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Marion Guichard Travail de fin d’étude - Avril 2012 Directrice de Mémoire : Jacqueline Osty Jean-Christophe Bailly SORTIR DE LA VILLE PAR L’ENTRE-VILLE PROMENADE AU GRÉ DES PAYSAGES DE L’ANCIEN NO MAN’S LAND...

TFE Mémoire (ENSNP 2012)

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Travail de recherche sur le Mauergrünzug, Berlin

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Marion GuichardTravail de fin d’étude - Avril 2012

Directrice de Mémoire : Jacqueline Osty Jean-Christophe Bailly

SORTIR DE LA VILLE PAR L’ENTRE-VILLEPROMENADE AU GRÉ DES PAYSAGES DE L’ANCIEN NO MAN’S LAND...

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Dominique Boutin - Président du juryPédologue, chercheur et enseignant à l’École Nationale Supérieure de la Nature et du Paysage

Jacqueline Osty - Présidente de MémoirePaysagiste D.P.L.G. exerçant au sein de l’agence Atelier Jacqueline Osty&Associés,

Enseignante de projet en 4e année à l’École Nationale Supérieure de la Nature et du Paysage de Blois

Jean-Christophe BaillyÉcrivain, philosophe et enseignant à l’École Nationale Supérieure de la Nature et du Paysage de Blois

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I. LA VILLE VÉCUE...

II. L’ORIGINE DES VIDES

13E SIÈCLE, Époque de la fondation p. 34DEUXIÈME MOITIÉ DU 19E SIÈCLE, explosion industrielle p. 35PREMIÈRE MOITIÉ DU XXE SIÈCLE, création du «Grand Berlin» p. 361945, BERLIN AU SORTIR DE LA GUERRE, la ville trouée p. 371949-1989 : BERLIN AU COEUR DE LA GUERRE FROIDE, la ville fissurée p. 382009, UNE MÉTROPOLE EN PERPÉTUEL DEVENIR... p. 39

III. LES VIDES COMME SYSTÈME

1. LES VIDES HÉRITÉS p. 422. LES VIDES PROGRAMMÉS p. 443. VIDES VIVANTS... p. 464. QUEL FUTUR POUR LES «VIDES» BERLINOIS ? p. 48Petit point sur la législation... p. 49

I. BERLIN, VIDES ET PLEINS

LES VIDES EN PÉAMBULE

INTRODUCTION

Qu’est ce que les «vides», comment fonctionnent ils, que cachent-ils ... p. 18

RENCONTRE AVEC LE SITE LE HASARD DE LA DÉCOUVERTEPREMIER CONTACT, EN QUELQUES PHOTOS..

ORIGINE ET ÉVOLUTION DES «ESPACES LIBRES»

HISTOIRE ET ÉVOLUTION DU TISSU URBAIN BERLINOIS

P. 12

P. 24

P. 30

P. 40

P. 10

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I. EMPREINTE DE L’HISTOIRE

II. NAISSANCE DE L’ENTRE VILLE

1. BERLIN, TERRAIN D’ACHOPPEMENT, fermeture de la frontière et construction du Mur p. 562. UNE FRONTIÈRE EN CONSTANTE MUTATION, Évolution du Mur de 1961 à sa chute en 1989 p. 58 Morphologie et organisation de la frontière p. 603. 1961-1989 : BERLIN DÉCHIRÉE, une croissance à deux vitesses p. 624. 1989, CHUTE DU MUR ET RÉUNIFICATION p. 645. RECOLLER LES MORCEAUX ET REDEVENIR CAPITALE... p. 666. TIRER PROFIT DE L’HISTOIRE, le Mur comme nouvel espace public p. 68

III. LE TERRITOIRE DE L’ENTRE-VILLE

1. MORPHOLOGIE DE LA FRONTIÈRE PARTIR DE 1975...... ET ORGANISATION ACTUELLE p.742. ORGANISATION DES QUARTIERS ALENTOURS, Étude des formes bâties p.76 Constitution du système d’espaces libres p.78 Au long de l’entre-ville, doucement quitter la ville p.803. QUE TROUVE-T-ON DANS L’ENTRE VILLE ? Les paysages en déroulés p.82 Comment accède-t-on à l’entre ville ? p.84 L’influence des trains p.86 La petite histoire de «l’Eidenkrautbahn» ou «train des bruyères» p.90 Droit du sol et propriétés foncières... p.92 Les paysages de l’entre-ville p.94 Les traces et indices du Mur p.98 Signalétique et aménagements relatifs à la mémoire p.100 Un rapide retour aux origines, formation géologique, morphologie du territoire et nature actuelle du sol... P.102 Un sol très perturbé, zones de remblais et pollutions p.104 Une riche mosaïque végétale p.106 Quelques animaux... p.110 Et une multitude de petits usages ! p.112 Pour résumer un peu p.114

II. A LA DÉCOUVERTE DE L’ENTRE-VILLE

UNE HISTOIRE COMPLEXE À L’ORIGINE D’UN PAYSAGE ATYPIQUE

LE VIDE DE L’ENTRE-VILLE

À LA DÉCOUVERTE DES PAYSAGES DE L’ANCIEN NO MAN’S LAND

P. 52

P. 54

P. 72

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I. PRÉSENTATION DES SÉQUENCES

SÉQUENCE 1 : Regarder danser les trains p.120SÉQUENCE 2 : LA FRICHE DU TRIANGLE HUMIDE p.122SÉQUENCE 3 : La poche de la Panke p.126SÉQUENCE 4 : E ntre le cimetière et la gare boisée p.132SÉQUENCE 5 : La longue lande p.136SÉQUENCE 6 : La lande industrielle p.140SÉQUENCE 7 : La lande aux barres p.144SÉQUENCE 8 : Le couloir boisé p.148SÉQUENCE 9 : Ouverture et échappée p.152EN ROUTE POUR BLANKENFELDE... p.156

III. PREMIERS PAS VERS LE PROJET...PARTIR D’ABORD POUR UNE PETITE PROMENADE

POINTS D’ACCROCHE ET ZONES D’INFLUENCEII. QUEL FUTUR POUR L’EMPREINTE P.1

1. ENJEUX À DIFFÉRENTES ÉCHELLES p.159

2. SCHÉMA DIRECTEUR p.163

1. L’EMPREINTE, LIEU DE MÉMOIRE p.164Autour de la mémoire on pourrait commencer par... p.1661. Raccorder l’empreinte au Mauerweg2. Révéler les indices...3. Mettre en évidence les superpositions

2. L’EMPREINTE PROMENADE p.168Promenade et lien ville-campagne p.1701. Guider la ballade 2. Intrusion campagnarde et outils de gestion...3. Le lien au parc naturel

3. L’EMPREINTE, NOUVEAU RÉSEAU D’ESPACES PUBLICS p.172Ébauche d’ambiances et potentiels usages... p1741. La prairie du triangle p.1742. Le salon de la Panke p.1743. Le parc naturel de la gare p.1755. Le chemin des clairières p1756. Le parvis des usines p.1767. La Terrasse du Nordgraben p.1768. Le parc du Markisches Viertel p.1779. La forêt-tunnel p17710. Et la surprise... p.178

P.118

P.158

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CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

REMERCIEMENTS P. 183

P. 180

P. 179

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Gesundbrunnen

der Nordgraben

Wilhelmsruher Damm

Wilhelmsruh

= la digue de WilhelmsruhUne des rues principales du quartier

= la saine fontaineQuartier et gare

= le fossé du nordRivière très profondément encaissée

= le repos de Guillaume

Voyage en territoire allemand Derrière d’étranges sonorités se cache la poésie des noms...

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die Bösebrücke

der Mauerpark

Gesundbrunnen

das Nasses Dreieck

die Heidekrautbahn

Blankenfelde

Schönholz

= les champs nusvillage situé à l’extrémité nord de Berlin

= le beau bois

= le train des bruyèresvoie de chemin de fer désaffectée qui menait autrefois vers les lacs

= le triangle humideancienne zone de marécages

= le pont fâchéPremière porte d’entrée ouverte vers l’Ouest en 1989

= le parc du MurParc public installé dans l’ancien no man’s land

= la saine fontaineQuartier et gare

Der Freizeitparks Lübars= le parc du temps libre de Lübars

300300 300m900

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INTRODUCTION

Bonn

Munich

Kassel

Stuttgart

Nuremberg

BerlinPologne

France

Hambourg

Brême

L’histoire de ce travail commence au printemps. Au printemps dernier à Berlin. Tous les jours, pendant plus de deux mois, arpenter ses rues. Assister au réveil de la ville, de surprise en surprise, sans cesse plus déroutante. Un travail de diplôme, la recherche d’un site, pourquoi ne pas chercher à Berlin ?

Ensuite c’est une rencontre hasardeuse. De nombreuses ballades, l’incertitude, où chercher, que chercher ? Puis un espace qui se dégage. Partir à sa rencontre. Un espace attachant et curieux. Au fil des recherches, découvrir son histoire. Parce qu’à Berlin se cachent pleins d’histoires. Des toutes petites, de celles de tous les jours, comme dans toutes les villes bien sur, mais à Berlin, dans les plis de la ville se cachent aussi des sacrés morceaux d’histoire, de la grande histoire, de la forte de celle que tout le monde connaît. Des histoires de guerre, les trous des bombar-dements, le long couloir que le Mur a laissé au travers de la ville.

Dans ces trous aujourd’hui naissent pleins de nouvelles histoires. Des histoires de plantes, des histoires de quartier, des petits bouts de jardin. Quand les beaux jours reviennent, la ville bouillonne.

L’espace sur lequel va porter ce travail ressemble d’abord à une friche. Une friche assez vaste, en forme de triangle, juste un peu au nord de Berlin. Une friche, rien d’étonnant à cela, Berlin en compte tant. Les plantes et leurs jolies couleurs, quelques promeneurs... En entamant les recherches, c’est l’histoire qui surgit. C’est l’histoire du Mur qui se cache aujourd’hui sous la végétation. Parce qu’elle se cache l’histoire. Maintenant, l’ancien No man’s Land ressemble plutôt à un long couloir vert. Au nord de la ville, il ne reste du Mur que cette bande qui court au travers des quartiers, l’ancienne bande de la mort. En vingt deux ans, la végéta-tion s’est bien installée. Les paysages sont méconnaissables.

Plus qu’un simple triangle, c’est un couloir, un long couloir qui se déroule, suivant le chemin du Mur, jusqu’aux limites de la ville. Comment comprendre la friche du triangle sans étudier le reste du linéaire ? Impossible à mon sens. C’est ainsi qu’en partant de la friche du triangle, le site s’est peu à peu allongé vers le nord, puis un peu vers le sud, pour s’accrocher au Mauerpark, puis encore vers le nord, jusqu’au village de Blankenfelde.

Après avoir un peu étudié l’histoire, la morphologie et le fonctionnement de Ber-lin, on tentera, au travers de ce travail, de mieux comprendre la place qu’y occupe cet étrange «vide» et comment, au long de ses 13 kilomètres, on quitte peu à peu la ville.

620 Km

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Berlin EST

Berlin OUEST

Ancien aéroport de Tempelhof

Tiergarten

Village de Blankenfeld

Station de S-Bahn Bornholmer strasse

Brandenburger Tor

Mauerpark

Site d’étude

45 Km

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RENCONTRE AVEC LE SITE...LE HASARD DE LA DÉCOUVERTE

300300 300900 mètres

100100 100m300 mètres

N N

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Au début c’est juste un vide.

Un vide un peu plus grand que les autres, un vide qui par son ampleur attire l’attention si on regarde Berlin depuis le ciel. Mais en vrai qu’est ce que c’est ? Et à quoi ça ressemble ? Pour satisfaire à cette nouvelle curiosité, il faut y aller. Partir à la recherche de CE vide. Prendre le S-bahn, excitation de partir pour une expédition dans un quartier inconnu. Prétexte à la découverte des quartiers nord de Berlin. Prendre le S-Bahn dans le sens opposé, tourner puis monter. Nouveaux noms, nouveaux paysages. La ville infinie se dévoile sous un jour nouveau. Descendre. Marcher. Tourner. Se perdre. Tourner en-core. Demander. Se laisser guider par un inconnu vers un lieu inconnu. Les rues en enfilades strictement bordées de hauts immeubles. Les rues sont calmes. Derrière les façades de béton grises, on devine la vie paisible. Soudain une brèche puis une large ouverture. L’espace se déploie, le ciel et sa vive lumière.

Finalement c’est une friche.

C’est juste une friche, avec une forme étrange certes, et cette ampleur. Un vaste triangle de plusieurs hectares bordé au loin de façades austères. La ville tout autour semble soudain bien lointaine. Ce qui se passe dans ce triangle ne semble pas telle-ment la concerner. Curieuse malgré elle, elle observe tout de même, mais de loin, craintive ou dédaigneuse, elle garde ses distance. Et puis il y a le train qui tourne. Qui file bruyamment du centre vers les quartiers nord. Incessant passage. Ruban rouge et jaune, passage fracassant. Dans cet espace, ça sent un petit peu la campagne. Les riverains se promènent dans la lumière du soir, tandis qu’au loin, quelques chiens chahutent dans les hautes herbes. Si l’on regarde bien en direction du centre, on peut voir la silhouette pointue de la Fernsehturm se détacher sur le ciel de Berlin.

Juste une friche, très bien, mais qu’est-ce qu’elle fait là ?

Oui pourquoi ? C’est au retour de la balade que les recherches commencent. Pourquoi cette friche ? Pourquoi cette forme ? pourquoi cette taille ? Berlin et ses secrets. Chaque interstice, chaque trou, comme les cicatrices d’un pirate ou d’un vaillant soldat, sont pleins de secrets et d’histoires... Mais Berlin n’est pas tellement bavarde ni démonstrative et pour finalement trouver quelle histoire spéciale raconte l’intrigante friche triangulaire, il faut un peu chercher... C’est alors que la paisible friche du triangle se déplie, se déploie, dans le temps et l‘espace, changement d’époque, changement de décor, change-ment d’ambiance.

L’histoire présente en arrière plan dans la friche triangle est celle d’une séparation. L’histoire d’un geste violent qui trancha la ville par le milieu. L’histoire de la friche du triangle c’est celle du Mur de Berlin, de son parcours dans la ville dédoublée. Celle de son épaisseur aussi. De cette bande de terre inaccessible qui aujourd’hui encore impose un écart entre les deux moitiés de la ville qu’elle semble parfois maintenir à distance.

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PREMIER CONTACT, EN QUELQUES PHOTOS...

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La passerelle piétonne dans le prolongement du Mauerpark, les trains qui tournentLe bruit, le vent, le tournis

En contrebas, le foulli ordonné des petits jardins blottisPassage d’un train

Le «Bösebrücke» de la Bornholmer strasse

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345

1

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Encore des trains, ils enserrent la friche du triangle et bloquent l’acces

Friche du triangle humide

Tout en haut, les trains. Leur passage résonne sous le pont avec fracas. Au loin, une grille fermée, des barbelés bloquent l’acces a la friche...

Apres tours et détours, finalement elle est la, friche du triangle humideLes plantes, le ciel, la ville au lion...

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Les cinq hectares de la friche du triangle humide ne sont en réalité que le début d’un long chemin qui va jusqu’aux limites de la ville. En le suivant sur plus de 10 kilomètres, on peut traverser les quartiers nord de Berlin pour arriver soudain dans les champs. Au long de cette ballade, on découvre doucement la ville pour la quitter fina-lement.

Pour mieux comprendre le rôle que joue au-jourd’hui cet espace au sein de la ville, il m’a d’abord parut essentiel de re-situer un peu les choses dans leur contexte.

En m’appuyant sur mon expérience de la ville et sur l’histoire de ma rencontre avec le site, j’ai voulu dans un premier temps essayer de com-prendre la rôle que pouvait jouer les vides dans la ville. Essayer de comprendre l’effet produit par le vide au sein de l’espace urbain, puis regarder plus spécifiquement le rapport que Berlin en-tretient avec ses vides urbains.

Pour cela, on commencera par retracer briève-ment l’histoire du développement de la ville pour étudier ensuite la nature et le fonctionne-ment du «système d’espaces libres» berlinois. Essayer de comprendre comment la ville consi-dère aujourd’hui ce réseau, comment elle envi-sage son futur développement, pour finalement imaginer la place que pourrait bientôt y occuper l’ancien espace du Mur.

Cette étude s’organisera donc suivant trois échelles d’analyses. La première considérera la ville dans son ensemble. La seconde étudiera plus en détail le fonctionnement des quartiers nord de Berlin. La troisième finalement nous amènera à mieux connaître le site, comprendre l’origine de cette forme étrange, regarder ce qu’il contient puis partir pour une promenade au gré des paysages de l’ancien no man’s land...

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MÉTHODOLOGIE

1. ÉCHELLE DE LA VILLE

2. ÉCHELLE DU QUARTIER

3. ÉCHELLE DU SITE

constitution du tissu urbain et analyse du réseau d’espaces libres berlinois

Typologie des pleins, morphologie des vides, territoire d’interfaces

Ce vide, richesses, histoires et futur de l’entre ville

TROIS ÉCHELLES D’ÉTUDE

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LES VIDES EN PRÉAMBULE D’abord c’est quoi «le vide»? En ouvrant le dictionnaire pour tenter de répondre à cette vaste question on trouve entre autres définitions : «Se dit d’un contenant qui ne contient rien, se dit d’un lieu inoccupé, où il n’y a pas d’occupants, se dit d’un lieu où il n’y a rien ou presque rien. Se dit d’un lieu où on ressent l’absence de quelqu’un. Marqué par rien de particulier, sans signification, sans intérêt, sans valeur, creux».(Grand Larousse Universel) ou encore : «Qui n’est pas employé, occupé comme il pourrait l’être. Perdre momentanément sa présence d’esprit, ses connaissances, ses souvenirs. Qui manque d’intérêt, de substance. Vide d’air ou de construction, espace où manque quelque chose.» (Robert).

En résumant rapidement ce que nous apprennent les dictionnaires, le vide serait une sorte de presque rien dénué de sens ne mettant en exergue que l’absence ou le manque de quelqu’un ou de quelque chose... Pas facile partant de là de considérer le vide comme un espace de richesses et de potentiels...

Cette vision négative du vide reste cependant subjective et extrêmement culturelle.

En Orient, et tout particulièrement en Chine, le vide, plutôt qu’un creux dénué de sens est d’abord considéré simplement comme l’envers du plein. Pas de jugement négatif donc, une considération en apparence fort simple mais qui soudain trans-forme le «rien» en une composante du monde et des choses au même titre que leur matérialité palpable. Le vide existe donc, et plus que de se contenter simplement d’exister, il permet également par sa présence l’existence des pleins, comme l’endroit et l’envers d’un même modèle qui ne pourrait pas être en l’absence de l’une ou l’autre de ses composantes. Transposée à l’espace de la ville cette considération prend tout son sens car c’est bien le vide enveloppant les bâtiments qui, à travers la discontinuité, permet la respiration, l’expression des pleins et la naissance du sentiment d’espace. Le vide, par l’opposition qu’il induit avec la matérialité physique des choses, permet tout à la fois la lisibilité de leur structure et l’expression de sa singularité propre.

Plus qu’une simple composante de l’espace, le vide devient, dans la culture orientale, un véritable lieu, un lieu agissant et dynamique permettant la circulation des énergies émises par les choses matérielles. Il est «le lieu où s’établit le réseau des «souffles vitaux», des souffles liant entre-eux visibles et invisibles. Lieu de communication et d’échange, il permet également, par la mise à disposition de cet espace, l’évolution et la transformation de ces choses matérielles. En ce sens, le vide devient un espace de grande liberté.

Le vide existe donc par-delà ces aprioris négatifs. Le vide est empli de la vie et de la richesse des choses qui l’entourent avec lesquelles il communique et qui communiquent à travers lui. Ceux qui depuis toujours auraient éprouvé une profonde incompréhension pour la culture chinoise s’accorderont tout de même sur ce point : on ne saurait imaginer une ville sans vides.

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Plein = pas d’espace

Vide = pas d’espace

C’est l’amplitude des vides et non la taille des pleins qui définit la densité

Association cadre/vide donne naissance à l’espace

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Dans la ville, les vides, au même titre que les pleins pourraient être considérés comme une clé de lecture, comme une porte d’entrée dans la ville. Et c’est bien ce qu’ils sont. Les vides au sein de l’espace de la ville permettent de la parcourir, ils rendent possible l’existence avec elle d’une expérience physique. Ils rendent possible la déambulation ou la promenade à travers ses boulevards et ruelles comme autant de failles et d’interstices permettant d’apprécier les masses qui la composent et le rapport entretenu ente-elles. Contenant les mouvements, bruits, odeurs, lumières tous ensembles mêlés, le réseau des vides, comme un creuset recueille et contient l’ambiance de la ville. Impossible à appréhender par le biais des cartes et autres plans, l’apprentissage de la ville par le vide nécessite un patient travail de déambulation, une exploration minutieuse au cours de laquelle se perdre deviendrait une étape nécessaire à la découverte de ce que la ville recèle, débarrassée finalement du masque de nos idées préconçues.

Espace complexe, la ville se présente comme un «mille feuilles» constitué de multiples couches et strates accumulées avec le temps. Faites de vides et de pleins mêlés, il sera par la suite nécessaire de les prendre une à une pour comprendre comment, une fois superposées de nouveau, elles agissent et permettent le fonctionnement propre à chaque ville.

Pour mieux comprendre ce fonctionnement et aborder la ville dans ce qu’elle a de complexe et d’agissant, on pourrait, ainsi que le propose l’urbaniste et écrivain Serge Renaudie dans son article «La ville par le vide», décomposer cette dernière en quatre dimensions qui, une fois entremêlées forment finalement le visage de la ville.

Parmi ces dimensions, on trouve d’abord ce que l’on pourrait regrouper dans la catégorie des «entités urbaines». C’est la couche des formes bâties. Constituées de pleins et de vides entremêlés, elles dessinent le visage architectural de la ville, reflétant la façon dont l’homme, avec le temps est venu s’installer et coloniser son territoire. Ces formes bâties ne sont pas ici considérées comme des coquilles inertes et figées. Pour les comprendre il est donc nécessaire de prendre avec elles les gens y habitant ainsi que les divers usages y prenant places, les souvenirs déposés au passage... La seconde couche est celle des «centralités», celle de l’attraction qu’exerce en certains points la couche des «entités architecturales». Cette attraction, trans-pirant au-delà des limites strictes d’un site, exerce au sein de l’espace urbain un double phénomène d’attraction/répulsion conditionnant les déplacements, regroupés quant à eux dans une troisième couche indépendante : la couche des «flux». Ils regroupent toutes les liaisons qui, comme autant d’influx nerveux parcourent constamment la ville. On distingue deux types distincts de flux : les flux établis, conditionnés par le tracé des réseaux de communication et les flux non établis. Ces flux non établis, comparables au réseau des sentes animales se matérialisent comme autant de traces, principalement au sein des espaces non qualifiés. C’est ce cheminement immatériel qu’a mis en exergue l’artiste Richard Long avec «A Line made by walking» (England 1967) où le passage répété du marcheur dessine finalement une ligne au sein de l’herbe fraîche.

Et c’est précisément l’ensemble de ces espaces non qualifiés, non définis qui constituent la quatrième et dernière dimension de la ville. Souvent non bâtis, ces espaces, du fait qu’ils ne sont pas qualifiés, ne se destinent pas a priori à un usage précis ni à un type particulier de population. Ils deviennent à ce titre des espaces de mixité et de liberté. En perpétuelle évolution, les vides urbains, souvent emplis d’une flore habile à s’établir dans le moindre interstice laissé sans surveillance, impose un rythme différent. La végétation, à travers son évolution, rend visible le rythme des saisons. Espaces en constante évolution, ils autorisent la créativité et reflètent à ce titre les habitudes et préoccupations de leur temps. Le réseau des vides urbains non définis, lieux d’expression des désirs et besoins des habitants alentours, pourraient alors devenir un modèle de déve-loppement urbain, une source d’inspiration pour l’aménageur devant répondre à la boulimie planificatrice qui caractérise notre époque. Berlin, ville mitée, possède un réseau de vides urbains particulièrement fournis. Nous allons désormais tenter de mieux saisir l’origine, le fonctionnement et l’évolution si original et atypique de cette ville vivante et perpétuellement renouvelée.

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Empreinte, creux dessinant un es-pace au sein de l’étendue plane et désertique

Église Saint Saturnin, au bas des pentes de la Croix Rousse, Lyon. Avec le temps, les immeubles sont venus étouffer l’église

Trace, inscritpion au sol du chemi-nement répété

Vie, explosion végétale dans une friche New Yorkaise préservée

église coincée

Michael HeizerRift (Nine Nevada Depression_1), 1968

Alan SonfistTime Landscape, 1968-1975

Rochard LongLine made by walking, England, 1967

La ruelle étriquée remplace désor-mais le parvis. Manque notoire d’espace pour que l’église déploie son amplitude.

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BERLIN, VIDES ET PLEINSI.

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I. LA VILLE VÉCUE...

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Mais comment donc décrire Berlin ?

Une chose est sûre, c’est différent. Différent de toutes les autres grandes villes européennes.

A Berlin, on retrouve tantôt des am-biances d’ici et d’ailleurs, les larges rues bordées d’immeubles souvent sobres et peu hauts, hâtivement reconstruits après la guerre, donne-raient presque à cette capitale euro-péenne des airs de métropole nord américaine, alors qu’en parcourant les reliquats de ce que fut le centre his-torique de la ville, quartier Mitte, l’île au musée, Unter den Linden, l’Uni-versité Humbolt, le Nikolaïviertel, cer-tains agencements, certaines formes urbaines, jusqu’à quelques façades font étrangement écho à notre chère capitale française.

Déstabilisant dans les premiers temps, ce curieux mélange devient progressivement visage de la ville, on cesse peu à peu de chercher à qui elle ressemble pour la prendre finalement comme elle est. Bonne idée, car Berlin plus que nombre d’autres est une ville pleine de richesses...

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Berlin échelle 1/100 000e

Berlin, porte de Brandebourg

Berlin, réseau des vides urbainsStructure lâche et mitée, vides amples et abondants

210m

35 km

Berlin c’est vide et vert. Vide et vert, c’est bien ça qui frappe le promeneur qui pour la première fois arpente les larges rues de la capitale allemande. Tout à la fois hérité d’une planification rigoureuse et d’une histoire tourmentée, le réseau des vides urbains imprègne profondément la ville, autant que l’esprit du néophyte, noyé dans cette immensité dilatée.

Installée sur un socle plat et spongieux parcouru de forêts denses et de marécages, la ville de Berlin se caractérise par son incroyable étalement. Couvrant une surface de 891 km2 pour 3,4 millions d’habitants, elle est près de 8 fois plus étalée que Paris pour à peine une fois et demi plus d’habi-tants. Ville multi-centres, Berlin s’est formée par l’agglomé-ration progressive de villages dispersés. Le temps passant, la ville est venue se déployer sur cette vaste étendue plate, comme autant de tentacules, plus ou moins vigoureuses selon les époques. Réunis en une seule et même entité en 1920, lors de la création du «Grand Berlin», ces villages com-posent aujourd’hui encore le coeur des actuels quartiers de la capitale. Déjà disproportionné à l’époque, le territoire de Berlin est aujourd’hui encore beaucoup trop vaste pour la ville qui semble y flotter comme dans un vêtement qu’elle n’aurait su choisir à sa taille. C’est ainsi que les périphéries de la ville se composent de grands lacs entourés de forêts ou de vastes étendues agricoles parsemées de hameaux qui, bien que compris dans les limites administratives de Berlin, possèdent un caractère rural bien marqué.

Mais la surabondance d’espaces verts et de nature, si elle semble parfois submerger l’espace urbain, est avant tout le fait d’une planification rigoureuse motivée par une prise de conscience anticipée du rôle que devait jouer la nature au sein de la ville. En effet, la création du «Grand Berlin», au début du XXe siècle, fut suivit de près par l’élaboration d’un plan dit «du système d’espaces libres». Réalisé en 1929, il prévoyait la création d’une double ceinture concentrique de parcs, jardins et espaces verts, ainsi que de couloirs vides permettant le contact entre le coeur dense de la ville et les espaces de nature périphériques. Servant encore de base aux actuels documents de planification, on doit à ce plan la majeure partie des grands parcs publics et espaces naturels entourant la ville.

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Paris échelle 1/100 000e

Paris, Arc de triomphe

Paris, réseau des vides urbainsVille très structurée, vides étroits

210m

11 km

Mais ce sentiment de nature foisonnante, incessamment ressenti à mesure qu’on découvre la ville est également l’héritage d’une histoire contemporaine violente et dévas-tatrice.

Fortement affaiblie par la crise monétaire de 1929 qui fit péricliter une bonne part des industries animant la ville, la seconde guerre mondiale laisse Berlin dévastée. Détruite en grande partie par les bombardements alliés, la ville en 1945 n’est plus qu’un champs de ruines. La reconstruction s’amorce, lente et coûteuse. Berlin ruinée n’est plus que le fantôme d’elle-même.

Tout comme le territoire allemand, Berlin fut, à la suite des accords de Yalta, divisée entre les quatre puissances vic-torieuses. On trouve alors à Berlin un secteur français, un secteur britannique, un secteur américain et un secteur soviétique. Différents et tensions ne tardent pas à subvenir et déjà en 61, soit à peine plus de 15 ans après la fin de la guerre, Berlin se fait de nouveau le théâtre d’un conflit mondial. Zone de friction, la guerre, bien que froide plonge de nouveau Berlin dans l’instabilité et l’appréhension. Divi-sée en deux parties pendant près de 30 années, l’immense Berlin devient bicéphale. Deux histoires, deux développe-ments. Réunifiée dans une explosion de joie en novembre 1989, Berlin tente depuis lors de recoller les morceaux.

Contrairement à Paris, on ne peut pas dire que Berlin brille par son architecture. Comme on peut le voir sur les extraits ci-contre, la structure urbaine de la ville, issue de la recons-truction reste encore lâche et largement incomplète.

A Paris, cette splendide architecture qui, autour du monde, fait sa renommée peut cependant parfois donner à la ville un côté figé et étouffant. A Berlin, le quartier historique «pit-toresque» se limite à trois rues. Reste bien ça et là quelques églises rafistolées... Bien qu’hétéroclytes, les bâtiments ne sont aujourd’hui, pour la plupart, que des cubes de béton, mais l’histoire dormant sous leurs pieds est si forte qu’elle semble, comme par transpiration, résonner dans chaque interstice pour finalement emplir le ville à laquelle elle ap-porte toute son âme et son caractère.

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A l’inverse de Paris, Berlin se démarque donc par ses vides. La ville ici doit se lire en creux, car c’est dans tous ces coins et recoins, de la plus petite fissure au site industriel le plus vaste, que se dissimulent les richesses de la ville. Longtemps subis comme un handicap et ressentis comme une honte, particulièrement par rapport à la mémoire de la guerre qu’ils contiennent, les vides à Berlin constituent aujourd’hui un réseau perçut comme un grand potentiel pour la ville à laquelle il offre autant de respirations.

On entend aujourd’hui encore de la part de certains récalcitrants, qu’ils ne comprennent pas pourquoi s’évertuer à sans cesse vouloir faire entrer la nature dans la ville, «espace minéral destiné avant tout à l’humain»... Que ceux là viennent passer du temps à Berlin. La ville est verte, la nature foisonne. Les larges rues sont souvent bordées d’arbres aux fosses de plantation généreuses, espace offert à qui veut, il accueille aussi bien les vagabondes que les initiatives des citadins jardiniers. L’exemple des fosses de plantation, bien qu’émouvant, semble dérisoire et anecdotique à première vue. Il illustre cependant à très pe-tite échelle ce que permet la ville dans ces vides et ses creux, autant d’espaces dépourvus de fonction précise, laissant alors la possibilité à qui conque de venir y inventer de nouveaux usages inédits et incongrus. On pourrait dire que les vides à Berlin contiennent la vie dans ce qu’elle a de mouvant, de créateur et d’original. Pour cette raison, les vides semblent apporter à la ville, bien que lâche et décousue, une grande force, une grande énergie. C’est ainsi que les friches se transforment en jardins partagés, les immeubles abandonnés en squats d’artistes et les usines désaffectées en boîtes de nuit organisant d’intermi-nables soirées permettant d’apprécier la célèbre musique électronique berlinoise. Probablement influencés par leur passé tourmenté, les Berlinois sont des inventifs...

Ce qui trouble à Berlin c’est cette incroyable sensation d’énergie, comme produite par l’alchimie entre la ville, vaste, verte et vivante et sa population. Le champs des possibles, semblant plus vaste ici qu’ailleurs, stimule l’imagination, on se sent à son tour l’envie d’inventer. Peut être ma vision de la ville à t elle été influencée par la période à laquelle j’y suis arrivée. Comme sous l’effet d’une explosion, la ville au printemps sort brutalement de sa léthargie, toute entière elle bourgeonne et reverdit, les berlinois, avec appétit repartent à la conquête du dehors. Nombreuses sont les personnes m’ayant décrites la tristesse grise des froids hivers berlinois... Qu’importe, reste que Berlin est une ville dans laquelle on se sent bien.

Au pied des arbres, les larges fosses laissent naître vie et place à la créativité

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Dans une ancienne brasserie en bord de Spree, s’est installé un club électro

1er mai au Görlitzer ParkDans le creux du parc, un étrange rassemblement. Soudain une bataille éclate laissant échapper mille couleurs

Une cabane, un jardin Le Prinzessinen Garten, jardin partagé itinérant installé dans l’espace d’un îlot bâti détruit par les bombardements

Qu’est ce qui se trame dans les vides de Berlin ?

En plein centre de la ville, face à la Berlinische Galerie...

Chèvres et moutons prennent du bon temps !

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II. L’ORIGINE DES VIDES,

Marécages Forêts Cultures Parcs et jardins Tissus urbain

HISTOIRE ET ÉVOLUTION DU TISSU URBAIN BERLINOIS

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HISTOIRE ET ÉVOLUTION DU TISSU URBAIN BERLINOIS

Pour tenter de comprendre pourquoi les espaces libres, vides et autres creux sont aujourd’hui considérés comme éléments caractéristiques de la trame urbaine berlinoise, nous allons commencer par retracer brièvement l’histoire de son dévelop-pement. Berlin possède une histoire vraiment particulière qu’il est à mon sens fondamental de connaître pour mieux com-prendre l’état actuel de la ville et envisager son évolution future.

Nous retracerons donc au cours de cette partie, l’histoire de Berlin à travers 6 périodes, apparaissant comme déterminantes pour la constitution de la ville. Six époques ayant été le théâtre de transformations ou d’événements majeurs, lieux de chan-gements profonds ayant influencé et marqué la ville d’aujourd’hui.

S’étalant du 13e siècle à nos jours en passant par l’époque de fondation de la ville, celle de la révolution industrielle, la pre-mière partie du XXe siècle, la fin de la seconde guerre mondiale ou encore la guerre froide, cette présentation succincte s’attachera à travers diverses cartes à toujours mettre en rapport le développement de la ville, de ses «pleins/bâtis», avec l’évolution des paysages naturels alentours. De cette façon, on essaiera de comprendre comment la ville, au fil du temps, est venue se poser puis s’étendre sur le territoire qu’elle occupe et par quels événements historiques a pu être influencé ce développement.

Pour chacune des époques on présentera donc une carte du tissu urbain, confrontée à une carte des espaces libres. Ces cartes des espaces libres regroupent l’ensemble des espaces non-bâtis, occupés la plupart du temps par la végétation. Elle sera ici classée en quatre catégories. On trouve d’abord des espaces dits «naturels», se composant principalement de maré-cages et de forêts. On trouve également des espaces influencés par le développement de la ville. On compte parmi ceux-ci les cultures, les parcs, les jardins ou les friches. Parfois un peu schématiques, ces cartes permettent de confronter l’évolution du plein/bâti et du vide/végétal pour tenter de mieux saisir le rapport et l’équilibre qui s’établit entre eux.

Une fois achevée la présentation historique, on essaiera de mieux comprendre l’origine et le fonctionnement du réseau actuel d’espaces libres. Ceux-ci semblent pouvoir être classés en deux catégories correspondant principalement à l’histoire de leur origine. Chacune d’elles forme aujourd’hui dans la ville une sorte de trame. En venant se superposer, elles apportent à Berlin cette permanente sensation d’espace.

Semblant parfois submergée par la verdure qui colonise jusqu’aux moindres interstices disponibles, nous nous pencherons ensuite sur le rapport qu’entretient aujourd’hui la ville avec son «système d’espaces libres», quel rôle il joue dans son fonc-tionnement et comment, désormais consciente des richesses qu’elle recèle, Berlin considère, gère et envisage le futur de ses espaces libres.

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13E SIÈCLE époque de la fondation

FIN DU 19E SIÈCLEexplosion industrielle

DÉBUT DU 20E SIÈCLE création du «Grand Berlin»

ENTRE 1939 ET 1945Berlin marqué par la guerre

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ENTRE 1939 ET 1945Berlin marqué par la guerre

DE 1961 À1989Berlin au coeur de la guerre froide

EPOQUE ACTUELLEune métropole en perpétuel devenir...

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13E SIÈCLE époque de la fondation

A l’origine, le paysage berlinois fut forgé par une épaisse couche de glace qui persista sur ce territoire jusqu’aux environs de -18 000. En se retirant, les glaciers et particu-lièrement l’eau issue de leur fonte creuse une vallée. En son coeur coule un fleuve : la Spree. Le passage répété des eaux, entraînant sur leur passage une grande quantité de matériaux, sculpte le relief. Tandis que le cours de la rivière s’enfonce, apparaissent de part et d’autre deux vastes pla-teaux : les plateaux du Barnim (Au nord) et celui de Teltow (au Sud).

Sur ce sol, formé par la migration progressive des sables, s’installe peu à peu la végétation. Au nord, perché sur le plateau s’étend un paysage de toundra formé de pinèdes, tandis que les dépressions accompagnant le cours de la Spree favorise la naissance d’un paysage de marécage. Le réchauffement climatique entraîne l’arrivée d’animaux dans les plaines et forêts. Trouvant de quoi subvenir à leurs besoins, les peuplades, d’origine germanique, semnon ou burgondes se sédentarisent peu à peu.

Bien que l’on trouve dans cette région des traces d’occu-pation humaine remontant à 60 000 avant J.C., il faudra attendre le 13e siècle pour qu’apparaissent les villages considérés comme fondateurs de la ville de Berlin. A cette époque, la ville naissante se compose d’une multitude de petits hameaux épars, installés principalement le long des nombreux cours d’eau irriguant la région. Dans le coeur de la vallée, situés sur les rives de Spree, on trouve les villages de Berlin et Cölln, constituant le coeur de cet ensemble dispersé. Le long de la vallée se forment de nombreux hameaux, parmi lesquels on compte Köpenick ou Span-dau. Aux profondeurs humides, certains préfèrent les hau-teurs des plateaux ; c’est le cas par exemple des villages de Hönow ou Bernau.

Berlin

Cölln

Köpenick

Hönow

Bernau

Spandau

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Köpenick

Hönow

Bernau

Spandau

DEUXIÈME MOITIÉ DU 19E SIÈCLEéxplosion industrielle

Bien que devenue dès le 15e siècle la résidence des princes électeurs du Brandenburg, puis capitale et résidence royale en 1720 par la fusion des villages de Berlin, Cölln, Friedrichs-felder, Doroteenstadt et Friedrichstadt, c’est véritablement le 19e siècle et avec lui la révolution industrielle qui façon-nera le visage de l’actuelle capitale allemande.

L’exode rural, motivé par le développement massif et rapide des industries, entraîne une fulgurante augmen-tation de la population. En effet, la ville, qui comptait 172 000 habitants au début de 1800 en compte déjà près de 420 000 en 1850 et près de 500 000 en 1860. L’extension rapide des faubourgs aboutit, à cette époque, à redéfinir les limites de la ville qui englobe désormais Wedding, Gesund-brunnen, Moabit, une partie de Tempelhof et Schöneberg. Vers la fin du siècle, la capitale, devenue la première ville industrielle d’Allemagne, ainsi que l’une des villes les plus peuplées d’Europe, abrite près de 800 000 habitants dont plusieurs milliers vivent dans des conditions de misère alarmantes. Pour tenter d’organiser les bouleversements consécutifs à l’explosion urbaine engendrée par la révolu-tion industrielle, l’état prussien commande une étude ur-baine à l’architecte Hobrecht. A l’origine du plan qui porte son nom (le fameux «plan Hobrecht») il lance une grande campagne de construction de logements, principalement pour les population ouvrières de plus en plus nombreuses. C’est la grande époque des «Mietkasernen». Ces logements ouvriers souvent miteux, s’organisent sur des parcelles étroites et profondes, dont les cours s’emplissent progres-sivement d’abris de fortune sombres et insalubres. S’inspi-rant de Lenné et Hausmann, Hobrecht permet également la réalisation d’une ceinture de larges boulevards plantés renforcée par un réseau d’espaces verts. A la fin du 19e, la construction des réseaux de S et U-bahn (RER et métro ber-linois), dont le tracé fut largement influencé par la présence des cours d’eau, a pour double effet de permettre à Berlin de s’adapter à ses nouvelles dimensions tout en encoura-geant le développement tentaculaire de la ville. Le centre peu à peu se dépeuple au profit des périphéries.

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PREMIÈRE MOITIÉ DU XXE SIÈCLE création du «Grand Berlin»

Le début du XXe siècle est évidement marqué par la première guerre mondiale qui, si elle n’eut pas d’impact direct sur la forme de la ville, en eut un sur sa population, ruinée par l’hyperinflation et sévèrement contrainte par la famine qui touche le pays entier. Au sortir de la guerre, la situation économique de l’Allemagne, sévèrement contrainte par le traité de Versailles, est catastrophique. L’apport de capitaux américains permet dès 1924 de réta-blir momentanément la situation. L’Allemagne entre alors dans une période faste nommée «die goldene Zwanziger» (ou «les années 20 dorées»). Comptant parmi les principaux pôles industriels d’Europe, Berlin à cette période connaît également une riche vie culturelle, marquée par des per-sonnalités telles que Brecht, Gropius, Einstein, Lang ou en-core Murnau.

Au début des années 1900, la ville de Berlin compte près de 3 millions d’habitants. Les faubourgs héri-tés des années de fondation sont désormais entourés de nouveaux quartiers où se mêlent vastes halles et denses quartiers d’habitation. Les cheminées de brique diffusent incessamment dans la ville une sombre fumée. Confron-tés à l’incessant étalement de la ville, décision est prise en 1920 de réunir en une seule et même ville l’ensemble des communes adjacentes à l’actuel Berlin : c’est la création du «Grand Berlin». Par ce décret, la ville ingurgite d’un coup Charlottenbourg, Köpenick, Lichtenberg, Neukölln, Schö-neberg, Spandau et Wilmersdorf. Elle réunit désormais 59 communes et 27 districts ruraux, re-divisés par la suite en 20 districts portant souvent les noms des anciens villages. La ville, dont les limites n’ont plus évolué jusqu’à ce jour, couvre un territoire démesurément grand, qu’elle semble, aujourd’hui encore, avoir toutes les peines à maîtriser. Consécutivement à la création du Grand Berlin est menée une étude visant à établir pour la ville un réseau structu-rant d’espaces verts (parc, places et placettes), considérés comme essentiel au bien être de ses habitants. Ce réseau, organisé en cercles concentriques, se fait sur le modèle du «Jansen Plan», élaboré et mis en place à partir de 1929.

Köpenick

Hönow

Bernau

Spandau

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1945, BERLIN AU SORTIR DE LA GUERRE la ville trouée

Le répit accordé au peuple allemand par les «Goldene Zwanziger» n’est que de courte durée et dès 1929, la crise économique mondiale s’abat durement sur l’Allemagne. Berlin, grand pôle industriel, est touchée de plein fouet. La situation du pays tout entier est catastrophique et aux alentours de 1932, on estime que près de 25% de la popu-lation active est au chômage. De nouveau ruiné et affamé la grogne monte au sein du peuple allemand. Et c’est bel et bien ce mécontentement général qui poussera Hitler, se présentant alors comme un remède aux maux du peuple, vers la victoire lors des élections législatives de 1933.

Hitler est nommé chancelier et avec lui débute l’une des périodes les plus noires de l’histoire allemande. S’en est fini de la démocratie. Et bien que Berlin n’ai jamais été consi-dérée comme un centre actif du nazisme, dont les racines se situaient plutôt en Bavière, la ville jusqu’en 45, sous l’influence d’une surveillance constante de l’appareil d’état relayé par nombre d’habitants, se transforme en terrain hostile où plane un permanent danger.

Principale cible des bombardements alliés, Berlin au sortir de la guerre n’est plus qu’un champs de ruines. Les façades éventrées ouvrent sur des fenêtres aveugles. Dans les rues de l’ancienne capitale planent les si lointains fantômes de son faste passé. Et bien qu’elle ne soit pas considérée comme la ville la plus dévastée d’Allemagne, on estime qu’en 45, près de la moitié de la ville est à reconstruire. En 45, des 4 millions de berlinois, il n’en reste qu’à peine 3 millions ; parmi les 160 000 juifs qu’abritaient Berlin, on compte à peine 10 000 rescapés. Le reste de la population survit misérablement. Les réfugiés en mal de logements errent parmi les décombres de la ville rendue plus hostile encore par le froid humide et la famine accompagnant le triste hiver de 1946. Affaiblie et ruinée, Berlin et avec elle toute l’Allemagne se relève lentement de sa chute dont les séquelles physiques ne représentent rien comparés à la honte profonde qui devra ne plus quitter son peuple.

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1949-1989 : BERLIN AU COEUR DE LA GUERRE FROIDE La ville fissurée

Au sortir de la guerre, les Alliés victorieux se partagent le territoire allemand. Tout comme le pays, la ville de Berlin est divisée en quatre parts ; on trouve alors dans la ville une partie américaine, une partie britannique, une partie fran-çaise et une partie soviétique. Des divergences d’opinions ne tardent pas à diviser les Alliés. Les trois puissances de l’Ouest, adhérentes aux idéaux capitalistes, se groupent face au géant soviétique. Bien que ténu, le conflit ne cesse de s’intensifier, l’Allemagne, et tout particulièrement Berlin, constitue la zone de friction entre les deux grands blocs, le coeur des tensions. En 1948, l’URSS de Staline organise le blocus de Berlin, dont la partie Ouest sera, pendant plus d’un an, ravitaillée grâce à un pont aérien permis par le my-thique aéroport de Tempelhof. Le divorce est scellé à l’issu du conflit avec la création pour l’ouest en 1949 d’un état in-dépendant : la RFA. Peu de temps après, à l’Est, naît la RDA.

Le nombre d’allemands fuyant vers l’Ouest, depuis la fin de la guerre, ne cesse d’augmenter. Pour stopper l’hémor-ragie, Honecker organise le déploiement du rideau de fer, suivi dans la nuit du 12 au 13 aout 1961, de la construction du mur divisant Berlin. A peine plus de 15 années après la fin de la guerre, Berlin est de nouveau déchirée par un conflit mondial qui devra durer près de trente ans. Berlin devient une créature bi-face dont chacun des deux visage se veut être la figure idéalisée de la puissance à laquelle elle se rattache. Berlin Ouest, destitué de son rôle de capitale au profit de Bonn est maintenu artificiellement en vie par l’injection de capitaux américains et devient un îlot libéra-liste et libertaire au sein de l’océan communiste. De part et d’autre du Mur, la reconstruction s’organise. Marquée dans un premier temps, à l’Est comme à l’Ouest, par une grande violence, (destructions massives), les politiques urbaines s’élaborent et se structurent progressivement. On garde au-jourd’hui comme héritage de la période communiste la Sta-line Allee (aujourd’hui renommée Frankfurter Allee), ainsi que la Fernsehturm, tandis qu’à l’Ouest, les constructions issues de l’IBA (foire internationale d’architecture) donnent à la ville son aspect hétéroclite et protéiforme.

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2009, UNE MÉTROPOLE EN PERPÉTUEL DEVENIR...

Tombé le 9 novembre 1989, le Mur de Berlin dans sa chute symbolisa pour Berlin et l’Allemagne toute entière, un tour-nant majeur de son histoire. Cette nuit de novembre, si elle évoque à l’esprit les intenses effusions de joie des berlinois, marque aussi le début d’un processus de réunification long et complexe, ne pouvant toujours pas à l’heure actuelle être considéré comme complètement achevé.

Officiellement réunifiée en octobre 1990, l’Allemagne porte encore, aussi bien physiquement que dans l’esprit de ceux qui la peuple, les traces de ces années de guerre et de séparation. Ces traces sont évidemment particulièrement visibles à Berlin et mettent en évidence un paradoxe éton-nant : Berlin, ville de constitution récente (fondation au 13e siècle), fut longtemps complexée par son manque d’his-toire et représente probablement l’une des villes d’Europe où l’histoire est aujourd’hui la plus prégnante. Fortement inscrites dans le corps de la ville, les traces des conflits pas-sés, se donnent à lire comme autant d’espaces vacants, dents creuses et autres friches de plus ou moins grande dimension, qui, si on y prête un peu attention racontent de perpétuelles histoires. Ces espaces vacants constituent aujourd’hui un formidable potentiel écologique que la ville réussit peu à peu à considérer comme tel.

L’espace naturel environnant, s’il a été au fil du temps net-tement grignoté par la ville se développant, reste tout de même présent et facilement accessible (on connaît la répu-tation des vastes lacs et des sombres forêts entourant la ville). Faisant l’objet de nombreuses mesures de protection, les espaces «naturels» pénètrent en certains points la ville, relayés par le réseau fourni des parcs et jardins, ainsi que par les espaces de friches omniprésents. Berlin, ville po-reuse, entretient donc un rapport privilégié avec la nature sous toutes ces formes, rapport que nous développerons plus en détail dans la partie qui suit. Berlin, ville en perma-nente mutation, ne cesse jour après jour de changer de visage, à la recherche d’une identité qu’elle semble peu à peu parvenir à trouver.

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III. LES «VIDES» URBAINS COMME SYSTÈME

Après ce bref aperçut historique, il apparaît donc que la ville de Berlin, pour di-verses raisons, entretient un rapport fort et très particulier avec les vides qui la parcourt.

Le paysage urbain berlinois se caractérise avant tout par une grande mixité. Cette mixité, portée par les formes architecturales, l’est aussi par les vides innombrables qui parsèment la ville. En effet, le territoire compris dans les limites administra-tives de Berlin n’est aujourd’hui bâti qu’à 50%. Le reste se partage donc entre les voies de circulation qui occupent plus de 15% de cet espace, les surfaces cou-vertes par l’eau (6%) et les espaces offerts à la végétation (5% pour les terres agri-coles, 18% pour les forêts et 10% pour les parcs et jardins).

Si la gigantesque Berlin, avec son tissu urbain lâche et mité semble parfois bien en mal de maîtriser le vaste territoire qu’elle s’est offert, elle entretient, malgré les apparences, un rapport conscient et assumé avec le réseau de ses vides. Considéré à la fois par les urbanistes et les habitants comme porteur de l’iden-tité berlinoise, le réseau des vides possède une histoire et des caractéristiques qui lui sont propres. Le réseau des vides, comme les pleins/bâtis, s’organise en quarte couronnes concentriques. La première, la plus centrale possède un tissu urbain dense, en partie hérité des années de fondation. Bien que partiellement aéré après la guerre, ce tissu aujourd’hui ne possède pas assez d’espaces libres. La seconde couronne ou couronne péri-centrale possède une architecture hétéro-gène. Plus aérée, elle présente une mosaïque ou se mêlent maisons individuelles, bâtiments industriels et d’équipement. On y trouve de nombreux espaces verts destinés aux loisirs composant une «ceinture intérieure» de parcs. Pour conserver la qualité du réseau d’espaces libres, on préconise dans cette zone de densifier le tissu urbain existant tout en améliorant les connexions entre les espaces de nature urbaine pour en augmenter le potentiel écologique. On trouve ensuite la troisième couronne ou «zone urbaine extérieure». Largement perméable, elle se compose de petites maisons individuelles et d’ensembles résidentiels. On pré-conise ici aussi une densification du tissu existant permettant de préserver les espaces de liaisons avec les paysages ruraux ouverts et les zones naturelles pro-tégées de la quatrième couronne ou «couronne extérieure».

Ces vides composant aujourd’hui un réseau fourni peuvent être classés en deux catégories correspondant à leur origine. On trouve d’une part les «vides hérités» des conditions naturelles ou de l’histoire et d’autre part les «vides programmés».

ORIGINE ET ÉVOLUTION DES «ESPACES LIBRES»

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Fragment de paysages naturels protégés. Forêts et marécages liés au réseau hydrographique (suivant le cours de la Spree et de la Havel) occupant les périphéries Est et Ouest de la ville.

Espaces agricoles installés sur les plateaux au nord et au sud de la ville. Fragments de paysage rural compris dans les limites de la ville.

Nature urbaine. Nombreux parcs mis en réseau par les friches, interstices et corridors traversant la ville.

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Cette première catégorie de vides regroupe l’ensemble des espaces vacants en-tretenant un rapport avec l’histoire. Devant être envisagée à diverses échelles de temps, on trouve parmi les vides hérités, les espaces liés à l’histoire de la forma-tion géomorphologique du site. Imbibé d’eau, le territoire berlinois est parcouru de rivières et ponctué de zones humides rendant certains espaces difficilement constructibles. Le tracé du réseau hydrographique a donc considérablement in-fluencé le développement de la ville. L’exemple du Markisches Viertel, quartier de hautes tours construit dans les années soixante au nord de la ville illustre bien ce propos. En y étudiant le réseau hydrographique, on constate que les étangs et ruisseaux qui traversent aujourd’hui cette partie de la ville induisent autant d’espaces libres, à l’origine du dessin du réseau d’espaces publics du quartier. A plus grande échelle, le réseau hydrographique a également largement influencé le tracé des voies de communications. Surélevées pour être mise hors d’eau, elles sont alors installées sur d’importants remblais. Bien que souvent invisible, l’eau dormant en sous sol transparaît encore au travers de nombreux toponymes. Cer-taines des principales avenues berlinoises portent par exemple le suffixe «Damm» signifiant levée.

On trouve également dans la catégorie des vides hérités, les stigmates de l’his-toire. Ces espaces, qu’ils soient issus de la désindustrialisation, fruits des bom-bardements ou de la présence du Mur persistent aujourd’hui comme autant de cicatrices sur le corps de la ville. Souvent occupés par la végétation spontanée, ils constituent aujourd’hui autant de refuges pour la nature urbaine. Et bien que le centre de la ville se reconstruise aujourd’hui de plus en plus rapidement, on y trouve encore une faune et une flore riche et bien plus diverse que dans la majo-rité des autres villes. Les îlots détruits, s’ils aspirent souvent à être reconstruits, ont parfois permis la création de nouveaux parcs et squares au relief sculpté par l’accumulation des gravats. L’espace urbain du centre de la ville, aujourd’hui plus aéré, possède de meilleures qualités écologiques. Plus largement végétalisé, il contribue au refroidissement de l’air urbain surchauffé et favorise l’aération du centre ville encombré par les milliers de voitures qui y circulent chaque jour. Le vide laissé par le Mur, quant à lui, parcourt aujourd’hui la ville du nord vers le sud comme un long cordon. Encore largement inoccupé, il laisse à lire l’histoire de la ville en négatif et représente un formidable potentiel de connexion entre les paysages ouverts, plus ruraux et naturels des périphéries et le coeur urbain dense du centre de Berlin. Souvent colonisé par la végétation spontanée, il a également permis la création de nouveaux espaces publics souvent fort appréciés des berli-nois. On compte parmi ceux-ci le célèbre Mauerpark, ainsi que le tout jeune Park am Nordbahnhof.

1. LES VIDES HÉRITÉS Extrait de la carte des bâtiments détruits dans le centre en 1945

Kartenanzeige Gebäudeschäden 1945, extraite du site internet http://fbinter.stadt-berlin.de/fb/index.jsp

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Vides liés à la géomorphologie

En bord de Spree, dans le coeur de la ville, de nombreux îlots détruits restent aujourd’hui non-bâtis

Aperçu d’une section au nord de la ville. La plupart du tracé reste encore inoccupé

Quartier du Markisches Viertel, l’eau affirme sa présence sur ce territoire

Vides liés à l’histoire1. La guerre 2. Le Mur

Le réseau hydrologique condi-tionne le tracé des espace publics

Ilôt détruit accueillant une friche, expres-sion de la biodiversité en coeur de ville

A Nordbahnof, l’espace du No man’s land accueille un parc

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2. LES VIDES PROGRAMMÉS

JANSEN PLANPremier plan de gestion du système des espaces libres, 1929

PLAN D’OCCUPATION DES SOLS(Flaschennutzungsplan, 2009)

PLAN BERLINOIS DES ESPACES LIBRES(Freiraumsystem, 2009)

http://www.stadtentwicklung.berlin.de/umwelt/landschaftsplanung/stadtland/de/stadtfreirsys.shtml

http://fbinter.stadt-berlin.de/fnp/index.jsp

http://www.stadtentwicklung.berlin.de/umwelt/landschaftsplanung/chronik/index_fr.shtml

Mais le système berlinois d’espaces libres, s’il est aujourd’hui renforcé par les vides hérités, est avant tout le fait d’une programmation rigoureuse et d’une prise de conscience anticipée du rôle que doit jouer le nature au sein de l’espace urbain. Comme l’illustre la carte ci-contre, la création du Grand Berlin, au début du 20e siècle, fut accompagnée d’une étude visant à mieux comprendre le rapport que devait entretenir la ville naissante avec les espaces ouverts et naturels alentours. Ce plan, achevé et mis en pratique à partir de 1929, présente la ville comme un espace poreux permettant à la végétation de parcourir Berlin. Ces espaces, s’apparentant à de longs corridors ont en grande partie influencé la disposition des espaces verts au coeur de la ville. La ville au développement tentaculaire se déploie sur son territoire, tandis qu’elle ménage en son sein des espaces, pour qu’à son tour, la nature puisse pénétrer le tissu urbain. Particulièrement attachée à ses espaces naturels, la ville a mis en place, dès 1930, une politique d’acquisition foncière volontariste, visant à assurer leur protection.

Relayé dans les années 80 par les «lois fédérales pour la protection des espèces», le Jansen Plan de 1929 servit de base à l’élaboration des nouveaux documents de développement et de protection des espaces libres. Ces documents, regrou-pés au sein du «Programme d’Aménagement du Paysage et de Protection des Espèces» ou (LaPro), se basent sur un important travail de relevés visant à définir et à caractériser les richesses des paysages et espaces de nature. Créé en paral-lèle au Plan d’Occupation des Sols, il fut adopté dès 1988 à Berlin Ouest, et se divise en quatre parties : «les écosystèmes et la protection de l’environnement», «la protection des biotopes et des écosystèmes», «la configuration des paysages» et «les loisirs et les activités de plein air». Étendu à l’ensemble de la ville après la réunification, le LaPro s’applique désormais à tous les niveaux d’aménagement et à toutes les échelles ; il doit non seulement concorder avec le Plan d’Occupation des Sols berlinois, mais également avec celui des Länder adjacents. Aujourd’hui relayé par un très grand nombre de cartes et documents d’étude au sein de l’atlas de l’environnement, le plan berlinois des espaces libres a abouti à la définition de nombreuses zones protégées sur l’ensemble du territoire de la ville. On compte parmi celles-ci les «zones de paysages protégés», «les zones de nature protégée», ou encore les «zones d’eau protégées». Ces zones protégées constituent autant de zones inconstructibles structurant le système des espaces libres.

Pour étendre ce réseau, on trouve également, en Allemagne, un système de me-sures compensatoires («règles de compensation») qui oblige, pour chaque projet détruisant des milieux naturels, à l’acquisition d’une surface de qualité écolo-gique équivalente à classer en zone protégée. C’est ainsi que peu à peu s’étend et se consolide le système des espaces libres berlinois.

45 Km

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PLAN DES ESPACES LIBRES(Grün- und Freifläsche, 2009)

PLAN DE PROTECTION DES PAYSAGES(Landschaftschutzgebiete, 2003)

PLAN DE PROTECTION DES EAUX(Wasserschutzgebiete, 2009)

http://fbinter.stadt-berlin.de/fb/index.jsphttp://www.stadtentwicklung.berlin.de/umwelt/landschaftsplanung/stadtland/de/stadtfreirsys.shtml http://fbinter.stadt-berlin.de/fb/index.jsp

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Qu’ils soient le fruit d’une programmation ou l’héritage de l’histoire, les vides à Berlin sont avant tout des espaces vivants, lieux de permanentes mutations.

Lieu d’accueil principal de la végétation, ils permettent souvent l’expression de la «nature» sous diverses formes au sein même de l’espace de la ville. Présentant différentes formations, cette nature pourrait être classée en quatre catégories. Le premier type de nature regroupe les restes des paysages naturels. Fortement dé-gradés par l’homme, les vastes forêts et marais relictuels constituent les espaces les plus hautement protégés. Le deuxième type de nature contient l’ensemble des paysages de culture. Présents sous forme de fragments au sein de la ville, ils sont également préservés dans le but d’y restaurer le paysage traditionnel de bocage. Le troisième type de nature, typiquement urbain, désigne l’ensemble des espaces jardinés, des parcs et jardins, placettes et autres alignements qui parcourent la ville. L’entretien de ces espaces doit être effectué dans le but d’y favoriser une plus grande biodiversité. Le quatrième type de nature, est celui des vagabondes occupant sites industriels et autres friches. Particulièrement abon-dante à Berlin, cette «nature urbaine sauvage» présente des formes très variées allant des annuelles interstitielles aux vastes prairies et même aux boisements.

Et bien que le réseau des vides doive principalement sa richesse à sa grande di-versité, c’est bien dans les espaces accueillant ce quatrième type de nature que réside à Berlin la plus grande originalité. Espaces dépourvus d’usages définis, ils possèdent l’incertitude nécessaire à l’invention permanente permettant les plus folles initiatives.

Hérité en partie des périodes de crise et de tourmente, les berlinois semblent pos-séder un appétit parfois audacieux pour l’occupation de ces terrains laissés libres. Souvent cultivés après la guerre pour remédier à la famine d’alors, ils sont désor-mais le lieu d’activités diverses, souvent conviviales et tout à fait incongrues pour qui les regarde avec les yeux d’une personne ayant connu la vie dans n’importe quelle autre capitale... C’est ainsi qu’en bord de Spree s’organisent des concours de beatch volley, de cerfs volants, de châteaux de sable, les friches deviennent pâtures pour les chevaux, parcours de cross, ou simples jardins de quartier où l’on aime se retrouver pour jardiner entre amis... Les vides berlinois autorisent à ren-verser les codes établis. Ils contiennent le rêve. Qui, en rencontrant ces éléphants sur fond de tours béton, pourrait ne pas retrouver à son tour l’envie d’inventer ? Les vides à Berlin contiennent bel et bien l’énergie de la ville, permettant de par-donner à cette géante toutes ses incertitudes et ses maladresses. L’enjeu majeur pour son futur réside donc par une programmation délicate et raisonnée à la pré-servation des qualités que possède aujourd’hui la ville...

3. VIDES VIVANTS...

Destruction à Berlin, 1945Berlin,1945,Photographie,Privatbesitz

Jardin potager entre les décombres au pied de la Brandenburger Tor, 1947

Photo du Spiegel, Jardin potager, Berlin 1947

http://2.bp.blogspot.com/_LRpIS_ewuYU/SF-i1QvTjPI/AAAAAAAAAKg/aeWus8y5a6M/s1600-h/GemuesegartenBerlin.jpg

http://einestages.spiegel.de/static/entry/lebensretter_aus_der_luft/16360/gemueseanbau_

http://www.hdg.de/lemo/objekte/pict/kg_011_3/index.html

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http://mitchepstein.net/work/berlin/detail_03.html

Photo de Mitch EpsteinLichtenberg, Berlin 2008, 70 x 92 inchesfrom BERLIN

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Ces projets incongrus et incroyables à Berlin portent un nom : les Zwischen-nutzung. Né de la contraction de «zwischen» qui signifie «entre» et de «Nutzung» qui signifie «utilisation», ce terme, que l’on pourrait traduire maladroitement par «usage intermédiaire», contient en allemand, une notion de temps mais égale-ment d’espace. Trouvant le lieu de leur existence dans les coins et recoins délais-sés de la ville, ils se situent à la fois dans les espaces «d’entre-ville» et dans les pé-riodes d’abandon et d’incertitudes temporaires, dans une sorte «d’entre temps». Pour conserver au mot toute sa richesse, on emploiera ici sa version originale. Ce sont donc elles, les Zwischennutzung, qui, avec leur apparente spontanéité, apportent à la ville son énergie et sa remarquable originalité.

Loin d’être appréciés de tous, les délaissés berlinois sont parfois vecteurs d’une image extrêmement négative de la ville. Synonymes de dégradation et de van-dalisme, ils représentent un frein au développement de certains quartiers. Par la mise en place soudaine de nouvelles activités initiées par les habitants eux mêmes, ces délaissés se transforment alors en lieu d’expérimentation, en labo-ratoires urbains, miroirs de la ville vivante. La mise en place de ces projets, qu’ils aient ou non une visée sociale, permet également aux habitants alentours l’expé-rience d’un regard différent, désormais plus conscient des potentielles qualités que recèle leur environnement quotidien. En ce sens, les Zwischennutzung à Ber-lin même si elles ont souvent une durée de vie limitée, contribuent à amorcer un changement durable au sein des quartiers. Aujourd’hui considérées comme de véritables moteurs de développement urbain, la ville de Berlin, loin de vou-loir leur disparition, tente par la mise en place de réglementations spécifiques et adaptées, de les organiser pour permettre leur survie dans la ville soumise aujourd’hui à un développement aussi rapide qu’explosif. Ces projets, bien qu’ils soient souvent temporaires, peuvent parfois s’avérer, dans les endroits où ils se révèlent indispensables, à l’origine de la création de nouveaux espaces publics établis.

Ces formes d’utilisation spontanées sont également à l’origine d’un nouveau vo-cabulaire spatial posant clairement la question du degré d’aménagement néces-saire au bon fonctionnement d’un espace public. Ces réflexions transparaissent aujourd’hui au travers des espaces publics nouvellement créés à Berlin. Parmi ceux-là, l’exemple le plus célèbre est l’ancien aéroport de Tempelhof. Fermé en 2008, il couvre une superficie de près de 400 hectares en plein coeur de la ville. Très convoité par les promoteurs immobiliers comme par les berlinois avides d’espace, il fut finalement ré-ouvert au public en 2010 avec pour simple amé-nagement une signalétique «temporaire». Nombre de projets ont été envisagés, mais la ville face à l’engouement actuel que suscite cet espace presque dépourvu d’aménagements semble désormais hésitante...

4. QUEL FUTUR POUR LES «VIDES» BERLINOIS ?

Photo de Valérie Tassëel

Ancien aéroport de Tempelhof

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Petit point sur la législation...Mais comment donc organiser l’inorganisable ? C’est bel et bien la question principale que soulève les Zwischennutzung. Pour tenter d’y répondre, un laboratoire de recherche a été mis en place sous l’appellation : «Berlin : développement urbain par les Zwischennutzung» et dont le résultat est résumé dans un ouvrage dénommé Urban Pionneers prenant vigoureuse-ment parti en faveur de cette forme originale d’utilisation de l’espace.

Devant à leur sens être intégrées aux plans de développe-ment de la ville comme outils d’élaboration de la future forme urbaine, les Zwischennutzung disposent d’ores et déjà d’un certain nombre d’outils législatifs adaptés. On trouve parmi ceux-ci différents types de contrats (les «contrats d’utilisation temporaire», les «contrats d’entretien», ou encore les «contrats de développement urbain») et d’autorisation (les «permis de construire temporaires», les «projets sans autorisation» ou les «autorisations temporaire d’utilisation exceptionnelle de l’espace public»). L’objectif principal de ces outils législatifs est de prévenir les conflits entre propriétaires et utilisateurs en positionnant les institutions locales (souvent représentées par la mairie d’arrondissement) comme coordinateur et inter-médiaire. Pouvant spécifier le type d’usage, la fréquentation envisagée et la durée d’occupation (pouvant varier de 3 mois à plus de 10 ans) pour chaque espace, ces contrats permettent d’instaurer un rapport apaisé entre les propriétaires, soucieux du devenir de leur parcelle, et les initiateurs de projets, gour-mands et créatifs. Ils permettent également aux départements de développement urbain de prendre en compte l’impact des nouveaux usages sur la dynamique urbaine et le cas échéant, de proposer pour certains projets des emplacements mieux adaptés, plus à même d’impacter positivement le quartier dans lequel ils s’implantent. Certaines Zwischennutzung, particulièrement lorsqu’elles ont un impact sur le développe-ment social, peuvent ainsi être inclus dans des programmes de développements et ainsi bénéficier de subventions. Ces outils législatifs, étant pour la plupart des dérogations au code de l’urbanisme berlinois, doivent être souples et rapides à mettre en place pour que puissent être conservées la spontanéité et l’audace qui fait tout le charme et la richesse de cette forme atypique d’occupation de l’espace.

Photo tirée du livre RAUM PIONEERS à la page 164

Photo tirée de l’ouvrage RAUM PIONEERS à la page 77

http://lewebpedagogique.com/bsentier/berlin-50-ans-apres-la-construction-du-mur/

Village de caravanes «Lohmühle», projet d’habitat écologique et alternatif monté en 1991 et depuis établi

Parc de sculptures sur sable, Berlin-Mitte, Projet annuel re-nouvelable, changeant d’emplacement chaque année

Pistes de ski avec école de ski pour les enfants de 3 à 9 ans, activité couvrant la période d’un hiver

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II. LE VIDE DE L’ENTRE-VILLE

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I. EMPREINTE DE L’HISTOIREPLONGÉE AU COEUR DES PAYSAGES DE L’ENTRE-VILLE

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Le Mur à Berlin reste donc aujourd’hui lisible par le vide urbain qu’il a laissé dans la ville. L’ancien no man’s land reste aujourd’hui comme un long couloir dans la ville. Même si les parois de béton ont été presque partout démontées, grâce au vide, on devine son passage. Dans le centre de la ville, l’espace libéré par le Mur a déjà fait l’objet de diffé-rents projets d’aménagements, tandis que les par-ties situées plus en périphérie restent aujourd’hui bien peu aménagées. C’est le cas notamment du linéaire qui traverse les quartiers nord de Berlin.

Des limites du centre urbain aux frontières de la ville, le Mur reste encore comme un long vide ur-bain dont l’épaisseur correspond à celle de l’ancien no man’s land. C’est sur cette partie du Mur que portera plus spécialement cette étude.

Laissé à l’abandon depuis plus de 20 ans, la flore spontanée s’y est confortablement installée, trans-formant l’ancien «couloir de la mort» en un long couloir vert...

Pour mieux comprendre le comportement actuel de la ville vis-à-vis de cet espace, on commencera, dans la partie qui suit, par retracer brièvement l’histoire du Mur. Rappeler les origines du conflit, la façon dont a été bouclée la frontière, comment celle-ci s’organisait et comment elle a évolué avec le temps. Nous essaierons ensuite de comprendre de quelle façon ont évolué chacune des deux par-ties de la ville durant cette période et de quelle façon la séparation a marqué et marque encore la ville. Nous regarderons ensuite la place qu’occupe actuellement l’espace du Mur dans la ville, com-ment celui-ci y est considéré et aménagé, avant de finalement nous concentrer sur le tronçon nord. Comprendre comment il s’organise plus spécifi-quement, de quoi il se compose, pour finalement partir, pas à pas, à la découverte de ses paysages, s’y promener un peu, s’asseoir aussi et regarder.

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Bonn

Kassel

Berlin

RFA

RDA

Pologne

Autriche

France

Pologne

URSS Allemagne

RoyaumeUnis

RDARFA

France

Au sortir de la seconde guerre mondiale, Berlin, tout comme le territoire allemand se retrouve annexée par les armées victorieuses. Située en zone soviétique, Berlin est d’abord entièrement occupée par l’armée rouge avant d’être divisée en quatre parties. On trouve donc à Berlin une zone américaine, une zone britannique, une zone française et une zone soviétique (qui correspond finalement à près de la moitié du territoire de la ville).

Dès la fin de la guerre, les tensions annonçant la guerre froide commencent à se faire sentir. En 48, après son re-trait du conseil du contrôle des Alliés, l’URSS tente de faire pression sur les Alliés en bloquant toutes communications avec Berlin Ouest qui représente alors une enclave occi-dentale dans la partie soviétique de l’Allemagne. Pendant près d’un an, les berlinois de l’ouest ne devront leur survie qu’à la mise en place par les Américains d’un pont aérien. Le Blocus de Berlin représente la première crise majeure entre le bloc Occidental et l’URSS. La création en 1949 de la RFA (ou République Fédérale Allemande) regroupant les zones Américaines, britanniques et françaises, puis de la RDA (République Démocratique Allemande) ne couvrant que le territoire soviétique donne réalité à la séparation. À peine 5 années après la fin de la seconde guerre mondiale, l’Allemagne, sous domination extérieure, se trouve l’élé-ment central d’un nouveau conflit qui, bien que tapi, n’en demeure pas moins un conflit mondial.

Dès 1949, La RFA subit un flot d’immigration constant. Sé-curisée très tôt, la frontière entre RFA et RDA devient diffi-cilement franchissable. La seule porte d’entrée vers l’Ouest c’est Berlin. Plus difficile à surveiller que dans les zones rurales, on estime qu’entre 1949 et 1961, près de 3 millions d’Allemands de l’Est désertèrent la RDA en franchissant la frontière à Berlin. Alerté par la fuite incessante de sa popu-lation, le conseiller d’état Est-allemand Walter Ubricht, avec l’appui du gouvernement soviétique, met sur pied, dès le début de l’été 61, un plan visant à stopper l’hémorragie...

II. NAISSANCE DE L’ENTRE VILLE HISTOIRE VIOLENTE ET ÉMERGENCE D’UN TERRITOIRE ATYPIQUE

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Emplacement du site

Porte de Brandenbourg

Bornholmerstrasse/Bösebrücke(seulement pour les berlinois de l’ouest et les citoyens de la RFA)

Berlin Est Oberbaumbrücke(Seulement pour les berlinois de l’ouest)

Checkpoint CharlieSeulement pour les étrangers et les diplomates

Aéroport de Tempelhof

Bahnhof Friedrichstrasse

Berlin Ouest

Stop Heiligensee(Seulement pour le transit)

Staaken Spandau(seulement pour le transit ferroviaire)

Griebnitzsee/Wannsee(seulement pour le transit ferroviaire)

Heerstrasse

Dreilinden Drewitz(Nur Transit)

Walterdorfer Chaussee(Seulement pour les berlinois de l’ouest et les étrangers, accès à l’aéroport de Schönefeld)

Sonnenallee(Seulement pour les berlinois de l’ouest)

Heinrich-Heine-Strasse(Seulement pour les citoyens de RFA)

Invalidenstraße/Sandbrücke(Seulement pour les berlinois de l’Ouest)

Chausseestraße/Reinickendorfer Straße(Seulement pour les berlinois de l’Ouest)

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Bien que démenti par Ubricht lors d’une conférence de presse à la mi-juin, le conseiller d’état Est-Allemand, investit des pleins pouvoirs par la chambre des peuples, ordonne dans la nuit du 12 au 13 août 1961 que soit bouclée la fron-tière entre Berlin Est et Berlin Ouest. Près de 15 000 hommes sont déployés pour barrer tout accès aux rues traversantes, rapidement entravées par des rouleaux de fils de fer bar-belé et de profondes tranchées. Ainsi massés aux postes frontières, les soldats se tiennent prêts en cas de riposte.

Présenté par Heinrich Honecker, secrétaire du comité cen-tral du parti communiste allemand pour la sécurité, comme une «barrière de protection antifasciste» visant à stopper les nuisances et perversions émanant du capitalisme, le Mur de Berlin possède en réalité une caractéristique le rendant unique en son genre. Ce Mur n’avait en fait aucune fonction défensive. Il ne servait pas à se protéger d’une quelconque menace extérieure, mais à contenir ce qui se trouvait à l’in-térieur, à savoir sa population. Plus tard présenté comme «le Mur de la honte», il représente une humiliation pour le bloc de l’est, incapable de rallier sa population à la cause communiste.

Suscitant l’indignation à l’Ouest, c’est plusieurs centaines de milliers de personnes qui défilent massées derrière Willy Brandt dans les rues de Berlin Ouest. Face à cet évé-nement, qualifié par certains d’attentat, la position Ouest Allemande, tout comme celle des grandes puissances in-ternationales est pour le moins ambiguë. Bien que révoltés par la violence du geste, la peur panique de voir à nouveau éclater un conflit mondial (qui cette fois pourrait dégénérer en guerre nucléaire...) force les pays occidentaux à adopter une position conciliante à l’égard du bloc de l’Est...

C’est ainsi qu’en cette nuit d’août 61 débuta la construc-tion du Mur de Berlin, qui, par sa matérialisation physique, devait devenir l’élément le plus emblématique de la guerre froide et sceller pour près de trente années la division de l’Europe en deux camps.

1. BERLIN, TERRAIN D’ACHOPPEMENTFermeture de la frontière et construction du Mur

http://www.histgeographie.com/la_guerre_froide__conflit_ideologique__conflit_de_puissances.ws

http://lewebpedagogique.com/bsentier/berlin-50-ans-apres-la-construction-du-mur/

Groupe de touristes occidentaux devant la porte de Brandebourg dans les années 80

Construction du Mur, septembre 1961

Deux amies séparées par le Mur, aout 1961

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13 AOUT 1961 Barbelés et soldats

SEPTEMBRE 1961Mur de première génération

DE 1961 À 1962 Mur de deuxième génération

2. UNE FRONTIÈRE EN CONSTANTE MUTATIONÉvolution du Mur de 1961 à sa chute en 1989

http://paril.crdp.ac-caen.fr/_PRODUCTIONS/memorial/berlin/img/mur/mur01.jpgAugust 1961 Source Deutsches Bundesarchiv (German Federal Archive), Bild 173-1321Author Wolf, Helmut J.Permission(Reusing this fileCommons:Bundesarchivhttp://www.looping72.com/?p=8229

Dans la nuit, la frontière avec Berlin Ouest est bouclée. Les rues traver-santes sont barrées avec des barbelés et creusées de tranchées empêchant le passage de tout véhicule. 15 000 soldats à travers la ville gardent la frontière.

Dans les semaines qui suivent, on construit, avec les matériaux de-vant servir à la reconstruction des bâtiments d’habitation, un mur de briques. Encore peu haut, il est facile à franchir et permet de communiquer.

Face aux fuites incessantes le mur de briques est peu à peu rehaussé avec des parpaings et surmonté d’une triple rangée de fils barbelés. Il est désormais difficilement franchissable.

De sa mise en place le 13 août à sa chute le 9 novembre 1989, la morphologie de la frontière n’a cessé d’évoluer. Suivant les moyens disponibles et les progrès de la technique, le Mur extérieur (faisant face à l’Ouest), d’un amas de fils d’acier acérés est devenu successivement mur de briques, de parpaings, puis de béton, alors que derrière lui s’élargissait la zone de sécurité inaccessible, le fameux «No Man’s land», qui donnait à la frontière son épaisseur. Pouvant varier de 50 à 300m de large, l’am-plitude de cet espace compris entre deux murs, était avant tout fonction de l’espace disponible et muni de divers dispositifs visant à faire de la frontière une barrière absolument infranchissable.

À PARTIR DE 1965Mur de troisième génération

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Blick über die Mauer, Berlin-Kreuzberg, 1977s/w-Foto, © Barbara Klemm, Frankfurt/Mainhttp://www.col-la-fontaine-geispolsheim.ac-strasbourg.fr/spip.php?article392 http://www.google.fr/imgres?q=no+man%27s+land+mur+de+berlin&um=1&hl=fr&client=safari&sa=N&rls=en&biw

À PARTIR DE 1965Mur de troisième génération

À PARTIR DE 1975Mur de quatrième génération

9 NOVEMBRE 1989Chute et démantèlement du Mur

Influencé par l’apparition de nou-veaux matériaux et procédés de construction, le mur de parpaings de-vient mur de panneaux béton main-tenus ensemble par des éléments métalliques en forme de H.

Soucieux de son image, le gouverne-ment Est-Allemand décide finalement la mise en place de panneaux bétons préfabriqués, lisses et propres. D’une hauteur de 3,6 m et surmonté d’un tuyau, il est quasi-infranchissable.

Le 9 novembre, la frontière est ou-verte. Symbole de cette lourde page de l’histoire, le Mur sera rapidement démantelé. Les panneaux béton, une fois démontés sont réduits en gravats. En 91 la majeure partie du Mur a déjà disparu...

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Le Mur de Berlin, s’il reste aujourd’hui présent à l’esprit comme une façade, une paroi de béton haute et lisse d’un blanc d’abord immaculé, devenue, avec le temps, comme un ruban coloré, lieu d’expression et de protestation pour les berlinois de l’ouest, possédait une épaisseur par delà cette limite franche.

Le Mur de Berlin n’est pas seulement un Mur. Le Mur de Berlin c’est une bande de territoire contrainte, compressée entre deux murs, un mur extérieur, ce fameux «mur façade» et un mur intérieur. Entre les deux c’est la mort. La mort organisée, rationalisée par une suite de dispositifs destinés à rendre toute fuite impossible. Quiconque pénétrait dans cette «bande de la mort» s’exposait à une rafale de balles mortelle. C’est ainsi qu’entre 62 et 89, 136 personnes trou-vèrent la mort en tentant de franchir le mur.

Tout comme la façade du Mur, le No man’s land fut élaboré progressivement. L’espace compris entre les deux murs, d’épaisseur variable (en moyenne de 100 mètres mais pou-vant aller de 50 à plus de 300m en fonction de l’espace dispo-nible) fut au fil du temps agrémenté de différents dispositifs de sécurité, jusqu’à présenter une organisation semblable à celle du schéma ci-contre. Quasi infranchissable à partir de 75, l’efficacité de la frontière tenait également au fait que toute son organisation demeurait mal connue. Les équipes de patrouille étaient soumises à des règles de confidenti-alité strictes. L’organisation des équipes, leurs habitudes ainsi que la nature des dispositifs de sécurité étaient tenues secrets. Hormis les soldats qui y patrouillaient, le territoire de l’entre deux villes, comme un non-territoire, était inac-cessible, un espace nu et désolé, synonyme de mort et de danger... A un détail près ! Enfermés par mégarde lors de la construction hâtive du mur, quelques lapins ne tardèrent pas à coloniser l’ensemble du No man’s Land dont l’herbe grasse permettait d’assurer leur subsistance. Comme un pied de nez, ils devinrent rapidement un symbole d’es-poir, de résistance et une attraction pour les observateurs curieux, avant que leur nombre trop important ne pousse les autorités à organiser leur extermination...

Foto: Polizeihistorische Sammlung/Der Polizeipräsident in Berlin

Photo extraite du documentaire «Mauerhase»

http://www.stadtentwicklung.berlin.de/denkmal/denkmale_in_berlin/de/berliner_mauer/mauer_aufbau.

«lapin du Mur» sous un élément anti-char

Aperçu de l’emprise de la frontière à hauteur de la porte de Brandebourg

Peter Fechter, première victime des soldats alors qu’il essayait de fuir, le 17 août 1962

Morphologie et organisation de la frontière

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Mur extérieur, façade, Paroi béton (3,60 m de hauteur)

Bande de sécurité

Chemin de patrouille

Éclairage

Tour de surveillance

Grille

Zone de sécurité Mur intérieurÉlements de protection antichars

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3. 1961-1989 : BERLIN DÉCHIRÉEUne croissance à deux vitesses

Comme une île au milieu du bloc communiste, Berlin Ouest, bien que dépourvue, durant cette période, de son statut de capitale au profit de Bonn, s’affirme comme la vitrine du monde occidental. Largement supportée par les capitaux américains, la reconstruction se poursuit. Effectuée sur la base d’un nouveau plan d’urbanisme élaboré après guerre, elle est d’abord entreprise avec une grande violence. Les ré-sidus historiques encore utilisables sont systématiquement rasés pour être remplacés par de nouvelles constructions. Le nouveau visage de Berlin émerge peu à peu, supporté par des concours internationaux d’architecture (IBA) aux-quels participèrent les plus grandes figures de l’architecture contemporaine parmi lesquelles Le Corbusier, Alvar ou Gro-pius. On assiste à l’émergence d’une nouvelle centralité au-tour du Kurfürstendamm. L’Europa Center ainsi que l’église du souvenir avec son toit tronqué apportent de nouveaux repères à la ville privée du noyau artistique et culturel de l’ancienne capitale situé pour l’essentiel en zone Est.Bien que ceinturée par le Mur, la ville de Berlin-Ouest re-présentait paradoxalement un territoire de grande liberté. Pour favoriser le renouvellement de sa population, la ville offrait un régime de faveur spécial (conditions fiscales avan-tageuses, suppression du service militaire obligatoire). C’est ainsi qu’au fil du temps, Berlin-Ouest devint le territoire de prédilection de la jeunesse créatrice et délurée qui lui insuf-flèrent énergie créatrice et grande vitalité.

Bien que demeurée physiquement intègre jusqu’en 1961, Berlin était déjà politiquement écartelée de-puis 1946 (premières élections municipales dissociées). La construction du Mur en 1961 achève donc de démembrer la ville. La traversant de part en part, il transforme soudain le quartier de Mitte, jusque là centre géographique, histo-rique et culturel de la ville en zone frontalière, en périphérie désertée. Sous le coup de cette migration forcée, la subs-tance de la ville se replie vers l’intérieur de ce qui désor-mais constitue les limites de son double territoire bancale et déséquilibré.

LA VILLE DE L’OUEST

Berlin Est

Berlin Est

Bonn

Berlin Ouest

Kurfürstendamm

RFA

RDA

Checkpoint Bornholmer strasse

Neukölln

Tempelhof

Steglitz

Wilmersdorf

Zehlendorf

Spandau

Charlottenburg Tiergarten

Wedding

Reinickendorf

Checkpoint CharlieCheckpoint Friedrichstrasse

http://www.antik-falkensee.de/catalog/product_info.php?cPath=6_19_125&products_id=161663

Berlin Ouest, Kurfürstendamm, 1975

28 Km

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Contrairement à Berlin-Ouest, la partie Est de la ville rede-vient, à la création de la RDA, la capitale du bloc allemand de l’Est. En contact direct avec sa voisine soumise aux in-fluences occidentales, Berlin-Est devient aussi rapidement la vitrine du Réalisme socialiste. La reconstruction reprend son cours suivant une stratégie étrangement similaire à celle menée à l’Ouest. Les destructions sont violentes et massives. L’emploi de matériaux préfabriqués permet de construire vite. Les quartiers de logements, d’architecture homogène et fonctionnelle se multiplient. Soucieux de rivaliser avec sa voisine de l’Ouest, les dirigeants est-al-lemands entreprennent également quelques chantiers d’envergure parmi lesquels le palais de la République, la Karl Marx Allee, la Frankfurter Allee (ancienne Stalinalle) et la célèbre Fernsehturm, qui, du haut de ses 368 mètres, est aujourd’hui l’un des emblèmes de Berlin. Située trop à proximité du Mur, la partie ouest du quartier de Mitte perd son animation au profit de L’Alexanderplatz, nouveau pôle attractif et lieu de grands rassemblements populaires orga-nisés par le régime en place comme le Festival mondial de la jeunesse en 1973 ou les 25 ans de la RDA en 1974.Malgré tous les efforts déployés, Berlin-Est, soumise à la politique de rigueur et à la relative privation de libertés imposées par le régime communiste, s’est progressivement forgée une image de ville morne et grise, peu vivante et peu attractive.Photo de Hen’s March

LA VILLE DE L’EST

Alexanderplatz

Pankow

Prenzlauerberg

Köpenick

Treptow

LichtenbergFriedrichshain

Mitte

Weissensee

Berlin Est, Karl Marx Allee 1980

15 Km

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Au début de l’année 1989, le bloc soviétique est affaibli. Les remises en cause de l’autorité exercée par Moscou se mul-tiplient. La contestation enfle en RDA. Plusieurs milliers de personnes défilent dans les rues de Leipzig, bientôt relayé par des rassemblements dans toute la RDA. Gorbatchev ex-clut tout recours à la force contre les manifestants et assiste, impuissant, à la révolte du peuple.

Lors d’une conférence de presse donnée par le responsable du parti communiste allemand, Günter Schabowski, le 9 novembre, ce dernier laisse entendre par un évasif «autant que je sache-immédiatement», que la libre circulation entre les deux Allemagnes, pourrait être rétablie.

Poussées par cet impensable déclaration, des milliers de personnes dans la capitale se massent aux postes fron-tières et exigent de pouvoir passer. Les soldats, débordés par la foule et sans ordre contraire laissent finalement les premiers Berlinois de l’Est pénétrer l’inaccessible enclave ce 9 novembre, vers 23 heures, au poste frontière de la Born-holmer Strasse, au nord de la ville. Peu à peu, les passages s’ouvrent tout au long de la frontière.

C’est ainsi, sur la base d’un malentendu, que prit fin, en cette nuit du 9 au 10 novembre 1989, la division de Berlin, la division de l’Allemagne et avec elle la guerre froide qui déchirait le monde tout entier depuis la fin de la Guerre. Réveillant les instincts nationalistes, la chute du Mur don-na lieu à une effusion de joie qui, pendant plusieurs jours, transporta Berlin et derrière elle l’Allemagne toute entière. Curieux, presque surpris, les berlinois des deux bords se redécouvrent après 28 années de séparation. La frontière désormais ouverte provoque un ras de marée dans les centres commerciaux de la Kurfürstendamm. Chacun veux voir, sentir, toucher, parcourir cette ville tant fantasmée.

A l’euphorie des premiers instant succéda peu à peu la réa-lité de la réunification, lente et coûteuse et qui, bien des années après ne peut toujours pas être considérée comme complètement achevée.

4. 1989, CHUTE DU MUR ET RÉUNIFICATION

http://citizenzoo.wordpress.com/2009/10/31/quand-on-dit-que-le-mur-de-berlin-est-tombe/early_11_november_1_197150d/

http://ann.ledoux.free.fr/bb/chute.htm

REGIERUNGonline/Specht

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5. RECOLLER LES MORCEAUX ET REDEVENIR CAPITALE...

Photo de Marion Guichard

Photo de Marion Guichard

’’’Berlin - Reichstag’’’ *photo prise par Hans Peter Schaefer le 2005-01-08

Nouveau quartier des affaires de la Potsdamerplatz

Reichstag, surmonté de sa coupole de verre imaginée par Norman Foster et réalisée autour de 1970

Nouveaux bâtiments du parlement

Bien que la chute du Mur soit aujourd’hui l’événement qui, aux yeux du monde, symbolise la réunification allemande, la réalité de cette laborieuse entreprise fut toute autre...Il fallut en effet attendre le 3 octobre 1990, soit près d’une année après la chute du Mur, pour que Berlin retrouve à la fois son unité et son statut de capitale de l’Allemagne uni-fiée. Il fallut ensuite attendre 1991, pour qu’à l’issue d’un vote tendu et très serré au Bundestag, soit prise la décision de transférer finalement les institutions gouvernementales de Bonn vers Berlin. Ayant préalablement nécessité de co-lossaux travaux de remise en état du quartier administratif et des bâtiments le composant (Bundestag, chancellerie, parlement...), c’est en 1999, soit 10 ans après cette fameuse nuit de novembre 89, que le chancelier, accompagné de son gouvernement réintègre finalement le siège berlinois.

En plus de vingt ans, la ville a beaucoup changé. Le temps est passé. De nombreuses actions ont été entreprises pour tenter de redonner progressivement à Berlin son visage de ville-une et son statut de capitale européenne. Malgré tout, certaines disparités entre Est et Ouest subsistent.

Comme on peut le voir sur les cartes ci-contre, les traces laissées par la séparation sont encore lisibles sur la ville. Le centre ville, transformé pendant trente ans en zone fron-talière présente aujourd’hui les mêmes retard de dévelop-pement que les quartiers situés à la périphérie extérieure de la ville. Encore peu attractif à l’heure actuelle, le centre géographique de la ville se dépeuple nettement au profit des quartiers de la première couronnes. En observant les cartes rapportant le taux de chômage au sein des quartiers, on remarque, encore une fois, que c’est dans les quartiers longeant l’ancienne frontière que celui-ci est le plus élevé. Viennent ensuite les quartiers de l’ancienne partie Est de la ville qui affichent tout de même un taux de chômage supérieur aux quartiers plus prospères de l’ancienne partie Ouest, particulièrement en ce qui concerne les jeunes. En comparant ces cartes de 2009 avec des cartes antérieures, on constate tout de même que la situation dans la partie Est de la ville est depuis quelques années en nette amélio-ration.

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Si la morphologie urbaine des anciennes partie Est et Ouest porte encore à la fois les traces des tourments de l’histoire et la marque de la double politique d’aménagement urbain, c’est aujourd’hui dans l’esprit des berlinois eux même que cette distinction semble encore la plus présente. Il est important de rappeler qu’aujourd’hui, vingt ans seulement après la chute du Mur, la majorité de la population berlinoise a vécu plus de la moitié de sa vie durant la séparation. Les lourdes dépenses et la politique de rigueur ayant rapidement succédé à l’euphorie des premiers instants, sont à l’origine de nombreuses ten-sions entre les citoyens eux-mêmes. Se surnommant respectivement «ossis» et «wessis», nombre de berlinois contribuent, en véhiculant idées reçues et clichés, à entretenir les distinctions. Les «ossis» seraient par exemple assistés, paresseux et ingrats, tandis que les «wessis» seraient arrogants, froids et donneurs de leçon... Plutôt que d’oeuvrer en faveur d’une uniformisation, le défi de Berlin et des Berlinois sera, pour le futur, d’accepter finalement cette double histoire devant avec le temps devenir le socle d’une véritable identité commune... Si elles sont évidentes pour les berlinois, ces tensions le sont moins pour qui aborde la ville avec un regard neuf. Se trouvant aujourd’hui à un tournant de son histoire, la ville apparaît comme le lieu d’une grande effervescence, paradoxalement plus prégnante à l’est. Comme une adolescente curieuse et débordante d’énergie, l’ancienne ville de l’Est a aujourd’hui supplanté Berlin-Ouest comme lieu de bouillonnement culturel. Elle constitue un terrain fertile pour la jeunesse créative à qui elle offre à la fois l’espace et les conditions financières favorables à la réalisation de tous les projets. Victime de son succès, cette grande attraction engendre des changements rapides. Avec le temps, la hausse des loyers et la réduction du nombre d’espaces disponibles pourraient provoquer bientôt un nouvel intérêt pour la partie ouest et aboutir à une situation plus uniforme...

Part des actifs (15-65 ans) au chô-mage en 2009 (rouge=10% et plus, orange=5 et jaune=2)

Chômage de longue durée (rouge=10% et plus, orange=5 et jaune=2)

Part des jeunes actifs (-de 25 ans) au chô-mage en 2009 (rouge=10% et plus, orange=5 et jaune=2)

Toutes les cartes de cette page sont issues du site du Senat de Berlin : www.stadtentwicklung.berlin.de/geoin-formation/fis-broker/ dans les catégories «Monitoring Soziale Stadtentwicklung» et «Wohnen/Soziale Stadt»

Zones d’action urbaine et sociale prioritaire

Zones de renouvellement urbain Évolution de la population au sein des quartiers en 2009 (bleu=croissant et rouge=décroissant)

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***

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6

5

4

Mauerpark

Mémorial de la Bernauerstrasse

Parc public am Nordbahnhof

6. TIRER PROFIT DE L’HISTOIRE,Le Mur comme nouvel espace public

Comme nous l’avons déjà dit précédemment, Berlin est parsemée de lieux entretenant un rapport plus ou moins étroit avec l’histoire de la ville. Les changements actuels entraînent une modification rapide de la morphologie de la ville, la trame lâche devient en certains endroits plus dense, les vides urbains se bouchent peu à peu et obligent au-jourd’hui la ville à penser leur devenir. On constate que ces vides liés à l’histoire, constituant la trame des vides hérités, représentent un formidable potentiel pour la création de nouveaux espaces publics. Leur protection ne pouvant être assurée aujourd’hui que par une programmation définie, ils viennent nourrir et renforcer la trame des vides program-més, déjà fournie et très structurante pour la ville.

Ce phénomène est particulièrement observable à travers l’exemple du Mur. En effet, l’espace libéré lors de sa dé-construction court aujourd’hui, comme un long couloir, du nord au sud de la ville. Considéré par certains comme un espace encore sensible, il apparaît particulièrement justi-fié de proposer au public au travers de différents aména-gements, de venir s’approprier et habiter cet espace, resté si longtemps dangereux et totalement inaccessible. C’est ainsi que l’empreinte du Mur devient le support à la créa-tion d’un nouveau réseau d’espaces publics. On y trouve aujourd’hui une série d’aménagements plus ou moins en rapport avec le souvenir du Mur. On trouve par exemple, au bord de la Spree, l’East Side Gallery qui représente, avec ses 1,3 kilomètres, le plus long tronçon de Mur encore debout. Clairement «muséifié», le Mur y est couvert de fresques et principalement visité par les touristes. On trouve éga-lement dans l’emprise du No man’s Land, une partie des espaces publics et hauts immeubles de la Potsdamer Platz, le mémorial de l’holocauste à proximité de la Brandenbour-ger Tor ou le tout jeune Park am Nordbahnhof. Dans la Ber-nauerstrasse, très sensible lors de la partition de la ville, on trouve aujourd’hui un espace dédié à la mémoire du Mur. Au nord de la ville, dans le quartier de Prenzlauerberg, on trouve finalement le célèbre Mauerpark, particulièrement apprécié pour sa brocante et son karaoké.

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Mémorial de l’holocauste

Potsdamer Platz

East Side Gallery

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Si l’on continu à suivre le chemin du Mur au delà du Mauer-park, on constate que celui-ci n’est pas encore aménagé. Relativement épargné par les constructions récentes, l’es-pace, autrefois nu et dégagé compris entre les deux murs, s’est progressivement couvert d’une abondante végétation spontanée. Après 22 années d’abandon, l’espace de l’ancien No man’s Land courant des limites du centre urbain (densé-ment urbanisé) à la frontière de Berlin s’est peu à peu trans-formé. L’ancien «couloir de la mort» est aujourd’hui devenu un long couloir vert, tout à fait méconnaissable.

Construit entre les anciennes parties françaises (à l’ouest) et soviétiques (à l’est), le tracé du Mur à cet endroit suivait, et suit encore, la limite entre trois arrondissements du nord de Berlin. Il traverse donc, du sud vers le nord, les quartiers de Mitte et Reinickendorf autrefois situés dans la partie Ouest de la ville, tandis qu’à l’Est on trouve le quartier de Pankow. On trouve au sud de cet arrondissement, le quartier de Prenzlauerberg. Cette ancienne banlieue grise de l’Est-ber-linois a connu, depuis la chute du Mur, un développement fulgurant. Particulièrement attractif du fait de sa proximité avec le centre, ses loyers peu élevés en ont rapidement fait l’un des quartiers de prédilection de la jeunesse artistique et branchée. Son influence commence peu à peu à se faire sentir dans la partie sud de Pankow qui serait, aux dires de certains, la future banlieue branchée du nord de Berlin.

Bien qu’intégralement détruit dans cette partie de la ville, le Mur reste encore clairement lisible par le vide urbain qui subsiste au long de l’ancienne frontière. Unique trace restant aujourd’hui du Mur, c’est le vide à cet endroit qui raconte son histoire. On pourrait dire à ce titre que ce vide, en lui même, agit comme un monument, comme un «vide-monument» à la mémoire du Mur.

Fatigués d’entendre parler de leur histoire, les berlinois cherchent plutôt aujourd’hui, au travers des projets de dé-veloppement urbains, à améliorer le fonctionnement et les qualités écologiques de la ville. La trace du Mur au nord de la ville agit aujourd’hui comme un véritable corridor écolo-gique et c’est principalement pour cette raison que la ville désir désormais protéger cet espace.

Lebensweltlich orientierte Räume (LOR) - BezirksregionenLebensweltlich orientierte Räume (LOR) - Bezirksregionen

PANKOW

REINICKENDORF

MITTE PRENZLAUERBERG

Point de contact entre les trois quartiers au niveau de la rivière Panke

La Panke

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En effet, après vingt ans d’abandon, l’ancien espace du No man’s Land accueil une flore spontanée riche et diversifiée. Le tronçon nord du Mur créé une liaison entre le coeur ur-bain et la frontière nord de Berlin. Menacé par l’actuel déve-loppement urbain, la ville souhaite en assurer la protection.

Sur demande de la ville, le bureau d’étude berlinois BMGR a réalisé, en 2006, une étude qui établissait comme pro-gramme pour le site d’en conserver les qualités écolo-giques, en prenant en compte la présence d’espèces ani-males et végétales protégées, tout en connectant le futur espace public du Mur au réseau des parcs existants. Cet espace devait devenir un lieu de sensibilisation à la nature au travers notamment de différentes activités éducatives et ludiques et prévoir le raccordement du «Mauerweg», che-min vélo permettant de faire le tour de l’ancienne ville de l’Ouest en suivant le «chemin du Mur».

Berlin, comme l’Allemagne, fonctionne de façon très décen-tralisée. Le service d’aménagement de la ville joue un rôle très important pour la coordination des différents projets, mais se doit de travailler en étroite collaboration avec les services d’aménagement des différentes mairies d’arron-dissement. À l’échelle des quartiers, les attentes pour cet espace se résument à l’augmentation de son potentiel ré-créatif. Le futur projet devra également inclure «l’économie du concept» (coûts minimums à la réalisation comme à l’en-tretien) et penser la résolution de différents conflits d’usage existant aujourd’hui sur le site. Parmi ceux là, on compte principalement les chiens, rarement tenus en laisse, dont l’omniprésence est souvent jugée incompatible avec la mise en place d’autres pratiques et activités, surtout celles qui impliquent des enfants.

Semblant vouloir se tourner résolument vers le futur, l’étude de 2006 ne fait que très peu mention de l’influence de la mémoire sur les futurs aménagements et semble avoir assez peu pris en compte les usages déjà présents dans cet espace. Réalisée il y a 6 ans, cette étude est restée depuis lors en suspens. Le nouveau plan de développement des espaces verts, achevé en mars de cet année prévoit cepen-dant de reprendre prochainement la réflexion entamée sur le «Mauergrünzug» ou «connexion verte du Mur».

Schéma d’aménagement réalisé par le bureau d’étude berlinois BGRM, à l’issue de l’étude commandée par la ville de Berlin et achevée en décembre 2006

Echelle : 1/50 000e

Carte tirée du document «Entwicklungskonzept Mauergrünzug, zwischen Mauerpark und Naturpark Barnim», Mauergrünzug-Brochurenanlage, BGRM, Berlin, décembre 2006

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III. LE TERRITOIRE DE L’ENTRE VILLEÀ LA DÉCOUVERTE DES PAYSAGES DE L’ANCIEN NO MAN’S LAND

1. ÉCHELLE DU QUARTIER

2. ÉCHELLE DU SITE

3. ÉCHELLE DES SÉQUENCES

Analyse du tissu urbain et du réseau d’espaces libres

Morphologie et organisation du territoire de l’entre-ville

Promenade et découverte des paysages

1

2

3

Partie IV. Premiers pas vers le projet

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L’épaisseur du territoire de l’entre-ville correspond donc encore à peu de choses près à celle de l’ancien no man’s land. Son étrange forme coudée lui vient du fait que le Mur suivait le tracé de la frontière existant entre les trois quartiers de Mitte, Pankow et Rei-nickendorf. Le linéaire sur lequel portera cette étude cours donc des limites du coeur urbain dense de Berlin aux limites de la ville. L’empreinte se raccroche à la ville par la Mauerpark, tandis qu’au nord, elle semble s’accrocher à la campagne par l’intermédiaire du village de Balnkenfelde. C’est donc c’est deux éléments qui borneront le site d’étude.

En largeur, le territoire de l’empreinte est pressé par la ville qui l’entoure. Il est également gainé par le train qui le longe sur la première partie du linéaire, jusqu’à la zone industrielle. Sur toute cette distance, l’empreinte du Mur est bordée par un talus de 3 mètres de haut sur lequel circulent plusieurs lignes de S-Bahn. Ce talus représente aujourd’hui une barrière non négligeable avec les quartiers qui bordent l’empreinte à l’ouest. On trouve aussi dans l’empreinte les rails d’une voie de chemin de fer désaffec-tée. Elle se déroulent à l’intérieur du site depuis la zone indus-trielle jusqu’au village de Blankenfelde. Le site est traversé par deux rivières, la Panke d’abord, puis le Nordgraben (ou «fossé du nord»). On remarque également deux espaces qui semblent être des lieux d’articulation stratégiques. On trouve d’abord la friche du triangle humide, comme une large poche verte aux portes du centre ville. On remarque également la zone industrielle qui apparaît un peu comme une rotule. Elle articule les linéaires nord-ouest et nord-est. Elle impose un changement de direction radical, comme pour nous montrer un raccourcis, un chemin plus rapide pour sortir de la ville. Cette zone industrielle existe depuis 1907. Elle accueillait à l’origine une centrale électrique, on y trouve aujourd’hui le Pankow Parc ABB et Alstom Power Service.

L’étude du site s’organisera suivant trois échelles emboîtées. La première est celle du quartier et servira à mieux comprendre la place de cet espace au sein du territoire qu’il traverse. La seconde échelle se resserrera au site en lui même, pour regarder plus en détails ce que contient le site de l’empreinte, de quoi se com-posent ses paysages et sur quoi repose désormais son identité. Une fois achevée cette étude d’ensemble, on pourra dégager au sein de cet espace 9 séquences différentes qui serviront de base à la découverte de ses paysages, pas à pas, au travers d’une pro-menade.

Panke

Nordgraben

Parc naturel de Barnim

Centre ville de Berlin

Mauerpark

Zone industrielle de Pankower Park

Friche du triangle

Voie ferrée désaffectée

Voie ferrée S-Bahn

Empreinte du Mur

Village de Blankenfelde

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Chemin de patrouille Mur intérieur

Emprise du No man’s Land

Zone industrielle sécurisée de «Bergmann-Borsig» (Berlin-Est)

Mur extérieur

Tour de garde

1. MORPHOLOGIE DE LA FRONTIÈRE PARTIR DE 1975...

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S-Bahn«Wollankstrasse»

S-Bahn«Schönholz»

S-Bahn«Wilhelmsruh»

«Bösebrücke» Bornholmer strasse

Mauerpark

Emprise de l’ancien No man’s Land

Quartier du Markisches viertel Voie ferrée désaffectée

Zone industrielle de «Pankower park»

Village de «Blankenfelde»

... ET ORGANISATION ACTUELLE

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Hauts immeubles du Markisches Viertel

Zone industrielle Pankower Park

Immeuble de la Wollankstrasse

2. ORGANISATION DES QUARTIERS ALENTOURSÉtude des formes bâties

De part et d’autre de l’ancienne frontière, diverses typolo-gies bâties composent aujourd’hui le visage des quartiers. On trouve successivement, depuis le centre en s’éloignant vers le nord, des quartiers résidentiels, composés d’im-meubles peu hauts (autour de quatre étages), aux façades homogènes, organisés en îlots compacts, souvent fermés et alignés à la rue. La ville dans ces quartiers du centre est relativement dense. On trouve aussi des immeubles de faible hauteur disposés en îlots éclatés. Construits après la seconde guerre mondiale, ils présentent des architectures souvent très diverses. On trouve également de vastes zones industrielles où se mêlent anciennes fabriques de brique rouge et gigantesque bâtiments de taule plus récents. En s’éloignant du centre, les immeubles cèdent peu à peu la place à un tissu pavillonnaire lâche, composé de petites maisons individuelles. Dans l’ancienne partie Ouest, très au nord, on trouve également un quartier de grands en-semble, le «Markisches Viertel». Construit dans les années soixante, il se compose de hautes tours aux façades sou-vent colorées. Situé très en périphérie de la ville, il est assez mal connecté au réseau de transport en commun et ac-cueille aujourd’hui une population modeste, dont une part importante se trouve sans emploi. Il est considéré comme un quartier sensible et fait aujourd’hui l’objet d’un vaste projet de renouvellement urbain.

Bien que le tissu bâti soit assez hétéroclite au sein des quar-tiers, on note tout de même une nette tendance à la dispa-rition progressive de la ville à mesure qu’on approche ses limites. La ville dense du centre se dissout peu à peu pour fi-nalement disparaître tout à fait et céder la place à de vastes espaces de champs et de marais parsemés de hameaux qui, bien que toujours compris sur le territoire de Berlin, possè-dent un caractère rural bien marqué.

Suivre le chemin du Mur, c’est accompagner la ville qui, comme dans un ultime effort se dilate et se distend. Trop ambitieuse, comme à bout de souffle elle abandonne fina-lement sans être parvenue à atteindre ses propres limites.

Ville dense, ilôts fermés

Tissu industriel

Ilôts éclatés et grands ensembles

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300300 300m900

Caractère rural du village de Blankenfelde

Pavillons récents dans la Klemkestrasse

Ville dense dans le quartier de Prenzlauerberg

Ville dense, ilôts fermés

Tissu pavillonaire

Hameaux compacts

N

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Freizeitpark Lübars

Cimetière Pankow VII

Kleingarten Kolonie am Bornholmerstr.

Constitution du système d’espaces libresOn trouve, au sein des différents quartiers, un réseau relati-vement fourni de parcs et de jardins. Permettant l’expression de la végétation au sein de l’espace urbain, ils constituent des terrains d’accueil pour différents types de «nature». Ce terme de «nature», pouvant sembler bien excessif et inadap-té, répond ici d’avantage au sentiment de «nature» apporté par la présence d’espace dits «verts» au sein de la ville qu’au caractère réellement sauvage et intact de la végétation.

On trouve donc au sein des quartiers de nombreux espaces libres. Les espaces de «nature jardinée» qui correspondent aux différents parcs publics, cimetières et jardins privés. On compte cinq parcs au long de l’ancien No man’s Land ; au sud on trouve le Mauerpark, puis, en remontant vers le nord, le Bügerpark Pankow, le Freizeitpark Lübars et le jardin botanique de Pankow. On trouve également des espaces de «nature cultivée», composés principalement des nombreux jardins ouvriers et des espaces agricoles des limites nord de la ville. On trouve finalement des espaces de «nature sponta-née» qui regroupent à la fois les zones de friches les délaissés urbains et les reliques de marais protégés, encore présent parmi les champs au nord.

Une fois encore, on remarque que les espaces de «nature jardinée», reflétant plutôt un contexte urbain, tendent à dis-paraître pour être remplacés dans les paysages ouverts du nord, par des espaces de «nature» cultivée et spontanée. On notera tout de même l’étrange présence,en périphérie de la ville, du Freizeitpark Lübars qui, bien que situé à proximité du quartier du Märkisches Viertel, reste aujourd’hui planté en plein milieu de champs.

Le cordon du No man’s Land, entièrement couvert d’une abondante végétation spontanée, permet de connecter les espaces de «nature spontanée protégée» des landes et marais du nord, à la «nature spontanée urbaine» des friches, pieds de lampadaire et bordures de trottoirs. C’est égale-ment un espace de circulation, de transition et de relais tès important entre les parcs et jardins du centre dense et les espaces ouverts de la périphérie.

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Espaces ouverts de champs et de marais

Bürgerpak à Pankow

Kleingarten Kolonie am Norvegestr.N

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Sentiment faible

Sentiment moyen

Sentiment fort

Réalisée sur la base d’un mélange entre analyse de la morphologie ur-baine et impressions sur site, on pour-rait proposer une sorte de cartogra-phie du sentiment urbain à l’échelle du quartier.

Divisant le sentiment urbain en trois intensités, de fort, moyen à faible, cette carte permet, elle aussi, de mettre en évidence la disparition de la ville à mesure qu’on avance vers le nord.

On remarque également une nette dissymétrie entre la ville de l’Ouest et la ville de l’Est encore marquée par son développement ralenti durant la période de séparation.

Bien que souvent peu perceptible depuis l’intérieur de l’ancien No man’s Land, la ville se laisse tout de même deviner par le biais de différents in-dices. Présente et prégnante au sud, la ville à proximité de l’ancienne fron-tière s’étiole rapidement. Pris dans la végétation épaisse qui créée comme un écran, on quitte la ville sans s’en apercevoir tout à fait. L’arrivée dans les champs, comme une incroyable surprise démultiplie d’autant l’effet provoqué par la soudaine ouverture des paysages jusque là contenus dans l’espace limité de l’ancienne frontière.

Au long de l’entre-ville, doucement quitter la ville

N

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Sentiment faible

Sentiment moyen

Sentiment fort

«Mais pour finir, Berlin souffre - dernière en date des chimères d’une ville européenne - d’agoraphobie ; Berlin s’est toujours employé à parler de sa grandeur passée et à venir, il veut remplir l’espace (et le temps) de sa propre importance et en oublie - ou,

pour être plus ambigu, refoule - ce fait géographique brut que ce paysage urbain est tout simplement trop grand pour Berlin.»

Hanns Zischler, Berlin est trop grand pour Berlin

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3. QUE TROUVE-T-ON DANS L’ENTRE VILLE ?

Aperçut en déroulé de la façade urbaine jouxtant le territoire de l’ancien No man’s land à l’est

En regardant vers l’ouestAperçut en déroulé de la façade urbaine jouxtant le territoire de l’ancien No man’s land à l’ouest

Aperçut en déroulé des paysages actuels de l’ancien No man’s Land, territoire de l’entre-ville

En regardant au centre

En regardant vers l’est

DU CENTRE DE LA VILLE

Les paysages en déroulés

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VERS LES CHAMPS

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Rue transversale du Wilhelmsruher Damm

Rue transversale au niveau de la station de S-Bahn de Wilhemsruh

Accès fermé par les habitants depuis la Wollankstraße

Comment accède-t-on à l’entre ville ?

A cette question je serais d’abord tentée de répondre «par hasard». Totalement délaissé, le tronçon nord du Mur, s’il reste clairement lisible pour qui en connaît l’histoire, l’est en réalité beaucoup moins au sein même des quartiers. L’omniprésence dans la ville de la végétation spontanée ad-ditionnée et la quasi-abscence de signalétique particulière ôte au site tout caractère vraiment distinctif.

L’accès aux paysages de l’entre-ville depuis les quartiers alentours se fait plus aisément depuis l’est que depuis l’ouest. Bordé jusqu’à la zone industrielle du Pankower Park par un talus de 3 mètre de haut sur lequel circule le S-Bahn, l’accès au site depuis l’ouest n’est possible que par les 5 rues transversales qui ménagent un passage sous le talus. Depuis, l’est, l’accès au site est plus facile. Les principaux accès se situent également au niveau des rues transver-sales, mais on trouve aussi, de ce côté, de nombreux accès secondaires, souvent ménagés par les riverains en fonction du tissu urbain alentour et de leurs besoins.

Dans la longueur, même si il reste un ruban végétal, l’ancien No man’s Land a subit, avec le temps, l’influence de la ville qui le borde. L’intégrité du tracé est aujourd’hui menacée en certains endroits par de récentes constructions ou par la privatisation progressive de l’espace, accaparé par les riverains qui y installe leurs jardins. Dans ce cas, la mise en place de grilles et de barrières, presque systématique, gêne la circulation.

Les rues transversales (symbolisées sur la carte ci-contre par les pastilles rouges pour les rues principales et oranges pour les rues secondaires), pour la plupart re-connectées après la réunification, constituent aujourd’hui des espaces de contact aussi brefs que violent avec la ville souvent pré-sente seulement comme un échos depuis l’intérieur de l’ancien No man’s Land. Ces rues, souvent très passantes, tranchent donc son espace de leur flot de circulation inces-sant et bruyant. Une fois traversées, déjà oubliée, la ville reprend ses distances, repoussée de part et d’autre de l’an-cienne frontière.

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Carte des accès au site300300 300m900

Accès à la zone industrielle par la Herzstr.

Accès improvisé aux zones d’habitation

Accès au Triangle fermé par la Grüntaler str.

N

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L’influence des trains...

Bornholmer strasse

Gesundbrunnen Schönhauser Alle

Vers le centre de BerlinFriedrichstrasse, Potsdamer PLatz...

Ligne S1Oranienburg/Potsdam Hbf

Zone industrielle de Pankower park

Empreinte du Mur

Ligne S25Heinnigsdorf/Lichterfelde Süd

Ring Bahn

Wollankstrasse

Wilhelmsruh

Wittenau

Alt-Reinickendorf

Pankow

Lignes S8 et S2

Schönholz

La morphologie du site est très liée à la présence du train. Le S-Bahn, équiva-lent du RER parisien, longe l’Empreinte jusqu’à la zone industrielle de Pankower Park. A cet endroit, l’Empreinte bifurque vers l’est, tandis que le S-Bahn, sur son talus, continu sa route vers le nord-ouest. Bien qu’il constitue une barrière à l’échelle de quartiers, il constitue une liaison importante avec le reste de la ville qu’il traverse de part en part (liaisons nord-sud). Les quatre stations présen-tent directement sur le site constituent donc des portes d’entrée privilégiées. Au niveau de la zone industrielle, on quitte les trains rouge et jaune pour rapi-dement rencontrer d’autres rails. De la zone industrielle s’échappe la ligne de train de «l’Heidekrautbahn». Aujourd’hui désaffectée, il reste cependant les rails énigmatiques qui se déroulent dans l’empreinte sur plusieurs kilomètres. Nous verrons son histoire plus en détail dans les page qui suivent. Au niveau de la gare de S-Bahn Schönholz, on trouve aussi une ancienne gare de marchan-dise emplie du charme si spéciale que possèdent les espaces industriels aban-donnés. La ville aimerait un jour pouvoir reconvertir cette ancienne gare en parc.

Durant la séparation, le S-Bahn n’ a pas cessé de circuler sur le talus. Une voie pour l’Ouest, une voie pour l’Est. Impos-sible bien sûr de descendre dans les sta-tions se trouvant dans la zone opposée. Cependant les trains, en se croisant sur le talus, offraient une possibilité unique d’avoir un contact visuel, furtif certes, mais direct avec les berlinois de l’autre côté...

N

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Les lignes de S-BahnTantôt barrière, tantôt portes d’entrée...

Les voies désaffectées

Les voies de l’Heidekrautbahn

Station Wollankstrasse

Perception de la gare depuis la rue

Les rails désaffectées de l’Heidekrautbahn filent aujourd’hui dans un couloir d’épaisse végétation qui s’anime au fil des saisons

Été Automne Hivers

Anciens bâtiments de la gare envahis par les frêles bouleaux

Rails couvertes de hautes herbes

Station Wollankstrasse

Station Schönholz, la rue qui traverse ouvre une brèche sous le talus. Le S-Bahn lie au centre ville.

Station Wilhelmsruh

En remontant les escaliers à Bornholmer strasse...

Ligne S1 et S25

Friche du triangle humide dans la

brume... !

Depuis l’intérieur du No man’s land on devine la gare

derrière les arbres

Les bâtiments des stations de S-Bahn s’inspirent souvent de l’archi-tecture des quartiers alentours (ici un environnement industriel)

Chemin du Mur

La gare de marchandise de Schönholz

Page 88: TFE Mémoire (ENSNP 2012)

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Derrière le fleuve de rails, on devine le vaste espace de la friche du triangle humide...

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Conservée à l’origine comme une réserve foncière pour l’hy-pothétique construction d’une liaison ferroviaire transversale, la friche du triangle est incontestablement l’espace le plus marqué par le mouvement des trains. Sans cesse ils tournent et retournent. Parfois caché par les plantes, ils restent présent par le bruit. Le train agit dans cet espace comme un lien dynamique à la ville qu’il semble entraîner derrière lui...

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La petite histoire de «l’Eidenkrautbahn» ou «train des bruyères»

La ligne de chemin de fer du Heidenkrautbahn fut construite en 1901. Elle permettait de connecter Berlin avec les provinces nord du Barnim et de la Haute Havel (région du Brandenburg). Très apréciée des berlinois, elle tire justement son surnom («train des bruyères») des paysages, des lacs et forêts aux sous bois couverts de bruyères que le train traversait en sortant de la ville. A l’origine, l’Heidekrautbahn démarrait de la gare de Berlin-Wilhelmsruh, pour monter jusqu’à Basdorf où la ligne se dédou-blait et permettait d’atteindre, à l’ouest, la ville de Liebenwald et, à l’est, la ville de Schorfheide. En 1907, la construction de la centrale électrique Bergmann-Bor-sig (actuel zone industrielle Pankow Parc ABB et Alstom Power Service) obligea à construire une voie de contournement. Ce train permit d’acheminer quotidiennement travailleurs et pro-meneurs jusqu’à ce que les bombardements, durant la seconde guerre mondiale, l’endommage sévèrement. Après de la guerre, les travaux de réhabilitation débutèrent mais furent rapide-ment compromis par les tensions politiques naissantes. La voie de l’Heidekrautbahn longeait le tracé de la frontière Est/Ouest mais se situait tout de même en territoire soviétique. Lors de la construction du Mur, la section liant Wilhelmsruh au village de Blankenfelde se retrouva enfermée dans le no man’s land. Peu de temps après la construction du Mur, la gare de Wilhelmsruh fut détruite et les rails liant cette gare à la zone industrielle dé-montées. La large courbe intérieure de la zone industrielle cor-respond encore au rayon de courbure de l’ancienne voie ferrée et permet d’en imaginer le tracé.

Entre 1961 et 1989, l’Heidenkrautbahn continua tout de même à circuler. D’abord jusqu’à la gare de Basdorf, puis jusqu’à Schil-dow et finalement jusqu’à Blankenfelde. On a construit durant cette période la partie liant Schönwalde à la gare de Karow pour raccrocher la ligne à Berlin. Depuis, la réunification, d’important travaux ont été engagés pour rénover la ligne. L’Heidenkraut Bahn circule aujourd’hui de Karow jusqu’à Groß-Schönbeck et Wensickendorf. C’est le lien principal entre Berlin et le parc de Barnim. Le tronçon Blankenfelde/Wilhelmsruh, en partie détruit est aujourd’hui désaffecté. Il attire cependant les convoitises et sa société de gestion semble avoir la volonté de la réhabilité... Fond de carte issu de google maps

Territoire du parc

de Barnim

Territoire de Berlin

Berlin-Wilhelmsruh

Berlin-Karow

Schöwalde

Schildow

Blankenfelde

Basdorf

Liebenwald

SchorfheideGroß-Schönbeck

Wandlitzmaison du parc de

Barnim

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Gare autrefois présentes sur le linéaire du site

(kilomètre 0 à 4,6, de Wilhelmsruh à Blankenfelde)

Voie détruite, lisible grâce au rayon de courbure

Voie désaffectée présence de rails

Photo aérienne de 1969

Photo aérienne de 2009

Voie ferrée au milieu des champs, un peu avant d’arriver à Blankenfeld

Gare de Berlin-Wilhelmsruh en 1930

Rails dans le no man’s land, Markisches Viertel

Voie ferrée dans la lande à hauteur de quartier du Markisches Viertel

Photo anciennes

Photo actuelles

http://www.bahnstrecken.de/indexf.htm?http://www.bahnstrecken.de/nbe.htm

http://www.panoramio.com/photo n°30637650 de Wolfram Jacob

0138022 - Flottenstrasse (Reinickendorf) Septembre 1969 - Ehlers Ludwig - L. B.

Schéma extrait du site http://de.wikipedia.org/wiki/Heidekrautbahn

Tracé de l’ancienne voie ferrée, chemin

du Mur

Page 92: TFE Mémoire (ENSNP 2012)

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Magasin de location de voiture, en plein milieu du No man’s land sur une parcelle privée

La nouvelle extension du cimetière vient désor-mais pincer la lande, quartier du Markisches Viertel

Impossible de longer la zone industrielle

Si l’on regarde un peu du côté des propriétés foncières, on remarque que la présence des différents réseaux ferrés, qu’ils soient actifs ou dé-saffectés, a une grande influence. L’ensemble du talus où circule le S-Bahn, ainsi qu’une partie de la friche du triangle appartient aujourd’hui à la Deutsche Bahn (société des chemins de fer allemande). L’ancienne gare de marchandise de Schönholtz appartient encore à la société de transport ferroviaire BEV-VIVICO, tandis qu’une part des terrains où circulaient l’Heidekrautbahn sont encore propriété de la société de la NEB. C’est cette société qui gère la partie active du réseau de l’Heiden-krautbahn (entre Berlin-Karow et le nord du parc de Barnim). La majo-rité du reste des terrains de l’empreinte appartient aujourd’hui aux ins-titutions publiques. Il faut cependant bien faire la différence entre les terrains appartenant à la «ville de Berlin» et ceux appartenant au «Land Berlin» (équivalent de la région). C’est aujourd’hui la ville et non le Land qui souhaite réaménager ce site. Pour mener à bien le futur projet, elle devra donc également trouver les fonds pour acquérir les parcelles ap-partenant aujourd’hui au Land Berlin.

L’acquisition foncière du territoire de l’empreinte est d’ailleurs assez complexe car la ville ne possède pas les fonds suffisant pour racheter immédiatement les parcelles et empêcher la mise en place d’autres projets par les différents propriétaires. Elle doit donc trouver des stra-tagèmes pour réunir des fonds. Parmi ceux-là, elle peut utiliser les sys-tèmes de «compensation» (évoqués dans la partie I. sur le système d’es-paces libres). C’est ainsi, en profitant de la construction par la Deutsche Bahn d’une nouvelle ligne de train à Leipsig, que la ville a récemment pu acquérir la friche du triangle humide ainsi que l’espace situé à hau-teur du quartier du Markisches Viertel. La constitution des dossiers d’ac-quisition se révèle souvent être un casse tête car l’ensemble des pro-priétaires privés ayant été expropriés pour la construction du Mur n’ont pas récupéré leurs parcelles après la réunification mais peuvent tout de même, suivant une loi spéciale, la racheter à tout moment pour un quart de sa valeur actuelle. Vécue par beaucoup comme une injustice, cette loi est parfois contournée par des personnes qui se réinstallent spontanément sur leur parcelles. Dans d’autres cas, les parcelles rache-tées peuvent permettre la mise en place de petits projets n’entretenant aucune cohérence entre eux . On compte parmi ceux-ci la construction de nouveaux commerces qui portent atteinte à l’intégrité des paysages de l’empreinte. Car si cet espace, du point de vue des propriétés fon-cières, est très morcelé, c’est avant tout sur les paysages que reposent aujourd’hui l’unité et la nouvelle identité de l’empreinte.

Droit du sol et propriétés foncières...

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Construction récente de pavillons en contact direct avec l’ancien No man’s Land

Privatisation progressive de l’espace acca-paré par les habitants

300300 300m900

Berlin (la ville)Particuliers

PROPRIÉTÉ PRIVÉEACQUISITIONS FONCIÈRES

Chemins de fer

PROPRIÉTÉ PUBLIQUE

Sociétés

ÉgliseBerlin (le Bund)

Réserve foncière de la ville

Parcelle vendues

Parcelle cédée

Parcelle sous contratAcquisition par la ville (système de compensation)

Deutsche Bahn

BEV, VIVICO

NEB

Parcelle nouvellement acquise à proximité du

Markisches Viertel

Parcelle nouvellement acquise, friche du triangle

humide

N

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Les paysages de l’entre-ville

Lande arbustive devant le Markisches Viertel

Paysage semi-ouvert

Le territoire de l’ancien No man’s Land possède encore ses propres paysages. Parfois soumis à l’influence de la ville alen-tour, ces paysages sont avant tout façonnés par la végétation spontanée qui apporte continuité et cohérence à l’ensemble du linéaire. Présentant différents stades de développement, c’est la végétation qui autorise ou non le contact visuel avec l’extérieur depuis le coeur de l’entre-ville. En mettant en rap-port les différentes ambiances végétales et l’existence ou non d’un contact visuel la ville environnante, on peut regrouper les paysages de l’entre-ville en trois grands types.

On trouve y trouve d’abord les paysages ouverts. Ils sont cou-verts d’une végétation rase à dominante herbacée. C’est dans ces espaces qu’on ressent le plus fortement la présence de la ville. L’espace le plus emblématique des paysages ouverts est la friche du triangle. Couverte d’une végétation rase, elle offre un espace largement dégagé au sein duquel la ville reste tout à fait perceptible. On trouve ensuite les paysages semi-ouverts. La végétation spontanée plus développée, compo-sée de petits arbres et d’arbustes tend en certains endroits à refermer les paysages. On trouve par exemple des paysages semi-ouverts à proximité du quartier du Markisches Viertel, où les buissons sont parfois si touffus qu’ils ne laissent apparaître que le sommet des hautes tours. Pour finir, on trouve égale-ment des paysages fermés où la végétation très développée isole complètement le promeneur. Au milieu des hauts arbres, on oublie vite la ville. Parmi les paysages fermés on compte la section boisée située au nord, juste avant que la ville dispa-raisse complètement pour céder la place aux vastes étendues du plateau agricole.

En comparant la carte actuelle des paysages de l’entre-ville avec des cartes et photos antérieures, on constate que les pay-sages se referment rapidement. Ceci semble même de plus en plus rapide. Faute d’entretien, l’ensemble du couloir sera bientôt boisé, réduisant notablement la richesse écologique aujourd’hui apportée par la diversité des milieux. Refermé sur lui même, cet espace perdrait également le rapport original qu’il entretient avec la ville, qu’il permet aujourd’hui de consi-dérer avec distance depuis l’intérieur d’elle même.

Page 95: TFE Mémoire (ENSNP 2012)

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Boisement de saules

La friche du Triangle300300 300m900

Paysage ouvert

Paysage fermé

Limite du territoire couvert par le parc naturel de Barnim

N

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A

BC

DE

F

G

H

I J

K

L

M

N Est Ouest

échelle 1/18 750e (75% de 25 000)

65 m

275 m

10 m

20 m90 m

23 m

100 m

100 m15 m

17 m

50 m

115 m

100 m

80 m

23 m

Diagramme présentant les variation de largeur au long du site

Friche du triangle

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Espace de boisements denses avant d’arriver dans les champs

Longue lande

Étroit couloir jardiné entre les rails du S-Bahn et la façade arrière des immeubles

C=10 mètres

H=100 mètres

M=100 mètres Les paysages de l’entre-ville sont également influencés par la largeur de l’ancien No man’s Land qui varie considé-rablement tout au long du parcours. Lors de la fermeture de la frontière, de nombreux bâtiments, dont la présence était jugée incompatible avec les impératifs de sécurité ont été détruits. Bien que désireux d’imposer une organisation systématique, les concepteurs de la frontière ont parfois dû s’adapter à la morphologie de la ville qui imposait en cer-tains endroits de réduire l’emprise de la zone de sécurité. En d’autres endroits la zone de sécurité a aussi pu être consi-dérablement étendue.

C’est pour cette raison que la largeur du couloir reste au-jourd’hui variable. En montant vers le nord, il se contracte et se dilate, soumis à une pression plus ou moins grande des quartiers qui le borde.

La zone la plus vaste de l’ancien No man’s Land est la friche du triangle (tout au sud) qui, avec ses 275 mètres de large reste aujourd’hui comme une vaste poche au milieu de la ville. Dans le prolongement de la friche du triangle, l’espace du No man’s Land se réduit brusquement, pincé par l’arrière des immeubles. Violemment rabattu, le no man’s land vient se coller au talus du S-Bahn. A cet endroit il ne fait qu’une dizaine de mètres de large. En continuant vers le nord, la pression urbaine se fait moins forte et la frontière s’installe plus confortablement. On remarque tout de même un pas-sage étrange au niveau de la zone industrielle du Pankower Park. Ayant fonctionnée durant toute la période de sépa-ration, la zone industrielle faisait l’objet d’une surveillance très rapprochée. Bien que située en zone Est, elle était en fait entourée de murs. C’est pourquoi aujourd’hui à cet en-droit le chemin du Mur se dédouble. En l’absence de toute contrainte spécifique, le No man’s land occupait générale-ment une largeur idéale de 100 mètres.

L’emprise de l’ancienne frontière demeure presque intacte. Seule l’extension d’un cimetière à hauteur du quartier du Markisches Viertel et la construction de trois bâtiments commerciaux viennent aujourd’hui mordre sur l’espace de l’ancienne frontière. On remarque qu’il est parfois difficile de se rendre compte de l’amplitude de l’espace lorsqu’il est occupé par une végétation très dense.

Page 98: TFE Mémoire (ENSNP 2012)

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Les traces et indices du Mur

Grille délimitant la zone de sécurité

Unique morceau de Mur encore deboutAu bout de la Kurze Str., zone industrielle du Pankower Park

Lampadaire au bord de la Panke

La quasi-totalité des éléments de façade autrefois présents le long de la frontière ont été détruits sur le site. Seul quelques mètres de «Mur intérieur» (Mur de troisième génération) sub-sistent au bout de la Kurze Strasse. Il reste cependant dans l’ancien No man’s Land de nombreuses traces et indices qui évoquent le Mur. Dégradés et souvent partiellement enfouis sous la végétation, ces indices sont la plupart du temps vi-sibles seulement pour celui qui désire les trouver. Partir à leur recherche, c’est comme se lancer dans un grand jeu de piste.

Le Mur reste donc évoqué par de nombreux éléments de mobilier urbain semés par l’histoire et ignorés lors des cam-pagnes de destruction. On y trouve entre autre différents types de barrières, des lampadaires, des boîtiers électriques ainsi qu’un grand nombre de tas de gravats miraculeusement épargnés par le «Berliner Steinbeißer» ou «ver mangeur de pierre» inventé par les berlinois pour évoquer la rapidité avec laquelle avait été supprimé le Mur... ! Relativement diversifiés, ces objets ont pour seul point commun leur état de dégrada-tion. Au bout de quelques temps, l’oeil exercé à la recherche des indices sait si la rouille ou le stade d’usure du béton per-mettent de classer ou non les objets rencontrés parmi les reliques du Mur. Portant parfois des inscriptions ou des codes couleurs, ils permettent, à qui sait les décrypter, d’apprendre sur l’organisation et le fonctionnement de la frontière. Les voir, c’est aussi redonner un peu de réalité à l’histoire qui sait si bien se faire oublier au sein des paysages aujourd’hui méta-morphosés.

Mais la trace principale laissée par le Mur reste avant tout le «vide», ce long vide urbain qui court encore au travers de la ville et sépare les quartiers. Portant parfois des restes du che-min de patrouille, son épaisseur varie sur le site de 50 à près de 300 mètres de large (dans la friche du triangle). La végé-tation spontanée qui le couvre permet encore à l’ancien No man’s Land de conserver une relative unité paysagère. C’est le plus long paysage délaissé. Une fois sortie de son environne-ment urbain, l’empreinte laissée par le Mur demeure toujours lisible grâce justement à cette végétation qui contraste avec les marais herbeux et l’espace cultivé des champs.

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Différence de végétation et chemin

Ancien panneau électrique

Panneaux bétons dans la friche du triangle300300 300m900

N

Page 100: TFE Mémoire (ENSNP 2012)

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Signalétique et aménagements relatifs à la mémoire

Double bande de pavés indiquant dans toute la ville le passage du Mur

Sculpture réalisé à l’époque du Mur et conservée en place (l’oiseau au long cou regardait par dessus le Mur)

Panneau à la mémoire des victimes du Mur

Bien que cette partie de l’ancien No man’s Land semble au-jourd’hui totalement laissée à l’abandon, on y trouve tout de même quelques aménagements et éléments de signalétique faisant référence à la mémoire du Mur. Loin d’être présents sur l’ensemble du linéaire nord, ils sont plutôt ponctuels, et semblent parfois un peu anecdotiques.

On y trouve des éléments de signalétique récurrents et communs à l’ensemble de la ville. Parmi ceux là on compte la double bande de pavé qui matérialise le chemin que sui-vait autrefois le Mur. A la fois explicite et discrète, elle doit progressivement être généralisée à l’ensemble de la ville. On peut déjà la voir dans de nombreux endroits. Sur le site, elle est seulement présente sur le sol des principales rues traver-santes (ci-contre sur le sol de la Kopenhagener strasse, au niveau de la station de S-Bahn de Wihelmsruh). Le linéaire nord du Mur, faisant partie du fameux «Mauerweg», (chemin de promenade qui permet de faire le tour de Berlin Ouest en empruntant l’ancien chemin de patrouille), est équipé de nombreux panonceaux censés guider les cyclistes dans leur ballade. Le chemin de patrouille a disparu en de nombreux endroits, couvert par des bâtiments ou simplement effacé par le temps. La présence des panonceaux, parfois peu mis en valeur, ne suffit pas toujours à indiquer le chemin. Sur le site, on remarque également la présence répétée d’un double alignement de cerisiers à fleurs. Apparemment aucun rapport avec l’histoire du Mur... Sauf que ces cerisiers ont en fait été offert par la peuple japonais au peuple allemand pour célé-brer la réunification. Devant à l’origine couvrir l’ensemble du linéaire du Mur, ils ne sont finalement présents qu’à quelques endroits, qu’ils égayent, chaque printemps, de leur remar-quable floraison.

Par endroit, on trouve également de petites interventions artistiques. Réalisées sur commande de la ville ou à l’initiative des habitants alentours, elles tentent au travers de différentes installations de symboliser la séparation et contribuent à leur manière à perpétuer la mémoire du Mur.

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Pannonceau du Mauerweg

Panonceau du Mauerweg

Sculpture commémorative300300 300m900

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Page 102: TFE Mémoire (ENSNP 2012)

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Un rapide retour aux origines,formation géologique, morphologie du territoire et nature actuelle du sol...

Importante couche de glace (1 ou 2 km d’épaisseur)Forte pression

Sous le poids de la glace, le sol est écrabouillé, tassé et réduit en petits morceaux

A la fonte des glaces, l’eau en se retirant sculpte et imbibe le sol

Le particules fines sont déplacées et amassées par le vent

L’eau affleure formant des marais dans les zones basses

1

2

3

Moraines(sables)

Calotte glaciaire

Roche mère

Sables «fondants»(imbibés d’eau)

Sables «fondants»(imbibés d’eau)

«Farines»(particules fines)

Dunes

D’abord, les paysages berlinois ont été modelés par les glaces. Soumis à divers épisodes glaciaires, la région fut, pendant plus d’un million d’années, couverte d’une épaisse couche de glace (plusieurs kilomètres d’épaisseur). Soumis à d’importantes pressions, les matériaux sédimentaires qui composaient le sous sol berlinois ont été complètement écrasés et transformés en matériaux fins de type farines, sables et galets. D’abord charriés par l’eau lors de la fonte des glaces, ces matériaux fins ont aussi migrés sous l’action du vent qui les a accumulés sous forme de petites dunes. Ces micros reliefs sont aujourd’hui remarquables et carac-téristiques des paysages berlinois dont la topographie est très faiblement marquée. Ils conditionnent également la présence ou non d’eau. La nappe phréatique dont le niveau est souvent très proche de celui du sol peut donc être af-fleurante ou non selon ces infimes variations de niveau et induire une alternance de sols très secs, lorsque les sables accumulés, aux fortes propriétés drainantes, forment de petites dunes, ou très humides, lorsque la nappe affleure, créant des zones de landes ou de marais. Les paysages ber-linois, de ce fait, présentent de très forts contrastes.

Bien que situé à l’articulation entre la vallée de la Spree et le haut plateau de Barnim, la topographie sur le site est peu mar-quée (on a sur plus de 10 kilomètres une différence de hau-teur de 5 mètres). La nappe phréatique souvent proche du niveau du sol peu affleurer dans les zone de «gley sols» lors d’épisodes pluvieux importants et influence notablement le caractère de la végétation. Du point de vue de la nature des sols, on remarque sur le site une zone de basculement au ni-veau du triangle industriel du Pankower park. Au sud, le sous sol se compose principalement de sables acides, alors qu’en montant vers le nord, il se compose de marnes à tendance calcaire. Bien que très fortement perturbé par la présence du Mur, le sol de l’ancien No man’s Land, se compose aujourd’hui de remblais, mêlés en plus ou moins grande proportion au sol d’origine. Ces variations de pH, auront donc elles aussi une influence sur les formations végétales spontanées qui com-posent aujourd’hui les paysages de l’ancien No man’s land.

Page 103: TFE Mémoire (ENSNP 2012)

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Sables fins

BoueTourbe

Sables de vallée(Influence acide)

Marnes(influence calcaire)

Sables humides

Panke

Nordgrab

en

Carte pédologique et géologiqueCarte topographique et hydrographique

300300 300m900

300300 300m900

Haut plateau de Barnim

Vallée de la Spree

35

37,5

40

42,5

45

45

47,5

50

80

52,555

57,5

«gley sols»(Temporairement inondé)

Sols mperméables(Dalle béton)

Remblais et sables (tendance acide)

Remblais

Remblais, sables et marnes (tendance calcaire)

Sables charrié (tendance calcaire)

Moraines, sables et marnes (tendance calcaire)

Légende

Sols à te

ndance ca

lcaire

s

Sols à tendance acide

N N

Page 104: TFE Mémoire (ENSNP 2012)

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Zone sud de la Brehmestrasse, Friche du triangle humide : On trouve sur cette zone une épaisseur d’un à trois mètres de remblais. Ils sont composés majoritaire-ment de béton concassé, mais peuvent aussi contenir des cendres et des scories (probablement issues de la décomposition des fers à béton). Malgré ces 3 mètres de remblais, on peut encore observer l’eau de la nappe affleurer en certains endroits. La transformation de cette zone en espace public n’est théoriquement pas possible sans l’assainissement préalable de la zone.

Entre la Kopenhagenerstraße et la Klemkestraße : On trouve sur cette zone une couche d’environ 60 cm d’épaisseur de remblais très fortement polluée. On y trouve entre autre une charge importante d’arsenic, de plomb, de mercure, de nikel, de cuivre, de cadmium et de cyanure. Ces valeurs dépassent le seuil autorisant la création d’un parc, de jeux pour enfants ou bien d’une zone résidentielle sans passer au préalable par une phase de dépollution.

Entre la gare de Schönholz et la Monmühler strasseÀ hauteur du cimetière de Rosenthal : L’analyse en 1991 d’échantillons prélevés dans les 5 premiers centimètres du sol montraient la présence de polluants tels que phénols, dioxine et furannes. La dose observée n’empêche pas cependant la mise en place d’espaces récréatifs. On suppose tout de même que des doses supérieures puissent être observées à proximité si l’on faisait de nouveaux tests.

Sur le domaine de la ferme «Pinke Panke» : Présence possible de pollution en sous sol. Aucune étude précise n’a cependant été effectuée sur la zone.

Cimetière de Rosenthal

Ferme pédagogique «Pinke-Panke»

Entre la Wollankstrasse et la Wilhelmkuhr-strasse : Présence dans le sol de dibenzodioxines polychlorées (ou PCDD) et de chlorodibenzofuranes (PCDF). Les quantités relevées en 1991 pouvaient induire des res-trictions d’usage dans cette zone. Une étude actuelle pourrait être nécessaire pour y voir plus clair...

Un sol très perturbé,zones de remblais et pollutions

300300 300m900

N

Page 105: TFE Mémoire (ENSNP 2012)

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Pour la petite histoire...Lors de la déconstruction du Mur, les féçades de bétons ont très vite été démontées. Pour se débarrasser rapi-dement de ces encombrants panneaux, ils ont été rapatriés sur la friche du triangle humide et réduits en petits morceaux par une concasseuse. Les gravats ainsi obtenus ont ensuite été étalés sur l’ensemble de sa surface. C’est pour cette raison qu’on trouve aujourd’hui sur cet espace une couche d’1 à 3 mètre de remblais. En comparant les photos de 1990 avec des clichés actuels, on remarque que le niveau du sol de la friche se situe aujourd’hui qua-siment à la même hauteur que celui des rails du S-Bahn qui longent son côté sud-est. Si les paysages sont encore largement ouvert à cet endroit, c’est parceque la végétation à dû coloniser un sol absolument nu et très tassé. Les plantes de la friche du triangle poussent donc aujourd’hui dans des bouts de Mur...

Photo prises en octobre 1990

Photo actuelles

L’ensemble de ces photos ont été prise par Nail en octobre 1990 et sont tirées du site : http://staff-www.uni-marburg.de/~nail/mauer.htm

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Une riche mosaïque végétale

Boisements secs

Lande acide

Boisements humides

http://www.visoflora.com/photos-nature/armoise-commune-artemi-

http://www.creapharma.ch/saule.htm

fr.wikipedia.org/wiki/Érable_cham-pêtre

http://www.google.fr/imgres?q=robinia+pseudoacacia&um=1&hl

http://www.old-hall.com/osb/showi-tem.cfm?keywords=B&message=

Photo de mArion Guichard Photo de mArion Guichard

Photo de mArion Guichard

Photo de mArion Guichard

Photo de mArion Guichard

Armoise communeArtemisia vulgaris

saule blancSalix alba

érable champêtreAcer campestre

Bouleau verruqueuxBetula pendula

Bouleau verruqueuxBetula pendula

RobinierRobinia pseudoacacia

Détail de sol

Détail de sol

h t tp : / /en .w i k iped ia .o rg/w i k i /File:Acer_platanoides_1aJPG.jpg

Érable planeAcer platanoïdes

On peut diviser les formations végétatales présentes sur le site en 13 biotopes. Pour faciliter la lecture de la carte, celle-ci a été divisée en deux. Les 6 premiers biotopes se trouvent donc ci-contre, tandis que les 7 autres se trouvent sur la double page suivante.

Allant du sol presque nu aux boisements denses en passant par différents types de landes, ces biotopes correspondent à différents stades de développement du cortège végétal spon-tané qui s’est librement installé depuis la destruction du Mur. La vitesse de développement des végétaux ayant été influen-cée par l’état initial du sol, on trouve encore une flore rudérale herbacée relativement rase dans les zones où le sol compact est principalement constitué de remblais. La végétation tend aujourd’hui à se développer de plus en plus rapidement et les espaces autrefois largement ouverts se font de plus en plus rares. La végétation arbustive et arborée couvre peu à peu les landes au détriment de la richesse écologique qu’elles repré-sentent. Parmi les milieux menacés par ce phénomène on trouve la friche du triangle, encore couverte d’une flore rudé-rale herbacée et la lande du Markisches Viertel, d’ores et déjà envahie par d’épais buissons. On trouve sur le site un biotope comptant au nombre des biotopes protégés par la loi sur la na-ture, le biotope de «lande acide». Elle est maintenue ouverte en son centre par un entretien minimum. Malgré ça, les cordons de bouleaux de part et d’autre gagnent peu à peu du terrain.

Situé en grande partie dans un environnement urbain, la flore spontanée est parfois agrémentée d’espèces végétales échap-pées des jardins alentours. C’est le cas par exemple de l’érable plane, du cornus ou de l’Hippophae ramnioïdes qui sont désor-mais très fréquents. A l’extrémité nord du site, on arrive sur le plateau agricole ouvert. L’alternance de marais, de champs et de pâtures conserve aux paysages nord-berlinois leur carac-tère résolument rural. Au milieu de ces étendues, Le cordon de végétation spontanée continu sa route. Bien qu’on trouve une grande diversité de biotopes sur le site, les couleurs d’ocres et de bruns, ainsi que l’aspect généralement ébouriffé des plantes apportent finalement au cordon une identité et une véritable unité.

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107

Décombres et remblais

Flore rudérale harbacée

Flore rudérale arbustive

http://www.agf.gov.bc.ca/cropprot/weedguid/bluegras.htm

http://www.sent-online.ch/fluors/frus_chers/pages/rosa_canina.html

h t tp : / /en .w i k iped ia .o rg/w i k i /File:Acer_platanoides_1aJPG.jpg

h t t p : / / w w w. j a r d i n d u p i c v e r t .com/4daction/w_partner/cornouil-

http://www.google.fr/imgres?q=grand+plantain&num=10&um=1&

http://www.google.fr/imgres?q=grand+plantain&num=10&um=1&

http://www.ziopapes.it/picchio_verde/picflora/flora.htm

http://www.visoflora.com/photos-nature/armoise-commune-artemi-

http://jeantosti.com/fleurs2/tanai-sie.htm

Paturin annuelPoa annua

Rosier des chiensRosa canina

Érable planeAcer platanoïdes

Cornouiller blancCornus alba

Grand plantainPlantago major

Trèfle rampantTrifolium repens

PissenlitTaraxacum officinale

Armoise communeArtemisia vulgaris

Tanaisie communeTanacetum vulgare

300300 300m900

N

Page 108: TFE Mémoire (ENSNP 2012)

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Marais

Roselière

Parcs et jardins

http://comprendre.over-blog.fr/categorie-10596705.html

http://www.plant-identif ication.co.uk/skye/gramineae/phalaris-

ht tp://plantsarethest rangest-people.blogspot.com/2009/09/

h t t p : / / w w w. r o b e r t o r o s s i . r o /picea-abies-inversa-molid-euro-

http://www.plant-identif ication.co.uk/skye/salicaceae/salix-pur-

http://sites-nature.aquitaine.fr/gallery?page=1&filter0%5B0%5D=66

http://commons.wik imedia.org/wik i/Fi le:Phragmites_aust ral i s_

Cerisier à fleur du japonPrunus serrulata

Textures et ambiances colorées

BaldingèrePhalaris arundinacea

Verge d’orSolidago

Epicea communPicea abies

Saule rougeSalix purpurea

MassetteTypha latifolia

PhragmitesPhragmites australis

Erable planeAcer platanoïdes

h t tp : / /en .w i k iped ia .o rg/w i k i /File:Acer_platanoides_1aJPG.jpg

http://commons.wik imedia.org/wik i/Fi le:Phragmites_aust ral i s_

PhragmitesPhragmites australis

Printemps/été

Automne

Hivers

Vert tendre du Robiner (Robinia pseudoacacia)dans la FRICHE DU

TRIANGLE

Fort contrastegris doux et orange vif (Hippophae ramnoides)

Douceur des baldingeres(Phalaris arundinaces)

Couleurs hivernales es herbes au bord de la VOIE FERRÉE DÉSAFFECTÉE

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Fermes pédagogiques

Champs

Jardins ouvriers

Prairies

http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:TourbièreVredSauleTêtard1.jpg

http://www.entre-bretagne-et-rous-sillon.com/article-35512411.html

http://membres.multimania.fr/jjlelez/troene.htm

http://www.n-e-septeuil.org/Pom-mier.htm

http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:TourbièreVredSauleTêtard1.jpg

http://jeandler.blog.lemonde.fr/category/fruits/

Saule rouge (tétard)Salix purpurea

Dahlias TroëneLigustrum ïonandrum

PommierMalus sp.

Chêne pédonculéQuercus robur

Sorbier des oiseleursSorbus aviculare

http://www.gnis-pedagogie.org/pages/colza/6.htm Photo de Marion Guichard Photo de Marion Guichard

blé à l’automneTriticum sp.

blé durant l’étéTriticum sp.

Prairies fourragèresHerbe grasse

300300 300m900

N

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Quelques animaux...

Chiens (souvent accom-pagnés d’ êtres humains) Mouton

Renard

Les paysages de l’entre-ville accueillent aujourd’hui diffé-rentes espèces animales plus ou moins étroitement liées avec les formations végétales.

Parmi celles qui sont très liées aux différents biotopes, on trouve une espèce de reptile, le lézard des murailles et quatre espèces d’insectes, l’abeille des murailles, le criquet à ailes rouges, le grand élater roux et la carabe dorée. Ces cinq es-pèces sont protégées sur le site. La modification de leur habi-tat peut entraîner leur disparition et ne peut se faire que sous réserve du respect de certaines règles. On peut également voir des renards. Bien qu’ils ne comptent pas au nombre des espèces protégées, leur présence est également très liée aux formations végétales. Il affectionne particulièrement les espaces boisés. Bien que les renards soient assez rependus à Berlin, du fait du très grand nombre d’espaces verts, leur présence en milieu urbain demeure assez exceptionnelle et leur rencontre suscite toujours l’émerveillement.

On trouve également sur le site des espèces animales «im-portées». Les ânes et les moutons de la ferme pédagogique, les chèvres du jardin d’un immeuble ou les moutons de la zone industrielle. Bien que peu dépendantes des différentes formations végétales spontanées, leur présence au sein de l’empreinte est tout de même rendue possible par la mise à disposition dans cet espace de lieux délaissés et dépour-vus de fonction précise. Ces animaux sont particulièrement appréciés des enfants. Ils animent les paysages, tout en ren-forçant le caractère atypique de cet espace, comme un petit peu de campagne en plein coeur de la ville.

Pour finir, on trouve également un très grand nombre de chien. N’étant pas considéré comme un parc, rien n’impose ici le port de la laisse ou le ramassage de crottes. Pour toutes ces raisons, l’entre-ville est aujourd’hui l’espace de prédilec-tion des promeneurs de chiens présents en abondance sur l’ensemble du site. Leur présence peut sembler anecdotique mais impacte fortement les paysages et empêche parfois le développement d’autres activités, celles liées aux enfants particulièrement.

Page 111: TFE Mémoire (ENSNP 2012)

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Carabe dorée

Chèvres

Chiens (souvent accom-pagnés d’ êtres humains)

Chiens (souvent accom-pagnés d’ êtres humains)

Grand élater roux

Mouton

Criquet à ailes rouges

Poneys

Lézard des murailles

Abeille des murs

Ane

300300 300m900

N

Page 112: TFE Mémoire (ENSNP 2012)

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Et une multitude de petits usages !

Faire du vélo

Se promener

Aller voir les animaux

Promener le chien

Chiner

Bavarder dans la rue

Jardiner

Rentrer du travail

Promener le chien

Faire du vélo en famille

Bien qu’il paraisse peu fréquenté en comparaison des friches du centre ville, l’espace de l’entre-ville est tout de même le lieu de nombreux usages. Plus ou moins fréquenté en fonc-tion des endroits, des jours de la semaine ou des moments de la journée, l’espace de l’entre-ville est animé d’une mul-titude de petites activités. Regarder plus attentivement les usages permet d’apprendre beaucoup sur le quartier, la population et ses potentiels besoins. En étudiant les usages présents sur le site on remarque d’abord qu’il accueille diffé-rentes pratiques quotidiennes.

En tête de celles-ci arrive évidemment la promenade du chien. Se pratiquant seule ou en famille, à toute heure de la journée et sur tout le linéaire de l’empreinte elle représente un excellent prétexte à la ballade et permet aux riverains de parcourir quotidiennement ces paysages. Dans la catégorie des activités quotidiennes, on trouve aussi les trajets jour-naliers entre la maison et les différentes stations de S-Bahn. C’est d’abord par ces pratiques quotidiennes, semblant a priori bien anodines, que le territoire de l’entre-ville, réguliè-rement pratiqué et parcourut, ré-acquiert peu à peu un sta-tut, au sein de la ville.

L’étude des usage met encore une fois clairement en évi-dence la sortie progressive de la ville. Au travers par exemple de l’activité «zoner» ou «boire une bière dehors entre amis», on devine un contexte plutôt urbain, tandis que plus au nord, la pratique de sports et d’activités de plein air reflète un caractère péri-urbain voire nettement rural.

Dans la mesure où elle renseigne sur les futurs usagers et sur leurs pratiques, l’étude des usages peut permettre d’en déduire des besoins qui peuvent servir de base à l’élabora-tion d’un programme. En ce sens, l’étude des usages peut constituer une stratégie de projet, soucieuse des usagers et de la façon dont pourrait être investi et habité le futur réseau d’espaces publics.

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Faire les courses

Faire de la course à pied

Faire du poney

Promener le chien en famille

Faire de la marche rapide

Rentrer du travail

Boire une bière dehors entre amis

Promener le chien

Jouer

Faire du vélo

Faire du vélo

Aller voir les animaux

Zoner

300300 300m900

N

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Faire du vélo

Se promener

Aller voir les animaux

ChinerBavarder dans la rue

Rentrer du travail

Promener le chien

Faire du vélo en famille

Faire les courses

Faire de la course à pied

Faire du poney

Promener le chien en famille

Faire de la marche rapide

Boire une bière dehors entre amis

Promener le chien

Faire du vélo

Faire du vélo

Zoner

Rentrer du travail

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... dont l’empreinte, comme un long cordon vert parsemé d’indices, conserve l’unité au travers de la ville, .

Une grande diversité de biotopes qui transforment l’empreinte du Mur en «autoroute» écologique !

Apparemmentdélaissée,l’empreinteestaniméepardemultiplesusagesrefletsdeshabitudesetdelavillealentour.

Un territoire de plus en plus morcelé, aujourd’hui soumis à l’autorité de différents propriétaires...

Un territoire possédant ses propres paysages, composés par la végétation spontanée, plus ou moins développée

Ce territoire accueil aujourd’hui différentes espèces animales, parmi lesquelles 5 sont protégées

Une frontière en épaisseur. Deux Murs enserrant la bande de terre inaccessible du no man’s land

Un sol perturbé portant la mémoire des événements passés (remblais, gravats et pollutions)

1. LE SOUS SOL

2. LE QUARTIER

3. L’EMPREINTE

Une topographie peu marquée Un sous sol composé de matériaux mous plus ou moins gorgés d’eau

Typologies de bâti hétéroclites, densité urbaine décroissante à mesure qu’on monte vers le nord Nombreux parcs et jardins, peu à peu remplacés par des espaces marécageux et des cultures En chemin vers le nord, la ville s’évanouit peu à peu pour soudain disparaître dans les champs

1. UNE EMPREINTE, UNE TRACE LAISSÉE PAR L’HISTOIRE...

2. AUJOURD’HUI DEVENUE CORRIDOR ÉCOLOGIQUE,

3. LIEU DE DIVERSITÉ ET ESPACE VIVANT

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PREMIERS PAS VERS LE PROJETIII.

Base : photo prise le 29 août 1990, 0323663 - Ehemalige Grenzstreifen - Kasperski Edmund - L. B.

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1 2 3 4 5 6 7 8 9DU CENTRE DE LA VILLE VERS LES CHAMPS

Ce bandeau, sera présent à chaque séquence et indiquera la progression

Et deux photos...

Une photo du site pendant ou peu

après le Mur

Et une photo actuelle

SÉQUENCE 2 : LA FRICHE DU TRIANGLE

On remonte vers le nord par la large avenue centrale du Mauerpark. Dans le prolongement du parc, se dessine une passerelle. Une étroite passerelle en fils d’acier, tendue au dessus des rails. Sur la passerelle pas de voiture. En contre bas, les trains rouges et jaunes, les S-Bahn qui tournent autour de la ville. Tourner, tourner, comme un incessant ballet. A chaque passage ils ébouriffent un peu plus les plantes.

Au bout de la passerelle, une rue. Une rue calme. Sur la droite, une rampe massive permet après une douce glissade de rejoindre le niveau des trains et l’ancien chemin de patrouille, ici redevenu rue. Une simple rue envahie de voitures au repos. Entre les cerisier qui commencent trop tôt à fleurir apparaît le pont massif de la Bornholmer strasse. Sur le pont, au dessus, on peut entendre le flot discontinu des voi-tures comme la respiration de la rue. En dépassant le pont, le brouhaha des voitures cède peut à peut sa place au chuintement du S-Bahn qui démarre. Comme une île prise dans un fleuve de rails, la petite gare paisible de Bornholmer strasse. Droit devant, encore des cerisiers, les cerisiers des japonnais, ces petits arbres cours et trapus étalés comme des parasols. Hautes herbes jaunes et molles. A droite, derrière des grilles, le fouillis si soigneusement ordonné des petits jardins. Un chemin de bitume, quelques grilles rouillées couvertes de clématites brunes chuchotent tout bas, à qui veut bien l’entendre, que quelque chose s’est passé ici. Quelques histoires et pas des plus rigolotes, aujourd’hui habillement déguisées en bucolique ballade sous les cerisiers. Les cerisiers des japonais... Le couloir s’élargit, sur le pont un train passe dans un grand fracas. Vaste étendue herbeuse. Le train a déjà disparu dans les buissons, seul persiste son bruit. Le pont est bas, le train en passant nous roule presque sur la tête. Entre les deux pont, un portail surmonté de barbelés luisant et acérés empêche l’accès à la friche du triangle dont nous manque l’ample respiration. Tant pis, il faut faire le tour. Un deuxième pont, encore un train qui

Un texte

Une coupe

Un dessin

La confrontation des informations recueillies au travers de l’étude et des observations faites sur le site, a permis de distinguer au long de l’Empreinte 9 ensembles, 9 séquences. L’unité de chaque séquence repose sur une constante forte et commune à l’ensemble de cet espace, un rapport particulier avec la ville, un type de végétation ou simplement une ambiance vraiment carac-téristique. En suivant ces 9 séquences, on passe progressivement du coeur urbain aux vastes étendues ouvertes du nord. Ces 9 séquences serviront dans un premier temps de base à la ballade, elle seront également un support pour le projet.

Cette ballade sera organisée de la même façon pour chacune des séquences. Pour les séquences d’accroche, à la ville par le Mauer-park et à la campagne, par le village de Blankenfelde, on aura une succession de photos accompagnées d’un texte. Pour le reste des séquence, on trouvera, sur la première double page, un texte accompagné d’une coupe confronté à un dessin. Sur la double page suivante on trouvera deux photos, une photo actuelle et une photo datant de l’époque du Mur ou prise peu après sa chute.

Au travers du texte, on essaiera d’abord de mettre la promenade en mots. Expliquer d’où l’on vient et vers où l’on va, décrire l’ambiance, la ville, les plantes, la lumière, les rumeurs.. Le texte aussi parcequ’à mon sens, il correspond plutôt bien à l’état d’effer-vescence dans lequel on se trouve en parcourant un site pour la première fois, poussés par une insatiable curiosité, à la fois attentifs aux moindres détails et perpétuellement déconcentrés. Après vient le dessin. Pour dessiner il faut s’arrêter. Cela paraît si évident quand on le dit. Il est cependant plus difficile de le mettre en pratique lors de ballades solitaires, limitées dans le temps, dans un site de 12 kilomètres de long avec un appareil photo ! Prétexte à la halte, le dessin est également un exercice de regard, calme et tout entier attentif à scène apparaissant peu à peu sur la feuille à force d’accumuler les traits. Il permet de se graver une image dans la tête, de se rappeler des petits détails, il permet aussi de sentir le vent, de regarder les gens. Après ça viennent les deux photos. J’ai choisit de mettre d’abord la photo actuelle pour éviter qu’a la vue de l’histoire on en oublie de regarder les paysages d’aujourd’hui. Éviter que le regard ne s’attache plus qu’à la recherche des indices du Mur au sein de ces paysages devenus si différents que l’his-toire, bien que forte et si récente y est souvent devenue étrangement invisible...

I. PRÉSENTATION DES SÉQUENCESPARTIR D’ABORD POUR UNE PETITE PROMENADE

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119VERS LES CHAMPS

Ce bandeau, sera présent à chaque séquence et indiquera la progression

Mauerpark

Village de Balkenfelde

9. ouverture et échappée

8. Couloir boisé(10,7 hectares)

7. Lande aux barres(7,1 hectares)

6. Le coude industriel(4 hectares)

1. Régarder danser les trains

2. Friche du triangle(4,8 hectares)

3. Poche de la Panke(0,8 hectares)

4. La gare boisée (8 hectares)

5. La longue lande (15 hectares)

Page 120: TFE Mémoire (ENSNP 2012)

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En sortant du Mauerpark par l’avenue principale, prendre la passerelle qui franchit les rails...

En dessous, les trains tournent au milieu des plantes...

Au bout de la passerelle, prendre la rampe pour atteindre l’ancien chemin de patrouille, passer sous le pont. En marchant encore un peu on arrive par le sud à la friche du triangle.

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SÉQUENCE 1 : Regarder danser les trains

On remonte vers le nord par la large avenue centrale du Mauerpark. Dans le prolongement du parc, se dessine une passerelle. Une étroite passerelle en fils d’acier, tendue au dessus des rails. Sur la passerelle pas de voiture. En contre bas, les trains rouge et jaune, les S-Bahn qui tournent autour de la ville. Tourner, tourner, comme un incessant ballet. A chaque passage ils ébouriffent un peu plus les plantes.

Au bout de la passerelle, une rue. Une rue calme. Sur la droite, une rampe massive permet après une douce glissade de rejoindre le niveau des trains et l’ancien chemin de patrouille, ici redevenu rue. Une simple rue envahie de voitures au repos. Entre les cerisier qui commencent trop tôt à fleurir apparaît le pont massif de la Bornholmer strasse. Sur le pont, au dessus, on peut entendre le flot discontinu des voitures comme la respiration de la rue. En dépassant le pont, le brouhaha des voitures cède peut à peut la place au chuintement du S-Bahn qui démarre. Comme une île prise dans un fleuve de rails, la petite gare paisible de Bornholmer strasse. Droit devant, encore des cerisiers, les cerisiers des japonais, ces petits arbres cours et trapus étalés comme des parasols. Hautes herbes jaunes et molles, humides. A droite, derrière des grilles, le fouillis si soigneusement ordonné des petits jardins. Un chemin de bitume, quelques grilles rouillées couvertes de clématites brunes chuchotent tout bas, à qui veut bien l’entendre, que quelque chose s’est passé ici. Quelques histoires et pas des plus rigolotes, aujourd’hui habillement déguisées en bucolique ballade sous les cerisiers. Les cerisiers des japonais... Le couloir s’élargit, un nouveau pont sur lequel un train passe dans un grand fracas. Vaste étendue herbeuse. Le train a déjà disparu dans les buissons, seul persiste son bruit. Le pont est bas, le train en passant nous roule presque sur la tête. Entre les deux pont, un portail surmonté de barbelés luisant et acérés empêche l’accès à la friche du triangle dont nous manque l’ample respiration. Tant pis, il faut faire le tour. Un deuxième pont, encore un train qui passe, cette fois ci si lointain qu’il semble faire la conversation avec les avions qui descendent vers Tegel. Encore un train.

Vite, à la recherche de la friche du triangle, filer dans la trop longue avenue bordée d’immeubles gris et austères. Quartier paisible, des passants chargés de courses regagnent leurs appartements. Le bruit du train qui passe. Blotti contre les rails, en contrebas du talus se trouvent de drôles de petits jardins.

Wollankstraße, brouhaha, l’agitation de la rue. La station de S-Bahn créée d’incessants allez-venus. Tout de suite prendre à droite puis encore à droite et suivre la rue jusqu’à l’entrée de la friche du triangle.

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1000e

SÉQUENCE 2 : La friche du triangle humideAu bout de la rue paisible, une brèche, elle déborde d’acacias parmi lesquels se perdent d’inefficaces barrières de métal scintillantes. En contournant ce rideau d’un vert si vif, on entre dans la friche du triangle. Le ciel, les plantes colorées, espace largement ouvert, le ciel si vaste, lumière aveuglante. La ville prend soudain de la distance, calme paisible, autre rythme, autre temps, comme une poche dans la ville. Haute silhouette d’un bâtiment de béton gris blotti dans la pointe. chemins de terre battue tracés par le passage répété des promeneurs. Un train passe soudain et nous ramène à la réalité de la ville. flaque dans laquelle s’ébroue un chien. Les gens se retrouvent discutent un bout de promenade ensemble écran de buisson. bordé au loin de hautes façades. Derrière elles on devine la ville infinie. Si l’on regarde attentivement, on peut voir se dessiner dans le ciel la silhouette pointue de la Fernshturm. Comme un phare, elle indique la route vers le centre.

Pour suivre le chemin du mur, il faut se faufiler. Contourner une palissade métallique et se laisser aspirer dans un étroit cou-loir, vers l’intimité de l’arrière cour des immeubles. Chaises en plastique, barbecue, quelques tournesols joyeux. A mesure qu’on progresse dans ce couloir jardiné, augmentent la taille des jardins et la hauteur des clôtures. La rue se rapproche. Pro-priété privée défense d’entrer, il faut faire demi tour.

Retour à Wollankstraße, respiration bruyante des automobiles. Derrière la palissade, la cime des arbres du couloir jardiné. De l’autre côté de la rue des dizaines de vélo attendent patiemment le retour de leur propriétaire. Un train passe. En franchis-sant le rideau épais des dodus arbustes, un petit square un peu miteux et sur les bancs de bois humides, quelques clochards sirotent des bières en regardant passer le temps. Un train. De nouveau ces cerisiers qu’on aimerait voir fleurir. Immeubles, jardins. L’un d’entre eux, plus gourmand que les autres s’est installé sur le chemin de patrouille. Contourner. Un cycliste. Che-miner sous les cerisiers que dominent de hauts lampadaires de béton.

2000e

Talus du S-Bahn

Talus du S-Bahn Rails du S-Bahn

Immeubles

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octobre 1990Berlin, Mauer-Ruh’ im Bereich «Nasses Dreieck», Brehmestraße - Foto: Nail

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octobre 1990Berlin, Hinterlandmauer im Bereich «Nasses Dreieck», Brehmestraße, Foto: Nail

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SÉQUENCE 3 : La poche de la Panke

Le couloir s’élargit un peu, les jardins prennent de la distance. Sous les branches des cerisiers on devine la rue au loin. Une rue calme et paisible qui se faufile discrètement sous le talus où file toujours le train. Derrière la rue, un vaste espace en creux. Un creux, doux et rassurant, posé là pour tempérer les caprices ponctuelles de la rivière. Le creux est tapissé de roseaux fanés aux tons de beige pales, nuances discrètes.

Le creux est entouré d’un talus. En le suivant, on peut tourner autour. Dans un creux plus creux que les autres s’est installée la rivières. Lenteur de l’eau qui coule. Charme discret, reflets paisibles. Calmement, la Panke continue sa route, par une arche de brique large, franchie le talus où sans cesse filent les trains. Sur ses berges, les hauts roseaux parlent de l’eau. Sur la rive opposée, quelques beaux chênes.

Dans un coin, un peu en retrait, se dresse la silhouette fantomatique d’un haut lampadaire de béton. Présence énigmatique.

Dans les herbes s’agite un chien. Calme et douceur de l’eau qui coule. Vitesse du train jaune et rouge qui, inlassablement, traîne derrière lui la ville.

Les traces d’une ancienne passerelle de béton qu’on aimerait pouvoir franchir pour aller saluer les ânes de la ferme péda-gogique. Non. Plus de passerelle, en suivant le chemin qui ramène à la route s’éloigne la perspective d’une agréable ballade sous le couvert des arbres qu’on devine au loin...

1000e

Talus du S-Bahn

Zone de débordement de la rivière

Petits hangars

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aout 19900321765 - Wilhelm-Kuhr-Strasse - Kasperski Edmund - L. B.

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SÉQUENCE 4 : entre le cimetière et la gare boisée

En quittant la Panke, pour suivre le chemin du Mur, il faut longer la rue. Une longue rue dont le calme n’inspire pas la confiance. Le no man’s land ici s’est fait reprendre par la ville. Une voiture passe lentement. La rue est large, trop large pour le peu de voitures qui y circulent. Trottoir cabossé de bitume rapiécé. A droite, un vendeur d’étrange stèles funéraires laisse deviner l’approche du cimetière. Derrière les sages petites grilles de métal tressé, une haie proprement taillée. C’est le cimetière de Pankow III. Assez peu poétique comme nom... Assez peu poétique en comparaison du charme qui émane malgré tout du cimetière, comme un parc largement boisé au sol parsemé de tombes, aux formes variées. Le long du cimetière se dresse une rangée de lampadaires. Toujours ces étranges lampadaires de béton. Le long de la rue, en enfilade comme une armée de fantômes les jours de brume.

De l’autre côté de la rue, un vaste talus couvert d’un épais boisement où l’on aimerait pouvoir aller se réfugier pour échapper à la trop large rue où nous toisent les fantômes. Impossible, le boisement est en cage et les grille sont trop hautes. Tant pis, il faut longer la rue. Au bout, une façade de crépi saumon à l’architecture plutôt douteuse. Au bord de la route, un maigrelet poteau nous indique enfin le chemin. Perdu au milieu du carrefour, il manque cruellement de certitude... Lui faire tout de même confiance et prendre à gauche. Encore l’étrange boisement. En contournant le bâtiment rose, on longe un sous bois aux allures de décharge, comme un pied de nez à l’effronté panonceau menaçant de sanction quiconque viendrait y poser une poubelle... A droite, une étendue de bitume nue sur laquelle trône fièrement un supermarché. En continuant tout droit on arrive à la rue. Flot des voitures, vacarme du train. La ville soudain resurgie. Gare de Schönholtz. Au pied du pont, une rampe de pavés cabossés jonchée de détritus permet enfin de rentrer dans les bois. Si l’on s’assoit un peu on pourra peut être apercevoir un renard. Le boisement est dense, en montant, une esplanade de pavés, une halle couverte de graffitis, dans les interstices quelques bouleaux. Au milieu des hautes herbes, on devine des rails. Rester là un peu et regarder les trains passer.

1000e

Gare désaffectée de Schönholtz

Cimetière Pankow III

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1988/1989Photographie d’un garde patrouille, Berliner Mauer Archives, Berlin

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SÉQUENCE 5 : La longue lande

En redescendant de la gare boisée, retour à la rue. La ville comme une claque. Après un rapide slalom entre les voitures, encore un supermarché. Posé en plein milieu, il faut le contourner. Seule solution, prendre un immonde petit chemin de pavés rose pour filer entre le talus des trains et le parking d’asphalte surdimensionné. A vous faire stopper net la ballade...

Ne pas s’arrêter car derrière le supermarché on trouve une petite lande. Les bouleaux, les hautes herbes. En se retournant on peut assister à une scène étrange. Comme un improbable collage, le supermarché est venu se poser au milieux d’un chemin. Drôle d’idée...

En reprenant la route, on doit encore traverser une rue. De part et d’autre, les bouleaux en rideau se font échos. Rapide traversée. Moins de voitures. Derrière le rideau se déploie une longue lande. Une longue lande, comme une vaste clairière bordée de chaque côté par des rideaux de bouleaux. Le calme apaisant. Masquée par les arbres, la ville immédiatement se fait lointaine. Troncs clairs, feuillages légers si joliment illuminés par la chaude lumière du soir. Charme bucolique de la nature spontanée, hautes herbes brunes. Quelques bouleaux plus audacieux que les autres viennent frôler le chemin. La lande, comme dans une parenthèse. Seul le bruit du train, comme un échos de plus en plus lointain.

En se faufilant parmi les troncs, on peut toucher des maisons, des maisons neuves aux crépis saumon et aux toits d’ardoise sombres. Un promeneur accompagné de divers chiens. Un deuxième, puis tant d’autres. Deux cyclistes. Cheminer dans la lande au grès des multiples rubans de terre tassée. Un homme pressé file vers le métro. Ouverture et caresse ensoleillée. Le boisement de plus en plus dense laisse peu à peu s’installer une ombre fraîche. Brutalement le chemin se termine et nous balance de nouveau dans la rue.

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Talus du S-BahnQuartier résidentiel

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juillet 19680129731 - Berliner Mauer Klemkestrasse - Lohse D. - L. B.

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SÉQUENCE 6 : La lande industrielleActivité frénétique. Voitures, voitures et bus. De part et d’autre de la rue, sur des dalles de bétons, entre les hangars, s’impro-visent de petits marchés aux puces. De l’autre côté, un louche revendeur de voitures. Deux hommes semblent se faire des confidences sur le trottoir. Perchée, la station de S-Bahn cramoisie nous toise. Un train s’arrête puis repart. Encore une fois traverser. Slalom et klaxons. Faire confiance à la double bande de pavés au travers de la route. Le Mur est passé par là.

De l’autre côté de la rue, on pénètre par un large chemin ombragé dans ce qui semble n’être qu’un résidu sans issu de friche industrielle. Le large chemin de bitume, refait à neuf, file droit, discipliné par le talus où toujours s’éloigne le train. Sur la droite, un chemin, plus étroit et de nouveau la lande remplace la vaste dalle de béton. Tout près se dresse un majestueux bâtiment de brique rouge. Terre tassée, chemin champêtre, nombreux promeneurs, toujours agrémentés de leur lot de compagnon canin. Le retour des bouleaux . Au loin déjà se dessine la silhouette d’autres bâtiments à l’allure industrielle. Cycliste. Bleu de travail à grandes enjambées. Quelques jardins posés là, entre le talus et les immeubles d’habitation. Bifurcation, il faut choisir.

En prenant à gauche, toujours le large chemin tiré droit au pied du talus se frottant à la zone industrielle. Au pied des immenses hangars, des wagons de train neufs. Le chemin mène droit à la rivière profonde du «Nordgraben» que longe désormais une rue neuve, nue et vraiment trop large. Quelques camions y effectuent d’inlassables allers-retours. Au bout de la rue, passer au dessus de la rivière sans s’en apercevoir, par un étroit chemin qui mène à de bien intrigants immeubles...

Si l’on prend par la droite, on reste dans la lande, au milieu des bouleaux jusqu’à se heurter à la pointe de la zone industrielle. Dans un jardin grillagé, face à la massive silhouette de brique rouge et délabrée, deux chèvres. Frôler les herbes hautes. Au pied du mur de brique dont la courbe douce nous guide vers l’entrée de la zone industrielle. Une grille. Encore une fois, il faut contourner. Le long des rues désertes, un bus. Des façades austères, quelques pavillons flambant neufs. La ville semble moins pressante. Au loin, au dessus des toits apparaissent déjà la silhouette de hauts immeubles.

1000e

Talus du S-BahnJardin à l’arrière des

immeubles d’habitation

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29 août 19900323668 - Kopenhagener strasse (Reinickendorf) - Kasperski Edmund - L. B.

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SÉQUENCE 7 : La lande aux barres

Au bout d’une rue déserte où poussent les pavillons, on retrouve la pointe nord de la zone industrielle, ici bordée d’un cor-don de buissons dodus. En s’approchant un peu, parmi l’épais feuillage, on devine la rivière au fond d’un vertigineux fossé. Sur la rive opposée se dressent, les immeubles écrasants du Markisches Viertel. Habitués aux vastes platitudes berlinoises, la profondeur du fossé, la soudaine hauteur des bâtiments perturbent les repères. Surprise, sursaut, recul. Une plate forme en-jambe la rivière. Des entrailles de la zone industrielle surgit une voie ferrée qui, bien qu’en bon état, semble inutilisée. Elle file droit au travers du boisement. Étroite ouverture. Un cycliste. Sortie des boisements, de nouveau la lande. Les hautes herbes, les tons pastels égaillés ça et là de quelques touches rouge vif. Peu de bouleaux, remplacés ici par de touffus arbustes.

Hautement anguleux et colorés, les immeubles imposent leur verticalité. La lande nue est sidérée. Tout à la fois paralysée par la présence oppressante des gigantesques barres et si confortablement rassurée par le vide vert offrant isolement et recul. Frémissement. Un chien passe insouciemment, suivit de près par son promeneur. La marche sur les rails tord les chevilles. Le cimetière bientôt pince la lande qu’il grignote de ses croisillons d’acier rouillé, puis relâche la pression. Herbes hautes, chemin de terre, buisson, herbes hautes, supermarché. Posé là, au milieu de la lande il fait face à la large rue animé de son lot d’automobiles. Zone commerciale, circulation, terminus des lignes de bus. De l’autre côté de la rue filent les rails.

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Jardins ouvriers

Hauts immeubles du Markisches Viertel

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29 août 19900323663 - Ehemalige Grenzstreifen - Kasperski Edmund - L. B.

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SÉQUENCE 8 : Le couloir boisé

Traverser, vite, traverser pour aller se réfugier dans l’écrin boisé.

Les rails filent droit, tout droit. Dans le sous bois naît un chemin de terre. Les rails ça tord vraiment les chevilles, préférer le chemin de terre. Troncs blancs et bruns, ombre paisible. Parfois, les arbres se dispersent et ménagent une ouverture laissant filtrer un soleil timide. Le sous bois est tapissé d’herbes hautes. Entre les arbres, on devine la massive façade cannelée d’un bâtiment industriel.

Les rails, si droites, filent avec certitude vers une destination qui demeure inconnue. Les arbres en enfilade. Le petit chemin de terre qui serpente. De nouveau, les arbres s’écartent et ménagent une clairière. A droite apparaissent quelques pavillons, un homme lave sa voiture. Deux joggeuses, un cycliste, toujours ces chiens.

Le boisement brièvement se referme. Ombre dense. Au bout du tunnel apparaît une vive lumière et soudain c’est les champs.

1000e

Zone industrielle Quelques maisons

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19690111242 - Wilhelmsruher Damm - West Soldat an der Sperrmauer - Lohse Dieter - L. B.

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SÉQUENCE 9 : Ouverture et échappée

Ca y est ! On est à la campagne ! Émerveillement mêlé de surprise. Incompréhension.

Contenus, depuis le coeur de la ville, dans un étroit couloir, les paysages soudain se déploient, l’horizon prend ses distances. Souffle et respiration. Ca y est, déjà ? Comme ça ? Ca y est c’est la fin de la ville. Émotion provoquée par le spectacle de la disparition de cette ville géante qu’on croyait ne jamais voir finir. Marcher sur la frontière de Berlin.

A droite, toujours filent les rails. Parmi l’herbe rase des pâtures les bouleaux dessinent encore la trace laissée par le Mur, l’Empreinte...

Si brusquement balancés dans la champs, on cherche désespérément la ville. Ni à droite, ni à gauche. C’est bel et bien finit. Au loin, parmi les champs, on distingue un village. Quelques maisons amassées desquelles émerge un clocher pointu. Bien qu’elle n’évoque en rien les formes de Berlin, la lointaine silhouette, perdue au milieu de cet océan agricole, fait étrangement échos à la ville. Semblant être l’unique moyen de combler le manque créé par la disparition trop rapide de la ville, le village nous appel.

1000e

Marais Champs

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Champs

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juillet 1990Ehemalige Grenze in höhe des Freizeitpark richtung Blankenfelde, Industriebahngleis - Grenz Thomas - L. B.

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EN ROUTE POUR BLANKENFELDE...Mais le village semble si loin...

Soudain ragaillardit par l’air frais de la campagne, on se met finalement en route pour Blankenfelde. Grande curiosité... Et perspective d’un café chaud.

Pour aller à Blankenfelde, il faut suivre encore un peu le chemin du Mur. Longer les rails, toujours accompagné par les bou-leaux. Tout entiers concentrés sur l’objectif, on passe sans s’en apercevoir, le boisement rebondi du Freizeitpark Lübars.

Strictement parallèle aux rails, le ruban d’asphalte file droit au milieu des champs. Encore les belles couleurs des plantes. Après quelques temps, le ruban d’asphalte veut tourner vers la gauche. Hésitation. Mais c’est bien le village qui semble devoir marquer la fin de cette promenade. Cette curiosité.. Et le café chaud..

En continuant tout droit, on quitte le chemin qui s’accroche à la ville et continue sa ronde autour de Berlin-Ouest. Au milieu des champs, on longe une toute petite rivière. Le sol spongieux transpire des eaux qui portent Berlin. A l’approche du village on distingue le désordre des jardins. Plus expansif, plus volumineux, il sent la terre et l’humidité. Comme un échos au fouillis ordonné des petits jardins de ville... Différent cependant, il sent la campagne.

En se retournant finalement, on peut voir, en s’étirant un peu, s’éloigner la cime des bouleaux.

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ACCROCHE À LA VILLE

ACCROCHE À LA CAMPAGNE

ENDROIT DE LA VILLEEspace ouvert au sein de la ville

dense

ENVERS DE LA VILLEÎlot urbain au milieu de l’espace

ouvert

CHARNIÈREZone industrielle

Parcs

Cimetières

Contact direct avec la ville alentour (station de S-Bahn)

Contact (station de S-Bahn)

Contact intense avec la ville alentour (gare terminus des bus)

MauerwegRoute autour de l’ancienne ville de l’ouest

Voie de l’Heidekrautbahn, route vers le parc naturel du Barnim

BASCULEMENTOuverture soudaine vers

l’espace ouvert des champs et des marais

ÉTRANGLEMENTcouloir étroit et plongée

dans la ville dense

II. QUEL FUTUR POUR L’EMPREINTE ?POINTS D’ACCROCHE ET ZONES D’INFLUENCE

Village de Blankenfelde

Friche du triangle humide

Mauerpark

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1. ENJEUX À DIFFÉRENTES ÉCHELLES

REDONNER SA PLACE À LA MÉMOIRESORTIR DE LA VILLE PAR L’ENTRE-VILLE 1 2 Permettre de sortir de la ville à pied Mettre en scène le spectacle de sa dispartion Préserver ses qualités de corridor écologique

Préserver la cohérence du territoire linéaire Donner à parcourir le territoire de l’entre-ville Étendre la signalétique et révéler les indices

LES ENJEUX SUR LE SITE

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AMÉLIORER LA QUALITÉ DE L’EMPREINTE/ESPACE-PUBLIC3

Faire les courses

Faire de la course à pied

Faire du vélo

Faire du poneySe promenerAller voir les animaux

Promener le chien

Promener le chien en famille

Faire de la marche rapide

Chiner

Bavarder dans la rue

Jardiner

Rentrer du travail

Rentrer du travail

Boire une bière dehors entre amis

Promener le chien

Jouer

Faire du vélo

Faire du vélo

Aller voir les animaux

Zoner

Faire du vélo en famille

Aller au jardin botanique

Faire du skateboard

Pique niquer

Apprendre et découvrir

Prendre un café

Faire la sieste

Prendre un café

Pique niquer

Pique niquerJouer

Pêcher

Prolonger le réseau d’espaces publics du centre ville (continuité du Mauerpark) Préserver la diversité des paysages existants Intégrerlesusagesàlaréflexiondeprojetpourpermettreuneplusgrandediversité de pratiques au sein des futurs espaces publics

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PARCOURIR L’HISTOIRE SORTIR/ENTRER DANS LA VILLE TRAVERSER/HABITER1 2 3

DES ENJEUX POUR LA VILLE

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Il s’agira donc de créer une promenade, une promenade qui irait de la ville à la campagne, une promenade qui per-mettrait de sortir de la ville à pied par l’ancien espace du no man’s land.

Une ballade avec un début, une articulation et une fin. Suivre le fil de l’histoire, sentir autour de lui l’espace se dilater et se contracter, doucement, dire au revoir à la ville en admirant les beautés des paysages de reconquête, la richesse de la flore et la diversité des formes et des couleurs.

Cette promenade fonctionnerait par la mise en tension de deux espaces se faisant échos : la friche du triangle humide, comme une poche de campagne dans la ville et le village de Blankenfelde, comme un échos à la ville au milieu de l’espace dégagé des champs.

Cette promenade devra être jalonnée pour guider le pro-meneur pas à pas vers l’extérieur de la ville, pour le mettre en confiance et lui rappeler parfois qu’il est sur la bonne route.

Au long de cette promenade on pourra voir un peu l’his-toire. La voir si on la chercher, présente en arrière plan au sein de ces paysages aujourd’hui métamorphosés. S’émer-veiller sur les beauté des paysages actuels plutôt que d’obliger à voir les fantômes. Donner cependant des indices pour que celui qui cherche puisse parfois deviner le Mur invisible. Donner des indices pour raconter l’histoire à qui veut l’entendre.

Pendant la promenade on pourra découvrir la ville, la ville qui garde ses distances de part et d’autre de l’empreinte. Lui faire un clin d’oeil de temps en temps avant de s’immer-ger de nouveau dans la verdure. Observer la beauté nou-velle qui se dégage des paysages transformés.

Pendant la promenade, on pourra s’arrêter. S’arrêter puis re-partir au rythme des séquences devenues comme un cha-pelet d’espaces publics. Autant d’espaces portant l’espoir de voir un jour naître dans cet espace encore de nouvelles histoires écrites petit à petit par les gens qui reviendront y passer du temps...

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1. L’EMPREINTE, LIEU DE MÉMOIRE

2. L’EMPREINTE, PROMENADE

3. L’EMPREINTE, NOUVEAU RÉSEAU D’ESPACES PUBLICS

Donner à voir la diversité de la ville, comme le fil d’un récit qui raconterait un départ. Mettre en scène la dispa-rition progressive de la ville. En sui-vant le fil, s’imprégner de la multitude d’ambiances créées par la mosaïque des biotopes spontannés. Travail du rapport à la ville depuis l’entre-ville, traversée urbaine, diversité des pay-sages.

Donner à parcourir l’espace. Du sud vers le nord, dans la continuité du Mauerpark, sortir de la ville en traversant des chambres, comme autant de perles colorées, mainte-nues ensembles par le fil du chemin. Chaque perle possède son ambiance, son identité et propose un espace à investir pour les habitants de part et d’autre de l’empreinte (connections Est/Ouest).

Redonner à lire le fil de l’histoire et l’épaisseur de la frontière. Le Mur, comme «patrimoine» historique et culturel de Berlin. Préserver, restaurer et montrer par une suite de gestes basés sur la nouvelle identité collective ber-linoise, aujourd’hui devenue une ville dynamique et tellement vivante. Face à la lourdeur de l’histoire, le traitement de la mémoire devra être aussi léger et délicat que possible, donner à voir pour qui veux voir, semer des indices et inter-venir ponctuellement dans des lieux spécifiques.

2. SCHÉMA DIRECTEUR

Articulation

Poche de campagneDÉBUT

FINÉchos à la ville

300300 300m900

N

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1. L’EMPREINTE, LIEU DE MÉMOIRE

Le fil de l’histoire

Épaisseur de l’histoire

PARCOURIR L’HISTOIRE1

300300 300m900

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LÉGENDE

Mauerweg, Chemin de la mémoire

EmpreinteLargeur du no man’s land

Nouveaux bâtiments extensions, disparition pro-

gressive de l’empreinte

Traces et restesRéveiller les indices

Morts du MurEndroits chargés. Emplace-ment possible pour des inter-ventions liées à la mémoire.

Signalétique et monuments

(double-bande de pavé et panneaux d’information)

La mémoire c’est d’abord le fil. Le fil de l’histoire qui tourne autour de la ville de lOuest. Ce fil aujourd’hui c’est l’ancien chemin de patrouille, transformé en chemin de promenade. Cette promenade, le Mauerweg, permet donc aux randonneurs comme aux cyclistes de parcourir Berlin en suivant ces pistes autrefois parcourues par les soldats. Le travail de la mémoire dans l’empreinte commencera donc par la restauration de l’ancien chemin de patrouille devant servir de support au Mauerweg. Restaurer la ligne de l’histoire qui servira de base pour la promenade.

Mais plus que par la simple ligne, l’histoire doit se lire en épaisseur. C’est l’espace contenu entre les deux murs qui caracté-rise cette frontière. C’est par ce vide, par cette Empreinte que se laisse encore lire l’histoire sur la ville. Le vide dégagé par l’ancienne frontière, pour le «patrimoine» historique et culturel qu’il représente devra être protégé, comme une sorte de «vide-monument» dans cette ville qui entretient un rapport si particulier avec ses vides. Préserver l’Empreinte des attaques de la ville alentour qui peu à peu grignote son territoire. Préserver l’Empreinte pour pouvoir, en parcourant ce territoire, sentir l’amplitude de la frontière.

Aujourd’hui effacé par le temps, on pourra, au travers d’actions délicates et localisées, venir «réveiller» le souvenir. Le but n’est absolument pas de transformer cet espace en «jardin du souvenir». Porteurs de nouveaux potentiels, l’enjeux principale sur le site reste bien la promenade de la ville vers la campagne. Il paraît cependant difficile de penser son réaménagement en éludant tout à fait la question de la mémoire. Portée par la forme même du site, la mémoire pourrait apparaître simple-ment par petites touches, comme autant de clins d’oeil. On pourrait par exemple penser à un travail autour des traces et des restes, un travail de recherche et de remise en valeur des objets oubliés là par le Mur et effacés peu à peu par le temps. Ce travail de mise en valeur des indices pourrait prendre la forme d’une grande action collective, portée par les habitants des quartiers alentours.

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chemin de patrouille

Mur extérieur

Mur intérieur

1. Raccorder l’empreinte au Mauerweg

Le Mauerweg, ou «chemin du Mur» est particulièrement apprécié et fréquenté par les berlinois. En reprenant le tracé de l’ancien chemin de patrouille, il permet de faire le tour complet de l’ancienne ville de l’Ouest.

Comme on l’a vu précédemment, le chemin de patrouille est très dégradé au sein de l’empreinte. Il a disparut en de nombreux endroits et oblige souvent les cyclistes à circuler sur la route. L’un des objectifs du projet sera donc d’aména-ger l’ancien chemin de patrouille pour permettre de nou-veau aux promeneurs d’explorer le territoire de l’ancien no man’s land.

Le Mauerweg est aujourd’hui le principal accès au territoire du Mur. En permettant de marcher sur les traces des sol-dats, c’est un symbole important, comme un symbole de liberté.

Autour de la mémoire on pourrait commencer par...

Topographische Stadtplan, DDR Berlin, Potsdam, West-Berlin, 1986

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Le temps passant, la proportion des berlinois ayant vécu le Mur diminue, les traces de son passage disparaissent. S’il est lourd à porté pour ceux qui l’ont vécu, le souvenir du Mur est plus léger à porter pour les jeunes générations, aujourd’hui parfois même désireuses d’en apprendre un peu plus à son sujet. Plutôt que d’appliquer une signalétique officielle, la remise en valeur des indices pourrait se faire par le biais d’une action collective, initiée par la ville, mais por-tée par les habitants eux mêmes. On pourrait par exemple imaginer que cette action s’organise dans les écoles du quartier, comme un cour d’histoire. A la recherche des indices, comme une chasse aux trésor, elle pourrait tout à la fois permettre d’éveiller la curiosité des enfants par rapport à leur histoire, amener les questions, formuler des réponses et détendre les adultes au tra-vers de cette action ludique...

En différents endroits, la ville est venue grignoter l’em-preinte, poser des bâtiments, des bouts de jardins. Sou-vent peu prégnante, l’histoire reprend soudain de la réali-té, de la consistance lorsqu’elle est explicitement écrasée par le présent. C’est aujourd’hui l’absurdité des situations créées qui attire l’attention. Le supermarché ou le jardin, posé en plein milieu du chemin laissent supposer que celui-ci n’est plus utilisé, peut être même qu’on ne veut plus le voir... Ce doit donc être le chemin de patrouille...

Par des interventions qui restent à définir, on pourrait venir mettre en scène, révéler ces superpositions... Peut être un peu comme des sites archéologiques, toutes pro-portions gardées...

2. Révéler les indices...

3. Mettre en évidence les superpositions

1. Repérer les indices, enquête apprentissage et échanges

autour de l’histoire

2. Sortie chasse-aux-trésorsRecherche et mise en couleur

3. Réveil des indices, touches de couleurs ponctuelles, égailler, animer

les paysages

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2. L’EMPREINTE PROMENADE

Circulation linéaire

Diversité végétale

Façade urbaine

SORTIR/ENTRER DANS LA VILLE2

300300 300m900

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En cheminant aujourd’hui au long de l’Empreinte, on remarque bien vite que l’histoire n’y est plus si prégnante. Recouverte au fil du temps par la végétation et réinvestit peu à peu par la population, les paysages de l’Empreinte sont aujourd’hui sup-port à de nouvelles histoires et porteurs d’autres potentiels.

Offrant un accès direct à la nature vers le coeur de la ville, le linéaire de l’Empreinte pourrait aussi devenir un chemin pour sortir de la ville. Sortir de la ville lentement, à pied, par une grande promenade qui relierait le coeur dense de la ville aux paysages ruraux de sa périphérie. Depuis le Mauerpark, se laisser pas à pas guider vers la campagne. Au cours de cette pro-menade, on pourra observer les beautés des différents paysages de l’Empreinte, découvrir la richesse et la diversité de sa végétation.

Au fil du chemin, on pourra aussi observer la ville et la sentir peu à peu disparaître. Il s’agira là de travailler le rapport aux dif-férents paysages urbains, comme autant de décors, sans perdre pour autant cette étrange distance et cet isolement, comme un répit en plein coeur de la ville. Oublier la ville pour tout à coup la redécouvrir, la perdre peu à peu en chemin, lui dire au revoir pour finalement la quitter complètement.

Mosaïque végétaleDiversité des paysages créés par

la végétation spontanée

Décor urbainDiversité des quartiers, multitude de formes urbaine et disparition

progressive de la ville

Façades urbaines

Ville dense

Zones industrielles

Grands ensembles

Pavillons

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Guider la ballade

Pas de jalon, hésitation...

PRINCIPE DE FONCTIONNEMENT

Le jalon donne la direction, il guide et appel

La forme reste à travailler... !

Martha Schwarz, Grand canal square, Dublin Ireland 2007

Arriola&Fiol arquitectes, Nou Barris, Parc de Verrei Amat, Barcelone, 2007

AGANCE TER, The Floorworks, Genève, 2005

Quelques exemples...Qu’il s’agisse des tubes rouges du grand canal, des hautes raquettes de Nou barris ou des étranges lampadaire de Genève, on remarque que pour chacun des projets, ces éléments participent fortement à l’identité du lieu. Ils apportent de la cohérence au projet, ponctuent la promenade et guident le promeneur.

Bien que le site soit comme un couloir, un espace étroit, restreint et compressé par la ville, la compré-hension et la perception de sa linéarité est para-doxalement difficile. Pour signaler la promenade et guider vers les limites de la ville, on devré donc commencer par poser des sortes de «jalons». Ces objets, déposés à certains emplacement clés, servi-ront à indiquer la route, à baliser le chemin. N’étant pas déposés au hasard, il permettront également d’instaurer cette «tension» entre le début et la fin de la promenade, ils sous entendent que le chemin mène quelque part. Ils devront être déposés à des endroits bien choisis pour créer des appels, rappe-ler aux promeneurs qu’ils sont sur la bonne route, qu’ils vont quelque part... La forme de ces «jalons devra également être soigneusement réfléchie pour devenir porteuse d’une part de l’identité du projet.

Promenade et lien ville-campagne

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Le lien au parc naturel

Intrusion campagnarde et outils de gestion...

OU

Projet de remise en service de l’Heidekrautbahn Projet de création de «l’Heidekrautweg»

Que faire de la voie désaffectées de l’Heidekrautbahn ?Les voies ferrées de l’Heidekrautbahn représentent le principal lien entre Berlin et le territoire du parc naturel du Barnim. Le train circule aujourd’hui de la station de Karow sur près de 40 kilomètres jusqu’à Groß Schönbeck. La société d’exploitation de l’Heidekrautbahn dé-sire réhabiliter le tronçon aujourd’hui désaffectée entre Wilhelmsruh et Blankenfelde qui se trouve aujourd’hui dans le territoire de l’Em-preinte. Le projet, présenté en aout 2011, semble compromis par des problèmes de budget. Dans le cas où il serait finalement accepté, on devra trouver un moyen de faire cohabiter la promenade avec le train. Si ce projet est abandonné, les voies pourraient servir de support à une grande piste cyclable, «l’Heidekrautweg», qui permettrait depuis Wilhelmsruh d’atteindre la gare de Schönwalde en moins d’une heure et demi, pour connecter cette nouvelle circulation douce au réseau des trains. Une fois arrivé à Schönwalde, on pourra prendre le train vers le nord ou rentrer à Berlin en longeant par l’est la friche du triangle humide. Cette piste pourrait offrir un équivalent «doux» à la lgne de train déjà existante tout en conectant la promenade à un teritoire plus large.

1

2Dactilys

Solidago

Artemisia

Agropyron

Pour Maintenir l’espace ouvert en certains endroits, il sera nécessaire de penser à la gestion des paysages. On pourra envisager plusieurs solutions, parmi lesquelles l’utilisation possible d’animaux. Les plantes de l’em-preinte, un peu corriaces, devraient d’abord être patu-rées par des chèvres, puis peu à peu, suivant la modifica-tion de la végétion, on pourra introduire des moutons. Il faudra réfléchir au problème des clôtures. Les chiens en promenade peuvent être dangeureux pour les ani-maux. Il seront normalement tenus en laisse seulement détachés dans des «Hündeplatz» ou «place à chiens». La transhumance comme lien symbolique à la campagne...

trans

hum

ance

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3. L’EMPREINTE, NOUVEAU RÉSEAU D’ESPACES PUBLICS

9. La gradation boisée 8. La forêt-tunnel

9. Arrivée à Blankenfelde 9. La surprise DEVIENT ...

Nouvelle séquence

8. La lande aux barres 7. Le parc agricole du Markisches Viertel

6. La Terrasse du Nordgraben

6. La lande industrielle 5. Le parvis des usines5. La Lande douce 4. Le chemin des clairières

4. Entre le cimetière et la gare boisée 3. Le parc de la gare

3. Le poche de la Panke 2. Le salon de la Panke

2. La friche du Triangle humide 1. La prairie du triangle

1. Départ du Mauerpark... Départ du Mauerpark...

TRAVERSER/HABITER3

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LÉGENDE

Milieux ouvert (végétation rase)

Milieux fermé (forêt opaque)

Ville alentour Tissu urbain

Bâtiments dans l’empreinte

Chemin de promenade principal

Mauerweg

Heidekrautweg

Milieux semi-ouvert (végétation arbustive ou arborée aérée)

De la friche du Triangle au village de Blankenfelde, la pro-menade traversera une à une les différentes séquences. Chacune d’elles possède des paysages, un rapport à la ville, une ambiance qui lui est propre. C’est cette diversité qui fait aujourd’hui toute la richesse de l’Empreinte.

Au travers du projet, on cherchera donc à conserver ou à affirmer les caractéristiques paysagères de chacune des séquences. Comme une suite de chambres, les paysages des différentes séquences viendront animer et rythmer la ballade.

On devra également penser la place de chacune de ces séquences au sein des quartiers. Pour que le territoire de l’Empreinte, aujourd’hui régulièrement parcouru, puisse être davantage investi. En s’inspirant des différentes pra-tiques observées sur le site, on essaiera d’imaginer les futurs espaces en fonction des usages qu’il pourraient potentiel-lement accueillir. Concevoir ces nouveaux espaces publics en se basant sur les pratiques. Proposer, inviter puis laisser faire, au gré des nouvelles idées et histoires qu’inventeront les habitants des quartiers...

300300 300m900

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1. La prairie du triangle4,8 hectares

Ébauche d’ambiances et potentiels usages...2. Le salon de la Panke

0,8 hectares

Espace pour les jeunes, type terrain de cross, terrain de sport

longer la rivière

Passerelle, accès au parc de la gare, pour une ballade sous les arbres

Creux, réceptacle, emplie de hauts roseaux

Salon dans le creux, blotti au milieux des roseaux

Espace largement ouvert, observatoire de la ville et échos aux paysage ouverts du nord et multiples usages

Chemin principal, Mauerweg

Zone de protection du lézard des murailles

Empêcher l’accès aux voies de chemin de fer

Place à chiensObligation de penser pour eux un espace à part pour résoudre conflit d’usage existant

Boire une bière dehors entre amis

Promener le chien

Jouer

Faire du vélo

Lire

S’asseoir

Prendre un café

Faire la sieste

Nouveau PARC PUBLIC À NORDBAHNHOF, espace largement ouvert mettant en scène la végétation pionnière

Situé dans le quartier de Kreuzberg ce jarrind partagé fonctionnant sur le principe des Zwischennutzung. Il est donc entretenu et géré par les habitants et attire aux beaux jours un très grand nombre de curieux !

Le café du «PRINZESSINEN GARTEN»

Se promener

Faire du vélo

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3. Le parc naturel de la gare8 hectares

Parc naturel urbain de SCHÖNEBERG SÜDGELANDE dans une ancienne gare désaffectéeEt peut être mettre quelques ruches...Photo Blaise Kormann, tirée du site http://www.illustre.ch

Clairière en face de l’entrée du cimetière

Chemin principalPiste vélo

Fil du chemin

Rideau transparentBoisements clairsex : bouleaux et arbustes

Rideau opaqueBoisement dense

Zone de nature protégée

Espace dégagéParvis de la gare de Schönholz

Ouverture vers le spec-tacle des trains Promener le chien

en famille

Pique-niquer

Faire la sieste

Large ouvertureClairière

4. Le chemin des clairières15 hectares

Place à chiens ?

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6. Le parvis des usines4 hectares

7. La Terrasse du Nordgraben0,7 hectares

City Sqaure Developing, AllesWirdGut Architektur, Esch-sur-Alzette (LU), 2004 Urban dock LaLaport Toyosu, EARTHSCAP, 2-4-9 Toyosu Koto-ku Tokyo, Japan, 2006

Espace parvis minéralBrocante, marché ? Jeux d’enfant, jeux de vélo...Travail du sol et de la signalétique

Ouverture, vertige de la profondeur et perception de l’eauCréer des percées dans l’épais rideau de buissons

Rivière du Nordgrabentrès encaissée

Mise en scène et travail végétation spontannée en lien avec environne-ment industriel (bouleaux et matériaux ? )

Écho ?Rappel à la sortie de la courbe

Parvis de la gare de Wilhelmsruh

Mauerweg

Heidekrautweg ou Heidekrautbahn

Jouer

Se promener

Faire du vélo

Faire du vélo en famille

Chiner

Bavarder dans la rue

Aller/Rentrer du travail

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9. La forêt-tunnel10,7 hectares

8. Le parc du Markisches Viertel6,4 hectares

Power Lines, MARTHA SCHWARZ PARTNERS, Gelsenkirchen, Germany, 1999

Nancy Holt, Sun Tunnels, Utha, 1973-1976

Ouvrir des accès au cimetière

Végétation ouverte

Végétation semi-ouverte

Végétation ferméeboisement dense

Rupture nette a l’origine de l’effet de surprise provoquant l’appel du village

OuverturePoint lumineux

GRA

DATIO

N V

ÉGÉT

ALE

Traitement végétal anonçant le départ vers la campagne

Possible travail d’un motif interessant à voir de haut (depuis le haut des tours) ???

Gérer le pincement du cimetière

Place à chiens ?

Mauerweg

Heidekrautweg ou Heidekrautbahn

Promener le chien

Se promener

Se promener

Faire du vélo

Faire du vélo

Faire de la course à pied

Faire de la marche rapide

Faire du vélo en famille

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10. Et la surprise...

Fin de la ballde aux limites de la ville, il est désormais possible de continuer vers le parc

naturel ou de rentrer à Berlin...

Arrivée au village de Blankenfelde...

«Jalon»écho, fonctionnant comme un appel au sortir de la forêt-tunnel

Marque la fin de la promenade

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CONCLUSIONEn déroulant le fil de l’Histoire, on constate pas à pas que ce territoire de mé-moire, aujourd’hui, raconte d’autres histoires.

En partant de l’histoire, on arrive finalement à la campagne. Sans pour autant éluder tout à fait la question de la mémoire, on devra se baser sur les richesses et potentiels que recèle désormais le territoire de l’Empreinte. Pretexte à la prome-nade, parcourir l’histoire pour découvrir la ville, s’imprégner de la beauté discrète des paysages, pour finalement la quitter et lui faire signe au loin...

En prenant en compte les multiples enjeux qui viennent aujourd’hui se superpo-ser sur ce territoire, le projet devra s’attacher à conserver la poésie de ces espaces. Révéler sans trop exposer, guider sans dicter, inviter sans imposer. Dans la ville, affirmer son statu de «vide-vivant» et laisser, par la suite, à chacun, la liberté de venir, en ce lieu, inventer sa porpre histoire.

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BIBLIOGRAPHIE

Sur BerlinHanns Zischler, Berlin est trop grand pour Berlin, La ville entière, 1999

Werner Szambien, Berlin, une ville en suspens, Norma édition, 2003

Stéphane Duroy, BERLIN ville ouverte, NATHAN IMAGE, 1990

Walter Benjamin, Enfance berlinoise, Éditions Maurice Nadeau, 1988

Jean-Michel Palmier, Retour à Berlin, Petite Bibliothèque Payot/Voyageur 312, 1996

Florence Meyer, Sous Berlin, Revue Urbaine, printemps 2007, n°13, p.16 et 17

Soweit kein Auge reicht. Berliner Panorama-Fotografien aus den Jahren 1949 - 1952, sous la direction de Florian

Ebner et Ursula Müller, Dumont Buchverlag Gmbh, 2008, 184p.

Au temps du Mur Hanns Zischler, Visa d’un jour, CHRISTIAN BOURGOIS ÉDITEUR, 1994

Alex Klausmeier, Wall Remnants - Wall Traces, Leo Schmidt, Westkreuz-Verlag, 2004

Hanns-Hermann Hertle, DIE BERLINER MAUER Biografie eines Bauwerkes, Ch. Links, 2009, 250 p.

Berlin aujourd’huiClaire Demesmay, Qui sont les allemands ?, Hans Stark, Septentrion, 2006

Jovis Verlag GmbH, URBAN PIONEERS, Berlin : Stadtentwicklung durch Zwischennutzung, Senatverwaltung für Stadtentwicklung, 2007

Autour du videFrançois Cheng, Vide et Plein Le langage pictural chinois, Essais Points, 1991

Merleau Ponty, Le Vide et l’invisible, collection Tel chez Gallimard, 1997

Gilles A. Tiberghien, Nature, Art, Paysage, Actes Sud/École Nationale Supérieure du Paysage/Centre du Paysage, mai 2001

LECTURES...

La ville en généralItalo Calvino, Les Villes invisibles, Point, 1996

Thomas Sieverts, Entre-ville, une lecture de la Zwischenstadt, éditions parenthèses, 2004, 188 p.

Terres cultivées, Les Cahiers de l’école de Blois n°9, mars 2011, école Nationale Supérieurs de la Nature et du Paysage, éditions de la Villette

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Développement et histoire de Berlin

www.stadtentwicklung.berlin.de, site de l’urbanisme de la ville de Berlin, visité régulièrement d’octobre 2011 à mars 2012 et plus particulièrement http://www.stadtentwicklung.berlin.de/umwelt/landschaftsplanung/mauergruenzug/, page traitant du développement de la connection verte du Mur, http://www.stadtentwicklung.berlin.de/umwelt/lands-chaftsplanung/chronik/index_fr.shtml, retraçant l’histoire du développement du système berlinois d’espaces libres

RomansPhilip Kerr, La Trilogie berlinoise, Le livre de poche, 2010, 1015 p.

Hanns Fallada, Seul dans Berlin, folio, 2010, 558 p.

ÉtudesBureau d’étude BGMR pour Berlin, Senatverwaltung für Stadtentwicklung, Entwicklungskonzept Mauergrünzug zwis-chen Mauerpark und Naturpark Barnim, Berlin, Décembre 2006

SITES INTERNET

Histoire du Mur

http://www.berliner-mauer-gedenkstaette.de/de/, site d’information sur l’histoire du Mur, les événements et les lieux de commémoration, consulté le 15 novembre 2011, et plus particulièrement, http://www.berliner-mauer-gedenkstaette.de/de/biographien-468.html, page recensant années après années les victimes du Mur, visité en novembre 2011

http://www.chronik-der-mauer.de/, site complet d’information sur le quotidien du Mur de sa construction à sa chute, visité en novembre 2009

Le vide

http://movitcity.blog.lemonde.fr/2011/04/23/la-ville-par-le-vide/, article présentant une réfexion autour des vides urbains, visité en octobre 2011

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ECOUTEÉmission Ville-Monde : Berlin, France culture, 16/10/2011

FILMSWim Wenders, Les ailes du désir (Der Himmel über Berlin), 1987

Les lapins font le Mur – Mauerhase(All., 2009) 51 min. Réal. Bartek Konopka

De pierre et de sang, documentaire diffusé sur France 5 le 13 août 2011 dans le cadre de la commémoration des 50 ans de la construction du Mur

BALLADES ET VISITES BERLINOISES Naturpark Schöneberg Südgelande, Görlitzerpark, Tempelhof, Park am Nordbahnhof,

Gedänkstätte Berliner Mauer de la Bernauerstrasse, Prinzessinen Garten et puis pas mal de promenades au hasard...

Les sources des images sont inscrites directement dessus. Les photos ne portant pas de source sont des photos personnelles.

Cartes en tout genrehttp://www.alt-berlin.info/cgi/stp/lana, site de carte anciennes de Berlin, régulière-

ment visité entre octobre et décembre 2011

http://fbinter.stadt-berlin.de/fb/index.jsp, base de donnée cartographique de la

ville de Berlin, visité régulièrement d’octobre 2011 à fin mars 2012

Le sitehttp://www.gruenzuege-fuer-berlin.de/, site militant travaillant prônant la trans-

formation de l’ancien no man’s land en corridor écologique, le «Mauergrünzug», visité

en septembre 2011

http://www.neb.de/neb_historien.html, site de la société d’exploitation de

l’Heidekrautbahn, la Niederbarnimereisenbahn (NEB), visité en mars 2012

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REMERCIEMENTSMerci à Ingrid Cloos et Christoph Funk du Senatverwaltung für Stadtentwicklung leur aide, à Veronika Csizi et sa famille pour cet échange enrichissant autour de l’histoire et de la mémoire à Berlin, merci à Paul et Christine pour leur aide et leurs précieux conseils.Un grand merci à tous les berlinois pour leur accueil et toutes les aventures, Clara, Charlène, Johnny, à Valou pour son soutien et ses blagues. Merci aussi à Maïté et Guilaine, Manu et Fredérique pour les relectures et autre safaris orthoraphiques et puis à Jean-Christophe Bailly pour la promenade, les taupes géantes de Blanckenfelde, le schetland mathématicien et le reste.

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Au début, cet espace ressemblait à une friche. À une vaste friche triangulaire, enserrée par les rails de S-bahn, dans un quartier résidentiel nord berlinois. En s’y promenant on croise des gens. Riverains promenant leurs chiens ou simples flâneurs venus là profiter quelques instants encore de la douce lumière des fins de journées d’août ensoleillées. Dans ce vide d’environ deux hec-tares, la nature a pris place. La nature urbaine, la nature vagabonde, arrivée là par hasard, aux grès du vent, semée par les oiseaux et les semelles des promeneurs. Dans cet espace, la nature se sent bien. À l’horizon, les arbustes touffus laissent à peine deviner la silhouette de la ville devenue peu à peu si lointaine. Dans cet espace, progressivement, on oublie la ville. Ca et là, les habitants y ont établi leurs quartiers. Au fil des passages, des chemins se sont créés, des chemins de terre battue, dont le tassement et la largeur reflètent les habitudes.

C’est un fragment de campagne comme la ville de Berlin en abrite encore tant. Les vides à Berlin sont fréquents. Caractéristiques de la forme urbaine de la capitale allemande, les vides berlinois, aujourd’hui lieux de vie et d’expression, nous racontent des histoires. Celle de la guerre et de ses bombardements ou celle de la désindustrialisation brutale, c’est bien souvent grâce aux vides que la ville nous laisse lire l’histoire de son passé, tout à la fois riche et tellement tourmenté.

Le vide de la friche du «triangle humide», contient lui aussi son lot d’histoires. Aujourd’hui refuge privilégié pour la faune et la flore berlinoise, lieu de vie et de rencontre, le vide de la friche du triangle nous raconte l’histoire d’une séparation. Situé sur le tracé d’une longue fissure verte qui parcourt aujourd’hui encore la ville du nord jusqu’au sud, cette vaste friche nous donne à lire l’emprise du No mans land qu’enserraient les deux murs.

Dans le centre de Berlin, les vides se bouchent peu à peu. Vingt trois années ont passé et la trace du mûr persiste dans Berlin comme une large plaie que la nature, avec les années, tente de refermer. Ce vide historique, volontairement ignoré durant de nombreuses années, permet aujourd’hui la création progressive d’un nouveau réseau d’espaces publics, transformant l’ancien espace frontière en autant de lieux d’échange vivants.

L’École Nationale Supérieure de la Nature et du Paysage

9 rue de la Chocolateriecs2902

41029 Blois cedextél : +33(0)2 54 78 37 00fax : +33(0)2 54 78 40 70

[email protected]

RÉSUMÉ