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Tous droits réservés © Le Centre de diffusion 3D, 2012 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 28 juil. 2021 18:36 Espace Sculpture The Ungovernables. Occuper le musée The Ungovernables, New Museum, New York 15 février – 22 avril 2012 Laurent Vernet Le grand et le petit monde The Great & the Little World Numéro 101, automne 2012 URI : https://id.erudit.org/iderudit/67481ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Le Centre de diffusion 3D ISSN 0821-9222 (imprimé) 1923-2551 (numérique) Découvrir la revue Citer ce compte rendu Vernet, L. (2012). Compte rendu de [The Ungovernables. Occuper le musée / The Ungovernables, New Museum, New York 15 février – 22 avril 2012]. Espace Sculpture,(101), 31–34.

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Tous droits réservés © Le Centre de diffusion 3D, 2012 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé del’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.https://www.erudit.org/fr/

Document généré le 28 juil. 2021 18:36

Espace Sculpture

The Ungovernables. Occuper le muséeThe Ungovernables, New Museum, New York 15 février – 22avril 2012Laurent Vernet

Le grand et le petit mondeThe Great & the Little WorldNuméro 101, automne 2012

URI : https://id.erudit.org/iderudit/67481ac

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)Le Centre de diffusion 3D

ISSN0821-9222 (imprimé)1923-2551 (numérique)

Découvrir la revue

Citer ce compte renduVernet, L. (2012). Compte rendu de [The Ungovernables. Occuper le musée / TheUngovernables, New Museum, New York 15 février – 22 avril 2012]. EspaceSculpture,(101), 31–34.

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Dans le circuit des biennales etautres manifestations d’art contem-porain, l’édition 2012 de la trien-nale du New Museum détonne. Lesa priori peuvent être nombreuxenvers ces présentations qui tententde faire l’événement dans un calen-drier international de plus en pluschargé : recherche insatiable denouveauté se traduisant par unparti pris pour la production desjeunes artistes ; titres effervescentsou inspirant le renouveau qui serévèlent au final accessoires et quicréent plus de tension que dedialogue entre les œuvres, etc.

Avec ses quelque trente-cinqartistes et collectifs venant departout dans le monde, nés entre1975 et 1985 et n’ayant jamais, pourla plupart, exposé aux États-Unis(pour reprendre la rhétorique du

communiqué de presse), The Ungo-vernables aurait pu tomber dans cepiège. Mais l’exposition de lacommissaire Eungie Joo s’est distin-guée précisément là où la biennaledu Whitney Museum, à l’affiche aumême moment, a erré. ChristianViveros-Faune, du Village Voice, aremarqué que le Whitney a donné àvoir une biennale qui faisait fi ducontexte socioéconomique danslaquelle elle était présentée : « Obviously, neither the global recession nor the Occupy movementwere able to keep the museumfrom feeling roundly self-satisfiedwith the status of its quo 1. » Commesi l’équipe du musée évoluait dansle cube blanc des collectionneurs etdes grandes corporations, commel’évoque le critique.

De la sorte, The Ungovernables selit comme un nécessaire plaidoyerpour la résurgence d’un art contem-porain engagé ; d’une néo-avant-

garde, pour reprendre les mots deHal Foster. L’œuvre d’avant-garde,selon Foster, explore les conventionsdans lesquelles elle s’insère etexprime un rapport de tension entreles forces de l’art et de la vie. Lepréfixe « néo » doit être ici compriscomme un renouvellement descontextes et des questionnements ;d’un renouvellement de son proprerapport à l’avant-garde historique 2.C’est précisément cette idée d’inter-roger la situation actuelle à partird’une perspective historique que Jooa mise de l’avant. Dans le textequ’elle signe dans le catalogue, ellefait d’ailleurs un portrait contextuelde cette génération :

They stem from the unique inhe-ritance of this generation bornfrom the mid-1970s to the mid-1980s–a generation who came ofage in the aftermath of the inde-pendence and revolutionarymovements that promised to

topple Western colonialism butbecame mired in military dicta-torships, the emergence of inte-grated world capitalism, regionaland global economic crises, therise of fundamentalism, andinternational interventions andfailures to intervene 3.

La cohorte d’artistes dans l’expo-sition fut ainsi qualifiée d’ingouver-nable en raison de la pluralité desvoix, des médiums et des approchesqu’elle donne à voir, reflétant ducoup un spectre d’attitudes allant dela résistance à la désobéissance, enpassant par la revendication.

Certains artistes ont exposé larelation de tension entre l’art et lavie par des mises en scène qui ontpris place dans des contextes exté-rieurs au milieu de l’art. TVCCommunism (2011), du collectif ThePropeller Group, fondé au Vietnamen 2006, est une installationcomposée de cinq téléviseurs, qui

ÉVÉNEMENTSEVENTS

OCCUPER le MUSÉE Laurent VERNET

The Ungovernables.

Pilvi TAKALA, Working atDeloitte for a Month (imagetirée de la présentationPowerPoint de 2 minutesdans l’installation). « TheTrainee », 2008. Avecl’aimable autorisation de laGalerie Diana Stigter,Amsterdam.

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Amelia PICA, VennDiagrams (under thespotlight), 2011. Projec-teurs, détecteurs demouvement, texte. Collec-tion : Patricia Phelps deCisneros, New York. Photo :Benoit PAILLEY, 2012.Avec l’aimable autorisationdu New Museum, NewYork.

THE PROPELLER GROUP,TVC Communism, 2011.Installation vidéo à cinqcanaux synchronisés etmoniteur DEL, couleur etson, 5 h 45 minutes (enboucle). Photo : BenoitPAILLEY, 2012. Avecl’aimable autorisation duNew Museum, New York.

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Au centre : Adrián VILLAR ROJAS, A Person Loved Me, 2012.Argile, bois, métal, ciment, styromousse, toile d’emballage,sable, peinture ; arrière-plan (droite) : Danh VÖ, WE THEPEOPLE, 2011. Cuivre martelé. Photo : Benoit PAILLEY, 2012.Avec l’aimable autorisation du New Museum, New York.

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plonge le spectateur dans uneséance de remue-méninges d’uneagence de marketing. The PropellerGroup a demandé à TBWA/Vietnam,le bureau régional d’un géantmondial de la publicité, de pondreune campagne de publicité pour lecommunisme. Traitant de ce conceptcomme de n’importe quel autreproduit de consommation quevoudraient mettre en marché descompagnies comme Apple et McDonald’s (qui comptent parmi les clients de l’agence), les cinqmembres de l’équipe réfléchissent àl’image de marque du communismeen se posant une série de questions :quelle crise est survenue dans lamarque et quand ? Quelles couleurs,quelles valeurs associez-vous aucommunisme ? Le sérieux des protagonistes qui se livrent à l’exer-cice contraste avec l’ironie de lasituation.

Ce dernier constat vaut égalementpour l’installation The Trainee (2008),de Pilvi Takala, qui a infiltré unmilieu professionnel pour mettre enlumière les codes qui régissent lemonde du travail. Pendant le moisoù elle a œuvré dans l’équipe marke-ting de la firme Deloitte, l’artiste a

passé son temps à ne rien faire, demanière ouverte : ses collègues ontpu la voir regarder par la fenêtre,rester simplement assise à sonbureau, ou encore passer unejournée entière dans un ascenseur.Grâce aux images filmées par l’artisteet à des courriels de plaintes de sescoéquipiers, on comprend que laprésence passive de Takala, qui aexpliqué réfléchir, a suscité inconfort,inquiétude et perplexité.

Pour leur part, Iman Issa et DanhVo déjouent le vocabulaire du monu-ment classique pour remettre enquestion sa possibilité dans la sociétécontemporaine. La série « Material »,d’Issa, interroge la plausibilité, pourles citoyens d’une nation, de setrouver des objets de mémoire. À untitre éloquent comme Material for asculpture recalling the destruction of a prominent public monument in thename of national resistance (2010),l’artiste juxtapose des objets concep-tuels : dans ce cas-ci, une structure enbois abstraite sur laquelle est attachéun pompon. Le geste exige de recons-truire le sens, mais cette réflexion serévèle sans fin, voire vaine pourl’individu et, conséquemment, pourla collectivité.

La réalisation de We the People(2011) s’est faite en collaborationavec des ouvriers chinois, à qui Vo ademandé de reproduire une versionen taille réelle de la statue monu-mentale qui incarne symbolique-ment les idéaux de liberté et d’égalitédu projet moderne : la statue de laLiberté de Frédéric Bartholdi.L’œuvre se découvre toutefois enfragments épars, si bien qu’il est diffi-cile d’établir la référence ; on pourraitcroire que Vo s’approprie la manièrede Richard Serra. C’est d’ailleurs peut-être là une faiblesse de plusieursœuvres de l’exposition : ne pouvoirvivre sans texte d’accompagnement.

Il aurait fallu parler de l’immensesculpture réalisée in situ par AdriánVillar Rojas, reliquat d’une périodeindustrielle digne de la science-fiction. Ou encore du diagramme deVenn interactif d’Amelia Pica, cesschémas géométriques tripartis quiétaient interdits lorsqu’elle fréquen-tait l’école primaire en Argentine,parce que ces modèles encourage-raient la division sociale.

La force de ces ingouvernablesréside dans la prise de parole. En cestemps où l’exercice de la démocratieest parfois remis en question, on ne

peut que se réjouir d’une triennalequi fait place aux « 99 % » de la popu-lation et qui démontre que l’art parti-cipe aux débats de la société. <

The UngovernablesNew Museum, New York15 février – 22 avril 2012

Laurent VERNET est doctorant en étudesurbaines au Centre Urbanisation CultureSociété de l’Institut national de la recherchescientifique. Ses recherches portent sur la vie sociale des œuvres d’art dans lesespaces publics montréalais. Depuis 2009, il est agent de développement culturel auBureau d’art public de la Ville de Montréal.

N O T E S 1. Viveros-Faune, Christian (2012).

«Caution: Dead End », The Village Voice(New York), 7 mars. En ligne :http://www.villagevoice.com/2012-03-07/art/the-whitney-biennial-2012-mdash-caution-dead-end/ (consultationle 30 mai 2012).

2. Foster, Hal (1996). « What’s Neo aboutthe Neo-Avant-Garde ». Dans TheDuchamp Effect, sous la direction deMartha Buskirk et Mignon Nixon.Cambridge, The MIT Press, p. 5-32.

3. Joo, Eungie (2012). The Ungovernables.New York, Skira Rizzoli Publications etNew Museum, p. 15.

Iman ISSA, Material for a sculpture commemo-rating the life of a soldierwho died defending hisnation against intrudingenemies, 2010. Lettrageen vinyle, quatre sculp-tures en bois peint, livre vierge avec quatreencarts, socle de boispeint, tablette en boispeint. Photo : BenoitPAILLEY, 2012. Avecl’aimable autorisation duNew Museum, New York.