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-1- - Traduction de quelques passages de la Traduction de quelques passages de la Traduction de quelques passages de la Traduction de quelques passages de la Divine Comédie Divine Comédie Divine Comédie Divine Comédie - Paradis Paradis Paradis Paradis XVII, v. 124 XVII, v. 124 XVII, v. 124 XVII, v. 124-142 142 142 142 « Coscïenza fusca o de la propria o de l’altrui vergogna pur sentirà la tua parola brusca. Ma non di men, rimossa ogne menzogna, tutta tua vision fa manifesta ; e lascia pur grattar dov’è la rogna. Ché se la voce tua sarà molesta nel primo gusto, vital nutrimento lascerà poi, quando sarà digesta. Questo tuo grido farà come vento, che le più alte cime più percuote; e ciò non fa d’onor poco argomento. Però ti son mostrate in queste rote, nel monte e ne la valle dolorosa pur l’anime che son di fama note, che l’animo di quel ch’ode, non posa né ferma fede per esemplo ch’àia la sua radice incognita e ascosa, né per altro argomento che non paia ». 126 129 132 135 138 142 « Conscience assombrie par sa propre honte ou par celle d’autrui trouvera certes ta parole bien rude. Mais néanmoins, refusant tout mensonge, montre au grand jour ta vision tout entière ; et laisse donc gratter où est la rogne. Car si ta voix au premier goût sera bien âpre, nourriture vitale elle laissera ensuite, une fois digérée. Ton cri fera comme le vent qui frappe plus fort les cimes les plus hautes ; et ce n’est point mince cause d’honneur. C’est pourquoi dans les cieux, dans le mont et la vallée douloureuse te sont montrées les âmes connues de renommée, car l’esprit de l’auditeur ne se fonde et ne se fie sur nul exemple ayant racine inconnue ou cachée, ni sur leçon qui clairement n’apparaisse ». Paradis Paradis Paradis Paradis IV, v. 37 IV, v. 37 IV, v. 37 IV, v. 37-48 48 48 48 « Qui si mostraro, non perché sortita sia questa spera lor, ma per far segno de la celestial c’ha men salita. Così parlar conviensi al vostro ingegno, però che solo da sensato apprende ciò che fa poscia d’intelletto degno. Per questo la Scrittura condescende a vostra facultate, e piedi e mano attribuisce a Dio e altro intende ; e Santa Chiesa con aspetto umano Gabriel e Michel vi rappresenta, e l’altro che Tobia rifece sano ». 39 42 45 48 « Ici ils t’apparurent, non point que cette sphère leur fût assignée, mais pour montrer le degré moins élevé de leur vie céleste. Ainsi convient-il de parler à votre esprit, qui des seuls objets sensibles apprend ce qui ensuite rend digne d’intellect. De ce fait l’Ecriture condescend à votre faculté, quand pieds et mains à Dieu elle attribue, et autre chose entend ; et quand Sainte Eglise sous humaine figure Gabriel et Michel vous représente, et cet autre qui Tobie guérit ».

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---- Traduction de quelques passages de la Traduction de quelques passages de la Traduction de quelques passages de la Traduction de quelques passages de la Divine ComédieDivine ComédieDivine ComédieDivine Comédie ----

ParadisParadisParadisParadis XVII, v. 124 XVII, v. 124 XVII, v. 124 XVII, v. 124----142142142142 « Coscïenza fusca o de la propria o de l’altrui vergogna pur sentirà la tua parola brusca. Ma non di men, rimossa ogne menzogna, tutta tua vision fa manifesta ; e lascia pur grattar dov’è la rogna. Ché se la voce tua sarà molesta nel primo gusto, vital nutrimento lascerà poi, quando sarà digesta. Questo tuo grido farà come vento, che le più alte cime più percuote; e ciò non fa d’onor poco argomento. Però ti son mostrate in queste rote, nel monte e ne la valle dolorosa pur l’anime che son di fama note, che l’animo di quel ch’ode, non posa né ferma fede per esemplo ch’àia la sua radice incognita e ascosa, né per altro argomento che non paia ».

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« Conscience assombrie par sa propre honte ou par celle d’autrui trouvera certes ta parole bien rude. Mais néanmoins, refusant tout mensonge, montre au grand jour ta vision tout entière ; et laisse donc gratter où est la rogne. Car si ta voix au premier goût sera bien âpre, nourriture vitale elle laissera ensuite, une fois digérée. Ton cri fera comme le vent qui frappe plus fort les cimes les plus hautes ; et ce n’est point mince cause d’honneur. C’est pourquoi dans les cieux, dans le mont et la vallée douloureuse te sont montrées les âmes connues de renommée, car l’esprit de l’auditeur ne se fonde et ne se fie sur nul exemple ayant racine inconnue ou cachée, ni sur leçon qui clairement n’apparaisse ».

ParadisParadisParadisParadis IV, v. 37 IV, v. 37 IV, v. 37 IV, v. 37----48484848 « Qui si mostraro, non perché sortita sia questa spera lor, ma per far segno de la celestial c’ha men salita. Così parlar conviensi al vostro ingegno, però che solo da sensato apprende ciò che fa poscia d’intelletto degno. Per questo la Scrittura condescende a vostra facultate, e piedi e mano attribuisce a Dio e altro intende ; e Santa Chiesa con aspetto umano Gabriel e Michel vi rappresenta, e l’altro che Tobia rifece sano ».

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« Ici ils t’apparurent, non point que cette sphère leur fût assignée, mais pour montrer le degré moins élevé de leur vie céleste. Ainsi convient-il de parler à votre esprit, qui des seuls objets sensibles apprend ce qui ensuite rend digne d’intellect. De ce fait l’Ecriture condescend à votre faculté, quand pieds et mains à Dieu elle attribue, et autre chose entend ; et quand Sainte Eglise sous humaine figure Gabriel et Michel vous représente, et cet autre qui Tobie guérit ».

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ParadisParadisParadisParadis I, v. 103 I, v. 103 I, v. 103 I, v. 103----105105105105 « Le cose tutte quante hanno ordine tra loro, e questo è forma che l’universo a Dio fa simigliante »

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« Toutes les choses ont un ordre entre elles, et c’est cette forme qui l’univers à Dieu fait ressemblant »

ParadisParadisParadisParadis XXXIII, v. 85 XXXIII, v. 85 XXXIII, v. 85 XXXIII, v. 85----87878787 « Nel suo profondo vidi che s’interna, legato con amore in un volume, ciò che per l’universo si squaderna ; »

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« Dans son profond je vis comme s’entresse, d’amour lié en un volume, ce qui par le monde s’effeuille. »

Paradis, XXIParadis, XXIParadis, XXIParadis, XXI, v. 31, v. 31, v. 31, v. 31----40404040 « Vidi anche per li gradi scender giuso tanti splendor, ch’io pensai ch’ogne lume

che par nel ciel quindi fosse diffuso. E come, per lo natural costume, le pole insieme, al cominciar del giorno, si movono a scaldar le fredde piume ; poi altre vanno via sanza ritorno, altre rivolgon sé onde son mosse, e altre roteando fan soggiorno ; tal modo parve me che quivi fosse »

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« Je vis aussi par les degrés descendre tant de splendeurs, que je pensai que tout feu du ciel était ici épars. Et comme font par habitude naturelle les corneilles qui, rassemblées, à l’aube, se remuent pour échauffer leurs froides plumes; puis les unes s’en vont sans retour ; d’autres reviennent d’où elles sont parties, et d’autres encore tournoyant font séjour ; il me sembla observer ici un tel usage »

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EnferEnferEnferEnfer V V V V « Così discesi del cerchio primaio giù nel secondo, che men loco cinghia e tanto più dolor, che punge a guaio. Stavvi Minòs orribilmente, e ringhia: essamina le colpe ne l'intrata; giudica e manda secondo ch'avvinghia. Dico che quando l'anima mal nata li vien dinanzi, tutta si confessa; e quel conoscitor de le peccata vede qual loco d'inferno è da essa; cignesi con la coda tante volte quantunque gradi vuol che giù sia messa. Sempre dinanzi a lui ne stanno molte ; vanno a vicenda ciascuna al giudizio, dicono e odono e poi son giù volte. « O tu che vieni al doloroso ospizio», disse Minòs a me quando mi vide, lasciando l'atto di cotanto offizio, « guarda com' entri e di cui tu ti fide; non t'inganni l'ampiezza de l'intrare!» E 'l duca mio a lui: « Perché pur gride? Non impedir lo suo fatale andare: vuolsi così colà dove si puote ciò che si vuole, e più non dimandare ». Ora incomincian le dolenti note a farmisi sentire; or son venuto là dove molto pianto mi percuote. Io venni in loco d'ogne luce muto, che mugghia come fa mar per tempesta, se da contrari venti è combattuto. La bufera infernal, che mai non resta, mena li spirti con la sua rapina; voltando e percotendo li molesta. Quando giungon davanti a la ruina, quivi le strida, il compianto, il lamento; bestemmian quivi la virtù divina. Intesi ch'a così fatto tormento enno dannati i peccator carnali, che la ragion sommettono al talento. E come li stornei ne portan l'ali nel freddo tempo, a schiera larga e piena, così quel fiato, li spiriti mali di qua, di là, di giù, di sù li mena; nulla speranza li conforta mai,

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« Ainsi je descendis du cercle premier dans le second, qui enserre moindre espace, mais douleur plus grande qui arrache les cris. Minos s’y tient horriblement et grogne : il examine les fautes à l’entrée ; juge et bannit de ses enlacements. Je dis que lorsque l’âme mal née vient devant lui, elle se confesse toute ; et ce connaisseur des péchés voit quel lieu d’enfer mieux lui convient ; de sa queue il s’entoure autant de fois que de degrés il veut que l’âme descende. Toujours devant lui elles se pressent en foule ; et vont l’une après l’autre au devant du jugement, parlent, entendent et sont précipitées. « O toi qui t’en viens à l’hôtel de la douleur », dit Minos à ma vue, laissant l’acte d’un tel office, « prends garde comme tu entres et à qui tu te fies ; que l’ampleur de l’entrée ne t’abuses ! » Alors mon guide: « Pourquoi n’as-tu cesse de crier ? N’empêche pas sa venue fatale : on veut ainsi là où l’on peut ce que l’on veut et n’en demande pas davantage» Les notes dolentes commencent à présent à se faire entendre ; ores je suis venu là où de nombreux pleurs me frappent. Je vins en un lieu où la lumière n’a pas voix, qui mugit comme la mer sous la tempête, lorsqu’elle est battue par des vents contraires. La tempête infernale, qui ne connaît nulle trêve, emporte les esprits avec rage ; les tourne, les heurte et les harcèle. Quand ils arrivent devant l’éboulis, là ce sont cris, plaintes et lamentations ; là ils blasphèment la vertu divine. Je compris qu’à un tel tourment étaient condamnés les pécheurs charnels, qui la raison soumettent au désir. Et tout comme les étourneaux, à la froide saison, portent leurs ailes, en vol nombreux, ainsi ce souffle, les esprits mauvais mène, de çà, de là, de haut en bas ; aucun espoir jamais ne les conforte,

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non che di posa, ma di minor pena. E come i gru van cantando lor lai, faccendo in aere di sé lunga riga, così vid' io venir, traendo guai, ombre portate da la detta briga; per ch'i' dissi: « Maestro, chi son quelle genti che l'aura nera sì gastiga? ». « La prima di color di cui novelle tu vuo' saper », mi disse quelli allotta, « fu imperadrice di molte favelle. A vizio di lussuria fu sì rotta, che libito fé licito in sua legge, per tòrre il biasmo in che era condotta. Ell' è Semiramìs, di cui si legge che succedette a Nino e fu sua sposa ; tenne la terra che 'l Soldan corregge. L'altra è colei che s'ancise amorosa, e ruppe fede al cener di Sicheo; poi è Cleopatràs lussurïosa. Elena vedi, per cui tanto reo tempo si volse, e vedi 'l grande Achille, che con amore al fine combatteo. Vedi Parìs, Tristano »; e più di mille ombre mostrommi e nominommi a dito, ch'amor di nostra vita dipartille. Poscia ch'io ebbi 'l mio dottore udito nomar le donne antiche e ' cavalieri, pietà mi giunse, e fui quasi smarrito. I' cominciai : « Poeta, volontieri parlerei a quei due che 'nsieme vanno, e paion sì al vento esser leggieri ». Ed elli a me: «Vedrai quando saranno più presso a noi; e tu allor li priega per quello amor che i mena, ed ei verranno ». Sì tosto come il vento a noi li piega, mossi la voce: « O anime affannate, venite a noi parlar, s'altri nol niega! ». Quali colombe dal disio chiamate con l'ali alzate e ferme al dolce nido vegnon per l'aere, dal voler portate; cotali uscir de la schiera ov' è Dido, a noi venendo per l'aere maligno, sì forte fu l'affettüoso grido. « O animal grazïoso e benigno che visitando vai per l'aere perso noi che tignemmo il mondo di sanguigno, se fosse amico il re de l'universo, noi pregheremmo lui de la tua pace,

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d’aucun repos, ni même de moindre peine. Et comme les grues vont chantant leurs lais, en formant dans les airs une longue ligne, ainsi je vis venir, poussant des cris, des ombres emportées par cette tempête ; alors je dis : « Maître, qui sont ces gens que l’air noir châtie ainsi ? ». La première de ceux dont tu veux avoir quelques nouvelles », me dit-il alors, fut impératrice de nombreux langages. Au vice de luxure elle fut si rouée, qu’en sa loi elle rendit licite la licence, pour ôter le blâme où elle était conduite. Elle est Sémiramis, dont on peut lire qu’elle succéda à Ninus et fut son épouse ; elle tint la terre que le Sultan corrige. L’autre est celle qui se tua par amour, et rompit le serment aux cendres de Sichée ; puis vient Cléopâtre la luxurieuse. Hélène tu peux voir, par qui advint un si long malheur, et tu vois le grand Achille, qui à la fin contre amour combattit. Vois donc Pâris, Tristan » ; et plus de mille ombres il me nomma et me montra du doigt, qu’amour ôta de notre vie. Après avoir entendu mon docteur nommer les dames d’antan et les chevaliers, pitié me gagna, et je fus comme égaré. Je commençai : « Poète, volontiers je parlerais à ces deux qui vont ensemble, et semblent si légers au vent ». Et lui à moi : « Quand ils seront plus près de nous ; prie-les alors au nom de l’amour qui les mène et ils viendront ». Dès que le vent vers nous les plie, je fis voix : « O âmes tourmentées, venez nous parler, si nul ne le défend ! ». Telles des colombes à l’appel du désir viennent dans les airs, portées par leur vouloir, les ailes tendues vers leur doux nid ; ainsi ils sortirent de la troupe de Didon, venant vers nous dans l’air malin, si fort fut mon cri empli d’affection. « O animal empli de grâce et de bienveillance qui vient nous visiter dans l’air sombre nous qui teignîmes le monde en rouge sang, si le roi de l’univers nous était ami, nous le prierions pour ta paix,

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poi c'hai pietà del nostro mal perverso. Di quel che udire e che parlar vi piace, noi udiremo e parleremo a voi, mentre che 'l vento, come fa, ci tace. Siede la terra dove nata fui su la marina dove 'l Po discende per aver pace co' seguaci sui. Amor, ch'al cor gentil ratto s'apprende, prese costui de la bella persona che mi fu tolta; e 'l modo ancor m'offende. Amor, ch'a nullo amato amar perdona, mi prese del costui piacer sì forte, che, come vedi, ancor non m'abbandona. Amor condusse noi ad una morte. Caina attende chi a vita ci spense ». Queste parole da lor ci fuor porte. Quand' io intesi quell' anime offense, china' il viso, e tanto il tenni basso, fin che 'l poeta mi disse: « Che pense? ». Quando rispuosi, cominciai : « Oh lasso, quanti dolci pensier, quanto disio menò costoro al doloroso passo! ». Poi mi rivolsi a loro e parla' io, e cominciai : « Francesca, i tuoi martìri a lagrimar mi fanno tristo e pio. Ma dimmi : al tempo d'i dolci sospiri, a che e come concedette amore che conosceste i dubbiosi disiri ? ». E quella a me : « Nessun maggior dolore che ricordarsi del tempo felice ne la miseria; e ciò sa 'l tuo dottore. Ma s'a conoscer la prima radice del nostro amor tu hai cotanto affetto, dirò come colui che piange e dice. Noi leggiavamo un giorno per diletto di Lancialotto come amor lo strinse; soli eravamo e sanza alcun sospetto. Per più fïate li occhi ci sospinse quella lettura, e scolorocci il viso; ma solo un punto fu quel che ci vinse. Quando leggemmo il disïato riso esser basciato da cotanto amante, questi, che mai da me non fia diviso, la bocca mi basciò tutto tremante.

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puisque tu as pitié de notre mal pervers. De ce dont il vous plaira d’entendre et de parler, nous entendrons et vous parlerons, tandis que le vent, comme à présent, se taît. La terre où je suis née s’étend sur le rivage où le Pô vient descendre pour être en paix avec ses affluents. Amour, qui tôt embrase le noble cœur, prit celui-ci de la belle personne que l’on m’a ravie ; et dont la manière m’offense encore . Amour, qui à nul aimé ne pardonne de n’aimer en retour, me prit si fort de ses beaux semblants, que, comme tu le vois, encore il ne m’abandonne. Amour nous conduisit à une même mort. Caïne attend celui qui notre vie éteignit ». Telles furent les paroles qu’ils nous portèrent. Lorsque j’entendis ces âmes offensées, je baissai le visage, et le gardai si longtemps abaissé, jusqu’à ce que le poète me dise : « Que penses-tu ? ». Quand je lui répondis, je commençai : « Hélas, que de douces pensées, et quel désir les menèrent au douloureux trépas ! ». Puis je me tournai vers eux, parlai, et commençai : « Francesca, tes martyres me rendent triste et pieux à en pleurer. Mais dis-moi : au temps des doux soupirs, à quels signes et comment amour permit-il que vous connaissiez vos incertains désirs ? ». Et elle à moi : « Nulle plus grande douleur que de se souvenir des temps heureux dans la misère ; et ton docteur le sait bien. Mais si à connaître la racine première de notre amour tu as tel désir, je dirai comme qui pleure et parle à la fois. Nous lisions un jour par plaisir de Lancelot comment amour le prit ; seuls nous étions et sans aucun soupçon. Plusieurs fois cette lecture nous fit lever les yeux, et décolora notre visage ; mais un seul un point fut ce qui nous vainquit. Lorsque nous lûmes la bouche désirée être baisée par tel amant, celui-ci, qui jamais de moi ne sera séparé, la bouche me baisa tout tremblant.

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Galeotto fu 'l libro e chi lo scrisse : quel giorno più non vi leggemmo avante» Mentre che l'uno spirto questo disse, l'altro piangëa; sì che di pietade io venni men così com' io morisse. E caddi come corpo morto cade.

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Galehaut fut le livre et son auteur : ce jour-là nous ne lûmes pas plus avant ». Tandis qu’un des esprits nous dit ces mots, l’autre pleurait ; si bien que de pitié je m’évanouis, comme si je mourais. Et je tombai comme tombe un corps mort.

EnferEnferEnferEnfer XXVII, v. 124 XXVII, v. 124 XXVII, v. 124 XXVII, v. 124----127127127127

« A Minòs mi portò; e quelli attorse otto volte la coda al dosso duro; e poi che per gran rabbia la si morse, disse: « Questi è d'i rei del foco furo »

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« A Minos il m’amena ; qui huit fois autour de son dos dur sa queue entoura; puis quand il l’eut mordue dans sa grande rage il dit : « Il est de ceux que le feu cache »

EnferEnferEnferEnfer XXVII, v. 7 XXVII, v. 7 XXVII, v. 7 XXVII, v. 7----15151515

« Come 'l bue cicilian che mugghiò prima col pianto di colui, e ciò fu dritto, che l'avea temperato con sua lima, mugghiava con la voce de l'afflitto, sì che, con tutto che fosse di rame, pur el pareva dal dolor trafitto; così, per non aver via né forame dal principio nel foco, in suo linguaggio si convertïan le parole grame ».

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« Et comme le taureau de Sicile mugit d’abord avec les pleurs, et ce fut à bon droit, de celui qui l’avait taillé de sa lime, mugissait de la voix de l’affligé, si bien que, quoiqu’il fût d’airain, il semblait transpercé de douleur; ainsi, pour n’avoir ni voie ni pertuis tout d’abord dans le feu, les paroles dolentes se changeaient en langage de flammes ».

PurgatoirePurgatoirePurgatoirePurgatoire IX, v. 13 IX, v. 13 IX, v. 13 IX, v. 13----15151515

« Ne l'ora che comincia i tristi lai la rondinella presso a la mattina, forse a memoria de' suo' primi guai, »

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« Près du matin, à l’heure où l’hirondelle commence ces tristes lais en souvenir peut-être de ses premiers malheurs »

EnferEnferEnferEnfer XII, v. 4 XII, v. 4 XII, v. 4 XII, v. 4----10101010

« Qual è quella ruina che nel fianco di qua da Trento l'Adice percosse, o per tremoto o per sostegno manco, che da cima del monte, onde si mosse, al piano è sì la roccia discoscesa,

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« Tel est cet éboulement qui vint frapper l’Adige droit dans le flanc, au-dessous de Trente, en raison d’un tremblement de terre ou d’un appui manquant, si bien que du haut du mont, d’où elle tomba, jusqu’à la plaine, la roche est si escarpée,

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ch'alcuna via darebbe a chi sù fosse : cotal di quel burrato era la scesa; »

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qu’elle offrirait un chemin pour qui serait en haut : telle était la pente de ce ravin ; »

EnferEnferEnferEnfer XII, v. 28 XII, v. 28 XII, v. 28 XII, v. 28----45454545

« Così prendemmo via giù per lo scarco di quelle pietre, che spesso moviensi sotto i miei piedi per lo novo carco. Io gia pensando; e quei disse : « Tu pensi forse a questa ruina, ch'è guardata da quell' ira bestial ch'i' ora spensi. Or vo' che sappi che l'altra fïata ch'i' discesi qua giù nel basso inferno, questa roccia non era ancor cascata. Ma certo poco pria, se ben discerno, che venisse colui che la gran preda levò a Dite del cerchio superno, da tutte parti l'alta valle feda tremò sì, ch'i' pensai che l'universo sentisse amor, per lo qual è chi creda più volte il mondo in caòsso converso; e in quel punto questa vecchia roccia, qui e altrove, tal fece riverso ».

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« Ainsi nous entrâmes en chemin, descendant cet amas de pierres qui souvent roulaient sous mes pieds en raison de la charge nouvelle. J’allais pensant ; et il me dit : « Peut-être penses-tu à cet éboulis, gardé par cette rage bestiale que je viens d’éteindre. Je veux que tu saches que la dernière fois que je suis descendu ici-bas au très fond de l’Enfer, cette roche encore n’était pas tombée. Mais certes bien peu avant, si je vois juste, que ne vînt celui qui arracha à Dite la grande proie du cercle supérieur, de toutes parts la grande vallée infecte trembla si fort, que je crus que l’univers éprouvait de l’amour, à cause de quoi, certains croient que plusieurs fois le monde se changea en chaos ; et alors cette vieille roche, ici et ailleurs, fit ce renversement ».

PurgatoirePurgatoirePurgatoirePurgatoire XXIV XXIV XXIV XXIV

« Né 'l dir l'andar, né l'andar lui più lento facea, ma ragionando andavam forte, sì come nave pinta da buon vento. E l'ombre, che parean cose rimorte, per le fosse de li occhi ammirazione traean di me, di mio vivere accorte. E io, continüando al mio sermone, dissi: «Ella sen va sù forse più tarda che non farebbe, per altrui cagione. Ma dimmi, se tu sai, dov' è Piccarda; dimmi s'io veggio da notar persona tra questa gente che sì mi riguarda ». « La mia sorella, che tra bella e buona

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« Ni le discours n’attardait notre marche, ni celle-ci rendait notre débit plus lent, mais devisant nous filions bon train, comme une nef poussée par un vent favorable. Et les ombres, qui semblaient choses deux fois mortes, des trous de leurs yeux, tiraient merveille de moi, s’étant aperçues que j’étais en vie. Et moi, continuant mon discours, je dis : « Elle tarde peut-être à monter plus qu’elle ne l’eût fait sans l’escorte d’autrui. Mais dis-moi, si tu le sais, où est Piccarda ; dis-moi si je vois personnes dignes d’être notées parmi ces gens qui ainsi me regardent ». « Ma sœur, qui belle et bonne

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non so qual fosse più, trïunfa lieta ne l'alto Olimpo già di sua corona ». Sì disse prima; e poi: « Qui non si vieta di nominar ciascun, da ch'è sì munta nostra sembianza via per la dïeta. Questi», e mostrò col dito, « è Bonagiunta, Bonagiunta da Lucca; e quella faccia di là da lui più che l'altre trapunta ebbe la Santa Chiesa in le sue braccia : dal Torso fu, e purga per digiuno l'anguille di Bolsena e la vernaccia ». Molti altri mi nomò ad uno ad uno; e del nomar parean tutti contenti, sì ch'io però non vidi un atto bruno. Vidi per fame a vòto usar li denti Ubaldin da la Pila e Bonifazio che pasturò col rocco molte genti. Vidi messer Marchese, ch'ebbe spazio già di bere a Forlì con men secchezza, e sì fu tal, che non si sentì sazio. Ma come fa chi guarda e poi s'apprezza più d'un che d'altro, fei a quel da Lucca, che più parea di me aver contezza. El mormorava; e non so che « Gentucca » sentiv' io là, ov' el sentia la piaga de la giustizia che sì li pilucca. « O anima », diss' io, « che par sì vaga di parlar meco, fa sì ch'io t'intenda, e te e me col tuo parlare appaga ». « Femmina è nata, e non porta ancor benda», cominciò el, « che ti farà piacere la mia città, come ch'om la riprenda. Tu te n'andrai con questo antivedere : se nel mio mormorar prendesti errore, dichiareranti ancor le cose vere. Ma dì s'i' veggio qui colui che fore trasse le nove rime, cominciando « Donne ch'avete intelletto d'amore ». E io a lui: «I' mi son un che, quando Amor mi spira, noto, e a quel modo ch'e' ditta dentro vo significando ».

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je ne sais ce qu’elle fut le plus, triomphe déjà dans les hauteurs de l’Olympe heureuse de sa couronne ». Tels furent ses mots, puis : « Ici, il n’est point interdit de nommer chacun tant nos semblants se sont fondus en raison de la longue diète. Celui-ci », et du doigt il me le montra, « est Bonagiunta, Bonagiunta de Lucques ; et ce visage plus loin, plus dentelé que les autres eut la Sainte Eglise entre ses bras : il fut de Tours, et purge en jeûnant les anguilles de Bolsène et le mauvais vin ». Bien d’autres il me nomma un à un ; et tous semblaient contents d’être nommés, si bien que je n’en vis aucun se rembrunir. Je vis par faim user leurs dents dans le vide Ubaldin da la Pila et Bonifazio qui sous sa crosse fit paître maintes gens. Je vis messire Marchese, qui eut jadis loisir de boire à Forli par moindre sécheresse, sans jamais pourtant se sentir rassasié. Mais comme celui qui regarde et fait plus grand cas de l’un que de l’autre, ainsi fis-je pour le Lucquois, qui semblait plus curieux de me voir. « Il murmurait ; et je ne sais quel « Gentucca » j’entendais là, où il sentait la plaie de la justice qui les ronge ainsi. « O âme », dis-je, « qui semble si désireuse de me parler, fais en sorte que je t’entende, et de tes paroles ton désir et le mien satisfais ». « Femme est née, qui de bandeau encore ne porte », commença-t-il, « qui te rendra plaisante ma cité, quoi qu’on puisse lui reprocher. Tu t’en iras avec cette vision future : et si dans mes murmures tu as pris quelque erreur, les choses vraies te l’éclairciront encore. « Mais dis-moi si je vois ici celui qui tira les rimes nouvelles, qui commencent : « Dames qui avez entendement d’amour ». Et moi à lui : « Je suis un homme qui note quand Amour m’inspire, et en la guise qu’il dicte en mon cœur, je vais signifiant ».

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« O frate, issa vegg' io », diss' elli, « il nodo che 'l Notaro e Guittone e me ritenne di qua dal dolce stil novo ch'i' odo. Io veggio ben come le vostre penne di retro al dittator sen vanno strette, che de le nostre certo non avvenne; e qual più a riguardar oltre si mette, non vede più da l'uno a l'altro stilo »; e, quasi contentato, si tacette. Come li augei che vernan lungo 'l Nilo, alcuna volta in aere fanno schiera, poi volan più a fretta e vanno in filo, così tutta la gente che lì era, volgendo 'l viso, raffrettò suo passo, e per magrezza e per voler leggera. E come l'uom che di trottare è lasso, lascia andar li compagni, e sì passeggia fin che si sfoghi l'affollar del casso, sì lasciò trapassar la santa greggia Forese, e dietro meco sen veniva,

dicendo: «Quando fia ch'io ti riveggia?». « Non so », rispuos' io lui, « quant' io mi viva; ma già non fïa il tornar mio tantosto, ch'io non sia col voler prima a la riva; però che 'l loco u' fui a viver posto, di giorno in giorno più di ben si spolpa, e a trista ruina par disposto ». « Or va », diss' el; « che quei che più n'ha colpa, vegg' ïo a coda d'una bestia tratto inver' la valle ove mai non si scolpa. La bestia ad ogne passo va più ratto,

crescendo sempre, fin ch'ella il percuote,

e lascia il corpo vilmente disfatto. Non hanno molto a volger quelle ruote »,

e drizzò li occhi al ciel, « che ti fia chiaro ciò che 'l mio dir più dichiarar non puote. Tu ti rimani omai; ché 'l tempo è caro in questo regno, sì ch'io perdo troppo venendo teco sì a paro a paro ».

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« O cher frère, je vois à présent », dit-il, « le nœud qui retint le Notaire, Guittone et moi-même en-deçà du doux style nouveau que j’entends. Je vois bien comme vos plumes s’en vont serrées à la suite du dictateur, ce qui n’advint certes pas des nôtres ; et qui se met à regarder de plus près, ne voit pas d’autre différence entre les deux styles » ; et, comme satisfait, il se tut. Comme les oiseaux qui passent l’hiver le long du Nil, parfois dans les airs forment une troupe, puis volent avec hâte et se dirigent en files, ainsi tous les gens qui étaient là, détournant leur visage de nous, pressèrent leur pas, tout légers qu’ils étaient et par maigreur et par volonté. Et comme l’homme las de trotter, laisse passer ses compagnons et s’en va lentement tant que son essoufflement s’apaise, ainsi Forese laissa le saint troupeau passer, et s’en venait derrière avec moi, en disant : « Quand te reverrai-je ? ». « Je ne sais », lui répondis-je, « combien de temps je vivrai ; mais mon retour n’adviendra pas avant, que mon vouloir à ces rives ne le devance ; car le lieu où je fus mis à vivre, de jour en jour de tout bien se décharne, et semble apprêté à bien triste ruine ». « Va donc », dit-il, « car celui qui en est le plus coupable, je vois traîné à la queue d’une bête vers la vallée où jamais nul n’est disculpé. La bête à chaque pas va plus vite, toujours plus emportée jusqu’à ce qu’elle le brise, et abandonne son corps hideux rompu. Ces roues n’ont guère à tourner », et il leva les yeux au ciel, « que tu verras clairement ce que mon dire davantage ne peut t’éclaircir ». Mais je te laisse désormais ; car le temps est cher dans ce royaume, si bien que j’ai trop à perdre en cheminant avec toi ainsi de pair ».

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Qual esce alcuna volta di gualoppo lo cavalier di schiera che cavalchi, e va per farsi onor del primo intoppo, tal si partì da noi con maggior valchi; e io rimasi in via con esso i due che fuor del mondo sì gran marescalchi. E quando innanzi a noi intrato fue, che li occhi miei si fero a lui seguaci, come la mente a le parole sue, parvermi i rami gravidi e vivaci d'un altro pomo, e non molto lontani per esser pur allora vòlto in laci. Vidi gente sott' esso alzar le mani e gridar non so che verso le fronde, quasi bramosi fantolini e vani, che pregano, e 'l pregato non risponde, ma, per fare esser ben la voglia acuta, tien alto lor disio e nol nasconde. Poi si partì sì come ricreduta; e noi venimmo al grande arbore adesso, che tanti prieghi e lagrime rifiuta. « Trapassate oltre sanza farvi presso: legno è più sù che fu morso da Eva, e questa pianta si levò da esso ». Sì tra le frasche non so chi diceva; per che Virgilio e Stazio e io, ristretti, oltre andavam dal lato che si leva. « Ricordivi », dicea, « d'i maladetti nei nuvoli formati, che, satolli, Tesëo combatter co' doppi petti; e de li Ebrei ch'al ber si mostrar molli, per che no i volle Gedeon compagni, quando ver Madïan discese i colli ». Sì accostati a l'un d'i due vivagni, passammo, udendo colpe de la gola, seguite già da miseri guadagni. Poi, rallargati per la strada sola, ben mille passi e più ci portar oltre, contemplando ciascun sanza parola. « Che andate pensando sì voi sol tre ? », sùbita voce disse; ond' io mi scossi come fan bestie spaventate e poltre. Drizzai la testa per veder chi fossi; e già mai non si videro in fornace vetri o metalli sì lucenti e rossi,

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Comme d’aucunes fois sort au galop un chevalier d’une troupe qui chevauche, et va se faire honneur du premier choc, ainsi s’éloigna-t-il de nous avec de plus larges enjambées encore ; et je restai en chemin avec ces deux qui de ce monde furent si grands maréchaux. Et quand il fut entré devant nous, et que mes yeux se mirent à le suivre, comme mon esprit à ses mots, m’apparurent les branches lourdes et vivaces d’un second arbre, et non très loin car de ce côté nous venions de tourner. Je vis des gens dessous lever les mains et crier je ne sais quoi vers le feuillage, comme de jeunes enfants vains et convoiteux, qui prient, sans que le prié ne réponde, mais, pour que leur envie soit bien aiguisée, tiennent haut leur désir et ne le cache. Puis ils s’éloignèrent comme ravisés ; et maintenant nous vînmes au grand arbre, qui tant de prières et de larmes refuse. « Dépassez sans vous en approcher : arbre est plus haut que jadis Eve mordit, et cette plante est un rejeton de celui-ci ». Ainsi dans les branchages je ne sais qui disait ; alors Virgile, Stace et moi-même, serrés nous avancions du côté qui s’élève. « Souvenez-vous », disait-elle, « de ces maudits formés dans les nuages, qui, ivres, affrontèrent Thésée de leurs doubles poitrails ; et des Hébreux si amollis à boire, que Gédéon ne les voulut pour compagnons, lorsque vers Madian il descendit les collines ». Ainsi sur le bord de l’une des lisières, nous passâmes, entendant ces péchés de bouche déjà suivis de bien tristes gains. Puis, au large sur la chaussée déserte, mille bon pas et plus nous fîmes encore, chacun de nous contemplant sans mot dire. « Qu’allez-vous si pensifs, tous trois seulets ? », dit une voix soudaine ; et je tressaillis comme une bête apeurée et craintive. Je levai les yeux pour voir qui c’était ; et jamais en fournaises on ne vit verres ou métaux si luisants et si rouges,

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com' io vidi un che dicea : « S'a voi piace montare in sù, qui si convien dar volta; quinci si va chi vuole andar per pace ». L'aspetto suo m'avea la vista tolta; per ch'io mi volsi dietro a' miei dottori, com' om che va secondo ch'elli ascolta. E quale, annunziatrice de li albori, l'aura di maggio movesi e olezza, tutta impregnata da l'erba e da' fiori; tal mi senti' un vento dar per mezza la fronte, e ben senti' mover la piuma, che fé sentir d'ambrosïa l'orezza. E senti' dir : « Beati cui alluma tanto di grazia, che l'amor del gusto nel petto lor troppo disir non fuma, esurïendo sempre quanto è giusto! ».

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comme je vis celui qui disait : « S’il vous plaît de monter plus haut, ici il vous faut tourner ; par ici passe qui à paix veut se rendre ». Son aspect m’avait privé de la vue ; aussi je tournai derrière mes docteurs, comme homme qui se dirige à l’oreille. Et comme, annonçant l’aube, la brise de mai se meut et odore, tout imprégnée de l’herbe et des fleurs ; ainsi je sentis un vent me passer sur le front je sentis bien le mouvement de la plume, qui la brise parfuma d’ambroisie. Et j’entendis dire : « Bienheureux ceux que tant de grâce éclaire, que l’amour du goût n’enfume leur cœur d’un trop grand désir, ayant toujours faim des choses justes ! ».

PurgatoirePurgatoirePurgatoirePurgatoire XXIII XXIII XXIII XXIII

Mentre che li occhi per la fronda verde ficcava ïo sì come far suole chi dietro a li uccellin sua vita perde, lo più che padre mi dicea : « Figliuole, vienne oramai, ché 'l tempo che n'è imposto più utilmente compartir si vuole ». Io volsi 'l viso, e 'l passo non men tosto, appresso i savi, che parlavan sìe, che l'andar mi facean di nullo costo. Ed ecco piangere e cantar s'udìe « Labïa mëa, Domine » per modo tal, che diletto e doglia parturìe. « O dolce padre, che è quel ch'i' odo? », comincia' io; ed elli: « Ombre che vanno forse di lor dover solvendo il nodo ».

Sì come i peregrin pensosi fanno, giugnendo per cammin gente non nota, che si volgono ad essa e non restanno, così di retro a noi, più tosto mota, venendo e trapassando ci ammirava d'anime turba tacita e devota.

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Tandis que je fixais mon regard dans le vert feuillage comme a coutume de le faire qui sa vie perd derrière les oiselets, celui qui était plus qu’un père me disait : « Mon Fils, viens maintenant, car le temps qui nous est imposé se doit utiliser plus utilement ». Je tournai mon visage, et mon pas non moins tôt, à la suite de ces sages, dont la parole était telle, qu’elle rendait de nul coût mon chemin. Et voilà que l’on entendit pleurer et chanter à la fois « Labïa mea Domine » d’une guise qui faisait naître et souffrance et plaisance. « O doux père, qu’est-ce que j’entends là ? », commençai-je ; et lui de me répondre : « des ombres qui s’en viennent peut-être déliant le nœud de leur devoir ». « Et comme les pèlerins pensifs, rejoignant par chemin des gens inconnus, qui se retournent vers eux sans s’arrêter, ainsi derrière nous, d’une allure plus rapide, venant et passant nous admirait une foule d’âmes muette et dévote.

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Ne li occhi era ciascuna oscura e cava, pallida ne la faccia, e tanto scema che da l'ossa la pelle s'informava. Non credo che così a buccia strema Erisittone fosse fatto secco, per digiunar, quando più n'ebbe tema. Io dicea fra me stesso pensando : « Ecco la gente che perdé Ierusalemme, quando Maria nel figlio diè di becco! ». Parean l'occhiaie anella sanza gemme : chi nel viso de li uomini legge « omo » ben avria quivi conosciuta l'emme. Chi crederebbe che l'odor d'un pomo sì governasse, generando brama, e quel d'un'acqua, non sappiendo como ? Già era in ammirar che sì li affama, per la cagione ancor non manifesta di lor magrezza e di lor trista squama, ed ecco del profondo de la testa volse a me li occhi un'ombra e guardò fiso; poi gridò forte : « Qual grazia m'è questa?». Mai non l'avrei riconosciuto al viso; ma ne la voce sua mi fu palese ciò che l'aspetto in sé avea conquiso. Questa favilla tutta mi raccese mia conoscenza a la cangiata labbia, e ravvisai la faccia di Forese. « Deh, non contendere a l'asciutta scabbia che mi scolora », pregava, « la pelle, né a difetto di carne ch'io abbia; ma dimmi il ver di te, dì chi son quelle due anime che là ti fanno scorta; non rimaner che tu non mi favelle! ». « La faccia tua, ch'io lagrimai già morta, mi dà di pianger mo non minor doglia », rispuos' io lui, « veggendola sì torta ;

però mi di’, per Dio, che sì vi sfoglia; non mi far dir mentr' io mi maraviglio, ché mal può dir chi è pien d'altra voglia ».

Ed elli a me : « De l'etterno consiglio cade vertù ne l'acqua e ne la pianta

rimasa dietro, ond' io sì m'assottiglio.

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Dans les yeux, chacune était obscure et creuse, pâle en son visage, et si émaciée que la peau prenait la forme des os. Je ne crois pas qu’Erésichton pût être séché ainsi jusqu’à l’extrême écorce, en raison du jeûne, quand il eut le plus à craindre. Je dis en moi-même, pensif : « Voici les gens qui perdirent Jérusalem, quand Marie en son fils donna du bec ! ». Les orbites semblaient anneaux privés de gemmes : qui lit « omo » sur le visage des hommes sur le leur aurait bien reconnu le « M ». Sans en comprendre la raison qui pourrait croire que l’odeur d’un fruit et celle d’une eau, suscitant le désir, maltraitait de la sorte ? J’étais déjà empli de merveille pour ce qui les affame ainsi, pour la raison encore inconnue de leur maigreur et de leur triste écaille, et voilà que du profond de sa tête une ombre tourna les yeux vers moi et me regarda fixement ; puis s’écria : « Quelle grâce m’est faite ? ». Jamais je ne l’aurais reconnu à son visage ; mais en sa voix me fut bien manifeste ce qui en ses semblants était détruit. Cette étincelle en moi ralluma tout entière ma connaissance aux traits changés, et je reconnus le visage de Forese. « De grâce, ne prête pas attention à la rogne sèche qui me décolore la peau », priait-il, ni à la chair qui me fait défaut ; mais dis-moi la vérité de toi, dis-moi qui sont ces deux âmes qui t’escortent par ici ; ne reste pas sans me parler ! ». « Ton visage que jadis je pleurai mort, à présent me donne à pleurer non moindre douleur », lui répondis-je, « le voyant si tordu ; mais dis-moi, par Dieu, ce qui vous effeuille ainsi ; ne me fais pas parler tandis que je m’étonne, car mal conte qui d’un autre désir est empli ». Et lui à moi : « Du conseil éternel descend une vertu dans l’eau et dans la plante restée derrière nous, si bien que je m’affine ainsi.

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Tutta esta gente che piangendo canta per seguitar la gola oltra misura, in fame e 'n sete qui si rifà santa. Di bere e di mangiar n'accende cura l'odor ch'esce del pomo e de lo sprazzo che si distende su per sua verdura. E non pur una volta, questo spazzo girando, si rinfresca nostra pena : io dico pena, e dovria dir sollazzo, ché quella voglia a li alberi ci mena che menò Cristo lieto a dire « Elì », quando ne liberò con la sua vena ». E io a lui : « Forese, da quel dì nel qual mutasti mondo a miglior vita, cinqu' anni non son vòlti infino a qui. Se prima fu la possa in te finita di peccar più, che sovvenisse l'ora del buon dolor ch'a Dio ne rimarita, come se' tu qua sù venuto ancora ? Io ti credea trovar là giù di sotto, dove tempo per tempo si ristora ». Ond' elli a me : « Sì tosto m'ha condotto a ber lo dolce assenzo d'i martìri la Nella mia con suo pianger dirotto. Con suoi prieghi devoti e con sospiri tratto m'ha de la costa ove s'aspetta, e liberato m'ha de li altri giri.

Tanto è a Dio più cara e più diletta la vedovella mia, che molto amai, quanto in bene operare è più soletta; ché la Barbagia di Sardigna assai ne le femmine sue più è pudica che la Barbagia dov' io la lasciai. O dolce frate, che vuo' tu ch'io dica ? Tempo futuro m'è già nel cospetto, cui non sarà quest' ora molto antica, nel qual sarà in pergamo interdetto a le sfacciate donne fiorentine l'andar mostrando con le poppe il petto. Quai barbare fuor mai, quai saracine, cui bisognasse, per farle ir coperte, o spiritali o altre discipline ? Ma se le svergognate fosser certe di quel che 'l ciel veloce loro ammanna, già per urlare avrian le bocche aperte;

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Tous ces gens qui chantent en pleurant pour avoir suivi la gourmandise outre mesure, ici par faim et par soif redeviennent saints. De boire et de manger aiguise notre cure l’odeur qui émane du fruit et de l’eau et qui s’étend en haut sur le vert feuillage. Et non point une seule fois, ce cercle parcourant, notre peine se renouvelle : tourment je dis, mais grande joie plutôt je devrais dire, car nous sommes portés aux arbres par ce vouloir qui porta le Christ joyeux à dire « Eli », quand de son sang il nous libéra ». Et moi à lui : « Forese, depuis ce jour où tu quittas notre bas monde pour gagner meilleure vie, pas plus de cinq ans se sont écoulés jusqu’ici. Si le pouvoir de pécher en toi fut éteint avant que ne survînt l’heure de la bonne douleur qui à Dieu remarie, comment es-tu venu si haut déjà ? Je croyais te trouver là en bas, où le temps par le temps se répare ». Et alors lui à moi : « Si tôt m’a conduit à boire le doux accord des martyres ma chère Nella et ses chaudes larmes. Avec ses prières dévotes et ses soupirs elle m’a arraché de la côte de l’attente, et m’a libéré des autres girons. Tant à Dieu est plus chère et préférée ma tendre veuve, que j’aimai tant, qu’elle est des plus seulettes à faire le bien ; car la Barbage de Sardaigne est bien plus pudique en ses femmes que la Barbage où je la laissai. O mon doux frère, que veux-tu que je dise ? Déjà vient à ma vue un temps futur, auquel cette heure ne sera guère éloignée, où de la chaire il sera interdit aux femmes florentines effrontées de s’en venir montrant le sein et la poitrine. Vit-on jamais barbare ou sarrasine, à qui il fallût, pour s’en aller couvertes, règlements spirituels ou séculiers ? Mais si ces dévergondées étaient sûres de ce que le ciel véloce leur apprête, elles auraient déjà les bouches ouvertes pour crier;

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ché, se l'antiveder qui non m'inganna, prima fien triste che le guance impeli

colui che mo si consola con nanna.

Deh, frate, or fa che più non mi ti celi! Vedi che non pur io, ma questa gente tutta rimira là dove 'l sol veli ». Per ch'io a lui : « Se tu riduci a mente qual fosti meco, e qual io teco fui, ancor fia grave il memorar presente. Di quella vita mi volse costui che mi va innanzi, l'altr' ier, quando tonda vi si mostrò la suora di colui », e 'l sol mostrai. « Costui per la profonda notte menato m'ha d'i veri morti con questa vera carne che 'l seconda. Indi m'han tratto sù li suoi conforti, salendo e rigirando la montagna che drizza voi che 'l mondo fece torti. Tanto dice di farmi sua compagna che io sarò là dove fia Beatrice; quivi convien che sanza lui rimagna. Virgilio è questi che così mi dice », e addita'lo; « e quest' altro è quell' ombra per cuï scosse dianzi ogne pendice lo vostro regno, che da sé lo sgombra ».

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car, si la vision future ici ne m’abuse, elles seront châtiées avant que de barbe les joues ne se couvrent de celui que la berceuse console encore. De grâce, mon frère, ne te cache plus à présent ! Vois donc comme non moi seul, mais tous ces gens regardent là où le soleil tu voiles ». Alors je lui dis : « Si tu as en mémoire comme tu fus avec moi, et moi avec toi, le souvenir présent encore doit t’être pesant. De cette vie me détourna celui qui devant moi chemine, l’autre jour, lorsque ronde se montra la sœur de celui », et je montrai le soleil. « Celui-ci, par la profonde nuit des vrais morts m’a conduit vêtu de cette vraie chair qui le suit. Ses réconforts m’ont fait monter, gravissant et faisant le tour de la montagne qui vous redresse, vous que le monde rendit tordus. Et tant, dit-il, me fera compagnie que je vienne là où je trouverai Béatrice ; alors sans lui il faudra que je demeure. Virgile est celui qui me parla ainsi », et du doigt je le montrai ; « et cet autre est l’ombre pour qui peu avant tressaillit en ses flancs votre royaume, qui de son sein le libère ».

PurgatoirePurgatoirePurgatoirePurgatoire I, v. 4 I, v. 4 I, v. 4 I, v. 4----6666

« e canterò di quel secondo regno, dove l'umano spirito si purga e di salire al ciel diventa degno ».

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« et je chanterai ce second règne, où l’esprit humain se purifie et de monter au ciel devient digne ».

PurgatoirePurgatoirePurgatoirePurgatoire XXVI XXVI XXVI XXVI

« Mentre che sì per l'orlo, uno innanzi altro,

ce n'andavamo, e spesso il buon maestro diceami : « Guarda : giovi ch'io ti scaltro», feriami il sole in su l'omero destro,

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« Tandis que sur le bord l’un devant l’autre nous cheminions, et souvent mon bon maître disait : « Prends garde : veille à mes avis », le soleil me frappait sur l’épaule droite,

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che già, raggiando, tutto l'occidente mutava in bianco aspetto di cilestro : e io facea con l'ombra più rovente parer la fiamma; e pur a tanto indizio vidi molt' ombre, andando, poner mente. Questa fu la cagion che diede inizio loro a parlar di me : e cominciarsi a dir : « Colui non par corpo fittizio »; poi verso me, quanto potëan farsi, certi si fero, sempre con riguardo di non uscir dove non fosser arsi.

« O tu che vai, non per esser più tardo, ma forse reverente, a li altri dopo, rispondi a me che 'n sete e 'n foco ardo. Né solo a me la tua risposta è uopo; ché tutti questi n'hanno maggior sete che d'acqua fredda Indo o Etïopo. Dinne com' è che fai di te parete al sol, pur come tu non fossi ancora di morte intrato dentro da la rete ». Sì mi parlava un d'essi; e io mi fora già manifesto, s'io non fossi atteso ad altra novità ch'apparve allora; ché per lo mezzo del cammino acceso venne gente col viso incontro a questa, la qual mi fece a rimirar sospeso.

Lì veggio d'ogne parte farsi presta ciascun' ombra e basciarsi una con una sanza restar, contente a brieve festa; così per entro loro schiera bruna s'ammusa l'una con l'altra formica, forse a spïar lor via e lor fortuna. Tosto che parton l'accoglienza amica, prima che 'l primo passo lì trascorra, sopragridar ciascuna s'affatica : la nova gente : « Soddoma e Gomorra ! »; e l'altra : « Ne la vacca entra Pasife, perché 'l torello a sua lussuria corra ! ». Poi come grue ch'a le montagne Rife volasser parte, e parte inver' l'arene, queste del gel, quelle del sole schife, l'una gente sen va, l'altra sen vene; e tornan, lagrimando, a' primi canti e al gridar che più lor si convene. E raccostansi a me, come davanti, essi medesmi che m'avean pregato,

attenti ad ascoltar ne' lor sembianti.

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et déjà, de ses feux rayonnants, changeait tout l’occident d’azur en blanc ; et mon ombre rendait la flamme plus rouge encore ; et à un tel indice je vis mainte ombre en chemin devenir pensive. Ce fut la raison pour laquelle elles se mirent à parler de moi ; et commencèrent à dire : « Celui-ci ne semble point corps fictif » ; puis de moi, autant qu’elles pouvaient, certaines se rapprochèrent, en se gardant toujours de sortir là où le feu ne pût les brûler. « O toi qui t’en viens, non par lenteur, mais peut-être par révérence, derrière les autres, réponds à moi qui brûle en feu et en soif. Non point seul j’attends ta réponse ; mais tous ceux qui sont là en ont plus grande soif que d’eau fraîche Indiens ou Ethiopiens. Dis-nous d’où vient que tu fais écran au soleil, comme si tu n’étais pas encore pris par les filets de la mort ». Ainsi me parlait l’un d’entre eux ; et je me serais déjà manifesté, si je n’avais prêté mon attention à une autre nouveauté qui apparut alors ; car au milieu du chemin embrasé des gens vinrent le visage tourné vers ceux-ci, qui laissa mon regard comme suspendu. Là je vois de toute part chaque ombre s’empresser et s’embrasser l’une l’autre sans s’attarder contente à brève fête ; ainsi voit-on fourmis dans leur brune troupe se toucher du museau quêtant bonne voie ou bonne fortune. Dès que l’accueil amical prend fin, avant que le premier pas ne les porte plus avant, chaque ombre s’éreinte à crier : la troupe nouvellement arrivée : « Sodome et Gomorrhe ! » ; et l’autre : « Dans la vache entre Pasiphaé pour que le taureau coure à sa luxure ! ». Puis comme des grues qui s’envoleraient en partie vers les monts Riphées, en partie vers le sable, celles-ci fuyant le gel, et les autres le soleil, une troupe de ces gens s’en va, l’autre s’en vient; et reprennent en pleurant leurs premiers chants et le cri qui mieux leur convient. Et ils se rapprochent de moi, comme auparavant, ceux-là mêmes qui m’avaient prié, l’air d’être tout disposés à m’écouter.

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Io, che due volte avea visto lor grato, Incominciai : « O anime sicure d'aver, quando che sia, di pace stato, non son rimase acerbe né mature le membra mie di là, ma son qui meco col sangue suo e con le sue giunture. Quinci sù vo per non esser più cieco; donna è di sopra che m'acquista grazia, per che 'l mortal per vostro mondo reco. Ma se la vostra maggior voglia sazia tosto divegna, sì che 'l ciel v'alberghi ch'è pien d'amore e più ampio si spazia, ditemi, acciò ch'ancor carte ne verghi, chi siete voi, e chi è quella turba che se ne va di retro a' vostri terghi ». Non altrimenti stupido si turba lo montanaro, e rimirando ammuta, quando rozzo e salvatico s'inurba, che ciascun' ombra fece in sua paruta; ma poi che furon di stupore scarche,

lo qual ne li alti cuor tosto s'attuta, « Beato te, che de le nostre marche »,

ricominciò colei che pria m'inchiese, « per morir meglio, esperïenza imbarche!

La gente che non vien con noi, offese di ciò per che già Cesar, trïunfando,

« Regina » contra sé chiamar s'intese : però si parton « Soddoma » gridando, rimproverando a sé com' hai udito, e aiutan l'arsura vergognando. Nostro peccato fu ermafrodito; ma perché non servammo umana legge, seguendo come bestie l'appetito, in obbrobrio di noi, per noi si legge, quando partinci, il nome di colei che s'imbestiò ne le 'mbestiate schegge. Or sai nostri atti e di che fummo rei : se forse a nome vuo' saper chi semo, tempo non è di dire, e non saprei. Farotti ben di me volere scemo : son Guido Guinizzelli, e già mi purgo per ben dolermi prima ch'a lo stremo ».

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Moi, qui deux fois avais vu leur désir, je commençai : « O âmes assurées d’avoir tôt ou tard état de paix, mes membres ne sont point restés sur terre ni mûrs ni encore verts, mais ils m’accompagnent avec leur sang et leurs jointures. Par ici je monte pour ne plus être aveugle ; dame est là-haut qui cette grâce m’acquiert, de porter par votre monde mon corps mortel. Mais si bientôt puisse être assouvi votre plus grand désir, et vous accueillir le plus grand des cieux empli d’amour, dites-moi, afin que quelques feuilles j’emplisse encore, qui vous êtes, et quelle est cette foule qui s’en vient derrière vous ». Comme le montagnard se trouble de stupeur, et regardant perd la voix, quand fruste et sauvage il arrive en ville, ainsi chaque ombre fit en son semblant ; mais lorsqu’elles furent déchargées de toute stupeur, qui dans les nobles cœurs tôt se dissipe, « Bienheureux sois-tu qui en nos marches », recommença celle qui en premier m’interrogea,

« pour mieux mourir, lestes ta barque d’expérience ! Les gens qui avec nous ne viennent, péchèrent du péché pour lequel César s’entendit jadis nommer « Reine » en son triomphe : d’où vient qu’ils crient en nous quittant « Sodome », s’accusant eux-mêmes, comme tu as entendu, la honte aidant les flammes. Notre péché fut hermaphrodite ; pour n’avoir point observé loi humaine, suivant l’appétit comme des bêtes, pour notre propre honte, nous récitons, lorsque nous nous séparons, le nom de celle qui se fit bête dans la bête de bois. A présent tu connais nos actes et notre faute :

si toutefois par nom tu veux savoir qui nous sommes, il n’est plus temps de dire, et je ne saurais. Pour ma part, je comblerais ton vouloir : je suis Guido Guinizzelli, et déjà je me purge pour m’être repenti avant le terme extrême ».

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Quali ne la tristizia di Ligurgo si fer due figli a riveder la madre, tal mi fec' io, ma non a tanto insurgo, quand' io odo nomar sé stesso il padre mio e de li altri miei miglior che mai rime d'amore usar dolci e leggiadre; e sanza udire e dir pensoso andai lunga fïata rimirando lui, né, per lo foco, in là più m'appressai. Poi che di riguardar pasciuto fui, tutto m'offersi pronto al suo servigio

con l'affermar che fa credere altrui. Ed elli a me : « Tu lasci tal vestigio, per quel ch'i' odo, in me, e tanto chiaro, che Letè nol può tòrre né far bigio. Ma se le tue parole or ver giuraro, dimmi che è cagion per che dimostri nel dire e nel guardar avermi caro ». E io a lui : « Li dolci detti vostri, che, quanto durerà l'uso moderno,

faranno cari ancora i loro incostri ». « O frate », disse, « questi ch'io ti cerno

col dito », e additò un spirto innanzi, « fu miglior fabbro del parlar materno.

Versi d'amore e prose di romanzi soverchiò tutti; e lascia dir li stolti che quel di Lemosì credon ch'avanzi. A voce più ch'al ver drizzan li volti, e così ferman sua oppinïone prima ch'arte o ragion per lor s'ascolti. Così fer molti antichi di Guittone, di grido in grido pur lui dando pregio, fin che l'ha vinto il ver con più persone. Or se tu hai sì ampio privilegio, che licito ti sia l'andare al chiostro nel quale è Cristo abate del collegio, falli per me un dir d'un paternostro, quanto bisogna a noi di questo mondo, dove poter peccar non è più nostro ». Poi, forse per dar luogo altrui secondo che presso avea, disparve per lo foco,

come per l'acqua il pesce andando al fondo.

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Tels, dans le deuil et la colère de Lycurgue firent deux fils en revoyant leur mère, ainsi fis-je, mais n’osai tel élan, lorsque j’entendis se nommer mon père et celui d’autres meilleurs que moi qui jamais rimes d’amour firent douces et gracieuses ; et sans mot dire ni entendre, je m’en allai pensif le contemplant un long moment, mais, en raison du feu, je ne me fis pas plus avant. Lorsque mes regards furent repus, avec empressement à son service je m’offris entièrement avec ce serment qui fait que l’on vous croit. Et lui à moi : « Tu laisses dans tes dires, telle trace en moi et si claire, que Léthé ne peut l’effacer ni la ternir ». Mais si tes paroles ont juré vrai,

dis-moi la raison pour laquelle tes regards et tes propos montrent que je te suis cher ». Et moi à lui : « Vos doux écrits, qui, tant que durera l’usage moderne, donneront du prix à leur encre ». « O frère », dit-il, « celui-ci que je t’indique », et il montra du doigt un esprit devant lui, « fut meilleur forgeron du parler maternel. « En vers d’amour et proses de roman il dépassa tous les autres ; et laisse dire les sots qui croient que le Limousin a l’avantage. A la rumeur plus qu’à la vérité ils dressent leurs minois, et arrêtent leur opinion avant même d’écouter art ou raison. Ainsi firent nombre d’anciens pour Guittone, de cri en cri lui donnant plus de prix, jusqu’à ce que la vérité l’emporte à plusieurs voix. Or si tu bénéficies d’un si ample privilège, qu’il t’est permis de te rendre en ce cloître où le Christ est abbé du saint collège, dis-lui pour moi un Notre Père, ce qui est suffisant à nous autres de ce monde, où le pouvoir de pécher n’est plus nôtre ». Puis, pour laisser place je crois à un autre qui était à ses côtés, il disparut dans le feu, comme dans l’eau le poisson qui nage au fond.

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Io mi fei al mostrato innanzi un poco, e dissi ch'al suo nome il mio disire apparecchiava grazïoso loco. El cominciò liberamente a dire :

« Tan m'abellis vostre cortes deman, qu'ieu no me puesc ni voill a vos cobrire. Ieu sui Arnaut, que plor e vau cantan; consiros vei la passada folor, e vei jausen lo joi qu'esper, denan. Ara vos prec, per aquella valor que vos guida al som de l'escalina, sovenha vos a temps de ma dolor! ». Poi s'ascose nel foco che li affina.

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Je m’approchai quelque peu de l’ombre montrée, et je dis qu’à son nom mon désir appareillait gracieuse demeure. Il commença à dire librement : « Tant m’est gré votre courtoise requête, que je ne peux ni ne veux à vous me couvrir. Je suis Arnaut, qui pleure et vais chantant ; soucieux je vois ma folie passée, et je vois devant moi le Bien que j’espère. Je vous prie au nom de cette valeur qui vous guide au sommet de l’échelle, souvenez-vous à temps de ma douleur ! ». Puis il se cacha dans le feu qui les affine.

PurgatoirePurgatoirePurgatoirePurgatoire XXV XXV XXV XXV

« Ora era onde 'l salir non volea storpio;

ché 'l sole avëa il cerchio di merigge lasciato al Tauro e la notte a lo Scorpio : per che, come fa l'uom che non s'affigge, ma vassi a la via sua, che che li appaia, se di bisogno stimolo il trafigge, così intrammo noi per la callaia, uno innanzi altro prendendo la scala che per artezza i salitor dispaia. E quale il cicognin che leva l'ala per voglia di volare, e non s'attenta d'abbandonar lo nido, e giù la cala; tal era io con voglia accesa e spenta di dimandar, venendo infino a l'atto che fa colui ch'a dicer s'argomenta. Non lasciò, per l'andar che fosse ratto, lo dolce padre mio, ma disse : « Scocca l'arco del dir, che 'nfino al ferro hai tratto». Allor sicuramente apri' la bocca e cominciai : « Come si può far magro là dove l'uopo di nodrir non tocca ? ».

« Se t'ammentassi come Meleagro si consumò al consumar d'un stizzo, non fora », disse, « a te questo sì agro; e se pensassi come, al vostro guizzo, guizza dentro a lo specchio vostra image, ciò che par duro ti parrebbe vizzo. Ma perché dentro a tuo voler t'adage, ecco qui Stazio; e io lui chiamo e prego che sia or sanator de le tue piage ».

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« C’était l’heure où boiteux ne monte guère ; le soleil avait laissé le méridien au Taureau et la nuit au Scorpion : aussi, comme l’homme qui ne demeure, mais poursuit son chemin, quoi qu’il voie, si l’aiguillon du besoin le stimule, ainsi nous entrâmes dans le couloir, prenant l’échelle les uns après les autres dont l’étroitesse sépare les grimpeurs. Et comme le cigogneau qui lève son aile par le désir de voler, mais n’ose encore abandonner son nid, et la rabaisse, ainsi je sentais en moi brûler et s’éteindre le désir de demander, jusqu’à m’induire au geste de celui qui s’apprête à parler. Pour rapide que fût notre avancée, mon doux père ne laissa de dire : « Détends l’arc de ton propos que tu as tiré jusqu’au fer ». Alors plus assuré j’ouvris la bouche et commençai : « Comment peut-on maigrir là où le besoin de se nourrir n’est plus ? ». « S’il te souvenait de Méléagre se consumant à l’embrasement d’un tison, ce point », dit-il, « perdrait de son aigreur ; et si tu songeais comme, à ton moindre geste, répond d’un geste ton image au miroir, ce qui te paraît dur, cire deviendrait. Mais pour qu’à ton gré tu y pénètres, vois Stace ; et je l’appelle et le prie d’être à présent guérisseur de tes plaies ».

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« Se la veduta etterna li dislego »,

rispuose Stazio, « là dove tu sie, discolpi me non potert' io far nego ». Poi cominciò : « Se le parole mie, figlio, la mente tua guarda e riceve, lume ti fiero al come che tu die. Sangue perfetto, che poi non si beve da l'assetate vene, e si rimane quasi alimento che di mensa leve, prende nel core a tutte membra umane virtute informativa, come quello ch'a farsi quelle per le vene vane.

Ancor digesto, scende ov' è più bello tacer che dire; e quindi poscia geme sovr' altrui sangue in natural vasello. Ivi s'accoglie l'uno e l'altro insieme, l'un disposto a patire, e l'altro a fare per lo perfetto loco onde si preme; e, giunto lui, comincia ad operare coagulando prima, e poi avviva ciò che per sua matera fé constare. Anima fatta la virtute attiva qual d'una pianta, in tanto differente, che questa è in via e quella è già a riva, tanto ovra poi, che già si move e sente, come spungo marino; e indi imprende ad organar le posse ond' è semente. Or si spiega, figliuolo, or si distende la virtù ch'è dal cor del generante, dove natura a tutte membra intende. Ma come d'animal divegna fante, non vedi tu ancor : quest' è tal punto, che più savio di te fé già errante, sì che per sua dottrina fé disgiunto da l'anima il possibile intelletto, perché da lui non vide organo assunto. Apri a la verità che viene il petto; e sappi che, sì tosto come al feto l'articular del cerebro è perfetto, lo motor primo a lui si volge lieto sovra tant' arte di natura, e spira spirito novo, di vertù repleto, che ciò che trova attivo quivi, tira in sua sustanzia, e fassi un'alma sola,

che vive e sente e sé in sé rigira.

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« Si la vision éternelle je lui ouvre », répondit Stace, « en ta présence, pardonne-moi de ne pouvoir te faire refus ». Puis il commença : « Si ton esprit, mon fils, garde et reçoit mes paroles, elles éclaireront le comment qui t’interroge. Le sang parfait, dont jamais ne s’abreuvent les veines assoiffées, mais qui demeure pareil à l’aliment que de table on enlève, prend dans le cœur vertu informative à tous membres humains, comme le sang qui par les veines s’en venant peut se muer en chaque membre. Puis, digéré, il descend en un lieu qu’il est plus beau de taire ; et s’égoutte au sang d’autrui en un vase naturel. Là, l’un et l’autre ensemble se recueillent, l’un disposé à souffrir, et l’autre à faire par la vertu de sa très noble source ; et, uni à l’autre, il commence son ouvrage coagulant d’abord, puis donnant vie à ce qu’il a pétri pour sa matière. Sa vertu active devient alors comme l’âme d’une plante, à la différence, qu’elle est au port, quand la nôtre est en route, puis œuvre tant, que déjà elle sent et bouge, comme éponge marine ; et là entreprend d’organiser les facultés dont elle est germe. Alors mon fils, or se déploie et se va répandant la vertu engendrée par le cœur mâle, où veut nature chaque membre établir. Mais comme d’animal elle devient homme qui parle, tu ne vois encore : ce point est tel qu’il fit errer jadis plus sage que toi, tant que dans sa doctrine il sépara de l’âme humaine l’intellect possible, ne le voyant lié à nul organe. Ouvre ton cœur aux vérités qui viennent ; et sache que, dès l’heure où dans le fœtus l’articulation du cerveau est parfaite, le moteur premier vers lui se tourne joyeux de tout cet art de nature, et souffle un esprit nouveau empli de vertu, qui en sa substance tire ce qu’il y trouve d’actif, et fait une âme seule, qui vit et sent et tourne sur soi.

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E perché meno ammiri la parola, guarda il calor del sol che si fa vino, giunto a l'omor che de la vite cola. Quando Làchesis non ha più del lino, solvesi da la carne, e in virtute ne porta seco e l'umano e 'l divino : l'altre potenze tutte quante mute; memoria, intelligenza e volontade in atto molto più che prima agute. Sanza restarsi, per sé stessa cade mirabilmente a l'una de le rive; quivi conosce prima le sue strade. Tosto che loco lì la circunscrive, la virtù formativa raggia intorno,

così e quanto ne le membra vive. E come l'aere, quand' è ben pïorno, per l'altrui raggio che 'n sé si reflette, di diversi color diventa addorno; così l'aere vicin quivi si mette e in quella forma ch'è in lui suggella virtüalmente l'alma che ristette; e simigliante poi a la fiammella che segue il foco là 'vunque si muta, segue lo spirto sua forma novella. Però che quindi ha poscia sua paruta, è chiamata ombra; e quindi organa poi ciascun sentire infino a la veduta. Quindi parliamo e quindi ridiam noi; quindi facciam le lagrime e ' sospiri che per lo monte aver sentiti puoi. Secondo che ci affliggono i disiri e li altri affetti, l'ombra si figura; e quest' è la cagion di che tu miri ».

E già venuto a l'ultima tortura s'era per noi, e vòlto a la man destra, ed eravamo attenti ad altra cura. Quivi la ripa fiamma in fuor balestra, e la cornice spira fiato in suso che la reflette e via da lei sequestra; ond' ir ne convenia dal lato schiuso ad uno ad uno; e io temëa 'l foco quinci, e quindi temeva cader giuso. Lo duca mio dicea : « Per questo loco si vuol tenere a li occhi stretto il freno, però ch'errar potrebbesi per poco ». « Summae Deus clementïae » nel seno al grande ardore allora udi' cantando,

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Et pour que moins ma parole tu admires, vois l’ardeur du soleil qui se fait vin, jointe à l’humeur qui coule de la vigne. Lorsque Lachésis n’a plus de lin, l’âme se détache de la chair, et emporte en sa vertu l’humain et le divin : les autres puissances toutes muettes ; mémoire, intelligence et volonté en acte, sont bien plus vive qu’auparavant. Sans tarder, l’âme tombe d’elle-même admirablement à l’une des deux rives ; et ici commence à connaître ses voies. Sitôt que l’air de ces lieux l’enveloppe, la vertu formative rayonne alentour, comme dans les membres vivants. Et comme l’air, quand l’imprègne la pluie, sous l’effet des rayons qui en lui se reflètent s’orne de diverses couleurs ; ainsi l’air environnant se presse en cette forme où virtuellement le scelle l’âme arrêtée en ce séjour ; puis, pareille à la flammèche qui suit le feu où il se meut, l’esprit suit sa forme nouvelle. Après que l’âme a pris telle semblance, on l’appelle ombre ; et de lui organise chaque sens jusqu’à la vue. Ainsi nous parlons et nous rions ; ainsi nous formons des larmes et des soupirs que par la montagne tu peux avoir entendus. Selon que désir nous afflige ou autres affections, l’ombre prend forme ; et voilà la cause que ce qui t’étonne ». Mais déjà nous touchions aux ultimes tortures et déjà nous avions tourné à droite, et notre attention se portait sur tout autre soin. Ici, la falaise darde des flammes, et la corniche souffle un vent vers le haut qui les replie et les repousse ; nous devions donc cheminer sur le bord du précipice un à un ; de là je redoutais le feu et d’ici je craignais la chute. Mon guide disait : « En ces parages, la bride à nos yeux il faut tenir bien serrée, car un rien pourrait être source d’errance ». « Summae Deus clementïae » au sein de la grande fournaise entendis-je alors chantant,

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che di volger mi fé caler non meno; e vidi spirti per la fiamma andando; per ch'io guardava a loro e a' miei passi,

compartendo la vista a quando a quando.

Appresso il fine ch'a quell' inno fassi, gridavano alto : « Virum non cognosco »; indi ricominciavan l'inno bassi. Finitolo, anco gridavano : « Al bosco si tenne Diana, ed Elice caccionne che di Venere avea sentito il tòsco ». Indi al cantar tornavano; indi donne gridavano e mariti che fuor casti come virtute e matrimonio imponne. E questo modo credo che lor basti per tutto il tempo che 'l foco li abbruscia : con tal cura conviene e con tai pasti che la piaga da sezzo si ricuscia ».

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qui l’envie de me tourner rendit plus forte encore ; et je vis parmi la flamme des âmes s’en venant ; aussi les regardais-je ainsi que mes pas, partageant tour à tour mes regards. Après la fin de cet hymne, elles criaient tout haut : « Virum non cognosco »; puis reprenaient l’hymne à voix basse. Lequel terminé, s’écriaient de nouveau : « Diane resta dans les bois et en bannit Hélice qui avait éprouvé le poison de Vénus ». Puis elles retournaient au chant ; et criaient le nom de femmes et de maris restés chastes comme vertu et mariage l’ordonnent. Et je crois que cet art leur suffit pour tout le temps que la flamme les brûle : par telles cures et tels emplâtres il faut que leur plaie à la fin se recouse ».

ParadisParadisParadisParadis XVIII XVIII XVIII XVIII « Già si godeva solo del suo verbo quello specchio beato, e io gustava lo mio, temprando col dolce l'acerbo; e quella donna ch'a Dio mi menava, disse : « Muta pensier; pensa ch'i' sono presso a colui ch'ogne torto disgrava ». Io mi rivolsi a l'amoroso suono del mio conforto; e qual io allor vidi ne li occhi santi amor, qui l'abbandono : non perch' io pur del mio parlar diffidi, ma per la mente che non può reddire sovra sé tanto, s'altri non la guidi. Tanto poss' io di quel punto ridire, che, rimirando lei, lo mio affetto libero fu da ogne altro disire, fin che 'l piacere etterno, che diretto raggiava in Bëatrice, dal bel viso mi contentava col secondo aspetto. Vincendo me col lume d'un sorriso, ella mi disse : « Volgiti e ascolta; ché non pur ne' miei occhi è paradiso ». Come si vede qui alcuna volta l'affetto ne la vista, s'elli è tanto, che da lui sia tutta l'anima tolta, così nel fiammeggiar del folgór santo,

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« Déjà se délectait seul de son verbe ce miroir bienheureux, et moi je goûtais le mien, tempérant de douceur l’amertume ; et cette dame qui à Dieu me menait, dit : « Change ta pensée ; pense que je suis près de celui qui tout tors redresse ». Je me tournai au son amoureux de mon réconfort ; et comme je vis alors dans les yeux saints, amour, ici je l’abandonne : non point que je doute de mon langage, mais en raison de la mémoire qui ne peut faire tel retour sur elle-même, sans autre guide. Je ne puis donc rien dire d’autre sur ce point sinon que la regardant, mon cœur, fut libre de tout autre désir, tant que le plaisir éternel, qui tout droit rayonnait en Béatrice, de ses beaux yeux me contentait de son second aspect. Me vainquant par la lumière de son sourire, elle me dit : « Tourne-toi et écoute ; car le paradis n’est pas tout en mes yeux ». Comme d’aucunes fois on peut voir ici l’affection dans le regard, si elle est telle que l’âme tout entière elle ravit, ainsi dans le flamboiement de la sainte foudre,

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a ch'io mi volsi, conobbi la voglia in lui di ragionarmi ancora alquanto.

El cominciò : « In questa quinta soglia de l'albero che vive de la cima e frutta sempre e mai non perde foglia, spiriti son beati, che giù, prima che venissero al ciel, fuor di gran voce, sì ch'ogne musa ne sarebbe opima. Però mira ne' corni de la croce : quello ch'io nomerò, lì farà l'atto che fa in nube il suo foco veloce ». Io vidi per la croce un lume tratto dal nomar Iosuè, com' el si feo; né mi fu noto il dir prima che 'l fatto. E al nome de l'alto Macabeo vidi moversi un altro roteando, e letizia era ferza del paleo. Così per Carlo Magno e per Orlando due ne seguì lo mio attento sguardo, com' occhio segue suo falcon volando. Poscia trasse Guiglielmo e Rinoardo e 'l duca Gottifredi la mia vista per quella croce, e Ruberto Guiscardo. Indi, tra l'altre luci mota e mista, mostrommi l'alma che m'avea parlato qual era tra i cantor del cielo artista. Io mi rivolsi dal mio destro lato per vedere in Beatrice il mio dovere, o per parlare o per atto, segnato; e vidi le sue luci tanto mere, tanto gioconde, che la sua sembianza vinceva li altri e l'ultimo solere. E come, per sentir più dilettanza bene operando, l'uom di giorno in giorno s'accorge che la sua virtute avanza, sì m'accors' io che 'l mio girare intorno col cielo insieme avea cresciuto l'arco, veggendo quel miracol più adorno. E qual è 'l trasmutare in picciol varco di tempo in bianca donna, quando 'l volto

suo si discarchi di vergogna il carco, tal fu ne li occhi miei, quando fui vòlto, per lo candor de la temprata stella

sesta, che dentro a sé m'avea ricolto.

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à laquelle je me tournai, je connus le désir en elle de me parler encore quelque peu. Il commença : « En ce cinquième seuil de l’arbre qui vit de sa cime toujours produit des fruits et jamais feuille ne perd, sont des esprits bienheureux qui, sur terre, avant qu’ils ne viennent au ciel, firent si grand bruit, que toute muse en ferait grand trésor. Or, regarde dans les cornes de la croix : celui que je nommerai, fera comme feu véloce en sa nuée ». Je vis une lumière descendre le long de la croix à l’instant où fut prononcé le nom de Josué ; et ne perçus les mots avant l’acte. Et au nom du haut Macchabée j’en vis une autre se mouvoir en tournoyant et la joie était le fouet de la toupie. De même pour Charlemagne et Roland, ces deux feux que suivit mon regard comme les yeux suivent leur faucon en vol. Puis Guillaume, et Rainouart et le duc Godefroy attirèrent mes regards le long de cette croix puis ce fut au tour de Robert Guiscard. Puis, aux autres feux alla se mêler, l’âme qui m’avait parlé et me montra qu’elle était artiste parmi les chantres célestes. Je me tournai à ma droite, pour voir en Béatrice mon devoir, marqué du signe des mots ou de l’acte ; et je vis ses lumières si pures et si joyeuses, que ses semblants, vainquaient les autres et son accoutumée. Et comme, ressentant plus de joie dans la conduite de bonnes actions, l’homme de jour en jour s’aperçoit que sa vertu progresse, ainsi je m’aperçus que ma rotation comme le ciel avait élargi son arc, voyant ce miracle plus orné encore. Et comme en peu de temps une dame redevient blanche, lorsque son visage se déleste du poids de la honte, ainsi apparut à mes yeux, tournant dans la blancheur de la sixième étoile tempérée qui m’avait accueilli en son sein.

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Io vidi in quella giovïal facella lo sfavillar de l'amor che lì era segnare a li occhi miei nostra favella. E come augelli surti di rivera, quasi congratulando a lor pasture, fanno di sé or tonda or altra schiera, sì dentro ai lumi sante creature volitando cantavano, e faciensi or D, or I, or L in sue figure. Prima, cantando, a sua nota moviensi; poi, diventando l'un di questi segni, un poco s'arrestavano e taciensi. O diva Pegasëa che li 'ngegni fai glorïosi e rendili longevi, ed essi teco le cittadi e ' regni, illustrami di te, sì ch'io rilevi le lor figure com' io l'ho concette : paia tua possa in questi versi brevi! Mostrarsi dunque in cinque volte sette vocali e consonanti; e io notai le parti sì come mi parver dette. « DILIGITE IUSTITIAM », primai fur verbo e nome di tutto 'l dipinto; « QUI IUDICATIS TERRAM », fur sezzai. Poscia ne l'emme del vocabol quinto rimasero ordinate; sì che Giove pareva argento lì d'oro distinto. E vidi scendere altre luci dove era il colmo de l'emme, e lì quetarsi cantando, credo, il ben ch'a sé le move. Poi, come nel percuoter d'i ciocchi arsi surgono innumerabili faville, onde li stolti sogliono agurarsi, resurger parver quindi più di mille luci, e salir, qual assai e qual poco, sì come 'l sol che l'accende sortille; e quïetata ciascuna in suo loco, la testa e 'l collo d'un'aguglia vidi rappresentare a quel distinto foco.

Quei che dipinge lì, non ha chi 'l guidi; ma esso guida, e da lui si rammenta quella virtù ch'è forma per li nidi.

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Je vis dans cette torche joviale le flamboiement de l’amour qui était là graver sous mes yeux notre langage. Et comme des oiseaux s’élevant d’un fleuve éjouis de leur pâture, forment une troupe tantôt en cercle tantôt en ligne, ainsi, dans leur enveloppe lumineuse les saintes créatures chantaient en voletant, et formaient tantôt la figure d’un D, tantôt celle d’un I, tantôt celle d’un L. Tout d’abord en chœur, elles se déplaçaient de note en note ; puis, devenant l’un de ces signes, s’arrêtaient quelque peu en silence. « O divine Pégasée qui procure gloire et longévité aux esprits, et eux avec toi les donnent aux cités et aux rois, illumine-moi, que je montre ce que j’ai pu saisir de leurs figures : que ta puissance paraisse en ces vers brefs ! En cinq fois sept apparurent alors voyelles et consonnes ; et je pris note des parties dans la forme où elles me furent dictées. « Diligite iustitiam », tout d’abord fut verbe et nom de toute la peinture ; « qui iudicatis terram », apparut ensuite. Puis sur le M du cinquième vocable restèrent en ordre ; si bien que Jupiter paraissait ici argent marqueté d’or. Et je vis descendre d’autres lumières où se trouvait la pointe du M, et là s’arrêter chantant, je crois, le bien qui vers lui les attire. Puis, comme au choc des bûches embrasées jaillissent d’innombrables étincelles, dans lesquelles les sots ont coutume de prendre augure, semblèrent alors rejaillir plus de mille lumières, et monter plus ou moins choisies par le soleil qui les allume ; et placée chacune en son lieu, la tête et le cou d’un aigle je vis alors représenter par ce nouveau feu. Celui qui peint ici n’a pas de maître ; mais c’est lui le maître, et par lui on se souvient de cette nature qui forme les nids.

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L'altra bëatitudo, che contenta pareva prima d'ingigliarsi a l'emme, con poco moto seguitò la 'mprenta. O dolce stella, quali e quante gemme mi dimostraro che nostra giustizia effetto sia del ciel che tu ingemme!

Per ch'io prego la mente in che s'inizia tuo moto e tua virtute, che rimiri ond' esce il fummo che 'l tuo raggio vizia; sì ch'un'altra fïata omai s'adiri del comperare e vender dentro al templo che si murò di segni e di martìri. O milizia del ciel cu' io contemplo, adora per color che sono in terra tutti svïati dietro al malo essemplo! Già si solea con le spade far guerra; ma or si fa togliendo or qui or quivi lo pan che 'l pïo Padre a nessun serra. Ma tu che sol per cancellare scrivi, pensa che Pietro e Paulo, che moriro per la vigna che guasti, ancor son vivi. Ben puoi tu dire : « I' ho fermo 'l disiro sì a colui che volle viver solo e che per salti fu tratto al martiro, ch'io non conosco il pescator né Polo ».

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L’autre béatitude, qui semblait contente avant de s’enliser au M, d’un léger mouvement suivit l’empreinte. O douce étoile, combien et quelles gemmes me montrèrent qu’ici-bas notre justice est effet du ciel que tu pares de gemmes ! Aussi je prie l’esprit d’où procèdent ton mouvement et ta vertu, de regarder d’où sort la fumée qui offusque tes rayons ; de sorte qu’une nouvelle fois il se courrouce du commerce au sein de ce temple qui s’édifia de miracles et de martyres . O milice du ciel que je contemple, prie pour ceux qui sur terre sont tous dévoyés à la suite du mauvais exemple! Jadis on guerroyait épées à la main ; mais aujourd’hui on fait la guerre en ôtant çà et là le pain que le Père aimant à personne ne refuse. Mais toi qui n’écris que pour effacer, pense que Pierre et Paul, qui sont morts pour la vigne que tu gâtes, sont encore en vie. Tu peux bien dire : « Mon désir est si ferme vers celui qui voulut vivre seul et qui pour quatre sauts fut traîné au martyre que je ne connais ni le pêcheur ni Polo ».

ParadisParadisParadisParadis XXXIII, v. 85 XXXIII, v. 85 XXXIII, v. 85 XXXIII, v. 85----87 et v. 11587 et v. 11587 et v. 11587 et v. 115----120120120120

« Nel suo profondo vidi che s'interna, legato con amore in un volume, ciò che per l'universo si squaderna : » « Ne la profonda e chiara sussistenza de l'alto lume parvermi tre giri di tre colori e d'una contenenza; e l'un da l'altro come iri da iri parea reflesso, e 'l terzo parea foco che quinci e quindi igualmente si spiri ».

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« Dans son profond je vis comme s’entresse, d’amour lié en un volume, ce qui par le monde s’effeuille : » « Dans la profonde et claire subsistance de la haute lumière trois cercles m’apparurent de trois couleurs et d’une contenance ; et l’un en l’autre comme iris en iris paraissait réfléchi, et le troisième semblait feu qui de çà et de là soufflait également ».

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ParadisParadisParadisParadis XIX, v. 11 XIX, v. 11 XIX, v. 11 XIX, v. 11----12121212 « e sonar ne la voce e « io » e « mio », quand' era nel concetto e « noi » e « nostro » ». « Così un sol calor di molte brage si fa sentir, come di molti amori usciva solo un suon di quella image. Ond' io appresso : « O perpetüi fiori de l'eterna letizia, che pur uno parer mi fate tutti vostri odori, » « Or tu chi se', che vuo' sedere a scranna, per giudicar di lungi mille miglia con la veduta corta d'una spanna ? »

« Oh terreni animali! oh menti grosse! » « come vedranno quel volume aperto nel qual si scrivon tutti suoi dispregi ? » « Dunque vostra veduta, che convene esser alcun de' raggi de la mente di che tutte le cose son ripiene, non pò da sua natura esser possente tanto, che suo principio non discerna molto di là da quel che l'è parvente. Però ne la giustizia sempiterna la vista che riceve il vostro mondo, com' occhio per lo mare, entro s'interna; che, ben che da la proda veggia il fondo, in pelago nol vede; e nondimeno èli, ma cela lui l'esser profondo ».

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« et dans la voix résonner « je » et « mien », quand la pensée provenait de « nous » et « nôtre » ». « Comme une seule chaleur de maintes braises se fait sentir, ainsi provenant de maints amours sortait un seul son de cette image. Alors je repris : « O fleurs perpétuelles de la joie éternelle, vous dont toutes les odeurs ne semblent qu’une seule, ». « Or qui es-tu, qui veux siéger en chaire, pour juger à mille lieues avec une vue qui ne couvre pas plus d’un empan ? » « O animaux terrestres ! gros esprits ! » « quand ils verront ce volume ouvert dans lequel tous ses méfaits seront écrits ? » « Et ainsi votre vue, qui ne peut être qu’un des rayons de cet esprit qui emplit toute chose, ne peut de sa propre nature avoir telle puissance que Dieu son principe ne discerne bien au-delà de ce qu’elle aperçoit. Aussi, la vue que reçoit votre monde se plonge dans la justice éternelle comme l’œil dans la mer, car, s’il peut voir le fond près de la rive, au large il ne le voit ; bien que néanmoins il y soit, mais l’abîme le cache ».

EnferEnferEnferEnfer IV, v. 94 IV, v. 94 IV, v. 94 IV, v. 94----96969696

« Così vid' i' adunar la bella scola di quel segnor de l'altissimo canto che sovra li altri com' aquila vola ».

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« Ainsi vis-je se rassembler la belle école de ce seigneur au très haut chant qui comme un aigle vole au-dessus des autres ».

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PurgatoirePurgatoirePurgatoirePurgatoire VII, v. 103 VII, v. 103 VII, v. 103 VII, v. 103----105105105105

« E quel nasetto che stretto a consiglio par con colui c'ha sì benigno aspetto, morì fuggendo e disfiorando il giglio: ».

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« Et ce Nez-court qui semble prendre intime conseil de cet autre à l’aspect si débonnaire, mourut fuyant et déflorant le lis : ».

PurgatoirePurgatoirePurgatoirePurgatoire XX, v. 85 XX, v. 85 XX, v. 85 XX, v. 85----87878787

« Perché men paia il mal futuro e 'l fatto, veggio in Alagna intrar lo fiordaliso, e nel vicario suo Cristo esser catto ».

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« Pour éclipser le mal fait ou à faire, je vois la fleur de lis entrer au cœur d’Alagna, et le Christ en son vicaire être captif ».

ParadisParadisParadisParadis VI, v. 100 VI, v. 100 VI, v. 100 VI, v. 100----102 et 110102 et 110102 et 110102 et 110----111111111111

« L'uno al pubblico segno i gigli gialli oppone, e l'altro appropria quello a parte, sì ch'è forte a veder chi più si falli ». « e non si creda che Dio trasmuti l'armi per suoi gigli! »

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« L’un oppose à la publique enseigne les lis d’or, et l’autre la voue à son parti, si bien qu’il est difficile de déterminer le plus coupable ». « et il ne faut pas compter que Dieu change ses armes pour ses lis ! »

PurgatoirePurgatoirePurgatoirePurgatoire XXIX, v. 64 XXIX, v. 64 XXIX, v. 64 XXIX, v. 64----66666666

« Genti vid' io allor, come a lor duci, venire appresso, vestite di bianco; e tal candor di qua già mai non fuci ». « ventiquattro seniori, a due a due, coronati venien di fiordaliso» « E questi sette col primaio stuolo erano abitüati, ma di gigli dintorno al capo non facëan brolo, »

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« Je vis alors des gens, comme suivant leurs guides, vêtus de blanc et telle blancheur ne fut jamais ici-bas ». « vingt-quatre vieillards, deux par deux, s’en venaient couronnés de fleurs de lis » « Et tous les sept portaient même parure que la première compagnie, si ce n’est que le lis leurs têtes ne couronnait ».

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ParadisParadisParadisParadis XVI, v. 149 XVI, v. 149 XVI, v. 149 XVI, v. 149----154154154154

« vid' io Fiorenza in sì fatto riposo, che non avea cagione onde piangesse. Con queste genti vid' io glorïoso e giusto il popol suo, tanto che 'l giglio non era ad asta mai posto a ritroso, né per divisïon fatto vermiglio ».

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« je vis Florence en un tel repos, qu’elle n’avait nulle raison de pleurer. Avec ces gens je vis son peuple juste et glorieux si bien que jamais le lis n’était traîné la hampe à l’envers, ni teint de rouge par division ».

ParadisParadisParadisParadis XXIII, v. 73 XXIII, v. 73 XXIII, v. 73 XXIII, v. 73----75757575

« Quivi è la rosa in che 'l verbo divino carne si fece; quivi son li gigli al cui odor si prese il buon cammino ».

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« Ici est la rose en laquelle le verbe divin se fit chair ; ici sont les lis dont l’odeur enseigna le bon chemin ».

ParadisParadisParadisParadis XVII, v. 103 XVII, v. 103 XVII, v. 103 XVII, v. 103----105105105105

« io cominciai, come colui che brama, dubitando, consiglio da persona che vede e vuol dirittamente e ama : ». « Giù per lo mondo sanza fine amaro, e per lo monte del cui bel cacume li occhi de la mia donna mi levaro, e poscia per lo ciel, di lume in lume, ho io appreso quel che s'io ridico, a molti fia sapor di forte agrume; e s'io al vero son timido amico, temo di perder viver tra coloro che questo tempo chiameranno antico ».

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« je commençai, comme celui qui désire, empli de doute, prendre conseil d’une personne qui voit et veut droitement et aime ». « Ici bas dans le mode infiniment amer, puis par le mont au beau sommet les yeux de ma dame me levèrent, puis par le ciel, d’astres en astres, j’ai appris telles choses, que si je les rapporte, pour maintes gens auront aigre saveur et forte ; mais si à la vérité je suis timide ami, je crains de perdre vie parmi ceux-là qui anciens nommeront les temps présents ».

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PurgatoirePurgatoirePurgatoirePurgatoire XVI, v. 93 XVI, v. 93 XVI, v. 93 XVI, v. 93----108108108108 « Di picciol bene in pria sente sapore; quivi s'inganna, e dietro ad esso corre, se guida o fren non torce suo amore. Onde convenne legge per fren porre; convenne rege aver, che discernesse de la vera cittade almen la torre. Le leggi son, ma chi pon mano ad esse ? Nullo, però che 'l pastor che procede, rugumar può, ma non ha l'unghie fesse; per che la gente, che sua guida vede pur a quel ben fedire ond' ella è ghiotta, di quel si pasce, e più oltre non chiede ». « Soleva Roma, che 'l buon mondo feo, due soli aver, che l'una e l'altra strada facean vedere, e del mondo e di Deo ».

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« De petits biens d’abord elle goûte la saveur court après eux, et s’y fait prendre par erreur, si guide ou frein son amour ne redresse. Aussi fallut-il mettre la loi pour frein et roi fallut trouver sachant de loin de la cité véritable au moins la tour discerner. Les lois sont là, mais qui y tient la main ? Personne, car le berger qui s’en va, peut certes ruminer, mais les ongles n’a point fendus ; aussi ces gens, qui voient leur guide férir au bien dont ils sont friands, s’en repaissent, et rien d’autre ne requièrent ». « Rome jadis, qui le monde bon fit, avait coutume d’avoir deux soleils qui l’une et l’autre voie illuminaient, et du monde et de Dieu ».

ParadisParadisParadisParadis VI, v. 94 VI, v. 94 VI, v. 94 VI, v. 94----96969696

« e quando il dente longobardo morse la Santa Chiesa, sotto le sue ali Carlo Magno, vincendo, la soccorse ».

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« et lorsque la dent lombarde mordit la Sainte Eglise, sous les ailes de l’aigle Charlemagne, par sa victoire, la secourut ».

EnferEnferEnferEnfer XXXI, v. 16 XXXI, v. 16 XXXI, v. 16 XXXI, v. 16----18181818

« Dopo la dolorosa rotta, quando Carlo Magno perdé la santa gesta, non sonò sì terribilmente Orlando ».

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« Après la douloureuse déroute, lorsque Charlemagne perdit la sainte geste Roland ne sonna pas aussi terriblement ».

EnferEnferEnferEnfer VI, v. 13 VI, v. 13 VI, v. 13 VI, v. 13----15 et v. 2815 et v. 2815 et v. 2815 et v. 28----33333333

« Cerbero, fiera crudele e diversa, con tre gole caninamente latra sovra la gente che quivi è sommersa ». « Qual è quel cane ch'abbaiando agogna, e si racqueta poi che 'l pasto morde, ché solo a divorarlo intende e pugna,

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« Cerbère, bête étrange et cruelle, avec ses trois gueules hurle comme un chien sur les gens qui là sont submergés ». « Tel un chien qui aboie plein de voracité, mais se calme dès qu’il mord sa pâtée, car il s’acharne et s’évertue à dévorer,

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cotai si fecer quelle facce lorde de lo demonio Cerbero, che 'ntrona l'anime sì, ch'esser vorrebber sorde ».

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telles se firent les trois faces immondes du démon Cerbère, qui tant assourdit les âmes, que sourdes elles voudraient être ».

PurgatoirePurgatoirePurgatoirePurgatoire V V V V

« Io era già da quell' ombre partito, e seguitava l'orme del mio duca, quando di retro a me, drizzando 'l dito, una gridò : « Ve' che non par che luca lo raggio da sinistra a quel di sotto, e come vivo par che si conduca ! ». Li occhi rivolsi al suon di questo motto, e vidile guardar per maraviglia pur me, pur me, e 'l lume ch'era rotto. « Perché l'animo tuo tanto s'impiglia », disse 'l maestro, « che l'andare allenti ? che ti fa ciò che quivi si pispiglia ? Vien dietro a me, e lascia dir le genti : sta come torre ferma, che non crolla già mai la cima per soffiar di venti; ché sempre l'omo in cui pensier rampolla sovra pensier, da sé dilunga il segno, perché la foga l'un de l'altro insolla ». Che potea io ridir, se non « Io vegno » ? Dissilo, alquanto del color consperso che fa l'uom di perdon talvolta degno. E 'ntanto per la costa di traverso venivan genti innanzi a noi un poco, cantando « Miserere » a verso a verso. Quando s'accorser ch'i' non dava loco per lo mio corpo al trapassar d'i raggi, mutar lor canto in un «oh!» lungo e roco; e due di loro, in forma di messaggi, corsero incontr' a noi e dimandarne: « Di vostra condizion fatene saggi ». E 'l mio maestro : « Voi potete andarne e ritrarre a color che vi mandaro che 'l corpo di costui è vera carne. Se per veder la sua ombra restaro, com' io avviso, assai è lor risposto : fàccianli onore, ed esser può lor caro ».

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« Je m’étais déjà éloigné de ces ombres, et je suivais les pas de mon guide, lorsque derrière moi, dressant le doigt, l’une d’elles s’écria : « Vois donc comme à la gauche de celui qui derrière chemine, le rayon ne luit, et comme homme vivant il semble se conduire!» Je tournai les yeux au son de ces mots, et je les vis toutes me regarder avec merveille me regarder moi, et la lumière que je rompais. « Pourquoi ton esprit s’empêche tant », dit mon maître, « que ton pas tu ralentis? que t’importe ce qu’ici on chuchote ? Viens derrière moi, et laisse dire les gens : sois comme une tour très ferme, dont la cime jamais ne croule au souffle des vents ; car l’homme en qui pensée sur autre pensée toujours bourgeonne, éloigne de lui son but, car l’une ôte à l’autre sa vigueur ». Que pouvais-je bien dire, sinon « Je viens » ? Je le dis, couvert quelque peu de cette couleur qui parfois de pardon rend digne l’homme. Et ce pendant en travers de la côte des gens s’avançaient quelque peu vers nous, chantant « Miserere » vers après vers. Mais lorsqu’ils s’aperçurent que je ne donnais lieu en raison de mon corps, au passage des rayons, ils changèrent leur chant en un « oh ! » long et rauque ; et deux d’entre eux, en guise de messagers coururent vers nous et nous demandèrent : « De votre condition, instruisez-nous ». Et mon maître : « Vous pouvez vous en retourner et dire à ceux qui vous mandatèrent que le corps de celui-ci est de vraie chair. S’ils s’arrêtèrent à la vue de son ombre, comme je le pense, ma réponse leur sera suffisante : Qu’ils lui rendent honneur, et il pourra leur être précieux ».

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Vapori accesi non vid' io sì tosto di prima notte mai fender sereno, né, sol calando, nuvole d'agosto, che color non tornasser suso in meno; e, giunti là, con li altri a noi dier volta, come schiera che scorre sanza freno. « Questa gente che preme a noi è molta, e vegnonti a pregar », disse 'l poeta : « però pur va, e in andando ascolta ». « O anima che vai per esser lieta con quelle membra con le quai nascesti », venian gridando, « un poco il passo queta. Guarda s'alcun di noi unqua vedesti, sì che di lui di là novella porti : deh, perché vai? deh, perché non t'arresti? Noi fummo tutti già per forza morti, e peccatori infino a l'ultima ora; quivi lume del ciel ne fece accorti, sì che, pentendo e perdonando, fora di vita uscimmo a Dio pacificati, che del disio di sé veder n'accora ». E io : « Perché ne' vostri visi guati, non riconosco alcun; ma s'a voi piace cosa ch'io possa, spiriti ben nati, voi dite, e io farò per quella pace che, dietro a' piedi di sì fatta guida, di mondo in mondo cercar mi si face ». E uno incominciò : « Ciascun si fida del beneficio tuo sanza giurarlo, pur che 'l voler nonpossa non ricida. Ond' io, che solo innanzi a li altri parlo, ti priego, se mai vedi quel paese che siede tra Romagna e quel di Carlo, che tu mi sie di tuoi prieghi cortese in Fano, sì che ben per me s'adori pur ch'i' possa purgar le gravi offese. Quindi fu' io; ma li profondi fóri ond' uscì 'l sangue in sul quale io sedea, fatti mi fuoro in grembo a li Antenori, .

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Vapeurs enflammées jamais je ne vis fendre si vite à la tombée de la nuit le ciel serein, ni au soleil couchant, les nuages d’août, que ceux-là ne s’en retournèrent là-haut ; et, une fois arrivés, tous ensemble se tournèrent vers nous, comme une troupe dont la course nul frein ne retient. « Nombreux sont ces gens qui vers nous se pressent, et ils viennent te prier », dit le poète : « mais ne cesse d’aller à ton chemin, et en allant écoute ». « O âme qui t’en vas pour être heureuse avec ces membres que tu reçus à ta naissance », s’en venaient-ils criant : « apaise un peu ton pas. Vois si jamais l’un de nous tu ne vis, pour que là-bas tu portes de lui quelques nouvelles : mais pourquoi vas-tu ? pourquoi ne t’arrêtes-tu pas ? Nous fûmes tous, jadis, mis à mort par force et pécheurs jusqu’à la dernière heure ; alors la lumière du ciel nous avertit, si bien qu’en repentance et pardonnés, nous quittâmes la vie en paix avec Dieu, qui du désir de le voir notre cœur tourmente ». Et moi : « En vos visages j’ai beau scruter, personne je ne reconnais ; mais s’il vous plaît chose que je puisse faire, esprits bien nés, dites-moi, et je le ferai au nom de cette paix que, sur les traces d’un tel guide, de monde en monde l’on me fait chercher ». Et l’un d’eux commença : « Chacun se fie en ton bienfait sans en jurer ta foi, si impuissance ne vient couper ton bon vouloir. Aussi, moi qui seul parle avant tous, je te prie, que si jamais tu vois ce pays qui s’étend entre la Romagne et le règne de Charles, que de tes prières tu me sois courtois à Fano, afin que l’on prie pour moi pour que mes graves offenses je puisse purger. De ce lieu je fus ; mais les profondes blessures d’où sortit le sang que j’habitais me furent faites au sein des Anténors,

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là dov' io più sicuro esser credea : quel da Esti il fé far, che m'avea in ira assai più là che dritto non volea.

Ma s'io fosse fuggito inver' la Mira, quando fu' sovragiunto ad Orïaco, ancor sarei di là dove si spira. Corsi al palude, e le cannucce e 'l braco m'impigliar sì ch'i' caddi; e lì vid' io de le mie vene farsi in terra laco ». Poi disse un altro : « Deh, se quel disio si compia che ti tragge a l'alto monte, con buona pïetate aiuta il mio! Io fui di Montefeltro, io son Bonconte; Giovanna o altri non ha di me cura; per ch'io vo tra costor con bassa fronte ». E io a lui : « Qual forza o qual ventura ti travïò sì fuor di Campaldino, che non si seppe mai tua sepultura ? ». « Oh! », rispuos' elli, « a piè del Casentino traversa un'acqua c'ha nome l'Archiano, che sovra l'Ermo nasce in Apennino Là 've 'l vocabol suo diventa vano, arriva' io forato ne la gola, fuggendo a piede e ‘nsanguinando il piano. Quivi perdei la vista e la parola; nel nome di Maria fini', e quivi caddi, e rimase la mia carne sola. Io dirò vero, e tu 'l ridì tra ' vivi : l'angel di Dio mi prese, e quel d'inferno gridava : « O tu del ciel, perché mi privi? Tu te ne porti di costui l'etterno per una lagrimetta che 'l mi toglie; ma io farò de l'altro altro governo! ». Ben sai come ne l'aere si raccoglie quell' umido vapor che in acqua riede, tosto che sale dove 'l freddo il coglie. Giunse quel mal voler che pur mal chiede con lo 'ntelletto, e mosse il fummo e 'l vento per la virtù che sua natura diede. Indi la valle, come 'l dì fu spento, da Pratomagno al gran giogo coperse di nebbia; e 'l ciel di sopra fece intento, sì che 'l pregno aere in acqua si converse;

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là où je me croyais le plus en sûreté : celui d’Este le fit faire, qui m’avait pris en ire plus que de bon droit. Mais si je m’étais enfui vers la Mira, quand je fus surpris à Oriaco, encore serais-je là où l’on respire. Au marais je courus, et les joncs et la boue, m’empêtrèrent tant, que je chus ; et là je vis de mes veines un lac se former à terre ». Puis un autre dit : « Puisse s’accomplir ce désir qui vers la haute montagne te hisse, par bonne piété aide le mien ! Je fus de Montefeltro, je suis Buonconte ; Giovanna et les autres de moi n’ont cure ; c’est pourquoi parmi eux je m’en vais le front baissé ». Et moi à lui : « Quelle force ou quelle fortune te détourna si loin de Campaldino que jamais on ne sut le lieu de ta sépulture ? ». « Oh ! » répondit-il, « Au pied du Casentin traverse une eau qui a pour nom l’Archiano, qui, plus haut que l’Hermitage naît aux monts Apennins. Là où son nom se perd, j’arrivai blessé à la gorge, fuyant à pied et ensanglantant la plaine. Là je perdis la vue et la parole ; sur le nom de Marie je finis ma vie, et là je tombai, et seul de moi resta ma chair. Je dis vrai ; et toi redis-le parmi les vivants : l’ange de Dieu me prit et celui d’Enfer criait : « O, toi du ciel, pourquoi me prives-tu ? Tu emportes de celui-ci tout l’éternel pour une pauvre larme qui de lui me prive mais je réserve à l’autre un tout autre sort ! ». Tu sais bien comme dans les airs se ramasse cette vapeur humide qui en pluie se convertit, dès qu’elle monte où le froid la saisit. Joignant triste vouloir qui toujours le mal requiert en son intellect, il mut vents et fumées, par la vertu que sa nature lui confère. Alors la vallée, à la tombée du jour, de Pratomagno à la grande chaîne recouvrit de brume ; et le ciel couvrit de voilures, si bien que l’air grossi en eau se convertit ;

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la pioggia cadde, e a' fossati venne di lei ciò che la terra non sofferse; e come ai rivi grandi si convenne, ver' lo fiume real tanto veloce si ruinò, che nulla la ritenne. Lo corpo mio gelato in su la foce trovò l'Archian rubesto; e quel sospinse ne l'Arno, e sciolse al mio petto la croce ch'i' fe' di me quando 'l dolor mi vinse; voltòmmi per le ripe e per lo fondo, poi di sua preda mi coperse e cinse ». « Deh, quando tu sarai tornato al mondo e riposato de la lunga via », seguitò 'l terzo spirito al secondo, « ricorditi di me, che son la Pia; Siena mi fé, disfecemi Maremma : salsi colui che 'nnanellata pria disposando m'avea con la sua gemma ».

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la pluie tomba et d’elle s’en vint jusqu’aux fossés ce que la terre ne put souffrir ; et quand elle eut rejoint les grandes rivières, vers le fleuve royal si vite se précipita-t-elle, que rien ne put la retenir. Mon corps gelé sur ses bouches rencontra l’Archiano sauvage, qui le repoussa dans l’Arno, et délia de ma poitrine la croix que je fis de mes bras vaincu par la douleur ; il me roula sur les grèves et dans le fond, puis de sa proie me couvrit et me ceignit ». « Quand tu seras retourné au monde et reposé de ton long chemin », poursuivit le troisième esprit à la suite du second, « Souviens-toi de moi : je suis Pia ; Sienne me fit, Maremme me défit : tel le sait bien qui de son anneau d’abord m’avait épousée ensuite de sa gemme ».

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« S'io ti fiammeggio nel caldo d'amore di là dal modo che 'n terra si vede, sì che del viso tuo vinco il valore, non ti maravigliar, ché ciò procede da perfetto veder che, come apprende, così nel bene appreso move il piede. Io veggio ben sì come già resplende ne l'intelletto tuo l'etterna luce, che, vista, sola e sempre amore accende; e s'altra cosa vostro amor seduce, non è se non di quella alcun vestigio, mal conosciuto, che quivi traluce. Tu vuo' saper se con altro servigio, per manco voto, si può render tanto che l'anima sicuri di letigio ». Sì cominciò Beatrice questo canto; e sì com' uom che suo parlar non spezza, continüò così 'l processo santo:

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« Si dans la chaleur d’amour je flamboie outrepassant la mesure terrestre, tant que de tes yeux je vaincs la vaillance, ne t’émerveille pas; car ceci provient d’une vision parfaite qui, comme elle appréhende, dans le bien appréhendé porte ses pas. Je vois bien comme déjà resplendit en ton esprit l’éternelle lumière, qui, elle seule, une fois vue, amour toujours allume ; et si tout autre objet votre amour séduit, il n’est autre qu’une trace de celle-ci mal reconnue, qui çà et là reluit. Tu veux savoir si par autre service, un vœu non accompli, on peut racheter pour que l’âme soit assurée de tout litige ». Ainsi Béatrice commença-t-elle ce chant ; comme celui qui son propos ne rompt, et en ces termes continua le saint procès :

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« Lo maggior don che Dio per sua larghezza fesse creando, e a la sua bontate più conformato, e quel ch'e' più apprezza, fu de la volontà la libertate; di che le creature intelligenti, e tutte e sole, fuoro e son dotate. Or ti parrà, se tu quinci argomenti, l'alto valor del voto, s'è sì fatto che Dio consenta quando tu consenti; ché, nel fermar tra Dio e l'omo il patto, vittima fassi di questo tesoro, tal quale io dico; e fassi col suo atto. Dunque che render puossi per ristoro? Se credi bene usar quel c'hai offerto, di maltolletto vuo' far buon lavoro. Tu se' omai del maggior punto certo; ma perché Santa Chiesa in ciò dispensa, che par contra lo ver ch'i' t'ho scoverto, convienti ancor sedere un poco a mensa, però che 'l cibo rigido c'hai preso, richiede ancora aiuto a tua dispensa. Apri la mente a quel ch'io ti paleso e fermalvi entro; ché non fa scïenza, sanza lo ritenere, avere inteso.

Due cose si convegnono a l'essenza di questo sacrificio: l'una è quella di che si fa; l'altr' è la convenenza. Quest' ultima già mai non si cancella se non servata; e intorno di lei sì preciso di sopra si favella : però necessitato fu a li Ebrei pur l'offerere, ancor ch'alcuna offerta si permutasse, come saver dei. L'altra, che per materia t'è aperta, puote ben esser tal, che non si falla se con altra materia si converta. Ma non trasmuti carco a la sua spalla per suo arbitrio alcun, sanza la volta e de la chiave bianca e de la gialla; e ogne permutanza credi stolta, se la cosa dimessa in la sorpresa come 'l quattro nel sei non è raccolta. Però qualunque cosa tanto pesa per suo valor che tragga ogne bilancia, sodisfar non si può con altra spesa.

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« Le plus grand don que Dieu par sa largesse pût faire en nous créant, et le plus conforme à sa bonté, et celui qu’il prise le plus, fut de la volonté la pleine liberté ; dont les créatures intelligentes, elles toutes et elles seules, furent et sont dotées. Tu peux donc voir, si tu en tires argument, la grande valeur du vœu, s’il est tel que Dieu consente là où tu consens ; car, en scellant ce pacte avec Dieu, tu fais sacrifice d’un tel trésor, par œuvre du trésor lui-même. Que pourrait-on donc rendre en réparation ? Qui croit bien user de ce qu’il a offert, de mal acquis compte faire bon ouvrage. Te voilà à présent assuré du point majeur ; mais sainte Eglise en accordant dispense, semble aller contre la vérité que je t’ai découverte, encore un peu il te faut donc siéger à cette table, car ce mets dur que tu as pris, requiert encore de l’aide à être digéré. Ouvre ton esprit à ce que je te manifeste et grave-le en lui; car il ne fait pas science, d’avoir entendu sans retenir ». Deux choses sont nécessaires à l’essence d’un tel sacrifice : la première en est la matière, la seconde la convenance. Cette dernière jamais ne s’efface si elle n’est observée ; et à son sujet je viens de parler avec grande précision : ainsi fut-il nécessaire aux Hébreux d’offrir à Dieu, encore que telle offrande se pût commuter, comme tu dois le savoir. L’autre, qui par matière s’entend, peut bien être telle, qu’il n’y ait faute, si en autre matière elle est convertie. Mais que nul, de son propre chef, son fardeau d’épaule ne change, sans qu’auparavant n’aient tourné la clef blanche, puis la jaune ; et tiens pour insensée toute commutation, si ce qu’on laisse dans ce qu’on prend n’est contenu comme quatre dans six. Mais cette chose qui pèse tant par sa valeur qui tire à elle toute balance, par une autre ne peut être compensée.

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Non prendan li mortali il voto a ciancia; siate fedeli, e a ciò far non bieci, come Ieptè a la sua prima mancia; cui più si convenia dicer « Mal feci », che, servando, far peggio; e così stolto ritrovar puoi il gran duca de' Greci, onde pianse Efigènia il suo bel volto, e fé pianger di sé i folli e i savi ch'udir parlar di così fatto cólto. Siate, Cristiani, a muovervi più gravi : non siate come penna ad ogne vento, e non crediate ch'ogne acqua vi lavi. Avete il novo e 'l vecchio Testamento, e 'l pastor de la Chiesa che vi guida; questo vi basti a vostro salvamento. Se mala cupidigia altro vi grida, uomini siate, e non pecore matte, sì che 'l Giudeo di voi tra voi non rida! Non fate com' agnel che lascia il latte de la sua madre, e semplice e lascivo seco medesmo a suo piacer combatte ! ». Così Beatrice a me com' ïo scrivo; poi si rivolse tutta disïante a quella parte ove 'l mondo è più vivo. Lo suo tacere e 'l trasmutar sembiante puoser silenzio al mio cupido ingegno, che già nuove questioni avea davante; e sì come saetta che nel segno percuote pria che sia la corda queta, così corremmo nel secondo regno. Quivi la donna mia vid' io sì lieta, come nel lume di quel ciel si mise,

che più lucente se ne fé 'l pianeta. E se la stella si cambiò e rise, qual mi fec' io che pur da mia natura trasmutabile son per tutte guise! Come 'n peschiera ch'è tranquilla e pura traggonsi i pesci a ciò che vien di fori per modo che lo stimin lor pastura,

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Que les mortels ne prennent pas le vœu à la légère ; qu’ils soient fidèles, mais qu’aveugles ils ne deviennent, comme le fut Jephté à sa première joute ; où il eut mieux valu dire « Mal je fis », que pire faire en tenant parole ; et d’une telle stupidité fit preuve le grand chef des Grecs, dont Iphigénie pleura son beau visage, faisant pleurer sur son sort sages et fous qui entendirent parler d’un fait si exemplaire. Soyez, chrétiens, plus graves en vos mouvements : ne soyez pas comme plume à tout vent, et ne croyez pas que toute eau vous lave. Vous avez le nouveau et l’ancien Testament, et le pasteur de l’Eglise qui vous guide : que ceci suffise à votre salut. Si mauvaise cupidité autre chose vous crie, soyez des hommes et non point de folles brebis, en sorte que le Juif d’entre vous parmi vous ne rie ! Gardez-vous de faire comme cet agneau qui laisse le lait de sa mère, et simple et folâtre à son bon plaisir court à sa propre perte ! ». Ainsi dit Béatrice comme en ces vers je l’écris ; puis elle se tourna emplie de désir vers cette partie où le monde est plus vif. Son silence et le changement de ses traits firent taire mon esprit cupide, qui devant lui avait déjà questions nouvelles; et, comme une flèche qui vient frapper la cible avant même que la corde n’ait cessé de frémir, ainsi nous courûmes dans le second règne. Là je vis ma dame si joyeuse, quand elle entra dans la lumière de ce ciel, que la planète plus luisante s’en fit encore. Et si l’astre changea et rit, qu’advint-il de moi qui, par ma nature, chose muable suis en toutes guises ! Comme en un vivier tranquille et pur les poissons s’élancent vers ce qui vient du dehors pour peu qu’ils le prennent pour leur pâture,

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sì vid' io ben più di mille splendori trarsi ver' noi, e in ciascun s'udia : « Ecco chi crescerà li nostri amori ». E sì come ciascuno a noi venìa, vedeasi l'ombra piena di letizia nel folgór chiaro che di lei uscia. Pensa, lettor, se quel che qui s'inizia non procedesse, come tu avresti di più savere angosciosa carizia; e per te vederai come da questi m'era in disio d'udir lor condizioni, sì come a li occhi mi fur manifesti. « O bene nato a cui veder li troni del trïunfo eternal concede grazia prima che la milizia s'abbandoni, del lume che per tutto il ciel si spazia noi semo accesi; e però, se disii di noi chiarirti, a tuo piacer ti sazia ». Così da un di quelli spirti pii detto mi fu; e da Beatrice: « Dì, dì sicuramente, e credi come a dii ». « Io veggio ben sì come tu t'annidi nel proprio lume, e che de li occhi il traggi, perch' e' corusca sì come tu ridi; ma non so chi tu se', né perché aggi, anima degna, il grado de la spera che si vela a' mortai con altrui raggi ».

Questo diss' io diritto a la lumera che pria m'avea parlato; ond' ella fessi lucente più assai di quel ch'ell' era.

Sì come il sol che si cela elli stessi per troppa luce, come 'l caldo ha róse le temperanze d'i vapori spessi, per più letizia sì mi si nascose dentro al suo raggio la figura santa; e così chiusa chiusa mi rispuose nel modo che 'l seguente canto canta.

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ainsi vis-je bien plus de mille splendeurs vers nous s’en venir, et en chacune entendre se pouvait : « Voilà qui nos amours fera croître ». Et chacun vers nous s’en venant, on voyait l’ombre emplie de liesse dans la claire splendeur qui sortait d’elle . Pense, lecteur que si ce qu’ici je commence venait à cesser, comme tu éprouverais une famine angoissante d’en savoir davantage ; et par toi-même tu verras combien je désirais connaître leur condition, lorsqu’à mes yeux ils apparurent. « O âme bien née, à qui grâce accorde de voir les Trônes du triomphe éternel avant que la milice tu n’abandonnes, de la lumière qui dans le ciel tout entier s’étend nous sommes enflammés ; mais, si de nous tu désires être éclairé ; à ton bon plaisir rassasie-toi ». Ainsi me parla un de ces pieux esprits ; et Béatrice : « Parle, Parle en toute assurance, et crois-les comme des dieux ». Je vois bien comme tu te niches dans ta propre lumière, qui de tes yeux émane, car plus tu ris plus elle étincelle ; mais qui tu es je ne sais, ni la raison pour laquelle tu as, âme digne, le degré de la sphère que voilent aux mortels d’autres rayons ». Je dis ces mots en m’adressant à la lumière qui m’avait parlé en premier, et elle se fit alors plus luisante encore qu’elle ne l’était. Tel le soleil, qui lui-même se cache par trop de lumière, quand la chaleur a rongé les épaisses vapeurs qui le tempère, prise d’une joie plus grande encore ainsi se cacha dans ses rayons la sainte figure ; et tout enveloppée me répondit en la manière que le chante le chant suivant.

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ParadisParadisParadisParadis IV, v. 139 IV, v. 139 IV, v. 139 IV, v. 139----142142142142

« Beatrice mi guardò con li occhi pieni di faville d'amor così divini, che, vinta, mia virtute diè le reni, e quasi mi perdei con li occhi chini ».

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« Béatrice me regarda les yeux emplis d’étincelles d’amour si divins, que, vaincue, ma vertu fit volte-face, et je baissai les yeux comme perdu ».

PurgatoirePurgatoirePurgatoirePurgatoire IX, v. 130 IX, v. 130 IX, v. 130 IX, v. 130----132132132132

« Poi pinse l'uscio a la porta sacrata, dicendo : « Intrate; ma facciovi accorti che di fuor torna chi 'n dietro si guata ».

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« Puis il poussa l’huis de la porte sacrée, disant : « Entrez ; mais je vous avise que s’en retourne qui en arrière regarde ».

PurgatoirePurgatoirePurgatoirePurgatoire X, v. 1 X, v. 1 X, v. 1 X, v. 1----6666

« Poi fummo dentro al soglio de la porta che 'l mal amor de l'anime disusa, perché fa parer dritta la via torta, sonando la senti' esser richiusa; e s'io avesse li occhi vòlti ad essa, qual fora stata al fallo degna scusa? ».

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« Quand j’eus passé le seuil de cette porte qui de l’amour mauvais les âmes déshabitue, car droite elle fait paraître la voie tortueuse, à son bruit je sus qu’elle était close : et si j’avais les yeux tournés vers elle, quelle excuse aurait été digne de ma faute ? ».

EnferEnferEnferEnfer XVIII XVIII XVIII XVIII

« Luogo è in inferno detto Malebolge, tutto di pietra di color ferrigno, come la cerchia che dintorno il volge. Nel dritto mezzo del campo maligno vaneggia un pozzo assai largo e profondo, di cui suo loco dicerò l'ordigno. Quel cinghio che rimane adunque è tondo tra 'l pozzo e 'l piè de l'alta ripa dura, e ha distinto in dieci valli il fondo. Quale, dove per guardia de le mura più e più fossi cingon li castelli, la parte dove son rende figura, tale imagine quivi facean quelli; e come a tai fortezze da' lor sogli a la ripa di fuor son ponticelli, così da imo de la roccia scogli movien che ricidien li argini e ' fossi infino al pozzo che i tronca e raccogli. In questo luogo, de la schiena scossi

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« Il est en enfer est un lieu appelé Malebolge, tout de pierres de couleur fer, comme le cercle qui autour l’enserre. Au beau milieu du champ maudit s’ouvre un puits très large et très profond, dont en son lieu je conterai l’engin. L’enceinte qui reste est donc de forme arrondie entre le puits et le pied de dure falaise, et son fond en dix vallons se divise. Tels on peut voir, pour garder les murs de nombreux fossés entourer les châteaux, et leur ensemble forme une figure, telle image rendaient ici les dix fossés ; et comme à de telles forteresses, de leur seuil à la rive extérieure on voit de petits ponts, de même ici des rochers partaient de la falaise qui coupaient digues et fossés jusqu’au puits qui les rompt et les reçoit. En ce lieu, secoués de l’échine

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di Gerïon, trovammoci; e 'l poeta tenne a sinistra, e io dietro mi mossi. A la man destra vidi nova pieta, novo tormento e novi frustatori, di che la prima bolgia era repleta. Nel fondo erano ignudi i peccatori; dal mezzo in qua ci venien verso 'l volto, di là con noi, ma con passi maggiori, come i Roman per l'essercito molto, l'anno del giubileo, su per lo ponte hanno a passar la gente modo colto, che da l'un lato tutti hanno la fronte verso 'l castello e vanno a Santo Pietro, da l'altra sponda vanno verso 'l monte. Di qua, di là, su per lo sasso tetro vidi demon cornuti con gran ferze, che li battien crudelmente di retro. Ahi come facean lor levar le berze a le prime percosse! già nessuno le seconde aspettava né le terze. Mentr' io andava, li occhi miei in uno furo scontrati; e io sì tosto dissi : « Già di veder costui non son digiuno ». Per ch'ïo a figurarlo i piedi affissi; e 'l dolce duca meco si ristette, e assentio ch'alquanto in dietro gissi. E quel frustato celar si credette bassando 'l viso; ma poco li valse, ch'io dissi : « O tu che l'occhio a terra gette, se le fazion che porti non son false, Venedico se' tu Caccianemico. Ma che ti mena a sì pungenti salse ? ». Ed elli a me : « Mal volontier lo dico; ma sforzami la tua chiara favella, che mi fa sovvenir del mondo antico. I' fui colui che la Ghisolabella condussi a far la voglia del marchese, come che suoni la sconcia novella. E non pur io qui piango bolognese; anzi n'è questo loco tanto pieno, che tante lingue non son ora apprese a dicer « sipa » tra Sàvena e Reno; e se di ciò vuoi fede o testimonio,

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de Gérion, nous nous retrouvâmes ; et le poète pris à gauche, et moi je le suivis. A ma droite je vis pitié nouvelle, nouveau tourment et nouveaux tourmenteurs, dont la première bolge était comble. Dans le fond les pécheurs étaient nus : du milieu jusqu’à nous ils venaient de face ; au-delà avec nous mais à plus grandes enjambées, de même les Romains, l’année du jubilé, pour la grande affluence, ont trouvé ce savant moyen afin que les gens puissent passer le pont, que d’un côté tous tournent le visage vers le château, pour aller à saint Pierre, et sur l’autre rive, ils vont vers la colline. De çà, de là, sur la grande roche noirâtre je vis des démons cornus armés de grands fouets, les battre cruellement par-derrière. Ah comme ils leur faisaient lever les pattes dès les premiers coups ! et certes aucun n’attendait jamais les seconds ni les troisièmes. Tandis que je m’en venais, mes yeux en ceux d’un autre se heurtèrent ; et aussitôt je dis : « De voir celui-ci je ne suis certes pas à jeun ». Aussi je fixai mes pieds pour le dévisager ; et mon doux guide avec moi s’arrêta, et me permit de revenir en arrière de quelques pas. Et le flagellé crut alors se cacher en baissant le visage ; mais cela ne lui valut guère, car je dis : « O toi qui l’œil jettes à terre, si les traits que tu portes ne mentent pas, tu es Venedico Caccianemico ». Mais que t’amène en de si piquantes sauces ? ». Et lui à moi : « Mal volontiers je le dis ; mais ton clair langage m’y contraint, me faisant souvenir du monde ancien. Je fus celui qui conduisit Ghisolabella à céder au désir du marquis, quoi que sonne l’honteuse nouvelle. Mais je ne suis pas ici le seul à pleurer bolonais ; mais ce lieu en est si empli, que tant de langues aujourd’hui n’apprennent pas à dire « sipa » entre Savena et Reno ;

et si tu en veux la preuve ou le témoignage

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rècati a mente il nostro avaro seno ». Così parlando il percosse un demonio de la sua scurïada, e disse: « Via, ruffian! qui non son femmine da conio ». I' mi raggiunsi con la scorta mia; poscia con pochi passi divenimmo là 'v' uno scoglio de la ripa uscia Assai leggeramente quel salimmo; e vòlti a destra su per la sua scheggia, da quelle cerchie etterne ci partimmo. Quando noi fummo là dov' el vaneggia di sotto per dar passo a li sferzati, lo duca disse : « Attienti, e fa che feggia lo viso in te di quest' altri mal nati, ai quali ancor non vedesti la faccia però che son con noi insieme andati ». Del vecchio ponte guardavam la traccia che venìa verso noi da l'altra banda, e che la ferza similmente scaccia. E 'l buon maestro, sanza mia dimanda, mi disse : « Guarda quel grande che vene, e per dolor non par lagrime spanda : quanto aspetto reale ancor ritene! Quelli è Iasón, che per cuore e per senno li Colchi del monton privati féne. Ello passò per l'isola di Lenno poi che l'ardite femmine spietate tutti li maschi loro a morte dienno. Ivi con segni e con parole ornate Isifile ingannò, la giovinetta che prima avea tutte l'altre ingannate. Lasciolla quivi, gravida, soletta; tal colpa a tal martiro lui condanna; e anche di Medea si fa vendetta. Con lui sen va chi da tal parte inganna; e questo basti de la prima valle sapere e di color che 'n sé assanna ». Già eravam là 've lo stretto calle con l'argine secondo s'incrocicchia, e fa di quello ad un altr' arco spalle. Quindi sentimmo gente che si nicchia ne l'altra bolgia e che col muso scuffa, e sé medesma con le palme picchia. Le ripe eran grommate d'una muffa, per l'alito di giù che vi s'appasta, che con li occhi e col naso facea zuffa. Lo fondo è cupo sì, che non ci basta loco a veder sanza montare al dosso de l'arco, ove lo scoglio più sovrasta.

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souviens-toi de notre cœur avare ». Tandis qu’il parlait ainsi un démon le frappa de sa cravache, et dit : « File,

rufien ! Ici il n’y a point femmes à monnayer ». Je rejoignis mon escorte ; et en quelques pas nous vînmes là où un rocher sortait de la rive. En toute légèreté nous y montâmes ; et tournant à droite à son sommet, de ces cercles éternels nous nous éloignâmes. Lorsque nous fûmes là où il s’ouvre pour laisser passer les flagellés, mon guide dit : « Arrête-toi, et fais que sur toi tombe le regard de ces autres mal nés, dont tu n’as point encore vu le visage car en notre sens jusqu’à présent ils ont avancé ». Du vieux pont nous regardions la file qui venait vers nous de l’autre côté, et que chasse le fouet de la même guise. Et mon bon maître, sans ma demande, me dit : « Regarde ce grand-là qui s’en vient, et par douleur nulle larme ne semble verser: quel aspect royal conserve-t-il encore ! C’est Jason, qui par ruse et par courage priva les Colchidiens du mouton. Il passa par l’île de Lemnos après que les femmes hardies sans pitié tous leurs hommes à la mort aient livrés. Là, à force de signes et de paroles ornées, Hypsipyle il trompa, la jeunette qui peu avant toutes les autres avait trompées. Là, il la laissa enceinte et seulette, une telle faute à un tel martyre le condamne ; qui à Médée aussi fait vengeance. Avec lui s’en vont ceux qui trompent ainsi; que ce savoir te suffise pour ce premier vallon et pour ceux que de ses crocs il déchire ». Déjà nous étions là où l’étroit sentier à la deuxième digue vient se croiser, s’y épaulant pour une autre arche former. Alors nous entendîmes des gens qui se nichent dans l’autre bolge et qui s’ébrouent du mufle et se frappent eux-mêmes de leurs paumes. Les rives étaient entartrées d’une moisissure car les relents d’en bas s’y empâtent, offensant à la fois les yeux et l’odorat. Le fond est si sombre, qu’on ne peut y voir de nulle part sans monter sur le dos de l’arc, là où la roche en surplomb est le plus.

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Quivi venimmo; e quindi giù nel fosso vidi gente attuffata in uno sterco che da li uman privadi parea mosso. E mentre ch'io là giù con l'occhio cerco, vidi un col capo sì di merda lordo, che non parëa s'era laico o cherco. Quei mi sgridò : « Perché se' tu sì gordo di riguardar più me che li altri brutti? ». E io a lui : « Perché, se ben ricordo, già t'ho veduto coi capelli asciutti, e se' Alessio Interminei da Lucca: però t'adocchio più che li altri tutti ». Ed elli allor, battendosi la zucca : « Qua giù m'hanno sommerso le lusinghe ond' io non ebbi mai la lingua stucca ». Appresso ciò lo duca : « Fa che pinghe », mi disse, « il viso un poco più avante, sì che la faccia ben con l'occhio attinghe di quella sozza e scapigliata fante che là si graffia con l'unghie merdose, e or s'accoscia e ora è in piedi stante. Taïde è, la puttana che rispuose al drudo suo quando disse « Ho io grazie grandi appo te? »: « Anzi maravigliose! ». E quinci sian le nostre viste sazie ».

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Là nous vînmes ; et dans la fosse je vis des gens plongés dans une mixture qui des latrines humaines semblait provenir. Et tandis qu’ici-bas de l’œil je cherche, j’en vis un la tête si sale de merde, qu’on ne voyait s’il était laïc ou clerc. Il me cria : « Pourquoi es-tu si avide de me regarder moi plus que tous les autres souillons ? ». Et moi à lui : « Si je me souviens bien, je t’ai déjà vu les cheveux secs, tu es Alessio Interminei de Lucques : c’est pourquoi je te tiens à l’œil plus que tous les autres ». Et lui alors, se frappant la caboche : « Ici-bas m’ont noyé les louanges dont ma langue jamais ne fut repue ». Après quoi mon guide : « Tâche donc de porter » me dit-il, « tes regards un peu plus avant pour que tes yeux atteignent bien la face de cette garce sale et échevelée qui là se griffe de ses ongles pleins de merde, tantôt accroupie tantôt sur ses pieds dressée. C’est Thaïs, la putain qui répondit à son putassier qui lui demandait : « Ai-je grandes grâces en ton cœur ? » : « Et même de merveilleuses ! ». Et que nos vues soient ici rassasiées ».

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« onde nel cerchio secondo s'annida ipocresia, lusinghe e chi affattura, falsità, ladroneccio e simonia, ruffian, baratti e simile lordura ».

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« ainsi dans le second cercle se nichent hypocrisie, louanges et qui ensorcèle, faux-semblants, larcin et simonie, rufiens, tricheurs et ordures semblables ».

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« Posto avea fine al suo ragionamento l'alto dottore, e attento guardava ne la mia vista s'io parea contento; e io, cui nova sete ancor frugava, di fuor tacea, e dentro dicea : « Forse lo troppo dimandar ch'io fo li grava ».

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« Le haut docteur avait mis fin à son raisonnement, et attentif regardait en mes yeux si je semblais satisfait ; et moi, que soif nouvelle encore rongeait, faisais mine de me taire, et en moi disait : « Peut-être que mes demandes trop abondantes lui pèsent ».

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Ma quel padre verace, che s'accorse del timido voler che non s'apriva, parlando, di parlare ardir mi porse. Ond' io : « Maestro, il mio veder s'avviva sì nel tuo lume, ch'io discerno chiaro quanto la tua ragion parta o descriva. Però ti prego, dolce padre caro, che mi dimostri amore, a cui reduci ogne buono operare e 'l suo contraro ». « Drizza », disse, « ver' me l'agute luci de lo 'ntelletto, e fieti manifesto l'error de' ciechi che si fanno duci. L'animo, ch'è creato ad amar presto, ad ogne cosa è mobile che piace, tosto che dal piacere in atto è desto. Vostra apprensiva da esser verace tragge intenzione, e dentro a voi la spiega, sì che l'animo ad essa volger face; e se, rivolto, inver' di lei si piega, quel piegare è amor, quell' è natura che per piacer di novo in voi si lega. Poi, come 'l foco movesi in altura per la sua forma ch'è nata a salire là dove più in sua matera dura, così l'animo preso entra in disire, ch'è moto spiritale, e mai non posa fin che la cosa amata il fa gioire. Or ti puote apparer quant' è nascosa la veritate a la gente ch'avvera ciascun amore in sé laudabil cosa; però che forse appar la sua matera sempre esser buona, ma non ciascun segno è buono, ancor che buona sia la cera ». « Le tue parole e 'l mio seguace ingegno », rispuos' io lui, «m'hanno amor discoverto, ma ciò m'ha fatto di dubbiar più pregno; ché, s'amore è di fuori a noi offerto e l'anima non va con altro piede, se dritta o torta va, non è suo merto ». Ed elli a me : « Quanto ragion qui vede, dir ti poss' io; da indi in là t'aspetta pur a Beatrice, ch'è opra di fede. Ogne forma sustanzïal, che setta è da matera ed è con lei unita,

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Mais ce père véritable, qui s’aperçut de ma timide volonté qui ne s’ouvrait, dans ses paroles, de parler hardiesse me donna. Alors je dis : « Maître, mes regards s’avivent tant en tes lumières, que je distingue avec clarté ce que ta parole propose ou commente. C’est pourquoi je te prie, mon doux père, que cet amour tu me montres, auquel tu ramènes toute bonne œuvre et son contraire ». « Dresse vers moi », dit-il, « la lumière pénétrante de ton intellect, et tu verras à nu l’erreur de ces aveugles qui se font guides. L’âme, qui est crée à aimer bien vite, à tout objet plaisant se laisse mouvoir, dès que le plaisir éveille amour en acte. Des choses vraies, votre perception tire une image et en vous la déploie si bien que l’âme à cette image se tourne ; or, se retournant, si vers elle l’âme se plie, ce penchant est amour, c’est œuvre de nature qui par nouveau plaisir en vous se lie. Puis, tel le feu qui vers le haut se meut par sa forme née pour monter, là où sa matière le plus perdure, ainsi l’âme éprise entre en désir qui est mouvement d’esprit, et jamais ne cesse jusqu’à ce qu’elle jouisse de la chose aimée. Or il t’apparaît à quel point est cachée la vérité à ces gens qui affirment que tout amour en soi est chose louable ; car sa matière apparaît peut-être toujours bonne, mais toute empreinte n’est pas bonne encore que bonne soit la cire ». « Tes paroles et mon esprit qui les suit », lui répondis-je, « m’ont découvert amour, mais m’ont fait concevoir un doute plus grand encore ; car, si amour du dehors nous est offert, et que l’âme avec autre pied ne peut aller, qu’elle marche droit ou tors, ce n’est point sa faute ». Et lui à moi : « Ce que raison voit ici, je peux bien te dire ; au-delà remet-en à Béatrice, car c’est-là œuvre de foi. Toute forme substantielle, qui à la matière est unie ou détachée,

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specifica vertute ha in sé colletta, la qual sanza operar non è sentita, né si dimostra mai che per effetto, come per verdi fronde in pianta vita. Però, là onde vegna lo 'ntelletto de le prime notizie, omo non sape, e de' primi appetibili l'affetto, che sono in voi sì come studio in ape di far lo mele; e questa prima voglia merto di lode o di biasmo non cape. Or perché a questa ogn' altra si raccoglia, innata v'è la virtù che consiglia, e de l'assenso de' tener la soglia. Quest' è 'l principio là onde si piglia ragion di meritare in voi, secondo che buoni e rei amori accoglie e viglia. Color che ragionando andaro al fondo, s'accorser d'esta innata libertate; però moralità lasciaro al mondo. Onde, poniam che di necessitate surga ogne amor che dentro a voi s'accende, di ritenerlo è in voi la podestate. La nobile virtù Beatrice intende per lo libero arbitrio, e però guarda che l'abbi a mente, s'a parlar ten prende ». La luna, quasi a mezza notte tarda, facea le stelle a noi parer più rade, fatta com' un secchion che tuttor arda; e correa contra 'l ciel per quelle strade che 'l sole infiamma allor che quel da Roma tra ' Sardi e ' Corsi il vede quando cade. E quell' ombra gentil per cui si noma Pietola più che villa mantoana, del mio carcar diposta avea la soma; per ch'io, che la ragione aperta e piana sovra le mie quistioni avea ricolta, stava com' om che sonnolento vana. Ma questa sonnolenza mi fu tolta subitamente da gente che dopo le nostre spalle a noi era già volta. E quale Ismeno già vide e Asopo lungo di sé di notte furia e calca, pur che i Teban di Bacco avesser uopo,

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renferme en soi une vertu spécifique, qui ne se fait sentir que dans ses œuvres, et qui seule en ses effets se démontre, comme la vie d’une plante en son vert feuillage. Or, d’où peut venir connaissance à l’intellect des données premières, on ne le sait, ni l’affection aux premiers appétits, qui sont en vous comme en abeille goût de faire le miel, et cette volonté première mérite de louange ou de blâme n’admet. Or, pour qu’à ce goût tous les autres s’accordent, innée est en vous la vertu conseillère, qui de l’assentiment doit garder le seuil. C’est le principe où se trouve en vous raison de mérite en fonction qu’elle accueille et crible bonnes ou coupables amours. Ceux qui dans leur raisonnement allèrent jusqu’au fond, s’aperçurent de cette liberté innée et au monde laissèrent la moralité. Or, mettons que de nécessité jaillisse tout amour qui en vous s’enflamme, de le retenir est en vous la faculté. La noble vertu Béatrice entend par libre arbitre, et prend garde de t’en souvenir si elle vient à t’en parler ». Vers minuit, la lune tardive, pareille à un chaudron toujours ardent ; nous faisait paraître plus rares les étoiles, et courrait contre le ciel par ces routes que le soleil embrase lorsque le Romain entre Corse et Sardaigne le voit à son déclin. « Et cette noble ombre, pour qui l’on nomme Piétole plus que toute ville mantouane, de mon fardeau avait déposé la charge ; mais, moi qui avais recueilli à mes questions sentence ouverte et manifeste, j’étais comme un qui tout sommeilleux divague. Or cette somnolence soudainement fut dissipée par des gens qui derrière nous faisaient le tour du mont. Et comme jadis l’Ismène et l’Asope virent de nuit, le long de leurs rives foule et furie, pour peu que les Thébains eussent besoin de Bacchus,

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cotal per quel giron suo passo falca, per quel ch'io vidi di color, venendo, cui buon volere e giusto amor cavalca. Tosto fur sovr' a noi, perché correndo si movea tutta quella turba magna; e due dinanzi gridavan piangendo: « Maria corse con fretta a la montagna; e Cesare, per soggiogare Ilerda, punse Marsilia e poi corse in Ispagna ». « Ratto, ratto, che 'l tempo non si perda per poco amor », gridavan li altri appresso, « che studio di ben far grazia rinverda ». « O gente in cui fervore aguto adesso ricompie forse negligenza e indugio da voi per tepidezza in ben far messo, questi che vive, e certo i' non vi bugio, vuole andar sù, pur che 'l sol ne riluca; però ne dite ond' è presso il pertugio ». Parole furon queste del mio duca; e un di quelli spirti disse : « Vieni di retro a noi, e troverai la buca. Noi siam di voglia a muoverci sì pieni, che restar non potem; però perdona, se villania nostra giustizia tieni. Io fui abate in San Zeno a Verona sotto lo 'mperio del buon Barbarossa, di cui dolente ancor Milan ragiona. E tale ha già l'un piè dentro la fossa, che tosto piangerà quel monastero, e tristo fia d'avere avuta possa; perché suo figlio, mal del corpo intero, e de la mente peggio, e che mal nacque, ha posto in loco di suo pastor vero ». Io non so se più disse o s'ei si tacque, tant' era già di là da noi trascorso; ma questo intesi, e ritener mi piacque. E quei che m'era ad ogne uopo soccorso disse : « Volgiti qua : vedine due venir dando a l'accidïa di morso ». Di retro a tutti dicean : « Prima fue morta la gente a cui il mar s'aperse, che vedesse Iordan le rede sue. E quella che l'affanno non sofferse fino a la fine col figlio d'Anchise, sé stessa a vita sanza gloria offerse ».

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ainsi dans ce giron foulent le pas, pour ce que je vis d’eux, ceux qui s’en viennent chevauchés par bon vouloir et juste amour. Ils furent bien vite sur nous, car en courant leur grande assemblée se déplaçait ; et à leur tête deux criaient en pleurant : « Marie courut en toute hâte à la montagne ; et César pour mettre Lérida sous son joug, piqua Marseille puis courut en Espagne ». « Vite, vite, que le temps ne se perde par peu d’amor », criaient d’autres à leur suite, « que bon zèle la grâce reverdisse ». « O gens en qui ferveur aiguë rachète peut-être négligence et retard en vous pour tiédeur mise en faire le bien, celui-ci qui est en vie, et soyez sûrs que je ne vous mens, veut monter, dès que luira le soleil ; aussi indiquez-nous le plus près pertuis ». Telles furent les paroles de mon guide ; Et un de ces esprits dit : « Viens derrière nous et le passage tu trouveras. Si grande envie de nous mouvoir nous emplit que demeurer nous ne pouvons; or pardonne, si pour vilenie notre justice tu considères. Je fus abbé de saint Zeno à Vérone sous l’empire du bon Barberousse, dont Milan parle encore dolente. Et untel a déjà un pied dans la fosse qui bientôt pleurera ce monastère et sera bien triste d’avoir usé de sa puissance ; car son fils, mal formé en son corps, pire en son âme, et de mauvaise naissance, a mis au lieu de son pasteur véritable ». Je ne sais s’il dit davantage ou s’il se tut, tant s’était-il déjà de nous écarté ; mais ceci j’entendis et plut à mon souvenir de retenir. Et celui qui me secourait de toute nécessité dit : « Tourne-toi ici : vois donc ces deux s’en venant mordre l’acédie ». A la suite des autres ils disaient : « La gent pour qui la mer s’ouvrit fut morte bien avant que Jourdain sa descendance ne vît. Et ceux qui jusqu’à la fin les tourments ne souffrirent en compagnie du fils d’Anchise, s’offrirent d’eux-mêmes à une vie sans gloire ».

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Poi quando fuor da noi tanto divise quell' ombre, che veder più non potiersi, novo pensiero dentro a me si mise, del qual più altri nacquero e diversi; e tanto d'uno in altro vaneggiai, che li occhi per vaghezza ricopersi, e 'l pensamento in sogno trasmutai.

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Puis lorsque ces ombres furent si loin de nous qu’il nous était impossible de les voir, une pensée nouvelle se mit en moi ; d’où maintes autres naquirent et diverses et de l’une en l’autre je m’égarai tant, que par errance les yeux je fermai, et ma pensée en rêve se changea.

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« In quella parte del giovanetto anno che 'l sole i crin sotto l'Aquario tempra e già le notti al mezzo dì sen vanno, quando la brina in su la terra assempra l'imagine di sua sorella bianca, ma poco dura a la sua penna tempra, lo villanello a cui la roba manca, si leva, e guarda, e vede la campagna biancheggiar tutta; ond' ei si batte l'anca, ritorna in casa, e qua e là si lagna, come 'l tapin che non sa che si faccia; poi riede, e la speranza ringavagna, veggendo 'l mondo aver cangiata faccia in poco d'ora, e prende suo vincastro e fuor le pecorelle a pascer caccia. Così mi fece sbigottir lo mastro quand' io li vidi sì turbar la fronte, e così tosto al mal giunse lo 'mpiastro; ché, come noi venimmo al guasto ponte, lo duca a me si volse con quel piglio dolce ch'io vidi prima a piè del monte. Le braccia aperse, dopo alcun consiglio eletto seco riguardando prima ben la ruina, e diedemi di piglio. E come quei ch'adopera ed estima, che sempre par che 'nnanzi si proveggia, così, levando me sù ver' la cima d'un ronchione, avvisava un'altra scheggia dicendo : « Sovra quella poi t'aggrappa; ma tenta pria s'è tal ch'ella ti reggia ». Non era via da vestito di cappa, ché noi a pena, ei lieve e io sospinto, potavam sù montar di chiappa in chiappa.

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« En cette partie de la jeune année où le soleil au Verseau trempe ses crins et les nuits sont déjà à la moitié du jour, lorsque le givre sur la terre imite l’image de sa blanche sœur, mais la teinte à sa plume guère ne dure, le villageois à qui manque le fourrage, se lève, regarde et voit la campagne toute blanchie ; alors il se bat le flanc, rentre chez lui, et çà et là se lamente, comme le pauvret qui ne sait que faire ; puis il ressort, et l’espoir en son panier revient, voyant le monde avoir changé de visage en si peu d’heures, et il prend son bâton et mène ses brebis au pâturage. Ainsi mon maître m’effraya-t-il quand je vis son front se troubler de la sorte, mais bientôt sur la plaie vint l’emplâtre ; car, quand nous arrivâmes au pont brisé, vers moi il se tourna avec cette douce expression que je vis tout d’abord au pied du mont. Il ouvrit les bras, après avoir pris conseil en lui-même et bien examiné la ruine, il me saisit. Et comme celui qui œuvre et sa tâche estime qui semble toujours prévoir par avance, ainsi, me levant vers la cime, d’un rocher, il avisait un autre éclat disant : « Agrippe-toi bien à celui-ci ; mais éprouve d’abord s’il peut te soutenir ». Ce n’était point chemin pour gens vêtus de chapes, qu’à grand peine, lui léger, et moi poussé,

nous parvenions à monter de prise en prise.

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E se non fosse che da quel precinto più che da l'altro era la costa corta, non so di lui, ma io sarei ben vinto. Ma perché Malebolge inver' la porta del bassissimo pozzo tutta pende, lo sito di ciascuna valle porta che l'una costa surge e l'altra scende; noi pur venimmo al fine in su la punta onde l'ultima pietra si scoscende. La lena m'era del polmon sì munta quand' io fui sù, ch'i' non potea più oltre, anzi m'assisi ne la prima giunta. « Omai convien che tu così ti spoltre », disse 'l maestro; «ché, seggendo in piuma, in fama non si vien, né sotto coltre; sanza la qual chi sua vita consuma, cotal vestigio in terra di sé lascia, qual fummo in aere e in acqua la schiuma. E però leva sù; vinci l'ambascia con l'animo che vince ogne battaglia, se col suo grave corpo non s'accascia. Più lunga scala convien che si saglia; non basta da costoro esser partito. Se tu mi 'ntendi, or fa sì che ti vaglia ». Leva'mi allor, mostrandomi fornito meglio di lena ch'i' non mi sentia, e dissi : « Va, ch'i' son forte e ardito ». Su per lo scoglio prendemmo la via, ch'era ronchioso, stretto e malagevole, ed erto più assai che quel di pria. Parlando andava per non parer fievole; onde una voce uscì de l'altro fosso, a parole formar disconvenevole. Non so che disse, ancor che sovra 'l dosso fossi de l'arco già che varca quivi; ma chi parlava ad ire parea mosso. Io era vòlto in giù, ma li occhi vivi non poteano ire al fondo per lo scuro; per ch'io : « Maestro, fa che tu arrivi da l'altro cinghio e dismontiam lo muro; ché, com' i' odo quinci e non intendo, così giù veggio e neente affiguro ». « Altra risposta », disse, « non ti rendo

se non lo far; ché la dimanda onesta si de' seguir con l'opera tacendo ».

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Et si de ce côté du précipice la côte ne fût pas plus courte que de l’autre, pour lui je ne sais, mais moi j’étais vaincu. Mais comme Malebolge vers la bouche du dernier puits décline tout entière, la position de chaque vallon implique qu’un côté monte et que l’autre descende ; nous parvînmes finalement sur la crête où saillit le dernier roc. Des mes poumons l’haleine était tant tirée quand je fus monté, que plus avant je ne pouvais aller, mais je m’assis à peine arrivé. « Il te faut maintenant ta paresse abandonner », dit mon maître ; « car, ce n’est pas assis au milieu des plumes, ni sous la couette que la gloire s’acquiert; sans laquelle qui consume sa vie, de soi laisse sur terre autant de trace que fumée dans l’air et écume dans l’eau. Mais lève-toi, et vaincs cette angoisse avec le courage qui vainc toute bataille, si sous le poids de son corps il ne s’abat. Plus longue échelle il nous faudra monter Il n’est point suffisant d’avoir quitté ces derniers. Si tu m’entends, fais que mon conseil te vaille ». Je me levai alors, me montrant mieux fourni de souffle que je n’en sentais, et je dis : « Va, que je suis fort et hardi ». Par le rocher nous reprîmes le chemin pierreux, étroit et difficile, et plus pentu encore qu’auparavant. J’avançai en parlant pour ne pas paraître faible ; une voix sortit alors de l’autre fosse, qui parvenait mal à former ses mots. Je ne sais ce qu’elle dit, bien que je fusse déjà au sommet de l’arche qui sert de traverse ; mais celui qui parlait semblait lancé au pas de course. Je m’étais penché, mais les yeux d’un vivant ne pouvaient atteindre le fond ténébreux ; alors je dis : « Maître, tâche de rejoindre l’autre cercle et descendons le mur ; car, comme j’entends ici et ne comprends, ainsi en bas je vois et rien ne discerne ». « Autre réponse », dit-il, « que de faire je ne te rends ; car la juste demande doit être suivie des actes sans mot dire ».

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Noi discendemmo il ponte da la testa dove s'aggiugne con l'ottava ripa, e poi mi fu la bolgia manifesta : e vidivi entro terribile stipa di serpenti, e di sì diversa mena che la memoria il sangue ancor mi scipa. Più non si vanti Libia con sua rena; ché se chelidri, iaculi e faree produce, e cencri con anfisibena, né tante pestilenzie né sì ree mostrò già mai con tutta l'Etïopia né con ciò che di sopra al Mar Rosso èe. Tra questa cruda e tristissima copia corrëan genti nude e spaventate, sanza sperar pertugio o elitropia : con serpi le man dietro avean legate; quelle ficcavan per le ren la coda e 'l capo, ed eran dinanzi aggroppate. Ed ecco a un ch'era da nostra proda, s'avventò un serpente che 'l trafisse là dove 'l collo a le spalle s'annoda. Né O sì tosto mai né I si scrisse, com' el s'accese e arse, e cener tutto convenne che cascando divenisse; e poi che fu a terra sì distrutto, la polver si raccolse per sé stessa e 'n quel medesmo ritornò di butto. Così per li gran savi si confessa che la fenice more e poi rinasce, quando al cinquecentesimo anno appressa; erba né biado in sua vita non pasce, ma sol d'incenso lagrime e d'amomo, e nardo e mirra son l'ultime fasce. E qual è quel che cade, e non sa como, per forza di demon ch'a terra il tira, o d'altra oppilazion che lega l'omo, quando si leva, che 'ntorno si mira tutto smarrito de la grande angoscia ch'elli ha sofferta, e guardando sospira : tal era 'l peccator levato poscia. Oh potenza di Dio, quant' è severa, che cotai colpi per vendetta croscia! Lo duca il domandò poi chi ello era; per ch'ei rispuose: « Io piovvi di Toscana, poco tempo è, in questa gola fiera.

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Nous descendîmes le pont de sa cime jusqu’à l’endroit où il rejoint la huitième rive, et la bolge me fut manifeste : et j’y vis un amas terrible de serpents, d’espèces si horribles que le souvenir glace encore mon sang. Que la Libye ne vante plus ses sables ; car si elle produit chélydres et pharées et aussi jacules, cenchres et amphisbènes, jamais elle ne montra tant de peste ni de corruption même avec l’Ethiopie tout entière et les déserts qui bordent la Mer Rouge. Parmi cet amas affreux et cruel des gens couraient nus et épouvantés, sans espoir de pertuis ni d’héliotrope : derrière ils avaient les mains liées par des serpents ; qui le long des reins leur fichaient la queue et la tête, et se nouaient par-devant. Et soudain, sur un damné de notre bord, un serpent se jeta qui le transperça là où le cou aux épaules se noue. Jamais si vite O ni I on n’écrivit, qu’il ne s’enflamma et brûla et tout de cendres devenu il tomba ; puis quand à terre il fut si détruit, la poussière d’elle-même se rassembla et recomposa soudain sa forme première. Ainsi les grands sages confessent-ils que le phénix meurt puis renaît, quand il approche de sa cinq centième année ; d’herbe et de fourrage en sa vie il ne se repaît, mais de larmes d’encens et d’amome, et le nard et la myrrhe sont son dernier linceul. Et tel celui qui tombe et ne sait point comment, par force de démon qui à terre le tire, ou par autre maladie qui l’homme lie, quand il se lève et regarde alentour tout égaré par la grande angoisse qu’il a supportée, et regarde en soupirant : tel était le pécheur après s’être levé. Ô puissance de Dieu, ô combien sévère es-tu, que de tels coups par vengeance tu assènes ! Mon guide lui demanda ensuite qui il était ; il répondit alors : « Je chus de Toscane il y a peu de temps, en cette gorge sauvage.

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Vita bestial mi piacque e non umana, sì come a mul ch'i' fui; son Vanni Fucci bestia, e Pistoia mi fu degna tana ». E ïo al duca : « Dilli che non mucci, e domanda che colpa qua giù 'l pinse; ch'io 'l vidi uomo di sangue e di crucci ». E 'l peccator, che 'ntese, non s'infinse, ma drizzò verso me l'animo e 'l volto, e di trista vergogna si dipinse; poi disse: « Più mi duol che tu m'hai colto ne la miseria dove tu mi vedi, che quando fui de l'altra vita tolto. Io non posso negar quel che tu chiedi; in giù son messo tanto perch' io fui ladro a la sagrestia d'i belli arredi, e falsamente già fu apposto altrui. Ma perché di tal vista tu non godi, se mai sarai di fuor da' luoghi bui, apri li orecchi al mio annunzio, e odi. Pistoia in pria d'i Neri si dimagra; poi Fiorenza rinova gente e modi. Tragge Marte vapor di Val di Magra ch'è di torbidi nuvoli involuto; e con tempesta impetüosa e agra sovra Campo Picen fia combattuto; ond' ei repente spezzerà la nebbia, sì ch'ogne Bianco ne sarà feruto. E detto l'ho perché doler ti debbia ! ».

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Vivre en bête me plut, et non point en homme, en bon mulet que j’étais, je suis Vanni Fucci, la bête et Pistoia fut ma digne tanière ». Et moi à mon guide : « Dis-lui qu’il ne s’esquive, et demande quelle faute le tira si bas ; car je le vis plutôt homme de sang et de tourments ». Et le pécheur qui entendit, ne feignit pas, mais dressa vers moi son âme et son visage, et de triste honte se colora ; puis dit : « Plus grande douleur est pour moi que tu m’ais cueilli dans la misère où tu me vois, que lorsque l’autre vie ôtée me fut. Je ne puis nier ce que tu demandes ; je suis mis si bas parce que je fus voleur à la sacristie des beaux ornements, et faussement jadis un autre à ma place fut accusé. Mais pour que d’une telle vision tu ne puisses jouir, si jamais tu t’en vas hors de ces lieux obscurs, ouvre grand tes oreilles à mon annonce, et écoute. Pistoia d’abord de Noirs s’amaigrit ; puis Florence gens et lois renouvelle. Mars tire un éclair du Val de Magra tout enveloppé de troubles nuées ; et par une tempête impétueuse et âpre bataille sera livrée aux champs du Picenum ; alors il rompra soudain la nuée, si bien que tous les Blancs en seront frappés. Et je te l’ai dit pour que douleur te déchire ! ».

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« O sodalizio eletto a la gran cena del benedetto Agnello, il qual vi ciba sì, che la vostra voglia è sempre piena, se per grazia di Dio questi preliba di quel che cade de la vostra mensa, prima che morte tempo li prescriba, ponete mente a l'affezione immensa e roratelo alquanto : voi bevete sempre del fonte onde vien quel ch'ei pensa ». Così Beatrice; e quelle anime liete si fero spere sopra fissi poli,

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« O confrérie élue à la grande cène de l’Agneau béni, qui d’un tel mets vous nourrit que votre envie toujours est pleine, si par la grâce de Dieu ce vivant goûte de ce qui de votre table tombe, avant que la mort son temps lui prescrive, considérez son affection immense, et donnez-lui un peu de la rosée ; vous qui buvez toujours à cette source d’où vient tout ce qu’il pense ». Ainsi Béatrice ; et ces âmes joyeuses se firent semblables à des sphères sur des pôles fixes,

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fiammando, a guisa di comete. E come cerchi in tempra d'orïuoli si giran sì, che 'l primo a chi pon mente quïeto pare, e l'ultimo che voli; così quelle carole, differente- mente danzando, de la sua ricchezza mi facieno stimar, veloci e lente. Di quella ch'io notai di più bellezza vid' ïo uscire un foco sì felice, che nullo vi lasciò di più chiarezza; e tre fïate intorno di Beatrice si volse con un canto tanto divo, che la mia fantasia nol mi ridice. Però salta la penna e non lo scrivo : ché l'imagine nostra a cotai pieghe, non che 'l parlare, è troppo color vivo. « O santa suora mia che sì ne prieghe divota, per lo tuo ardente affetto da quella bella spera mi disleghe ». Poscia fermato, il foco benedetto a la mia donna dirizzò lo spiro, che favellò così com' i' ho detto. Ed ella : « O luce etterna del gran viro a cui Nostro Segnor lasciò le chiavi, ch'ei portò giù, di questo gaudio miro, tenta costui di punti lievi e gravi, come ti piace, intorno de la fede, per la qual tu su per lo mare andavi. S'elli ama bene e bene spera e crede, non t'è occulto, perché 'l viso hai quivi dov' ogne cosa dipinta si vede; ma perché questo regno ha fatto civi per la verace fede, a glorïarla, di lei parlare è ben ch'a lui arrivi ». Sì come il baccellier s'arma e non parla fin che 'l maestro la question propone, per approvarla, non per terminarla, così m'armava io d'ogne ragione mentre ch'ella dicea, per esser presto a tal querente e a tal professione. « Dì, buon Cristiano, fatti manifesto : fede che è ? ». Ond' io levai la fronte in quella luce onde spirava questo; poi mi volsi a Beatrice, ed essa pronte sembianze femmi perch' ïo spandessi l'acqua di fuor del mio interno fonte.

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avec force de flammes, à guise de comètes. Et comme roues en horloges vont tournant de telle sorte que la première pour qui l’observe semble immobile, quand la dernière vole ; ainsi ces rondes, dans leurs danses diverses me faisaient, par leur lenteur ou leur rapidité estimer leur richesse. De celle que je remarquai par sa plus grande beauté je vis sortir un feu si joyeux, que nul autre plus clair ne demeura ; et trois fois autour de Béatrice tournoya avec un chant si divin, que ma fantaisie me le redire ne saurait. Mais la plume saute ici et je ne l’écris ; car notre imagination à de tels plis, comme les mots sont couleurs trop vives. « O sainte sœur, qui nous prie ainsi avec dévotion, au nom de l’ardeur de ton affection de cette belle sphère tu me délies ». Puis, le feu béni, s’étant arrêté, vers ma dame son souffle dirigea, et parla ainsi que je l’ai dit. Et elle : « O lumière éternelle du grand homme à qui notre Seigneur laissa les clés, que des cieux bienheureux, il porta sur terre, tente celui-ci comme il te plaît de points légers ou forts concernant la foi, pour laquelle la mer tu sillonnais. S’il aime bien, et bien espère et croit, ne t’est point celé, toi dont les yeux sont là où toute chose peinte se voit ; mais comme notre royaume a fait citoyens pour la foi véritable, pour la glorifier, il est bon que de parler d’elle à lui tu arrives ». Comme le bachelier s’arme en silence jusqu’à ce que le maître la question lui soumette, pour l’approuver et non déjà pour la conclure, ainsi m’armais-je de toute raison tandis qu’elle disait, pour être prêt à tel demandeur et à telle profession. « Dis, bon Chrétien, manifeste-toi : qu’est-ce que la foi ? ». Aussi levai-je le front vers la clarté d’où soufflait cette voix ; puis je me tournai vers Béatrice, qui me fit prompt semblant, pour que j’épande l’eau de ma source intérieure.

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« La Grazia che mi dà ch'io mi confessi », comincia' io, « da l'alto primipilo, faccia li miei concetti bene espressi ». E seguitai : « Come 'l verace stilo ne scrisse, padre, del tuo caro frate che mise teco Roma nel buon filo, fede è sustanza di cose sperate e argomento de le non parventi; e questa pare a me sua quiditate ».

Allora udi' : « Dirittamente senti, se bene intendi perché la ripuose tra le sustanze, e poi tra li argomenti ». E io appresso : « Le profonde cose che mi largiscon qui la lor parvenza, a li occhi di là giù son sì ascose, che l'esser loro v'è in sola credenza, sopra la qual si fonda l'alta spene; e però di sustanza prende intenza. E da questa credenza ci convene silogizzar, sanz' avere altra vista : però intenza d'argomento tene ». Allora udi' : « Se quantunque s'acquista giù per dottrina, fosse così 'nteso, non lì avria loco ingegno di sofista ». Così spirò di quello amore acceso; indi soggiunse : « Assai bene è trascorsa d'esta moneta già la lega e 'l peso; ma dimmi se tu l'hai ne la tua borsa ». Ond' io : « Sì ho, sì lucida e sì tonda, che nel suo conio nulla mi s'inforsa ». Appresso uscì de la luce profonda che lì splendeva : « Questa cara gioia sopra la quale ogne virtù si fonda, onde ti venne? ». E io : « La larga ploia de lo Spirito Santo, ch'è diffusa in su le vecchie e 'n su le nuove cuoia, è silogismo che la m'ha conchiusa acutamente sì, che 'nverso d'ella ogne dimostrazion mi pare ottusa ». Io udi' poi : « L'antica e la novella proposizion che così ti conchiude, perché l'hai tu per divina favella ? ». E io : « La prova che 'l ver mi dischiude, son l'opere seguite, a che natura non scalda ferro mai né batte incude ».

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« Que la Grâce qui m’offre de me confesser », commençai-je, « devant son plus haut porte-enseigne, à mes concepts donne bonne expression ». Et je poursuivis : « Comme, mon père, l’écrivit le stylet de vérité de ton cher frère qui avec toi Rome mit dans le bon fil, foi est la substance des choses espérées et argument des non-visibles ; telle me paraît être sa quiddité ». Alors j’entendis : « Droitement tu entends, si bien tu comprends pourquoi il a fait d’elle une substance, et puis un argument ». Et moi de dire : « Les choses profondes qui de leur vision me font largesse, aux yeux d’ici bas sont si cachées, que leur existence réside en la seule croyance, sur laquelle se fonde la haute espérance ; et là, tient donc valeur de substance. Et de cette croyance, il nous faut syllogiser sans autre vue : la foi prend donc ici valeur d’argument ». Alors j’entendis : « Si tout ce que dans le bas-monde par doctrine l’on peut acquérir, était ainsi entendu, esprit de sophiste n’y aurait place ». Ainsi souffla cet amour enflammé ; puis il ajouta : « Voilà bien éprouvés de cette monnaie le poids et l’aloi ; mais dis-moi si en ta bourse tu l’as ». Et moi : « Oui je l’ai, si luisante et si ronde que de son coin nul doute je n’ai ». Après quoi sortit de la lumière profonde qui là resplendissait : « Ce précieux joyaux sur lequel toute vertu se fonde, d’où te vient-il ? ». Et moi : « La pluie de largesse de l’Esprit Saint, qui ruisselle diffuse sur les peaux anciennes et sur les nouvelles, m’est à conclure ainsi, vrai syllogisme et si fort, qu’en dehors d’elle toute démonstration me paraît obtuse ». Puis j’entendis: « L’ancienne et la nouvelle proposition qui ainsi te fait conclure, pourquoi l’as-tu pour langage divin ? ». Et moi : « La preuve qui la vérité me délivre sont les œuvres suivies, pour qui nature fer ne chauffe ni ne bat enclume ».

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Risposto fummi : « Dì, chi t'assicura che quell' opere fosser ? Quel medesmo che vuol provarsi, non altri, il ti giura ». « Se 'l mondo si rivolse al cristianesmo », diss' io, « sanza miracoli, quest' uno è tal, che li altri non sono il centesmo: ché tu intrasti povero e digiuno

in campo, a seminar la buona pianta che fu già vite e ora è fatta pruno ». Finito questo, l'alta corte santa risonò per le spere un « Dio laudamo » ne la melode che là sù si canta. E quel baron che sì di ramo in ramo, esaminando, già tratto m'avea, che a l'ultime fronde appressavamo, ricominciò : « La Grazia, che donnea con la tua mente, la bocca t'aperse infino a qui come aprir si dovea, sì ch'io approvo ciò che fuori emerse; ma or convien espremer quel che credi, e onde a la credenza tua s'offerse ». « O santo padre, e spirito che vedi ciò che credesti sì, che tu vincesti ver' lo sepulcro più giovani piedi », comincia' io, « tu vuo' ch'io manifesti la forma qui del pronto creder mio, e anche la cagion di lui chiedesti. E io rispondo : « Io credo in uno Dio solo ed etterno, che tutto 'l ciel move, non moto, con amore e con disio; e a tal creder non ho io pur prove fisice e metafisice, ma dalmi anche la verità che quinci piove per Moïsè, per profeti e per salmi, per l'Evangelio e per voi che scriveste poi che l'ardente Spirto vi fé almi; e credo in tre persone eterne, e queste credo una essenza sì una e sì trina, che soffera congiunto « sono » ed « este». De la profonda condizion divina ch'io tocco mo, la mente mi sigilla più volte l'evangelica dottrina. Quest' è 'l principio, quest' è la favilla che si dilata in fiamma poi vivace, e come stella in cielo in me scintilla ».

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Il me fut répondu : « Dis, qui t’assure que de telles œuvres advinrent ? celui que l’on veut prouver et nul autre, te le jure ». « Si le monde se tourna au Christianisme », dis-je, « sans miracle ; celui-là seul est tel, qu’il en vaut bien cent : car tu entras pauvre et à jeun

dans le champ, pour semer la bonne plante qui jadis fut vigne, et aujourd’hui n’est que ronces ». A la fin, la haute cour très sainte fit dans les cieux un Te Deum sonner dans la mélodie qui se chante ici. Et ce baron qui de branche en branche, dans son examen, m’avait tiré si haut, que nous touchions presque aux dernières feuilles, reprit : « La Grâce, qui ton esprit courtise, la bouche t’ouvrit jusqu’ici comme ouvrir il la fallait, j’approuve donc tout ce qui en sortit ; mais à présent il te faut exprimer ce que tu crois, et où elle s’offrit à ta croyance ». « O très saint père et esprit qui vit ce que jadis tu crus assez pour vaincre vers le tombeau un pied plus jeune », commençai-je, « tu veux que je manifeste ici la forme de ma prompte croyance, et aussi la cause de celle-ci tu demandas. Et je réponds : « Je crois en un Dieu seul et éternel, qui tout le ciel meut, par amour et désir, sans que rien ne le meuve ; et à telle croyance je n’ai point de preuves physiques ni métaphysiques, mais la vérité qui pleut ici m’est donnée par Moïse, par les prophètes et les psaumes, par l’Evangile, et par vous qui écrivîtes sanctifiés par l’ardeur de l’Esprit ; et je crois en trois personnes éternelles, et celles-ci je crois d’une essence si une et trine, qu’elle souffre à la fois « sont » et « est » ». De la profondeur de la divine condition que je touche à présent, la doctrine évangélique en plusieurs points scelle mon esprit. Voici le principe, voici l’étincelle qui se déploie en flamme vive, et comme étoile dans le ciel en moi étincelle ».

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Come 'l segnor ch'ascolta quel che i piace, da indi abbraccia il servo, gratulando per la novella, tosto ch'el si tace; così, benedicendomi cantando, tre volte cinse me, sì com' io tacqui, l'appostolico lume al cui comando io avea detto: sì nel dir li piacqui! ».

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« Comme le seigneur qui entend ce qui lui plaît son vassal embrasse, le félicitant à ses derniers mots, de la bonne nouvelle ; ainsi, me bénissant de son chant, trois fois me ceignit, lorsque je me tus, la lumière apostolique au commandement de qui je parlai : tant dans mes propos je lui plu ! ».

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« Godi, Fiorenza, poi che se' sì grande che per mare e per terra batti l'ali, e per lo 'nferno tuo nome si spande ! Tra li ladron trovai cinque cotali tuoi cittadini onde mi ven vergogna, e tu in grande orranza non ne sali. Ma se presso al mattin del ver si sogna, tu sentirai, di qua da picciol tempo, di quel che Prato, non ch'altri, t'agogna. E se già fosse, non saria per tempo. Così foss' ei, da che pur esser dee! ché più mi graverà, com' più m'attempo. Noi ci partimmo, e su per le scalee che n'avea fatto iborni a scender pria, rimontò 'l duca mio e trasse mee; e proseguendo la solinga via, tra le schegge e tra ' rocchi de lo scoglio lo piè sanza la man non si spedia. Allor mi dolsi, e ora mi ridoglio quando drizzo la mente a ciò ch'io vidi, e più lo 'ngegno affreno ch'i' non soglio, perché non corra che virtù nol guidi; sì che, se stella bona o miglior cosa m'ha dato 'l ben, ch'io stessi nol m'invidi. Quante 'l villan ch'al poggio si riposa, nel tempo che colui che 'l mondo schiara la faccia sua a noi tien meno ascosa, come la mosca cede a la zanzara, vede lucciole giù per la vallea, forse colà dov' e' vendemmia e ara : di tante fiamme tutta risplendea l'ottava bolgia, sì com' io m'accorsi tosto che fui là 've 'l fondo parea.

E qual colui che si vengiò con li orsi

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« Réjouis-toi, Florence, puisque tu es si grande que sur terre et sur mer tu bats des ailes, et que ton nom par l’enfer se répand ! Parmi les voleurs je trouvai bien cinq de tes concitoyens d’où vergogne me vient et tu n’y gagne pas grand honneur. Mais si à l’aube on voit la vérité en songe, d’ici peu de temps, tu connaîtras le mal que Prato et bien d’autres, te souhaite. Et fût-il déjà, il ne serait que temps. Et qu’il advienne puisqu’il doit advenir ! car plus je vieillirai et plus encore il me pèsera. Nous partîmes, et par cet escalier qui nous avait teinté d’ivoire à la descente, mon guide remonta et me tira après lui ; et poursuivant cette route solitaire, parmi les blocs et les rochers de la paroi le pied sans la main ne pouvait avancer. Alors je souffris, et à présent je souffre encore quand ma pensée se dresse à ce que je vis, et plus que de coutume mon esprit je freine, pour qu’il ne coure sans que vertu le guide ; de sorte que si bonne étoile ou chose meilleure m’a donné le bien, que moi-même je ne l’envie. Aussi nombreuses que le paysan sur la colline se reposant, en la saison où celui qui le monde éclaire nous tient sa face moins longuement cachée, à l’heure où la mouche fait place au moustique, voit des lucioles en bas dans la vallée là où peut-être il vendange et laboure : d’autant de flammes resplendissait la huitième bolge, comme je pus voir si tôt que je fus là où le fond apparut. Et comme celui que les ours vengèrent

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vide 'l carro d'Elia al dipartire, quando i cavalli al cielo erti levorsi, che nol potea sì con li occhi seguire, ch'el vedesse altro che la fiamma sola, sì come nuvoletta, in sù salire : tal si move ciascuna per la gola del fosso, ché nessuna mostra 'l furto, e ogne fiamma un peccatore invola. Io stava sovra 'l ponte a veder surto, sì che s'io non avessi un ronchion preso, caduto sarei giù sanz' esser urto. E 'l duca che mi vide tanto atteso, disse : « Dentro dai fuochi son li spirti; catun si fascia di quel ch'elli è inceso ». « Maestro mio », rispuos' io, « per udirti son io più certo; ma già m'era avviso che così fosse, e già voleva dirti : chi è 'n quel foco che vien sì diviso di sopra, che par surger de la pira dov' Eteòcle col fratel fu miso ? ». Rispuose a me : « Là dentro si martira Ulisse e Dïomede, e così insieme a la vendetta vanno come a l'ira; e dentro da la lor fiamma si geme l'agguato del caval che fé la porta onde uscì de' Romani il gentil seme. Piangevisi entro l'arte per che, morta, Deïdamìa ancor si duol d'Achille, e del Palladio pena vi si porta ». « S'ei posson dentro da quelle faville parlar », diss' io, « maestro, assai ten priego e ripriego, che 'l priego vaglia mille, che non mi facci de l'attender niego fin che la fiamma cornuta qua vegna; vedi che del disio ver' lei mi piego! ». Ed elli a me : « La tua preghiera è degna di molta loda, e io però l'accetto; ma fa che la tua lingua si sostegna. Lascia parlare a me, ch'i' ho concetto ciò che tu vuoi; ch'ei sarebbero schivi, perch' e' fuor greci, forse del tuo detto ».

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vit le char d’Elie à son départ, quand les chevaux vers le ciel tout droits se levèrent, si bien qu’il ne pouvait, le suivant des yeux, voir autre chose que la flamme seule, comme un petit nuage, s’élever là-haut : ainsi chaque flamme avançait au creux du fossé, car nulle ne montre son butin, mais chaque flamme un pécheur dérobe. J’étais penché pour voir dessus le pont et si je ne m’étais agrippé à la roche, tombé je serais sans être heurté. Et mon guide qui me vit si attentif, dit : « A l’intérieur des feux sont les esprits ; chacun se vêt de ce qui l’embrase ». « Maître », répondis-je, « en t’entendant je suis plus assuré encore ; mais déjà je pensais qu’il en était ainsi, et voulais te dire : « qui donc s’en vient en ce feu si fourchu en sa pointe, qu’il semble jaillir du bûcher où Etéocle avec son frère fut mis ?». Il me répondit : « Là-dedans sont au martyre Ulysse et Diomède, et ensemble ils vont à la vengeance comme à l’offense ; et dans leur flamme ils pleurent le guet-apens du cheval qui ouvrit la porte d’où sortit des Romains le noble germe. Ils pleurent l’art qui fit que morte, Déidamie encore d’Achille se plaint, et du Palladium portent peine ». « Si dans ces flammes ils peuvent parler », dis-je, «maître, je te prie fort, et te reprie, que ma prière en vaille mille, que tu ne me refuses point d’attendre jusqu’à ce que la flamme cornue s’en vienne ici ; vois donc comme de désir vers elle je me plie ! ». Et lui à moi : « Ta prière est digne de grande louange, et pour cela je l’accepte ; mais fais en sorte de retenir ta langue. Laisse-moi parler, car j’ai compris ce que tu veux ; eux qui furent grecs dédaigneraient peut-être tes paroles ».

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Poi che la fiamma fu venuta quivi dove parve al mio duca tempo e loco, in questa forma lui parlare audivi : « O voi che siete due dentro ad un foco, s'io meritai di voi mentre ch'io vissi, s'io meritai di voi assai o poco quando nel mondo li alti versi scrissi, non vi movete; ma l'un di voi dica dove, per lui, perduto a morir gissi ». Lo maggior corno de la fiamma antica cominciò a crollarsi mormorando, pur come quella cui vento affatica; indi la cima qua e là menando, come fosse la lingua che parlasse, gittò voce di fuori e disse : « Quando mi diparti' da Circe, che sottrasse me più d'un anno là presso a Gaeta, prima che sì Enëa la nomasse, né dolcezza di figlio, né la pieta del vecchio padre, né 'l debito amore lo qual dovea Penelopè far lieta, vincer potero dentro a me l'ardore ch'i' ebbi a divenir del mondo esperto e de li vizi umani e del valore; ma misi me per l'alto mare aperto sol con un legno e con quella compagna picciola da la qual non fui diserto. L'un lito e l'altro vidi infin la Spagna, fin nel Morrocco, e l'isola d'i Sardi, e l'altre che quel mare intorno bagna. Io e ' compagni eravam vecchi e tardi quando venimmo a quella foce stretta dov' Ercule segnò li suoi riguardi acciò che l'uom più oltre non si metta; da la man destra mi lasciai Sibilia, da l'altra già m'avea lasciata Setta. « O frati », dissi, « che per cento milia perigli siete giunti a l'occidente, a questa tanto picciola vigilia d'i nostri sensi ch'è del rimanente non vogliate negar l'esperïenza, di retro al sol, del mondo sanza gente. Considerate la vostra semenza : fatti non foste a viver come bruti, ma per seguir virtute e canoscenza ».

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Une fois que la flamme s’en fut venue ici où il parut à mon guide temps et lieu, en cette forme je l’entendis parler : « O vous qui êtes deux en un seul feu, si j’eus en mon vivant quelque mérite, si peu ou prou j’eus de vous quelques mérites quand dans le monde les hauts vers j’écrivis, ne partez point ; mais que l’un de vous dise où, se perdant lui-même il alla mourir ». La corne maîtresse de la flamme antique se mit à tressaillir en murmurant, pareille à celle que le vent travaille ; puis agitant sa pointe çà et là, comme si c’était la langue qui parlait, jeta sa voix au-dehors et dit : « Quand je quittai Circé, qui me retint plus d’un an là-bas près de Gaète, avant qu’Enée ne la nommât ainsi, ni la douceur d’un fils, ni la piété pour un vieux père, ni l’amour dû qui devait réjouir Pénélope ne purent vaincre en moi l’ardeur que j’eus à devenir du monde expert et des vices humains et de la valeur ; mais je me mis en haute mer ouverte avec une nef seule et cette petite compagnie qui jamais ne déserta. L’une et l’autre rive je vis jusqu’en Espagne, jusqu’au Maroc, et l’île des Sardes, et les autres alentour baignées par cette mer. Mes compagnons et moi étions vieux et lents lorsque nous vînmes à cette bouche étroite où Hercule marqua ses limites afin que l’homme plus avant ne s’engouffrât ; à main droite je laissai Séville, de l’autre nous avions déjà laissé Septe. « O frères », dis-je, « qui par cent mille périls êtes venus à l’occident, à cette veille si courte qui aujourd’hui reste à nos sens, ne refusez point l’expérience, en suivant le soleil, du monde inhabité. Considérez votre semence : vous ne fûtes pas faits pour vivre comme des brutes,

mais pour suivre vertu et connaissance ».

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Li miei compagni fec' io sì aguti, con questa orazion picciola, al cammino, che a pena poscia li avrei ritenuti; e volta nostra poppa nel mattino, de' remi facemmo ali al folle volo, sempre acquistando dal lato mancino. Tutte le stelle già de l'altro polo vedea la notte, e 'l nostro tanto basso, che non surgëa fuor del marin suolo. Cinque volte racceso e tante casso lo lume era di sotto da la luna, poi che 'ntrati eravam ne l'alto passo, quando n'apparve una montagna, bruna per la distanza, e parvemi alta tanto quanto veduta non avëa alcuna. Noi ci allegrammo, e tosto tornò in pianto; ché de la nova terra un turbo nacque e percosse del legno il primo canto. Tre volte il fé girar con tutte l'acque; a la quarta levar la poppa in suso e la prora ire in giù, com' altrui piacque, infin che 'l mar fu sovra noi richiuso ».

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Par cette brève oraison, je rendis mes compagnons si ardents à reprendre la route, qu’à grand peine, ensuite, je les eusse retenus ; et, notre poupe tournée contre le matin, des rames nous fîmes des ailes pour ce vol fou, en gagnant toujours sur la gauche. La nuit déjà voyait toutes les étoiles de l’autre pôle, et le nôtre si bas, qu’il ne s’élevait pas du seuil marin. Cinq fois s’était rallumée et cinq fois éteinte la lumière en bas de la lune, après notre entrée dans le pas redoutable, lorsque nous apparut une montagne, brune par la distance, et me parut si haute que jamais je n’avais vu la pareille. Nous nous réjouîmes, mais la joie bien vite en pleurs se changea; car de la terre nouvelle un tourbillon se forma qui de la nef vint frapper l’éperon. Trois fois il la fit tourner avec toutes les eaux, à la quatrième il fit lever la poupe en l’air et sombrer la proue, comme il plût à un Autre, jusqu’à ce que la mer sur nous fut refermée ».

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« Mentr' io dubbiava per lo viso spento, de la fulgida fiamma che lo spense uscì un spiro che mi fece attento, dicendo : « Intanto che tu ti risense de la vista che hai in me consunta, ben è che ragionando la compense. Comincia dunque; e dì ove s'appunta l'anima tua, e fa ragion che sia la vista in te smarrita e non defunta : perché la donna che per questa dia regïon ti conduce, ha ne lo sguardo la virtù ch'ebbe la man d'Anania ». Io dissi : « Al suo piacere e tosto e tardo vegna remedio a li occhi, che fuor porte quand' ella entrò col foco ond' io sempr' ardo.

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« Tandis que je doutais pour ma vue obscurcie de la foudre flamboyante qui l’éteignit un souffle sortit qui me rendit attentif, disant : « En attendant que tu recouvres la vue que tu as en moi consommée, il est bon qu’en raisonnant tu la compenses. Commence donc ; et dis où se dirige ton âme, et tiens ta vue pour égarée et non pour défunte : car la dame qui par cette divine région te conduit, a dans le regard la vertu qu’eut jadis la main d’Ananie ». Je dis : « Et tôt ou tard à son bon plaisir que remède vienne à mes yeux qui jadis se firent portes quand elle entra avec ce feu dont toujours je brûle.

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Lo ben che fa contenta questa corte, Alfa e O è di quanta scrittura mi legge Amore o lievemente o forte ». Quella medesma voce che paura tolta m'avea del sùbito abbarbaglio, di ragionare ancor mi mise in cura; e disse : « Certo a più angusto vaglio ti conviene schiarar : dicer convienti chi drizzò l'arco tuo a tal berzaglio ». E io : « Per filosofici argomenti e per autorità che quinci scende cotale amor convien che in me si 'mprenti: ché 'l bene, in quanto ben, come s'intende, così accende amore, e tanto maggio quanto più di bontate in sé comprende. Dunque a l'essenza ov' è tanto avvantaggio, che ciascun ben che fuor di lei si trova altro non è ch'un lume di suo raggio, più che in altra convien che si mova la mente, amando, di ciascun che cerne il vero in che si fonda questa prova. Tal vero a l'intelletto mïo sterne colui che mi dimostra il primo amore di tutte le sustanze sempiterne. Sternel la voce del verace autore, che dice a Moïsè, di sé parlando : « Io ti farò vedere ogne valore ». Sternilmi tu ancora, incominciando l'alto preconio che grida l'arcano di qui là giù sovra ogne altro bando ». E io udi' : « Per intelletto umano e per autoritadi a lui concorde de' tuoi amori a Dio guarda il sovrano. Ma dì ancor se tu senti altre corde tirarti verso lui, sì che tu suone con quanti denti questo amor ti morde ». Non fu latente la santa intenzione de l'aguglia di Cristo, anzi m'accorsi dove volea menar mia professione. Però ricominciai : « Tutti quei morsi che posson far lo cor volgere a Dio, a la mia caritate son concorsi : ché l'essere del mondo e l'esser mio, la morte ch'el sostenne perch' io viva, e quel che spera ogne fedel com' io,

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Le bien qui cette cour contente est tel l’Alpha et l’Oméga de ce ce livre qu’amour me lit tantôt à voix basse tantôt à voix haute ». Cette même voix qui avait ôté ma peur de l’aveuglement soudain, de raisonner encore me mit en soin ; et dit : « A un crible plus serré, certes, il te faut t’éclaircir : il te faut dire qui dressa ton arc à une telle cible ». Et moi : « Par arguments philosophiques et par autorité qui d’en haut descend un tel amour en moi s’imprime : car le bien, en tant que bien reconnu enflamme amour, et ce d’autant plus que plus en lui il comprend de bonté. Donc l’essence où réside un tel avantage que tout bien qui hors d’elle se trouve n’est qu’un reflet de son rayon, plus qu’en tout autre, l’esprit, par amour doit se mouvoir, de chacun de ceux qui discerne la vérité sur laquelle cette preuve se fonde. Une telle vérité dévoile à mon esprit celui qui me démontre l’amour premier de toutes les substances éternelles. Bien me le dévoile la voix du vrai auteur qui dit à Moïse en parlant de lui : « Je te montrerai toute valeur ». Tu me le dévoiles toi aussi, en ouvrant le ban terrible qui crie le mystère du ciel ici bas au-dessus de toute proclamation ». Et j’entendis : « Par humaine raison et par autorités qui s’y accordent ton amour le plus grand à Dieu regarde. Mais dis encore si tu sens d’autres cordes te tirer vers lui, de sorte que tu sonnes avec quelles dents cet amour te mord ». La sainte intention de l’aigle du Christ, ne fut point cachée, mais je connus où il voulait mener ma profession. Aussi repris-je : « Chacune de ces morsures qui le cœur à Dieu peuvent faire tourner, ont concouru à ma charité : car l’être du monde et l’être du moi, la mort qu’Il soutint pour que je vive, et ce qu’espère tout fidèle comme moi,

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con la predetta conoscenza viva, tratto m'hanno del mar de l'amor torto, e del diritto m'han posto a la riva. Le fronde onde s'infronda tutto l'orto de l'ortolano etterno, am' io cotanto quanto da lui a lor di bene è porto ». Sì com' io tacqui, un dolcissimo canto risonò per lo cielo, e la mia donna dicea con li altri : « Santo, santo, santo! ». E come a lume acuto si disonna per lo spirto visivo che ricorre a lo splendor che va di gonna in gonna, e lo svegliato ciò che vede aborre, sì nescïa è la sùbita vigilia fin che la stimativa non soccorre; così de li occhi miei ogne quisquilia fugò Beatrice col raggio d'i suoi, che rifulgea da più di mille milia : onde mei che dinanzi vidi poi; e quasi stupefatto domandai d'un quarto lume ch'io vidi tra noi. E la mia donna : « Dentro da quei rai vagheggia il suo fattor l'anima prima che la prima virtù creasse mai ». Come la fronda che flette la cima nel transito del vento, e poi si leva per la propria virtù che la soblima, fec' io in tanto in quant' ella diceva, stupendo, e poi mi rifece sicuro un disio di parlare ond' ïo ardeva. E cominciai : « O pomo che maturo solo prodotto fosti, o padre antico a cui ciascuna sposa è figlia e nuro, divoto quanto posso a te supplìco perché mi parli : tu vedi mia voglia, e per udirti tosto non la dico ». Talvolta un animal coverto broglia, sì che l'affetto convien che si paia per lo seguir che face a lui la 'nvoglia; e similmente l'anima primaia mi facea trasparer per la coverta quant' ella a compiacermi venìa gaia. Indi spirò : « Sanz' essermi proferta da te, la voglia tua discerno meglio che tu qualunque cosa t'è più certa;

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en plus de cette connaissance de vie que j’ai dite, m’ont tiré de la mer de l’amour tors et du droit amour m’ont posé à la rive. Les feuilles dont est feuillé tout le jardin de l’éternel jardinier, je les aime autant qu’ils les a de bien garnies ». Sitôt que je me tus, un chant d’une douceur extrême résonna dans le ciel, et ma dame avec les autres disait : « Saint, saint, saint ! ». Et comme à lumière vive on s’éveille par la faculté visuelle qui accourt à la splendeur qui va de tunique en tunique, mais l’œil éveillé abhorre ce qu’il voit si inconsciente est la veille soudaine tant que l’estimative son secours ne porte ; ainsi de mes yeux tout voile chassa Béatrice avec le rayon des siens qui resplendissait à plus de mille milles : ainsi voyant à nouveau devant moi comme stupéfait je demandai d’une quatrième lumière que parmi nous je vis. Et ma dame : « Dans ces rayons contemple avec amour son créateur l’âme première que la prime vertu jamais ne créât. Comme la cime de la branche se plie au passage du vent puis se relève par sa propre vertu qui la redresse ainsi advint-il de moi tant qu’elle parlait, m’étonnant fort, puis un désir de parole qui me brûlait me rendit mon assurance. Et je commençai : « O fruit qui seul au monde fut produit à maturité, ô père antique à qui chaque fille est à la fois épouse et bru, avec la plus grande dévotion je te supplie pour que tu me parles : tu vois mon désir, et pour t’entendre au plus tôt, je ne te le dis ». Parfois un animal couvert s’agite, et son affection paraît dans l’accompagnement de sa housse qui suit son mouvement ; de même, l’âme première me faisait transparaître à travers sa couverture ô combien joyeuse elle venait me complaire. Alors elle souffla : « Sans même que tu ne la profères, mieux ton envie je discerne que tu ne fais des choses les plus certaines ;

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perch' io la veggio nel verace speglio che fa di sé pareglio a l'altre cose, e nulla face lui di sé pareglio. Tu vuogli udir quant' è che Dio mi puose ne l'eccelso giardino, ove costei a così lunga scala ti dispuose, e quanto fu diletto a li occhi miei, e la propria cagion del gran disdegno, e l'idïoma ch'usai e che fei. Or, figliuol mio, non il gustar del legno fu per sé la cagion di tanto essilio, ma solamente il trapassar del segno. Quindi onde mosse tua donna Virgilio, quattromilia trecento e due volumi di sol desiderai questo concilio; e vidi lui tornare a tutt' i lumi de la sua strada novecento trenta fïate, mentre ch'ïo in terra fu'mi. La lingua ch'io parlai fu tutta spenta innanzi che a l'ovra inconsummabile fosse la gente di Nembròt attenta : ché nullo effetto mai razïonabile, per lo piacere uman che rinovella seguendo il cielo, sempre fu durabile. Opera naturale è ch'uom favella; ma così o così, natura lascia poi fare a voi secondo che v'abbella. Pria ch'i' scendessi a l'infernale ambascia, I s'appellava in terra il sommo bene onde vien la letizia che mi fascia; e El si chiamò poi: e ciò convene, ché l'uso d'i mortali è come fronda in ramo, che sen va e altra vene. Nel monte che si leva più da l'onda, fu' io, con vita pura e disonesta, da la prim' ora a quella che seconda, come 'l sol muta quadra, l'ora sesta ».

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car je la vois dans le miroir de vérité qui à toute chose est parélie, mais qu’aucune en lui n’est parélie. Tu veux savoir quand Dieu me déposa dans le haut jardin où celle-ci à si longue échelle te disposa, et combien il délecta mes yeux, et la cause spécifique du grand courroux, et l’idiome dont je fis usage et que je créai. Or, mon fils, ce n’est point d’avoir goûté à l’arbre qui fut en soi la cause d’un si long exil, mais seulement d’avoir franchi les limites. Ainsi, là d’où ta dame mut Virgile, quatre mille trois cent et deux révolutions du soleil, je désirai ce concile ; et je le vis repasser par tous les luminaires de sa route neuf cent trente fois, tandis que j’étais sur terre. La langue que je parlai s’éteignit toute avant qu’à l’ouvrage inachevable le peuple de Nemrod fût tout occupé : car jamais nul effet raisonnable, ne peut durer toujours, pour votre plaisir humain qui suivant le ciel se renouvelle. Œuvre de nature est que l’homme parle ; mais en telle langue ou en telle autre, nature vous laisse faire comme mieux il vous agrée. Avant que je ne descende au deuil infernal, I s’appelait sur terre le bien suprême d’où vient l’allégresse qui m’enrobe puis El il s’appela : et c’est bien naturel, car l’usage des mortels est pareil à la feuille de l’arbre, quand l’une s’en va, l’autre s’en vient. Dans le mont qui au-dessus de l’onde plus s’élève, je demeurai, d’une vie pure puis déshonnête,

de l’heure prime à celle qui suit, quand le soleil change de quadrant, l’heure de sexte ».

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ParadisParadisParadisParadis XXV, v. 118 XXV, v. 118 XXV, v. 118 XXV, v. 118----120120120120

« Qual è colui ch'adocchia e s'argomenta di vedere eclissar lo sole un poco, che, per veder, non vedente diventa; tal mi fec’io a quell’ultimo foco, ».

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« Tel est celui qui fixe son regard et s’applique à voir un peu s’éclipser le soleil, qu’enfin, pour voir, non-voyant il devient, tel me fis-je à ce dernier feu, ».

ParadisParadisParadisParadis I, v.46I, v.46I, v.46I, v.46----48484848

« quando Beatrice in sul sinistro fianco vidi rivolta e riguardar nel sole : aguglia sì non li s'affisse unquanco ».

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« lorsque je vis Béatrice se tourner sur la gauche et regarder dans le soleil : œil d’aigle ainsi jamais ne le fixa ».

EnferEnferEnferEnfer I, v. 22 I, v. 22 I, v. 22 I, v. 22----27272727

« E come quei che con lena affannata, uscito fuor del pelago a la riva, si volge a l'acqua perigliosa e guata, così l'animo mio, ch'ancor fuggiva, si volse a retro a rimirar lo passo che non lasciò già mai persona viva ».

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« Et comme celui qui, le souffle court, sorti de la mer au rivage, se retourne vers l’eau périlleuse et regarde, ainsi mon âme, encore fugitive, fit retour en arrière pour regarder ce pas qui jamais personne ne laissa vive ».

PurgatoirePurgatoirePurgatoirePurgatoire XXVII, v. 140 XXVII, v. 140 XXVII, v. 140 XXVII, v. 140----142142142142

« libero, dritto e sano è tuo arbitrio, e fallo fora non fare a suo senno : per ch'io te sovra te corono e mitrio ».

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« libre, droit et sain est ton arbitre, faute serait de ne point faire à son gré : aussi je te couronne et mitre ».

PurgatoirePurgatoirePurgatoirePurgatoire XIX, v. 7 XIX, v. 7 XIX, v. 7 XIX, v. 7----33333333

« mi venne in sogno una femmina balba, ne li occhi guercia, e sovra i piè distorta, con le man monche, e di colore scialba. Io la mirava; e come 'l sol conforta le fredde membra che la notte aggrava, così lo sguardo mio le facea scorta la lingua, e poscia tutta la drizzava in poco d'ora, e lo smarrito volto, com' amor vuol, così le colorava. Poi ch'ell' avea 'l parlar così disciolto, cominciava a cantar sì, che con pena

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« je vis en songe une femme bègue bigle en ses yeux, et tordue sur ses pieds, les mains coupées, et blême en son teint. Je la regardais ; et comme le soleil réconforte les membres engourdis par le froid de la nuit, ainsi mes yeux lui déliaient la langue, et en peu de temps la redressaient en ses yeux et sur ses jambes, et son visage éperdu d’amour coloraient. Une fois sa langue ainsi déliée, elle entonna un tel chant, qu’à grand peine

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da lei avrei mio intento rivolto. « Io son », cantava, « io son dolce serena, che ' marinari in mezzo mar dismago; tanto son di piacere a sentir piena! Io volsi Ulisse del suo cammin vago al canto mio; e qual meco s'ausa, rado sen parte; sì tutto l'appago ! ». Ancor non era sua bocca richiusa, quand' una donna apparve santa e presta lunghesso me per far colei confusa. « O Virgilio, Virgilio, chi è questa ? », fieramente dicea; ed el venìa con li occhi fitti pur in quella onesta. L'altra prendea, e dinanzi l'apria fendendo i drappi, e mostravami 'l ventre; quel mi svegliò col puzzo che n'uscia ».

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mon attention j’eusse détournée d’elle. « Je suis », chantait-elle, « Je suis douce sirène, qui en pleine mer les marins enchante ; tant je suis de plaisance si emplie ! Par mon chant, je détournai Ulysse du chemin désiré ; et qui avec moi demeure bien rarement en ressort, tant je l’enchante ! » Sa bouche encore elle n’avait point refermée, qu’une dame apparut sainte et empressée le long de moi pour la confondre. « O Virgile, Virgile, qui est celle-là ? », fièrement disait-elle ; et lui venait les yeux rivés sur l’honnête dame. Il prenait l’autre, et par-devant l’ouvrait fendant sa vêture, et me montrait le ventre : la puanteur qui en sortait m’éveilla ».

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