48

Toi + Moi : seuls contre tous, vol. 2 (French Edition)ekladata.com/jC1hCeuOSaYPIZFtZ79eMTP5EsQ/TM_-_T2.pdf · Jusqu'où sera-t-elle prête à aller pour réaliser tous les fantasmes

  • Upload
    trandat

  • View
    224

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Egalementdisponible:

Les100FacettesdeMr.Diamonds

"Unesagatorridequiferaoubliertouteslesautres:CinquanteNuancescommeToutcequ’ilvoudra!"

Tapotezpourvoirunextraitgratuit.

Egalementdisponibleettéléchargeabledansvotremagasin:

MrFireetmoi

LajeuneetjolieJuliaestàNewYorkpoursixmois.Réceptionnistedansunhôteldeluxe,riendemieuxpourparfairesonanglais!Àlaveilledesondépart,ellefaitunerencontreinattendue:lemultimilliardaireDanielWietermann,aliasMisterFire,l'héritierd'unegrandemarquedejoaillerie.Électrisée,ellevasesoumettreàsescapriceslesplusfousetpartiràlarencontredesonpropredésir...Jusqu'oùsera-t-elleprêteàallerpourréalisertouslesfantasmesdecethommeinsaisissable?

Tapotezpourvoirunextraitgratuit.

Egalementdisponible:

Alui,corpsetâme

"SansaucundouteleplusgrandromanérotiqueparudepuisCinquanteNuancesdeGrey"

Tapotezpourvoirunextraitgratuit.

Egalementdisponibleettéléchargeabledansvotremagasin:

Mords-moi!

Lemondesedivisedésormaisentremortelsetvampires.Lasociétésembles’êtreadaptéeàlacohabitationdesdeuxespèces,maislesméfiancespersistent.Unenuit,unegrosseberlineroulantàviveallurerenverseHéloïse,unejeunefemmede22ans.L'hommequiensort,visiblementpressé,s’emparedesoncorpsetletransportejusqu'àsavoiture.Cethomme,c'estGabriel,unmagnifiqueetmystérieuxvampire.Héloïsevadevoirresterchezluijusqu'àlanouvellelune,27joursplustard.Unerelationsensuelleetfascinante,contéeavectalentparSiennaLloyd.Unlivretroublantetenvoûtant,àlacroiséedeTwilightetCinquantenuancesdeGrey!

Tapotezpourvoirunextraitgratuit.

EmmaGreen

TOI+MOISEULSCONTRETOUS

Volume2

1.Toutplaquer

–Vadim,çava?!MaisBasile,tuesmaladeouquoi?!–Alma,tuvoiscequejevois?!Maisregarde!hurlemonfrèreàtraverssachambreenpointant

l’écrandesonordinateurdudoigt.–Tun’étaispasobligédelefrapper,espècedetaré!–Jeviensderecevoirunephotodemasœuràmoitiédéshabilléeetjenedoispaslefrapper?Je

devraisletuer,oui!Jevaisletuer!enrage-t-ilàensejetantànouveausurVadim.

Jem’interposecommejepeuxentrelesdeuxgarçonsauxcorpslourdsetauxmusclestendus.Monfrèreaînéestplutôtfluet,grandetsec,maissarageenfaitunebouledenerfsprêteàexploser.Vadimaquelquescentimètresdeplus,desbicepsbienplusgrosetunecarruredeuxfoispluslarge,maisilsembleàmoitiéparalysé.Parlechocdel’image,parlecoupqu’ilareçuoupeut-êtreparlerespectqu’ildoitàunLancaster sousson toit. Jenesaispas. Jevoisbienqu’il se retient.Quand il réussitenfin à empoigner Basile et l’immobiliser, leurs voix se mélangent dans un désordre bruyantd’insultesetdemenacespresqueincompréhensibles.Let-shirtdeVadimenserrédansmonpoingetmonautremainessayantdeseposersurlabouchedemonfrèrepourlefairetaire,jecontinueàfairebarragedemoncorpsfrêlepourlesséparer.

Complètementinutile.Etparfaitementridicule.

Monpèreaccourtàl’étageetfaitirruptiondanslachambre,suivideprèsparuneLilysurexcitéepuisparmamèreessoufflée.

–Qu’est-cequec’estquetouscescris?– Ce n’est rien,monsieur. Un petit différend entre votre fils etmoi. Vous savez, la passion du

cinéma… lance Vadim sans attendre, en lâchant mon frère et en se plaçant discrètement devantl’ordinateurallumé.

– Basile, tu vas me faire le plaisir de respecter notre invité et de te faire entendre avec desargumentsplutôtqu’avecdescrisdebêtesauvage,grondemonpère,sourcilsfroncésendirectiondesonfilsaîné.

–Enfin,lesgarçons,vousêtestropgrandspourcesenfantillages,tempèredoucementmamère.–Benquoi?Allez,unpeud’action!s’amuseLilyenfaisantcourirsonregarddel’unàl’autreet

ensautantsurplace.– Tout va bien, on va baisser d’un ton, désolée de vous avoir dérangés, bredouillé-je en me

rapprochantdeBasilepourl’empêcherdecommettrel’irréparable.

Mesyeuxlesupplientdegardercesecretpourlui.Toutmonvisagesecrispepourimplorersonindulgence. Jemetsdansmon regard tout l’amourd’une sœur, toutes lespromessesqu’onapu sefaireet tousnossouvenirsd’enfancecapablesd’acheter sonsilence.Monfrèrearrangesoncoldepoloretroussédanslabagarre,tiresursonpullfroisséetparleenfin.Moncœurestprêtàexploser.

–C’estbon,jemesuisemporté.Riendegrave.

Jesuispersuadéequ’iln’apascédépourmefaireplaisiroumeprotéger.Ilajusteétévexéparlesreprochesdemonpèreetavoululuiprouverqu’ilpouvaitsecomporterenadulte.Êtreunhomme,unvrai.C'est-à-dire,selonlecodeLancaster:uncérébralauxbonnesmanièresetaudiscoursquifaitmouche, capable de semaîtriser, de ne jamais s’abaisser auniveaude ses adversaires impulsifs etsanscerveau.CommeVadimArcadi.

VadimArcadiquivientdemesauverlavie.Etquisouritdetoutessesdentsàmesparentsentraindes’éclipser,etquienrajouteuneultimecoucheendonnantunetapeamicalesurl’épauledeBasile.

Jenesaispassic’étaitnécessaire…

–MercimonsieurLancaster !dit-ildansun françaisà l’accentexagéré, toujoursentre la faussegratitudeetlavraieinsolence.

–Cen’estpaspourtoiquejel’aifait,Arcadi.Maintenanttuvasarrêterdefairelemalinettuvast’expliquer.

–Jen’aiaucuneexplicationàdonner.–Tupeuxrépéter?s’énerveànouveaumonfrère.–Sérieusement,jenepeuxpasl’expliquer.–C’estbiencheztoi,là?!–Oui.–Ettuvasmedirequetunesaispascommentc’estarrivé?–Laphotoaétéprisedepuislarue,pasdansmonappart,Sherlock.–Jeseraistoi,jechangeraisdeton,JamesDean!–Oubienquoi?Tuvasm’encollerunautre?Ouappelertonpèrepourluiraconter?Outoustes

copainspourmetabasser?Tunepeuxpasbalanceruntruccommeçasurtasœur.–Sij’aireçulaphotoparmail,elleapeut-êtredéjàfaitletourducampus,abruti!–Oupeut-êtrepas.Vu la légende,celuiqui t’aenvoyéça teconnaît toi, imbécile.«Surveille ta

sœur»,çan’arienàvoiravecmoi.–«Honteà la familleLancaster», çaconcernequi, à tonavis?Tusaisis lemessage,Arcadi?

C’estlahonted’êtrevuavectoi.Aucunefillenormalenepourraitvouloirdetoi.–Cen’estpascequepenseAlma,jecrois.–Ah, vous vous êtes souvenus que j’étais là ! interviens-je enfin, passablement agacée par leur

petitejouteverbale.–Et toi, tune saispasnonpluscomment tuasatterri chez lui enpleinenuit ?Comment tu t’es

retrouvéeàmoitiéàpoildevantsafenêtre?–Çaneteregardepas,Basile.–Apparemmentsi,Alma!colèremonfrère.–Maisc’estquoi,votreproblème?Pourquoiaucundevousdeuxnechercheà savoirqui apu

prendrecettefoutuephoto?Quiapusavoirquej’étaislà.Entraindefaireça…–C’estsimple,àquivousl’avezdit?Quevousalliezchezlui,prononce-t-ilavecunairdedégoût.–Personne,répondVadimdutacautac.–Clémentinesavait,rectifié-jeaussitôt.Maiselleneferaitjamaisça.

EtFelixAlonsoétaitlàjusteavant…

LedireàhautevoixreviendraitàtrahirVadimdevantmonfrère.

Jenepeuxpasluifaireça.

–Alorsqui?reprendBasilelesdentsserrées.

Vadimmefixeintensément.Jesaisqu’illitdansmespensées.Ouqu’illesadevancées.Jesaisquenous pensons à lamême chose en cemoment, en tout cas à lamêmepersonne.Nous n’avons pasbesoindenousparler.Jedevinequ’ilm’estreconnaissantdenepasenparler.Etjedevineaussiqu’ilestdéjàentraindemereprocherd’yavoirjustepensé.

–Ilsefaittard,jevaisyaller.–Quoi?–Jet’appelle,Alma.

Jeleregarde,hébétée,allerramassersonperfectodansmachambrepuisdévalerlesescaliers.Jel’entendssaluerpolimentàGeorgiaetclaquerlalourdeportedelavilla.Envolé.

J’ai guetté un signe sur mon portable toute la soirée. J’ai laissé Basile me faire la morale etinventer des scénarios rocambolesques sur l’affaire de la photo volée. J’ai écourté le dîner dudimanchesoirenfamille,aprèsavoirétéassailliedequestionssurmonnouveaucamaradedeclasse.Et surmes « projets » avec TimothyWallace. Et je suis retournéem’enfermer dansma chambre,officiellementpourrévisermescours,officieusementpourpouvoirêtreseule.Réfléchir.Repenseràla venue deVadim dansmonmonde.Venue qui a simal commencé.Qui s’est prolongée en rêveéveillésurlamoquette.Etquiatournéaufiasco,mêmesilepireasansdouteétéévité.Repenseràcettefollenuitpasséeensembledanssonstudio.Cettenuitquiauraitpuêtrelaplusbelledemavies’iln’yavaitpaseucettehistoiredephoto.EtledépartprécipitédeVadim.Jesuismortifiée.Iln’estmêmepasdemoncôté.

[Arcadius:Alma,tueslà?]

La fenêtre clignote au milieu de mon écran alors que je suis connectée en « masquée » à lamessagerieinstantanée.

[Alma_83:Jenesaispas.Toi,entoutcas,çafaitlongtempsquetuesparti.]

Mesdoigtstapenttoutseuls.Jevoudraisqu’ilmerassure,qu’ilrevienne,qu’ilmeprennedanssesbras.Pourtant,jen’arriveàluiécrirequedesreproches,jenepensequ’àsafuite,àsalâcheté.

[Arcadius:Ilvalaitmieuxquejeparte.][Alma_83:Oui,c’étaittellementplusfacile…][Arcadius:Non.UneminutedeplusettuallaisprononcerleprénomdeFelix.Jenel’auraispas

supporté.Tonfrèreauraitjubiléetonn’auraitjamaispluspuluienlevercetteidéedelatête!][Alma_83:Tuesprêtàtoutpourprotégertoncopain!Maismoi?][Arcadius:Cen’estpasluiAlma.Çanepeutpasêtrelui.][Alma_83:Maisilétaitlà!Justeavantqu’onaillecheztoi.Iln’yaqueluiquisavait!][Arcadius :C’estmonmeilleurami, je lui faisconfiance.Maisçac’estquelquechoseque tune

connaispas…][Alma_83:Jedevraistefaireconfiancealorsquetumelaissesenplanàlapremièredifficulté?

C’estmoisurcettephoto,Vadim!Moiquisuisàmoitiénue.Monfrèrequ’onvientd’humilier!][Arcadius:Alorsilavaitraison.Tuashonted’êtrevueavecmoi.][Alma_83 : Oui ! J’ai honte d’être vue en train de coucher avec toi ! C’est si difficile à

comprendre?][Arcadius :Non…Jevoulais tellementquecesoitparfait…Cettenuit-là…Putain,si j’attrapele

mecquiafaitça!]

Moncœursesoulève.

Touscespointsdesuspensionquiendisentlong.

[Alma_83:Mercidemedireça.Enfin.][Arcadius:Alma…][Alma_83:Quoi?][Arcadius:Rien.Jenesuispasl’enfoiréquetucrois…][Alma_83:Toinon,maistoncopainFelix…]

J’ajouteunsmileypourremettrediscrètementlesujetsurletapis.QuandVadimArcadis’adoucit,jeneveuxpasenperdreunemiette.Ilyatantdechosesquej’aimeraisqu’ilmedise…

[Arcadius:Maispourquoiilferaitça?][Alma_83 : Parce qu’ilme déteste, depuis le premier jour où ilm’a vue. Parce que je suis une

gossederichesettoutcequ’iln’aimepas.Etparcequejeluivolesonmeilleurami,parcequetuneseraspluslàpourluisituesavecmoi.]

[Arcadius:Alma,jesuisavectoi?Onestensemble?Merde,onestquoi,toietmoi?]

Questionpiège!

[Alma_83:Onest…Jenesaispas.Toi+moi?][Arcadius:Toi+moi+Tim.Ilyaquelqu’unentrop,là.][Alma_83:Timetmoi,c’estpresqueterminé.Jesuissûrequ’illesait.Ilfautjustequej’arriveà

luiparler.Demain.Promis.Justetoi+moi.][Arcadius:Etjevaism’occuperdecepaparazzi.][Alma_83:Tupensesàqui?][Arcadius:J’aiquelquesidées:onapeut-êtreétésuivis.ParTimothys’ilavaitdesdoutessurtes

mensonges?Parundesespotesquivoulaitjustevenirmedirederesteràdistanceetquit’atrouvéelà.OuAbrams,sinon?Imagine:ilvoulaitmefaireunsermon,ilsepointechezmoietiltombesurtoi.Ilaimecequ’ilvoit,ilphotographie.Etpuisilapeurquetuluiéchappes,ilenvoieçaàtonfrèrepourqu’ilteremettesurledroitchemin.Etquetun’aiesd’yeuxquepourluiànouveau.]

[Alma_83:N’importequoi!Ilm’aimebien,ilm’aprisesoussonaile,c’esttout.][Arcadius:Tunesaispasl’effetquetuassurlui,Alma.][Alma_83:Queleffetj’aisurtoi?][Arcadius:Vautmieuxquetunelesachespasnonplus…]

Encoredespointsdesuspension.

Encoredesproblèmesavecmonrythmecardiaque.

[Alma_83:Ousinonquoi?][Arcadius:Ilfautquej’yaille.BonnenuitAlma.:)][Alma_83:Non,attends!][Arcadius:Jevaispenseràtoi…]

Encoreenvolé.

Vadims’estdéconnectésansmelaisserletempsderépondre.Sansmelaisserletempsderespirer.D’absorbercettedernièrephrase.Etderéaliserquemoncœurs’estarrêté.

C’estgrave,docteur?

Dimanchesoir:jenelereverraipasavant…lundi.Àpeuprèsuneéternité.Jevaispenseràluiànepaspouvoirendormirdelanuit.

Àlafac,celundimatin,j’arrivesurlecampusenrasantlesmurs.J’observelesregards,pourvoirsi j’y trouve quelque chose de différent. Une trace de la photo compromettante dans des airsmoqueurs,suspicieux,réprobateurs,vicieux…Rien.JeparsàlarecherchedeTimothyavantledébutdescours.Vite.Avantqu’onluiparle,qu’ilapprennelarumeur.Avantdeneplusavoirlecouragedeluiparler.Luiapprendrecequej’aidécidé.

Timencaissesansbroncher.Sonregardestdur,noir.Ilaunmouvementdereculquandjetentedeluitoucherlebraspourl’apaiser.Iln’apasprononcéunmotdepuisquej’aicommencélediscoursquej’avaisrépétédansmatête.C’estmoi,paslui.Besoindeliberté.Demeretrouver.Pasàmaplace.Resteramis.Ilsortenfindesonsilencepourprononcerlaphrasequejeredoutaisleplus.

–C’estVadimArcadi?–Maisnon,Tim,c’est…– Ne me prend pas pour un con, Alma. Il paraît qu’il était chez toi hier, m’interrompt-il

froidement.–Oui,c’estmonbinômedetravail.Jenetel’aijamaiscaché.–Tum’ascachéquetul’avaisinvité.–Tuvois,c’estçaquejenepeuxplussupporter.Tumesurveilles,tum’étouffes.Jedoistoujours

mejustifier.–Jetesurveilleparcequetufaisn’importequoi!Tusècheslescours,turentrestard,tumemens,

tudorsonnesaitoù.Tunet’habillespluscommeavant.Mêmetafaçondeparlerachangé.–Turacontesn’importequoiparcequetuesénervéetvexé.Tim,jesuisdésolée,jenevoulaispas

teblesser.–J’enairienàfaire,j’allaisrompreavectoidetoutefaçon.Tucroisquej’aienvied’avoirune

copinequisecomportecommeça?Jepassepourquoi,moi?Toutlecampusparledanstondos.Tusaiscequiseditsurtoi?

–Jem’enfous,j’enaimarredecesgamineries!Vouspouveztousdirecequevousvoulez.Vousn’avezriend’autredansvosvies.

Laphotomerevientenmémoire.Commeunflash,terrible,commesielleétaitaffichéeenpostergéantàl’entréedelafac.Quisait?Quil’avue?Quil’aprise?

–Réfléchisbien,Alma.Auxconséquencesdetesactes.Surtoimaissurtafamilleaussi.–Tu es pire quemonpère etmon frère réunis.Vous essayez deme dicterma conduite, deme

mettrelapression,dem’enfermer!–Oui,parceque tuaschangédepuisque tu traînesavec« lui», répondTimothyencrachantce

derniermotcommes’illuibrûlaitlalangue.–Peut-êtrequej’aienviedechanger!–Écoute-moi bien,Alma, dit-il un tonplus bas, en s’approchant demoi et enm’empoignant le

bras.Sij’apprendsqu’ilsepassequelquechoseentrevous,sij’entendsdeschosesquinemeplaisentpas…

–Lâche-la,résonneunevoixderrièremoi.

Cettevoix.Savoix.Unmélangedenonchalanceetdevirilité.Graveetdouce.Chaudeetposée.Unevoixquin’apasbesoindecrierpoursefaireentendre.Unevoixquin’apeurderien.

Unevoixquivoleàmonsecours.

–Qu’est-cequetuveux,toi?rétorqueTimagressivementenmetenanttoujourslebras.–Jetel’aidit.Lâche-la,Wallace,répèteVadimtoujoursaussicalme.–C’estunemenaceArcadi?Tupréfèresquejemettemesmainssurtoi?–Oui,bonneidée.Onpourraitseserrerdanslesbras.–Oujepourraistedéfigurerpourneplusvoirtasalefacedanslesparages.–Ça ne changerait rien au fait qu’Alma ne veut plus voir la tienne.Donc tu vas être un gentil

garçon et la lâcher.Mais je comprends,mon pote, se faire larguer c’est difficile à avaler. Surtoutquandoncroitqu’onestunmecpopulaire, irrésistible, tout ça.Etquandonauncerveauatrophiécommetoi,forcément,çadonneenviedecogner.Maisprendsunadversaireàtataille,Musclor,onvapluss’amuser.

Timothydevientunpeuplus rouge à chaquemotprononcéparVadim. Jevoudraisqu’il arrête,maisjenepeuxpasm’empêcherderessentirunepointed’admiration,defierté.Etdepeuraussi,envoyantuneveinegonflersurlefrontdeTimetseszygomatiquesprêtsàexploser.

–Faisgaffe,Wallace,tudeviensmochequandtuesénervé.Moijedisça,c’estpourtoi.Situveuxteretrouverunecopine,quoi.

Cette fois,Timne le laisse pas continuer. Il se jette surVadim commeunbélier, enfonçant soncranedansleperfectouséquifaitunmaigrebouclier.Lesdeuxgarçonsroulentparterreetuncerclede curieux se forme presque immédiatement autour d’eux.Certains tentent des approches pour lesséparer, lesbasketteurshurlentdesencouragementsdébilesàleurcapitaine, lesfillessecachentlesyeuxmaisprofitentquandmêmeduspectaclederrièreleursdoigtsentrouverts.Jeregardeautourdemoi à la recherche d’un gars assez costaud et pas trop idiot qui pourrait les arrêter. La lutte estviolente,maisilssonttropoccupésàessayerdes’empoignerpoursedonnerdevraiscoups.Jemerassure comme jepeuxenvoyant levisage indemnedeVadimsous sesboucles folles. J’essaiedecrier« stop»,maispersonnenem’entend.Clémentineouvredegrandsyeuxàcôtédemoienme

chuchotantàl’oreille:«Tuastellementdechance,ilssebattentpourtoi…»

Keith Charles fait irruption dans le cercle, ceintureVadim à la taille et le soulève du sol pourl’emmenerquelquesmètresplusloin.L’éducateurauneforcedetitanetunaplombimpressionnant.Clemenrestebouche-bée.Lapetitefoulesedisperse,Timserelève,aidéparsescopains,etlanceunpathétique « Je n’en ai pas fini avec toi, Arcadi ! ». Je reste plantée là avec ma meilleure amie,entendantdesbribesdeconversationentreKeith,furieux,etVadimquisetientlescôtes,serhabilleetaffichesoninsupportablesourireencoin.

Sonsouriresisexy…

–Tuesentraindereprendreunmauvaischemin,Vadim.Jeneseraipastoujourslàpourt’éviterlesennuis.Grandis!Tuteconcentressurtesétudesettunetefaispasrenvoyer,c’esttout.Jenet’aipasobtenucetteboursepourrien!Ettutetiensaussiàdistancedetonsupercopain,jesaisqu’ilestànouveaudanslecoin.Làj’aiunrendez-vous,maisjerepassetevoirdemain.Onrediscuteradeça.Tiens-toiàcarreauxjusque-là.Compris?

Vadim se passe la main dans les cheveux et regarde Keith s’en aller, suivi des yeux par uneClémentineenvoûtée.

– Tu baves un peu,D’Aragon ! dit-il en se frottant lementon du doigt pour semoquer demacopine.

–Ilesttellementcanon,répond-elle,songeuse,enlecherchantencoreduregard.–C’est bon, il est parti, remets-toi, ajouté-je, un peu agacée qu’on dévie du vrai sujet.On peut

discuter?–Oui,jevouslaisse,jepeuxencorelerattraper!lanceClem,davantagepournouslaisserseuls

quepourcouriraprèssonfantasmetoutenmuscles.

Quoique…elleenseraitbiencapable.

–C’estdeFelix,qu’ilparlait?–Hein,qui?–Keith.C’estFelixqu’iltedemanded’éviter?Pourquoi?–Pourrien.C’estsontravaildesurveillermesfréquentations.Ilveutsonsalaireàlafindumois,

tuvois.–Jesuissûrequetumecachesdeschoses.–Eh,onnepeutpasplutôtparlerdemasuperbevictoirecontreungéantdedeuxmètres,demon

courageetdemesblessuresdeguerre?Dufaitquej’aipristadéfensecommeunpreuxchevalieretquetuseraisfièredemoiouuntruccommeça?ditVadimenriant,letorsebombéetleregardfierattendantuncompliment.

–Tu as de la terre dans les cheveux.Ton jean est déchiré.Tu as fait exprès de le provoquer etmaintenanttufaisexprèsdechangerdesujetpournepasrépondreàmesquestions.

–Tueschiante,AlmaLancaster.Jamaiscontente.Etj’aienviedet’embrasser.

Alerte!Jevaisfondredans5,4,3,2,1…

–Pasavantdem’avoirexpliqué.–Expliquéquoi?Iltetenaitlebras,jenesupportepasqu’ons’enprenneàplusfaiblequesoi.–ExpliquépourKeith!Qu’est-cequ’ilapeurquetufassesavecFelix?–Tul’asquitté,hein?Jen’aipasfaittoutçapourrien?–Vadim!crié-jedefrustration.–Alma!crie-t-ilpourm’imiter.

Ilm’arracheunsourire.S’approcheetpassesesbrasautourdemoi.Avancesonvisageprèsdumienets’arrêteàuncentimètredemeslèvrespourchuchoter:

–Alorsçayest?C’esttoi+moi?

Nepascraquer…

–Siçadoitêtretoi+moi,tudoismeparler.Parfois,j’ail’impressionquejeneteconnaispas.–C’estmonpassétoutça.–Çamefaitpeur…–Tunedevraispas.Jenefaisjamaislesmêmeserreursdeuxfois.–Maisquelles erreurs ?Quelpassé?Tume reprochesd’appartenir àmonpetitmondeparfait,

maisturefusesdesortirdutien.Oudem’ylaisserentrer.

Vadimsoupire,desserresonempriseetreculed’unpas.Sonvisageachangé.Sonbeauvisagequimesouriait,quimeprovoquait,mefaisaitfrissonnerilyaquelquessecondes,estmaintenantduretfermé.Encoreplusbeau,peut-être.Maistellementloindemoi.

–Jecroisquejen’aiplusenviedet’embrasser.

Ilpart.Desadémarchelentemaisdéterminée.Ilestentraindem’échapperetjeneleretienspas.Ils’estbattupourmoietjeleluiaireprochéaulieudeleremercier.J’aiquittémonpetitamipourluietjenel’aimêmepaslaissém’embrasser.

Pauvreidiote…

2.Touttenter

Vadimn’apasmislespiedsàlafacaujourd’hui.Nihier.Niavant-hier.Pasplusqu’iln’aréponduàmesappels,messmsoumesmails.Pasplusqu’ilnes’estconnectéàlamessagerieinstantanée.Ilasimplementl’aird’avoirdisparudelasurfacedelaterre.Onestjeudisoir: ladernièrefoisquejel’aivuremonteàlundimatin.Ladernièrefoisquejeluiaiparlé.Ladernièrefoisquejenel’aipasembrassé.

En cours, je n’ai même pas tenté de justifier son absence auprès d’Abrams ou des autresprofesseurs.J’aiessayédetravaillerdemoncôté,maissansluijesuisincapabled’avancersurnotreprojet de court-métrage. Je n’ai même pas la tête à bavarder avec Clémentine et à glousser enchuchotantcommeaubonvieuxtemps.J’aipourtantacceptéd’allerboireuncaféavecelleauSunsetaprèslescours.Justepournepasrentreretdevoiraffronterlesquestionsdemonpèredevantmonairattristé,laparanoïademonfrèresurl’affairedelaphotovoléeoul’insistancedemamèrepourquejemangeplusdedeuxfourchettesaudîner.

Jevoudraisêtreseule…

D’aprèsmameilleureamie,sortiretmemontrerenpublicestaussilemeilleurmoyendeprouveràTimothyquejenememorfondspasdepuisnotrerupture,quemaviecontinuesansluietquesesmenacesnem’ontpaseffrayée.Lavérité,c’estqu’enlequittant,j’aiaussiperdutoussescopains,quifontblocaveclui,toutcequiconstituaitmaviesociale,toutcequimedonnaitunecontenancequandje ne savais pas quoi faire de mon corps maladroit, tout ce qui occupait mon esprit quand je nepensaispasàVadimArcadi.

Jemesenssiseule…

–Jesuislà,moi!ditClemenpassantsamainsousmonbraspourmedonnerducouragedevantlaporteducafé.Ilfautquetuaiesl’airhyperheureuse,tuvasfinirparycroiretoi-même.

–Hmm,jenevoispascomment.–Dis-moiuntruc,n’importequoi.Jevaisrirehyperfortpourquelesgenscroientqu’ons’éclate.–Non.– Mais si, ça va être hyper cool. On rentre, on rit comme des folles, toutes les têtes vont se

retourner.–Hypernon.–Hahaha!s’exclamemacopine.Jen’aimêmepaseuàmeforcer.Tuesdrôlequandtuestriste.

Viens,onvas’asseoiraufond.

Quelques regards se sont effectivement braqués sur nous. Pas vraiment envieux ou fascinés denotre duo théâtral, plutôt embarrassés,moqueurs, voire carrémentméprisants.Tima dûbien faireson travail de sape. Dans la petite foule du jeudi soir au Sunset, deux yeux gris limpides mefoudroient sur place. Ils sont là : ces yeuxbrillants dont j’avais presqueoublié la clarté.Ces yeuxperçantsquim’envoientdeséclairsdeprovocation.Cesyeuxquej’aimetantetquimedélaissentpour

seposersurlapom-pomgirlassiseenfaced’eux.

–Ohl’enfoiré,ilestavecuneautrefille!–J’aivu.–Neleregardepas,Alma.Iln’attendqueça.Retourne-toi!–Qu’est-cequ’ilestentraindefaire,là?Tuvois?–Ildiscuteavecsagreluche.Jecroisquec’estBritneySpears,commentelles’appelledéjà?– Presque. Brittany Smith. Elle est dans l’équipe des cheerleaders. Elle est toujours au top des

pyramidespendantlesmatchesdebasket.–Elleestautopdelavulgarité,ouais!Elleadurougeàlèvressurlesdentsetellerigolecomme

unedinde.–Commetoitoutàl’heure?–Nonmaisattends,onvoitsonshortyquidépassedesamini-jupe!Cen’estmêmepasunejupe,

ça,c’estuneceinture!Tucroisquec’estlégalenCalifornie?–C’estbon,Clem!Jevoisbienletableau,çavaaller.–Franchement,elleestblonde,elleaunebouchepulpeuse,maisellen’estpasdutoutjolie.Cent

foismoinsquetoi.Millefois!–Jenetecroispas,maismerciquandmême…–Qu’est-cequ’elleadegrandesdents!Çanepeutpasêtrelégalnonplus,desdentscommeça!–Bon,onyva?–Turigoles!Onrestelà,tuvasallerdraguerunmec,toiaussi!–Jamaisdelavie!–Lesfilles,voilàdeuxlimonades,nousditlaserveuseenajoutantunclind’œil.C’estoffertparle

jeunehomme,là-bas.Legrandbrunbouclé.Etilvoulaitaussiquejevousdonneça.

Ellerepartentrottinantaprèsavoirposéuneservietteenpapierpliéeenquatresurnotretable.Jel’ouvreettentededéchiffrerleslettresnoiresquiontbavé.

–Tu lis lamêmechosequemoi?demandé-jeàClémentineencommençantàsentirmonpoulss’emballer.

–Faisvoir!«Pascapde…venir…jenesaispasquoi…tonverreàla…jenesaispasquoi…deBritt.»

–Tuesnulle!Ilveutquej’ailleluijetermonverreàlafigure.–Cemecestdingue!–Jecroisbien…–Ilteregarde,Alma,neteretournepas!Benvoilà,tuteretournes,tunem’écoutespas!

À l’autreboutducafé,Vadimme lance son regardpleindedéfi et son fameuxsourireencoin.Détestable.Irrésistible.J’aiplutôtenviedemeleverpourallerlegifler.Oul’embrasser.

–Fais-le!–Jenesaispas.–Fais-le,jetedis!C’estjustedommagequeTimnesoitpaslàpourvoirça.Allez!Va!–Jecroisquejevaislefaire.–Tupeuxlefaire,Alma!–Jevaislefaire!Jetejurequejevaislefaire!

–Jeteregarde!Viselesdents!

Je traverse le café bondé, mon verre de limonade à la main, que je me concentre de ne pasrenverseravantd’êtrearrivée.Jemarqueuntempsd’arrêtdevantBrittany,quimeregarde,étonnéedemaprésence,attendantquejeparleetmesouriantdetoutessesdents.Sanslesavoir,ellem’adonnéletopdépart.Jelancetimidementmamainetluijetteauvisageunepetitequantitédemonsoda.C’estlemaximumquej’aipufaire.Maisc’estbienassezpourlafaireseleveretcrierdesinsultesenargotaméricain. Pendant qu’elle se tamponne le visage avec une serviette,Vadim se lève à son tour, unsouriresurprissurleslèvresquisetransformebientôtenunriretriomphal.Ilposesesdeuxmainssurmesjouesetm’embrasseàpleineboucheaumilieuduSunset.

Cettefois,toutlemondenousregarde.Jelesais,maisjenelevoispas.Jemelaisseglisserdanscetourbillondechaleur,defougueetdefolie.Jem’échappeenfindeseslèvrespourluimurmurer:

–Cen’estpastroptôt,Arcadi.–Tum’étonnerastoujours,Lancaster.

JelisdelafiertédanslesyeuxdeVadim.Etsiellemetransporte,ellemerappelleaussimongesteinsensé.Quelque chose que je n’aurais jamais osé faire avant.Que je n’ai pu faire pour personned’autrequelui.Monaudaceretombeinstantanémentetjesensmesjoueschauffer.

–Désolée,Brittany.Cen’étaitpascontretoi.–Ouais,c’estça!merépondlapom-pomgirl,quinesouritplusdutout.–Jet’invite,Britt.Pourexcuserlamaladressed’Alma.Ellenecontrôlepastoujourssesgestes…

enrajouteVadim.–Vousêtesaussitarésl’unquel’autre!Tiens,c’estcequejetedois.

Lablondefurieusesortdesonsacunepetiteliassedebilletsqu’ellefaitclaquersurlatableavantde tourner les talons. Vadim les fourre rapidement dans sa poche et la regarde s’éloigner en sepassantunemaindanslescheveux.

–C’étaitquoi,ça?–Rien.–Vadim,nerecommencepas.–Maisriend’important,justeunepetiteaffaireentreelleetmoi.–Ok,tum’expliquesoujem’envais?–Alma…

JemedirigedroitversClémentinepourramassermesaffairesetpartir.Ilmerattrapeparlebrasetmechuchoteàl’oreille:

–20heurescesoir,devantchezmoi.Jet’emmèneaurestoetjetedistout.

Ilest19heurespasséesquandjerentreà lamaison.Ilmerestemoinsd’uneheurepour trouverunebonneraisondesortirunsoirdesemaineetnepasdîneravecmesparents.

–Commentc’était,lescours?questionnemamèrepourfairelaconversation.

–TonMr.Abramsesttoujoursaussiéloquent?ajoutemonpère.

Je crois qu’il fait une petite fixette sur mon prof principal. Comme sur tous les hommes quirisqueraientd’avoirplusdecharismequelui.EdwardLancastern’aimepaslaconcurrence,maisenfait,ilenabesoin:lechallengenel’intéressequepourprouver–seprouveràlui-même–qu’ilesttoujourslemeilleur.IlatransmiscegèneàBasilemaisàaucunedesesdeuxfilles.J’aiplutôthéritédelarusediscrètedemamèreetdesestalentsdemanipulatrice.

–Oui, il est impressionnant, je l’admirebeaucoup, réponds-jeen forçant le trait. Il cherchaitunassistantaujourd’huiparmisesétudiantsetjemesuisportéevolontaire.

Le mensonge m’est venu tout seul. Je ne sais pas encore ce que je vais en faire, mais ça mepermettraaumoinsdeprouverquejem’investisdansmesétudes,commeilsmel’ontdemandé.Etçapourraitbienm’aideràjustifiercertainesabsences…

–Très bonne initiative,ma fille !me félicitemon père. C’est comme ça que tu apprendras, enfréquentantlesplusgrands.

–Jamaisentenduparlerdeça,uneassistantedeprof!intervientBasilequejen’avaismêmepasvuarriverdanslesalon.

–Tuesqui,toi?Ledoyendelafac?Tusaistoutcequisepassedanstouslescursus?rétorqué-jeàmonfrèreavantqu’iln’ailleplusloin.

–Etçaconsisteenquoi,alors?

Improvisation…

–Tudevraisarrêterlemarketingetfaireflic,Basile,dis-jepourgagnerdutemps.Tuasungrandavenirdansl’interrogatoire.Tuneveuxpasmefrapperavecunbottinpourvoir?

–Personnenevafrapperpersonne,coupemamèreenlevantlesyeuxauciel.

Action!

–Enfait,monassistanatcommencecesoir.Jedoisallerchezluipourclasserdesdossiers,trierdesbandesetvisionnerdesextraitsdefilmsqu’ilveutnouspasserdemain.

–Ahben,çavabient’aideràdevenirréalisatrice,ça!Tuvasluilaversonlingeaussi?–Maisqu’est-ceque tuyconnais, toi?Après, jepourrai l’accompagneràcertainsévénements,

mais je dois commencer par les petites tâches et lui prouver que je suis à la hauteur. L’aider àpréparerlescours,prendredesnotesquandiladesidées,fairetoutcequ’iln’apasletempsdefaire.

–C’estunartiste,ilyatoujoursuntravailleurdel’ombrepourréglerlaviedeshommesbrillants,acquiescemamèreensouriantàsonmari.

–Etmêmesic’estjustepourêtresasecrétaire,çanepeutqu’aidertacarrièred’êtredanssespetitspapiers,confirmemonpèreenignorantsafemme.

– J’aimerais bien être secrétaire, moi ! commente Lily enmimant avec ses doigts une dactylotapantàl’ordinateuretsetenanttrèsdroite.

–Non,toituserasl’artisteetilyauraunhommeàtonservice,semoquetendrementmonpèreenserrantsapetitedernièredanssesbras.

–Àquelleheuretupars,Alma,onaletempsdedîneravant?Georgiaapresquefinilerepas.

–Non,maman,jedoisyêtreà20heures,ilfautquej’aillemepréparer.–Jevaist’accompagnerenvoiture,sœurette.JesaisoùAbramsvitsurlecampus.–Tuesserviable,toi,maintenant?Cen’estpaslapeine…frérot!– Si. Je préfère qu’il voie que je suis là pour lui rappeler qu’il n’a pas tous les droits… Il est

louchecetype,ditBasileàl’intentiondemesparents.–Pff,commesiMr.Abramspouvaitavoirpeurdetoi,répliqué-jepouressayerdelevexer.–Vousêtesfatigants,touslesdeux.C’estentenducommeça,onn’enparleplus,conclutmonpère

avantd’allervaqueràsesoccupations.

Décomposition…

Monfrèrejubile,jepeuxlevoiràsonregardfieretsonsourirenarquois.Jesuiscertainequ’ilnemecroitpas.Etqu’ilpenseavoirréussiàmepiéger.

Réflexion…

Soitjeluidistoutelavéritéunefoisdanslavoiture,jepleuretoutesleslarmesdemoncorpsetjecroiselesdoigtspourqu’ilacceptedejouerlejeuavecmoi.Cequin’arriverajamais.Soitj’annonceà mes parents que la séance est annulée et à Vadim que je ne peux pas venir. Ce qu’il ne mepardonnerajamais.Soitjedistoutelavéritéàmonprofetjepriepourqu’ilmecouvre,aunomdenotre relation privilégiée oumême légèrement ambiguë.De toute façon, je suis coincée, c’estmadernièrecarteàjouer.Çanemecoûteriend’essayer.

Çanemecoûterien,àpartuneffortsurhumainpourl’appeleretm’inviterchezlui,etrisquerlaplus grande honte de toute ma vie. De mon portable, enfermée dans ma chambre, je compose lenuméro qu’il m’avait griffonné sur un petit bout de papier. Les sonneries durent et une voixrocailleusemerépondinextremis.J’essaiedeparlertoutbas.

–BonsoirMr.Abrams,c’estAlmaLancaster.Jeneveuxpasvousdéranger,maisvousm’aviezditquejepouvaisvousappeler.N’importequand.

–Vousavezbien fait,grogne-t-il en se raclant lagorge.Qu’est-ceque jepeux fairepourvous,Alma?

–Çavapeut-êtrevoussemblerbizarre,mais…commencé-jed’unetoutepetitevoixsansfinirmaphrase. Je ne vous embêterai pas longtemps, mais je n’ai vraiment pas le choix, sinon je feraisautrement.Enfinvoilà,jem’excused’avance.J’auraisbesoind’unpetitservice.

–Jevousécoute,Alma.Allezdroitaubut,pourunefois.–Venirchezvous,enfait.Maintenant.–Hmm,hmm…Jepeuxvousdemanderpourquoi?–…–Vousêtestoujourslà?Nemeditespasquevousêtesentraindepleurer!–Non,non.Jepréféreraisvousexpliquerenpersonneplutôtqu’autéléphone.–Trèsbien,jevousattends.–Ahoui!Etmonfrèreseralà.J’aimeraismieuxqu’ilnerestepas…–Jevois.

Moins de trenteminutes plus tard, je pénètre dans l’antre enfumé de LeonardAbrams quim’a

compriseàdemi-motsetquiexpédieBasilesansménagement.Monfrèredéconfitsefaitclaquerlaporteaunez.

Àmontourdejubiler…

Enfinpaslongtemps.

Monprofesseurécrasesacigarettedansuncendrierpleinàrasbordetmeregardepar-dessussesfines lunettesenmétal. Jen’avais jamais remarquéquesesyeuxétaientbleus. IladesairsdeSeanPennavecsonvisagegrave,toujourssoucieux,sessourcilsquiserejoignentetluiplissentlefront,seslèvresfinesquiformentunarcdecercleverslebascommesitoutavaitmauvaisgoût.Commesilavieentièreledégoûtait.Ilalesjouescreuséesdeceshommesquisenourrissentessentiellementdetabacetdecafé.Unelégèrebarbepiquante,quin’apasencore trois joursetquin’estmêmepas làpour faire joli.Mr.Abramsse foutéperdumentd’être séduisant. Jenesaismêmepas s’il le sait. Iln’estpastrèsgrand,pastrèsépais,maisilprenduneplacefollerienqu’enétantlà,sansbougerniparler.Sonauraoccupe tout l’espace.Et jemefais toutepetite,assiseaubordduvieuxfauteuilencuir ocre qu’ilm’a indiqué. Il pense en silence, il attend des réponses et je ne trouve plus rien àinventer.Ilnemerestequ’àluidirelavérité.

Jevaistellementmeridiculiser…

–J’aiditquejedevaisvousvoirpourpouvoirsortircesoir.J’aiunrendez-vousà20heures.–Vousêtesdéjàenretard…–Jesais.Tantpis.–C’estVadimArcadi,quivousattend?–Commentvouslesavez?–Jenelesavaispas.Maintenantoui.Qu’est-cequevousavezracontépourjustifierdepasserla

soiréeici?Jevaisavoirdesennuis?–Non!Biensûrquenon,dis-je,offusquéeparcequ’il sous-entend.Vouscherchiezunétudiant

pourvousassister,jemesuisproposée,c’esttout.–C’estuneexcellenteidée!–Jevousdemandepardon?–Jen’yavaisjamaissongé.Jevousengage.–MaisMr.Abrams,je…–J’imaginequeceneserapas ladernièrefoisque jevousserviraid’alibi.Jevousconseillede

direoui.–Qu’est-cequejedevraifaire?lancé-jeunpeuinquiète.– Je ne sais pas encore.M’aider.On n’arrive à rien, tout seul dans la vie. Et vous l’avez enfin

compris.PassezlebonjouràArcadi.–Jepeuxyaller?–Attendez.Hitch,viensici!C’estluiquivadécider.

Qu’est-cequ’ilmeréserveencore…?

Faitesquejesorted’iciauplusvite!

–S’ilsecoucheàvospieds,vousêtesembauchée.

Une sortede saucissegrassouillettemontée surde très courtespattes arrivedans lapièce àuneallureincroyablementlente,seslonguesoreillestraînantsurlesol.Ilreniflemeslacetspuislebasdemon pantalon, me regarde de ses yeux tristes aux paupières tombantes, pousse une sorte degrognementets’affaledetoutsonlong,commes’ilavaitfournileplusgroseffortdesonexistence.Sa têteaupoilbrillant, tâchéedemarronetblanc, repose lourdementsurmachaussure. Ils’endortpresque instantanément. Ce chien se fond parfaitement dans le décor : mêmes couleurs que lemobilier,même faciès patibulaire que sonmaître,même voix rauque,même lassitude de la vie etmêmefaçondes’imposer.Depeser.

–JevousprésenteHitchcock,c’estunbassetHound.Iln’aimepastellementleshumains,maismoijel’aimeplusquemonproprefils.Depuisdixans,c’estlui,monfidèleassistant.Ilaméritéunpeuderepos,maintenant.Allez,partez,maisneleréveillezpas.Àdemain,Alma.

3.Toutentendre

Il est presque 20h45 quand j’arrive enfin devant chez Vadim, essoufflée, confuse. Je l’avaisprévenudemon retardpar sms,mais ilm’aapparemmentvite remplacée.Felix lui fait facesur letrottoirquilongesonimmeuble.Ilestvêtud’unensemblebleuélectriqueentrelesurvêtementetlepyjama trop grand, d’une casquette blanche à large visière juste posée au sommet du crâne, par-dessusunbandana rougenouéautourde son front…Il semble toutdroit sorti d’unclipde rapdemauvaisgoût.UneparodiedeJay-Zversionlatino.Ilfaitdegrandsgestesaveclesbras,sesdoigtscroisés formant un signe qui doit vouloir dire « West Coast », face à un Vadim imperturbable,mollementadosséaumurquijouxtesaported’entrée.Luial’airunpeuplusélégantqued’habitude:jeangrisetchemisenoireàmoitiérentréedanslepantalon,lesmanchesnégligemmentretroussées.Aucunetracedeperfecto.Sesdentsblanchesilluminentsonbeauvisagedanslapénombredelarue.Letableaupourraitêtreparfaits’iln’yavaitcecopainbizarreentraindegesticulersurunemusiquehip-hopqueluiseulentend.

Jem’approchelentement,espérantqueVadimm’aperçoiveavantquej’aiebesoindem’annoncer.Maisc’estlepseudorappeurquicroisemonregardenpremierets’arrêtenetdedanser.

–Tiens,frenchielady,tuenasmis,dutemps!–Salut,latinlover,tum’attendais?

Passûrequ’ilappréciequejelesuivedanslejeudessurnomspourris.Maislajournéericheenémotions, le verre auvisagedeBrittany, le baiser fougueux enpublic, le stratagèmepour évincerBasileetmavisitechezAbramsm’ontmisedansunétatsecond.

–Non,jen’aimepaslesfillesquisefontdésirer,répondFelixagacéparmarépartie.–Désolée,Vadim.Onpeutyallersituveux.–Jevoulaisallerenboîte,maisilm’aditqu’onallaitauresto,çamevaaussi,continueleLatino

surletondelaprovocation.–Non,toi,tuvasenboîteetnous,onvaauresto,intervientenfinVadimpourremettreleschoses

auclair.–Okmec,jet’attendslà-basaucasoùtasoiréetournemalavecMissCoincée.Situasenviedete

faireconsoler…–Jecroisqueçaira,Fe.T’inquiètepaspourmoi.– Tu veux qu’on t’attende au resto, au cas où tu te fasses refouler de la boîte à cause de tes

fringues?relancé-jesanspouvoirm’enempêcher.–Bon,jecroisquelesprésentationssontfaites,ajouteVadim,plutôtamusédecettejouteverbale.–Emmène-laauMacDo,mec,elleneméritepaslegrandjeu.–Ahoui,làc’estsûrquetuaurasledroitderentrer,continué-jesurmalancée.–Eh,Vadim,ilsneleurapprennentpaslapolitesse,normalement,auxgossesdebonnefamille?–Eh,Felix,onnet’apasapprisàparlerdirectementauxgens,danslarue?–Jepréfèrefairecommesitun’étaispaslà.–C’est bien, vous progressez. Encore deux ou trois heures de conversation comme ça et vous

devenezamis!renchéritironiquementVadim.–Nonmerci,jevaisyaller.Tuasquelquechosepourmoi,mec?

Vadimglisselamaindanssapochearrièredejean,ensortunpetitpaquetdedollarsfroissésqu’iltendàFelixsansessayerdeledissimuler.

Jen’aimetoujourspasça,maisjepréfèrequ’ilnelemecachepas.

Sonbraspendantpar-dessusmonépaule,mongrandbrunm’afaitpromettredeneposeraucunequestion avantque l’on soit arrivés à son restaurant préféré.Et denedonner l’adresse àpersonnepourquel’endroitrestepréservé,c'est-à-direinconnudestouristes,desétudiantsetdeleursfamillesfriquées.C’estlapremièrefoisqueVadimmetémoignedel’affection,autrementquedanssonstudiooudanssavoiture,etillefaitd’unetoutautremanière…Songestemerendheureuseàunpointqu’ilnepeutmêmepasimaginer.Jenesaispascommentyrépondre,alorsjeprendsleprétextedevérifiers’ilaencoredel’argentcachépourglissermamaindanssapochearrière,justesursafesse.Ilsourit.Jecroisqu’ilal’airheureuxaussi.

Dansunepetitesalletamiséeetpresquedéserte,nouscommandonsunsteakpourluietunesaladeranchpourmoi.L’ambianceentrenousestsisereine,pourunefois,que jepourraisrester lààmenoyerdanssesyeux,sansmangerniparler.Jevoudraisjustequ’ilcontinueàmeregardercommeça,à me faire rire, à me taquiner, à me séduire, et je n’ai subitement plus du tout envie de sesexplications,quirisquentdetoutgâcher.Maisaprèsavoirtrinquéavecnosdeuximmensesverresdesoda–sansmêmeenrenverserungoutte,bravoAlma!–Vadimselance.

–Tuesprêteàtoutentendre?–Jenesaispas…–C’esttoiquimel’asdemandé!–Jesais.–Tunevasmerépondrequedeuxmotsàchaquefois?TuavaisplusdeconversationquandFelix

étaitlà!Tuveuxquejelerappelle?–Mauvaiseidée!Vas-y,jeveuxtoutsavoir.– Je suis prêt à tout te dire, ou presque.Mais pas si tume juges, pas si tu essaies deme faire

changerdevieetpassitugardescetaireffrayéquetuavaislapremièrefoisquejet’aiparlé.–Jen’aipaspeurcesoiretjen’avaispaspeurlapremièrefoisnonplus.–Menteuse.– C’est toi qui as peur, tu tournes autour du pot, tu fais tout ce que tu peux pour reculer ce

moment!–Peste.–Tunevasmerépondrequ’unmotàchaquefois?–Ok,unpointpourtoi.Alorsj’yvais:Keithm’aobtenuuneboursepourquejepuisseentreràla

facdecinéma.Jefaisdespetitsboulotspourpayerleloyerdemonstudio,c’estnotredeal.–Pourquoitun’aspasprisunechambred’étudiantàlafac?– Parce que je ne veux pas être fliqué vingt-quatre heures sur vingt-quatre. J’ai besoin demon

indépendance.J’aipresquetoujoursétéseul,j’aiunpeudemalaveclavieencommunauté…–Ok,jusquelàtoutvabien.–MaisilyaFelix.C’estmoncopaindegalère,onapassénotreenfancedanslesmêmesfoyers,à

êtreséparés,àseretrouver.Onn’apasfaitquedeschosesbien,maisilm’atoujoursaidé.J’aiunedetteenversluietjenepeuxpaslelaissertomber.

–Etilabesoind’argent?–Iln’arien,Alma!–Pourquoiilnevitpasavectoi?–Keitharefusé.Ilneveutpasqu’onrecommencecommeavant,qu’onsetireverslebas.Çafait

aussipartieducontrat.–Ok,alorspourquoiilnetravaillepas?–Ilauncasier,c’estcompliqué…AuxÉtats-Unis,tonpassétesuittoutetavie!–Jevois.Alors,c’estquoitoutcetrafic?–J’aiunautregenredeboulot.Surlecampus.Jemefaispayerpourrendredesdevoirsàlaplace

d’autresétudiants.Desgossesderiches,commetoi.–Jefaismesdevoirstouteseule,moi.–Disonsdesrichardsquin’ontpasenviedebosseroudesimbécilesquiontbesoind’améliorer

leursnotespourpouvoirjoueraubasket.–Jenevoispasdequituparles,dis-jeensouriant.–Bref,ilsmefilentleursujet,jeleurfaisunedissert’,ilsobtiennentunAetj’obtiensmonargent,

ças’arrêtelà.–Combien?–Çadépenddesmatières.–Beaucoup?–JustecedontFelixabesoinpourvivre.Etmoipourpouvoirt’inviterauresto,ajoute-t-ilavecun

clind’œilséducteurquimefoudroie.–Tusaisquej’aidel’argent,moi.Enfin,mesparentsenont.Plein.Jepourraistrèsbienpayerce

resto,sicen’estpastropdemanderàunmachocommetoi.–Jamaisdelavie.–Bon,maispourlereste.Ilsuffiraitquejetedonnemonargentdepoche.Tun’auraisplusbesoin

defaireça.–Alma,arrête. Jen’ai jamais riendemandéàpersonne, jamaisprisde l’argentquin’étaitpasà

moiouquejen’avaispasmérité.Jemedébrouilletrèsbientoutseul.Etjeneveuxrientedevoir.–Etmoijeneveuxpasqu’ilt’arrivequelquechose.Qu’est-cequisepasserasitutefaisprendre?–Çan’arriverapas.Personnen’aintérêtàcequeçasesache,nieuxnimoi.–Tuestellementsûrdetoi…–Est-cequej’ailechoix?Écoute,jesaisqueçatefaitpeur,maisjenefaisdemalàpersonne.Je

mesersdelaseulechosequejesaisfaire:réfléchir.J’écrisdesdevoirs,jegagneunpeud’argent,jeledonneàquelqu’unquienabesoin:onnevapasenprisonpourça!

–Ah,parcequetuvoudraisunemédaille,enplus?

J’essaiedenepas tomberdans lepiège,mais il se refermedéjà surmoi. Je suis touchéepar sagénérosité,sonaltruisme,sondévouement.Jetombeenadmirationdevantsonespritvifetbrillant,dontilnesevantemêmepas.Àlafac,personnenesaitqu’ilestcapabled’avoirdesibonnesnotesenunclaquementdedoigts.Ilpourraitêtreunpetitdélinquantstupide,voleuroudealer,justedanslebutdes’enrichir.Àlaplace,ilsesertdesonintelligencepourfaireréussirdesétudiantsfeignantsetpouraider son ami à survivre. Si c’était le scénario d’un film, je serais déjà en train de pleurerdiscrètement dans le noir face augrand écran.S’il incarnait unOliverTwist des tempsmodernes,

orphelinbattantetmalin,jeseraisdéjàtombéeamoureuseduhéros.Sic’étaitducinéma,jen’auraispaspeur:jelesuivraisauboutdumonde,jelesoutiendrais,ilmeprotégerait,ilseraitClydeetmoisaBonnie.

Sicen’étaitpaslavraievie…

–Àquoitupenses,Alma?–Àrien.Enfinsi,àtoutça.–Jenepeuxpast’empêcherdet’inquiéter,maisjenesupporteraispasquetuaiespitiédemoi.Je

n’aipasbesoindetonargentouceluidesLancaster.Tupeuxcommanderledessertlepluscherdelacarte!dit-ilencrânant.Ilsontdescheesecakesàtomberparterre.

–Onpartagealors,jen’aidéjàplusfaim.–Ok,maisjetepréviens,jenetefaispasmangermoi-mêmecommeceshorriblescouplesquise

croientromantiques,lance-t-ilencommandantunepartetdeuxcuillères.–Jeletrouvaisplutôtromantique,cedîner,moi.Promis,jenediraipasàFelixquetum’asfaitles

yeuxdouxtoutelasoiréeetquetuasessayédem’impressionneravecledessertàquinzedollars.

–Laversionofficielle, c’estunmenuBigMacetun sundaepourdeux ! répond-ildansunclind’œilentendu.

–C’estnoté.Jeneluidiraipasnonplusquetuaspasséuneheureàmefairedesconfidencesenmecaressantlamain,continué-jepourgarderl’ascendant.

–Jenelacaressepas,jelaréchauffe.Cen’estpasdemafauteàmoisituastoutletempsfroid,fait-ilenfeignantl’innocence.

–Cen’estpasdemafauteàmoisituesungarçontactile,tendreetquin’assumepas.–C’estl’effetAlmaLancaster,ça.Onnepeutrienn’yfaire,justifie-t-ilenhaussantlesépaules.«L’effet»Alma?Iladitçaenplaisantant,sûrementpouravoirlederniermot,maisjenepeux

pasm’empêcherdepenserqu’ilyapeut-êtreunfonddevéritéetquejeluifaisdel’effet.Qu’iln’estpastoutàfaitlemêmequandilestavecmoi.Etjen’enrevienspas.

–Bon,toujourspasunmotàFelix,maisj’aiquelquechosepourtoi.Plusromantique,tumeurs!–Arrête,tumefaispeur…–Jemedoutequetuasdéjàeutouslesparfumsdumondeouquetupourraisavoirtousceuxque

tuvoudrais,maisça,c’estunpeuspécial,explique-t-ilenposantunpetitpaquetsurlatableàcôtédemamain.

Jem’enemparedoucement,défaisfébrilementlepaquet,quisembleprovenird’uneboutiquebiocommeilyenadanslesquartierschicsdeLosAngeles.Jamaisjenepensaisqu’iloseraitymettrelespieds.Encoremoinsqu’ilauraitl’idéedemefaireuncadeau.

–C’estdel’essencedefleurd’oranger.Monodeurpréférée.J’aifaitaumoinsdixboutiquespourentrouver!

–Çasenttellementbon,dis-jeaprèsavoirdébouchélepetitflaconetdéposéunegoutteaucreuxdemonoreille.Merci,jenesaispasquoidire.

–Jemecontenteraid’unbisou,sourit-ilenmetendantlajoue.

J’approche mes lèvres de sa peau si douce et de son profil si bien dessiné, mais au derniermoment,Vadimtournelatêteetmevoleunbaiser.Surlabouche.Desurprise,jerecule,maisilpassesamain derrièrema nuque etme retient pour continuer àm’embrasser. Jeme laisse aller jusqu’àsentirlegoûtsucrésursalangueetenredemande.Ilembrassemieuxquepersonne.

–Onyva?souffle-t-ilcommesicebaisertropintenseluidonnaitd’autresidées.–Jetesuis,chuchoté-jeenluirendantunregardpleindedésir.–Attends, j’aiune idée. Je t’aiprouvéque jepouvais êtreunmecbien, t’emmenerau restau, te

parlersincèrementetmêmeterévélermespetitssecrets.C’estàtoidefairequelquechosepourmoi.–D’accord.Qu’est-cequetuveux?

Ilbalayeduregardlasallederestaurantetuneétincellededéfis’allumedanssesyeuxgris.

–Vadim,non,jenevaisjetermonverreàlafiguredepersonne!–Mieuxqueça,dit-ilàvoixbasseenserapprochantdemoi.Capdepartirsanspayer?–Non!Onn’estpasdesvoleurs!–Capoupascap,Lancaster?

Sesprunellesbrillantesm’envoientdeséclairs.J’ail’impressiondejouermavie.Unrefusetjeleperds. Je déteste l’idée d’être si facilement influençable, mais lui dire non n’est pas une option.L’excitationcommenceàmegagner.

–Commentons’yprend?Jen’aijamaisfaitça,moi!–Àtroisonyva.Tutelèvestranquillement,tumarchesverslaportecommesionvenaitdepayer

l’addition.Tuneregardespersonnes,tunemeparlespas,tuneteretournespas,jeseraijustederrièretoi.

–Etaprès?–Tuverras.Prête?Un,deux,trois…

Je suis les instructions, le ventrenoué, le cœur affolé.Nous franchissons le seuil du restaurant,Vadimm’attrapeparlamainetsemetàhurler.

–Cours,Alma,cours!Leplusvitequetupeux!Cours!Net’arrêtepas!

Maindans lamain, nous longeons les trottoirs à toute allure en riant commedes fous. J’ai unemontée d’adrénaline, une bouffée d’amour, quelque chose que je n’ai jamais ressenti auparavant.Dansnotrecoursefolle,nousavonsprisladirectiondechezmoi.Enarrivantdevantmavilla,Vadimralentitenfin,mesoulèvedusoletmefaitvolerdanssesbras.Jerisànepluspouvoirm’arrêter.Jen’ai pas encore repris mon souffle qu’il plonge sur moi pour m’embrasser. Nos rires essoufflésviennentmourirdansceprofond,cepassionné,cemerveilleuxbaiser.

Est-cequej’aidéjàétéaussiheureuse?

Mesjambesflanchent,jemanquedetomber,entraînantVadimenarrièrequimerattrape,mefaitvalseretmeplaquecontre leportail. Ilm’embrasse,encoreetencore, ilm’embraseencollantsoncorpscontre lemien.Puis il s’arrête,sentantqu’ilesten traindeperdre lecontrôle,etenfouitsonvisagedansmoncoupourreprendresesesprits.

–Ceparfumtevatellementbien…–Jemesenstellementbien.Toi,c’esttoiquimevassibien.Toi+moi.

Vadimseredresseetposesonfrontsurlemien,sesmainsglissantdansmondosetsecroisantsurmesreins.

–Alma,tudoismepromettredeneriendire.Cequejet’aiavouécesoir.Ettoutlereste:Keith,Felix,mesparentsquisontmorts.Personnenedoitsavoir.

–Jamais.Jetelepromets.

Nousnousserronsunedernièrefoispuisnousnousséparonsenfin,nousarrachantdifficilementl’unàl’autresurcemaudittrottoir.Lafrontièreentrenosdeuxmondes.Jeleregardes’éloignerdansla rue éclairée avant deme retourner vers lamaison pour rentrer et j’aperçoisBasile penché à lafenêtredusalon.Nosregardssecroisent.Lesienneditrien,ilestfroid,dur,impénétrable.Jenesaispasdepuiscombiendetempsmonfrèresetientlà.J’ignorecequ’ilavu,entendu.Maiscettenuit,ilnepeutrienm’arriver.C’estl’effetVadimArcadi.

4.Toutdire

Quandj’arriveàlafac,cevendredimatin,j’ailecœurléger,l’espriteffervescentetlesjambesquivoudraient bien danser si je ne les obligeais pas àmarcher normalement. J’ai envie de criermonbonheurà la facedumonde !Unattroupement se formedevant l’undesbâtimentsquiabritentdessallesdecours.Danslafoule,j’aperçoislescheveuxrouxdeClémentine,puislamainqu’elleporteàsabouche,commesielleavaitvuunfantôme…ous’apprêtaitàrendresonpetitdéjeuner.Timothyestlà,aussi,entourédesabandedebasketteurs,toushilares,sedonnantdescoupsdepoingdanslesépaules,commes’ilsnepouvaientcontenirleurexcitation.Jetenteunepercéeetmefaufileentrelesétudiantsagglutinéspourdécouvrircequilesaattirés.

Degrandstagsnoirsetdégoulinantsornentlemurgris:«Arcadi:nofamily»estlepremierquej’arriveàdéchiffrer.Ilmefaitl’effetd’unuppercutdansl’estomac.Jetraduisdansmatêteunautremessage écrit en anglais : « Enfant russe cherche parents » puis découvre « I see dead people »,réplique culte du film Sixième Sens. Je demande à un total inconnu se tenant à côté de moi dem’expliquer certaines insultes en argot américain. Ilme répond« bâtard », « orphelin », « fils derien»etbiend’autresvulgaritésencore.Mesyeuxsetroublent.Sonnéeparcequejelis,jenevoispasVadimarriveretdistribuerdescoupsàtousceuxquisetrouventsursonpassage.Ilvientécrasersonpoingdans lemur enbétonetne semblemêmepas ressentir ladouleur. Il passe et repasse samainécorchéedanssescheveuxfous,hurlantdes«merde»etdes«putain»sanspouvoirs’arrêter.

Quand ses yeux égarés croisent enfin lesmiens, il fonce droit surmoi, pointant son index auxphalangesensanglantéesetsemettantàcrierplusfortencore.

–C’esttoi!Jetefaisaisconfiance,Alma!Commentj’aipuêtreaussicon!C’estàcausedetoi,toutça!

Vadimnemelaissepasletempsderépondreettournelestalons,fuyantendirectiondelasortie.Jecours sur quelquesmètres pour essayer de le rattraper, il dégage son bras que j’étais parvenue àtoucheretm’arrêtedesesyeuxgrisdevenusnoirs.Jeresteplantéelà,pétrifiée.

Lapetite foule réunieaassistéà la scène.Clémentineme rejointpourpasser sesbrasautourdemoi.Tims’approcheaussi,toujourssuiviparsestoutousenjogging:

–Jet’avaisprévenuAlma,voilàcequeçafaitdetraîneraveclesmauvaisgars,melance-t-ilavecunsouriremi-compatissantmi-triomphant.

–Ferme-la,Wallace.Vapromenertesclébardsailleurs,répondClemplusremontéequejamais.

Mameilleureamiemefaitavancerenmesoutenantparlatailleetm’éloignedesbasketteursquin’enfinissentplusdejubiler.Aprèsdixminutespasséesauxtoilettesdesfilles,j’aipusanglotersansquepersonnenemevoie.J’aitoutracontéàClémentine,quis’estchargéedemeremonterlemoraletdemefaireretrouverunvisagenormal.

Qu’est-cequejeferaissanselle?

Vadimn’aréponduàaucundemescinqappelsetj’hésiteàsécherlescourspourallerlerejoindreou juste m’enfermer dans ma chambre pour pleurer toute la journée. Clem me convainc d’allerseulementaucoursd’Abramspouréviterlesennuisetdepartirjusteaprès.

–Asseyez-vous!Onperddutemps!Qu’est-cequevousavez,cematin?Cen’estquandmêmepastroisgraffitimalécritsquivousmettentdanscetétat?Jesuggèreauxpetitsmalinsquiontfaitça,s’ils sontparmivousou si vous les connaissez,d’ouvrirundictionnaire avantde jouer lespoètesurbains.

–Cen’estpasnous,m’sieur,répondNickiScottpouressayerdesefairebienvoir.– Ce n’est pas nous,m’sieur, imite le prof en partant dans les aigus pour semoquer d’elle. Je

pensaisqu’onétait à l’université,pasà lamaternelle.Scott,prenezdes feutreset allezme faireunbeaudessinaufonddelaclassependantquejefaiscoursauxautres.

Lablondeserenfrogneetlerestedesétudiantspouffeougrimace.Mr.Abramsaréussiàcloreledébat et à détourner notre attention, en humiliant au passage l’une de ses fans les plusinconditionnelles.

Unpeufacilemaistrèsefficace.

–J’aiuneannonceàvousfaire.J’aiembauchél’undevouspourêtremonassistantpersonnelaupremiersemestre.Ils’agitd’AlmaLancaster,maislescandidaturessontdéjàouvertespourprendresaplaceàlarentréedejanvier.

Ahbon?Tantmieux,jeseraiplusvitedébarrassée…

Clémentineouvredegrandsyeuxetd’autresregardsétonnésoujalouxsebraquentsurmoi.

Jen’avaisvraimentpasbesoindeça.

–Jevousdonnecongépourlamatinée,continueAbrams.Jeveuxquevousalliezaucinéma.Tous,sansexception.Vousallezvoirn’importequoi,çam’estégal,mêmelefilmleplusnuldelasemaine.Pour lundimatin, jeveuxune listedétailléeavec :un titredifférentàdonnerau film,unacteurderemplacementpourchacundesrôlesprincipaux,unecritiquegénéralesurlesdécors,lescostumes,lemontage et une autre proposition demusique pour le générique. Prenez-vous pour un producteurmécontent, exigeant.Vous avez investi unmillion de dollars et rien ne vous convient. Soyez durs,soyezinjustes,soyeztyranniques!Jeveuxquevousfassiezpleurerleréalisateurdufilm.Vousaveztoutnoté?Parfait,déguerpissez!

Tout lemondesursauteaprèsavoirbucesparolesdansunétatprochede l’hypnose. J’imite lesautres, ramasse mes affaires, soulagée de pouvoir quitter la fac sur le champ et de voir mescamaradesdésormaisexcitésparautrechosequelestagsinsultantssurlemur.

–Pasvous,Lancaster!Nevoussauvezpas.Tenirsesengagementsestlamissionpremièredetoutbonassistant.

–Jenesavaispasquejecommençaisaujourd’hui.Qu’est-cevousattendezdemoi?

–Quevouscommenciezparretirercemasquedechienbattu,çanevoussiedpasdutout.C’estuntelcalvairedetravaillerpourmoi?VoussavezcequeNickiScottseraitprêteàfairepourça?

–Jeneveuxmêmepasl’imaginer,réponds-jeengrimaçantdedégoût.–Voilà,c’estmieux,j’aiaumoinsréussiàvousdétendre.Maintenant,vousallezcontacterArcadi

et lui dire cequevous avez à lui dire.Quevousnepassiezpas la journée à ruminer, pleurnicher,cogiter:jeveuxquevotreespritsoitàcentpourcentavecmoi.Allez-y,jen’écoutepas.

–Lesgenss’envoientdesmessages,maintenant.Ilsnesontpasobligésdes’appelerpourseparler.–Parfait.Traitez-moidevieuxconsivousvoulez,maisfaitescequevousavezàfaire,etvite.

Jem’emparedemonportableetcommenceàrédigeruntexto.J’écris,j’efface,jerecommence,jenesaispascommentformulermapenséeetleregardd’Abramspenchésurmontéléphonenem’aidepasàmeconcentrer.

[Vadim,jet’aifaitunepromessehiersoir,jel’aitenue.Jen’airiendit,jetelejure,jenet’auraisjamaistrahi.]

J’appuiesur«envoyer»aprèsavoirreluunedernièrefois.Cen’estpascommeçaquejevoulaislediremaistoutestlà.Jerelisencoremonmessageparti,jepenseàtoutcequej’auraispuajouter,mais mon prof soupire déjà d’impatience. J’imagine qu’il n’est pas envisageable d’attendre uneréponse.Jerangemonportabledansmapocheetarboreunsourireforcé.

–Prête.Àcentpourcent.–Fantastique !Nousallonschezmoi, j’aiunbureauentierà ranger.Environquinzeansà trier,

classer,jeter,organiser.J’aitoujoursrêvédefaireça.Enfin,quequelqu’unlefassepourmoi.

Cen’estpassiéloignédecequej’avaisinventépourmesparents…

Maisc’estvraimenttrèséloignéducinéma…

Enfermée entre ces quatre murs, assise par terre sur le parquet sombre face à des dizaines derangéesdedossiers, jenesuispas très loindepleurer.L’odeurde tabacfroidmedonne lanausée.Toutestmarronici:lesol,leboisdelabibliothèque,lestranchesdesvieuxlivrespoussiéreux,lesfauteuils encuir toutusé,même lesmurs jaunis, anciennementblancs, tirent sur lebeige foncé.Etmêmecechienallongéàcôtédemoiestdésespérémentmarron.

Pourquoiest-cequ’ilmeregarde?

Pourquoiest-cequ’ilnebougepas?

Est-cequ’ilestencorevivant?

Qu’est-cequ’ilestmocheavecsesgrosyeuxrougesetsespaupièrestombantes!

Tuveuxmaphoto?!

–Alma,nefaitespasattentionàHitchcock,meparvientlavoixlointainedeMr.Abrams.Ilaimebienfixerlesgens,maisilnevousdérangerapas.Faitescommes’iln’étaitpaslà.

Lesilenceretombe,pesant.Jen’entendsquelespasdemonprofesseurfaisantcraquerleparquetparendroits.J’ail’impressiond’êtredansunemaisonhantée.Avecpourseulcompagnonunbassetàmoitiéempaillé.Jemecontorsionnepoursortirmontéléphonedemapocheetvérifiercequejesaisdéjà:Vadimnem’apasrépondu.Jetentemachanceencoreunefois.

[Cen’estpasmoi.Jen’aiparlédetonsecretàpersonne,jenesaispasquiapufaireça,commentcestagssontarrivéslà.Ilfautquetumecroies.]

Hitchcockselèvepéniblement,faitquelquespasetvientsecollercontremoi,s’affalantànouveaudansunbruitsourd,maiscettefoisenposantsagrossetêtesurmacuisse.

–Nonlechien,non!Vacoucherlà-bas.Pars.Ah,maistubaves!Va-t’en,lechien,vasvoirpapa.Ilestoùpapa?

–Alma,vousparleztouteseuleouvousessayezd’apprendrelefrançaisàHitch?ditAbramsensurgissantdanslebureau.Ilesttrèsintelligent,maisilnecomprendquel’anglaispourl’instant.Etenluiparlantnormalement,vousdevriezavoirplusdesuccès.

Jecaresseàcontrecœurlalongueoreilleduchien,étaléesurmonjean.C’estdouxetsoyeux.Maisjenesuistoujoursquemoyennementrassuréeetuntoutpetitpeudégoûtée.

–Ilvousapprécie,entoutcas!–C’estréciproque,monsieur,souris-jeenpriantpourquemonprofesseurnesachepastraduire

monfrançais.–Nevouslaissezpasdistraire,auboulot!

Aprèsquatreheuresd’étiquetage,sixsacspoubelles,cinqcentséternuementsdusàlapoussièreetsept nouveaux textos sans réponse deVadim,Hitchcock est presque devenumonmeilleur ami. Leseul, en fait. Ilm’a tenuchaudet semble avoir approuvémondouble classement chronologique etalphabétique.Danssagrandebonté,Mr.Abramsm’aoffertunsandwichaucheddaretdeuxcafés.Ilm’a raconté sonparcourspendantune«petitepause»qui s’est longuementétirée. Ilm’aparlédecinémaavectoutesapassion,sacolère,sonautodérision.Letempsd’uneheure,ilm’apresquefaitoublierlesgraffiti.Etpuisilaévoquéavectristessesoncoupledéchiré,sonfils–Caleb–,quiaàpeuprèsl’âgedesesélèvesetqu’ilnevoitqu’unweek-endsurdeux,parfoissurtroisouquatre.Etjemesuissouvenuequ’ilyavaitsurcetteterred’autresgarçonsqueVadimArcadi.Etj’airepenséqu’iln’yen avait aucun comme lui. J’ai prétexté une envie pressante pourm’enfermer dans les toilettes etenvoyerl’ultimemessage.Celuiquej’auraisdûenvoyerdepuisledébut.Celuioùestécritcequejen’aijamaisdit.

[Jene saispasceque jedois fairepourque tumecroies.Alors jevaisdireça, tantpis si tu temoquesdemoi,situlerépètesàtoutelafacetsidemainilyadestagssurmoi.Jet’aime,Vadim.Jesuisvraiment,follementamoureusedetoi.]

Adosséecontrelemurdestoilettesauvilainpapierpeintbrun–dequelleautrecouleur?–moncœur bat à tout rompre.Dansma poitrine, dansmes tempes, jusqu’au bout demes doigts. Je n’enrevienspas.Quelqu’und’autreadûrédigerce textoàmaplace,cen’estpaspossibleautrement.Jen’ai jamais dit ça à personne, je ne l’ai jamais écrit et surtout encoremoins ressenti. S’il neme

répondpas,mavieestfinie.Monportablevibredansmamainetcebourdonnementmeremontedanslebras.J’ouvrelemessagederéponse,fermelesyeuxuninstantavantdemedécideràlelire.

[Prouve-le.]–Alma,toutvabien?Vousn’êtespaspriseenotage,voussavez.Hitchcockenauralecœurbrisé,

maisvouspouvezrentrerchezvous.

Jenesuispassortiedecestoilettes:jem’ensuisenfuie!Jen’aipasécoutélesremerciementsdeMr.Abrams,pasréponduàsesmotsd’esprit,jecroismêmenepasluiavoirditaurevoir.Jemesuismiseàcourirsansmeretourner,j’aitrébuchésurlechienendormi,mesuiscognélahanchecontreuncoinde table,mais j’ai continué, retrouvé l’air libreet foncéchezClémentine.Monamie,monalliée,cellequiatoujoursdebonnesidées.

–Onnepeutpasfaireça,Clem!–Onnepeutfairequeça.Ondoitfaireça!melance-t-elleentapantdupiedcommeàchaquefois

qu’onneveutpasl’écouter.–Tusaistaguer,toi?–Non,maissiunabrutidelabandedeTimothyaréussi,onpeutlefaireaussi.–Siçasetrouve,c’estmonfrèrequiafaitça…,dis-je,songeuse.–Ons’égare,là!Concentre-toi,Alma!C’estuntagquivousaséparés,c’estuntagquivavous

réconcilier.Elleestbrillante,cetteidée!Vadimvaadorer.–Oui,maislegymnase,jenesuispassûre…–C’esttoiquim’aditquelaportedederrièren’étaitjamaisferméeàclé!SortiravecTimt’aura

aumoinsserviàquelquechose.Tuconnaisunautreendroitsurlecampusoùonpeutentrerenpleinenuit?

–Non…reconnais-je,dépitée.Maissilegardienfaitsarondeetqu’onsefaitchoper?–Le gymnase est hyper isolé, il va y passer une fois à tout casser.Onne fera pas de bruit, on

n’allumeraaucunelumièreettuferasvenirVadimquandonaurafini.–Onnesaitdéjàpastaguer,alorsdanslenoir,çavaêtreuncarnage!–Cequetupeuxêtrenégative,ondiraitBasile!Bon,jevaisacheterdeuxbombes,ilvautmieux

quece soitmoi. Jeprendsdu rouge,hein?Ouais, c’estplus romantique,ungraffiti rouge.Toi turentrescheztoi,tudisàtesparentsqu’onsort,commechaquevendredisoir,etpuistutechanges.Tuas renversé quoi sur ton jean ? On dirait de la bave séchée. Bref, on se retrouve au gymnase à21heures.Situcroiseslegardien,tusiffles.

–Clem,ilvam’entendre,sijesiffle!–Ahoui,non.Tun’aurasqu’àimiterlecrid’unoiseau,jesauraiquec’esttoi.–Cui,cui,cui?Non,jet’enverraiplutôtuntexto.–Voilà!tuvois,quandtuveux.Onformeuneéquipedechoc!s’écrieClémentineentendantune

mainenl’airdanslaquellejesuiscenséetaper.–Tutecomportescommeunbasketteur.TutraînestropavecCassiusBanks,toi…–Çayest,ellerecommenceàs’égarer,répondmacopinecommesijen’étaispasdanslamême

piècequ’elle.–Non.Ok!Jesuishyperconcentrée.21heures…gymnase…portedederrière…crid’oiseau.Tu

esgéniale,lameilleuredesmeilleuresamies.–Redisçaencoreune fois…me lanceClémentinealorsque je franchis laportede sachambre

d’étudiante.–Àtoutàl’heure!

Je me tiens debout dans le noir, au milieu du terrain de basket. Les grandes lettres rougesdégoulinentlelongdumur:Vadim+Alma.Jen’airientrouvédeplusoriginalàécrireetj’aisurtoutconvaincuClemdenepasajouterunénormecœuràcôté.Lemessagequej’aienvoyéàVadimpourlui donner rendez-vous ici date d’il y a quinze minutes. Il lui en faut à peine dix pour venir augymnasedepuissonstudio.Jecommenceàavoirpeur,froid.Ets’ilnevenaitpas?Combiendetempssuis-jesupposéeattendreavantdedéclarercetteopérationratée?Est-cequ’unedoucheasuffipourenlever toute trace de l’odeur d’Hitchcock ? Est-ce que cette robe noire ne fait pas un peu tropallumeuse?

Stop,lesquestions!Laissez-moitranquille!

J’entends la porte de derrière s’ouvrir dans un cliquetis discret. Peut-être est-ce le gardien, quiauraitdécidédefaireduzèlecettenuit?OubienClémentine,quin’apasréussiàrentrerchezelle,excitée comme elle était ? Je me précipite dans la petite guérite où se trouvent les interrupteurscommandant le terrain de basket.C’était le plan. Si c’est lui, j’allume. Sinon, je reste planquée là.Silhouetteélancée,démarchenonchalante,blousonencuirluisantdansl’obscurité…

–Alma?appelleVadimentournantsurlui-même.

Mesdoigtsfébrilesactionnentleboutondel’éclairage.Jevoissesyeuxseplissersousl’effetdelalumière criarde. Il tourne encore,me cherchant du regard, puis tombe sur le graffiti. Il recule dequelquespas,fixelemur.Sonéclatderirerésonnedanslegymnasevideetvientpercuterlavitredelaguérite.Ilplongesamaindanssescheveuxbouclés,jesorsdemacachetteencourantetlerejointaumilieuduterrain.

–Alors,tuvoisquej’étaiscap.

Vadimseretourneversmoi,mesoulèveetmefaittourbillonnerdanslesairsenriantdeplusbelleavantdemereposerparterre.Ilmeserrecontrelui,mesourit,metendsonvisagesublime,heureux,renversant.

–Jet’aime,Alma.Tun’aspasidéecommejet’aime.

Vadimvientvraimentdemedire ça.Aumilieude cegymnasevide et silencieux, sonmurmureressembleàuncri.Ilm’atteintenpleincœur.Jemejettedanssesbraspournepasavoiràrépondre,pournepasme laisser submergerpar l’émotion,nepasmemettreàpleurer.Pasmaintenant.Monbeau brun m’embrasse, doucement d’abord, puis me dévore. Ce n’est plus mon cœur que je necontrôlepas,c’estmoncorps.Unfrémissementnaîtdansmonventre,puisunelavebrûlanteparcourtmesveines.Jen’aiplusfroid,jebouillonneàl’intérieur.Monvolcans’éveille,gronde,s’énerve.

–Onferaitmieuxd’éteindreleslumières,chuchoté-jeentredeuxbaisers.–Ahbon,pourquoifaire?merépondVadimavecunsourirefaussementinnocent.–Attrape-moisitupeux,luilancé-jed’unairmalicieux.–Qu’est-cequejegagnesijet’attrape?

–Tuverras!crié-jeenm’élançant.

Je traverse le terrain de basket en courant aussi vite que me le permet ma petite robe cintrée,fonçantverslaguériteoùjem’étaistapieenl’attendant.Ilnetardepasàmerattraper: j’abaisseleboutondel’éclairagejusteaumomentoùilmerejoint.Lapetitepièceestsoudainementplongéedanslenoiret il fautquelquessecondesànosyeuxpours’habituerà l’obscurité.Essoufflée,excitée, jechercheVadimdelamainettombesursontorsemusclé.Cecontactmefigesurplace.Ilsaisitmesdoigtsetlesporteàsabouche,lesembrassantpuislesglissantentreseslèvreschaudes.Illessuçoteet mon bouillonnement reprend à l’endroit exact où il est né quelques instants auparavant. Vadimclaquelaportedupiedetmeplaquecontrelui.Jelesensbouillir,luiaussi.

–Jet’aieue,AlmaLancaster.Quelleestmarécompense?–Moi…murmuré-jeenmelevantsurlapointedespiedspourpassermesbrasautourdesoncou.

Alorsquejel’embrasselepluslangoureusementdumonde,jesenssesmainscaressermescuisseset faire remonter ma robe de quelques centimètres. Puis il les glisse sous le tissu, m’agrippe lesfesses,mesoulèveetm’assiedsurlecomptoirquisetientjusteàcôtédemoi.Jenel’aijamaisconnusiimpatient,sifiévreux,presquebrutal.Jenelevoudraispasautrement.Moncorpsleréclame.Là,maintenant,urgemment.

VadimArcadiestainsi:Provocateur,ilvousforceàvousrebeller.Tendre,ilvousfaitfondreenmoinsdetempsqu’ilfautpourledire.Charmeur,ilvoustransformeenséductrice,aguicheuse,prêteà tout pour l’obtenir. Prédateur, il fait de vous une tigresse déchaînée, sauvage, au désir animal.VadimArcadifaitdemoitoutcequejenesuispas.

Assisefaceàlui,j’écartelesjambespourl’attirercontremoietmedébatavecsont-shirt,quejeveuxvoirdisparaître.Illutteluiaussiavecmarobeétroitequ’ilessaiedefaireremonterlelongdema taille. Il la passe enfin par-dessusma tête.Nos peaux nues s’aimantent. La sienne est soyeuse,chaude,tenduesurlesmusclesdesesbras,sursesépaulesetsondos.J’aienviedelegriffer.Jemeretiens alors qu’ilmord dansmon cou commeune bête affamée. Sesmains presséesmassentmesseinsàtraversmonsoutien-gorge,fontclaquerettombermesbretelles,descendentverslelycraquirecouvreencoremonbasventre.Jesenslapulpedesesdoigtss’affairercontreletissuhumidedemaculotte.Jevoudraisqu’elledisparaisseelleaussi.Qu’illadéchirecommedanslesfilms.Àlaplace,ilglisselesdoigtssouslacoutureetcetterencontreinespéréemefaitlâcherungémissementaigu.Mondésir s’embrase sous samain experte.Lamienne,malhabile, tente d’ouvrir le boutonde son jean,puisdescendlabraguettequirésiste,etseposeenfinsursonboxertendu.

Vadim revientm’embrasser follement et, tout en glissant sa langue chaude entremes lèvres, ilintroduit un doigt dansmon intimité serrée.Cette flèche empoisonnéeme fait perdre pied. Je suiscommepiégée,incapabledefuir,acceptantdélicieusementmonsort.Jefaisroulersonboxersoussesfesses,sesfessesparfaitementrondes,fermes,àtomber.Sonsexeenérectionjaillitentrenousdeux.Jelecaressesanstropsavoirsijelefaisbien,maislesgrognementsdesonpropriétairem’incitentàcontinuer.Toujoursaussiimpatient,ilmelibèredemaculotteenmesoulevantbrusquement,revientposerunemainsurmonclitorisgonfléqu’ilpressesoussapaume.Sonautremainfourragedanslapochearrièredesonjeand’oùilsortunpréservatif.Ildéchirel’emballageaveclesdents,s’occupedelemettre,sansjamaiscesserdes’occuperdemoi.

–Jeneveuxpastepresser,Alma,maisj’aitellementenviedetoi…soupire-t-ilàmonoreille.–Jen’attendsqueça…dis-jesansmereconnaître.

Assisedans lenoir sur cepetit comptoir, avecun soutien-gorgepour toutvêtement, j’aideboutfaceàmoilegarçonleplusbeaudelaterre,lejeanjustesouslesfesses,etilmesusurrelesmotslesplusexcitantsquej’aiejamaisentendus.Jeledésireplusquejenel’auraisjamaiscrupossible.Jenepensemêmeplus, c’estmon corps qui parle.Qui posemesmains sur ses reins pour lui suggérerd’approcher. Qui le fixe en me mordant la lèvre comme s’il était le fruit défendu dans lequel jem’apprêteàcroquer.Peuimportecequ’ilm’encoûte.Sonregardardentplongédanslemien,ilmedevine,mecomprend,s’avance lentemententremescuisses,commeunanimalchasseurguettant leparfaitmomentpourfondresursaproie.Vadimmeconquiert.Enfin.Sonsexe,àlafoissiduretsidoux,me pénètre une première fois, dans unmouvement sensuel quime renverse. Puis sesmainsviennentécartermesjambespourgagnerduterrain,jelescroiseautourdeseshanches,m’agrippantàsoncou,mesdoigtsplongésdanslesbouclesfollesquibalayentsanuque.

Monamoureuxredevientl’amantsauvagequ’ilatentéuninstantdemaîtriser.Sondésirenflammévient réveiller encore un peuplus le volcanqui grondedansmes profondeurs.Mes gémissementsinsensés résonnentdans legymnasevide.Ses râlesvirilsme répondent en écho. Jemeconsumeàl’intérieur,monplaisirgrandissantàchaquenouvelélan.Jesensquejevaisimploseretmesonglesseplantentdanslachairdesesfessespourl’immobiliser.Moncorpsenéruptiontrembleets’agite,lesiensefigetoutaufonddemoi,ilmeserrependantquejesombre,laissantlaforcedecetorgasmem’engloutir tout entière. Il jouit juste après moi, sa peau brûlante vibrant sous mes doigts. Nousrestonslàdansl’obscurité,imbriqués,incendiés,jusqu’àcequel’undenouspuisseenfinparler.

–Alma,tuestoujoursvivante?–Oui…Jecrois.Commenttufaisça?–Çaquoi?–Mefairejouir,àchaquefois.Êtreexactementcommejevoudraisquetusois.–Cen’estpasmoiquifaisça,Alma.C’esttoi+moi.Çanes’expliquepas,jecrois.–Alorsjenevaispasgâchercemoment,hein?Entedemandantsic’étaitaussicomme

çaaveclesautres?

–Non.Auxdeuxquestions.

Jesourisetm’enfouiscontresontorseàl’odeurdivinesimasculine.Mesjambesfourmillent,mabouchesouffred’avoirété tantembrassée,monvolcan intimeneparvientpasàs’éteindre.Étrangesensationdebien-êtremêléededouleurs,deplénitudeetdevideintérieur.Jeluiaitoutdonné.Ilm’apossédée, presque dépossédée. Je plane en dehors de mon corps, je ne sais pas s’il m’appartientencore.Vadim,lui,areprissesesprits.Retrouvésonairpleindedéfi.

– Je n’en ai pas fini avec toi, lance-t-il en remontant son jean autour de sa taille. À toi dem’attraper.

–Hmm…Quandjepourraimarcher.–Non,maintenant!D’ailleurs,tun’auraspasbesoindeça,dit-ilendégrafantmonsoutien-gorge

noiretenlefaisantvalserau-dessusdesatête.Prête?

–J’aimeraisbien,maisjenepeuxpasbouger.J’ailesjambesencoton.Jecroisquetum’asjetéunsort.

– Bah voyons. Tu ferais tout ce que tu peux pour être portée comme une princesse, hein,Lancaster?

–Maisjenet’airiendemandé,Arcadi!

Niunenideux,Vadimmesoulèveducomptoir,unbrassousmesgenoux, l’autreautourdematailleetme transportenuecommeunverà travers legymnase. Jeme recroquevilledans sesbras,n’essayantmêmepasdemedébattrependantqu’iltraverseleterraindebasketencourant.

Commentpeut-ilêtreaussifort?

Commentpuis-jeêtreaussinue?

Heureusementqu’ilfaitnoir…

Danssacoursefolle,ilarpentelescouloirsdugymnase,poussequelquesportesdupied,entreetressorten lâchantdessoupirsmécontents.Jen’aiaucune idéedecequ’ilcherche.Jem’accrocheàsoncou,observantsescheveuxondulésbattreau-dessusdesatêteaurythmedesesenjambées.

–Bon,ilsedécide,monchevalierservant?Jecommenceàavoirfroid!ironisé-jedanssesbras.–Ahoui,toutesmesexcuses,princesseLancaster,jevousréchauffedansuninstant.Jechercheun

endroitdignedevotrerang.– Cherchez mieux et surtout trouvez vite, Arcadius, je n’attendrai pas une minute de plus !

continué-jeavecmonaccentlepluschic.–Là,ceseraparfait,dit-ilenentrantdanslesvestiairesdesbasketteurs.

Il a repéré un chariot rempli de serviettes de bain moelleuses et soigneusement pliées. Il m’ydéposedélicatementetjem’enfoncedanslecotonsentantbonlalessive.

–Ceniddouilletvoussied-il,maprincesse?

Monvalet,deboutfaceàmoi,mimeunerévérencequimefaitsourirepuisobservemoncorpsnudanslapénombre.Sonminoistaquinchangeenuneseconde.Ilpassesamainsurmajouepuisdansmes cheveux, sourit en coin et me couve de son regard à la fois amoureux et sexy. Il se penchelentementpourm’embrasser.Torsenudanssonjeanauboutondéfait,sescheveuxbrunsenbataille,lesmusclesdessinéssursontorseetlapetitecicatricesursalèvreourlée:jenepeuxpasluirésister.Cebaiserintenseseprolongeetunfeuserallumedansmoncorpsàpeineremisdesesémotions.

Vadim dépose de doux baisers dans mon cou, sur mes épaules, ma poitrine. Il se baisse pouratteindremesseins.Seslèvress’arrêtentuninstantsurmontéton,puissurl’autre,etcontinuentleurlentedescenteauparadis. Ils’agenouillemaintenantdevantmoi,quisuis toujoursperchéesurmonchariotouaté.Salanguemechatouilleleventre,contournemonnombril,sefaufileplusbas,toujoursplus bas. Quand il gagnemon intimité, je suis déjà en train dem’abandonner. Son souffle chauds’insinue dans tous les pores de ma peau. Je n’ai plus qu’à plonger ma main dans ses bouclessoyeusesetdésordonnées,lelaisserfairecequ’ilfaitsidivinementbien.Cequ’ilm’adéjàfaitunefois,latoutepremièrefois.Cequejepourraislelaissermefaireunmillierdefoistellementj’aime

ça.

C’estcommesisaboucheavaitapprisparcœurmonmoded’emploi.Mêmemoi,jeneleconnaispas.Ils’immiscedansmesrecoinssecrets,dessineduboutdelalangueuneformulemagiquequeluiseulconnaît.Ilimprimedesmouvementslentsautourdemonclitorisqu’ilévitesoigneusement.Cemanègemefaitperdrelatête.Jegémis,ilsourit.Jesupplie,ils’amuse.J’ondule,ilseretire…puisrevient me dévorer, plus vite, plus fort. Sa bouche se fait avide et passionnée, sa langue devientcurieuse, fonceuse. Elle s’infiltre dans ma féminité. Je suis prise au piège, mon bassin remuefrénétiquementaurythmedesesassautsvoraces.Monamantfou,àgenoux,meguideparleshanches,caressemescuisses,pétritmesseinstendusverslui.Jeluttepournepasperdrelatête.Jeleregardemedéguster,m’avaler,sonvisageperduentremescuisses,sonregardbrillantd’undésirinsatiable,d’une détermination coquine, d’une sensualité à se damner. Quand mon plaisir se déchaîne, ilm’empoignelesfessesetmepressecontreseslèvresexpertes,m’empêchantdefuirl’inéluctable.Matête se renverse en arrière,mes jambes s’écartentmalgrémoi,mabouche s’entrouvre et je halète.Mes doigts le décoiffent, je ne contrôle plus rien. Ma jouissance explose et dure, dure encore,m’inonde,mesubmerge,lalanguedeVadimnemequittepas.Puisilm’entouredesesbrasetvientposer son visage contre mon ventre brûlant, secoué par mes ultimes soupirs de plaisir. Il sourittoujours.

–Quelquechosemeditquetun’asplusfroid,chuchote-t-ilenlevantsesyeuxgrisversmoi.–Jemeursdechaud.Encoreunsortquetum’asjeté…réponds-jeenreprenantmonsouffle.–Capdeprendreunedoucheavecmoi?dit-ilensursautantcommesicettenouvelleidéevenait

justedelefrapper.–Tunevaspasmelaisserunesecondederépit,hein?C’estça,tonnouveaudéfi?–Alma,capoupas?

Jen’aipas le tempsderépondre,qu’ilmesoulèveànouveau,cettefoisenfaisantbasculermoncorpssursonépaule.Ilmepromènecommeunvulgairesacàpatates,jebatsdesjambespourl’enempêcher, essaie de crier, mais je suis prise d’un fou-rire nerveux. Il rit aussi, courant vers lesdouches et allumant l’eau qui nous arrose d’un jet glacial. Je hurle, il rit de plus belle, l’eau seréchauffeetdevientbrûlante. Ilaccepteenfindemeposersur lecarrelagefroid,mescheveuxsonttrempés,sonjeanestplaquésurses jambesmusclées. Ilsecontorsionneetsautillepouressayerdel’enleverpuisvient se coller àmoi, nuet sublime, lapeau toute ruisselante, lesbouclesmouilléesqu’ilagitecommeunsurfeurcaliforniendansunepubpourshampoing.Jefondslittéralement.

–Jesupposequetuvasbientôtdevoirrentrer?–Pasencore.Serre-moi.–Jepeuxencoreprofiterdetoi,alors…Retourne-toi,murmure-t-ilàmonoreille.

Jem’exécute, faisant faceaumurcarrelé.Sous le jetpuissantde ladouche,Vadimsemetàmemasser les épaules, puis dégage mes cheveux pour m’embrasser dans la nuque, me mordillerl’oreille, pendant que sesmains caressentmes seins. L’une d’elle se fraie un chemin jusqu’àmonintimité.Toutel’eaudumondenepourraitéteindrelefeuquiserallumeenmoi.Dansmondos, jesenssonsexeérigéfrôlermapeau.Jefermelesyeux.J’aichaud.Jecroisquejenevaispasrentrertoutdesuite.

Peut-êtrejamais.

5.Toutperdre

–Alma, décroche, putain ! Ça fait dix fois que je t’appelle ! Je suis au gymnase. Lematch vacommenceret tonputaindeprénomest taguésur lemur!Avecceluide tonputaindepetitcopain.Toutelafacestlà,onneparlequedeça,j’espèrequetuesfièredetoi!Cettefois,jenepourraipastecouvrir.Tuasquelâge,franchement?Tumefouslahontedemavie,ilsmeregardenttous,danslesgradins!Bref,destypesdel’entretiensontentraindefrotterpourlefairedisparaîtreavantquelesjoueurs entrent sur le terrain, mais tout le monde a déjà pris des photos. Et Tim est furax, tun’imagines même pas ! Tu es tarée ou quoi ? C’est fini pour toi ! Quand papa saura ça… Bref,rappelle-moi!

LavoixdeBasilehurlesurmonrépondeur.J’écoutesonmessage,allongéedansmonlit,encoreàmoitiéendormie,latêtedanslecoaltar.Moncorpsendolorimerappellemademi-nuitmagiqueavecVadim.Nousavons«baptisé»touslesrecoinsdugymnase,puisnousavonsramassénosvêtementsetsommespartisencourant,sansnousretourner.Sansjeterundernierregardaugraffiti.Sanspenserunesecondeàsesconséquences.Jesuisrentréetard,mesuisfaufiléedansmachambresansfairedebruitetj’aidormicommeunbébé.

Leréveilestbrutal.Hargneux.Jeplongematêtesousl’oreillerpourfairedisparaîtrelemessagevocaldemonfrèrequirésonnedansmesoreilles.Merendormir,nepaspenser,nepasaffrontercettejournée,fairecommesiriendetoutçan’avaitexisté.

Saufcettesoirée.

–Alma!

Cettefois,c’estlavoixpaniquéedemamèrequiprononcemonprénomentapantàlaportedemachambre.Monpèrenes’embarrassepasdetantdepolitesseetdébarquecommeunfouàcôtédemoi.Ilfaitvalsermacouetteetsemetàhurler.

–Lève-toi!–Doucement,Edward…essaiedetempérermamère.–Devine qui nous avions au téléphone de si bonmatin ! continuemonpère pendant que jeme

redresse péniblement. Le directeur de l’université ! Un ami ! Celui qui t’as permis de rentrer àUCLA!Ettusaispourquoiilappelait?!

–Non…mens-jeduboutdeslèvresenmefrottantlesyeuxpouréviterdeleregarder.–Ungraffiti,Alma!Tonprénometceluid’uncertainArcadi.Enlettresrouges,danslegymnase

oùalieuunmatchdebasketencemomentmême!Turéalises?!crie-t-ilencoreunpeuplusfort.–Jesais,ilyadéjàeudestagsàlafac,hiermatin.Maisjen’airienàvoiravecça,papa.–Tais-toi!Tut’expliquerasauprèsdudirecteur.Noussommesconvoquésdanssonbureaud’ici

unedemi-heure.–Vat’habiller,onnepeutpasêtreenretard,intervientmamère,toujourspragmatique.–Jesuistrèsdéçue,Alma.J’espèrequetunevaspasmefaireregretterdet’avoiramenéeici.De

nousavoirtousfaitdéménagerauxÉtats-Unis.

Monpèremelancesonregardleplusombrageuxpuistournelestalonsetclaquelaportedemachambre.Leslarmesmemontentauxyeux.Mamèreresteprèsdemoi,lamainsurlagorge,commesielleavaitdumalàrespirer.

–Ilestencolère.Ilnepensepascequ’ildit.Toutlemondeétaitravidevenirs’installerici,machérie.Jesuiscertainequ’ilyaunetrèsbonneexplicationetquetun’espasderrièretoutça.Hein,Alma?

Elleseveutrassurante,maisjeperçoisunepointedesuspiciondanssavoixpendantqu’ellelissemescheveuxduplatdelamain.Sapetitefillediscrèteetbienélevéenepeuttoutdemêmepasavoircommisunactedevandalismeetvouloirsedonnerenspectacledevanttoutelafac!Ellenel’imaginepas.Mamèreestparprincipedemoncôté.Monpèreest,parorgueil,ducôtédelaréputationdesonnom.

Etchampionpourmefaireculpabiliser.

En rentrant dans le luxueux bureau du directeur, je rase les murs, les yeux rivés sur meschaussures.Noires,uséesetdélacées,cellesdeVadimentrentdansmonchampdevision.Jelèvelatêteet l’aperçois,debout, lesbrascroisés,àcôtédesonéducateur.Mesparentset lesautresadultesprésents s’échangent des poignées de main cordiales, mon père se fend d’une petite blague pourdétendrel’atmosphèreetVadimenprofitepourretroussersamancheetmemontrerdiscrètementsonavant-bras.Sursapeaumate,de finesmajuscules tremblantes tracéesaustylonoir :«Deny. Neverhappened. LoveU. » Il tire sur samanche etm’adresse un infime clin d’œil, plein de passion etd’assurance,pendantquejetraduisdansmatête.

Nierenbloc.Çan’estjamaisarrivé.Jet’aime.

ILM’AIME!

L’heurequiasuiviaressembléàunescènedethéâtre, improviséemaisintensedevantunpublicd’abordsceptique.Vadimenafaitdes tonnesdanssonrôledevoyourebelleetsolitaire,affirmantqu’ilmedétestetellement–moiettouteslesfillesderichesdansmongenre–quejamaisiln’auraitpu taguer ou simplement envisager un truc pareil. Keith Johnson lui a fait les gros yeux et lui ademandé de témoigner un peu plus de respect aux Lancaster. J’ai confirmé sa version de notrerelation imposée et subiedans le cadredu coursdeMr.Abrams. J’en ai profitépour remercier ledirecteurdelachancequim’aétédonnéed’intégrersabrillanteuniversitéetenairajoutéunecouchesur lesprécieuxenseignementsdispensésàUCLA.Vadima levé lesyeuxaucieletsoupirédemesflagorneries. J’ai continué sur ma lancée et rappelé à toute l’assemblée qu’une fille « dans mongenre»–toutenenvoyantunregardméprisantàmonbinômedetravail–necherchaitpasàs’attirerdesennuismaisuniquementàseconsacreràsesétudes.Vadimaenfoncéleclouenévoquantnotreuniquepointcommun–lapassionducinéma–faceànosmilliersdepointsdedésaccords.Puisiladiscrètementfaitglisserlaconversationsurleséventuelsauteursdugraffiti:desétudiantsàl’espritétroit,dessportifslimitésetracistes,perturbésparnotreimprobableduoetincapablesdemenerdeséchanges virils sans la présence d’un ballon. Keith l’a repris encore une fois, mamère a pouffé

devant cet argumentaire bien tourné et le directeur, embarrassé par les remarques deVadim, sansdoute flatté par les miennes, a décidé d’écourter l’entrevue. Nous avons chacun écopé d’unavertissementetd’uneconsignestricte:neplusfaireparlerdenousjusqu’àlafindel’annéescolaire.

Sur le chemin du retour à la villa, je me remémorais nosmensonges et le regard profond deVadimaumomentdenousquitter:insolentetdétestableauxyeuxdeceuxquiignoraienttoutdenotremanège,provoquantetamoureuxàmesyeuxàmoi,perdusdanslessiens.

C’étaitsibondeledétester…

Monpère,quiasûrementtrouvélasentencedudirecteurtropclémente,m’apuniepourleweek-end et interdit de fréquenterArcadi en dehors des heures de cours. Jeme suis enfermée dansmachambrependantdeuxjoursetn’ensuissortiequepourgrignoterdanslefrigoouéchangerquelquesmotsavecLily, toute tristede l’ambiance tendueà lamaison.EtpourcomploteravecGeorgia,macomplicedetoujours,quiaacceptédem’aiderpourfairelivreruncadeauparcoursier,dansleplusgrand secret, sansmêmemedemander l’identitédudestinataire. J’ai envoyéàVadimun flacondePacoRabanne,monparfummasculinpréféré,pourrépondreàsafleurd’orangeretleremercierdenousavoirsauvélaviedanscebureau.

[Arcadius:Mercipourtoncadeau.Tutrouvesquejepue?]

La fenêtre apparaît sur l’écran demonordinateur portable, reposant surmes jambes alors que,allongéesouslacouette,jeregardaisunDVDquej’aidéjàvutroisfois.

[Alma_83:Non,jetrouvequetusentirasencoremeilleur.Qu’est-cetufais?][Arcadius:Undevoird’anglais.][Alma_83:Pourqui,cettefois?][Arcadius : Tu ne veux pas le savoir. Toi, tu fais quoi dans ta cellule ? On t’a autorisé une

promenade,aumoins?][Alma_83:Mêmepas.Maisc’estuneprisonmoderne,j’ailedroitauxDVD.][Arcadius:Laisse-moideviner!ToyStory?Les101Dalmatiens?Mulan?][Alma_83 :Tu t’yconnaisvachementbienendessinsanimés,unepassioncachée?Non,unpeu

plusprochedecequejeressensencemoment…][Arcadius:Hmm…Monbeau-pèreetmoi?][Alma_83:C’esttafaçondemedemanderenmariage,ça?][Arcadius:Ok,oublionsEdwardLancaster!CoupdefoudreàNottingHill,alors?][Alma_83:Çapourrait…maisjenesuispasd’humeurromantique,là.][Arcadius:Ok,j’aitrouvé:SexeIntentions!][Alma_83:Danstesrêves,Arcadi!Ça,c’estcequetoi,turessensencemoment!][Arcadius:Démasqué…Bon,j’aiperdu,turegardesquoi?][Alma_83:Seulaumonde.C’estpathétique,hein?][Arcadius:Cequicommenceàdevenirpathétique,c’esttapassionpourTomHanks!][Alma_83:Merci,jemesensencoreplusseule,là.][Arcadius :Bonok, j’avoue : tumemanques aussi…Mais tu sais, la prochaine fois, tu devrais

peut-êtretaguerToi+MoiplutôtqueVadim+Alma.Enfin,moijedisça…][Alma_83:Mercipourlesoutien.VadimArcadi,jevousdécernel’Oscardumeilleurpetitami!]

[Arcadius:J’aiditquetumemanquaisaussi!C’estlundi,demain.Onpourra…][Alma_83:C’esttoiquim’asenvoyéunmailàl’instant?][Arcadius:Non,j’étaisentraind’écrireunephrase,mademoisellemal-élevée…][Alma_83:Attends,jevaisvoir.]

J’ouvremaboîtederéceptionquiafficheunmessagenonlu.Jeneconnaispasl’adressequimel’envoie.Lemailestvidemaisunephotose télécharge lentement.Trèssombre.Puis laclartéd’ungraindepeauapparaît.Moncorpsnu,assis,sedessinesousmesyeux.PuisceluideVadim,dedos,àgenouxfaceàmoi.Matêterenverséeenarrière.Lasienneplongéeentremescuisses.

Moncœurs’affole,tambourinedansmapoitrine.Mamaindroitehésite.Détruirecemail.Détruirecet ordinateur de malheur. Détruire cette photo qui est en train de détruire ma vie. Encore. Je latransfèrefinalementàVadimenquelquesclicspendantquedeslarmesruissellentsurmesjoues.

[Arcadius:Alma,c’estquoicebordel?!][Alma_83:Jeviensdelarecevoir.][Arcadius:Maisc’estqui,putain?!][Alma_83:Aucuneidée.Iln’yaqueClémentinequisavaitoùj’étais.Tul’asditàqui?][Arcadius:Personne!Alorsquelqu’unnoussuit!][Alma_83:Commentc’estpossible,Vadim?Quinousveutdumalàcepoint?Àquoiçasert,ces

photos?Pourquoinenouslaisse-t-onjamaistranquilles?][Arcadius:Jen’ensaisrien.Jetelaisse,Alma.Fautquejesortesinonjevaistoutcasser.][Alma_83:Maisqu’est-cequejefais,moi?][Arcadius:Rien.Supprimelemail.N’enparleàpersonne.Jevaistrouverletaréquifaitça.Jete

jurequejevaisletrouver.Onsevoitdemain.][Alma_83:Vadim?][Arcadius:Jesaisquetuaspeur,Alma.Jetenelaisseraijamaistomber.Celuiquiveuttefairedu

malvaleregretter.Jedeviensfou,là!J’yvais.]

Heureusederetrouvermaliberté,celundimatin,heureusederevoirVadim,enfin,maisd’autressentimentsviennentmepolluerl’esprit,menouerl’estomac,meserrerlecœur.JeluttecontremonenviedeparleràClemdelanouvellephotoanonyme,jescrutelesregardsdesautresétudiantspourtenterdesavoirquiseraitaucourant.JecrainslepremiercoursetlesvannesdeMr.Abrams,ousestentativesdemekidnapperpourunenouvellejournéed’assistanat–d’esclavage–enchaînéeaubassetmalodorant.Jeprendsmaplacehabituelleaupremierrang,monbinômevients’affalersurlachaiseàcôtédemoi,dansunt-shirtblancquirendsesyeuxgrislimpidesetquidégagedeseffluvescorsésdePacoRabanne.Notesdecuir,debois,demusc,lavirilitéincarnée,jenem’étaispastrompée:monamoureuxetsonparfumnefontqu’un.Jenesuispasloindechavirer.

Mr.Abramsetsessourcilsrenfrognésnenouslâchentpas.Sonregardsemblecontrarié,brumeux,déçu.Savoixestencoreplusrugueusequed’habitude.

–LancasteretArcadi,votremémorablecollaborationprendfinaujourd’hui.VouséchangezavecleduoLee-McPherson,etcommevousn’avezrienfoutu,vousreprenezleursidéesdecourt-métrage,çavadesoit.Arcadi,bougez-vous,ElleMcPhersonvousattend.

–Jem’appellePhoebe,monsieur,corrigelablondinetteunpoilflattée.

–Qu’est-cequevousvoulezqueçamefasse?répondleprof,agacé.EtvousBruceLee,vousavezunprénomquevoussouhaiterannonceraumondeentier?

– Jude. C’est Jude Lee. Mais vous pouvez m’appeler comme vous voulez, consent timidementl’étudiantasiatique,sespetitsyeuxcachéssousuncasquedecheveuxraidesetnoirs.

– C’est trop gentil à vous. Allez, changez de place, on perd du temps ! Ce que les adolescentspeuvent être lents de nos jours ! Lee, vous voyez quelque chose sous le rideau qui vous sert dechevelure?Arcadi,arrêtezdetraînerdespieds,dunerf!

Arrivéàmi-parcours,Vadimfaitdemi-touretfoncedroitsurmoi.Ilm’embrassedevanttoutelaclasse.D’unbaiserinterminable,langoureuxetpassionné,souslessiffletsetlesapplaudissementsdesautresétudiants, tropcontentsdepouvoirrelâcherlapression.Abramsnoushurled’arrêteretnousmenace d’une visite chez le directeur. Ce mot magique nous sépare, Vadim rejoint son nouveaubinôme,unsouriretriomphalsurlevisage,pendantquejemerassieds,lesjouesempourpréesetleslèvres encore humides de cet incroyable baiser. Le cours reprend, je me fais toute petite, meconcentrant surmes notes en louchant de temps en temps sur les feuilles soignées demonnouvelacolyte.Unepetitebouledepapierfroisséroulesurmonbureau,jen’aipasvud’oùellearrivait.Jelalissediscrètementsurmacuisse,essayantdedéchiffrerlespattesdemouche:

« Ils peuvent essayer de nous séparer, personne ne m’empêchera jamais de te parler. Ni det’embrasser.V»

Jesourisbêtement,retournelepetitpapierchiffonnéetrédigeuneréponsesouslatable,àl’abridesregards.

«ElleMcPhersonetJudeLaw,onnes’ensortpassimal…Tumemanquesdéjà.A»

Jeregardeautourdemoi, ignorantcommentrenvoyermonpetitmotaufonddelaclasse.Àmagauche,Andrewsepencheetfaitsemblantdemetendreunstylo.Maisilouvrelamainpourrecevoirmabouletteet la faitpasserderrière lui.Soudainement, toute laclasseestsolidaire.Lapetitescènepassionnée,latentativederébellionetlemalaised’Abramsontrangélesautresànoscôtés.Jejubileintérieurement.Trèsvite,unnouveaupapierfroissémeparvient.

«IlsnepeuventriencontreToi+Moi.Tumerendsdingue,Alma.Tunesaispascequejeseraisprêtàfairepourtoi.»

Desmilliersdepapillonstournoientdansmonventre.Unbonheurviolentéclatedansmoncœur.J’écris à Vadim que je l’aime, follement, inconditionnellement. Plus que TomHanks et Jude Lawréunis.Saréponsemerevientenboomerang.Andrewetlesautressontdevenusmaîtresdansl’artdefairepasserlespetitsmotsenflammés.Ilss’yamusentpresqueautantquenous.Lamachineesthuilée,lamutineriecouve.Jedéplie,défroisse,déchiffre:

«Pascapdeleverlamainetlediretoutfort.Auprof.Àtoutelaclasse.Situm’aimes,t’escap.»

J’inspire profondément et des effluves de PacoRabanne viennentme chatouiller les narines. Jem’enemplislespoumons,jemesensgonfléed’uneassuranceetd’uneaudacequimedonnentenviedehurler.Jemeraclelagorge,lancemonbrasenl’aircommesij’allaisposerunequestion:

–Mr.Abrams?–Quoi,Lancaster?

Tous lesvisages sebraquentversmoipuisvers laporte à laquelleontvient de frapper.Quatrepoliciersenuniformefontirruptiondanslasalledecours.

–VadimArcadi,vousêtesenétatd’arrestation.Vousavezledroitdegarderlesilence.Toutcequevousdirezpourraêtreutilisécontrevous.Vousavezledroitàunavocat.Sivousn’enavezpaslesmoyens,unavocatd’officepourravousêtreaccordé.Avez-vouscompriscequej’aidit?

Lespoliciers,auxvoixcalmesetauxgestessûrs,lemenottentetl’emmènentenl’attrapantsouslesbras.Vadimse laisse faire, imperturbable,presque résigné.Enpartant, il aundernier regardpourmoi.Unregardsûr,appuyé,quimeditdenepasm'inquiéter.Maisdanslequeljedécèleunelueurdevulnérabilitéquimetordlecœur.Meslèvresarticulentensilencecequejem’apprêtaisàcrier.

Àsuivre,nemanquezpasl’épisodesuivant.

Egalementdisponible:

Toi+Moi:l’uncontrel’autre

Toutlesoppose,toutlesrapproche.QuandAlmaLancasterdécrochelepostedesesrêvesàKingProductions,elleestdéterminéeàallerdel’avantsansseraccrocheraupassé.Bosseuseetambitieuse,elleévoluedanslecercletrèsferméducinéma,maisn’estpasdugenreàsefairedesfilms.Sonboulotl’accapare;l’amour,ceserapourplustard!Pourtant,lorsqu’ellerencontresonPDGpourlapremièrefois–lesublimeetcharismatiqueVadimKing–,ellereconnaîtimmédiatementVadimArcadi,leseulhommequ’elleaitvraimentaimé.Douzeansaprèsleurdouloureuseséparation,lesamantsseretrouvent.Pourquoia-t-ilchangédenom?Commentest-ilarrivéàlatêtedecetempire?Etsurtout,vont-ilsparveniràseretrouvermalgrélessouvenirs,malgrélapassionquileshanteetlepasséquiveutlesrattraper?

Tapotezpourvoirunextraitgratuit.

Egalementdisponibleettéléchargeabledansvotremagasin:

Toutpourlui

AdamRichterestjeune,beauetmilliardaire.Ilalemondeàsespieds.EléaHaydensenestunejeuneetjolievirtuose.Complexéeparsesrondeurs,inconscientedesontalent,Eléan’auraitjamaispenséqu’unehistoireentreAdametelleétaitpossible.Etpourtant…uneattiranceirrésistiblelespoussel’unversl’autre.Maisentrelemanqued’assuranced’Eléa,lafougued’Adametlesembûchesquecertainsaimeraientmettresurlaroutedesdeuxjeunesgens,leurhistoired’amournevapasêtredetoutrepos!

Tapotezpourvoirunextraitgratuit.