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Interaction entre les départements Compliance et RH du Groupe GDF SUEZ en cas de lancement d’une alerte éthique D.E.S. en Ressources Humaines Travail de fin d’études Janvier 2015 (année d’études 2011 – 2012) Barbara MUELLER-LEGRAN

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Interaction entre les départements

Compliance et RH du

Groupe GDF SUEZ en cas de

lancement d’une alerte éthique

D.E.S. en Ressources Humaines

Travail de fin d’études

Janvier 2015 (année d’études 2011 – 2012)

Barbara MUELLER-LEGRAN

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Table des matières Page 1 sur 51

Table des matières

Table des matières .................................................................................. 1

I. Introduction .................................................................................... 4

II. Présentation du Groupe GDF SUEZ .................................................... 6

1. Historique ................................................................................................................. 6

2. Organisation ............................................................................................................. 7

3. Marché ..................................................................................................................... 7

4. Actionnariat .............................................................................................................. 8

5. L’éthique du Groupe ................................................................................................ 8

III. Contexte juridique ......................................................................... 10

1. Droit britannique .................................................................................................... 10

1.1 Public Interest Disclosure Act et Employment Rights Act ......................... 10

1.2 United Kingdom Bribery Act ...................................................................... 11

1.3 Enterprise and Regulatory Reform Act ..................................................... 12

2. Droit américain (USA)............................................................................................. 12

2.1 False Claim Act .......................................................................................... 13

2.2 Sarbanes Oxley Act .................................................................................... 14

2.3 Dodd-Franck Wall Street Reform and Consumer Protection Act ............. 15

3. Compétences juridictionnelles ............................................................................... 16

IV. Le lancement d’alerte .................................................................... 18

1. Qu’est-ce que le lancement d’alerte ? ................................................................... 18

2. Avantages d’une Politique de Lancement d’Alerte ............................................... 18

3. Inconvénients d’une Politique de Lancement d’Alerte ......................................... 19

4. Risques liés à l’absence de Politique de Lancement d’Alerte ................................ 20

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Table des matières Page 2 sur 51

V. Le lancement d’alerte dans le Groupe GDF SUEZ ............................. 22

1. Situation actuelle .................................................................................................. 22

2. Points d’amélioration ............................................................................................ 23

3. Hotline externe dédiée au lancement d’alerte ..................................................... 24

3.1 Les entreprises spécialisées ...................................................................... 24

3.2 Les cabinets d’avocats ............................................................................... 25

3.3 Option retenue par le Groupe GDF SUEZ ................................................... 25

4. Projet de Politique de Lancement d’Alerte au sein du Groupe GDF SUEZ ............. 26

VI. Le lanceur d’alerte ......................................................................... 28

VII. Le rôle des RH en cas de lancement d’alerte .................................. 31

1. Les RH, interlocuteurs de proximité et facilitateurs .............................................. 31

2. Les RH, responsables de la prévention et de la gestion des risques psycho-

sociaux .................................................................................................................... 32

2.1 Qu’est-ce que le burn-out ? ...................................................................... 32

2.2 Quels sont les profils à risques ? ............................................................... 33

2.3 Quels sont les symptômes du burn-out ? ................................................. 33

2.5 Comment prévenir le burn-out chez le lanceur d’alerte?......................... 35

2.6 Risques et conséquences pour une entreprise d’avoir un collaborateur en

burn-out .................................................................................................... 35

3. Les RH, gardiennes des valeurs éthiques de l’entreprise ...................................... 36

3.1 Recrutement .............................................................................................. 37

3.2 Accueil des nouveaux collaborateurs ........................................................ 37

3.3 Formation .................................................................................................. 37

3.4 Évaluation .................................................................................................. 38

3.5 Marketing RH (employer branding) .......................................................... 38

3.6 Entretien de sortie..................................................................................... 38

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Table des matières Page 3 sur 51

4. Les RH, gestionnaires des contrats de travail ........................................................ 39

4.1 Définition ................................................................................................... 39

4.2 Procédure .................................................................................................. 40

5. Les RH, gardiennes de la protection de la vie privée ............................................. 41

VIII. Conclusion ..................................................................................... 43

IX. Bibliographie ................................................................................. 45

X. Dédicace et remerciements ........................................................... 49

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I - Introduction Page 4 sur 51

I. Introduction

Le Groupe GDF SUEZ (ci-après « le Groupe GDF SUEZ » ou « le Groupe » ou « GDF SUEZ »),

acteur-clé au niveau mondial dans le secteur de l’énergie, souhaite mettre en place

une politique en matière de lancement d’alerte, principalement pour les questions de

corruption et de violation des règles éthiques.

Ces questions couvrent à la fois un aspect juridique, puisqu’il s’agit de dénoncer des

actes qui violent les lois nationales et internationales, et un aspect de ressources

humaines, puisque les comportements dénoncés sont contraires aux valeurs et à

l’éthique du Groupe.

GDF SUEZ a fait le choix de confier le pilotage de cette politique à son département

Compliance de la Direction juridique (ci-après « la DJ Compliance »). Le département

Ressources Humaines (ci-après « les RH ») y est logiquement associé en vertu de ce qui

vient d’être expliqué.

L’objet de ce travail porte sur l’interaction entre la DJ Compliance et les RH du Groupe

GDF SUEZ en cas de lancement d’alerte en matière de corruption et de violation des

règles éthiques.

Nous nous attacherons d’abord à présenter brièvement le Groupe, ses activités, son

organisation et son éthique. Nous exposerons ensuite le contexte juridique dans lequel

GDF SUEZ évolue et nous nous focaliserons particulièrement sur les législations

britannique et américaine. Par après, nous définirons ce qu’est le lancement d’alerte

et cadrerons son étendue. Nous analyserons également la situation actuelle en

matière de lancement d’alerte chez GDF SUEZ, ses améliorations possibles et ses

perspectives. Nous nous attacherons en outre à parler du lanceur d’alerte et des

difficultés qu’il rencontre dans sa démarche. Nous examinerons par ailleurs le rôle des

RH dans le cas d’un lancement d’alerte, ses limites et ses perspectives. Enfin, nous

verrons comment les départements Compliance et RH peuvent interagir en cas de

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I - Introduction Page 5 sur 51

lancement d’alerte pour satisfaire aux exigences légales et éthiques auxquelles le

Groupe est soumis.

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II – Présentation du Groupe GDF SUEZ Page 6 sur 51

II. Présentation du Groupe GDF SUEZ

GDF SUEZ est un groupe français actif dans les secteurs de l’électricité, du gaz et de

l’environnement. Présent dans 70 pays, il emploie plus de 147’000 personnes à travers

le monde et offre ses services aux particuliers, aux collectivités et aux entreprises. Son

chiffre d’affaires pour l’année 2013 s’élevait à 81.3 milliards EUR. Le groupe est coté

aux bourses de Bruxelles, Paris et Luxembourg. 1

1. HISTORIQUE

Les origines du Groupe GDF SUEZ remontent, en ce qui

concerne sa présence en Belgique, au XIXème siècle avec la

COMPAGNIE MEEUS qui, déjà avant l’indépendance de la

Belgique, dotait les rues de Bruxelles d’un éclairage public

au gaz et distribuait le gaz aux particuliers. Au début du

XXème siècle, à la suite de divers rapprochements, rachats, ou prises de participation,

une nouvelle société fut créée: la CENTRALE GAZ ET ELECTRICITÉ. Le groupe d’alors étendit

son activité à la production et à l’exploitation de tramways et des chemins de fer

vicinaux (TRACTIONEL) ainsi qu’à l’électrification de l’éclairage public (ELECTROBEL) tant en

Belgique qu’à l’étranger (citons entre autres les villes d’Odessa, Bangkok, Le Caire,

Izmir, etc.). Après la Seconde Guerre mondiale, suivie de la fermeture progressive des

charbonnages et du choc pétrolier des années 1970, les centrales électriques belges

durent se tourner vers un autre combustible: l’énergie nucléaire. C’est ainsi que les

centrales de Doel et de Tihange furent construites. En 1986, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE

BELGIQUE (SGB) initia la fusion des deux principaux groupes travaillant dans les secteurs

de l’électricité et du gaz: ELECTROBEL et TRACTIONEL. La société issue de l’opération fut

appelée TRACTEBEL. Deux ans plus tard, l’arrivée de SUEZ dans le capital de la SGB

recentra les activités du groupe, désormais SUEZ-TRACTEBEL, sur son métier de base,

1 Rapport d’activité 2013.

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II – Présentation du Groupe GDF SUEZ Page 7 sur 51

l’énergie. Aujourd’hui encore, la synergie gaz-électricité constitue toujours l’axe

majeur de la stratégie de GDF SUEZ en Belgique.2

En 2008, les assemblées générales des actionnaires de GAZ DE FRANCE et SUEZ

approuvèrent la fusion des deux groupes pour donner naissance à GDF SUEZ.3

2. ORGANISATION4

Le Groupe est divisé en cinq branches:

• Branche Energie Europe (BEE): gestion d’énergie et trading, production

d’électricité, fourniture en gaz naturel, marketing et ventes (p.ex. ELECTRABEL);

• Branche Energie International (BEI): production d’électricité, distribution et

fourniture de gaz et d’électricité (p.ex. INTERNATIONAL POWER);

• Branche Global Gaz & GNL (B3G): exploration et production, gestion du

portefeuille de gaz naturel liquéfié;

• Branche Infrastructures (BI): infrastructures de grands transports de gaz,

terminaux de GNL en France et à l’international, réseau de distribution de gaz en

France;

• Branche Energie Services (BES): gestion de réseaux urbains, gestion

d’installations énergétiques industrielles et tertiaires, offres multi techniques

complètes (p.ex. TRACTEBEL ENGINEERING, FABRICOM).

À ces cinq branches, s’ajoute le Centre qui abrite les fonctions transverses, telles que

les départements financier, RH et juridique entre autres. C’est à la Direction juridique

Centre qu’est attaché le département Compliance.

3. MARCHÉ5

Le Groupe GDF SUEZ occupe une place de premier rang dans trois métiers porteurs:

2 Plus de 150 ans de présence dans l’énergie en Belgique, Recherches documentaires réalisées par

René BRION et Jean-Louis MOREAU, éd. GDF SUEZ, 2011. 3 150 ans de présence dans le monde: l’énergie partagée, Recherches documentaires réalisées par

René BRION et Jean-Louis MOREAU, éd. PC, Paris, 2011. 4 Présentation de GDF SUEZ, 2 août 2012. 5 Présentation de GDF SUEZ, op.cit.

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II – Présentation du Groupe GDF SUEZ Page 8 sur 51

• Électricité: premier producteur indépendant mondial et premier producteur

mondial d’électricité non nucléaire;

• Gaz naturel: deuxième acheteur de gaz naturel en Europe, troisième importateur

de gaz naturel liquéfié (GNL) dans le monde, premiers réseaux de transport et de

distribution en Europe;

• Services: premier fournisseur de services à l’efficacité énergétique et

environnementale en Europe, deuxième fournisseur de services de l’eau et de

propreté dans le monde.

4. ACTIONNARIAT

L’actionnariat du Groupe GDF SUEZ se compose comme suit6:

5. L’ÉTHIQUE DU GROUPE7

Conformément à ses valeurs et à ses engagements, GDF SUEZ a pour ambition d’agir

dans le respect des lois et des réglementations en vigueur dans les pays où il est

6 http://www.gdfsuez.com/actionnaires/action-gdf-suez/structure-de-lactionnariat/, le 22.12.2014. 7 http://www.gdfsuez.com/groupe/ethique-et-compliance/, le 26.12.2014.

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II – Présentation du Groupe GDF SUEZ Page 9 sur 51

présent, et ce en toutes circonstances. Pour atteindre cet objectif, le Groupe a mis en

place une politique d’éthique qui accompagne au quotidien les décisions stratégiques,

le management et les pratiques professionnelles du Groupe. Il s’est également doté

d’outils nécessaires pour mesurer la conformité à cet engagement.

L’éthique consiste en l’application concrète de ce qui est moralement acceptable ou

conforme aux valeurs dans une situation donnée. La compliance regroupe l’ensemble

des dispositifs à mettre en œuvre pour parvenir à l’objectif de conformité. Éthique et

compliance constituent ainsi les deux faces d’une même réalité, qui concerne tous les

collaborateurs de GDF SUEZ. Par conséquent, leurs principes doivent être portés à la

connaissance de tous à travers une organisation ad hoc et des référentiels existants.

GDF SUEZ fonde sa politique d’éthique et de compliance sur quatre principes d’action

simples et précis:

• Agir en conformité avec les lois et les réglementations

En toutes circonstances, les collaborateurs du Groupe doivent observer les

réglementations internationales, fédérales, nationales, locales ainsi que les règles de

déontologie professionnelle relatives à leurs activités.

• Ancrer une culture d’intégrité

L’intégrité prescrit d’éviter tout conflit entre intérêts personnels et intérêts du Groupe.

Elle forge la conviction que l’on a le devoir de respecter certaines valeurs. Elle crée

ainsi un climat de confiance et constitue un bouclier contre les pratiques de

corruption.

• Faire preuve de loyauté et d’honnêteté

Les collaborateurs tiennent leurs engagements en temps et en heure. Chaque fois

qu’ils communiquent, avec l’extérieur comme en interne, ils le font de bonne foi, dans

un esprit constructif, avec le souci d’une information sincère, précise et complète.

• Respecter les autres

Ce principe recouvre notamment le respect des droits des personnes, de leur dignité et

de leurs singularités, ainsi que le respect des cultures. Il s’applique également aux

biens matériels et immatériels appartenant à autrui.

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III – Contexte juridique Page 10 sur 51

III. Contexte juridique

Actif dans 70 pays à travers le monde, le Groupe GDF SUEZ est soumis à une multitude

de législations régionales, nationales et internationales.

Par sa présence aux États-Unis et en Grande-Bretagne, le Groupe GDF SUEZ voit ses

activités régies par les droits américain et britannique en matière de corruption8 qui

reconnaissent comme légitime la dénonciation, par des systèmes d’alerte et de

signalement, d’illégalités, de risques ou de comportements contraires à l’éthique. Dans

ce travail, nous nous pencherons particulièrement sur ces deux législations qui sont les

plus avancées en matière de lancement d’alerte et de lutte contre la corruption et qui

inspireront la Politique de Lancement d’Alerte que le Groupe souhaite mettre en place.

1. DROIT BRITANNIQUE

1.1 Public Interest Disclosure Act et Employment Rights Act9

Les divulgations sont protégées par le Public Interest Disclosure Act de 1998 (ci-après

« PIDA ») et par l’Employment Rights Act de 1996 (ci-après « ERA ») quand le lanceur

d’alerte est un employé actuel ou passé de l’entreprise où ont été commis les faits

dénoncés.

Le concept de lancement d’alerte est issu du PIDA et de l’ERA qui prévoient la

protection des lanceurs d’alerte de tout traitement préjudiciable de la part de leur

employeur (licenciement, représailles, harcèlement) et qui définissent la notion de

travailleur de façon assez large.

Pour bénéficier de la « protection » du PIDA et de l’ERA, le travailleur doit introduire

de bonne foi une divulgation protégée (protected disclosure) auprès de son employeur,

d’un avocat, d’une personne de confiance ou toute autre personne désignée.

8 Ces droits s’appliquent directement aux entités implantées tant au Royaume-Uni qu’aux États-Unis;

de plus ils s’appliquent du fait de leur possible caractère extraterritorial. 9 A global guide to Whislteblowing laws, NORTON ROSE FULBRIGHT, août 2014.

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III – Contexte juridique Page 11 sur 51

Pour être protégée par le PIDA et l’ERA, la divulgation doit:

• Être une véritable information, à savoir porter sur des faits, plutôt qu’une

vague allégation.

• Porter sur un des six manquements suivants: (i) infraction pénale; (ii) infraction

à une obligation légale; (iii) atteinte à la justice; (iv) danger pour la santé et la

sécurité d’autrui; (v) dégâts environnementaux; (vi) rétention délibérée

d’informations liées aux points (i) à (v) précités.

• Être faite par une personne qui a des solides raisons de croire que (i)

l’information divulguée porte sur un des six manquements évoqués ci-dessus;

(ii) la divulgation est d’intérêt public; (iii) les faits divulgués sont

substantiellement fondés.

1.2 United Kingdom Bribery Act

La mise en place de politiques de lancement d’alertes est un des six principes établis

dans les lignes directrices du United Kingdom Bribery Act (ci-après « UKBA »), loi

britannique relative à la prévention et à la répression de la corruption. L’UKBA

considère le défaut de prévention de la corruption par une entreprise comme une

infraction autonome. Il inclut des dispositifs d’alerte accessibles pour les parties

internes et externes à l’entreprise. Au-delà des ressortissants, des entreprises et du

territoire britanniques, l’UKBA a des effets extraterritoriaux, dès lors que l’un des faits

s’est produit sur le territoire du Royaume-Uni ou qu’il est commis, dans le monde, par

une personne ayant une proche connexion avec le Royaume-Uni (citoyenneté, siège ou

résidence britannique, parties tierces). Le délit de défaut de prévention de la

corruption est applicable à toute personne morale pratiquant une activité, même

partielle, au Royaume-Uni.10

Selon le droit britannique, la mise en place d’une politique de lancement d’alerte n’est

pas une obligation légale. Elle est cependant indiquée en fonction de l’évaluation des

risques de l’entreprise. La première question à se poser est de déterminer à quels

10 Le droit d’alerte en perspective: 50 années de débats dans le monde, Nicole-Marie MEYER, in AJDA n°

39/2014 du 24.11.2014.

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III – Contexte juridique Page 12 sur 51

risques l’entreprise est exposée en matière de corruption. La deuxième question est de

savoir si la mise en place d’une politique contribuera à minimiser ces risques et à

découvrir la corruption, où qu’elle soit.

1.3 Enterprise and Regulatory Reform Act11

En juin 2013, la révision de l’Enterprise and Regulation Reform Act a réformé la loi en

matière de lancement d’alerte et a introduit les modifications suivantes:

• Les informations divulguées ne seront désormais protégées que si le travailleur a

un motif raisonnable de croire que la divulgation est dans l'intérêt public.

• La divulgation d’informations ne devra plus être faite obligatoirement de bonne

foi; cependant, si la divulgation est faite de mauvaise foi, la récompense

accordée sera réduite d’un quart du montant.

• Les employeurs seront indirectement responsables de leurs employés qui

commettraient des actions de représailles, de harcèlement ou tout type de

préjudice à l’égard d’un collègue lanceur d’alerte, sauf s’ils parviennent à

démontrer qu’ils ont pris toutes les mesures pour prévenir ce type d’agissement.

Le travailleur qui a soumis son collègue lanceur d’alerte à des représailles peut

être tenu pour responsable.

En résumé, on peut considérer que de nos jours, en droit britannique, avoir une

politique de lancement d’alerte doit être considéré comme une position « par

défaut »: l’entreprise qui n’en a pas doit s’attendre attendre à justifier les excellentes

raisons qui ont motivé son choix !

2. DROIT AMÉRICAIN (USA)

Aux États-Unis, la question du lancement d’alerte est consignée dans plusieurs

instruments juridiques dont nous allons envisager les principaux ci-après.

11 http://employmentlawblog.fieldfisher.com/category/enterprise-and-regulatory-reform-act-2013, le

04.01.2015.

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III – Contexte juridique Page 13 sur 51

2.1 False Claim Act

Le False Claim Act (ci-après « FCA ») vise à protéger l'État contre la fraude par des

entreprises impliquées dans tout contrat ou programme financé par le gouvernement

fédéral américain, à l’exception de la fraude fiscale. Quiconque a connaissance d’une

fraude passée ou présente commise au détriment du gouvernement fédéral peut

engager des poursuites au nom du gouvernement.

En outre, en vertu du FCA, tout individu qui collabore à une poursuite judiciaire peut

recevoir tout ou partie de l’amende imposée. Le FCA prévoit d’accorder à ceux qui

rapporteront les faits des récompenses de 10 à 30 % des sommes recouvertes.

Un lanceur d’alerte a rapporté au Department of Justice américain (ci-après « DoJ »)

que GLAXOSMITHKLINE avait distribué entre 2001 et 2005 des médicaments frelatés

fabriqués dans une usine portoricaine aujourd’hui fermée. L’entreprise

pharmaceutique britannique a été condamnée en 2010 à une amende de 750 millions

USD (env. 630 millions EUR) et le lanceur d’alerte a été récompensé pour son action à

hauteur de 96 millions USD (env. 80 millions EUR).12

Le FCA vise également à sanctionner une entreprise cherchant à intimider ou harceler

un lanceur d’alerte qui dénoncerait ses malversations.

La protection que le FCA accorde au lanceur d’alerte consiste en l’interdiction de

licenciement, harcèlement, représailles en tout genre. Le lanceur d’alerte a droit à tout

le secours nécessaire pour une indemnisation complète, y compris la réintégration, le

paiement d’un double pécule de retour, le remboursement des frais de justice et

d’avocat qu’il aurait encourus.13

12 http://business-ethics.com/2010/10/26/1740-glaxosmithkline-to-pay-750-million-fine-

whistleblower-to-get-96-million/, le 01.01.2015. 13 A global guide to Whistleblowing laws, op.cit.

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III – Contexte juridique Page 14 sur 51

Ainsi la directrice du trading de

PARADIGM CAPITAL MANAGEMENT INC.,

une société américaine de conseil

en hedge funds, avait dénoncé à la

Security and Exchange Commission

(ci-après la « SEC »), le

« gendarme » américain de la

bourse, des activités illégales de

son employeur. À la suite de cela,

l’employée avait été rétrogradée et dépouillée de ses responsabilités de supervision.

En juin 2014, la SEC a condamné l’entreprise à 2.2 millions USD d’amende (env. 1.8

million EUR) pour avoir pris des mesures de rétorsion à l’égard de son employée

lanceuse d’alerte.14

2.2 Sarbanes Oxley Act

En 2001, les USA assistaient à la faillite d’ENRON, entreprise qui

était alors le numéro un mondial du courtage en énergie et

septième entreprise américaine. L’enquête menée par la SEC a

révélé que les comptes de l’entreprise avait été maquillés, des

sociétés hors bilan avaient été créées dans des paradis fiscaux,

des dettes avaient été dissimulées, etc. Alors que les dirigeants encaissaient des

centaines de millions de dollars en exerçant leurs stock-options et en vendant leurs

actions, des milliers d’emplois étaient perdus et les investissements de tous les autres

petits actionnaires partaient en fumée. Un des constats qui a été fait suite à la crise

d’ENRON était que la faiblesse du système de gouvernance d’ENRON avait permis

l’apparition de comportements non éthiques et n’avait pas su jouer son rôle de « chien

de garde »: mettre à jour les problèmes et les corriger avant qu’il ne soit trop tard.15

14 http://www.bloomberg.com/news/2014-06-16/sec-fines-new-york-advisor-for-whistle-blower-

retaliation.html, le 01.01.2015. 15 http://www.adma.qc.ca/Publications/Info-ADMA/InfoADMA-Mars-

2012/Enron%2010%20ans%20plus%20tard.aspx, le 26.12.2014.

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III – Contexte juridique Page 15 sur 51

À la suite de ce scandale, le législateur américain a adopté en 2002 le Sarbanes-Oxley

Act (ci-après le « SOX »), loi sur la réforme de la comptabilité des sociétés cotées et la

protection des investisseurs. Le SOX décourage les comportements non éthiques dans

les entreprises en rendant plus sévères les amendes et peines d’emprisonnement des

contrevenants. Le SOX interdit l’accès à la cotation boursière aux USA aux sociétés

dont le comité d’audit n’a pas établi de procédure pour la réception, la conservation et

le traitement de plaintes reçues par l’entreprise relatives à des questions de

comptabilité, de contrôle interne ou d’audit.

2.3 Dodd-Franck Wall Street Reform and Consumer Protection Act16

Le Dodd-Franck Wall Street Reform and Consumer Protection Act (ci-après le « DFA ») a

trois clauses distinctes en matière de lancement d’alerte.

• Le DFA protège les employés qui rapportent une violation du Commodity

Exchange Act17 à la Commodity Futures Trading Commission (ci-après « CTC »)

ou qui collaborent à une enquête ou une action judiciaire ou administrative de

la CTC.

• Le DFA couvre les lanceurs d’alerte qui fournissent à la SEC des renseignements

liés à une violation du droit des valeurs mobilières ou qui lancent ou

collaborent à une enquête menée par la SEC. Le DFA protège aussi les lanceurs

d’alerte qui ont fourni des renseignements réclamés par le SOX, ou par toute

autre loi soumise à la juridiction de la SEC.

• Le DFA protège l’activité du lanceur d’alerte en vertu du Consumer Financial

Protection Act (ci-après « CFPA ») qui protège de tout licenciement ou toute

discrimination un employé dans le secteur financier qui a contribué de manière

directe ou indirecte à une enquête liée à la gestion ou la mise en œuvre du

CFPA ou de toute autre clause légale qui est soumise à la juridiction du Bureau

of Consumer Financial Protection.

16 A global guide to Whislteblowing laws, op.cit. 17 Le Commodity Exchange Act prévoit la règlementation au niveau fédéral de toutes les activités de

matières premières et de trading et requiert que les futures options de matières premières soient négociées sur des marchés régulés. (http://en.wikipedia.org/wiki/Commodity_Exchange_Act, le 06.01.2015).

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III – Contexte juridique Page 16 sur 51

Ainsi en septembre 2014, la SEC a accordé une récompense record de 30 millions USD

(env. 25 millions EUR) à un lanceur d’alerte anonyme qui vit en dehors des États-Unis.

L’homme avait fourni des informations cruciales qui avaient permis à la SEC de mettre

à jour une fraude qu’il aurait été impossible de détecter autrement.18

3. COMPÉTENCES JURIDICTIONNELLES

Pour éviter toute confusion, il est bon de rappeler qu’en cas de fraude, le premier droit

applicable est celui du pays où l’infraction a été commise.

Imaginons que Monsieur QUATRÉDEUSIX19, citoyen français

employé aux Pays-Bas, est inculpé de corruption par un juge

néerlandais. Il sera d’abord jugé aux Pays-Bas. S’il est reconnu

coupable, il devra encourir la peine prononcée

(emprisonnement et/ou amende).

Si par contre le juge d’instruction néerlandais décide d’abandonner les poursuites

faute d’éléments à charge, la justice française ou britannique pourrait se saisir du

dossier, mener une instruction et, en cas d’indices suffisants de culpabilité, juger

Monsieur QUATRÉDEUSIX.

En vertu du principe Non bis in idem, l'article 50 de la Charte des droits fondamentaux

de l'Union européenne dispose que « nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement

en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans

l'Union européenne par un jugement pénal définitif conformément à la loi ».20 Cela

signifie que Monsieur QUATRÉDEUSIX ne peut être jugé qu’une seule fois par le tribunal

d’un État membre de l’Union européenne.

En revanche, les États-Unis ne sont pas signataires de la Charte des droits

fondamentaux de l'Union européenne. Si un élément constitutif de l’infraction

18 http://www.bbc.com/news/business-29316077, le 02.01.2015. 19 http://www.asterix.com/asterix-de-a-a-z/les-personnages/quatredeusix.html, le 02.01.2015. 20 http://fr.wikipedia.org/wiki/Non_bis_in_idem, le 06.01.2015.

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III – Contexte juridique Page 17 sur 51

présente un rattachement suffisant avec les États-Unis (p.ex.: le pot-de-vin a été payé

aux États-Unis, le pacte de corruption a été conclu aux États-Unis ou par téléphone

avec une personne au moins se trouvant sur le territoire américain, etc.), le DoJ

pourrait poursuivre Monsieur QUATRÉDEUSIX et le condamner.

Au total, Monsieur QUATRÉDEUSIX pourrait être jugé et condamné deux fois !

Si l’entité employant Monsieur QUATRÉDEUSIX aux Pays-Bas est présente aux États-Unis,

et que le pacte de corruption a été commis par Monsieur QUATRÉDEUSIX au bénéfice de

celle-ci, l’entité batave pourra également être poursuivie par le DoJ et par le juge

néerlandais et faire l’objet d’une double condamnation, le principe non bis in idem ne

trouvant pas son application.

Page 19: TFE Mueller - Whistleblowing 150116 FINAL

IV – Le lancement d’alerte Page 18 sur 51

IV. Le lancement d’alerte

1. QU’EST-CE QUE LE LANCEMENT D’ALERTE ?

Le lancement d’alerte est l’action par laquelle un employé rapporte

une suspicion de malversation liée au milieu professionnel dans

lequel il évolue. L’objet de cette remontée d’information peut

concerner l’entreprise elle-même, un autre employé – qu’il ait le

statut d’employé, de cadre ou de cadre dirigeant –, un fournisseur ou toute autre

partie prenante.

Lorsque les faits dénoncés par le lanceur d’alerte relèvent d’une possible violation de

la loi ou de toute affaire grave qui pourrait mettre en cause la responsabilité civile ou

pénale de l’entreprise, cette dernière doit se demander si elle mènera son enquête en

recourant à des conseillers internes ou externes et si elle doit rapporter les faits

dénoncés à des instances officielles, répondant ainsi à une exigence légale.

Les alertes concernent généralement les sujets suivants:

• Soupçon d’infraction pénale;

• Soupçon de corruption;

• Non-conformité avec la loi applicable;

• Dommages environnementaux;

• Soupçon d’infraction à l’éthique;

• Attitude à l’égard d’employés (e.g. intimidation, harcèlement);

• Discrimination;

• Dissimulation délibérée d’informations relatives aux sujets précités.

2. AVANTAGES D’UNE POLITIQUE DE LANCEMENT D’ALERTE

Une Politique de Lancement d’Alerte (ci-après une « PLA ») met en place la procédure

que devra suivre un employé qui souhaite rapporter des malversations.

Page 20: TFE Mueller - Whistleblowing 150116 FINAL

IV – Le lancement d’alerte Page 19 sur 51

Ainsi qu’il a déjà été dit, avoir une PLA n’est pas une contrainte légale. Cependant, aux

yeux des autorités britanniques et américaines, la PLA constitue la composante

matérielle d’un programme adéquat de compliance et fournit plusieurs avantages:

• Les problèmes peuvent être identifiés tôt, de telle sorte que l’entreprise a

l’occasion de les traiter avant que les autorités ou les médias ne soient alertés.

• Les employés sont encouragés à recourir aux canaux internes pour enregistrer

leurs plaintes et préoccupations au lieu de recourir à la justice, à la presse ou aux

réseaux sociaux.

• Les employés sont encouragés à rapporter des problèmes qu’il est dans l’intérêt

de l’entreprise de connaître et de corriger. Avoir une PLA permet à l’entreprise

d’identifier facilement et rapidement des méfaits: c’est particulièrement

important lorsqu’il s’agit d’un comportement présumé criminel.

• Avoir une personne à qui rapporter des méfaits met les employés en confiance:

ils n’auront pas l’impression que leur démarche pourrait nuire à leur carrière,

surtout si les faits qu’ils dénoncent concernent leur supérieur hiérarchique

direct.

• Le risque pour l’entreprise d’encourir des amendes, des sanctions ou un

dommage de réputation est réduit.

• Ne pas avoir de PLA peut être perçu par les autorités administratives ou

judiciaires comme l’indicateur d’un programme de compliance pauvre ou faible.

• Dans le cadre d’un appel d’offre, des clients ou des organisations étatiques qui

mènent un audit préalable (« due diligence », en anglais) relatif à une entreprise

qui n’a pas de PLA auront tendance à se montrer défavorables à son égard.

3. INCONVÉNIENTS D’UNE POLITIQUE DE LANCEMENT D’ALERTE

• Avoir une PLA et la rendre publique peut encourager des fauteurs de troubles ou

des employés revanchards à déposer des plaintes de manière malintentionnée

ou inconsidérée contre l’entreprise ou d’autres employés. L’entreprise doit

prendre le temps de faire le tri entre les fausses et les vraies dénonciations et

traiter ces dernières adéquatement.

Page 21: TFE Mueller - Whistleblowing 150116 FINAL

IV – Le lancement d’alerte Page 20 sur 51

• La protection qu’accorde le droit britannique aux lanceurs d’alerte peut

encourager les abus pour les employés qui n’ont pas de véritable fait à dénoncer

mais qui souhaitent éviter temporairement un licenciement. En effet,

l’Employment Rights Act 1996 autorise tout employé qui est licencié pour avoir

dénoncé des malversations à intenter une action auprès de l’Industrial Tribunal

pour licenciement abusif.

C’est ce qui est arrivé au mécanicien d’un garage du

Kent qui s’était plaint auprès de sa direction de ce

que ses supérieurs hiérarchiques surfacturaient

certaines prestations. Quatre semaines plus tard,

l’homme était licencié pour « attitude négative au

travail ». En décembre 2014, le tribunal a reconnu le licenciement abusif et a

accordé au plaignant 46'000 GBP (env. 60'000 EUR) de compensation. En

revanche, le défenseur n’a pas été poursuivi pour ses escroqueries envers ses

clients car la compétence du tribunal ne s’étendait pas à enquêter sur ces

allégations.21

• La mise en place d’une PLA génère un coût en temps et en argent mais, si elle est

faite correctement, cela évitera les problèmes identifiés supra.

• Pour qu’une PLA fonctionne convenablement, la peur d’un employé d’être perçu

comme un « mouchard » par ses collègues, sa hiérarchie ou son employeur doit

être dépassée. Les barrières culturelles qui pourraient dissuader un employé de

recourir à la PLA doivent être comprises et un programme d’éducation doit être

mis en place pour les briser.

4. RISQUES LIÉS À L’ABSENCE DE POLITIQUE DE LANCEMENT D’ALERTE

• Les entreprises qui n’ont pas de PLA claire courent le risque que leurs employés

préfèrent déposer leur plainte auprès d’un organe extérieur, comme la justice ou

les médias. Cela peut mener à une enquête formelle dans l’entreprise, avec des

risques de réputation extrêmement dommageables. Même s’il existe une PLA au

21 http://www.dailymail.co.uk/news/article-2861191/Whistleblowing-garage-mechanic-wins-46-000-

compensation-sacked-accused-bosses-overcharging-customers.html, le 02.01.2015.

Page 22: TFE Mueller - Whistleblowing 150116 FINAL

IV – Le lancement d’alerte Page 21 sur 51

sein de l’organisation, le risque demeure que des employés craignent malgré

tout des représailles s’ils dénoncent des méfaits.

• Les autorités américaines et britanniques encouragent vivement les lanceurs

d’alerte à se présenter à elles. En l’absence d’encouragement de même nature

de la part d’une entreprise à recourir à ses propres instances, les employés

n’auront pas d’autre alternative que de s’adresser directement aux autorités

judiciaires.

• Aux États-Unis, en vertu du Dodd-Franck Act, le lanceur d’alerte qui a fourni aux

autorités des informations utiles à leur enquête est protégé et recevra un

pourcentage de l’amende infligée à l’entreprise sur base des faits qu’il aura

dénoncés.

• Le Royaume-Uni n’offre pas pour l’instant les mêmes incitants aux lanceurs

d’alerte mais des indices laissent penser que les autorités s’apprêtent à ouvrir le

débat sur l’opportunité d’accorder de tels avantages.

• Le droit britannique prévoit qu’un employé qui dénonce certains types de

méfaits dans l’intérêt général est protégé contre le licenciement. Si l’employé est

malgré tout licencié à cause de l’alerte qu’il a lancée, le montant de l’indemnité

que son employeur lui doit est illimité.

En 2010, le directeur d’un hôpital, qui avait été licencié après avoir dénoncé des

pratiques illégales commises par l’administration dont dépendait l’institution

hospitalière qu’il dirigeait, a démontré à la justice qu’il avait été victime d’un

licenciement abusif et a été indemnisé de 1.2 million GBP (env. 1.6 million

EUR)22.

22 http://www.xperthr.co.uk/editors-choice/unfairly-dismissed-whistleblower-wins-gbp12-million-

compensation/104755/, le 02.01.2015.

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V – Le lancement d’alerte dans le Groupe GDF SUEZ Page 22 sur 51

V. Le lancement d’alerte dans le Groupe GDF SUEZ

1. SITUATION ACTUELLE

Un dispositif d’alerte éthique existe déjà chez

GDF SUEZ. Le site internet du Groupe y

consacre une grande partie: « GDF SUEZ a mis

en place un dispositif d’adresse électronique

([email protected]) réservé à toutes les

personnes employées par lui, quel que soit leur statut d’emploi, leur permettant de

signaler des problèmes pouvant sérieusement affecter leur activité ou engager

gravement leur responsabilité. Il ne se substitue pas aux autres canaux d’alerte

existants (auprès de la hiérarchie, des représentants du personnel, du commissaire aux

comptes, d’une autorité publique…): il en est le complément. L’identité de l’utilisateur

du dispositif est traitée de manière confidentielle sous peine de sanctions en cas de

rupture de la confidentialité. Le responsable du dispositif de signalement est le

déontologue du Groupe assisté du Directeur en charge de l’Ethique et Compliance

Groupe. »23

Un incident éthique peut être rapporté selon les manières suivantes:

• La ligne hiérarchique du lanceur d’alerte;

• Le déontologue de la branche à laquelle appartient le lanceur d’alerte, au moyen

d’un courrier postal ou électronique, d’un entretien téléphonique ou de visu,

avec ou sans rendez-vous (pratique de la « porte ouverte »);

• Le déontologue du Groupe, au moyen d’un courrier postal ou électronique, d’un

entretien téléphonique ou de visu, avec ou sans rendez-vous (pratique de la

« porte ouverte »);

• L’adresse électronique dédiée ([email protected]).

23 http://www.gdfsuez.com/groupe/ethique-et-compliance/dispositif-de-mail-ethique/, le 26.12.2014.

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V – Le lancement d’alerte dans le Groupe GDF SUEZ Page 23 sur 51

À la demande du lanceur d’alerte, les informations qu’il aura fournies pourront être

traitées confidentiellement.

2. POINTS D’AMÉLIORATION

• La pratique de la « porte ouverte » protège la confidentialité du lanceur d’alerte

et évite la peur des représailles. La protection pourrait être étendue en

recourant à un tiers de confiance soumis au secret professionnel et au « legal

privilege24».

• Le lancement d’alerte devrait être encouragé en étant présenté comme un

composant de procédures de lutte contre la corruption. Les aspects culturels du

lancement d’alerte ne devraient pas être sous-estimés. Dans les pays anglo-

saxons, le lancement d’alerte est considéré positivement, alors que dans les pays

latins il est assimilé à de la délation. Ainsi la société française DUCROS a-t-elle vu

sa hotline dédiée à l’alerte rebaptisée « Allô Collabo » par ses salariés25. La mise

en place réussie d’une PLA doit inclure ces données culturelles.

• Les lanceurs d’alerte ne doivent pas s’imaginer que la compliance est un simple

habillement de façade. Dès lors, il doit être rappelé fréquemment que la

politique de tolérance zéro pour les manquements à l’éthique est de rigueur.

• Les membres du département Audit & Risques seront encouragés à rapporter au

Comité de Compliance tout incident dont ils auraient connaissance. Cependant,

la divulgation de faits ne permet pas toujours au Comité de Compliance de se

faire une idée précise de leur étendue et de leur gravité. Un résumé accompagné

de documents probants devrait être mis à la disposition du Comité de

Compliance qui mobilisera toutes les ressources externes et internes nécessaires

pour enquêter sur un incident ou sa résolution.

• Afin de respecter la confidentialité des faits rapportés, le nombre de personnes

habilitées à recueillir les alertes devrait être limité le plus possible. Il n’est pas

24 Le « legal privilege » est un concept de common law qui vise à empêcher que toutes les

communications entre un professionnel du droit (avocat, auxiliaire de justice) et son client ne soient divulguées sans l’autorisation du client. Le privilège est donc dans le chef du client et non du juriste. Par facilité, nous utiliserons le terme anglais dans ce travail.

25 Quand le whistleblower est sifflé hors jeu par le système: expulsion puis résilience du footballeur Jacques Glassmann, par Sandra CHARREIRE-PETIT et Julien CUSIN, 2006.

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V – Le lancement d’alerte dans le Groupe GDF SUEZ Page 24 sur 51

nécessaire que le Directeur financier (CFO), le Directeur des communications

financières, les membres du Conseil d’administration, les membres du Comité

d’éthique et les auditeurs soient automatiquement informés de tous les

incidents rapportés.

• Un registre des incidents sera tenu et fera l’objet d’une protection renforcée

contre les hackers, les actions malintentionnées de tiers, etc.

• À supposer que le nombre d’incidents rapportés augmente significativement, le

Comité de Compliance devra définir une politique de traitement des incidents en

les classant par ordre de priorité: (1) crimes, infractions pénales qui pourraient

donner lieu à une accusation de complicité ou de dissimulation pour l’entreprise

ou pour ses dirigeants, communication d’informations privilégiées; (2) infractions

pénales qui ne peuvent pas donner lieu à une accusation de complicité ou de

dissimulation pour l’entreprise ou pour ses dirigeants, incidents qui ternissent

l’image du Groupe; (3) incidents qui ne sont pas des infractions pénales.

• Une non-sanction ou une sanction trop légère pourrait être considérée comme

une approbation de l’incident éthique rapporté. L’attention du Comité de

Compliance et des dirigeants du Groupe doit être attirée sur l’importance de

sanctionner les incidents éthiques.

• La mise en place d’une hotline externe dédiée au lancement d’alerte est la

dernière étape pour compléter la PLA de GDF SUEZ.

3. HOTLINE EXTERNE DÉDIÉE AU LANCEMENT D’ALERTE

Il existe des fournisseurs externes de service dédiés au lancement d’alerte: des

entreprises spécialisées ou des cabinets d’avocats.

3.1 Les entreprises spécialisées

Les entreprises spécialisées ont l’avantage d’être perçues comme étant indépendantes

de l’entreprise qui les engage. En effet le lanceur d’alerte veut être sûr que le

fournisseur lui doit l’obligation de – par exemple – garder son identité confidentielle.

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V – Le lancement d’alerte dans le Groupe GDF SUEZ Page 25 sur 51

3.2 Les cabinets d’avocats

Les cabinets d’avocats donnent souvent l’impression de ne pas être tout à fait

indépendants, surtout s’ils travaillent depuis longtemps pour l’entreprise liée aux

pratiques douteuses que le lanceur d’alerte veut dénoncer.

En outre, les cabinets d’avocats sont au service de leur client qui pourrait demander

que l’identité du lanceur d’alerte soit révélée. Des conflits d’intérêt pourraient donc

survenir entre l’entreprise cliente du cabinet d’avocats et le lanceur d’alerte.

Il en va de même pour le legal privilege: les informations fournies par le lanceur

d’alerte au cabinet d’avocats ne sont pas couvertes par le legal privilege puisque le

privilège de divulguer l’information est dans le chef du client, à savoir l’entreprise. En

effet seules les informations échangées entre l’avocat et son client sont couvertes par

le legal privilege. Cela pourrait dissuader le lanceur d’alerte de se confier au cabinet

d’avocats.

Ces embûches pourraient être surmontées si le cabinet d’avocats pouvait traiter

comme son client le lanceur d’alerte et non pas l’entreprise. Mais il appartiendrait bien

sûr à l’entreprise de choisir le cabinet d’avocats et de régler ses honoraires. Cette

configuration rend les relations compliquées.

3.3 Option retenue par le Groupe GDF SUEZ

Le Groupe GDF SUEZ a retenu une solution médiane: ajouter deux acteurs aux

interlocuteurs existants. Si le lanceur d’alerte souhaite s’adresser à un interlocuteur

extérieur au Groupe, son premier contact sera un fournisseur de service externe par le

biais d’une hotline. Ce fournisseur de service transmettra ensuite l’alerte à un cabinet

d’avocats dont GDF SUEZ sera le client ce qui assurera l’avantage du legal privilege et

une garantie d’indépendance pour le lanceur d’alerte.

Afin de se conformer aux exigences du UKBA selon lesquelles les entreprises doivent

mettre en place des procédures adéquates pour prévenir la corruption et, partant,

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V – Le lancement d’alerte dans le Groupe GDF SUEZ Page 26 sur 51

s’exonérer de la responsabilité totale ou partielle dans un cas de corruption, le Groupe

GDF SUEZ a mis au point le dispositif suivant:

• Désigner un fournisseur de service externe;

• Ce fournisseur de service externe sera le premier point de contact de tout

employé du groupe, que ce dernier souhaite rester anonyme ou non;

• Le fournisseur de service externe transmettra à un cabinet d’avocats désigné par

GDF SUEZ son rapport sur les méfaits qui lui auront été rapportés.

• Le cabinet d’avocats procédera à une analyse préliminaire pour déterminer si les

faits allégués peuvent être qualifiés de corruption, d’infraction criminelle ou

d’infraction grave. A défaut, le rapport sera rejeté.

• Au terme d’un délai raisonnable – soit une semaine, sauf urgence – le cabinet

d’avocats transmettra une note au Directeur juridique du Groupe pour qu’une

action soit entreprise.

• Le Directeur juridique du Groupe prendra le dossier en charge, en collaboration

avec la DJ Compliance.

Pour la bonne mise en place de la PLA au sein du Groupe GDF SUEZ, il sera important de

faire savoir que:

• Le recours par un lanceur d’alerte employé du Groupe au fournisseur de service

externe n’est pas obligatoire.

• Toute accusation abusive et/ou fausse et/ou calomnieuse sera punie par GDF

SUEZ et le lanceur d’alerte en sera tenu pour civilement et pénalement

responsable.

4. PROJET DE POLITIQUE DE LANCEMENT D’ALERTE AU SEIN DU GROUPE

GDF SUEZ

La PLA doit tenir compte des spécificités du Groupe, telles que son activité, les régions

et les cultures où il opère. Cependant, pour une question de cohérence au sein du

Groupe, il est nécessaire d’avoir une PLA unique, avec quelques adaptations locales

pour prendre en compte certaines particularités. Les employés doivent savoir que la

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V – Le lancement d’alerte dans le Groupe GDF SUEZ Page 27 sur 51

personne avec qui ils seront en contact parle leur langue et comprend leurs conditions

de travail.

La PLA devra faire l’objet d’une vaste campagne de communication de sorte que

chaque employé (et si besoin chaque fournisseur et cocontractant) en soit informé,

sache comment l’utiliser et en connaisse la procédure. La communication de départ

devra être actualisée régulièrement pour que les employés du Groupe gardent à

l’esprit que cette PLA existe. Ils doivent être convaincus que l’entreprise considère les

sujets de fraude et de corruption avec le plus grand sérieux et prend les mesures

nécessaires. Les intranets des entités du Groupe relaieront le message, avec l’appui du

CEO.

La PLA doit encourager chaque employé à rapporter ses préoccupations d’abord à son

supérieur hiérarchique direct et à recourir ensuite et seulement aux instances mises en

place pour le lancement d’alerte si la réponse qu’il reçoit de son supérieur

hiérarchique direct ne le satisfait pas ou si le problème concerne ce dernier.

Le lanceur d’alerte, quel que soit le moyen par lequel il dénonce les faits, a besoin de

savoir que la personne à qui il s’adresse est indépendante et gardera son identité

confidentielle si nécessaire.

Quiconque reçoit une alerte doit avoir les compétences et les ressources pour mener

une investigation, la confier à des conseillers externes si nécessaire et savoir si et

quand il est opportun de rapporter l’information aux autorités administratives ou

judiciaires. Une collaboration avec les conseillers en communication ou la Direction

des relations publiques peut être utile également, selon l’ampleur de l’affaire.

Le lanceur d’alerte sera tenu informé de manière générale de la réponse que

l’entreprise apporte, de sorte que sa confiance dans le système reste intacte.

Page 29: TFE Mueller - Whistleblowing 150116 FINAL

VI – Le lanceur d’alerte Page 28 sur 51

VI. Le lanceur d’alerte

Pensons à Edward SNOWDEN, cet informaticien américain, ex-employé de la CIA et de la

NSA, qui a révélé au monde les détails de plusieurs programmes de surveillance

globale d’une ampleur inédite: aujourd’hui traqué par la justice américaine qui l’accuse

d’espionnage, il a trouvé un asile temporaire en Russie pour échapper aux poursuites.

Quant au mécanicien garagiste qui avait dénoncé les pratiques de surfacturation que

nous avons évoquées au chapitre IV, il reconnaît que cette affaire a eu sur lui un

énorme impact émotionnel et psychologique.26

En effet, le lanceur d’alerte est soumis à un paradoxe: si son discours est désormais

valorisé socialement dans une société adepte de l’information en continu et de la

transparence et friande de la dénonciation des scandales, il est dans le même temps

exposé au niveau individuel à des représailles. Il y a donc la réunion de deux éléments:

d’une part, le fait de dire la « vérité » et, d’autre part, le fait que cette vérité dite

comporte un risque pour celui qui l’énonce.27

Malgré l’arsenal juridique existant, le lanceur d’alerte reste souvent seul face à sa

conscience car lancer une alerte est un

combat individuel. Alerter, c’est briser la

consigne du silence, rompre la solidarité de

corps, faire acte d’insubordination et donc,

dans une acception large du terme, désobéir.

Néanmoins, l’alerte est juste quand elle tend à

faire cesser un péril ou une atteinte à des

victimes et ce peut être l’honneur d’une personne que de dénoncer un scandale, une

malversation ou un complot. Mais en dénonçant, le lanceur d’alerte trahit. Son geste a

26 Op.cit., le 02.01.2015. 27 Le lanceur d’alerte, une nouvelle figure de droit public ?, Serge SLAMA, in AJDA n° 39/2014 du

24.11.2014.

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VI – Le lanceur d’alerte Page 29 sur 51

toutes les chances d’être interprété par sa collectivité d’appartenance comme une

remise en cause de la loyauté normalement due au groupe. Lui, au contraire, mettra

en avant la fidélité à certaines valeurs – une autre forme de loyauté, donc – qui a guidé

son geste.28

Il y a trois étapes-clé pour un lanceur d’alerte.

• D’abord « je vais le faire » et l’excitation de faire face et d’être important.

• Vient ensuite la désillusion quand le lanceur d’alerte est laissé seul et que ses

collègues le lâchent alors qu’ils lui avaient promis leur aide.

• Surgit enfin un problème psychologique sous-jacent:

o Un épuisement professionnel (ou burn-out);

o Un manque de reconnaissance par rapport aux risques que le lanceur

d’alerte a encourus en dénonçant une malversation, à savoir que ce

dernier a mis en danger sa carrière, sa santé, sa vie même, puisque cela

peut conduire dans les cas les plus grave au suicide;

o Une perte de sens dans le conflit qui oppose les valeurs personnelles du

lanceur d’alerte et celles véhiculées par l’entreprise. À ce stade, le lanceur

d’alerte a le sentiment profond d’avoir tout perdu.29

Écartelés entre toutes ces

valeurs, beaucoup perdent pied.

Une étude américaine a

démontré que sur un groupe de

36 lanceurs d’alertes, la plupart

ont perdu leur emploi et n’ont

jamais retravaillé dans le même

secteur d’activité. Beaucoup ont

perdu leurs familles, car les procédures judiciaires devant les tribunaux ont duré des

années. Quasi tous ont été en burn-out. Une majorité a souffert de dépression,

28 L’alerte éthique, entre dénonciation et désobéissance, Danièle LOCHAK, in AJDA n° 39/2014 du

24.11.2014. 29 http://www.fcpablog.com/blog/2014/12/1/for-most-whistleblowers-life-is-hell.html#, le 02.12.2014.

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VI – Le lanceur d’alerte Page 30 sur 51

souvent mâtinée d’alcoolisme ou de dépendance à diverses substances illicites. Le plus

grand choc provient de ce que le lanceur d’alerte apprend du monde: que rien de ce

qu’il a observé n’est vrai. Les lanceurs d’alertes, souvent isolés, finissent par souffrir de

fatigue chronique, de problèmes relationnels ou de dépression nerveuse. La

dépression provient du fait que les lanceurs d’alerte sont soudain plongés dans un

monde dont ils ignoraient l’existence, où les règles qu’ils pensaient applicables ne

s’appliquent pas. C’est terrible de faire quelque chose par idéal parce qu’on croit que

la cause est juste, puis de se retrouver à être considéré comme le corrompu !30

30 Le lanceur d’alerte, une nouvelle figure de droit public ?, op. cit.

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VII – Le rôle des RH en cas de lancement d’alerte Page 31 sur 51

VII. Le rôle des RH en cas de lancement d’alerte

Nous avons vu que jusqu’à présent le département des Ressources Humaines est le

grand absent du processus de lancement d’alerte dans les cas de fraude et de

corruption. Le Groupe GDF SUEZ considère qu’il s’agit d’une affaire de juristes et de

déontologues. Il est vrai que les risques sont importants pour l’entreprise, tant en

termes financiers que d’image et de réputation.

Quant au lanceur d’alerte, nous venons de le voir, sa détresse et son désarroi sont

immenses.

Forts de ces constats, nous pensons que les RH ont un rôle à jouer plus important que

celui que le Groupe leur attribue actuellement. Ce rôle capital se décline en diverses

missions.

1. LES RH, INTERLOCUTEURS DE PROXIMITÉ ET FACILITATEURS

Lorsqu’un collaborateur en plein désarroi souhaite parler à une personne de confiance,

c’est souvent vers un responsable RH qu’il se tourne. Dans ce cas, ce dernier sera le

premier interlocuteur du lanceur d’alerte, il recevra ses confidences, ses craintes, ses

soupçons, etc. Parfaitement informé de la PLA, il réorientera le collaborateur vers les

contacts ad hoc vus au chapitre V: la ligne hiérarchique du lanceur d’alerte, le

déontologue de la branche à laquelle le lanceur d’alerte appartient, le déontologue du

Groupe, l’adresse électronique dédiée ou la société de services externe.

Lorsque l’alerte sera reçue par le contact ad hoc et que le processus de lancement

d’alerte sera lancé, les RH s’assureront que le droit du travail est respecté, que les

données demeurent protégées et que l’accès aux informations du dossier du personnel

est accordé conformément aux prescriptions légales.

Page 33: TFE Mueller - Whistleblowing 150116 FINAL

VII – Le rôle des RH en cas de lancement d’alerte Page 32 sur 51

Les RH veilleront également à s’assurer de la sécurité physique et psychique du lanceur

d’alerte. Il n’est pas question qu’il soit victime de harcèlement, de représailles ou de

menaces de la part de la personne dont il a dénoncé les malversations. Surtout s’il

s’agit de son supérieur hiérarchique direct ! Au besoin, les RH organiseront rapidement

l’« exfiltration » du lanceur d’alerte pour qu’il échappe aux foudres de celui dont il a

mis les fraudes à jour. Le lanceur d’alerte qui intégrera de nouvelles fonctions à la suite

de ce déplacement d’urgence se verra offrir par les RH tout l’encadrement dont il

pourrait avoir besoin. Cette opération d’exfiltration étant très sensible, les RH devront

faire preuve de réactivité, de confidentialité et de diplomatie.

2. LES RH, RESPONSABLES DE LA PRÉVENTION ET DE LA GESTION DES

RISQUES PSYCHO-SOCIAUX

Nous avons vu que le lanceur d’alerte fait très souvent l’objet de harcèlement et

d’intimidation.

Depuis le 1er septembre 2014, le législateur belge31

impose aux entreprises de mettre en place avant le

28 février 2015 des mesures appropriées afin de

prévenir les risques psycho-sociaux au travail comme

le burn-out, la violence, le harcèlement moral ou

sexuel. Passé cette date, en cas de dépôt de plainte

liée à un risque psycho-social, l’employeur qui n’aura pas pris de mesures préventives

encourt le risque d’être sanctionné.

2.1 Qu’est-ce que le burn-out ?32

Le burn-out est l’utilisation excessive par une personne de son énergie et de ses

ressources jusqu’à provoquer chez elle un sentiment d’échec et d’épuisement.

31 Arrêté royal du 10.04.2014, relatif à la prévention des risques psycho-sociaux au travail, paru au

Moniteur belge du 28.04.2014 et entré en vigueur le 01.09.2014. 32 www.formation-burnout.be, le 07.01.2015.

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VII – Le rôle des RH en cas de lancement d’alerte Page 33 sur 51

« Littéralement, faire un burn-out c’est se consumer de l’intérieur, brûler à petit feu

jusqu’au bout. C’est un syndrome d’épuisement professionnel à la fois physique,

mental et émotionnel dont on ne sort pas indemne. C’est un tsunami qui débarque

dans la vie des gens. » Les ressources internes viennent à se consumer comme sous

l’action de la flamme d’une bougie, ne laissant qu’un vide immense à l’intérieur.

2.2 Quels sont les profils à risques ? 33

Les personnes les plus susceptibles d’être en burn-out sont très engagées dans leur

fonction, motivées voire surinvesties. En recherche de reconnaissance, elles aiment les

défis et la compétition, elles ne rechignent pas devant les heures supplémentaires et

sont très disponibles pour leur entreprise. Rien n’existe vraiment en dehors de leur

travail.

Le lanceur d’alerte a donc le « profil-type » !

2.3 Quels sont les symptômes du burn-out ?34

Voici une liste non exhaustive des symptômes du burn-out. Si le travailleur en

rencontre quelques-uns, peut-être est-il déjà entraîné dans la spirale infernale du

burn-out. Il est alors grand temps de réagir !

• Troubles du sommeil et fatigue

Le travailleur s’éveille épuisé le matin et éprouve des difficultés à se lever. Même après

un congé, ses batteries sont à plat. Le sommeil n’est plus réparateur car interrompu ou

difficile à atteindre.

• Maux de tête

Les migraines se font de plus en plus fréquentes, la consommation de paracétamol

dépasse la posologie recommandée.

• Irritabilité et agressivité

Les conflits interpersonnels avec les proches, les collègues ou la hiérarchie sont de plus

en plus courants et risquent d’empirer si la situation n’est pas éclaircie

33 www.formation-burnout.be, op.cit. 34 Interview de Manoëlle VAN DER STRATEN, experte en prévention du burn-out, formatrice et coach chez

FOSTER & LITTLE (08.01.2015)

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VII – Le rôle des RH en cas de lancement d’alerte Page 34 sur 51

immédiatement. Ils peuvent même déboucher sur de la violence verbale et/ou

physique.

• Perte de sens et de motivation

Les valeurs personnelles de l’employé et celles de la société ne sont plus en harmonie.

Dès lors, le travailleur peut voir sa motivation au travail et sa productivité baisser, ce

qui va entraîner une grande frustration dans son chef, surtout s’il est habitué à de

bonnes performances. La perte de motivation peut aboutir à un désintérêt total pour

la fonction qu’il occupe.

• Troubles de l’alimentation

L’exposition à un stress chronique perturbe l’alimentation: ruée sur les en-cas, les

sodas, le café, les sucres rapides ou, a contrario, perte totale d’appétit sont des signes

interpellants.

• Affaiblissement du système immunitaire et pathologies cardio-vasculaires

Le travailleur sera plus sensible aux rhumes, grippes ou bronchites chroniques et à

l’asthme. Il aura tendance à recourir à l’automédication sans consulter son médecin

traitant. Parallèlement, le travailleur sentira des palpitations et une augmentation de

son rythme cardiaque. Dans les cas extrêmes, il peut être victime d’hypertension

artérielle, d’un infarctus du myocarde ou d’accidents vasculaires cérébraux.

• Appauvrissement de la vie sociale et isolement

Le travailleur aura tendance à s’isoler et à perdre le contact avec son entourage.

Stress = moteur Troubles du sommeil Épuisement Conflits

interpersonnels

Pathologies diverses + troubles

alimentaires

Perte de sens BURN-OUT

Page 36: TFE Mueller - Whistleblowing 150116 FINAL

VII – Le rôle des RH en cas de lancement d’alerte Page 35 sur 51

2.5 Comment prévenir le burn-out chez le lanceur d’alerte?35

Il est important que le lanceur d’alerte ne se sente pas seul dans sa démarche. C’est

pourquoi aussitôt averties qu’une alerte éthique a été lancée, les RH le mettront à

l’abri de tout risque psycho-social en lui proposant un accompagnement.

Il existe un test, le Maslach Burnout Inventory, qui a pour but d’identifier le burn-out

et de faire le point sur la situation actuelle du travailleur. Nous avons vu au chapitre VI

que le lanceur d’alerte traverse d’abord une phase d’exaltation ou d’euphorie par

rapport à sa démarche. Ici, il est important de ramener le lanceur d’alerte à la réalité.

Ensuite, un coaching individuel portera sur les facteurs déclencheurs de stress. Le

travail se fera sur les symptômes physiques, les émotions vécues, les croyances,

l’environnement professionnel et personnel du travailleur.

Parallèlement à cela, et à supposer que le lanceur d’alerte n’a pas requis l’anonymat,

un groupe de parole sera créé au sein de l’entreprise à l’initiative des RH. Il sera

constitué du lanceur d’alerte, de son supérieur hiérarchique direct (si celui-ci n’est pas

concerné bien sûr par l’alerte lancée), ainsi que du Directeur juridique Compliance et

du responsable RH qui co-pilotent le processus de lancement d’alerte. Ce groupe de

parole, animé par un professionnel, sera une plateforme d’échange. Le Directeur

juridique Compliance communiquera sur l’état d’avancement du dossier et expliquera

les décisions prises, montrant ainsi au lanceur d’alerte que sa démarche a été utile et

suivie d’effets. Cela a pour but de répondre au besoin de reconnaissance du lanceur

d’alerte.

2.6 Risques et conséquences pour une entreprise d’avoir un collaborateur en

burn-out36

Le burn-out est une des premières causes d’absentéisme. Dans 50% des cas, le stress

en est l’origine.

35 Interview de Manoëlle VAN DER STRATEN, op.cit. 36 Interview de Manoëlle VAN DER STRATEN, op.cit.

Page 37: TFE Mueller - Whistleblowing 150116 FINAL

VII – Le rôle des RH en cas de lancement d’alerte Page 36 sur 51

Les conséquences sont, d’une part, une absence de longue – voire très longue – durée

(entre six mois et trois ans) pour l’employé en burn-out et, d’autre part, la

désorganisation du service auquel il appartient.

Le coût pour l’entreprise s’élève entre 500 et 900 EUR par collaborateur et par jour

d’absence, soit 10 milliards EUR pour les employeurs belges !

En France, d'après une évaluation de l'Institut national de recherche et de sécurité,

l'estimation du coût social du stress professionnel est de 2 à 3 milliards EUR, soit 10 à

20 % des dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles de

la Sécurité sociale.37

3. LES RH, GARDIENNES DES VALEURS ÉTHIQUES DE L’ENTREPRISE

La détérioration des conditions du travail

résulte souvent d’un déficit sur le plan de

l’éthique et des valeurs. On croit à tort que

l’écart entre le discours dominant et les

pratiques est sans conséquence. C’est un

leurre: les salariés décèlent rapidement le

manque d’intégrité chez l’autorité et sa

malhonnêteté est loin de passer

inaperçue. Les deux ont un effet

démobilisateur qui détériore les conditions de travail et qui fait souffler un fort vent

d’incertitude et d’insécurité.38

Or les pratiques de gestion et la culture d’entreprise qui s’appuient sur les valeurs de

respect et l’éthique servent de bouclier contre le harcèlement. Toutes les recherches

37 http://www.lefigaro.fr/emploi/2014/12/05/09005-20141205ARTFIG00095-l-explosion-des-cas-de-

burn-out-inquiete-les-medecins-du-travail.php, le 07.01.2015. 38 http://www.psycho-ressources.com/bibli/harcelement-1.html, le 05.01.2015.

Page 38: TFE Mueller - Whistleblowing 150116 FINAL

VII – Le rôle des RH en cas de lancement d’alerte Page 37 sur 51

en management le prouvent, chaque salarié est une richesse potentielle pour

l’entreprise où il est embauché s’il est respecté dans sa singularité.39

Nous avons vu que le Groupe GDF SUEZ a une charte éthique basée sur quatre principes

d’action simples et précis: agir en conformité avec les lois et les réglementations,

ancrer une culture d’intégrité, faire preuve de loyauté et d’honnêteté et respecter les

autres. Le rôle des RH dans la mise en œuvre de la déclaration des valeurs se joue à

plusieurs niveaux.

3.1 Recrutement

La concordance parfaite entre les valeurs de l’entreprise et celles du candidat ne peut

exister. Par contre, s’assurer d’un seuil minimum de compatibilité est souhaitable, sous

peine d’engager un travailleur qui, tôt ou tard, quittera l’entreprise, faute de ne

pouvoir s’y identifier ou s’y intégrer. Une des questions à poser à un candidat lors de

l’entretien d’embauche est comment il comprend et interprète les valeurs éthiques de

l’organisation. Cela permet de faire prendre conscience au candidat de l’importance

que le Groupe y accorde.

3.2 Accueil des nouveaux collaborateurs

L’entrée en fonction d’un nouveau travailleur est l’occasion idéale pour faire passer un

message et induire des bonnes pratiques.

3.3 Formation

Un changement de culture, ou simplement l’accompagnement de la culture existante,

se traduit indirectement par des besoins en formations. Ces formations ont rarement

pour objet les valeurs à proprement parler, mais celles-ci sont sous-jacentes aux

aptitudes à développer.

Les barrières culturelles qui pourraient dissuader un employé de recourir à la PLA

doivent être comprises et un programme d’éducation doit être mis en place pour les

39 Op. cit.

Page 39: TFE Mueller - Whistleblowing 150116 FINAL

VII – Le rôle des RH en cas de lancement d’alerte Page 38 sur 51

briser. Il inclura la sensibilisation aux questions d’éthique et de corruption, la

présentation de la PLA, les comportements à adopter en cas de soupçon de

malversation et la procédure à suivre pour lancer une alerte.

3.4 Évaluation

Étant donné que les travailleurs sont une vitrine pour l’extérieur, il est important qu’ils

incarnent les valeurs véhiculées par l’entreprise. C’est pourquoi l’application des

valeurs peut être un paramètre à mesurer lors des évaluations.

Les évaluations annuelles peuvent être aussi l’occasion pour les RH de repérer un

employé qui aurait toujours donné satisfaction et qui tout à coup aurait une mauvaise

évaluation justifiée par une faible performance: serait-il victime de harcèlement ?

Aurait-il eu connaissance d’une malversation commise par son supérieur hiérarchique

ou – pire ! – aurait-il voulu la dénoncer ? Que cache cette soudaine appréciation

négative ? Les RH doivent être capables de détecter un collaborateur soumis à du

harcèlement ou à des menaces de la part de son supérieur hiérarchique.

3.5 Marketing RH (employer branding)

L’attractivité de l’entreprise et la fidélisation des collaborateurs ne se traduisent pas

qu’en termes d’avantages en tout genre au bénéfice des travailleurs. Un des éléments-

clés du marketing RH réside au départ dans la description de l’entreprise et de sa

culture.40

3.6 Entretien de sortie

Une des tâches principales dans la gestion du personnel est de conserver une trace du

comportement qui est acceptable aux yeux de la loi, qui est en ligne avec les attentes

des acteurs-clés, et qui est cohérent avec les valeurs de l’organisation. Les RH doivent

profiter des entretiens de sortie des cadres dirigeants pour détecter des

40 http://www.hrworld.be/hrworld/mssion-statement-strategie-rh-hr-didier-

erwoine.html?LangType=2060, le 03.01.2015.

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VII – Le rôle des RH en cas de lancement d’alerte Page 39 sur 51

comportements suspects41. Si une malversation est soupçonnée, les RH en avertiront

sans délai la DJ Compliance qui initiera le processus de lancement d’alerte.

4. LES RH, GESTIONNAIRES DES CONTRATS DE TRAVAIL42

Le manquement aux valeurs de l’entreprise, a fortiori s’il est qualifié d’infraction

pénale, constitue sans aucun doute un motif grave de licenciement. En cas de

licenciement pour faute grave, aucune indemnité de rupture n’est due. Lorsque la

faute grave est avérée, c’est aux RH de procéder au licenciement de l’employé fautif

en veillant à ce que les procédures soient scrupuleusement respectées.

4.1 Définition

Est considérée comme constituant un motif grave justifiant la rupture immédiate du

contrat de travail « toute faute grave qui rend immédiatement et définitivement

impossible la collaboration professionnelle entre l’employeur et le travailleur ».43

Les éléments sont donc44:

• Le comportement fautif

La faute ne doit pas nécessairement être contractuelle. Des faits de la vie privée

peuvent constituer un motif grave en raison de leur influence sur l’exécution du

contrat de travail. Imaginons qu’un cadre du département financier de GDF SUEZ soit

trésorier du club de tennis de son village. Dans le cadre de cette dernière activité, il est

inculpé puis condamné pour détournement de fonds. Le Groupe pourrait considérer

que la confiance est rompue et mettre fin à son contrat de travail pour motif grave.

• L’impossibilité de collaboration doit être immédiate et définitive.

Il s’agit de faits détruisant la confiance qui doit présider aux relations de travail. Le

motif grave est la faute accompagnée de toutes les circonstances qui peuvent lui

donner le caractère de gravité requis pour justifier la rupture sans préavis.

41 http://www.leechgrc.com/pdf/f_e/HumanResourceVol6No589.pdf, le 02.12.2014. 42 Dans ce chapitre, nous nous référons uniquement à la législation belge du travail. 43 Loi belge du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, art. 35. 44 Maîtriser le droit social – Droit social individuel: le contrat de travail, syllabus d’Antoine RASNEUR,

avocat, ICHEC Entreprises, D.E.S. RH 2011-2012.

Page 41: TFE Mueller - Whistleblowing 150116 FINAL

VII – Le rôle des RH en cas de lancement d’alerte Page 40 sur 51

4.2 Procédure45

Outre que le motif reproché doit être grave – ce que le juge appréciera

souverainement – il faut (i) que la rupture soit décidée dans un certain délai; ET (ii) que

le motif reproché soit notifié dans un certain délai et sous une certaine forme.

• Délais

Le délai pour donner congé en raison de motif grave est de trois jours ouvrables

suivant la connaissance des faits reprochés. Il s’agit d’une

connaissance certaine des faits: des soupçons ne suffisent

pas. La connaissance des faits ne peut être acquise avec

certitude qu’au terme d’une enquête menée en interne ou

par un juge d’instruction s’il s’agit d’une infraction pénale. En

pratique, une fois que la faute grave est connue, l’employeur

dispose de trois jours ouvrables pour notifier à son employé qu’il va le licencier.

Le délai de notification des motifs est également de trois jours ouvrables suivant la

signification du congé. La notification du motif grave (énonciation précise des motifs)

peut être concomitante à la décision du congé ou effectuée dans un acte postérieur.

• Forme

La signification du congé n’est soumise à aucune forme, elle peut être verbale. Ceci dit,

étant donné que c’est à la partie qui invoque le motif grave d’apporter la preuve que le

congé est régulier, elle a tout intérêt à le faire par le biais d’un écrit.

La notification du motif grave doit se faire par lettre recommandée ou par exploit

d’huissier de justice. Elle peut aussi se faire par la remise de l’écrit à l’autre partie,

contre accusé de réception. Le courrier doit énoncer le motif invoqué de façon

suffisamment claire pour permettre à l’autre partie de savoir ce qui lui est reproché et

au juge de vérifier que le motif invoqué devant lui est le même que celui qui a entraîné

le congé.

45 Maîtriser le droit social – Droit social individuel: le contrat de travail, op.cit.

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VII – Le rôle des RH en cas de lancement d’alerte Page 41 sur 51

Si les délais et/ou la forme ne sont pas respectés, la faute grave ne peut être retenue

et il s’agit alors d’un licenciement normal.

5. LES RH, GARDIENNES DE LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE46

Comme toutes les entreprises mettant à

disposition de leurs employés divers outils

informatiques et de communication, le Groupe

est, au sens de la loi belge du 8 décembre 1992

relative à la protection de la vie privée à l'égard

des traitements de données à caractère

personnel, le responsable de nombreux

traitements de diverses données personnelles

relatives à ses employés et à l’usage que ces

derniers font des moyens suscités.

La responsabilité de ces traitements implique d’être le gardien protégeant les données

traitées des accès et des utilisations usurpées mais aussi d’être le garant que les

auteurs d’utilisation abusive pourront être démasqués.

Pour permettre la balance de ces deux rôles, le Groupe a mis en place une charte

informatique permettant aux employés d’être alertés quant aux règles par lesquelles

leurs données personnelles sont protégées et quant aux règles qui présideront à la

levée nécessaire de cette protection le cas échéant.

C’est généralement et fort heureusement aux RH qu’est confiée la mise en œuvre de

cette charte. En effet, leur autorité dans la gestion des employés s’étend également

aux cas évoqués d’utilisation abusive.

Le lancement d’alerte est souvent (pour ne pas dire toujours) générateur d’un besoin

de vérifications et de recherche de preuves en matière de données personnelles, ce

46 Interview de Bertrand VANDEVELDE, avocat, le 04.01.2015

Page 43: TFE Mueller - Whistleblowing 150116 FINAL

VII – Le rôle des RH en cas de lancement d’alerte Page 42 sur 51

qui renforce l’intérêt de confier aux RH un rôle primordial dans la gestion des

lancements d’alerte. En effet, une fois l’alerte lancée, il conviendra de vérifier le

contenu de l’alerte et, le cas échéant, de rassembler un ensemble de preuves

démontrant ou infirmant la réalité des allégations contenues dans le lancement

d’alerte. Et ces vérifications et preuves impliqueront immanquablement des analyses

circonstanciées de données personnelles allant au-delà des règles de traitement

appliquées lors de l’usage quotidien récurrent des outils informatiques et de

communication.

Le traitement des données personnelles constituant à juste titre un enjeu majeur pour

le Groupe, il est fondamental que les diverses facettes de ce traitement évoquées ci-

avant, et plus encore les conséquences des lancements d’alerte sur ce traitement,

puissent être l’attribut du département en charge des ressources humaines. Les RH

prévoiront donc dans le contrat de travail et autres documents signés par chaque

employé les clauses adéquates afin de pouvoir au besoin effectuer, à charge ou à

décharge, une recherche ciblée au niveau informatique.

Page 44: TFE Mueller - Whistleblowing 150116 FINAL

VIII – Conclusion Page 43 sur 51

VIII. Conclusion

La mise en place et la gestion d’un processus de lancement d’alerte sont

fondamentales pour une entreprise, comme nous l’avons vu.

Lors de cette mise en place, la première question est de savoir si les RH doivent y

participer. Pour certains, la question est tranchée et la DJ Compliance sera le maître

d’œuvre exclusif.47

Selon nous, s’il appartient incontestablement à la DJ Compliance de piloter le volet

juridique du processus, il est indispensable d’inclure les RH pour en piloter le volet

humain. C’est à la croisée de ces chemins que l’interaction entre les deux

départements aura lieu.

En effet, les RH doivent constituer un acteur majeur du dispositif par la diffusion de la

culture éthique en incluant dans les contrats de travail et les règlements intérieurs les

exigences éthiques de l’entreprise et en protégeant les lanceurs d’alerte d’éventuelles

représailles. Cela nécessite la capacité d’exfiltrer le lanceur d’alerte et de le changer de

poste s’il subit dans son environnement de travail immédiat les conséquences de

l’alerte qu’il a lancée.

Ceci pose naturellement la question de la place de la fonction RH dans l’entreprise, de

son indépendance et de sa capacité à faire prévaloir ses vues en matière d’éthique par

rapport aux opérationnels et à la direction générale.

Alors que le fait de dénoncer présente souvent dans nos pays latins une connotation

négative, le rôle des RH est essentiel pour opérer la révolution culturelle que nécessite

la mise en place d’un système de lancement d’alerte en mettant en avant la fidélité du

47 http://www.ey.com/LU/en/Newsroom/PR-activities/Articles/Article_201401_Le-role-de-la-fonction-RH-dans-la-

sauvegarde-de-l-integrite-de-l-entreprise, le 02.12.2014

Page 45: TFE Mueller - Whistleblowing 150116 FINAL

VIII – Conclusion Page 44 sur 51

lanceur d’alerte aux valeurs éthiques de l’entreprise, fidélité que trahit le collaborateur

qui s’adonne à des pratiques de corruption.

Sur ce point, force est de constater que les RH apparaissent naturellement comme les

architectes et les acteurs d’un changement majeur dans l’entreprise qu’elles piloteront

en mode projet, après avoir identifié les relais essentiels à la conduite de ce tournant.

Nous terminerons par une citation tirée d’un ouvrage du Professeur Philippe DE

WOOT48:

« L’ÉTHIQUE NE SE LIMITE PAS AUX CONVICTIONS NI AUX VALEURS. ELLE CONCERNE PRINCIPALEMENT NOS

ACTES ET LEURS CONSÉQUENCES. C’EST DANS L’ACTION QUE S’INCARNE L’ÉTHIQUE ET, DANS CE SENS, ELLE

EST UN ENGAGEMENT. »

48 Lettre ouverte aux décideurs chrétiens en temps d’urgence, p.125, éd. Lethielleux/Desclée de

Brouwer, Paris, 2009

Page 46: TFE Mueller - Whistleblowing 150116 FINAL

IX – Bibliographie Page 45 sur 51

IX. Bibliographie

1. LIVRES

• BRION René et MOREAU Jean-Louis, Plus de 150 ans de présence dans l’énergie en

Belgique, Recherches documentaires, éd. GDF SUEZ, 2011.

• BRION René et MOREAU Jean-Louis, 150 ans de présence dans le monde: l’énergie

partagée, Recherches documentaires, éd. PC, Paris, 2011.

• DE WOOT Philippe, Lettre ouverte aux décideurs chrétiens en temps d’urgence, Éd.

Lethielleux / Desclée de Brouwer, Paris, 2009.

• NORTON ROSE FULBRIGHT, A global guide to Whistleblowing laws, août 2014.

2. RAPPORTS

• Rapport d’activité 2013 de GDF SUEZ.

• Présentation de GDF SUEZ, 2 août 2012.

3. ARTICLES

• CHARREIRE-PETIT Sandra et CUSIN Julien, Quand le whistleblower est sifflé hors jeu par

le système: expulsion puis résilience du footballeur Jacques Glassmann, 2006.

• LOCHAK Danièle, L’alerte éthique, entre dénonciation et désobéissance, in AJDA n°

39/2014 du 24.11.2014.

• MEYER Nicole-Marie, Le droit d’alerte en perspective: 50 années de débats dans le

monde, in AJDA n° 39/2014 du 24.11.2014.

• RASNEUR Antoine, Maîtriser le droit social – Droit social individuel: le contrat de

travail, syllabus, ICHEC Entreprises, D.E.S. RH 2011-2012.

• SLAMA Serge, Le lanceur d’alerte, une nouvelle figure de droit public ?, in AJDA n°

39/2014 du 24.11.2014.

Page 47: TFE Mueller - Whistleblowing 150116 FINAL

IX – Bibliographie Page 46 sur 51

4. TEXTES DE LOI

Les principaux textes de loi cités dans ce travail totalisant près de 1'600 pages, nous

avons choisi de ne pas les annexer mais de les référencer par leur hyperlien. Le lecteur

désireux de les consulter les trouvera ci-après.

4.1 Droit britannique

• Public Interest Disclosure Act 1998:

http://www.legislation.gov.uk/ukpga/1998/23/data.pdf, le 14.01.2015.

• Employment Rights Act 1996:

http://www.legislation.gov.uk/ukpga/1996/18/data.pdf, le 14.01.2015.

• Bribery Act 2010:

http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2010/23/data.pdf, le 14.01.2015.

• Enterprise and Regulatory Reform Act 2013:

http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2013/24/enacted/data.pdf, le 14.01.2015.

4.2 Droit américain (USA)

• Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act:

https://www.sec.gov/about/laws/wallstreetreform-cpa.pdf, le 14.01.2015.

• Sarbanes-Oxley Act of 2002:

https://www.sec.gov/about/laws/soa2002.pdf, le 14.01.2015.

• False Claim Act:

http://www.justice.gov/sites/default/files/civil/legacy/2011/04/22/C-

FRAUDS_FCA_Primer.pdf, le 14.01.2015.

4.3 Droit belge

• Arrêté royal du 10.04.2014 relatif à la prévention des risques psycho-sociaux au

travail :

http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body.pl?language=fr&pub_date=2014-

04-28&numac=2014202445&caller=list, le 14.01.2015.

• Loi du 03.07.1978 relative aux contrats de travail :

http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&cn=19780

70301&table_name=loi, le 14.01.2015.

Page 48: TFE Mueller - Whistleblowing 150116 FINAL

IX – Bibliographie Page 47 sur 51

• Loi du 08.12.1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements

de données à caractère personnel :

http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/loi_a.pl?language=fr&caller=list&cn=19921

20832&la=f&fromtab=loi&sql=dt='loi'&tri=dd+as+rank&rech=1&numero=1, le

14.01.2015.

5. SITES INTERNET

• http://www.fcpablog.com/blog/2014/12/1/for-most-whistleblowers-life-is-

hell.html#, le 02.12.2014.

• http://www.leechgrc.com/pdf/f_e/HumanResourceVol6No589.pdf, le 02.12.2014.

• http://www.ey.com/LU/en/Newsroom/PR-activities/Articles/Article_201401_Le-

role-de-la-fonction-RH-dans-la-sauvegarde-de-l-integrite-de-l-entreprise, le

02.12.2014.

• http://www.gdfsuez.com/actionnaires/action-gdf-suez/structure-de-lactionnariat/,

le 22.12.2014.

• http://www.gdfsuez.com/groupe/ethique-et-compliance/, le 26.12.2014.

• http://www.adma.qc.ca/Publications/Info-ADMA/InfoADMA-Mars-

2012/Enron%2010%20ans%20plus%20tard.aspx, le 26.12.2014.

• http://www.gdfsuez.com/groupe/ethique-et-compliance/dispositif-de-mail-

ethique/, le 26.12.2014.

• http://business-ethics.com/2010/10/26/1740-glaxosmithkline-to-pay-750-million-

fine-whistleblower-to-get-96-million/, le 01.01.2015.

• http://www.bloomberg.com/news/2014-06-16/sec-fines-new-york-advisor-for-

whistle-blower-retaliation.html, le 01.01.2015.

• http://www.bbc.com/news/business-29316077, le 02.01.2015.

• http://www.asterix.com/asterix-de-a-a-z/les-personnages/quatredeusix.html, le

02.01.2015.

• http://www.dailymail.co.uk/news/article-2861191/Whistleblowing-garage-

mechanic-wins-46-000-compensation-sacked-accused-bosses-overcharging-

customers.html, le 02.01.2015.

Page 49: TFE Mueller - Whistleblowing 150116 FINAL

IX – Bibliographie Page 48 sur 51

• http://www.xperthr.co.uk/editors-choice/unfairly-dismissed-whistleblower-wins-

gbp12-million-compensation/104755/, le 02.01.2015.

• http://www.hrworld.be/hrworld/mssion-statement-strategie-rh-hr-didier-

erwoine.html?LangType=2060, le 03.01.2015.

• http://employmentlawblog.fieldfisher.com/category/enterprise-and-regulatory-

reform-act-2013, le 04.01.2015.

• http://www.psycho-ressources.com/bibli/harcelement-1.html, le 05.01.2015.

• http://en.wikipedia.org/wiki/Commodity_Exchange_Act, le 06.01.2015.

• http://www.lefigaro.fr/emploi/2014/12/05/09005-20141205ARTFIG00095-l-

explosion-des-cas-de-burn-out-inquiete-les-medecins-du-travail.php, le 07.01.2015.

• www.formation-burnout.be, le 07.01.2015.

6. ENTRETIENS

• Entretien avec Marc DE VOS, HR Partner de GDF SUEZ C.C., le 12.12.2014.

• Entretien avec Manoëlle VAN DER STRATEN, experte en prévention du burn-out,

formatrice et coach chez FOSTER & LITTLE, le 08.01.2015.

• Entretien avec Bertrand VANDEVELDE, avocat spécialisé en droit de l’informatique, le

04.01.2015.

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X – Dédicace et remerciements Page 49 sur 51

X. Dédicace et remerciements

La finalisation du présent travail a été concomitante à l’attentat

qui a frappé CHARLIE HEBDO à Paris ce 7 janvier 2015, ôtant ainsi la

vie à douze personnes, dont cinq caricaturistes. Cabu, Charb,

Honoré, Tignous et Wolinski étaient à leur manière des lanceurs

d’alerte. Ce travail leur est dédié.

Je voudrais exprimer ma profonde reconnaissance à Monsieur Eric SEASSAUD, Directeur

juridique Compliance du Groupe GDF SUEZ. Sans sa ténacité, son soutien et son

implication, ce travail n’aurait jamais vu le jour.

Je remercie en outre Madame Manoëlle VAN DER STRATEN, formatrice et coach chez

FOSTER & LITTLE, pour son expertise en matière de burn-out, ses encouragements

précieux et ses patientes relectures.

Ma gratitude va également à Monsieur Bertrand VANDEVELDE, avocat, pour le temps

qu’il a consacré à relire, annoter et commenter avec la plus grande attention le

présent travail, et pour les conseils avisés qu’il m’a prodigués sans modération.

Mes remerciements sont aussi destinés à Monsieur Jean-Yves GOUËL, Directeur

juridique adjoint Compliance du Groupe GDF SUEZ: ses remarques pertinentes m’ont

été d’une aide précieuse.

Je remercie par ailleurs Monsieur Marc DE VOS, HR Partner de GDF SUEZ C.C., pour

m’avoir entretenue de sa vision du rôle des RH en cas de lancement d’alerte.

Je salue aussi Monsieur Michel LEMOINE, Collaborateur scientifique à l’Université de

Liège, et Madame Claire RAES qui ont mis leur connaissance pointue de la langue

française au service du présent travail. Qu’ils soient chaleureusement remerciés.

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X – Dédicace et remerciements Page 50 sur 51

Je remercie enfin Madame Laetitia PARMENTIER, Responsable académique des

formations en soirée d’ICHEC ENTREPRISES, pour la compréhension et la flexibilité dont

elle a fait preuve.