate. En raison de ces problèmes, les chélateurs aluminiques du phosphate ne sont encore prescrits que par une partie des auteurs.

Question 6: Quel est le rôle du bilan magnésique?

ContexteDiverses études réalisées auprès d’humains et d’ani-maux montrent l’effet protecteur d’une concentration sérique élevé de magnésium contre les calcifications vas-culaires. Des études d’observation de cohorte suggèrent par ailleurs une réduction de la mortalité cardiovascu-laire et globale chez les patients atteints de MRC et égale-ment chez ceux sous dialyse (voir revue [11]). Il n’existe toutefois aucune étude randomisée contrôlée relative à l’influence de la concentration de magnésium sur des critères cliniques solides. Ainsi, le taux de magnésium sérique optimal chez le patient dialysé n’est pas claire-ment défini, pas plus que la forme galénique optimale. Outre l’administration orale de ma gné sium, un apport

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ARTICLE DE REVUE 851

par le dialysat est envisageable chez les patients dialysés. Il convient alors d’employer un dialysat présentant des concentrations de magnésium de 0,5–0,75 mmol/l.

BilanAucune recommandation relative à un taux optimal de magnésium n’est actuellement possible. Cette probléma-tique doit être examinée dans des études cliniques.

Question 7: Quelles sont les indications pour l’utili-

sation sélective du cinacalcet, d’activateurs du RVD

et de leur association?

Contexte En cas d’hyperparathyroïdie secondaire (HPTs), il existe, outre la restriction ou l’élimination du phos-phate par dialyse, trois préparations inhibant la sécré-tion de PTH: l’activateur du récepteur de la vitamine D (RVD) calcitriol (vitamine D active) est généralement employé en premier lieu pour le traitement, mais peut, en raison de son action sur les récepteurs intestinaux de la vitamine D, entraîner une augmentation de l’ab-sorption du calcium et une hypercalcémie. L’activateur du RVD paricalcitol, également disponible, se distingue du calcitriol par une stimulation plus faible de l’ab-sorption intestinale du calcium [12]. Le calcimimétique cinacalcet inhibe directement la sécrétion de PTH et abaisse ainsi secondairement le taux de calcium sé-rique. Le cinacalcet est uniquement autorisé pour le traitement de patients dialysés. Chez les patients en prédialyse, le cinacalcet provoque hypocalcémie et hy-perphosphatémie. Etant donné que les valeurs du taux de PTH ne peuvent être amenées dans la zone cible par simple monothérapie que chez peu de patients, les principes actifs sont souvent administrés en associa-tion. De même, dans l’étude EVOLVE (Evaluation Of Ci-nacalcet Hydrochloride Ther apy to Lower Cardiovascu-lar Events), un peu plus de la moitié des patients du bras sous substance active a été traitée concomitam-ment par cinacalcet et vitamine D active [13].

BilanChez les patients atteints de MCR de stade 4/5, les au-teurs recommandent de traiter en premier lieu la HPTs

en normalisant le taux de phosphate (régime ± chéla-teur du phosphate), puisque le phosphate constitue un déclencheur essentiel de la sécrétion de PTH. Si le taux de PTH ne peut pas être suffisamment contrôlé par ce moyen, il convient d’utiliser du calcitriol sous surveil-lance étroite du calcium sérique (si possible du calcium ionisé). Si les valeurs de calcium augmentent, il est pos-sible de passer d’un chélateur du phosphate calcique à un chélateur du phosphate non calcique ou de rempla-cer le calcitriol par du paricalcitol. Le cinacalcet peut être employé chez les patients dialysés comme alter-native de valeur équivalente ou en cas d’augmentation persistante du taux de PTH.

Question 8: Faut-il traiter l’hypophosphatémie après

une transplantation rénale?

Contexte Plus de 90% des patients bénéficiant d’une trans-plantation rénale présentent une hypophosphatémie (Pi <0,6 mmol/l) pendant la phase post-transplantation précoce. Durant cette phase aiguë, une substitution par phosphate «neutre» (par ex. Phoscaps®) entraîne une amélioration de l’homéostasie acido-basique et une augmentation des liaisons ATP et de phosphodies-ter au niveau du phosphate musculaire [14]. Lors d’une administration de phosphate, il convient toutefois de tenir compte du fait qu’en grande quantité, le phos-phate est susceptible d’endommager les tubules rénaux et d’exacerber une HPTs existante.

Bilan En raison des effets positifs sur l’homéostasie acido- basique et sur l’homéostasie musculature, les experts préconisent d’envisager le traitement précoce d’une hypophosphatémie (valeur Pi <0,6 mmol/l) par phos-phate «neutre» per os. D’autres études cliniques seraient ici souhaitables. En revanche, en cas d’hypophospha-témie chronique durant la phase post-transplantation avancée, il convient de rechercher et traiter d’autres causes, notamment une HPT tertiaire.

Rôle des auteursA. Bock, A. Jehle, A. Fischer, St. Farese, A. Kistler, G. Meffert, C. Schönholzer et P. Ambühl ont préparé les supports de discussion, formulé les prises de position et rédigé l’article. D. Spirk et R. Müller (collaborateurs de Sanofi-Aventis Suisse AG, Vernier) ont conçu et organisé la réunion, et soutenu la rédaction de l’article sans en influencer le contenu.

Disclosure statement L’idée et l’infrastructure de cet article proviennent de la société Sanofi, qui n’a toutefois influencé d’aucune manière la discussion. Le coauteur PA reçoit un unrestricted educational grant de Sanofi-Aventis.

Photo de couverture© Sebastian Kaulitzki | Dreamstime.com

RéférencesLa liste complète et numérotée des ouvrages de référence se trouve en annexe de l’article en ligne sur www.medicalforum.ch.

Correspondance: Prof. Andreas Bock Chefarzt Nephrologie Kantonsspital Aarau Tellstrasse CH-5001 Aarau andreas.bock[at]ksa.ch

L’essentiel pour la pratique

Pour résumer, les discussions exposées ici, concernant des problèmes

thérapeutiques significatifs issus du domaine des TMO-MRC, mais non

couverts par les recommandations, montrent nettement le manque de

preuves confirmées. Lors de la prise de décision thérapeutique malgré tout

inévitable, il est donc particulièrement crucial de connaître le pour et le

contre, de prendre en compte la situation individuelle du patient et de véri-

fier les répercussions de la décision à l’aide d’une surveillance adaptée.

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LITERATUR / RÉFÉRENCES Online-Appendix

Literatur / Références

1 Mc Govern AP, de Lusignan S, van Vlymen J, Liyanage H, Tomson CR, Gallagher H, et al. Serum phosphate as a risk factor for cardiovascular events in people with and without chronic kidney ­disease: a large community based cohort study. PLoS ONE. 2013;8(9):e74996.

2 Palmer SC, Hayen A, Macaskill P, Pellegrini F, Craig JC,

Elder GJ, et al. Serum levels of phosphorus, parathyroid hormone, and calcium and risks of death and cardiovascular disease in individuals with chronic kidney disease: a systematic review and meta­analysis. JAMA. 2011;305(11):1119–27.

3 Russo D, Miranda I, Ruocco C, Battaglia Y, Buonanno E,

Manzi S, et al. The progression of coronary artery calcification in predialysis patients on calcium carbonate or sevelamer. Kidney Int. 2007;72(10):1255–61.

4 Di lorio B, Bellasi A, Russo D; INDEPENDENT Study

Investigators. Mortality in kidney disease patients treated with phosphate binders: a randomized study. Clin J Am Soc Nephrol. 2012;7(3):487–93.

5 Block GA, Raggi P, Bellasi A, Kooienga L, Spiegel DM.

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L, et al. Effects of sevelamer and calcium­based phosphate binders on mortality in hemodialysis patients. Kidney Int. 2007;72(9):1130–7.

7 Di lorio B, Molony D, Bell C, Cucciniello E, Bellizzi V, Russo

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  8 Caglar K, Yilmaz MI, Saglam M, Cakir E, Acikel C, Eyileten T,

et al. Short­term treatment with sevelamer increases serum fetuin­a concentration and improves endothelial dysfunction in chronic kidney disease stage 4 patients. Clin J Am Soc Nephrol. 2008;3(1):61–8.

  9 Jamal SA, Vandermeer B, Raggi P, Mendelssohn DC,

Chatterley T, Dorgan M, et al. Effect of calcium­based versus non­calcium­based phosphate binders on mortality in patients with chronic kidney disease: an updated systematic review and meta­analysis. Lancet. 2013;382(9900):1268–77.

10 Hutchison AJ. Oral phosphate binders. Kidney Int.

2009;75(9):906–14. 11 Massy ZA, Drueke TB. Magnesium and outcomes in

patients with chronic kidney disease: focus on vascular calcification, atherosclerosis and survival. Clin Kidney J. 2012;5(Suppl 1):i52–i61.

12 Lund RJ, Andress DL, Amdahl M, Williams LA, Heaney RP.

Differential effects of paricalcitol and calcitriol on intestinal calcium absorption in hemodialysis patients. Am J Nephrol. 2010;31(2):165–70.

13 EVOLVE Trial Investigators, Chertow GM, Block GA, Correa­

Rotter R, Drüeke TB, Floege J, et al. Effect of cinacalcet on cardiovascular disease in patients undergoing dialysis. N Engl J Med. 2012;367(26):2482–94.

14 Ambühl PM, Meier D, Wolf B, Dydak U, Boesiger P,

Binswanger U. Metabolic aspects of phosphate replacement therapy for hypophosphatemia after renal transplantation: impact on muscular phosphate content, mineral metabolism, and acid/base homeostasis. Am J Kidney Dis. 1999;34(5):875–83.

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RECOMMANDATIONS 852

Recommandation de la Société Suisse de Cardiologie et de la Société Suisse de Chimie Clinique

Recommandation relative au changement d’unité de mesure pour la troponine cardiaqueChristian Müllera, Urs Kaufmannb, Arnold von Eckardsteinc, Martin Hersbergerd, Katharina Rentsche, Hélène Singeisenf, Michael Zellwegerf

a Klinik für Kardiologie und Cardiovascular Research Institute Basel (CRIB), Universitätsspital Basel; b Präsident Schweizerische Gesellschaft für Kardiologie; c Departement für Labormedizin, UniversitätsSpital Zürich; d Präsident Schweizerische Gesellschaft für Klinische Chemie; e Departement für Labormedizin, Universitätsspital Basel; f Präsident Qualitätskommission der Schweizerischen Gesellschaft für Kardiologie

Les troponines cardiaques T et I sont des composantes diagnostiques élémentaires chez les patients présen­tant une suspicion d’infarctus myocardique aigu. Dans cette indication, elles viennent compléter l’anamnèse détaillée, l’examen clinique ainsi que l’ECG à 12 canaux [1–6]. La Société Suisse de Cardiologie et la Société Suisse de Chimie Clinique souhaitent, grâce à cet article, attirer l’attention sur un problème iatrogène épineux et fournir une recommandation afin de l’éviter au mieux. Cette recommandation est le fruit d’une intense discussion d’experts au sein de la Société Suisse de Cardiologie et de la Société Suisse de Chimie Clinique. En outre, cette re­commandation a été élaborée en accord avec les fabri­cants des tests de troponine.

Recommandation

Nous recommandons pour la Suisse, à partir du

1er octobre 2015, de rapporter systématiquement les

concentrations plasmatiques des troponines car-

diaques T et I en ng/l.

Contexte et justification

Jusqu’à il y a environ 2 ans, les concentrations plasma­tiques de troponine étaient rapportées en μg/l. Malgré certaines différences entre les différents tests de tro­ponine, toute une génération de médecins a appris qu’une concentration de troponine de 5 μg/l ou 10 μg/l est extrêmement rare et reflète presque toujours la présence d’un important infarctus du myocarde.Les troponines cardiaques sont des marqueurs quanti­tatifs reflétant la présence de lésions au niveau des cel­lules musculaires myocardiques. L’introduction de tests de troponine de haute sensibilité dans la routine cli­nique au cours des 4 dernières années offre la possibi­lité de mesurer avec exactitude les concentrations de troponines cardiaques T et I dans la fourchette de réfé­

rence, même lorsque celles­ci sont très faibles. A partir d’un phénomène rare et presque pathognomonique pour l’infarctus myocardique («troponine positive») avec les anciens tests peu sensibles, est né un mar­queur quantitatif permettant d’estimer l’ampleur des lésions du myocarde. Plus la concentration plasma­tique de troponine est élevée chez un patient présen­tant une suspicion d’infarctus myocardique aigu, plus la probabilité est grande que le patient souffre d’un réel infarctus aigu du myocarde. En permettant désormais de différencier les faibles élévations de la troponine par rapport à un taux de troponine normal, et ce avec certitude, les tests sensibles et hautement sensibles de troponine ont considérablement amélioré le diagnos­tic précoce de l’infarctus du myocarde [1–8]. Ainsi, la valeur limite pour le test hautement sensible de tropo­nine T se situe à 0,014 μg/l, ce test étant actuellement le plus répandu en Suisse. Une concentration de 0,005 μg/l est normale tandis qu’une concentration de 0,050 μg/l est clairement pathologique, vu qu’elle est déjà trois fois plus élevée que le 99e percentile des sujets sains, qui est recommandé mondialement et unanimement comme valeur seuil clinique. Etant donné que l’utilisation de décimales dans le quotidien clinique est particulièrement sujette à erreurs, les experts internationaux se sont prononcés pour une expression des concentrations de troponine en ng/l, et non plus en μg/l [2, 3]. Le tableau 1 présente les valeurs seuil cli­niques exprimées avec l’ancienne unité et avec la nou­velle unité pour les tests de troponines couramment utilisés en Suisse. Les recommandations actuelles pré­conisent l’utilisation de tests hautement sensibles ou sensibles [1–3].La concentration de troponine T d’une personne en bonne santé est par ex. de 5 ng/l ou 8 ng/l, celle d’une personne présentant un important infarctus du myo­carde est de 3000 ng/l ou 5000 ng/l. Ce changement d’unité est très délicat et doit s’effectuer de manière

Les articles des rubriques «Recommandations» ne reflètent pas forcément l’opinion de la rédaction. Les contenus relèvent de la responsabilité rédactionnelle de la société de discipline médicale ou du groupe de travail signataire.

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RECOMMANDATIONS 853

coordonnée et simultanée dans un même domaine de soins. Il convient d’éviter qu’un patient présentant une suspicion d’infarctus myocardique aigu ait une concen­tration de troponine de 5 μg/l dans l’hôpital A puisque cette concentration soit soudainement de 5000 ng/l dans l’hôpital B où il a été transféré.Etant donné que l’utilisation parallèle en Suisse des deux unités représente un scénario négatif pouvant être à l’origine de nombreuses erreurs, nous préconi­sons un passage homogène et simultané à l’unité ng/l en date du 1er octobre 2015, ce qui nécessitera un échange intense entre les laboratoires et les cliniques.Grâce à des débats intensifs avec les représentants des sociétés de fabrication ayant eu lieu préalablement à cette publication, ce changement coordonné devrait être possible.A cette fin, votre coopération est nécessaire.1) Veuillez vous familiariser avec les détails des tests

de troponine cardiaque que vous utilisez. Assurez­

vous que vous en connaissez le 99e percentile. Le ta­bleau 1 vous montre les valeurs de référence cor­rectes avec la nouvelle unité ng/l.

2) A partir du 1er octobre 2015, veillez à utiliser exclusi­vement l’unité ng/l dans vos rapports.

Votre coopération est décisive afin de garantir la justesse et la sûreté des soins administrés aux patients présen­tant une suspicion d’infarctus aigu du myocarde.

Disclosure statementHS a déclaré les relations suivantes: Swiss National Science Foundation, Swiss Heart Foundation, Cardiovascular Research Foundation Basel, Stanley Thomas Johnson Foundation, Abott, ALERE, Beckman Coulter, Brahms, Critical Diagnostics, Nanosphere, Roche, Siemens, Singulex, Department of Internal Medicine – University Hospital Basel. Les autres auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêts financier ou personnel en rapport avec cet article.

RéférencesLa liste complète et numérotée des références est disponible en annexe de l’article en ligne sur www.medicalforum.ch.

Correspondance: Prof. Christian Müller Universitätsspital Basel Klinik für Kardiologie und Cardiovascular Research Institute Basel (CRIB) Petersgraben 4 CH­4031 Basel christian.mueller[at]usb.ch

Tableau 1: Anciennes et nouvelles valeurs seuil cliniques des tests de troponine cardiaque T et I, définies comme le 99e percentile des sujets sains. Données fournies par les fabricants.

Tests haute sensibilité (CV <10% au 99e percentile et 50% des valeurs de référence déterminables); «conforme aux directives»

Ancienne valeur seuil (μg/l) Nouvelle valeur seuil (ng/l)

Abbott Architect hs-cTnI 0,026 26

Roche Elecsys® Troponin T hs 0,014 14

Roche Elecsys® Troponin T hs STAT 0,014 14

Tests sensibles (CV <10% au 99e percentile); «conforme aux directives»

Beckman Coulter Access Accu TnI+3 0,04 40*Mitsubishi PATHFAST Troponin I 0,02 20**Siemens ADVIA Centaur® TnI-Ultra™ 0,04 40Siemens Dimension® EXL™ TNI 0,056 56Siemens Stratus CS TnI 0,07 70Siemens Dimension VISTA® CTNI 0,045 45

Tests utiles en clinique (CV 10–20% au 99e percentile)

Abbott Architect TnI 0,028 28Abbott i-STAT 0,08 80Alere Triage® Cardio 2 Panel 0,02 20**Alere Triage® Cardio 3 Panel 0,02 20**Alere Triage® Next Generation Troponin I 0,02 20**Dxpress Reader 0,2 200**Radiometer AQT90 FLEX TnI 0,023 23Samsung LABGEO IB10 0,1 100Siemens Immulite 2000 / XPi TnI 0,29 290

Autres tests (CV >20% ou inconnu au 99e percentile)

Alere Triage® Cardiac Panel 0,4 400**Alere Triage® Profiler SOB™ Panel 0,4 400**bioMerieux Vidas Ultra 0,11 110Roche Elecsys® Troponin I 0,16 160Roche Elecsys® Troponin I STAT 0,16 160EUROlyser Troponin I 1,5 1500Radiometer AQT90 FLEX TnT 0,017 17Roche CARDIAC T Quantitative (Cardiac reader) non précisée 30Roche CARDIAC T Quantitative (cobas h 232) non précisée 50

* Population Union européenne.** Ne peut pour le moment pas encore être converti sur l’appareil, mais doit être converti ultérieurement.CV Coefficient de variation.

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LITERATUR / RÉFÉRENCES Online-Appendix

Literatur / Références

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2 Thygesen K, Mair J, Giannitsis E, Mueller C, Lindahl B,

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3 Thygesen K, Alpert JS, Jaffe AS, Simoons ML, Chaitman BR,

White HD; the Writing Group on behalf of the Joint ESC/ACCF/AHA/WHF Task Force for the Universal Definition of Myocardial Infarction; Authors/Task Force Members Chairpersons, Thygesen K, Alpert JS, White HD; Biomarker Subcommittee, Jaffe AS, Katus HA, Apple FS, Lindahl B, Morrow DA; ECG Subcommittee, Chaitman BR, Clemmensen PM, Johanson P, Hod H; Imaging Subcommittee, Underwood R, Bax JJ, Bonow RO, Pinto F, Gibbons RJ; Classification Subcommittee, Fox KA, Atar D, Newby LK, Galvani M, Hamm CW; Intervention Subcommittee, Uretsky BF, Gabriel Steg P, Wijns W, Bassand JP, Menasché P, Ravkilde J; Trials & Registries Subcommittee, Ohman EM, Antman EM, Wallentin LC, Armstrong PW, Simoons ML; Heart Failure Subcommittee, Januzzi JL, Nieminen MS, Gheorghiade M, Filippatos G; Epidemiology Subcommittee, Luepker RV, Fortmann SP, Rosamond WD, Levy D, Wood D; Global Perspective Subcommittee, Smith SC, Hu D, Lopez-Sendon JL, Robertson RM, Weaver D, Tendera M, Bove AA, Parkhomenko AN, Vasilieva EJ, Mendis S; ESC Committee for Practice Guidelines (CPG), Bax JJ, Baumgartner H, Ceconi C, Dean V, Deaton C, Fagard R, Funck-Brentano C, Hasdai D, Hoes A, Kirchhof P, Knuuti J, Kolh P, McDonagh

T, Moulin C, Popescu BA, Reiner Z, Sechtem U, Sirnes PA, Tendera M, Torbicki A, Vahanian A, Windecker S; Document Reviewers, Morais J, Aguiar C, Almahmeed W, Arnar DO, Barili F, Bloch KD, Bolger AF, Bøtker HE, Bozkurt B, Bugiardini R, Cannon C, de Lemos J, Eberli FR, Escobar E, Hlatky M, James S, Kern KB, Moliterno DJ, Mueller C, Neskovic AN, Pieske BM, Schulman SP, Storey RF, Taubert KA, Vranckx P, Wagner DR. Third universal definition of myocardial infarction. Eur Heart J. 2012;33:2551–67.

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5 Reichlin T, Schindler C, Drexler B, Twerenbold R, Reiter M,

Zellweger C, Moehring B, Ziller R, Hoeller R, Rubini Gimenez M, Haaf P, Potocki M, Wildi K, Balmelli C, Freese M, Stelzig C, Freidank H, Osswald S, Mueller C. One-hour rule-out and rule-in of acute myocardial infarction using high-sensitivity cardiac troponin t. Arch Intern Med. 2012;172:1211–8.

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7 Keller T, Zeller T, Peetz D, Tzikas S, Roth A, Czyz E, et al.

Sensitive troponin I assay in early diagnosis of acutemyocardial infarction. N Engl J Med. 2009;361:868–77.

8 Keller T, Zeller T, Ojeda F, Tzikas S, Lillpopp L, Sinning C, et

al. JAMA. 2011;306:2684–93.

SWISS MEDICAL FORUM

CASUISTIQUES 854

Chronischer Husten

Seltener endobronchialer BefundLukas Grafa, Karim El-Haga, Sabina Berezowskab

a Universitätsklinik für Pneumologie, Inselspital Bernb Institut für Pathologie, Universität Bern

Fallbericht

AnamneseDie Zuweisung des 40-jährigen japanischen Patienten erfolgte bei chronischem Husten und einer ein-maligen Episode von Hämoptysen. Zwei Monate zuvor bestand anamnestisch ein respiratorischer Infekt, der antibiotisch behandelt wurde, mit Verbesserung der Beschwerden. B-Symptome wurden verneint. Ein Asth ma oder eine vorbestehende Lungenerkrankung waren nicht bekannt, kein Nikotinkonsum.

UntersuchungsresultateKlinisch zeigte sich der Patient in ordentlichem Allge-meinzustand und afebril. Laboranalytisch ergaben sich keine Hinweise für einen Infekt. Im konventionel-len Röntgenbild zeigte sich eine Konsolidation resp. infil trative Veränderung im rechten Oberlappen, wes-halb eine weiterführende bildgebende Diagnostik mit-tels CT-Thorax erfolgte. Hier fand sich eine ca. 11 mm grosse ovaläre Raumforderung im anterioren Oberlappen segmentbronchus mit konsekutiver Teil-atelektase fand (Abb. 1). Die im Anschluss durchge-führte Bronchoskopie ergab einen Verschluss des ante-rioren Oberlappensegmentbronchus durch einen kugeligen Tumor mit glatter, gut vaskularisierter Ober-fläche (Abb. 2). Mittels Zangenbiospie und Nadelaspira-tion wurden Gewebeproben entnommen, wobei die

Diagnose eines bronchialen Leiomyoms gestellt wer-den konnte (Abb. 3). In der PET-CT zeigte sich weder eine Stoffwechselaktivität der Läsion noch anderwei-tige Mehranreicherungen.

Therapie und VerlaufBei poststenotischer Pneumonie und zum Teil bronchi ektastisch destruiertem Segment wurde der

Abbildung 1: CT-Thorax mit Konsolidation im rechten Oberlappen.

Abbildung 2: Bronchoskopie. Kugeliger Tumor im Bronchus

des anterioren Oberlappensegmentes rechts.

Abbildung 3: Leiomyom makroskopisch.

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CASUISTIQUES 855

Entscheid zur Segmentresektion gefällt. Die Lokalisa-tion im anterioren Oberlappensegment war einer endoskopischen Intervention nicht gut zugänglich. Histologisch bestätigte sich die Diagnose (Abb. 4). Der Patient hat sich vom Eingriff gut erholt.

Diskussion

Endobronchiale Leiomyome sind sehr seltene benigne Lungentumoren (<2%) mit bis 2009 weltweit nur ca. 100 beschriebenen Fällen. Die Lokalisation ist zu ca. 51% im Lungenparenchym, zu 33% bronchial und zu 16% tracheal. Ihren Ursprung haben die Leiomyome in einer Proliferation der glatten Muskelzellen der Bronchien oder der Gefässe [1]. Uterine Leiomyome sind häufig, isolierte extrauterine Lokalisationen jedoch selten

und häufig asymptomatisch. Benigne metastatische Lei-omyome bei Frauen mit Uterusmyomen sind selten be-schrieben (Benign Metastasizing Leiomyoma, BML) [2].Die endobronchiale Lokalisation geht mit respiratori-schen Symptomen wie Husten, Hämoptysen und rezi-divierenden Infekten einher, mit konsekutiver narbig-fibrotischer und/oder bronchiektatischer Destruktion des nachfolgenen Lungenparenchyms. Die Ursache ist unklar/idiopathisch; beschrieben ist eine Assoziation mit einer Immunsuppression (HIV, Lymphome) oder auch einer Epstein-Barr-Virus-Infektion. Die Therapie besteht meist in einer chriurgischen Resektion des be-troffenen Lungenabschnittes [3]. Vermehrt wurden in letzter Zeit auch erfolgreich endoskopische Resekti-onsverfahren (Laserabtragung, Elektroschlinge) durch-geführt [4, 5].

Disclosure statementDie Autoren haben keine finanziellen oder persönlichen Verbindungen im Zusammenhang mit diesem Beitrag deklariert.

Literatur1 Swarnakar R et al. Endobronchial leiomyoma: A rare and innocent

tumour of the bronchial tree. Lung India. 2013 Jan;30(1):57–60.2 Sufeng Chen et al. Pulmonary benign metastasizing leiomyoma

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5 Sharifi N et al. Endobronchial leiomyoma; report of a case success-fully treated by bronchoscopic resection. J Res Med Sci. 2010Nov;15(6):364–70.

Schlussfolgerungen für die PraxisAls Ursache von chronischem Husten (Dauer >2 Monate) und/oder rezidi-

vierenden bronchopulmonalen Infekten kann selten einmal ein isolierter

endotracheobronchialer Tumor vorliegen. Konventionell radiolo gisch sind

diese, falls keine Atelektase oder poststenotische Veränderungen vorhan-

den sind, oft nicht sichtbar. Eine weiterführende Abklärung mittels CT ist

in solchen Fällen, insbesondere bei fehelender alternativer Diagnose, indi-

ziert. Im Anschluss sollte eine bronchoskopische Beurteilung des Tra-

cheobronchialsystems erfolgen.

Korrespondenz: Dr. med. Lukas Graf Inselspital Freiburgstrasse CH-3010 Bern lukas.graf[at]insel.ch

Abbildung 4: Leiomyom mikroskopisch. Färbung H&E (A) und Desmin (B).

A B

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Courrier des lecteursA propos de l’article «Fahreignung älterer Personen» Furter K, Weber T, Menozzi M, Johannsen H, Muser M, Schmitt KU. DRIVESS – ein Projekt zur Optimierung der Abklärung von Fahrzeuglenkern im Ruhestandsalter: Fahreignung älterer Personen. Forum Med Suisse 2015;15(08):183-185.

Nous avons lu avec intérêt cette article, d’autant plus que nous sommes médecins conducteurs à la retraite et que nous avions, entre autres, les titres FMH en anesthésiologie, en médecine intensive et en chirurgie.Il est évident que les médecins doivent em-pêcher un dément qu’il soit sénile ou juvénile de conduire tout appareil dangereux, voiture comprise. A ma connaissance les médecins dans leur cabinet le font bien, à un coût raison-nable et beaucoup mieux, par exemple, que les fonctionnaires et experts des commissions qui s’occupent de libérer des détenus ou de les envoyer en congé. Tout comme les chefs de ser-vices d’anesthésiologie-réanimation forment et encadrent leurs jeunes collègues à surveil-ler attentivement et en continu les patients sous anesthésie et à analyser leurs dé cisions, ont la patience qu’ils deviennent expérimen-tés et indépendants, puis savent conseiller et surveiller leurs collaborateurs vieillissants et se retirer eux-même de leur vie active.L’article a plusieurs faiblesses.Les deux échantillons sont trop faibles en nombre, le choix et la sélection des personnes étudiées des deux groupes sont fort question-nables. Un groupe comprend 47 conducteurs retraités ou en fin de vie de conducteur (âgés entre 65 et 90 ans). L’autre groupe comprend seulement 10 conducteurs âgés entre 24 et 42 ans; ce groupe consiste quasiment que de personnes de classes d’âge qui sont statistique-ment les moins impliquées dans des accidents (cf. les statistiques de l’OFROU de 2012), alors que ce groupe aurait dû comprendre autant de conducteurs mais âgés de 18 ans à 64 ans et avec la même proportion de conducteurs ayant eu des accident équivalents dans les 6 mois précédents. Le test d’attention nous semble un test d’inattention comme le serait pour les jeunes téléphoner ou chatter en conduisant.Le contrôle sur route de 10 km est bien court surtout par rapport à l’importance et au coûts de l’imposante batterie des autres tests.Comme dans d’autres domaines, le déficit de l’attention dû au vieillissement physiologique et/ou à une pathologie est une réalité que tout médecin est apte à détecter. C’est une insuffi-sance qui caractérise les patients âgés mais aussi les jeunes mal scolarisés qui augmentent tout comme le nombre de retraités-conduc-teurs. Les auteurs ont choisi d’étudier cet as-

pect gériatrique et d’autres aspects annexes du vieillissement dans les deux groupes. Ils se devaient aussi d’étudier dans les deux groupes les insuffisances caractérisant les conducteurs plus jeunes tels que manque d’expérience, inattention dues à l’usage du téléphone cellu-laire, chat compris, effets secondaires des dro gues à la mode, maquillage au volant, mu-sique à haut volume, examen de piétonnes attirantes, agressivité au volant, forcer l’en-trée dans les giratoires, forcer la priorité dans les entrées aux autoroutes, dérapage et perte de la maîtrise de son véhicule, ne pas respec-ter d’aller à la vitesse d’un homme au pas dans un parking, ne pas respecter les limitations de vitesse de 30 km/h et 20 km/h, accélération et freinage brusque, se coller derrière la voiture qui précède quand ce n’est pas pour la dépas-ser par la droite.Pour conclure, mon épouse et moi-même avons eu raison, lorsque nous sommes arrivés à la retraite, de suivre volontairement et avec in-térêt un cours de mise à niveau de conduite du TCS. La monitrice fut excellente. Nous avons été surpris comme nombre des participants plus jeunes que nous avaient des insuffisances dans leurs connaissances des règles de la circu-lation. Le test de conduite sur route a été beau-coup plus long en km et a duré deux heures pour chacun de nous. A ces deux heures se sont ajoutées deux heures comme spectateur du test du conjoint.De tels cours sont certainement utiles pour la prévention des accidents et ne coûtent rien aux contribuables. Ils pourraient être obliga-toires pour les conducteurs qui ont un bonus négatif pour leur assurance véhicule, aux conducteurs ayant été impliqués dans un ac-cident, aux conducteurs ayant été condamnés à des amendes pour des fautes graves et évidemment sur demande du médecin ayant examiné un conducteur.Vu la fréquence des sinistres enregistrée par AXA Winterthur en fonction de l’âge du véhi-cule et de l’âge du conducteur, nous sommes convaincus que si on suivait l’exemple de Sin-gapour, où quand on achète une voiture, on doit payer les taxes pour dix ans et où après dix ans le voiture ne peut plus circuler et doit être éliminée, on diminuerait d’avantage les accidents qu’en mettant à contribution les contribuables pour créer plus de bureaucratie et de contrôle de la Confédération.Derrière les propositions des auteurs se cachent deux évolutions qui violent le principe de subsidiarité qui caractérise la démocratie di-recte et délibérative de notre pays, évolutions contre lesquelles les citoyens doivent s’op-poser avec toutes leurs forces.

D’une part des médecins payés par les contri-buables veulent prendre des tâches des méde-cins libres praticiens, créer de nouveaux ser-vices étatiques de consultation et de contrôle coûteux dans les facultés et des hôpitaux publics avec nouveaux services, nouveaux professeurs, leurs collaborateurs, des techni-ciens, des locaux plus luxueux que ce que le contribuable moyen a chez lui, des appareils à acheter et à entretenir, bref à augmenter mas-sivement les coûts sans preuve de diminution des accidents. D’autre part, une fois de plus, il y a volonté d’augmenter les coûts et la bureau-cratie en enlevant des tâches aux Cantons et aux médecins installés dans les Communes, cela en les centralisant à la Confédération. Pour nous c’est inadmissible.

PD Dr Dominique Schwander et Dr Amarillys Taylor

Les auteurs de l’article ont renoncé à formuler une réplique.

Correspondance: PD Dr Dominique Schwander Rue des Marais Neufs 56 CH-1913 Saillon dominiqueschwander[at]bluewin.ch

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SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2015;15(38):856