3

Click here to load reader

Thrombophlébite cérébrale corticale révélant un syndrome de Gougerot-Sjögren primitif

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Thrombophlébite cérébrale corticale révélant un syndrome de Gougerot-Sjögren primitif

Presse Med. 2013; //: /// en ligne sur / on line onwww.em-consulte.com/revue/lpmwww.sciencedirect.com

Lettre à la rédaction

Pour citer cet article : Aïm-Eusébi A et al., Thrombophlébite cérébrale corticale révélant un syndrome de Gougerot-Sjögren primitif,Presse Med (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2012.12.008.

Thrombophlébite cérébralecorticale révélant un syndromede Gougerot-Sjögren primitif§

Primitive Gougerot-Sjögren syndrome revealedby a cortical cerebral thrombophlebitis

Une atteinte neurologique est retrouvée dans 10 à 60 % dessyndromes de Gougerot-Sjögren primitifs, avec des présenta-tions très polymorphes, pouvant toucher aussi bien le systèmenerveux périphérique que le système nerveux central [1].D’ailleurs, le diagnostic différentiel principal du syndromede Gougerot-Sjögren est la sclérose en plaques (16 % despatients hospitalisés dans un service de neurologie lilloispour une sclérose en plaques avaient un syndrome deGougerot-Sjögren [2]).Si une méningite panachée [3] ou une atteinte des nerfscrâniens [4–8] sont bien décrites, une révélation par un infarc-tus veineux du à une thrombophlébite cérébrale associée à uneméningo-radiculite est une présentation exceptionnelle, dontnous rapportons ici une observation.

Observation

Une jeune femme de 23 ans, d’origine sénégalaise, née enFrance, sans antécédent particulier en dehors d’un phénomènede Raynaud depuis l’enfance, consultait une première fois auxurgences le 15 octobre 2011 pour des céphalées intensesassociées à des vertiges. Devant un examen clinique stricte-ment normal, la patiente rentrait à domicile avec une pres-cription de paracétamol à visée antalgique (aucune prised’AINS). Elle se présentait à nouveau, le 25 octobre, pourl’apparition progressive d’une adénopathie inguinale droiteindolore, mobile, non inflammatoire. La patiente était apyré-tique, l’examen clinique était normal par ailleurs, ainsi que labiologie. Il lui était alors prescrit un scanner abdomino-pelvienà faire en externe et elle retournait à domicile.Mais une première crise d’épilepsie partielle motrice, secon-dairement généralisée, la conduisait à nouveau aux urgencesle 30 octobre. À l’arrivée, la patiente était apyrétique etprésentait une diminution de la force motrice du membre

§ Présentation au 65e congrès de la SNFMI, Paris, du 13 au 15 juin 2012, sous forme deposter.

tome // > n8/ > /

supérieur gauche cotée à 3/5. Le scanner cérébral, retrouvaitune hypodensité fronto-pariétale droite. Dans ce contexte, untraitement antiépileptique était débuté et la patiente étaithospitalisée en unité d’hospitalisation de courte durée pourune surveillance rapprochée.Le lendemain, un syndrome méningé franc était noté, ainsiqu’une fièvre à 40 8C associés à une paralysie du VI droitpuis gauche, une aggravation du déficit moteur du membresupérieur gauche avec paralysie complète, et une paralysiefaciale périphérique droite. L’examen clinique était normal parailleurs, avec absence de lésion cutanée, articulaire, oud’adénopathie. La patiente était transférée en réanimationdevant l’aggravation soudaine du tableau clinique, puis rapi-dement transférée dans le service de médecine interne.L’IRM cérébrale, réalisée en urgence avec séquences T1, T2FLAIR, T2* et diffusion, trouvait une plage d’anomalie de signalcortico-sous-corticale fronto-pariétale supérieure droite enhyposignal T1, hypersignal T2, et hyposignal T2* pouvanttémoigner d’une note hémorragique, avec oedème en regard(figure 1), sans rehaussement significatif à l’injection de gado-linium. Cette lésion était d’interprétation difficile et plusieurshypothèses (une tumeur cérébrale, une étiologie vasculaireou infectieuse) étaient avancées à ce stade par les radiologueset les cliniciens, sans certitude. La ponction lombaire révélaitune méningite panachée aseptique normoglycorachique(750 éléments/mm3 dont 43 % de neutrophiles et 55 % delymphocytes, protéinorachie 1,6 g/L, glycorachie 0,5 g/L pourune glycémie à 0,8 g/L, examen direct et culture bactériolo-gique négatifs). L’ionogramme sanguin était normal en dehorsd’une hyperprotidémie à 90 g/L (hypergammaglobulinémiepolyclonale à 23 g/L sur l’électrophorèse des protéinessériques). La NFS retrouvait une anémie microcytaire (Hb8,5 g/dL, VGM 75fl) d’allure inflammatoire (CRP 46 mg/L),des leucocytes à 9200/mm3 avec une lymphopénie à 690/mm3 (PNN 7380/mm3). Dans le même temps, un scannerthoraco-abdomino-pelvien, réalisé à la recherche d’adénopa-thies profondes, ne retrouvait que des adénomégalies intra-abdominales infra-centimétriques.La patiente était initialement traitée par amoxicilline, genta-micine et aciclovir en intraveineux, dans l’hypothèse d’uneméningo-encéphalite à Listeria monocytogenes ou Herpèsvirus. Cependant, l’étiologie infectieuse était rapidementécartée et une cause auto-immune évoquée devant des anti-corps antinucléaires positifs au 1/1280 (fluorescence mou-chetée) de type SSA et SSB, et une thyroïdite d’Hashimoto

1

LPM-2202

Page 2: Thrombophlébite cérébrale corticale révélant un syndrome de Gougerot-Sjögren primitif

2

[(Figure_1)TD$FIG]

Figure 1

IRM cérébrale retrouvant un infarctus veineux : lésion en hypersignal T2 FLAIR (a) avec un oedème en regard, et en hyposignal T2* (b)témoignant d’une note hémorragique, avec hypersignal en diffusion (c)

Pour citer cet article : Aïm-Eusébi A et al., Thrombophlébite cérébrale corticale révélant un syndrome de Gougerot-Sjögren primitif,Presse Med (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2012.12.008.

Lettre à la rédaction

(TSH 590 mUI/L, T4L 2,7 pg/mL, avec anticorps anti-TPO posi-tifs). La patiente recevait alors rapidement trois bolus decorticoïdes en intraveineux à la dose de 15 mg/kg, relayéspar une corticothérapie orale à 1 mg/kg par jour. Une supplé-mentation en hormones thyroïdiennes par du LevothyroxW

associé à du CynomelW était débutée en raison de l’importancede l’hypothyroïdie.Dans le même temps, une deuxième IRM cérébrale avecséquences T1, T2 FLAIR et une angio-IRM temps veineux,permettait de mettre en évidence une thrombophlébite

cérébrale corticale après relecture spécialisée, la lésioncérébrale initialement décrite correspondant à un infarctusveineux secondaire. Un traitement anticoagulant à doses cura-tives était alors instauré (le bilan de thrombophilie reviendranégatif, comprenant la recherche d’un anticoagulant de typelupique, les anticorps anticardiolipides IgM et IgG, anti-phos-pholipides et anti-b2GP1).La fraction C3 du complément était abaissée à 0,5 g/L avec unefraction C4 à la limite basse (0,1 g/L) mais un CH50 normal(568 UCH100/mL). Les anticorps anti-ADN natifs, anti-Sm et

tome // > n8/ > /

Page 3: Thrombophlébite cérébrale corticale révélant un syndrome de Gougerot-Sjögren primitif

Pour citer cet article : Aïm-Eusébi A et al., Thrombophlébite cérébrale corticale révélant un syndrome de Gougerot-Sjögren primitif,Presse Med (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2012.12.008.

Lettre à la rédaction

anti-nucléosome étaient négatifs, avec absence de cryoglobu-line. La biopsie des glandes salivaires était de stade III selon laclassification de Chisholm, l’examen ophtalmologique retrou-vait une kératite et un test de Shirmer positif, confortant lediagnostic de syndrome de Gougerot-Sjögren, alors que lapatiente ne rapportait aucun signe fonctionnel de sécheressebuccale, ophtalmologique ou vaginale.Devant la gravité du tableau clinique, la corticothérapie étaitrenforcée par des bolus de cyclophosphamide (EndoxanW)à 0,7 g/m2 toutes les quatre semaines (pour un total desix cures), associés à l’hydroxychloroquine (PlaquenilW) aulong cours.L’évolution clinique était rapidement favorable sous traite-ment, avec disparition de la paralysie faciale et du VI gauchedès le deuxième jour des bolus, du déficit moteur à 15 jours etenfin du VI droit à deux mois, avec un recul de six mois.L’exploration du complément à distance de la poussée (endécembre 2011) a mis en évidence un déficit isolé du C3(530 mg/L pour des normales entre 660–1250 mg/L) faisantdiscuter un déficit congénital en C3 (sous réserve de l’absencede recherche de C3 Nef et de mutations en biologie molécu-laire). Ainsi, la baisse du C3 au moment de l’épisode dethrombophlébite cérébrale n’était pas due à une consomma-tion des protéines du complément à l’occasion d’une poussée.

Discussion

Cette observation rapporte un cas de thrombophlébite cérébralecorticale avec infarctus veineux, associée à une atteinte péri-phérique des nerfs crâniens (VI et VII) révélant un syndrome deGougerot-Sjögren primitif. La thrombophlébite a très certaine-ment été favorisée par la méningite aseptique, évoluant depuisau moins 15 jours. La localisation corticale des thrombophlébitesest difficile à mettre en évidence en imagerie, d’où l’intérêt derépéter les explorations et les interprétations.Dans le cadre du diagnostic différentiel, un lupus a été évoqué,notamment devant la baisse initiale du C3 : mais la négativitédes anticorps anti-ADN natif, anti-Sm et anti-nucléosomes n’apas fait retenir ce diagnostic, de plus il s’est avéré a posteriorique la patiente présentait probablement un déficit congénitalen C3 puisque la baisse persiste en dehors des poussées. Unsyndrome des anti-phospholipides a également été écarté.La patiente n’avait pris aucun traitement (ni AINS, nicotrimoxazole. . .) pouvant faire évoquer une méningiteaseptique médicamenteuse. Quant à l’encéphalopathie d’Has-himoto, les troubles cognitifs et du comportement sont habi-tuellement au premier plan et quasi constants.

tome // > n8/ > /

Cette atteinte neurologique du syndrome de Gougerot-Sjögrenprimitif est sévère, engageant le pronostic fonctionnel et vitald’une jeune patiente, et justifiant une immunodépressionlourde avec bolus de corticoïdes et cyclophosphamide.À notre connaissance, il s’agit du premier cas rapporté dans lalittérature.

Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflitsd’intérêts en relation avec cet article.

Références[1] Delalande S, De Seze J, Fauchais AL, Hachulla E, Stojkovic T, Ferriby D

et al. Neurologic manifestations in primary Sjogren’s syndrome: a studyof 82 patients. Medecine 2004;83:280-91.

[2] De Seze J, Devos D, Castelnovo G, Labauge P, Dubucquoi S, Stojkovic Tet al. The prevalence of Sjogren syndrome in patients with primaryprogressive multiple sclerosis. Neurology 2001;57:1359-63.

[3] Moutaouakil F, El Moutaouakil B, Fadel H, El Ouafi N, Abdoh Rafai M, ElMoutaouakil B et al. Aseptic meningoencephalitis in primary Gougerot-Sjogren’s syndrome. Rev Neurol (Paris) 2005;161(12 Pt 1):1225-7.

[4] Mori K, Lijima M, Koike H, Hattori N, Tanaka F, Watanabe H et al. Thewide spectrum of clinical manifestations in Sjogren’s syndromeassociated neuropathy. Brain 2005;126:2518-34.

[5] Amoura Z, Lafitte C, Piette JC. Gougerot-Sjögren syndrome: neurologiccomplications. Presse Med 1999;28(33):1820.

[6] Mellgren SI, Göransson LG, Omdal R. Primary Sjögren’s syndromeassociated neuropathy. Can J Neurol Sci 2007;34(3):280-7.

[7] Chai J, Logigian EL. Neurological manifestations of primary Sjogren’ssyndrome. Curr Opin Neurol 2010;23(5):509-13.

[8] Birnbaum J. Peripheral nervous system manifestations of Sjögrensyndrome: clinical patterns, diagnostic paradigms, etiopathogenesis,and therapeutic strategies. Neurologist 2010;16(5):287-97.

Amélie Aïm-Eusébi1, Redouane Bakir1, Claire Elzière2,Aïcha Boussadia1, Jean-Luc Delassus1, Marie-Anne Bouldouyre1

1Service de médecine interne et de maladies infectieuses,centre hospitalier Robert Ballanger, 93603 Aulnay-sous-Bois,

France2Service de neurologie, centre hospitalier intercommunal Robert

Ballanger, 93603 Aulnay-sous-Bois, France

Correspondance : Marie-Anne Bouldouyre,Service de médecine interne et maladies infectieuses,

centre hospitalier Robert Ballanger,1, avenue Robert-Ballanger, 93603 Aulnay-Sous-Bois,

[email protected]

Reçu le 27 août 2012Accepté le 20 décembre 2012

� 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservéshttp://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2012.12.008

3