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Étude mondiale sur le volontariat : rapport www.ifrc.org Sauver des vies, changer les mentalités.

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Étude mondiale sur le volontariat : rapport

www.ifrc.orgSauver des vies, changer les mentalités.

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© Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, 2016

Toutes les parties de cette étude peuvent copiées à des fins non com-merciales, à condition que la source soit clairement indiquée. La Fédé-ration internationale apprécierait de connaître l’utilisation qui en faite. Toute demande de reproduction à des fins commerciales doit être adressée directement au Secrétariat de la Fédération internationale ([email protected]).

Sauf mention contraire, toutes les photos utilisées dans cette étude sont la propriété de la Fédération internationale.Photo de couverture : Stephen Ryan/IFRC.

Case postale 303 CH-1211 Genève 19 Suisse Téléphone : +41 22 730 42 22 Téléfax : +41 22 733 03 95 Courriel : [email protected] Site Internet : http://www.ifrc.org

Étude mondiale sur le volontariat : rapport, 1301102 04/2016 F

Suivez-nous sur :

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Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

Étude mondiale sur le volontariat : rapport

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La Fédération internationale des Sociétés de la Croix-

Rouge et du Croissant-Rouge (Fédération internationale)

est le plus vaste réseau humanitaire de volontaires au

monde. Chaque année, avec ses 190 Sociétés natio-

nales membres dans le monde, elle agit dans toutes les

communautés en faveur de 160,7 millions de personnes

par le biais de services et de programmes de développe-

ment à long terme, ainsi que de 110  millions de per-

sonnes, à travers des opérations d’urgence en cas de

catastrophe et de relèvement précoce. Elle oeuvre avant,

pendant et après les catastrophes et les urgences sani-

taires pour répondre aux besoins et améliorer les condi-

tions d’existence des personnes vulnérables. Elle le fait

de façon impartiale, sans distinction fondée sur la natio-

nalité, la race, le genre, les croyances religieuses, la

classe sociale ou les opinions politiques.

Guidées par la Stratégie 2020 – le plan d’action collectif pour faire face aux défis humanitaires majeurs et du développement de la décennie – la Fédération internatio-nale et les Sociétés nationales sont déterminées à « sauver des vies et changer les mentalités ».

La Fédération internationale et les Sociétés nationales tiennent leur force de leur réseau de volontaires, du savoir-faire acquis dans les communautés, de leur indé-pendance et de leur neutralité. Elles s’emploient à amé-liorer les normes humanitaires, en tant que partenaires du développement et en intervenant en cas de catastrophe. Elles persuadent les décideurs d’agir en toutes circons-tances dans l’intérêt des personnes vulnérables. Ce fai-sant, elles rendent les communautés saines et sûres, réduisent les vulnérabilités, renforcent la résilience et encouragent une culture de paix dans le monde entier.

Étude mondiale sur le volontariat :

rapport

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Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

Étude mondiale sur le volontariat : rapport

Table des matières

Avant-propos 3

Remerciements 5

Contributions 6

Résumé 9

À propos du présent rapport 17

Chapitre 1. Cultures du volontariat : entre l’universel et le particulier 23

Chapitre 2. Volontariat et communautés en pleine mutation 35

Chapitre 3. Économie du volontariat 59

Chapitre 4. Les volontaires dans les conflits et les situations de crise 81

Conclusion. L’importance d’investir dans le volontariat pour le développement durable 97

Références 103

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Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

Avant-propos

Avant-proposLes volontaires sont les piliers de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, et ce depuis la création du Mouvement il y a plus de 150 ans. Chaque année, 17 mil-lions de volontaires interviennent dans 190 pays. Ils travaillent sans relâche pour veiller à ce les personnes les plus vulnérables des communautés aient accès à des services et reçoivent un soutien. Ils sont souvent les premiers sur place quand une catastrophe se produit, et apportent des secours immédiats. Ils mènent des campagnes sanitaires, gèrent des ambulances, des hôpitaux et des situations nécessitant des premiers secours, ils mettent au point des stratégies numériques favorisant le développement, éduquent des enfants, apportent du réconfort et des soins aux réfugiés, s’emploient à atténuer l’isolement social dans les villes du globe, et dans les régions en conflit, ils restituent avec précau-tion et compassion les dépouilles de personnes décédées aux membres de leur famille. L’échelle et la portée des actions qu’ils entreprennent et accomplissent chaque jour dans le monde sont tout simplement stupéfiantes.

Cependant, les volontaires font davantage qu’exécuter des services ; ils contri-buent à renforcer la résilience des communautés, favorisent la cohésion sociale, prennent part à des processus civiques, et défendent vigoureusement les intérêts des personnes vulnérables. Du point de vue de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ils nous permettent, en tant qu’organisation, de rester ancrés dans les communautés que nous servons ; ils nous informent, nous guident et nous gouvernent.

Cette année, les gouvernements du monde entier se sont accordés sur une vision commune en faveur des populations pauvres de la planète : les Objectifs de développement durable (ODD). L’accent a été mis, peut-être plus que jamais auparavant, sur la nécessité de localiser les ressources, les compétences et l’au-torité. Nous nous félicitons de cette priorité accordée à la localisation, à la réa-lisation de laquelle les volontaires communautaires joueront un rôle crucial. S’ils sont correctement soutenus, les volontaires peuvent veiller à ce que les communautés locales s’approprient les programmes de développement, à ce que ceux-ci soient élaborés de façon adéquate et conformément au contexte culturel et social, et à ce que les initiatives touchent les personnes vivant dans les zones les moins accessibles. Il est difficile d’imaginer qu’aucun ODD puisse être pleinement réalisé sans l’aide de millions de volontaires.

Notre Étude mondiale sur le volontariat décrit l’évolution rapide des environ-nements et contextes dans lesquels les volontaires opèrent, et l’incidence que ces transformations ont sur le volontariat. Pour demeurer une puissante force de développement, pour continuer à croître, à stimuler le changement au sein des communautés du monde, et à donner aux individus les moyens de faire entendre leur voix et de jouer un rôle actif dans les processus de développement,

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Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

Étude mondiale sur le volontariat : rapport

le volontariat devra bénéficier de ressources, de recherches et d’un cadre poli-tique fort. Les volontaires devront être de véritables partenaires de notre action, participant sur un pied d’égalité et en tant qu’agents du changement pour les personnes vulnérables, plutôt que de simples prestataires de services.

Nous espérons que ce rapport contribuera au débat sur le volontariat, inspirera davantage de dialogue et de réflexions et, à terme, influencera l’élaboration de politiques et de pratiques. En tant qu’organisation humanitaire ayant recours au plus grand nombre de volontaires dans le monde, nous œuvrerons avec les parties prenantes à tous les niveaux en vue de promouvoir le volontariat et de favoriser des environnements propices à l’épanouissement des volontaires. En bref : nul autre acteur ne comprend mieux les besoins des communautés et les moyens d’y répondre.

Tadateru Konoé Président

Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge

et du Croissant-Rouge

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Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

Remerciements

RemerciementsAuteurs : Shaun Hazeldine (Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge) et professeur Matt Baillie Smith (Université de Northumbria).

Principaux chercheurs : Shaun Hazeldine, professeur Matt Baillie Smith, Ferran Cobertera et Balthazar Bacinoni.

Chercheurs et enquêteurs : Sawyer Baker, Renata Barradas, Blas Bayona, Amira Ben Ali, Darren Beck, Stephanie Boles, Carlos Capataz, Laura Clays, Javier Fernández, Carine Fleury, Wendy Flynn, Barbara Furrer, Angela Gray, Liu Hao, le docteur Martine Hawkes, Kumju Ho, Ahmad Hussein, Branimir Knezevic, Kaisa Loikkanen, Jessie Lucien, Elena McKinley, Lak Monyrasmey, Nieves Morales, Lan Nguyen, Afrhill Rances, Elkhan Rahimov, Carolina Espadas Ruiz, Ahmad Sami, Laura Scarpino, Bhavesh Sodagar, Alex Torres, Rika Ueno, Oscar Zuluaga, Valerie Whiting, Roz Wollmering, Karl Zarhuber, et Maurice Zouaghi.

Conseillers : Kate Cotton, docteur Peter Devereaux, docteur Martine Hawkes, Robert Leigh, Katie Turner, Ian Steed, Geri Lau.

Aux fins de citation : Hazeldine, S et Baillie Smith, M (2015) Étude mondiale sur le volontariat, Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Genève.

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Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

Étude mondiale sur le volontariat : rapport

Principales contributions

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Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

Autres contributions

Autres contributionsCroix-Rouge du Bénin, Croix-Rouge colombienne, Croissant-Rouge de Djibouti, Croix-Rouge guinéenne, Croix-Rouge italienne, Croix-Rouge de l’ex-République yougoslave de Macédoine, Croix-Rouge mexicaine, Croix-Rouge sénégalaise, Croix-Rouge de Sierra Leone, Croix-Rouge suisse, Croix-Rouge de Tanzanie, Croix-Rouge togolaise, Croissant-Rouge tunisien, Croissant-Rouge des Émirats arabes unis.

Les chercheurs souhaitent tout particulièrement remercier tous les volontaires, le personnel et les Sociétés nationales qui ont participé à cette étude pour leur esprit d’ouverture, leurs compétences et leur générosité, ainsi que pour le sou-tien qu’ils apportent chaque jour aux communautés.

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Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

Résumé

RésuméLes volontaires occupent une place centrale dans la réduction des souffrances et l’amélioration des conditions de vie des personnes vulnérables. En Syrie, les volontaires du Croissant-Rouge arabe syrien assurent la majorité des distribu-tions de secours en faveur des habitants des villes assiégées et des personnes déplacées par la guerre. En Afrique de l’Ouest, les volontaires locaux ont risqué leur vie pour prendre soin des personnes atteintes de la maladie à virus Ebola et pour enterrer les corps des victimes, avant de devoir affronter la stigmatisa-tion au sein de leur propre communauté. Le long des côtes méditerranéennes, des volontaires sauvent des vies en aidant les migrants à accoster, en leur prodiguant les premiers secours et en leur distribuant couvertures et repas chauds. En Mongolie, des volontaires aident les jeunes à se créer des moyens de subsistance. Au Burundi, une personne sur 22 est un ou une volontaire de la Croix-Rouge, œuvrant en collaboration avec sa communauté pour répondre aux problèmes de développement.

Les volontaires jouent un rôle crucial dans les situations d’urgence et dans la recherche de solutions durables à certains des défis socio-économiques les plus complexes au monde. Ils sont une composante de plus en plus importante des politiques sociales et de développement, à l’heure où les gouvernements, la société civile, les communautés locales et les particuliers cherchent des moyens de promouvoir l’éducation, d’améliorer la santé et de réduire la pauvreté.

Mais le volontariat n’est ni la panacée, ni une solution de facilité. Les contribu-tions apportées par les volontaires doivent être replacées dans le contexte de forces sociales, politiques, économiques et culturelles complexes et interdépen-dantes. Ces forces connaissent de profonds bouleversements et redéfinissent constamment le profil des volontaires, les raisons pour lesquelles ils s’engagent comme volontaires, la forme que prend leur engagement et les limites de ce qu’ils sont capables d’accomplir.

La présente Étude mondiale sur le volontariat se fonde sur les points de vue de près de 600 parties prenantes dans 158 pays : responsables de la gestion des volontaires, délégués et volontaires du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ainsi que des experts externes. Elle traite des enjeux liés à la promotion du volontariat et au soutien au volontariat dans le contexte d’évolutions majeures aux niveaux local et mondial, à savoir :• les crises économiques récentes et les politiques d’austérité dans les pays du

Sud et du Nord ;• la transformation des communautés dont proviennent les volontaires et dans

lesquelles ils travaillent, notamment sous l’effet des mouvements de popula-tion croissants ;

• l’accent mis sur le rapport coût-efficacité dans la fourniture de services, et les obligations qui en découlent en termes de compte rendu et de redevabilité pour les dépenses d’aide humanitaire ;

• les conflits et situations de violence, récents ou souvent prolongés, dans les pays du Sud.

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Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

Étude mondiale sur le volontariat : rapport

L’Étude recense les défis posés par ces changements et décrit la façon dont ils s’imbriquent et transforment ce qu’on entendait jusqu’à présent par volontariat. Ces défis forcent aussi les responsables de la gestion des volontaires et les faci-litateurs à concilier ressources limitées et attentes élevées, dans des environne-ments de plus en plus complexes et parfois dangereux.

En donnant la parole en priorité aux volontaires et aux responsables de la ges-tion des volontaires, l’Étude mondiale sur le volontariat fournit un éclairage, des perspectives et une analyse émanant directement du terrain. Elle remet en cause certains des postulats prédominants qui limitent le potentiel du volon-tariat de contribuer à des changements durables sur le long terme, et met en évidence des lacunes en matière de recherche parallèlement aux connaissances et à l’esprit d’innovation des praticiens. Alors que le volontariat est de plus en plus reconnu et soutenu au niveau mondial, en particulier dans le cadre de la réalisation des objectifs humanitaires et de développement, il faut engager un investissement correspondant en temps, en ressources et en rigueur intellec-tuelle pour déterminer la meilleure façon de promouvoir cette activité humaine précieuse et de soutenir ceux qui la rendent possible.

L’Étude souligne qu’il est urgent de renforcer le débat, la recherche et l’analyse sur la manière dont le volontariat évolue et est mis au défi. En particulier, il est nécessaire de mener des recherches plus nuancées et de développer les connais-sances en partenariat avec les organisations ayant recours à des volontaires dans tous les pays du Sud. Sans un tel processus d’apprentissage, l’universalité du volontariat risque de n’être qu’un écran de fumée pour l’ethnocentrisme et des rapports de force inégaux, plutôt qu’un phénomène dont la diversité peut garantir un équilibre entre, d’une part, des objectifs stratégiques et des pos-sibilités d’apprentissage au niveau mondial et, d’autre part, l’appropriation et l’efficacité au niveau local.

Les conclusions de l’Étude ont des conséquences importantes pour les organi-sations ayant recours à des volontaires – en ce qui concerne leur programme d’action et leur soutien, notamment financier, au volontariat –, pour la défini-tion des priorités en matière de recherche, pour les responsables de la gestion des volontaires qui cherchent à trouver des solutions innovantes à des pro-blèmes urgents, et pour les donateurs dans les domaines de l’humanitaire et du développement.

L’Étude met en évidence quatre domaines prioritaires pour les débats, la recherche et l’action stratégiques aux niveaux mondial, national et local, autour desquels les quatre chapitres principaux de l’Étude sont articulés :

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Cultures du volontariat : entre l’universel et le particulier

Gérer l’universel et le particulier est plus complexe qu’on ne l’admet générale-ment. Il ne suffit pas de réfléchir à des « cultures » du volontariat ; il faut aussi prendre en compte les différentes façons de comprendre, d’organiser et de gérer le volontariat, et de mobiliser des ressources à cette fin. À ce jour, la « culture » dominante du volontariat est dans une large mesure présupposée ou considérée comme acquise, bien qu’elle plonge ses racines dans l’histoire et les traditions de l’Europe et de l’Amérique du Nord.

Il est nécessaire de mieux reconnaître les diverses « cultures » du volontariat et la manière dont elles se combinent. Le présent rapport préconise de mettre au point des approches du volontariat fondées sur la détermination à trans-former ce que le volontariat signifie à tous les niveaux. Cela exigera du courage de la part des organisations mondiales, qui peuvent avoir une conception du volontariat fermement ancrée et facilitant la gestion et la vérification. Mais ce processus aura aussi ses avantages, aboutissant à des approches du volontariat plus nuancées et à une amélioration à long terme de l’efficacité des organisa-tions ayant recours à des volontaires.

Volontariat et communautés en pleine mutation

La modification des communautés dont sont issus les volontaires de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, et au service desquelles ils œuvrent, représente un défi de taille pour les responsables de la gestion des volontaires et les facili-tateurs. Selon l’Étude, les facteurs les plus importants comprennent la mobilité et la migration, l’urbanisation (bidonvilles urbains), le vieillissement, l’évolu-tion démographique et la technologie. Ces changements confrontent différentes idées du volontariat et mettent en question les « normes » établies en la matière. La mobilité, surtout dans le contexte de l’urbanisation, modifie les méthodes traditionnellement utilisées par le Mouvement pour mobiliser et comprendre ses volontaires. Alors que les communautés sont de plus en plus mouvantes et se confondent, et que de nombreuses personnes sont forcées de chercher du travail loin de leur famille, le profil des volontaires et la forme que prend leur engagement évoluent. Il faut aller au-delà de l’adaptation et d’une « meilleure » communication, et être prêt à réfléchir à la façon dont le volontariat est pratiqué dans ces contextes en pleine mutation et à la nouvelle orientation qu’il pourrait prendre.

S’il existe des exemples de moyens innovants de mobiliser et rassembler des volontaires en dépit des divisions, nous ignorons presque tout de la façon dont ces défis particuliers transforment le volontariat. Il peut sembler avantageux de considérer le volontariat comme un moyen de faire face aux changements et aux défis mondiaux, mais nous devons comprendre comment le volontariat s’inscrit dans ces changements, et admettre que nous ne pouvons pas l’extraire des inégalités et des injustices qu’il peut lui-même contribuer à réduire.

Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

Résumé

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Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

Étude mondiale sur le volontariat : rapport

Économie du volontariat

La façon de rémunérer et de récompenser le volontariat est un aspect essentiel de la transformation de la pratique du volontariat et des conceptions connexes. Cette question doit toutefois être traitée avec prudence. Les définitions généra-listes du volontariat exigent souvent que l’argent ne soit pas la principale moti-vation, et les observateurs critiquant les pièges du volontariat « rémunéré » sont de plus en plus nombreux (p. ex. Wilson 2007, Lewis 2014, p. 38). Néanmoins, la rémunération du volontariat est plus complexe que ne le suggèrent les gros titres, et doit être étudiée dans ses contextes spécifiques. Il existe des glisse-ments entre les termes utilisés pour désigner les formes de « paiement » et de récompense, ce qui peut se rapprocher d’une dénomination stratégique du tra-vail, voire camoufler l’exploitation d’une main-d’œuvre bon marché. Les projets humanitaires s’appuient tout particulièrement sur le travail volontaire pour économiser des ressources, mais cela peut affaiblir le volontariat durable au niveau communautaire.

Si l’on regarde au-delà de la rémunération, dans le contexte de projets donnés et en termes de fidélisation, on constate que les différents niveaux de rétribution offerts par les organisations et les projets créent une économie hiérarchique du volontariat. La rémunération détermine qui peut devenir volontaire et, selon les inégalités existantes, peut éventuellement exclure les plus pauvres et les moins mobiles d’un point de vue géographique et sur l’échelle sociale. La rému-nération exige une attention particulière dans l’élaboration des politiques et les débats, et il faut s’efforcer de mieux comprendre la façon complexe et spécifique dont elle façonne l’activité des volontaires.

Les volontaires dans les conflits et les situations de crise

Les travaux de recherche et les débats stratégiques sur le volontariat ne s’inté-ressent pas à l’expérience des volontaires locaux dans les conflits et les situa-tions de crise. Malgré l’attention accrue portée au rôle des acteurs locaux dans les conflits et les contextes de crise humanitaire, nous connaissons mal les motivations et les besoins complexes de ces volontaires et ne savons guère com-ment leur apporter un soutien. Ils font pourtant face à des défis uniques et ont des motivations et une expérience qui doivent être intégrées dans le débat sur la conception du volontariat : qui s’engage comme volontaire, de quelle façon, comment mieux soutenir les volontaires ?

Les volontaires locaux peuvent jouer un rôle vital dans les contextes où les acteurs humanitaires internationaux se sont retirés ou ont réduit leur activité, où la société est gravement déstabilisée et où les infrastructures locales ont été détruites. En outre, leurs connaissances peuvent faciliter l’adaptation des inter-ventions humanitaires aux particularités et à la dynamique du contexte local. Cependant, les données collectées montrent que les volontaires locaux sont sous-estimés dans ces contextes et qu’ils ne bénéficient pas d’une protection et d’un soutien suffisants pendant et après leur engagement volontaire. Il apparaît aussi qu’ils jouent un rôle limité dans la prise de décisions, malgré l’importance qu’ils revêtent dans les efforts humanitaires. Il est urgent de mieux mettre en valeur les volontaires locaux dans les situations de conflit ainsi qu’au niveau mondial, tout en garantissant leur sûreté et leur sécurité et en accroissant les ressources qui leur sont allouées.

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L’Étude formule des recommandations dans quatre domaines clés :

Recherche et connaissancesIl est urgent d’approfondir les recherches sur les liens entre volontariat et développement dans les pays du Sud. Il faut se pencher en particulier sur la façon dont les notions de volontariat sont transformées et réinventées dans le contexte de la migration, de l’urbani-sation et de la rémunération des volontaires financée par l’aide humanitaire. Dans le cadre de ces travaux, les points de vue des volontaires et des responsables de la gestion des volontaires doivent être pris au sérieux, et des partenariats productifs doivent être noués avec des organisations ayant recours à des volontaires aux niveaux local et mondial, ainsi qu’avec des institutions universitaires et des acteurs du développement en général.

Attention accordée par les décideurs politiques, les organisations et les donateursMalgré l’importance, dans les pays en développement, du volontariat local pour les prio-rités mondiales en matière humanitaire et de développement, les besoins des volontaires locaux ne reçoivent guère d’attention dans les politiques, dans les textes législatifs et de la part des donateurs. Des investissements sont nécessaires pour créer des environnements favorables au volontariat et lever les obstacles à un engagement renforcé et plus profond. Il faudrait notamment axer les efforts sur les législations qui favorisent, ou au contraire qui entravent, la participation au volontariat. Les millions de volontaires existants doivent être valorisés et soutenus, en s’appuyant sur une bonne compréhension de la manière dont les cultures locales du volontariat se manifestent et apportent une contribution. Aux niveaux mondial et national, une part plus importante des budgets doit être consacrée à des stratégies favorisant un engagement volontaire durable à l’échelon local, ainsi que la prise en compte de cette perspective dans la mise en œuvre locale des travaux et priorités relevant des objectifs de développement durable.

Les volontaires locaux dans les conflits et les situations de criseIl est urgent de mieux comprendre et soutenir les activités des volontaires locaux dans les conflits et les situations de crise. Il faut non seulement conduire des recherches sur leur rôle et leur expérience, mais aussi mener des actions de sensibilisation aux niveaux local et mondial afin que leur travail soit mieux reconnu et que davantage de ressources soient mobilisées pour garantir leur sûreté, leur sécurité et leur bien-être pendant et après leur engagement volontaire. Il s’agit notamment d’améliorer l’accès à la formation, à un équipement adapté, à des soins psychologiques et à un soutien intensif en matière de gestion, et de valoriser le rôle que les volontaires humanitaires jouent au service de leur communauté.

Rémunération des volontairesSur la base des résultats d’une recherche plus approfondie, il est urgent d’engager un débat sur la manière dont les différentes formes de rémunération du volontariat façonnent l’acti-vité des volontaires. Plutôt que préconiser l’harmonisation ou des réformes législatives, nous suggérons, à titre de première étape, un débat ouvert entre les organisations ayant recours à des volontaires, les donateurs, les acteurs humanitaires, les gouvernements et les responsables de la gestion des volontaires visant à cerner les effets produits et à définir des stratégies pour remédier aux effets négatifs. Le but ultime est d’amener les organisa-tions locales et internationales ayant recours à des volontaires à entamer une réflexion sur

Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

Résumé

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Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

Étude mondiale sur le volontariat : rapport

la façon dont elles perçoivent la rémunération des volontaires dans les contextes humani-taires et de développement, et à améliorer leurs pratiques en la matière.

Ces domaines d’action prioritaire pourraient grandement accroître le potentiel d’impact des volontaires à la fois à court terme et à long terme. Les Objectifs de développement durable de l’ONU (ODD) constituent un cadre immédiat dans lequel peuvent s’inscrire les rôles potentiels des volontaires au service d’un progrès social durable dans les pays du Sud comme du Nord. L’Étude met en évidence trois facteurs qui seront primordiaux dans ce contexte :

Échelle : Le volontariat constitue un avantage en termes d’échelle pour la réa-lisation des ODD. Mais promouvoir l’engagement des volontaires n’est pas la même chose qu’en mobiliser de nouveaux – un grand nombre de volontaires sont déjà à l’œuvre et soutiennent les communautés par des méthodes diverses et innovantes. Il faut veiller à ce que l’engagement et la mobilisation autour des ODD respectent les différentes conceptions du volontariat et les pratiques exis-tantes en la matière.

Localisation : Le volontariat offre d’importantes possibilités en matière de prise de décision au niveau communautaire et d’appropriation des objectifs de déve-loppement, conformément aux ODD. Mais ces promesses ne pourront pas se concrétiser si les volontaires sont traités comme une sorte de fournisseurs de services à bas prix, ou si l’idée dominante est celle d’un volontariat fonction-nant du sommet vers la base, coupé des contextes spécifiques dans lesquels il est pratiqué.

Coûts : Le volontariat peut être considéré comme efficace par rapport aux coûts si l’on tient compte de tous les avantages qu’il peut procurer. Il a toutefois un prix et peut être fragilisé s’il est perçu comme une source de main-d’œuvre bon marché. Il est urgent de se pencher sur la façon dont le volontariat est reconnu et récompensé, et des efforts doivent être faits pour garantir la sécurité des volontaires et leur donner accès à une formation et à un équipement appropriés.

Il faut porter une attention soutenue à la façon dont le volontariat est intégré dans les sphères humanitaires et du développement, et veiller à ce que les poli-tiques et pratiques reflètent les réalités changeantes et les inégalités des diffé-rents contextes dans lesquels le volontariat s’inscrit. Faute de quoi, il est peu probable que le volontariat apporte quoi que ce soit de nouveau, et il risque d’être intégré et absorbé sans pouvoir offrir les contributions particulières que lui seul aurait pu apporter.

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Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

À propos du présent rapport

À propos du présent rapport

Afin de comprendre au mieux la dynamique universelle et la dynamique très particulière qui influent sur le volontariat de nos jours, le présent rapport s’ap-puie principalement sur le point de vue de personnes qui, au sein du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, font face à ces évolutions aux niveaux national et local. Ce sont leurs expériences, plutôt que les préconisations et opinions d’universitaires et de décideurs, qui constituent la colonne vertébrale de ce rapport. Il ne s’agit pas de renier les débats et les études plus larges, mais d’attirer l’attention sur des acteurs rarement entendus, qui sont pourtant les mieux placés pour définir le volontariat dans un monde en pleine mutation, marqué par les inégalités et souvent fragile.

C’est d’autant plus important que le volontariat est devenu un thème central du discours sur les politiques sociales et le développement, en raison de ce que les volontaires peuvent apporter à leur communauté et à la société en général par le biais de leurs activités diverses, mais aussi du simple fait d’être des volon-taires. Sans surprise, la promesse de venir en aide aux communautés mar-ginalisées tout en renforçant des compétences personnelles, la participation sociale et la cohésion communautaire, a fait du volontariat un outil très sédui-sant pour les gouvernements, les acteurs de la société civile et les entreprises. Cependant, selon nos données, 90 % des Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge interrogées dans des pays en développement estiment que les investissements dans le développement du volontariat sont bien trop faibles, et qu’elles ne sont pas en mesure de s’assurer les ressources nécessaires pour relever les défis croissants auxquels elles sont confrontées. La présente étude se penche donc sur le volontariat dans un contexte de profonds bouleversements, sur l’intégration du volontariat dans les politiques de développement social, et sur la difficulté de veiller à faciliter le volontariat et à lui allouer les ressources nécessaires en vue de servir les individus et les communautés de façon durable, équitable, et appropriée d’un point de vue social et culturel.

La présente étude vise à éclairer une réflexion nouvelle et stratégique au sein du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, et à contri-buer à une réflexion plus large sur le volontariat et son avenir dans un monde en mutation. Son principal objectif est d’étudier le volontariat dans le contexte de transformations locales et mondiales multiples et de plus en plus interdé-pendantes, et la manière dont celles-ci façonnent la structure des économies, la gestion des approches de l’aide et du développement, ainsi que la formation et la transformation des communautés. Ces domaines de recherche reflètent les défis de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge en termes de programmes, les débats généraux sur les politiques sociales et de développement et la recherche en la matière, et les thèmes soulevés par les travaux sur le volontariat. Ils s’appuient en outre sur des témoignages préliminaires et empiriques recueillis au sein du

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réseau Croix-Rouge et Croissant-Rouge lors d’interactions quotidiennes, de réu-nions et de discussions entre des Sociétés nationales diverses, confrontées à des défis à la fois opposés et complémentaires. C’est pourquoi l’Étude porte explici-tement sur des pays de part et d’autre des frontières mondialement établies du Sud et du Nord, reconnaissant que celles-ci ont toujours été contraignantes et artificielles (Humble et Smith 2007), et qu’elles sont de plus en plus érodées par l’évolution des modèles de développement économique, de l’aide humanitaire et des activités de développement (p. ex. Mawdsley 2012).

Les données de l’Étude mondiale sur le volontariat ont été collectées dans 158 pays sur une période de deux ans. Plus de 250 entretiens ont été réalisés, soit sur Skype, soit en face-à-face. Les personnes interrogées sur Skype étaient géné-ralement responsables du développement du volontariat au niveau national au

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sein de leur Société nationale, faisaient partie de leur organisation depuis plus de deux ans, et y avaient, dans bien des cas, exercé de nombreuses fonctions, y compris en tant que volontaires. Un petit nombre d’entretiens (38) ont en outre été réalisés avec des spécialistes internes et externes du volontariat, notam-ment des professionnels du développement organisationnel, des responsables et des experts techniques issus d’autres organisations ayant recours à des volon-taires, des décideurs et des universitaires. Les entretiens ont été conduits par des enquêteurs internes de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (Fédération internationale). La plupart ont duré environ une heure et ont été enregistrés, retranscrits et classés par catégories de réponses définies par l’équipe de recherche de base. Par ailleurs, une enquête qualitative a été réalisée auprès de 340 volontaires dans neuf pays de chacune des régions identifiées par la Fédération internationale (Amériques, Afrique, Moyen-Orient et Afrique du Nord, Europe et Asie centrale, et Asie-Pacifique). Les réponses ont ensuite été analysées par des enquêteurs de la Fédération inter-nationale sous la conduite du professeur Matt Baillie Smith, de l’Université de Northumbria (Royaume-Uni).

En outre, huit études de cas approfondies ont été entreprises dans toutes ces régions, dans le cadre desquelles un ou deux chercheurs ont effectué des visites sur le terrain pendant une à deux semaines. Des entretiens directs ont alors été menés avec des volontaires, des responsables, du personnel, et parfois des organisations externes, des membres du gouvernement et des décideurs. Ces études de cas visaient à examiner plus en profondeur certains des problèmes clés révélés par l’Étude.

L’équipe de recherche était délibérément constituée en majorité d’enquêteurs internes en vue de garantir une approche participative et productive avec les personnes dont le travail pâtit le plus de ces problèmes, et de favoriser le déve-loppement des capacités en méthodologie de recherche. Outre des connais-sances pratiques sur le volontariat, tous les enquêteurs avaient une certaine expérience des méthodologies de recherche.

Les enquêteurs ont été soutenus par une équipe consultative constituée de plu-sieurs universitaires et spécialistes de la recherche et du volontariat, qui ont guidé la méthodologie et l’analyse.

En vue de mettre en avant le point de vue des volontaires et de ceux qui les sou-tiennent, nous avons choisi de les citer fréquemment dans le présent rapport. Ces citations sont généralement reproduites mot pour mot dans un souci de fidélité. Les entretiens ont été réalisés sous garantie d’anonymat ; par consé-quent, dans la plupart des cas, la citation est paraphée du rôle de la personne interrogée et de la région dans laquelle se trouve sa Société nationale. Dans les rares cas où il était important de comprendre à quel pays il est fait référence, nous avons apporté cette précision après en avoir demandé l’autorisation à la personne interrogée.

Si le présent rapport résume et examine les principaux thèmes et problèmes évoqués par les personnes interrogées, il ne rend en aucun cas compte de tous les débats ou questionnements suscités par l’Étude. Il est axé sur les volontaires des pays du Sud dans le contexte de l’aide humanitaire et du développement, et vise ainsi à pallier le relatif manque de travaux actuel sur le volontariat local en dehors des pays du Nord. Nous avons dégagé les thèmes considérés comme les plus problématiques par les personnes interrogées, et qui recoupent nos données. Nous avons aussi dégagé des thèmes illustrant les liens entre le volontariat et les principaux changements socio-économiques contemporains,

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À propos du présent rapport

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Étude mondiale sur le volontariat : rapport

ainsi que les défis que présentent ces changements. Enfin, nous avons cherché à mettre en avant des conclusions portant sur des domaines qui restent relati-vement mal compris ou peu étudiés, comme le volontariat dans les situations de conflit. Il convient toutefois de reconnaître l’influence des positions des auteurs sur le développement de l’analyse et des thèmes. Shaun Hazeldine est conseiller principal au développement du volontariat à la Fédération interna-tionale, et s’occupe particulièrement de favoriser le renforcement des écosys-tèmes des volontaires locaux, des pratiques organisationnelles et des approches du volontariat. Cela suppose d’élaborer des politiques, de nouer des relations et de mettre au point des stratégies d’apprentissage et de partage des connais-sances, ainsi que de promouvoir la mobilisation au niveau mondial en faveur du volontariat pour le développement. Matt Baillie Smith est professeur de développement international, spécialisé dans la recherche sur le volontariat, le développement, la société civile et la citoyenneté, et ancien collaborateur d’une ONG. Le présent rapport expose donc à la fois l’opinion des personnes interro-gées et les politiques et pratiques qui intéressent particulièrement les auteurs, ainsi que leur analyse des lacunes actuelles en matière de recherche.

Il est à espérer que le présent rapport stimulera le débat entre les organisations ayant recours à des volontaires, les acteurs du développement, les gouverne-ments, les entreprises et quiconque contribue à façonner les environnements dans lesquels les individus font du volontariat. Il propose une large vue d’ensemble de l’Étude et met en évidence les thèmes clés nécessitant débat. L’exploitation des données collectées donnera lieu à des conclusions supplémen-taires et approfondies sur certains des thèmes clés. Ces conclusions, assorties de références complètes à la littérature scientifique et théorique en général, seront publiées en 2016. Au vu de la longueur du présent rapport, et pour en faciliter la lecture et l’accès, nous avons cherché à limiter les références. De plus, il existe déjà des rapports et d’autres documents donnant un aperçu de la littérature sur le volontariat, que nous ne souhaitons pas répéter (VNU 2011, VNU 2015). Les conclusions de l’Étude seront en outre diffusées dans des pré-sentations, des séminaires en ligne, des documents de conférence et les médias sociaux en vue de nourrir le débat au sein et au-delà du réseau Croix-Rouge et Croissant-Rouge, et d’améliorer la compréhension de certains des thèmes et questionnements soulevés. Elles seront publiées sur le site web de l’Étude mon-diale sur le volontariat1 et actualisées au fur et à mesure.

Le rapport comporte quatre grands chapitres :

Le chapitre 1, Cultures du volontariat : entre l’universel et le particulier, porte sur la difficulté de comprendre et de gérer le volontariat aux niveaux local et mon-dial, et soutient qu’il faut être attentif à la façon dont certaines « cultures » du volontariat façonnent les politiques et pratiques en vigueur. Alors que le volon-tariat est de plus en plus reconnu et soutenu au niveau mondial, en particulier dans le cadre de la réalisation des objectifs humanitaires et de développement, on tend à considérer que les définitions et les normes élaborées dans les pays du Nord sont valables et pertinentes dans le monde entier. Il faut donc porter une attention accrue aux différentes histoires et conceptions culturelles liées au volontariat dans le monde, aux formes très variées que revêt le volontariat dans différentes cultures et communautés, et à la façon dont ces différentes approches se combinent.

Le chapitre 2, Volontariat et communautés en pleine mutation, analyse les défis que présentent de profonds bouleversements socio-culturels et économiques, et la manière dont ils façonnent les communautés dont sont issus les volontaires et dans lesquelles ils travaillent. Ce faisant, il démontre l’importance de replacer

1 http ://www.ifrc.org/fr/introduction/volontaires/global-review-on-volunteering/

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les conceptions du volontariat dans le contexte de processus évolutifs multiples et interdépendants, et confirme la nécessité d’être attentif à la manière dont les conceptions du volontariat évoluent, se meuvent, et résultent d’interactions variées, notamment au sein d’organisations et entre elles.

Le chapitre 3, Économie du volontariat, se penche sur la question de la rémunéra-tion et des mesures d’incitation, et sur leur lien avec les dépenses d’aide huma-nitaire et de développement. Il soutient que les normes mondiales relatives à la « rémunération » ne cernent pas nécessairement la manière complexe dont la rémunération du volontariat façonne le profil des volontaires et la forme que prend leur engagement. Il souligne la manière dont les dépenses d’aide humani-taire et de développement façonnent des modèles de rémunération, créant des hiérarchies du volontariat qui ont des incidences plus larges sur la durabilité du volontariat local.

Le chapitre 4, Les volontaires dans les conflits et les situations de crise, examine le sou-tien apporté aux volontaires dans les conflits et les situations de crise, contextes dans lesquels les volontaires sont de plus en plus nombreux dans les pays du Sud. Il fait valoir que les volontaires jouent un rôle de plus en plus important dans un contexte où les acteurs humanitaires internationaux se sont retirés et où les infrastructures locales ont été détruites. Il confirme en outre qu’il faut apporter un soutien bien plus important à ces volontaires et approfondir les recherches en vue de comprendre leurs besoins et leurs expériences.

Le rapport se termine par des recommandations et des réflexions sur les impli-cations des conclusions pour les Objectifs de développement durable.

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À propos du présent rapport

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Chapitre 1 Cultures du volontariat : entre l’universel et le particulier

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Ce chapitre porte sur la difficulté de comprendre et de gérer le volon-tariat aux niveaux local et mondial, et soutient qu’il faut être attentif à la façon dont certaines « cultures » du volontariat façonnent les politiques et pratiques en vigueur. « Il pose en outre la question de savoir si les définitions du volontariat considérées comme universelles devraient être imposées dans tous les contextes, et préconise une plus grande ouverture d’esprit à l’égard des modèles de volontariat fondés sur les particularités de cultures et de situations diverses. »

Pour le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (Mouvement), le volontariat remonte à la naissance de la Croix-Rouge, en 1859, lorsque son fondateur, Henry Dunant, rassembla des villageois locaux pour porter secours aux blessés sur le champ de bataille de Solferino. Les volontaires firent ce qu’ils purent pour aider les soldats blessés, indépendamment de leur camp ; beaucoup voient là l’origine de l’assistance humanitaire moderne. Plus de 150 ans plus tard, le volontariat2 demeure au cœur du Mouvement, dont il est un des sept Principes fondamentaux, officiellement adoptés en 1965. Aujourd’hui, les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge comptent jusqu’à 17 millions de volontaires locaux dans 190 pays.

Il est un aspect du volontariat qui transparaît clairement dans toute l’organi-sation : nombre des personnes ayant participé à la présente étude considèrent que les volontaires occupent une place « centrale » dans le Mouvement. Ces der-niers sont souvent décrits comme la « colonne vertébrale » du Mouvement, et nombreux sont ceux qui expriment des sentiments tels que « nous ne pourrions exister sans les volontaires ». Selon la Stratégie 2020 de la Fédération interna-tionale3, « le volontariat est au cœur du renforcement des communautés » et « contribue au développement humain durable ». La Stratégie 2020 reconnaît en outre que les capacités et l’efficacité d’une Société nationale sont directement liées à sa faculté de mobiliser, de gérer et d’autonomiser les volontaires dans toutes les communautés qu’elle sert.

Chapitre 1

Cultures du volontariat : entre l’universel et le particulier

2 Il est un mouvement de secours volontaire et désintéressé. Plus d’informations ici : http ://www.ifrc.org/fr/vision-et-mission/vision-et-mission/les-7-principes----les-7-principes/

3 Stratégie qui guide les 190 membres de la Fédération internationale.

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Étude mondiale sur le volontariat : rapport

La définition du terme « volontaire » est formulée dans la Politique de la Fédération internationale relative au volontariat (2011) : « Un volontaire de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge est une personne qui mène des activités bénévoles pour une Société nationale de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge, de façon occasionnelle ou régulière. […] Le volontariat est une activité qui repose sur le libre engagement, et n’est nullement motivé par la perspective d’un béné-fice matériel ou financier ou par des pressions extérieures de nature sociale, économique ou politique. » Cette définition est quasiment identique à celles éta-blies par de nombreuses autres organisations ayant recours à des volontaires, y compris les Volontaires des Nations Unies (VNU).

La Politique de la Fédération internationale relative au volontariat (2011) énonce en outre que les volontaires devraient être plus que de simples « fournisseurs de services », qu’ils devraient prendre part à la prise de décisions, et à la conception et l’élaboration des programmes dans lesquels ils s’engagent. De plus, les volon-taires sont encouragés à devenir membres de leur organisation et à jouer un rôle dans la gouvernance de leur Société nationale, ou même de la Fédération inter-nationale, en participant à des conseils et à d’autres comités de gouvernance.

L’attachement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge au volontariat va tou-tefois au-delà des simples fondements et fonctions organisationnels internes. Selon la Politique relative au volontariat, « [en] outre, les Sociétés nationales travaillent avec les gouvernements, le secteur privé et d’autres partenaires pour promouvoir et favoriser un environnement favorable au volontariat dans la vie du pays ». C’est dans cet esprit que le présent rapport est publié ; il ne traite pas que du Mouvement, mais aussi du volontariat en général, des tendances et des problèmes qui touchent les organisations ayant recours à des volontaires, ainsi que du rôle de la Fédération internationale dans la promotion du volontariat aux niveaux local et mondial.

Nos résultats nous poussent à espérer que le présent rapport permettra de modifier la manière dont les personnes participant à l’élaboration des politiques de volontariat aux niveaux mondial et local conçoivent et décrivent le volon-tariat. Alors que le volontariat est de plus en plus reconnu comme une force mondiale pour le développement communautaire, les secours humanitaires et même la réalisation d’objectifs socio-économiques à l’échelle mondiale, on tend à le considérer de façon trop monolithique, ou à croire qu’il répond à certaines normes universelles.

Or, il existe souvent des tensions très palpables entre l’universel et le particulier dans une organisation mondiale présente et opérant aussi aux niveaux national et local. Les concepts mondiaux du volontariat formel (pratiqué au sein d’une organisation ou dans un autre contexte formel) interagissent avec les notions locales de volontariat formel et informel (pratiqué en dehors d’une organisation et exprimant un engagement communautaire ou culturel, ou une conscience sociale ou humanitaire). Si les conceptions mondiales peuvent aider à norma-liser et à simplifier les mécanismes de promotion et de gestion du volontariat, on ne peut revendiquer « l’universalité » du volontariat sans risquer d’occulter ou de piétiner les différentes pratiques et expériences de volontariat. Dans chaque contexte, le volontariat est façonné par des facteurs sociaux, culturels, politiques, économiques, religieux et autres bien précis. Alors que le volontariat est de plus en plus mis en avant et loué pour son rôle dans la réalisation des macro-objectifs de développement (VNU 2015), les tensions grandissent entre l’universel et le particulier.

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Chapitre 1 Cultures du volontariat : entre l’universel et le particulier

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La recherche d’une terminologie et d’une conception mondiales du volontariat est en partie motivée par le désir de promouvoir la constance, d’améliorer la réalisation des projets, et de veiller à ce que les volontaires de l’organisation reçoivent une formation et un soutien de haut niveau et à ce que les « meilleures pratiques » soient employées. Il est certain qu’il est primordial d’assurer l’effica-cité et la fidélisation des volontaires pour ce qui est des capacités organisation-nelles et de la réalisation de programmes au sein de communautés vulnérables. Mais comme nous le verrons au Chapitre 4, on peut arguer que cette normali-sation répond en partie au besoin de gérer un grand nombre de projets financés par des donateurs étrangers, surtout dans les pays en développement, ce qui requiert une approche du volontariat permettant une réalisation rapide des projets de grande ampleur. Cette normalisation répond aussi aux exigences de suivi et d’évaluation découlant des principes de redevabilité à l’égard des béné-ficiaires comme des donateurs. Toutefois, il convient de constater que le vocabu-laire universel employé pour décrire le volontariat relève du lexique stratégique et politique d’acteurs aux ambitions et intérêts divers en matière de volontariat, et peut donc être assez éloigné de la réalité des volontaires sur le terrain. Selon Mosse, le contrôle de l’interprétation d’événements (ou dans notre cas, d’une pratique donnée) joue grandement sur la manière dont le contrôle est exercé dans le développement (Mosse 2005 p. 8). On se demande alors comment cer-taines conceptions du volontariat sont concrétisées et par qui.

La présente étude a relevé de nombreux cas dans lesquels les conceptions mondiales du volontariat étaient en conflit avec les conceptions locales tradi-tionnelles, dans le meilleur des cas, ou pire, y portaient atteinte. Afin que les volontaires locaux continuent de jouer un rôle crucial pour l’engagement et la mobilisation des communautés dans le cadre des ODD, ainsi que pour le bien-être des communautés et la réalisation des programmes de développement, il faut être plus attentif aux interactions et aux interdépendances entre les diffé-rentes conceptions du volontariat. Il faut en outre s’efforcer davantage de voir comment ces définitions peuvent se combiner de manière productive et efficace. Dans le contexte du déséquilibre des pouvoirs entre les acteurs mondiaux et les organisations communautaires, nous devons veiller à ce que la « mondialité », si séduisante en termes de stratégie, n’occulte pas le local et le particulier, plus complexes et diversifiés.

« Cultures » du volontariat

L’Étude révèle non seulement que le terme « volontaire » ne peut être considéré comme acquis, mais aussi qu’il peut même avoir des connotations négatives. Bien que le volontariat occupe une place centrale au sein du Mouvement, plu-sieurs Sociétés nationales ont indiqué que ce terme ne leur était pas familier, alors même que le volontariat se pratique largement dans leur culture. Ainsi, la Croix-Rouge islandaise a déclaré que l’approche et la terminologie promues par le Mouvement en matière de volontariat étaient peu reconnues dans le pays.

« Les journaux disent souvent que l’Islande n’a pas de grande tradition du volontariat, mais si on se renseigne, on se rend compte que c’est faux, car les Islandais font en fait beaucoup de volontariat dans diverses organisations, sans pour autant appeler cela du volontariat. La Croix-Rouge a une définition du volontariat qui pourrait ne pas être la même que celle de la population. »

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Étude mondiale sur le volontariat : rapport

Dans les communautés aborigènes d’Australie, pour lesquelles la réciprocité à l’égard de la famille et de la communauté présente une dimension culturelle forte (Kerr et al. 2001 p. 8), le terme « volontaire » est parfois perçu négativement car il sous-entend que certaines obligations contractées envers l’organisation l’emporteraient sur les engagements familiaux ou communautaires (Kerr et al. 2001 p. 8 ; Jope 2008). Quand elle a commencé à nouer un dialogue significatif avec des communautés aborigènes isolées, la Croix-Rouge australienne a dû œuvrer avec elles en vue d’adapter le modèle et les concepts du volontariat et d’élaborer un cadre qui ait du sens dans la culture aborigène. La Société natio-nale s’est appuyée sur les traditions de ces communautés au lieu de tenter de les remplacer. Par exemple, le terme « volontariat » est devenu dans certaines com-munautés « aide communautaire », renfermant ainsi le sens d’obligation envers la communauté plutôt qu’envers une organisation.

Ces conceptions variées et localisées du volontariat posent de grosses difficultés pour les notions introduites par la Fédération internationale et les Sociétés nationales et leur promotion au niveau local. À peine plus de la moitié des Sociétés nationales ayant participé à la présente étude considère qu’il existe une longue histoire et une tradition forte du volontariat dans leur pays. Plusieurs des Sociétés nationales ayant indiqué que le volontariat faisait intrinsèquement partie de leur culture ont nommé une tradition particulière du volontariat, comme Bayanihan ou Alayon aux Philippines, Siasanana à Madagascar, ikibiri au Burundi et Al Huda en Palestine.

« Avant la création de la Société du Croissant-Rouge palestinien, le volontariat n’était pas organisé. Ce qu’on appelle « Al Huda », et qui signifie aide ou coopération, reste connu et pratiqué de nos jours dans les villages, les provinces et les camps palestiniens. Nos ancêtres nous exhortaient à faire du volontariat et une fois la Société nationale créée, cette activité s’est organisée, ce qui a incité de nombreuses personnes à mettre en œuvre des programmes au sein de la communauté palestinienne. » (Croissant-Rouge palestinien)

Dans de nombreuses communautés du monde, le terme « volontaire » institu-tionnalise des cultures d’entraide existantes et sous-entend l’adaptation de la communauté à l’organisation ayant recours à des volontaires, plutôt que l’inverse (Fowler et Wilkonson-Maposa 2013). On peut affirmer que le modèle de volontariat occidental tient pour acquise, voire projette, une sorte de lien, d’obligation personnels ou communautaires cohérents à l’échelle mondiale. Cela signifie soit que les modèles de volontariat locaux peuvent être ignorés ou exclus, soit qu’ils doivent s’adapter à un modèle externe pour fonctionner avec des acteurs mondiaux, ou des acteurs locaux adhérant à des constructions occi-dentales du volontariat ou financés par elles.

« Le Swaziland est un véritable modèle d’esprit volontaire. Le pays est toujours empreint d’une culture de bienveillance découlant notamment de la tradition selon laquelle nous devons promettre allégeance à nos chefs locaux, ainsi qu’au roi et à la reine lors de cer-taines activités, exercice auquel les populations se plient sans difficulté. Je crois donc que la culture du volontariat est très riche au Swaziland, mais qu’elle ne rentre pas vraiment dans le moule de la Croix-Rouge. » (Société de la Croix-Rouge du Swaziland)

Ici, le volontariat est compris dans le contexte des démonstrations de « bien-veillance » propres à une culture. Mais cet exemple fait aussi apparaître une forte impression de culture du volontariat de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ce que viennent corroborer d’autres informations, même si cela n’a pas été dit et défini précisément, et encore moins conçu en termes de « culture » ou de façon de faire les choses. Par conséquent, outre porter une attention accrue aux cultures « locales » du volontariat, il nous faut plus généralement

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Chapitre 1 Cultures du volontariat : entre l’universel et le particulier

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reconnaître la « culture » du volontariat existant au sein du Mouvement. Nous pouvons voir cette culture comme un ensemble de mécanismes, d’attentes, d’exigences en matière de compte rendu, d’idéaux et de conceptions divers qui déterminent la façon dont la Fédération internationale et les Sociétés nationales promeuvent le volontariat au niveau local. Parler de « cultures » nous permet de comprendre comment le Mouvement conçoit et encourage le volontariat de la même manière que nous étudions les stratégies des acteurs locaux. Autrement dit, cela nous évite de considérer les approches utilisées par le Mouvement d’un simple point de vue technique ou de gestion, et les approches locales en termes de « cultures » ; en effet, toutes sont façonnées par des histoires et des traditions précises qui sous-tendent certaines formes organisationnelles. Dès lors, nous disposons d’une plateforme pour étudier des interactions et des dia-logues plus égaux.

L’idée de cosmopolitisme permet aussi de réfléchir à la manière dont des « cultures » et des ensembles d’idées différents se combinent, et peut fournir un cadre de réflexion sur l’association de différentes cultures du volontariat. Le concept de cosmopolitisme fait l’objet d’un grand débat parmi les spécialistes (p. ex. Pogge 2002, Vertovec et Cohen 2002, Delanty 2006) ; il est généralement associé au fait de « penser et sentir au-delà de l’État » et à la reconnaissance de l’égalité de tous les êtres humains, quelle que soit leur nationalité. Un certain nombre de dispositions, approches et structures de gouvernance peuvent en découler. Le rôle que les acteurs de la société civile mondiale peuvent jouer dans des formes de démocratie plus cosmopolites allant au-delà de l’État-nation suscite un vif intérêt (p. ex. Held 2006), de même que l’utilité et l’importance de tolérer les « différences » culturelles et la contagion, que ce soit de manière délibérée ou du fait de circonstances économiques ou autres (p. ex. Datta 2009, Baillie Smith et Jenkins 2012).

Le cosmopolitisme, ce n’est pas seulement l’acceptation de la « différence », c’est aussi la transformation mutuelle de « soi » et de « l’autre » (Delanty 2006), dans le cadre de la création d’un ordre mondial plus cosmopolite qui respecte et protège les droits et l’humanité de tous. Dans ce contexte, la rencontre de « cultures » différentes ne peut entraîner uniquement l’évolution d’une des parties. Dans la perspective de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, la question est de savoir dans quelle mesure le Mouvement tolère différentes approches du volontariat, tout en s’attendant au respect de sa définition culturelle dominante. Il s’agit de savoir si le Mouvement, qui opère entre concepts universels et particuliers, est disposé à évoluer et à modifier les notions de volontariat dominantes qu’il a établies. Dans quelle mesure les autres « cultures » du volontariat sont-elles marginalisées, tandis que celle de la Croix-Rouge (ou d’une autre organisation internationale) est mise en œuvre ? Dans quelle mesure l’organisation est-elle ouverte à ces différences et permet-elle à ces évolutions culturelles de fluctuer et d’entraîner des changements à maints niveaux de l’organisation ?

Les comptes rendus fournis par les 158 Sociétés nationales qui ont participé à la présente étude font état d’un mélange d’approches. Dans certains pays, la « culture » préexistante du volontariat (les « traditions riches, locales ») doit s’adapter à ce qui est perçu comme la « culture » Croix-Rouge et Croissant-Rouge, tandis que dans d’autres, cette « culture » fait preuve de plus d’innovation et d’adaptation en partenariat avec d’autres cultures du volontariat. Au Burundi, où la plupart des communautés rurales s’organisent autour de collines, la Croix-Rouge du Burundi a développé un réseau d’unités locales solides et dynamiques de volontaires, prenant appui sur des normes culturelles locales.

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Étude mondiale sur le volontariat : rapport

« Nous devons le succès des unités de colline et de la gestion des volontaires au fait que nous prenons appui sur notre propre culture, qui favorise la solidarité et le volontariat. Dans notre tradition ancestrale, il existe des pratiques appelées « ikibiri ». Par exemple, si cent personnes travaillent dans un champ à la demande d’une personne, cette personne leur offrira une chope de bière. La Croix-Rouge n’a fait que raviver la flamme qui s’était éteinte après dix ans de guerre. Nous avons montré aux communautés des exemples de solidarité burundaise traditionnelle pour raviver cette flamme. Nous les avons mises au défi. Les personnes qui se sont essayées au volontariat ont apprécié leur expérience, en ont parlé autour d’elles, et le mot est passé d’une colline à l’autre. »

« Nous avons énormément de pratiques ancestrales. Par exemple, « l’enfant n’est pas réservé qu’à la famille ». Cela signifie qu’un enfant appartient à la communauté toute entière ; il incombe à chacun de le mettre sur le bon chemin. Cette pratique montre que le Burundi d’avant avait des valeurs et nous utilisons cet outil dans le domaine de la protec-tion de l’enfance. La vulnérabilité d’un enfant est l’affaire de tous, pas seulement la famille. Nous prenons appui sur notre culture et nos proverbes pour amorcer des changements. »

En réfléchissant sur les cultures du volontariat de leur pays, plusieurs Sociétés nationales ont indiqué que les possibilités de volontariat qu’elles proposaient permettaient à ces cultures de se pérenniser. Au Luxembourg, la Croix-Rouge favorise la continuité de la cohésion sociale et de la participation du voisinage.

« Le Luxembourg étant un petit pays, chacun est plutôt proche de ses voisins, tout du moins dans les zones rurales, et la mobilisation en faveur des causes sociales est très forte. C’est ce qui explique en partie l’attrait qu’exerce la Croix-Rouge du Luxembourg, pas tant par ses principes et ses valeurs que par ses activités sociales ouvertes à tous. »

Ainsi, la cohésion entre les « cultures » du volontariat locales, nationales et plus vastes a renforcé la mobilisation des volontaires. Ce phénomène est très diver-sifié et trouve son origine dans des histoires différentes et dans les traditions politiques, culturelles et sociales des pays. Dans de nombreux pays, la foi joue un rôle majeur, comme le montrent des études plus générales sur l’importance de la foi pour le volontariat et l’action civique d’hier et d’aujourd’hui (Wuthnow 2004, Green et al. 2010, VNU 2011, Baillie Smith et al. 2013). La Croix-Rouge ita-lienne, en particulier, a mis en évidence ce lien :

« Je ne parlerais pas d’influences culturelles particulières mais, de manière générale, du profond sentiment de solidarité et d’altruisme qui caractérise notre pays. Nul doute que notre longue tradition religieuse a d’une certaine manière influencé et favorisé ces caracté-ristiques chez la population. »

La Croix-Rouge portugaise a, elle aussi, fait état de l’influence de la religion sur les attitudes culturelles à l’égard du volontariat : « Il existe des influences culturelles spécifiques. Il convient de mentionner que la tradition de solidarité et de charité est profon-dément ancrée dans la société en général. Par ailleurs, l’Église a traditionnellement mené de nombreuses activités caritatives tout au long de l’histoire. Tout cela crée un terrain propice pour la Croix-Rouge. »

La Société de la Croix-Rouge de l’Ouganda a elle aussi relevé la grande impor-tance culturelle de la foi : « À l’église, on encourage encore les gens à s’aider les uns les autres, alors quand un prêtre parle de se soutenir, cela […] peut influencer notre travail [et nous aider] à avancer. [Il s’agit] donc d’une influence positive. »

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Chapitre 1 Cultures du volontariat : entre l’universel et le particulier

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Si les cultures du volontariat peuvent être façonnées par des traditions ou des institutions particulières, elles ne sont pas statiques. En effet, il est impor-tant de reconnaître que les cultures du volontariat, qu’elles se fondent sur les « normes » d’acteurs mondiaux ou trouvent leur origine dans l’histoire et des traditions nationales, évoluent constamment sous l’effet de changements poli-tiques, économiques et sociaux aux niveaux local et mondial. La Croix-Rouge chinoise a corrélé une forte mobilisation des volontaires au sein de son organi-sation à l’émergence d’un engagement en faveur des services publics, ainsi qu’à des traditions altruistes plus anciennes.

« Le volontariat et l’altruisme ont toujours fait partie de la culture traditionnelle de la Chine. Les concepts modernes du volontariat sont aussi bien perçus par les Chinois. Le public s’engage avec de plus en plus d’enthousiasme dans les services publics. Il ne nous est pas particulièrement difficile de recruter des volontaires ; le plus dur est de mettre au point davantage de services à base communautaire pour attirer davantage de volontaires. »

Le fait que les cultures du volontariat ne soient pas fixées ou isolées, mais mou-vantes et liées entre elles, met en évidence la nécessité de porter une attention accrue aux différentes façons dont elles se combinent. Ces processus, qu’ils soient dus aux pratiques des organisations mondiales ou à un accroissement de la mobilité et des liens entre les personnes et les communautés, sont essen-tiels pour comprendre ce que signifie le volontariat dans un monde de plus en plus mondialisé. Il nous faut les reconnaître et les comprendre, faute de quoi le nouvel intérêt suscité par le volontariat au niveau mondial risque de se tourner vers des formes et des conceptions du volontariat parfaitement compartimen-tées qui ne correspondent pas aux réalités changeantes sur le terrain.

Cultures du volontariat et changements politiques

Environ 15 % des Sociétés nationales ont indiqué que leur culture locale du volontariat était surtout façonnée par leur histoire politique récente. Parmi elles, 71 % représentaient d’anciens États socialistes européens, qui s’étaient parfois approprié le terme « volontaire » pour désigner des formes de partici-pation forcée, lui conférant ainsi des connotations très négatives et un sens bien éloigné des définitions mondiales et communautaires. (D’autres Sociétés nationales ont mentionné des influences politiques plus contemporaines sur le volontariat.)

« Auparavant, on appelait « volontariat » les programmes socialistes obligatoires. C’est pourquoi les activités organisées avaient mauvaise réputation. Même à l’époque, la popu-lation était disposée à apporter son aide, mais elle avait une vision négative des acti-vités organisées. Nous devons restaurer sa confiance à l’égard des activités organisées. Néanmoins, la Croix-Rouge inspire confiance ; elle est bien connue et respectée au sein des communautés. »

Environ un cinquième des Sociétés nationales représentant les anciens États communistes d’Europe centrale et d’Europe de l’Est4 et les pays de l’ex-Union soviétique5 ont explicitement indiqué que le volontariat avait mauvaise répu-tation auprès de leurs citoyens en raison du volontariat coercitif ou obligatoire pratiqué durant l’ère socialiste. Un tiers de ces Sociétés nationales ont fait part d’une faible participation des volontaires, en particulier parmi les personnes plus âgées.

4 Allemagne de l’Est (aujourd’hui : Allemagne), Pologne, Hongrie, Bulgarie, Tchécoslovaquie (aujourd’hui : République tchèque et Slovaquie), Roumanie, Albanie et Yougoslavie (aujourd’hui : Bosnie-Herzégovine, Croatie, Kosovo, République de Macédoine, Serbie et Slovénie).

5 Fédération de Russie, Ukraine, Ouzbékistan, Kazakhstan, Bélarus, Azerbaïdjan, Géorgie, Tadjikistan, République de Moldova, Kirghizistan, Lituanie, Turkménistan, Arménie, Lettonie et Estonie.

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Étude mondiale sur le volontariat : rapport

Ces observations recoupent des études précédentes, qui avaient identifié un lien entre le caractère obligatoire du « volontariat » dans le passé et la résistance à laquelle le volontariat se heurtait encore de nos jours (voir Snajdr 2012, GHK 2010, Anke et al. 2010, Voicu et Voicu 2009, Kuti 2004).

Étant donné que les Sociétés de la Croix-Rouge de l’ère socialiste étaient aussi des organisations de volontaires actives, il se peut que les citoyens ne fassent pas la différence entre la Société nationale historique et la Société nationale actuelle. Toutefois, la faible participation des volontaires s’explique en outre par l’accès croissant à de nouvelles voies d’action discursive et communau-taire (par ex. la presse libre, les manifestations et les rassemblements publics) apparues à la fin du régime communiste (Snajdr 2012). Ces nouvelles voies, auparavant proscrites, représentent peut-être un mode d’engagement civique plus accessible que le volontariat. Le chômage et le ralentissement économique entrent aussi en jeu, bien qu’ils ne touchent pas seulement les anciens États socialistes européens. Un représentant de la Société nationale d’un ancien pays socialiste a formulé la remarque suivante :

« Ce qui est intéressant, c’est qu’après la dictature, [le] terme volontaire était difficile à expliquer en raison de l’héritage laissé par le système communiste, dans lequel le volon-tariat était obligatoire. La transition de cette conception à la véritable définition du volon-tariat a pris beaucoup de temps… À présent, [la compréhension du volontariat] est bien meilleure et en général, la population commence à exprimer sa volonté propre et ne conçoit plus le volontariat comme quelque chose d’obligatoire. »

Une autre personne interrogée a fait une observation semblable :

« À mon avis, la principale influence culturelle a trait à l’ère communiste, durant laquelle les citoyens étaient plus ou moins obligés d’être membres d’une organisation de protec-tion sociale ou de participer à des activités en la matière. En raison de cet héritage, les personnes qui ont connu cette époque sont peu disposées à s’engager activement au sein d’organisations sociales ou humanitaires et à participer à des activités bénévoles, tandis que les nouvelles générations (celles nées dans les années 1990 et après) voient le volonta-riat d’un tout autre œil, s’engagent plus volontiers comme volontaires au sein d’organisa-tions sociales ou humanitaires, et assument davantage de responsabilités à l’égard de leur communauté locale. Cette évolution se poursuit. »

À l’inverse, certaines Sociétés nationales représentant d’anciens États socia-listes ont indiqué que des volontaires plus anciens étaient restés au sein de l’organisation, dans une large mesure en raison du sentiment d’appartenance et d’identité que le volontariat continue de procurer à long terme.

« Nous comptions et comptons toujours de nombreux volontaires de longue date. Avant, les gens naissaient, devenaient membres de la Croix-Rouge et restaient volontaires toute leur vie. »

D’autres Sociétés nationales estiment que le volontariat est associé aux per-sonnes âgées ou attachées à la tradition, et n’intéresse pas les jeunes. Un parti-cipant issu d’Europe orientale a ainsi déclaré :

« Le concept du volontariat n’est pas particulièrement tendance ou moderne pour les jeunes. »

Non seulement tous ces exemples étayent la manière dont l’histoire politique façonne le volontariat, mais aussi ils soulignent l’importance du contexte his-torique en général.

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Chapitre 1 Cultures du volontariat : entre l’universel et le particulier

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Ces exemples illustrent les défis que représente à l’heure actuelle l’héritage laissé par des constructions antérieures du volontariat. Ils montrent aussi qu’il existe des continuités entre les expériences des volontaires individuels, sou-lignant la nécessité de prêter attention au particulier et à l’historique, et à la manière dont de nombreux facteurs se combinent et déterminent la nature du volontariat dans un pays donné, à un moment donné. Enfin, ils mettent en garde contre les grandes généralisations sur les cultures du volontariat, et montrent en particulier qu’il faut éviter de fonder des activités d’assistance sociale et de développement sur l’application de ces généralisations dans des contextes différents.

Conclusion : cultures du volontariat et « normes » mondiales relatives au volontariat

L’existence de différentes « cultures » du volontariat, et la manière dont elles se combinent et évoluent au fil du temps, compliquent la définition du volontariat au-delà de la sphère locale. C’est d’autant plus le cas dans le contexte de la pro-motion croissante du volontariat au niveau mondial, en tant qu’activité locale pouvant contribuer à la réalisation des objectifs de développement. La plupart des définitions du terme « volontariat » semblent neutres, formulées comme elles le sont dans un jargon organisationnel formel, et font souvent référence à l’universalité du volontariat. Mais ces définitions sont, dans une large mesure, façonnées par les notions et les expériences des organisations sises dans les pays du Nord, et par des études sur le volontariat menées principalement en Europe, en Amérique du Nord et en Australie. Comme l’ont fait remarquer Patel et al. à propos de leurs travaux en Afrique du Sud : « Dans les pays où l’étude a été menée, les informations, travaux de recherche et publications concernant les services et le volontariat sont rares. » (2007, p. 5) La définition du volontariat généralement admise par les pays du Nord tend à s’articuler autour de trois piliers :

Il repose sur le libre engagement.

Il bénéficie d’une façon ou d’une autre à la communauté, au-delà du cercle familial du volontaire.

Et il n’est pas principalement motivé par la perspective d’un bénéfice matériel ou financier.

Les définitions contenant des éléments de ces trois piliers abondent dans la littérature scientifique (p. ex. VNU 2011). Pourtant, notre étude a clairement identifié un ensemble de facteurs qui remettent en question ces définitions ainsi que d’autres normes relatives au volontariat, telles qu’admises dans la plupart des pays développés. En qualifiant d’universelles des définitions ancrées dans les expériences des pays du Nord, on privilégie certaines formes de volonta-riat à d’autres. Cela peut aussi se produire quand ces définitions universelles prétendent célébrer la diversité des cultures du volontariat sans remettre en question les pensées ou pratiques en vigueur. Par ailleurs, en promouvant et en énonçant des définitions « universelles », les acteurs mondiaux du volon-tariat accroissent grandement leur influence et leur autorité. Ainsi, certaines cultures du volontariat et les modèles de financement, les cadres politiques, les stratégies de mobilisation des communautés, les outils de gestion, les activités

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Étude mondiale sur le volontariat : rapport

de sensibilisation et la recherche connexes s’implantent en tant que normes « universelles » relatives au volontariat. Tout comme la mobilisation d’acteurs locaux sert à légitimer des acteurs du développement et des activités en la matière – alors qu’en réalité les acteurs locaux restent marginalisés (Baillie Smith et Jenkins 2011) –, il est à craindre que l’on fasse de la diversité un argu-ment de promotion du volontariat à l’échelle mondiale, même si cette promo-tion affaiblit diverses pratiques du volontariat.

De même que la communauté humanitaire et de l’aide au développement a appris que l’on ne peut ni ne doit transplanter des notions des pays du Nord dans ceux du Sud, la communauté du volontariat doit prendre ce problème au sérieux. Cela suppose de reconnaître les différentes cultures et histoires du volontariat, et d’éviter de proclamer l’universalité de certains préceptes. Le volontariat est intimement lié à l’histoire, à l’identité, aux événements qui se sont déroulés dans un contexte donné et aux changements qui s’opèrent actuellement dans la société. Il n’est pas forcément aussi formel que nous le pensons. La réflexion sur le volontariat ne peut s’axer uniquement sur la gestion des volontaires, l’appui technique et les systèmes connexes, même si le secteur humanitaire réclame des stratégies officielles conformes aux normes en matière de financement et de compte rendu. Il faut reconnaître que cette approche relève de cultures du volontariat et du développement précises, faute de quoi les organisations et les capacités locales se trouveront fragilisées, comme elles l’ont souvent été par les stratégies de l’aide et du développement. L’approche managériale et la dépolitisation du développement, c’est-à-dire l’attention croissante portée au développement dans l’optique d’une tâche administrative à gérer plutôt que de la lutte contre des rapports de force inégaux (Ferguson 1994, Quarles van Ufford et al. 2003), pourraient faire passer au second plan les formes de volontariat non conformes aux systèmes connexes de prise de décision, de redevabilité et de compte rendu. Les formes de gestion des volontaires résultant de la mise en avant de l’individu dans les pays du Nord pourraient ne pas reconnaître ou respecter les autres formes de volontariat articulées autour de la collectivité. Il faut être attentif non seulement à la relation entre l’universel et le particulier, mais aussi, dans de nombreux pays, à celle entre les cultures du volontariat et du développement. Ces processus de négociation ne sont pas suffisamment étudiés pour nous permettre de comprendre ce qui fonctionne et comment, ou le concept des nouveaux types de volontariat qui apparaissent.

Ces questions ne relèvent pas uniquement de l’ordre secondaire de la termino-logie ou de la formulation ; elles ont une incidence sur la vision que les commu-nautés avec lesquelles nous œuvrons ont du monde. Elles influent aussi sur la manière dont nous envisageons le développement, et les relations entre les com-munautés, la manière dont ces communautés se définissent et gèrent le pouvoir. Il est primordial de comprendre ces communautés et de pouvoir s’adapter pour les aider à réaliser leurs aspirations en matière de développement. En outre, il est essentiel de se méfier des normes mondiales relatives au volontariat, surtout à l’aube d’un programme de développement mondial qui tend peut-être plus que jamais à la localisation.

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Chapitre 2 Volontariat et communautés en pleine mutation

Ce chapitre analyse les défis que présentent de profonds bouleverse-ments socio-culturels et économiques, et la manière dont ils façonnent les communautés dont sont issus les volontaires et dans lesquelles ils proposent leurs services. Ce faisant, il démontre l’importance de replacer le volontariat dans le contexte de processus évolutifs mul-tiples et interdépendants (dont nos conceptions du volontariat font partie) qui résultent d’interactions variées, notamment au sein d’or-ganisations et entre elles.

« Nous faisons face à de nombreux défis, parmi lesquels l’évolution rapide du monde, de tout. C’est un défi majeur, vous comprenez ? Tout change à toute allure ; comment répon-drons-nous à ces transformations ? Les modes de communication changent, les gouver-nants changent, les modes de pensée changent. Comment pouvons-nous faire face à ces changements dans les plus brefs délais ? Aujourd’hui, [le volontaire] a beaucoup à faire de son temps. Il a accès à la télévision, à des modes de transport qui lui permettent de rendre plus facilement visite à qui il veut. Il a moins de temps à donner qu’avant, vous voyez ? »

Cette observation, qui émane d’un participant travaillant pour une Société nationale d’Afrique de l’Ouest, traduit des sentiments largement partagés : tous les changements qui s’opèrent autour de nous sont omniprésents et n’épargnent presque aucun aspect de nos vies. Certains ressentent aussi du désespoir et un sentiment d’urgence, comme l’explique un participant issu d’une Société natio-nale du Moyen-Orient :

« Il n’existe pas de solution à court terme. Ce phénomène aura des répercussions sur le pays pendant les dix prochaines années. L’immigration va s’intensifier, la conjoncture économique va empirer [et] la situation en matière de sécurité n’est pas très bonne. Par conséquent, les perspectives de volontariat ne sont pas très bonnes non plus. C’est pour-quoi nous devons au plus vite faire notre possible pour remédier à ces problèmes. »

Les transformations issues de la mondialisation, le contraste et l’accélération des modèles de croissance économique, ainsi que la persistance de la sta-gnation et des politiques d’austérité, l’évolution des communications et des médias à l’échelle mondiale, l’apparition de nouvelles formes de mobilité et de

Chapitre 2

Volontariat et communautés en pleine mutation

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Étude mondiale sur le volontariat : rapport

migration, et la modification des formes de gouvernance étatique et mondiale, bouleversent profondément le volontariat. La vitesse à laquelle les changements s’opèrent dans ces domaines façonne non seulement la dynamique des commu-nautés dans lesquelles les volontaires œuvrent, mais aussi le profil des volon-taires, les raisons pour lesquelles ils s’engagent comme volontaires et la forme que prend leur engagement.

Généralement, l’impact de ces bouleversements est bien documenté dans les pays du Nord (p. ex. au Royaume-Uni : Milligan et Fife 2005, Rochester et al. 2010), ce qui façonne souvent les débats dominants sur le volontariat. Toutefois, on en sait moins sur les expériences des volontaires et des organisations ayant recours à des volontaires dans les pays en développement ; or, il se peut que nombre d’entre eux aient des priorités différentes. Ainsi, de nombreuses Sociétés nationales des pays développés et à revenu moyen se sont mises à favo-riser le volontariat d’entreprise dans le contexte de la responsabilité sociale des entreprises (p. ex. Baillie Smith et Laurie 2011, Samuel 2013), mais les résultats sont mitigés dans les pays en développement, où nombre de Sociétés nationales ont indiqué que malgré l’émergence du secteur privé, le concept de responsabi-lité sociale des entreprises est peu répandu. Dans les pays en développement, celles qui ont pu nouer un dialogue avec des entreprises ont pour la plupart formé des partenariats qui accordent, au mieux, une place limitée au volonta-riat. Il existe de nombreux exemples de partenariats forts entre le secteur privé et les Sociétés nationales de pays en développement qui répondent efficacement aux besoins des communautés. Cependant, l’élément volontariat de ces initia-tives est souvent sous-développé. Si l’on peut en déduire que des améliorations sont possibles dans les années à venir, il apparaît aussi clairement que de nom-breux pays considèrent que la mise à contribution du monde de l’entreprise par le biais du volontariat ne joue qu’un rôle mineur dans la résolution des pro-blèmes humanitaires. Par exemple, la participation des volontaires d’entreprise aux campagnes de don du sang est chose courante, mais leur contribution aux programmes de développement à plus long terme l’est moins. Voilà qui montre qu’il ne faut pas louer trop vite le rôle du volontariat d’entreprise dans le déve-loppement. Bien que le volontariat soit devenu une composante majeure des stratégies des sociétés des pays du Sud en matière de responsabilité sociale, et que plusieurs partenariats entre le secteur privé et la société civile aient été très remarqués, ce sous-ensemble du volontariat international peut occulter le manque de volontariat guidé par la responsabilité sociale des entreprises et par les volontaires dans les pays du Sud. Pourtant, des entreprises internationales sont implantées dans ces pays et des entreprises domestiques gagnent en force dans certains contextes.

Ce n’est là qu’un des exemples qui montrent qu’une évolution importante pour le volontariat dans les pays du Nord peut ne pas avoir les mêmes incidences ail-leurs. Il est donc essentiel de comprendre les changements précis qui façonnent le volontariat dans des circonstances extrêmement diverses pour pouvoir réagir pertinemment à ces bouleversements rapides. Le présent chapitre étudie la mutation des communautés dans lesquelles les volontaires évoluent en analy-sant les effets de la migration et de la mobilité, de l’urbanisation, du vieillisse-ment de la population et de l’émergence de communautés en ligne. Ce sont de vastes sujets en soi ; c’est pourquoi nous présenterons avant tout les avis des personnes interrogées et leurs témoignages sur la manière dont ces mutations influent sur leur travail.

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Chapitre 2 Volontariat et communautés en pleine mutation

Migration et mobilité

D’après des organisations chargées d’étudier les flux migratoires, le nombre de personnes qui se déplacent n’a jamais été aussi élevé. Dans le même temps, dans le monde, des millions de personnes se sont récemment installées dans de nouvelles maisons et communautés, créant de nouveaux problèmes et possibi-lités pour les volontaires qui s’emploient à améliorer les conditions de vie et à réduire les souffrances des autres.

Il s’ensuit que, dans certaines parties du monde, les communautés sont plus diverses que jamais et vivent plus ou moins en harmonie. Il convient en outre de noter que la migration est un phénomène mondial. Si la migration Sud-Nord est sous le feu des projecteurs, la migration Sud-Sud est à peu près aussi impor-tante ; le phénomène migratoire touche donc quasiment tous les pays, ce qui remet en question l’opinion publique sur le sujet.

La plupart des Sociétés nationales pour lesquelles la migration est un problème ayant des incidences sur le volontariat ont volontiers reconnu à la fois les défis et les possibilités qu’elle représente. Handy et Greenspan (2009) indiquent que les avantages qu’apporte le volontariat en termes de capital social et humain jouent un rôle dans l’intégration des communautés immigrantes. Les parti-cipants à notre étude partagent cet avis lorsqu’ils évoquent le volontariat et la migration. Ils voient dans le volontariat une stratégie pouvant servir à ren-forcer la cohésion et l’intégration sociales, en donnant aux nouveaux venus la possibilité de jouer un rôle dans la société, de nouer de nouvelles relations et de développer un sentiment d’appartenance. Un participant issu d’une Société nationale d’Afrique de l’Ouest a illustré cette stratégie :

« Nos provinces ont des cultures différentes, ce qui nous permet de favoriser la diversité culturelle en rassemblant des jeunes volontaires de tous horizons. Cela nous rend plus forts. Notre diversité est un outil pédagogique et une source de gratification sociale. Pour nous, c’est une force de cohésion, un moyen de développer la solidarité nationale, car nous attachons de l’importance à la cohésion sociale, au rapprochement entre les citoyens et à la solidarité nationale. Par conséquent, cette richesse culturelle fait partie intégrante de notre modèle et de nos ressources humaines. C’est une de nos forces. »

De la même manière, selon un participant d’un pays d’Asie du Sud-Est, le volon-tariat donne aux nouveaux résidents et citoyens la possibilité de développer un sentiment d’appartenance dans leur pays d’adoption.

« Au cours des dix dernières années, [notre pays a] admis de nombreux étrangers. Nous avons accordé un permis de résidence permanente et la citoyenneté à de nombreuses per-sonnes venues surtout d’Asie. De nombreux jeunes étudiants sont devenus volontaires pour apporter leur aide à leur pays d’adoption et développer un sentiment d’appartenance. »

Quelques Sociétés nationales ont mis à profit le réseau mondial de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge en vue de faciliter la transition pour les migrants. Ainsi, une Société nationale d’Asie centrale propose des cours de russe à l’intention des personnes sur le point d’émigrer en Russie et les oriente vers les sections de la Croix-Rouge russe présentes dans les villes vers lesquelles elles émigrent.

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Étude mondiale sur le volontariat : rapport

Les comportements migratoires internationaux font que de nombreuses per-sonnes partent à la recherche de possibilités d’emploi ou de formation ; pour cer-taines Sociétés nationales, cela complique la mobilisation des volontaires. Cette tendance est mise en évidence par une Société nationale d’Europe orientale :

« Aujourd’hui, nous sommes confrontés au fait que des personnes quittent le pays ou leur région d’origine, et partent travailler dans les grandes villes… La question de l’emploi et de la migration pose un gros problème à l’heure actuelle. De même que la politique de l’emploi dans l’Union européenne, et le fait qu’il est facile de trouver du travail en Finlande, en Allemagne, au Royaume-Uni. Il est très facile de quitter le pays, et c’est ce que font les gens : ils quittent leur village ou leur ville pour trouver un meilleur emploi. »

Dans certains pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, des responsables de la gestion des volontaires font un constat semblable :

« Ici, les jeunes franchissent la frontière et passent en Arabie saoudite ou dans les pays voisins dans l’espoir [de gagner] leur vie. » (Société nationale du Moyen-Orient)

« À mon avis, le phénomène de la migration va empirer. Beaucoup de jeunes veulent quitter le pays pour trouver du travail. Les conditions de vie sont difficiles actuellement. Aucun secteur d’activité ne recrute à part le tourisme, et encore. » (Société nationale d’Afrique du Nord)

Dans certaines régions, le nombre de jeunes qui se déplacent est particulière-ment élevé, comme le montre cette observation d’un représentant d’une Société nationale d’Afrique de l’Est :

« Le taux de chômage est très élevé dans le pays, en particulier chez les jeunes. Ceux-ci décident donc parfois d’entreprendre ce qu’on appelle « un aventureux voyage » à destina-tion des pays arabes, de l’Europe, ou d’ailleurs. Ils recherchent simplement des conditions de vie ou une éducation meilleures, ou quelque chose comme ça. »

Ce phénomène entraîne une diminution du nombre de volontaires potentiels clés, en particulier dans les pays moins peuplés. En outre, il augmente sou-vent la pression qui pèse sur les volontaires restants, comme c’est le cas pour la Société nationale d’une île du Pacifique.

« Dans les dix années à venir, la migration [continuera de constituer] un gros problème. Certains de nos volontaires ont des responsabilités dans plusieurs organisations. Ils sont engagés à l’église, au sport, au sein de la Croix-Rouge, dans une association de parents d’élèves, au conseil d’école, que sais-je. En raison de nos effectifs réduits et du déclin de notre population, de plus en plus de volontaires exercent différentes responsabilités au sein de la communauté. C’est ce qui se passe dans les sections, où le maire est aussi respon-sable de l’énergie ou de l’eau. C’est déjà un défi aujourd’hui, mais les choses pourraient bien empirer à l’avenir. »

En règle générale, les Sociétés nationales tentent d’étendre leur rayon d’action à tout le pays, en maintenant la présence de volontaires dans la plupart des régions, si ce n’est toutes. Mais pour certaines, l’impact de la migration (et de l’urbanisation) a été tel que les jeunes, surtout, ont quasiment déserté les centres ruraux, entraînant une diminution des effectifs de volontaires, mais pas forcément des besoins en matière de volontariat. Ce problème ne touche pas que les pays en développement, comme l’indique cette personne issue d’une Société nationale d’Europe occidentale :

« L’évolution démographique et le vieillissement de la population constituent un problème considérable. Nous assistons à un mouvement migratoire assez important des campagnes vers les villes. Dans l’est, en particulier, certains villages sont pratiquement désertés ;

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Chapitre 2 Volontariat et communautés en pleine mutation

seules quelques personnes âgées y vivent toujours. Cela pose de gros défis, y compris pour le maintien des services de santé à l’intention de ces personnes. »

Si certaines Sociétés nationales essaient de gérer un grand afflux de personnes en diversifiant leurs effectifs, d’autres se retrouvent à tenter de résoudre les nombreux problèmes sociaux et de santé qui touchent leur communauté avec un nombre de volontaires potentiels en diminution, surtout dans les zones rurales ou reculées.

Étude de casUne foire culinaire favorise la compréhension

En Macédoine, un programme mis en place par la Croix-Rouge de l’ex-République yougoslave de Macédoine propose une petite aide financière à des projets élaborés et menés par des jeunes. Un groupe de jeunes issu d’un centre régional a conçu un projet visant à promouvoir la compréhension et la coopération entre les Albanais, les Macédoniens et les Roms. Ceux-ci ont collaboré pour développer des activités conjointes, y compris une foire culinaire. Il a été estimé que ce projet avait contribué non seulement à améliorer la compréhension entre les communautés, mais aussi à favoriser de futurs partenariats.

En plus de chercher à toucher l’ensemble du pays, les Sociétés nationales visent à garantir une représentation adéquate de toutes les composantes de la com-munauté au sein de leur organisation.

En matière de développement, il existe dans la littérature scientifique et dans la pratique un consensus bien établi selon lequel les bénéficiaires doivent être véritablement représentés au sein de l’organisation qui les sert (OCDE 2006, HCDH 2007, PNUD 2008). Ce consensus est notamment contenu dans la devise « rien pour nous sans nous », et d’aucuns demandent que le programme de déve-loppement pour l’après-2015 garantisse une forte participation des titulaires de droits à tous les niveaux.

Dans cet esprit, la Politique de la Fédération internationale relative au volonta-riat (2011) recommande que « [les] Sociétés nationales reconnaissent la valeur d’une main-d’œuvre volontaire diversifiée et recrutent activement des volon-taires, sans considération de race, d’ethnie, de sexe, d’orientation sexuelle, de croyances religieuses, de handicaps éventuels ou d’âge. »

Elle énonce ensuite que les Sociétés nationales devraient « [lever] les obstacles physiques, économiques, sociaux et culturels à leur participation et recrutent des volontaires sur la base de leur potentiel. »

C’est parfois plus facile à dire qu’à faire. Comme le remarque la Société nationale d’un pays d’Europe occidentale qui accueille actuellement un grand nombre de migrants, les transformations rapides qui touchent les communautés rendent parfois les défis énoncés dans la Politique de plus en plus difficiles à relever.

« Malheureusement, notre Société nationale ne peut se targuer d’une base de volontaires qui représente et reflète la diversité culturelle et sociale de notre pays. Notre pays est de plus en plus multiculturel et multiethnique, mais seul un faible pourcentage de non-citoyens, par exemple, fait du volontariat pour la Croix-Rouge… La migration [est un phénomène qui aura des incidences sur le volontariat]. Il est de notoriété publique que notre pays compte parmi ceux qui accueillent le plus de migrants. » (Employé, Société nationale d’Europe occidentale)

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Étude mondiale sur le volontariat : rapport

Une étude réalisée par une autre Société nationale d’Europe occidentale a révélé que si 15 % de la population du pays était d’une manière ou d’une autre liée à la migration, seulement 2 % de ce groupe était engagé au sein de la Croix-Rouge comme volontaire. De la même façon, selon un responsable volontaire d’une Société nationale des îles du Pacifique, il est particulièrement difficile de consti-tuer une base de volontaires dont la diversité corresponde à celle de la popula-tion dans les zones plus peuplées.

« Dans les îles reculées, j’imagine qu’on compte des représentants de tous les secteurs de la population : des membres du gouvernement, des responsables religieux, des chefs traditionnels, etc. Je crois que la composition des effectifs est équilibrée car le nombre [d’habitants] est moins élevé. Mais dans l’île principale, c’est plus compliqué car il y a aussi des communautés de migrants, qui ne sont pas nécessairement représentées… En tout cas, pour ce qui est des activités en cours, je dirais qu’il n’y a pas de migrants parmi les volontaires. »

Les changements rapides et les afflux engendrés par la mobilité accrue à l’échelle mondiale posent un problème particulièrement aigu, car il y a dans certains pays des groupes qui ne font que passer et dont le statut officiel et l’acceptation, de manière générale, font débat. Parallèlement, ces groupes sont hétérogènes et sont composés d’individus qui ont des croyances, une origine ethnique et une situation socio-économique différentes, de même que des besoins individuels variés et souvent complexes. Il a été constaté qu’il était primordial de consulter les groupes vulnérables et de les faire participer à la prestation de services pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement (PNUD et SNV 2009) et définir le programme de développement pour l’après-2015 (PNUD 2013). Certaines Sociétés nationales ont observé qu’elles mettaient souvent en place des services ciblant les communautés récemment arrivées, mais peinaient par-fois à obtenir une participation active de ces communautés. Un représentant d’une Société nationale d’Amérique du Sud explique ainsi :

« On connaît actuellement une forte augmentation de l’immigration, et je crois que [notre Société nationale] voit les migrants comme des bénéficiaires plutôt que comme des volon-taires. Mais il arrive aussi que des personnes se portent volontaires. Je crois que c’est un phénomène qui pourrait s’amplifier avec le temps. »

Un employé d’une Société nationale d’Europe occidentale fait part de la même inquiétude :

« Nombre de nos programmes s’adressent aux migrants, mais je dirais que nous n’avons pas vraiment réussi à obtenir qu’eux-mêmes participent à ces programmes en tant que volontaires. »

Tandis que quelques Sociétés nationales commencent à effectuer des modi-fications préliminaires en vue de mieux prendre en compte la diversité (par exemple en traduisant des supports ou en lançant des campagnes de recru-tement ciblées), d’autres opèrent des transformations organisationnelles bien plus importantes comme la modification des supports de communication et de travail, l’élaboration de politiques des ressources humaines plus soucieuses des différences culturelles, le recrutement d’employés issus de communautés diverses, la définition de politiques et de stratégies applicables à l’ensemble de l’organisation, des formations multiculturelles à l’intention du personnel, et l’ouverture de bureaux ou de centres au sein des nouvelles communautés ou de celles qui apparaissent. Toutefois, la plupart des Sociétés nationales ont admis qu’il restait encore du chemin à parcourir.

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Chapitre 2 Volontariat et communautés en pleine mutation

Outre les personnes qui migrent pour des raisons d’éducation ou d’emploi, il y a dans le monde 60 millions de personnes déplacées par des conflits ou la persécution (HCR 2015). Nombre des personnes qui ont vécu le traumatisme de la guerre ou l’extrême violence, et ont été forcées de fuir leur maison, ont des besoins spécifiques que certaines Sociétés nationales peinent à satisfaire (nous étudierons quelques-uns de ces besoins plus en détail dans le chapitre sur les volontaires dans les conflits). Selon certaines Sociétés nationales, l’afflux de personnes dans des zones déjà densément peuplées a posé d’énormes pro-blèmes dans leur pays. Non seulement ces Sociétés nationales ont dû intensifier leur action pour apporter un soutien dans les camps de réfugiés ou les commu-nautés d’accueil, mais aussi elles ont dû trouver de nouveaux moyens de faire face à l’évolution des centres urbains, dont la population a considérablement augmenté. Pour les Sociétés nationales qui opéraient déjà avec des ressources limitées, cette situation s’est révélée très problématique, comme l’indique une Société nationale du Moyen-Orient :

« Ici, il y a énormément de réfugiés dans les camps. Nos volontaires travaillent avec eux, mais les habitants de la région leur demandent souvent : ‘Pourquoi les aidez-vous ? Nous avons nos propres problèmes, que faites-vous pour les régler ?’ »

Malgré tout, quelques Sociétés nationales, en particulier au Moyen-Orient et en Afrique, ont mis au point d’excellents modèles de renforcement de la participa-tion et du volontariat au sein de ces communautés (voir l’étude de cas ci-après).

L’apparition de communautés de plus en plus diverses, et parfois fragmentées, engendre différentes interprétations et notions du volontariat qui doivent être prises en compte au niveau local, par les acteurs locaux et mondiaux. La difficulté de faire face à des formes de communauté changeantes est particulièrement fla-grante dans le contexte des répercussions de l’urbanisation sur le volontariat.

Étude de cas

En Tanzanie, le camp de Nyarugusu héberge un peu plus de 68 000 réfugiés venus principalement de la République démocratique du Congo (RDC) et du Burundi. Nombre d’entre eux y vivent depuis des années. À l’intérieur du camp, la Croix-Rouge nationale de Tanzanie a mobilisé des réfugiés qui mènent des activités de volontariat auprès des autres réfugiés.

L’un de ces volontaires est Joël Kambale, qui a fui la RDC en 2006 car il y avait « trop de combats, trop de tueries ». Après avoir reçu une assistance de la Croix-Rouge dans sa fuite, Joël Kambale est devenu volontaire de la Croix-Rouge il y a cinq ans pour offrir son aide en retour.

« J’ai été formé par la Croix-Rouge après mon arrivée au camp », dit cet homme de 42 ans, père de deux enfants, qui ajoute avoir trop peur pour retourner en RDC. Il collabore avec la Croix-Rouge pour élaborer et mener des campagnes sanitaires, et fait le lien entre les services de santé et la communauté. Des centaines d’autres volontaires viennent, comme lui, en aide à la population du camp.

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Étude mondiale sur le volontariat : rapport

Urbanisation et communautés en mutation

« D’une certaine façon, deux mondes coexistent ici, et quand quelqu’un vient d’un pays où le volontariat est un mode de vie, cela se voit. Il ne s’agit pas du volontariat tel que nous le connaissons ; c’est juste un mode de vie. Quand un voisin n’a pas de quoi manger, vous lui donnez de la nourriture ; si une tempête s’annonce, vous aidez les personnes âgées à préparer leur maison. Cela fait tout simplement partie de nos traditions. Mais [les per-sonnes] qui vont à la ville, où les traditions ne sont pas celles des villages, veulent gagner de l’argent. Tout change en ville, y compris les rapports à l’aide. Les gens peinent à survivre, ont besoin d’argent, n’ont pas le temps ; ils n’appartiennent plus à une communauté de la même manière. À présent, ils sont connectés sur des réseaux sociaux, recherchent des opportunités ; ils participent, mais moins longtemps, et ils veulent quelque chose. Les choses changent. »

Cette remarque d’un employé d’une Société nationale d’Afrique de l’Est jette une lumière sur la façon dont le volontariat évolue dans le contexte de l’urbani-sation croissante, à la fois dans les nouvelles communautés des volontaires et dans celles qu’ils ont laissées derrière eux. Ces observations sont d’autant plus parlantes que la majorité de la population mondiale vit dorénavant en ville, et la part de la population urbaine continuera d’augmenter jusqu’à atteindre 70 % d’ici 30-40 ans (OMS 2010). Pour la première fois dans l’histoire, la population est majoritairement citadine, et c’est la première fois qu’un aussi grand nombre de personnes migrent aussi rapidement, ce qui a des incidences particulières sur le volontariat. Au cours des vingt dernières années, ce changement a été frappant en Amérique latine, dans les Caraïbes, en Europe, en Amérique du Nord et dans certaines parties d’Asie et d’Afrique, où les jeunes notamment ont quitté les zones rurales pour la ville, en quête de débouchés économiques ou autres (DAES ONU 2014). Les Sociétés nationales et les autres organisations ayant recours à des volontaires dans les pays en développement font face à un nouvel ensemble de facteurs complexes qui façonnent non seulement le profil des volontaires et la forme que prend leur engagement, mais aussi la nature des besoins des communautés que les volontaires peuvent contribuer à satisfaire.

Le plus grand défi identifié par les Sociétés nationales en milieu urbain est de loin la fidélisation des volontaires. Dans le même temps, des études plus vastes ont révélé en la matière des différences importantes entre les milieux ruraux et urbains (Freeman et al. 2009). Si la fidélisation des volontaires fait partie des problèmes d’ordre général qui se posent depuis quelques années à la plupart des Sociétés nationales, il semble qu’elle soit surtout inhérente à la gestion des volontaires en milieu urbain. Le problème se pose depuis un certain temps aux Sociétés nationales des pays développés. Dans certains pays en développement et à revenu moyen, les volontaires restent deux à quatre ans en moyenne, ce qui représente une longue durée en comparaison avec de nombreux autres pays. Mais la plupart de ces Sociétés nationales indiquent que les volontaires ont ten-dance à s’engager moins longtemps. Ainsi, une Société nationale d’Europe cen-trale déclare :

« Le plus dur est de fidéliser les volontaires, surtout les volontaires non traditionnels, si je peux les appeler ainsi. Dans notre cas, c’est une tâche continue et constante, et la gestion des volontaires devrait faire partie de notre travail quotidien à tous les niveaux. Pourtant, nous avons encore du mal à nous y faire. Mes collègues ont tendance à dire que notre pro-blème tient au recrutement, et quand nous avons des réunions, ils se plaignent du manque de volontaires et de la difficulté de recruter. Dans la pratique, il en va autrement : nous trouvons des volontaires, mais nous avons du mal à les garder. »

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Chapitre 2 Volontariat et communautés en pleine mutation

Non seulement la durée d’engagement globale diminue, mais aussi de nom-breuses Sociétés nationales ont observé des engagements à raison d’une semaine ou d’un mois, ou une réduction générale du nombre d’heures effec-tuées. Une Société nationale d’Asie du Sud-Est a remarqué qu’en milieu urbain, les volontaires s’engageaient en moyenne 72 heures par an, contre 104 heures il y a seulement quelques années (Fédération internationale 2014). Ces obser-vations varient grandement, mais force est de reconnaître que notre étude met en évidence une tendance générale à s’engager sur une durée plus courte. Il est important de noter que les facteurs sous-jacents sont complexes et variés, et si la littérature stratégique et scientifique en général fait état d’un volontariat plus épisodique (p. ex. Cnaan et Handy 2005), la présente étude montre qu’il faut éviter de se livrer à des généralisations sur les raisons de ce phénomène, comme nous le verrons au Chapitre 3. Pour les Sociétés nationales, il s’agit de savoir quel est le meilleur moyen de recruter des volontaires n’ayant pas les mêmes attentes que par le passé, comme c’est le cas d’une Société nationale des Caraïbes :

« Nous nous sommes rendu compte que le volontaire traditionnel, qui s’engage à servir la Croix-Rouge dès que celle-ci a besoin de lui, n’existe plus vraiment. Nous voyons de plus en plus de volontaires disponibles à court terme ou, chose surprenante, de volontaires qui cherchent seulement à rendre service pendant deux heures ou éventuellement une semaine, et c’est à peu près tout. Beaucoup de volontaires veulent prendre part à des pro-jets à court terme, mais pas vraiment à long terme, et c’est à cela que je pense en termes d’intégration culturelle de toute la région. »

Pour nombre de Sociétés nationales, cette tendance a entraîné une augmenta-tion des investissements nécessaires rien que pour conserver leurs effectifs de volontaires et assurer la formation dont ces derniers ont besoin pour remplir leur rôle. Un responsable de la gestion des volontaires d’une Société nationale d’Afrique du Nord fait état de difficultés constantes, malgré un accroissement des investissements.

« Eh bien, oui. Nous vivons dans un monde en évolution, et les besoins évoluent… Nous devons repenser le volontariat, trouver de nouveaux moyens de fidéliser les volontaires. Avant, les volontaires s’engageaient sur une durée moyenne d’au moins trois ans. Aujourd’hui, même si nous organisons beaucoup de formations, nous constatons une baisse. Nous tentons de motiver nos volontaires. Nous avons déployé des efforts considé-rables ; nous formons 15 000 volontaires par an au lieu de 10 000. Malgré tout, le nombre de volontaires diminue. »

Le lien entre les réseaux sociaux et la confiance diffère dans les modèles de capital social ruraux et urbains, ce qui a des répercussions sur les compor-tements pro-sociaux comme le volontariat (Beaudoin et Thorson 2004). Si ces répercussions peuvent être négatives dans les centres urbains, les volontaires et les employés de certaines Sociétés nationales ont remarqué qu’en ville, les volontaires peuvent être plus susceptibles de chercher des possibilités de faire du volontariat en vue de nouer des liens. Ce qu’on a parfois qualifié de « capital social relationnel » semble plus inhérent au volontariat en milieu urbain :

« Quand j’ai déménagé pour [la ville], je ne connaissais pas grand monde, alors j’ai com-mencé à faire du volontariat, en partie simplement pour faire de nouvelles connaissances. » (Volontaire, Asie-Pacifique)

« J’ai décidé de faire du volontariat parce que quelqu’un me l’avait demandé et que je sou-haitais améliorer mes relations interpersonnelles et faire de nouvelles connaissances… À présent, cela fait plus de la moitié de ma vie que je fréquente certains de mes amis. » (Volontaire, Amérique centrale)

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Étude mondiale sur le volontariat : rapport

Les défis rencontrés par les Sociétés nationales, et les possibilités offertes par ces bouleversements, ne relèvent pas seulement de la gestion et de l’administra-tion, mais touchent au cœur de ce que le volontariat signifie pour les individus et les organisations. Ces défis dépendent largement de la manière dont l’urba-nisation reconfigure les communautés. Dans les centres urbains, les commu-nautés sont parfois plus mouvantes et hétérogènes, et tissent souvent des liens complexes qui peuvent être indépendants les uns des autres, ce qui fait que les communautés se confondent et se lient entre elles en milieu urbain.

L’aspect le plus important des communautés urbaines tient à leur nombre : il arrive que des centaines, voire des milliers de communautés coexistent, s’im-briquent, interagissent et se disputent l’ascendant et les ressources (Fédération internationale 2014). En ville, si l’on ne connaît pas forcément ses voisins, on appartient souvent à de multiples communautés locales ou lointaines, imbri-quées ou indépendantes les unes des autres, par le biais de collègues de travail, d’amis de longue date, de la famille, d’associations sportives, religieuses ou de loisirs, de communautés en ligne et de communautés ethniques. Par consé-quent, les approches traditionnelles du volontariat et de la mobilisation des communautés généralement employées dans les zones rurales, fondées sur des concepts de communauté localisés et moins complexes, sont de moins en moins efficaces.

« [Notre modèle de mobilisation des volontaires] fonctionne très bien dans les villages mais nous n’avons pas obtenu le même succès dans la capitale. Nous devons réfléchir à d’autres stratégies, notamment pour attirer les jeunes. » (Employé, Société nationale d’Afrique centrale)

Dans un contexte de rapports de force complexes qui s’articulent entre des communautés diverses, il est devenu plus compliqué d’identifier des commu-nautés distinctes. Il est donc plus difficile de nouer des relations avec des com-munautés spécifiques et il faut pour cela mieux comprendre la complexité des différents systèmes et relations qui les définissent.

D’après les personnes interrogées, les difficultés économiques auxquelles sont confrontés les volontaires potentiels en milieu urbain, en particulier dans les pays en développement, ont elles aussi des effets négatifs considérables sur le volontariat. L’évolution de l’économie du volontariat est au cœur d’un des cha-pitres suivants, mais pour beaucoup, ces difficultés sont inextricablement liées à la dynamique des milieux urbains. Les gens migrent en quête de meilleures perspectives économiques, et finissent parfois par être séparés des structures locales de soutien et de subsistance qui les protègent au sein des communautés rurales. Ils réduisent alors le temps qu’ils consacrent au volontariat, car ils sont davantage préoccupés par la recherche d’un emploi, dans des circonstances qui sont souvent difficiles et qui isolent, de fortes pressions étant exercées sur eux pour qu’ils rapportent un revenu « à la maison ».

« Nous peinons à recruter des volontaires dans les centres urbains. Dans les zones rurales, c’est plus facile. Le volontariat consiste principalement à travailler dans les champs ou à participer à des collectes de fonds en faveur des personnes vulnérables. En ville, un seul emploi ne suffit pas pour subvenir aux besoins de la famille, alors les gens ont moins de temps. » (Responsable de la gestion des volontaires, Société nationale d’Afrique centrale)

« C’est le mouvement des populations des villages vers les villes, et la conjoncture éco-nomique. La plupart des volontaires sont étudiants, rencontrent eux aussi des difficultés économiques, et n’ont pas le temps de faire du volontariat. » (Employé, Société nationale d’Europe orientale)

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Chapitre 2 Volontariat et communautés en pleine mutation

L’idée de faire du volontariat en échange d’une récompense économique ou autre diffère elle aussi en milieu urbain, où les activités de volontariat sont plus fermement ancrées dans un contexte de recherche d’emploi rémunéré, et où il est nécessaire d’avoir de l’argent pour survivre et se déplacer au quotidien. Les défis sont plus importants encore pour ceux qui vivent dans une ville loin de « chez eux » et de leur famille. Ces impératifs font que de nombreux volontaires urbains potentiels espèrent une compensation ou une récompense économique en retour de leur engagement au sein d’une Société nationale.

« Dans les villages, 98 % des volontaires s’engagent sans exiger de compensation. Mais dans les villes, on observe que quand des volontaires se présentent, ils demandent quelque chose. Ils réclament un moyen de transport et ainsi de suite. Pourquoi ? Parce que ce sont pour la plupart de jeunes gens qualifiés, et ils ont besoin d’un peu de [soutien]. Alors voilà, l’absence d’emploi [fait que] les volontaires cherchent souvent d’autres sources de revenus. Mais ça, c’est dans les grandes villes. » (Société nationale d’Afrique de l’Ouest)

La question des compensations financières accordées aux volontaires occupe aujourd’hui une place importante dans de nombreux systèmes de volonta-riat, en particulier dans les centres urbains. C’est donc peut-être sans surprise qu’une étude de la Fédération internationale a révélé que pour les volontaires urbains, confrontés à la nécessité particulièrement pressante d’améliorer leurs perspectives d’emploi, les possibilités de formation constituaient le facteur le plus déterminant en termes de fidélisation (Fédération internationale 2014).

Outre un manque de temps et des contraintes d’ordre économique, de nom-breux participants ont observé une évolution de la démographie du volontariat en milieu urbain.

« Prenez [la capitale], par exemple : on y trouve très difficilement des volontaires adultes, mais plus facilement des jeunes. Si l’on se rend dans une zone rurale, on trouve seulement des femmes car les hommes partent travailler en ville ou dans les mines [dans d’autres pays], ou quelque chose du genre. Donc je crois qu’il vaut mieux investir dans la jeunesse. Il est difficile de demander aux gens de donner davantage quand eux-mêmes disposent de capacités limitées. Nous essayons de faire en sorte d’avoir un nombre minimal de volon-taires qui nous aident à réaliser des activités bénéfiques pour la société. » (Société natio-nale d’Afrique australe)

Un responsable volontaire d’une Société nationale d’Amérique du Sud a par ailleurs remarqué qu’à la fin du cycle d’enseignement secondaire, la plupart des jeunes s’installaient dans la capitale afin de poursuivre leurs études. Pendant les vacances d’été, les étudiants retournent dans leur région d’origine ; dans la capitale, la division Volontariat de la Société nationale enregistre alors une forte baisse du nombre de jeunes. D’après ce responsable, « ce phénomène entraîne toujours une augmentation, puis une diminution [de l’effectif de volontaires] ».

Nombre de Sociétés nationales des pays en développement indiquent que leur base de volontaires en milieu urbain est composée principalement de jeunes. Bien qu’il soit de plus en plus difficile de mobiliser des jeunes dans ces contextes, particulièrement pour des raisons liées à l’emploi, il n’est pas rare que les Sociétés nationales recensent plus de 80 % de jeunes parmi leurs volon-taires. Toutefois, il semble que les difficultés entravant la mobilisation des per-sonnes en âge de travailler, observées aussi dans les zones rurales, ne font que s’intensifier dans les nouveaux contextes urbains. De nombreux volontaires « d’âge moyen » ont d’autres priorités et ne peuvent pas consacrer autant de temps au volontariat.

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Étude mondiale sur le volontariat : rapport

Attirer des volontaires de groupes d’âge multiples est loin d’être le seul pro-blème auquel se heurtent les Sociétés nationales lorsqu’il s’agit de développer une base de volontaires reflétant la diversité de la communauté qu’elles servent. Il convient de noter que dans le contexte de la mobilisation en faveur d’initia-tives de développement à grande échelle, la plupart des Sociétés nationales ont de grosses difficultés à travailler avec des communautés diverses en milieu urbain. La diversité accrue des communautés urbaines entraîne une diversité accrue des définitions et conceptions du volontariat et de leur manifestation dans les politiques comme dans la pratique. Comme l’a expliqué un responsable d’une Société nationale d’Amérique centrale, il n’est pas toujours évident de savoir comment nouer des liens avec certains groupes ethniques.

« [Les membres de ce groupe ethnique] ne s’engagent pas vraiment comme volontaires. J’imagine que nos approches ne les intéressent pas ; ils ne semblent pas vouloir faire du volontariat avec nous. »

Si cette observation peut faire conclure à un manque de participation, ou même à un échec de l’organisation qui n’a pas établi un dialogue adéquat avec une communauté donnée, les questions à résoudre sont plus complexes que cela. Les Sociétés nationales sont obligées non seulement de chercher un moyen de communiquer plus efficacement avec des communautés nouvelles et variées, mais aussi de revoir leurs stratégies et d’être plus ouvertes aux différentes conceptions et interprétations du volontariat. Il se peut que certains modèles de volontariat aient été bâtis sur l’hypothèse d’une homogénéité culturelle qui ne prévaut plus. Se manifestent ainsi dans la pratique les difficultés liées à l’élabo-ration d’une approche du volontariat plus cosmopolite et mutuellement trans-formatrice, telle que mise en évidence au chapitre précédent.

Une des grandes caractéristiques de l’urbanisation dans les pays en développe-ment et à revenu moyen touche à l’apparition de bidonvilles urbains. Environ 1 milliard de personnes vivent déjà dans des « bidonvilles urbains » dans le monde, et d’après les estimations, ce nombre atteindra 1,5 milliard d’ici 2020 (DAES ONU 2014). Ces environnements créent de nombreux problèmes et bou-leversements supplémentaires pour le volontariat. La vitesse stupéfiante à laquelle les bidonvilles sont apparus fait que les politiques publiques, les in-frastructures et les organisations volontaires sont parfois restées à la traîne. D’une certaine façon, ces environnements sont un exemple plus flagrant des problèmes mis en évidence plus haut ; mais des vulnérabilités plus impor-tantes, caractérisées par de multiples faiblesses croisées, compliquent encore la situation.

Toutefois, les efforts déployés pour associer ces communautés aux initiatives de développement ont eu des résultats mitigés :

« Ici, les jeunes ont des perspectives limitées, alors parfois ils se lient à des gangs pour essayer de gagner de l’argent. Le volontariat ne les intéresse pas vraiment ; ce qui les intéresse, c’est survivre. » (Responsable jeunesse, Société nationale d’Afrique de l’Ouest)

« Il n’est pas toujours simple de recruter des volontaires dans ces communautés, alors nous finissons souvent par faire appel à des volontaires d’autres régions pour travailler avec eux. Mais ce n’est pas la meilleure approche. » (Employé, Société nationale d’Amé-rique du Sud)

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Chapitre 2 Volontariat et communautés en pleine mutation

Pour de nombreuses Sociétés nationales, la difficulté consiste à développer des modèles pour travailler en partenariat avec les habitants des bidonvilles urbains, et pas seulement leur fournir des services. Il faut viser à élaborer des stratégies qui aident ces communautés à faire entendre leur voix dans les pro-cessus de prise de décision les concernant. C’est en soi le principal fondement de la mobilisation de volontaires. Mais il est difficile de promouvoir la participa-tion locale dans ces communautés extrêmement pauvres et défavorisées.

Pour garantir une participation accrue, certaines Sociétés nationales ont donc dû élaborer des approches plus créatives, axées sur les moyens de subsistance, dans lesquelles tous les participants tirent parti de leur engagement, que ce soit financièrement ou d’une autre façon.

« Nous rencontrons effectivement des problèmes de fidélisation. Notre pays est l’un des plus pauvres du monde, et la population a besoin d’aide. Nous avons donc mis en place des activités créatrices de revenus. Nos terres sont très fertiles, alors certains de nos volontaires les travaillent, puis une partie des profits leur revient tandis que l’autre sert à soutenir la Croix-Rouge. Ce système fonctionne très bien ; nos effectifs de volontaires ont ainsi doublé. » (Responsable, Société nationale d’Afrique centrale)

Face à ce défi, d’autres Sociétés nationales ont dû employer une approche à plus long terme et plus prudente visant à travailler au sein de structures commu-nautaires existantes et à favoriser l’autonomisation locale. Mais la plupart ont dû repenser des approches plus formelles dans le cadre desquelles les volon-taires sont recrutés et formés en vue de fournir des services aux populations.

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Étude mondiale sur le volontariat : rapport

Étude de casTravailler avec les communautés urbaines,

plutôt que pour elles

Jane Usher est une communauté extrêmement pauvre du sud de Belize City, où les taux de chômage, de consommation de drogues, de grossesses précoces, de pauvreté, de criminalité et de violence sont élevés. Peu d’ONG y interviennent, en partie en raison de la violence. La Croix-Rouge du Belize a commencé à nouer des liens avec la communauté de Jane Usher il y a environ quatre ans. Elle avait obtenu des fonds pour financer les activités de réduction des risques liés aux catastrophes. Construites dans des plaines marécageuses inondables situées sous le niveau de la mer, les habitations de Jane Usher sont extrêmement vulnérables aux tempêtes tropicales.

Peu à peu, la Croix-Rouge du Belize a établi des contacts avec d’autres organisations qui avaient noué des liens avec la communauté de Jane Usher dans le passé. Des représentants de la Société nationale ont rencontré des membres des services gouvernementaux concernés, avant de commencer à collaborer avec des dirigeants communautaires et d’autres parties prenantes clés. Petit à petit, la Croix-Rouge du Belize a recruté des volontaires, notamment des jeunes dévoués à leur communauté. Certains étaient las de n’entendre que des choses négatives sur leur communauté et voulaient montrer qu’elle avait aussi des côtés positifs.

La Croix-Rouge du Belize a travaillé en étroite collaboration avec des responsables locaux pour instaurer la confiance et comprendre les défis auxquels était confrontée la communauté, notamment en matière de changements climatiques et de réduction des risques de catastrophe. Une équipe communautaire de réduction des risques de catastrophe a été constituée, formée et équipée. Cette équipe a ensuite pris la direction du projet visant à atténuer les principaux risques auxquels la communauté était exposée.

Cette expérience a grandement favorisé l’autonomie de la communauté, qui a réussi à mettre en œuvre des stratégies élaborées. Avec le temps, l’équipe communautaire a pris suffisamment confiance pour mobiliser et s’attaquer à d’autres problèmes. Une fois le projet de réduction des risques de catastrophe achevé, elle s’est muée en une organisation communautaire qui a ensuite été juridiquement intégrée à la Croix-Rouge du Belize et peut maintenant soumettre ses propres propositions de projets communautaires de petite envergure. Ses membres ont bénéficié de formations, et le ministère de la Santé du Belize les a officiellement reconnus comme agents de santé communautaires.

Le soutien apporté par la Croix-Rouge à la communauté a servi de puissant catalyseur et a permis aux membres de la communauté de s’attaquer à leurs problèmes, et de renforcer leurs compétences en matière d’organisation et de mobilisation des ressources en vue de la réalisation de projets.

Étant donné que d’après les prévisions, la population urbaine va continuer d’augmenter, il est urgent que nous prenions précisément conscience des défis que cette évolution pose aux organisations ayant recours à des volontaires, et que nous étudions et faisions la synthèse des modèles de volontariat qui fonc-tionnent efficacement dans ces contextes.

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Chapitre 2 Volontariat et communautés en pleine mutation

La transformation des communautés sous l’effet des flux migratoires et de l’urbanisation continuera d’avoir des incidences sur les cultures sociales et les normes relatives au volontariat ; il faudra donc adapter, voire transformer les modèles de mobilisation et de gestion des volontaires. Si les Sociétés nationales ne peuvent pas faire preuve de flexibilité et adapter les types et les modèles de volontariat qu’elles proposent, ainsi que leurs activités de sensibilisation, elles peineront à intégrer les divers groupes qui caractérisent de plus en plus la démographie de leur pays.

Cela n’influera pas que sur leur capacité d’élaborer et de mettre en œuvre des programmes et autres initiatives. Si elles ne s’adaptent pas aux réalités nou-velles, les Sociétés nationales pourraient aussi empêcher de nombreuses com-munautés différentes de s’impliquer dans le volontariat et de jouir des bienfaits qu’il peut apporter. C’est notamment ce que l’on peut voir dans le cadre de la relation entre le volontariat et les personnes âgées.

Vieillissement des populations et volontariat

Nombre des Sociétés nationales ayant participé à l’Étude (en particulier dans les pays en développement) ont observé que dans leur pays, l’accent était mis sur la participation des jeunes et d’autres groupes, et moins sur celle des personnes âgées, qui n’étaient pas prioritairement ciblées.

« Nous sommes trop axés sur la jeunesse, parce qu’elle est l’avenir du pays et que nous devons la préparer, n’est-ce pas ? Nous parlons beaucoup des jeunes, mais je crois que nous devons aussi nous concentrer sur les personnes âgées, à la fois parce qu’elles forme-ront un jour une part bien plus importante de la population, et qu’elles ont des connais-sances dont nous pouvons tirer parti en les engageant comme volontaires dans notre organisation. En retour, nous pouvons leur offrir un mode de vie plus sain et plus intégra-teur sur le plan social. Pour que le volontariat se perpétue, nous devons intégrer les per-sonnes âgées dans nos propositions. » (Responsable de la gestion des volontaires, Société nationale d’Amérique du Sud)

Les pays du Nord font exception à ce phénomène car la plupart d’entre eux connaissent déjà un vieillissement rapide de leur population. Dans ces pays, un nombre considérable de volontaires sont des personnes âgées, et il apparaît plus difficile d’impliquer les jeunes à grande échelle. Dans les pays à revenu moyen ou faible, toutefois, plus de la moitié, voire jusqu’à 80 % des volontaires sont des jeunes. Pourtant, bientôt, et pour la première fois de l’histoire, il y a aura dans le monde plus de personnes de plus de 60 ans que de moins de 15 ans (DAES ONU 2012).

Hans Rosling observe que sur le plan démographique, nous abordons l’ère du « pic de l’enfant » et dorénavant le nombre d’enfants et de jeunes dans le monde va soit se stabiliser, soit décliner (Rosling 2014). La population âgée va continuer d’augmenter, et comptera environ 1 milliard de personnes de plus au cours des prochaines années. Cette évolution se produira en Afrique pendant la deuxième moitié du siècle, mais toutes les autres régions du globe en font déjà l’expérience, surtout l’Asie. Cette évolution aura un impact considérable sur le type de services qu’il nous faudra proposer, mais aussi sur nos approches du volontariat.

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Étude mondiale sur le volontariat : rapport

La recherche et la pratique internes montrent que nous avons tout intérêt à nous axer davantage sur les volontaires plus âgés. Ainsi, selon l’étude de la Fédération internationale sur le volontariat en milieu urbain, toutes choses étant égales par ailleurs (même en tenant compte de la durée de service, de la formation et d’autres variables associées à l’âge), les personnes âgées tendent à rester plus longtemps au sein de l’organisation et, en temps normal, à consacrer en moyenne plus d’heures par semaine au volontariat. Ce groupe d’âge repré-sente donc une source de volontariat plus durable largement inexploitée6.

Dans de nombreux pays, la population vieillit et, en outre, part à la retraite plus tôt. Certaines Sociétés nationales ont remarqué que, par conséquent, ces retraités étaient susceptibles de rester bien plus longtemps en bonne santé, et avaient à la fois des compétences bien développées, de l’expérience et du temps à tuer. Elles ont par ailleurs estimé que leur participation pourrait dif-férer de celle des volontaires chevronnés précédents, car ils chercheraient peut-être davantage à utiliser leurs compétences spécifiques, à voir les fruits de leur action et à trouver un équilibre entre leur engagement volontaire et d’autres passe-temps.

Certaines Sociétés nationales ont observé que les volontaires plus âgés peuvent non seulement apporter des contributions, mais aussi tirer de leur participation des avantages considérables sur le plan social et celui de la santé. Cette question a aussi été étudiée dans d’autres contextes (p. ex. Hardill et Baines 2009).

« Voici comment je vois les choses : nous vivons dans un pays où il y aura bien plus de per-sonnes âgées dans l’avenir. S’agissant du volontariat, ces personnes ont besoin, d’une part, d’entretenir leurs compétences professionnelles au sein de l’organisation, et d’autre part, de rester actives mentalement. Le programme de volontariat de la Croix-Rouge leur offre la possibilité de stimuler leur activité mentale. Notre société fait rarement de place aux personnes âgées et ne leur donne pas les moyens d’utiliser tout leur savoir. Le volontariat leur donne l’occasion d’entretenir leurs qualités professionnelles et leurs connaissances. » (Employé, Société nationale d’Amérique du Sud)

Dans certains pays, malgré l’accroissement rapide de la population âgée, les Sociétés nationales peinent à convaincre les personnes âgées de faire du volon-tariat. Pour certaines, comme celles de la plupart des pays de l’ex-Union sovié-tique, cela tient aux connotations négatives que revêt toujours le volontariat. Pour d’autres, des obstacles tels que la pauvreté viennent s’ajouter.

« Nos personnes âgées ne sont pas très actives, elles sont passives. Comme la plupart sont très pauvres, il est très difficile de les faire participer et de leur faire comprendre qu’elles gagneraient à être plus actives sur le plan social. » (Société nationale d’Europe orientale)

Pour les Sociétés nationales dont la base de volontaires est composée essentiel-lement de jeunes, il est particulièrement difficile de convaincre les personnes âgées de faire du volontariat.

« La principale difficulté tient au fait que nous avons besoin de volontaires qui appar-tiennent à différents groupes, clans, tranches d’âge, et ainsi de suite. Aujourd’hui, la plus grande difficulté est liée à l’âge. Vous savez, nous recrutons seulement des personnes âgées de moins de 30 ans. Nous n’atteignons pas la tranche d’âge supérieure, celle des 40 à 50 ans. » (Société nationale d’Afrique de l’Ouest)

Dans le cadre de cette étude, et parmi les pays en développement, ce sont les Sociétés nationales d’Asie et d’Amérique du Sud qui ont le plus souvent men-tionné des problèmes liés à la mobilisation des populations âgées. S’il est

6 L’étude sur le volontariat en milieu urbain a révélé que les personnes âgées de 50 ans ou plus consacrent en moyenne une demi-journée de plus au volontariat que les personnes de 15 à 19 ans.

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Chapitre 2 Volontariat et communautés en pleine mutation

évident que beaucoup anticipent des conséquences graves pour les services sociaux et humanitaires fournis par des populations vieillissant rapidement (il a ainsi souvent été indiqué que parmi les défis à venir figure un besoin accru de collectes de sang), la plupart y voient aussi des possibilités. Comme l’a observé un responsable de la gestion des volontaires d’une Société nationale d’Amérique centrale, les professionnels compétents à la retraite peuvent se prévaloir d’une expérience riche ; mais comment les Sociétés nationales peuvent-elles tirer le meilleur parti de ces compétences ?

Certaines Sociétés nationales estiment en outre qu’il va falloir renforcer notre travail avec les jeunes afin de développer une base de volontaires à même de satisfaire les besoins plus importants des personnes âgées. C’est ainsi ce qu’une Société nationale d’Asie de l’Est indique :

« Le vieillissement de la société fait partie des tendances externes qui influent sur le volon-tariat au sein de la Société nationale. Les services de la Société nationale doivent évoluer en vue de mieux répondre aux besoins des personnes âgées. En outre, la Société nationale doit recruter davantage de jeunes volontaires. »

Certaines Sociétés nationales investissent aussi dans des approches intergé-nérationnelles en vue de combler un fossé qui, selon elles, va grandissant. Par exemple, une Société nationale d’Asie de l’Est a mis au point une activité qui met en relation des jeunes volontaires avec des personnes âgées vivant dans des bidonvilles. Les jeunes sont mis en rapport avec des retraités qui travaillaient auparavant dans un domaine qui les intéresse professionnellement. Ainsi, des charpentiers ou des coiffeurs à la retraite sont mis en relation avec des jeunes qui aspirent à exercer ces métiers. D’un côté, les jeunes aident les personnes âgées à effectuer leurs tâches ménagères, et de l’autre, les personnes âgées for-ment les jeunes à leur ancienne profession ; l’expérience bénéficie donc aux deux parties.

Ces modèles se multiplient dans le monde, et dans les pays en développement, nombre d’organisations s’efforcent de trouver le moyen d’attirer les personnes âgées vers le volontariat. Ce domaine, comme beaucoup d’autres liés au volonta-riat, ne fait pas l’objet de suffisamment d’enquêtes, de publications et d’études ; il y aurait beaucoup à gagner d’une meilleure compréhension ou de stratégies fructueuses de mobilisation de volontaires âgés. La plupart des enseignements tirés des actions menées ces dernières décennies dans les pays développés en lien avec le volontariat chez les personnes âgées pourraient être utiles dans d’autres contextes.

Cependant, pour élaborer un tel programme, il est essentiel d’axer les futurs travaux de recherche sur la compréhension des différentes perceptions du vieillissement dans différents lieux. Cette compréhension doit se fonder sur les changements complexes et d’ordre plus général qui influent sur la vie des personnes plus âgées et leur capacité de s’attaquer aux défis sociétaux contem-porains. Il apparaît donc important de réaliser des études et d’élaborer des pro-grammes en partenariat avec des ONG et d’autres acteurs travaillant avec les populations vieillissantes.

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Étude mondiale sur le volontariat : rapport

Créer de nouvelles communautés : au-delà du « volontariat en ligne »

L’Étude ne visait pas expressément à examiner le lien entre la technologie et le volontariat, mais de nombreuses Sociétés nationales des pays en développe-ment ont fait état des obstacles et des possibilités découlant des rapides avan-cées de la technologie dans leur pays. On a beaucoup écrit sur le volontariat en ligne, qui a progressé ces dernières années, mais la grande majorité des Sociétés nationales des pays en développement n’y ont que peu ou pas recours. La plu-part de ces Sociétés nationales continuent à se concentrer sur l’élaboration de stratégies en face-à-face.

« Nous avons très peu de volontaires en ligne car, quand nous organisons des activités, nous rassemblons des personnes. Nos activités sont concrètes, directes, et le [volontariat] en ligne n’est pas vraiment nécessaire à ce stade. Nous avons des volontaires ou un sou-tien en ligne lorsque nous avons besoin d’un avis sur un document ou autre ; dans ce cas, nous demandons à un spécialiste d’un domaine donné de donner son opinion, de faire des remarques, ou quelque chose comme ça. Mais les volontaires réalisent surtout des activités directes, en face-à-face. » (Société nationale d’Europe orientale)

Le volontariat en ligne est en plein essor dans de nombreux pays à revenu moyen et dans la plupart des pays développés. Toutefois, les volontaires en ligne constituent encore globalement une toute petite portion du total des effectifs. Cela n’est guère surprenant étant donné que la majeure partie du travail des Sociétés nationales repose sur le soutien direct d’une personne à une autre. Le nombre total de volontaires en ligne dépasse rarement 1 % de l’effectif total de volontaires d’une Société nationale.

« [Le volontariat en ligne] est important, il peut servir. Mais en fin de compte, après une catastrophe, nous avons besoin de personnes sur le terrain. Nous avons besoin d’elles pour sortir des gens de l’eau, ou pour faire du porte-à-porte dans des zones où les communi-cations ont été coupées ou dans des régions reculées. Nous ne pouvons pas encore faire sans. » (Expert en développement de la Fédération internationale, Asie)

Cependant, il est apparu clairement que les Sociétés nationales du monde entier considéraient les réseaux en ligne et autres plateformes technologiques comme une sorte de communauté avec ses normes, sa langue, ses cultures et ses com-portements propres. Elles n’ont réussi à engager qu’un dialogue limité avec ces communautés.

Dans les pays très développés, certaines Sociétés nationales ont pu bâtir et mobiliser une importante communauté en ligne. Les Sociétés nationales améri-caine et britannique, par exemple, ont créé une communauté en ligne dont les membres mènent des activités de cartographie en cas de catastrophe majeure. Cette communauté compte plusieurs milliers de membres dans des pays du monde entier. À l’aide d’informations en libre accès et de rapports de missions, ces membres établissent des cartes qui peuvent ensuite être utilisées par des intervenants sur le terrain. Les cartes sont mises à jour toutes les 24 heures par des volontaires répartis dans tous les fuseaux horaires. Chose intéressante, nombre de ces volontaires viennent de pays en développement. Il s’est ainsi formé un réseau de personnes qui pourraient ne jamais se rencontrer mais qui travaillent en collaboration en vue d’appuyer des opérations d’urgence majeures.

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Chapitre 2 Volontariat et communautés en pleine mutation

De la même manière, la Fédération internationale a créé un groupe Facebook où les volontaires de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge du monde entier peuvent communiquer entre eux et s’échanger des exemples et des idées de programmes. Huit mois après sa création, le groupe comptait 25 000 membres dans plus de 150 pays. Ces membres publient régulièrement des messages ; ils diffusent des exemples d’initiatives de volontaires, demandent des conseils et communiquent entre eux. À l’occasion de la Journée mondiale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, le groupe a demandé aux volontaires d’envoyer des photos de ce qu’ils faisaient ce jour-là. L’initiative visait à exposer une partie des tâches diverses et variées que les volontaires accomplissent chaque jour. Ce jour-là, plus de 3 000 photos ont été envoyées de 110 pays différents. Une courte vidéo a été réalisée, qui offre un aperçu de ces contributions.

Au Kenya, où la Croix-Rouge reçoit bien plus de candidatures de volontaires qu’elle ne peut en retenir, une initiative de volontariat en ligne appelée iVo-lunteer a été mise au point. Deux mois après son lancement, la plateforme avait déjà enregistré 200 000 inscriptions. Au cours des années et sous des formes diverses, la plateforme a fait office de service d’information citoyen, géré par les utilisateurs, sur les accidents de la route et les ralentissements : des citoyens prennent des photos d’accidents ou de perturbations du trafic et les envoient pour alerter les automobilistes qui souffrent déjà de la densité de la circulation à Nairobi. La plateforme a aussi servi d’outil de coordination quand les chauf-feurs de taxi informels ont fait grève et que les gens se sont mobilisés pour mettre en place un système de covoiturage à l’intention des voyageurs bloqués. Enfin, la plateforme a été utilisée, entre autres, pour diffuser des messages de campagnes, appuyer des collectes de fonds ou encourager les citoyens à signaler les catastrophes et d’autres problèmes humanitaires.

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Étude mondiale sur le volontariat : rapport

La présente étude a clairement montré que les progrès technologiques prennent racine dans certaines parties du monde en développement et influent déjà for-tement sur les attentes et les comportements participatifs, notamment des jeunes. Nombre de Sociétés nationales ont tenté d’établir un contact avec des communautés de volontaires en ligne ou de mettre au point des outils facilitant l’accès à la Croix-Rouge et au Croissant-Rouge par Internet.

« Il convient de mentionner que les progrès socio-économiques et techniques du pays, rapides et conséquents, imposent d’adopter une nouvelle approche du volontariat et de prendre en compte les intérêts des volontaires. Ceux-ci, jeunes pour la plupart, préfèrent passer leur temps libre à se former aux technologies de la communication, à les utiliser, et à communiquer sur les réseaux sociaux. La Société nationale adapte ses services en conséquence, elle rend son site Internet attirant en y insérant des liens vers des pages de réseaux sociaux, elle renouvelle ses activités et ses campagnes en tenant compte de ces nouvelles tendances. » (Responsable, Société nationale d’Asie centrale)

Étude de casDes outils en ligne pour un recrutement

plus efficace

En réformant récemment son système de recrutement des volontaires, à la fois complexe et administrativement lourd, la Croix-Rouge suédoise a eu une idée originale, qui a apporté de nombreux avantages. Tablant sur la popularité des jeux en ligne comme « Découvre quel genre de super-héros tu es » ou « À quel personnage Star Wars ressembles-tu le plus ? », la Croix-Rouge suédoise a mis au point un test intitulé « Quel type de volontaire es-tu ? ».

Dans le cadre de ce jeu, les volontaires potentiels doivent répondre à 30 questions liées à la personnalité. À l’issue du test, les candidats se voient proposer plusieurs rôles au choix qui pourraient leur convenir, auxquels ils peuvent ensuite directement poser leur candidature en ligne. Ce système facilite la navigation des volontaires sur le site et leur permet de passer moins de temps à se renseigner sur des rôles qui ne leur conviennent pas. Les informations collectées lors des tests permettent en outre aux responsables de la gestion des volontaires de mieux adapter leurs mécanismes de soutien aux volontaires et d’élaborer de nouvelles campagnes de promotion ciblant des volontaires potentiels.

Les avancées dans l’accès à la technologie ont permis d’exposer de nombreux volontaires Croix-Rouge/Croissant-Rouge aux pratiques d’autres pays. Les volon-taires sont plus étroitement liés les uns aux autres par le biais de groupes et de communautés en ligne qui s’étendent par-delà les frontières. Alors qu’avant, la plupart des volontaires auraient eu peu de chances d’établir un dialogue avec des volontaires d’autres régions de leur pays, ils peuvent maintenant dialo-guer avec des volontaires du monde entier. Cela permet non seulement de créer un sentiment d’union et d’objectif commun, mais aussi de susciter de la fierté à l’égard de l’action de l’organisation. Les relations ainsi créées influent sur la réflexion des volontaires au sujet des services et des activités, et sur leur conception du volontariat. Enfin, les communautés en ligne ont contribué à élargir les réseaux de connaissances et à créer des espaces où l’on peut à la fois transmettre et acquérir des connaissances.

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Chapitre 2 Volontariat et communautés en pleine mutation

« Les gens voient l’emblème de la croix rouge [sur divers réseaux sociaux], dans toutes les zones touchées par un conflit ou une catastrophe naturelle, comme à Haïti ou au Japon après les séismes ; ils voient la Croix-Rouge à l’œuvre. Les volontaires voient ainsi que le monde est un village et sont encouragés à faire mieux. Ils voient les publications, vous comprenez ? Ils voient notre Société nationale devenir un acteur de poids aux côtés des Croix-Rouge américaine, britannique, suisse. Tout cela mis bout à bout fait que les volon-taires sont influencés par de nombreuses manières de faire, et qu’ils copient ou s’appro-prient des programmes qu’ils voient sur des pages Twitter ou Facebook. Ils découvrent tous ces programmes et ils les reproduisent, ils les incorporent ici. » (Responsable de la gestion des volontaires, Société nationale d’Afrique de l’Ouest)

« Dans la mesure où nous sommes dans un pays du tiers-monde, il est clair que l’exposi-tion au monde aura un effet, surtout sur les jeunes. Cet effet pourrait être à la fois positif et négatif : positif dans le sens où l’on comprendra comment fonctionne le volontariat dans le monde, dans les économies en croissance, ce qui, je crois, sera en soi très positif. » (Responsable volontaire, Société nationale d’Afrique australe)

La Fédération internationale a lancé une initiative visant à renforcer ces liens et ces communautés, et à promouvoir le partage des connaissances et une com-munauté de vues. Les Randomised Coffee Trials mettent, au hasard, les parti-cipants en relation avec un autre volontaire ou employé, n’importe où dans le monde. Les paires formées ont ensuite un mois pour organiser un rendez-vous sur Skype, discuter et boire un café. Le mois suivant, chaque participant se voit attribuer un nouveau binôme. Environ 1 000 personnes de 80 pays ont participé jusqu’à présent. Aucun ordre du jour formel n’a été proposé pour ces pauses-café, mais selon une évaluation, un tiers des participants ont eu des contacts multiples avec leur binôme, et l’initiative a contribué à créer un sentiment de motivation et de fierté à l’égard de l’organisation. Elle a aussi favorisé des avan-cées tangibles dans des projets, des programmes et des activités portant sur des domaines aussi variés que l’éducation à la gestion des catastrophes, la gestion des technologies de l’information et le développement de la jeunesse.

Des Sociétés nationales ont en outre constaté que les progrès technologiques créaient de nouveaux besoins à satisfaire : ceux des personnes et des commu-nautés qui sont exclues des avancées technologiques considérables dans leur pays. Plusieurs Sociétés nationales élaborent des programmes dans le cadre desquels les volontaires aident les autres à développer des compétences en informatique, de sorte qu’ils puissent être plus en phase avec le monde en évo-lution qui les entoure.

L’apparition des médias sociaux et les effets observés dans le cadre de la pré-sente étude semblent toucher la plupart des Sociétés nationales d’une façon ou d’une autre, bien que l’ampleur du phénomène dépende du stade de développe-ment des pays et du profil des personnes qui ont accès à la technologie dans ces pays. Dans les pays en développement et à revenu moyen, près de neuf Sociétés nationales sur dix ont fait du renforcement de leur présence sur les réseaux sociaux une priorité majeure ces dernières années.

« Aujourd’hui, les médias sociaux jouent un rôle actif dans les activités des volontaires. La Croix-Rouge s’efforce de recourir à des méthodes modernes et innovantes de mobilisation et de gestion des volontaires. Les volontaires et les employés sont encouragés à utiliser Twitter, Facebook et d’autres réseaux sociaux pour être en phase avec les nouvelles ten-dances. » (Société nationale d’Asie centrale)

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Étude mondiale sur le volontariat : rapport

Certaines Sociétés nationales des pays en développement considèrent que les technologies (et les jeunes) ont progressé bien trop rapidement pour qu’elles puissent suivre, étant donné leurs ressources limitées. En outre, la fracture numérique est souvent considérable entre le siège situé dans la capitale ou dans la plus grande ville du pays, et les nombreux bureaux de section qui sont géné-ralement répartis dans tout le pays. Alors que le siège dispose d’un accès aux ordinateurs et à Internet plus fiable, la plupart des sections n’ont souvent même pas d’ordinateur. Si elles en ont, elles sont souvent confrontées à un accès à Internet intermittent ou trop cher pour un usage régulier. Il est évident que de nombreuses Sociétés nationales peinent à assurer un accès à la technologie à toute l’organisation.

« Ici, les technologies de l’information se développent si rapidement qu’elles aussi ont des effets sur le volontariat. Les jeunes volontaires connaissent bien Internet et les réseaux sociaux. Ils veulent se renseigner sur l’organisation avant de s’inscrire en tant que volon-taires. Ils veulent aussi s’inscrire en ligne. À l’heure actuelle, nous n’avons pas la capacité de répondre à ces besoins. Nous commençons tout juste à améliorer notre capacité de gestion des volontaires. Par exemple, nous travaillons à formuler des réglementations, à réviser les outils de suivi et à développer une base de données des volontaires. » (Société nationale d’Asie du Sud-Est)

« Au cours des quinze dernières années, les technologies de l’information ont eu un impact tel sur les jeunes qu’elles font maintenant partie de leur vie. Le fait de ne pas incorporer, de ne pas disposer ou de ne pas proposer de service [Internet] dans les bureaux de sec-tion est vraiment contre-productif pour nous. C’est la raison pour laquelle les jeunes se lassent. Un modèle de gestion des volontaires dépassé, voilà le problème. » (Société natio-nale d’Amérique latine)

Malgré tous les beaux discours sur la portée et les avancées de la technologie, et la multiplication des communautés en ligne, beaucoup se heurtent encore à une profonde fracture numérique, qui limite grandement l’accès des Sociétés nationales et de leurs volontaires aux avantages dont jouissent d’autres Sociétés nationales.

« Non, non. Notre Société nationale n’utilise pas les services en ligne. Nous n’avons même pas Internet. » (Responsable, Société nationale d’Afrique centrale)

« Malheureusement, tout le monde n’a pas accès à Internet : la connexion peut fonctionner dans certains endroits et pas ailleurs. » (Société nationale du Moyen-Orient)

« C’est très limité [ici] : premièrement, les volontaires vivant dans des régions reculées ren-contrent des problèmes de connexion ; deuxièmement, les connaissances et les possibilités [font défaut]. » (Société nationale d’Asie centrale/du Sud)

La gestion des bases de données constitue une autre priorité essentielle pour nombre de Sociétés nationales qui cherchent à mettre au point des approches du volontariat tournées vers la technologie. Les bases de données en ligne sont extrêmement peu nombreuses dans les pays en développement. De fait, moins de la moitié des Sociétés nationales interrogées disposent d’une quelconque base de données électronique au niveau national. Certaines ont élaboré des approches très avancées permettant aux volontaires d’interagir au sein de communautés en ligne, de s’inscrire à des formations, de garder un registre de leur participation et de programmer les permanences et les activités. Mais ces exemples, observés principalement en Amérique du Nord, en Europe occiden-tale et dans quelques régions d’Asie, sont minoritaires.

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Chapitre 2 Volontariat et communautés en pleine mutation

Conclusion

Si la plupart des travaux de recherche sur le volontariat tendent à se limiter au contexte de projets donnés, nous avons démontré qu’il est important de s’intéresser à la manière dont les changements socio-économiques de grande ampleur transforment les communautés dont proviennent les volontaires et dans lesquelles ils travaillent.

En outre, nous avons constaté que ces changements sont étroitement liés les uns aux autres et conclu que les organisations ayant recours à des volontaires doivent s’attaquer aux dynamiques qui s’imbriquent et peuvent remettre en question les schémas de travail et les conceptions dominantes du volontariat.

Il ne suffit pas de prendre en compte des interprétations diverses et de tenter de leur faire une place dans les cadres en vigueur, si en réalité la « culture » du volontariat du Mouvement continue de primer, sans être remise en cause ou transformée par des influences nouvelles et variées. Entreprendre ce travail de transformation est loin d’être simple, mais cela touche au cœur de la façon dont une organisation mondiale comprend, soutient et mobilise des volontaires dans des contextes variés, au sein de communautés diverses.

Créer des conditions favorables pour le volontariat dans le contexte de grands bouleversements sociétaux impose de s’ouvrir aux différences et de mettre en œuvre des approches innovantes, hybrides et flexibles au niveau local, qui soient appuyées et facilitées par l’organisation au niveau mondial — même s’il se peut que les résultats remettent en cause les « normes » relatives au volonta-riat établies.

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Chapitre 3 Économie du volontariat

Le présent chapitre se penche sur la question de la rémunération et des mesures d’incitation, et sur leur lien avec les dépenses d’aide humanitaire et de développement. Il soutient que les normes mon-diales relatives à la « rémunération » ne cernent pas nécessairement la manière complexe dont la rémunération du volontariat façonne le profil des volontaires et la forme que prend leur engagement. Il sou-ligne en outre la manière dont les dépenses d’aide humanitaire et de développement façonnent des modèles de rémunération, créant des hiérarchies du volontariat qui ont des incidences plus larges sur la durabilité du volontariat local.

« Quand j’étais jeune, mon père et ma mère me pressaient de rejoindre le Croissant-Rouge pour apprendre les premiers secours et participer à des activités. Ils me donnaient de l’argent de poche pour que j’y aille. Aujourd’hui, les choses ont changé. À cause de la pauvreté, les parents attendent maintenant de leurs fils qu’ils gagnent un salaire en tra-vaillant pour le Croissant-Rouge. » (Société nationale du Moyen-Orient)

Pour beaucoup d’organisations ayant recours à des volontaires, la rémunération des volontaires au-delà des frais liés à leur activité est source de controverse. On affirme souvent qu’elle va à l’encontre des idées actuelles sur le volontariat et fait obstacle à la classification juridique des volontaires dans une catégorie dis-tincte de celle des employés rémunérés ou salariés. Cette question est devenue pressante pour la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge ces dernières années, et elle prend de plus en plus d’importance dans le contexte de la promotion du volontariat en tant qu’outil de développement au niveau global et de l’identifica-tion du critère de « motivation non pécuniaire » dans la définition du volontariat (VNU 2011).

Les données collectées dans le cadre de la présente étude indiquent que ce phénomène se ressent le plus sévèrement dans des pays en développement d’Afrique, d’Asie, du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, ainsi que dans des petits États insulaires en développement. Selon certaines informations, il touche aussi quelques pays d’Amérique latine et d’Europe. Dans toutes ces régions, des Sociétés nationales ont déclaré que d’autres grandes organisations internationales, et parfois des organisations locales, pratiquent elles aussi la rémunération.

La rémunération fait l’objet d’une attention accrue de la part des spécialistes et des décideurs (Wilson 2007, Sunkutu et Nampanya-Serpell 2009, Graham et al. 2013, Kasteng et al. 2015), mais les études réalisées en la matière tendent à être fragmentées entre les disciplines et secteurs. On accorde une attention toute

Chapitre 3

Économie du volontariat

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Étude mondiale sur le volontariat : rapport

particulière au rôle du paiement et de la rémunération des agents de santé com-munautaires, dont les connaissances locales ont été mobilisées dans le contexte des problèmes de santé tels que le VIH/sida (Maes et al. 2011), mais dans l’op-tique d’offrir une « prestation de services à bon marché » (Boesten et al. 2011).

Si nombre des personnes interrogées dans le cadre de la présente étude défi-nissent la rémunération comme un problème naissant majeur (voire, dans certains cas, comme un problème bien ancré), la rémunération ne suscite pas globalement autant d’intérêt qu’elle le devrait. De plus, nos travaux montrent qu’il est important de regarder au-delà des gros titres et de la rhétorique qui entourent le « volontariat rémunéré », ainsi que de prêter attention aux fac-teurs complexes qui façonnent la rémunération, et à la manière dont cela influe sur le profil des volontaires, les raisons pour lesquelles ils font du volontariat, où et comment. Dans son commentaire sur les Principes fondamentaux du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Jean Pictet se livre à une réflexion sur le principe de caractère bénévole, et reconnaît que ce qui importe c’est moins que les volontaires soient rémunérés ou pas, mais bien qu’ils travaillent de leur propre volonté. Il établit un parallèle avec la diffé-rence entre les personnes qui sont enrôlées de force dans l’armée et celles qui s’y engagent de leur plein gré (Pictet 1979). Mais cette conception est bien plus complexe que ne le laissent entendre les définitions types, et impose de porter attention aux facteurs complexes et changeants qui façonnent l’engagement des volontaires.

La présente étude a clairement fait ressortir que la motivation pécuniaire est, pour certains, un facteur déterminant. Cela ne signifie pas que la moti-vation peut être réduite à des questions de rémunération (Pawlby 2003, p. 69, Wilson 2007) ou que la rémunération revêt la même signification dans tous les contextes. Ne pas reconnaître l’importance de diverses formes de rémunéra-tion peut porter atteinte à la capacité de mobiliser les communautés. À l’in-verse, accorder des paiements sans comprendre le contexte peut, comme nous le verrons plus loin, déstabiliser, voire affaiblir le volontariat à l’échelle com-munautaire. Cela se répercute ensuite sur les définitions « neutres » en appa-rence, diffusées par les organisations internationales en tant que « normes » mondiales relatives au volontariat, et nous pousse à réfléchir sur la question de savoir si une définition alternative viable peut être établie dans le contexte de ces complexités et de l’évolution des formes que revêt le volontariat d’un lieu à un autre.

Ainsi que nous l’avons vu dans les chapitres précédents, les contextes dans lesquels les individus font du volontariat se caractérisent par des complexités croissantes, des évolutions démographiques et des structures sociales dyna-miques. L’Étude indique que la pauvreté persistante et sa dynamique chan-geante, le chômage et les crises économiques contribuent généralement à entraver la perpétuation du volontariat dans les pays en développement. En outre, la façon dont les projets d’assistance humanitaire et de développement sont financés fait que leur réalisation est à la fois plus souvent assurée par des volontaires, et parfois plus difficile.

Dans le même temps, le volontariat est placé au centre de la fourniture de ser-vices et du développement, étant donné que le rôle de l’État est réduit dans de nombreux pays et qu’il est évident, au vu du caractère ambitieux des ODD, qu’il faudra faire appel aux volontaires pour atteindre la plupart des objectifs (voir la conclusion). Ce sont là certains des facteurs importants, désignés de façon générale comme « l’économie du volontariat », qui transforment la pratique du volontariat, surtout dans les pays en développement. Le présent chapitre

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examinera leurs implications, leur dynamique et leurs relations, et proposera des solutions pour aller de l’avant. Il convient de noter que même le vocabu-laire que nous employons pour traiter de ce sujet est remis en question : ainsi, il existe d’un lieu à l’autre des différences et des glissements dans l’utilisation de termes comme « remboursement », « indemnités journalières », « paiement » et « mesures d’incitation ». En raison de la complexité du sujet et du peu de place dont nous disposons pour l’explorer en détail ici, nous présenterons dans un avenir proche une analyse plus détaillée de nos conclusions dans un rapport portant spécifiquement sur la rémunération des volontaires.

Paiement, mesures d’incitation et remboursement

Le développement du volontariat « rémunéré » et la signification de « rémunéré » changent en fonction du contexte, et il est difficile de déterminer où et quand la rémunération a pris de l’importance dans le domaine. Elle a en particulier été associée à la mobilisation croissante d’agents de santé volontaires dans les com-munautés, comme indiqué plus haut, mais des participants à notre étude ont dit l’avoir observée dans le cadre d’opérations d’urgence de grande ampleur. Une Société nationale du Moyen-Orient a vu cette pratique apparaître quand des organisations internationales sont venues en nombre dans le pays en réponse à l’aggravation de la crise des réfugiés.

« Vous savez, ce sont les organisations étrangères, qui ont commencé à rémunérer les volontaires. Avant, nous n’avions aucun problème à ce sujet. Maintenant, tous les volon-taires veulent être rémunérés. »

Des études plus vastes ont associé la progression de la « rémunération » aux acti-vités des acteurs internationaux du développement (Lewis 2014, p. 38). L’Étude révèle que cette pratique, quelles qu’en soient les origines, est devenue plus courante ces dernières années (au point qu’elle est devenue la norme dans cer-taines régions) et beaucoup plus déstabilisante. Le présent chapitre porte princi-palement sur l’expérience des volontaires des pays du Sud, et sur le lien entre la rémunération des volontaires et les dépenses au titre de l’aide et du développe-ment. Mais notre étude indique que cette pratique se développe aussi, dans une moindre mesure, dans les pays du Nord.

Le débat est souvent centré sur les différents types de remboursement et de mesures d’incitation, et sur la question de savoir si ces pratiques devraient aller au-delà du remboursement des frais engagés par les volontaires pour accom-plir leur travail. Cependant, en privilégiant d’autres formes de « récompense », comme des formations ou la fourniture d’uniformes, on risque de négliger cer-tains des défis liés à cette question. Cette récompense pourrait faire contre-poids aux problèmes liés à la rémunération que nous aborderons ci-après, mais elle pose aussi problème, notamment concernant le recrutement de volontaires pauvres. Dans ce débat, il est primordial de s’attacher à rester flexible et à éviter de réfuter fermement les complexités que nous avons identifiées à la lumière des « normes » mondiales relatives à ce qui constitue du volontariat.

La Politique de la Fédération internationale relative au volontariat appelle les « Sociétés nationales [à rembourser] aux volontaires les dépenses préalablement approu-vées, encourues dans le cadre des tâches qui leur ont été confiées » (Fédération interna-tionale 2011). Cette Politique est essentielle pour garantir l’égalité des chances ;

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or, la capacité des personnes et des communautés confrontées à la pauvreté extrême d’accéder à des possibilités de volontariat est d’une importance capi-tale pour toutes les Sociétés nationales. Cette Politique aide en outre à faire des personnes et des communautés avec lesquelles nous travaillons des partenaires authentiques, plutôt que de simples « bénéficiaires » « pour » qui quelque chose est fait. Elle est importante en ce sens qu’elle vise à nous permettre de conti-nuer à promouvoir la diversité des bases de volontaires. Personne ne devrait être empêché de faire du volontariat parce qu’il ou elle ne peut pas se le permettre. Néanmoins, cette Politique est difficile à mettre en œuvre.

Remboursements et inégalités

Dans les pays très développés, où les ressources sont généralement plus abon-dantes, la plupart des Sociétés nationales ont une politique de remboursement des frais ; pourtant, nombre de volontaires ne s’en prévalent pas, considérant parfois que les dépenses qu’ils engagent font partie de leur contribution à la cause qu’ils servent. Néanmoins, dans ces environnements, le remboursement donne aux personnes issues de secteurs socio-économiques défavorisés les moyens de participer, si besoin. Il faut toutefois noter que les Sociétés nationales qui opèrent dans des pays très développés ont un rapport employés/volontaires d’environ 1/9 ; ce rapport est d’environ 1/180 dans les pays en développement. Il est donc bien plus problématique, dans un environnement où les ressources sont limitées, de garantir un remboursement à une base de volontaires géné-ralement beaucoup plus importante. Ainsi, si la Croix-Rouge du Nigéria devait du jour au lendemain mettre en place une politique de remboursement, elle devrait peut-être très nettement réduire sa base de volontaires (qui compte actuellement plus de 500 000 personnes). Il en irait probablement de même pour la Croix-Rouge indonésienne qui compte près d’un million de volontaires, ou la Croix-Rouge de l’Inde qui en compte plus de deux millions. De très nombreuses Sociétés nationales ne sont sans doute pas en mesure de proposer des rembour-sements de base à tous leurs volontaires ; l’Étude a révélé qu’en Asie-Pacifique, par exemple, seules 20 % environ des Sociétés nationales étaient à même de rembourser régulièrement leurs volontaires, et la plupart d’entre elles se trou-vaient dans des pays développés. Il en résulte que de nombreuses personnes ne peuvent pas faire du volontariat, alors que ce sont probablement elles qui en profiteraient le plus.

« Nous ne pouvons absolument pas nous permettre de prendre en charge les dépenses des volontaires, ce qui en empêche beaucoup, en particulier ceux issus des quartiers périphé-riques, de s’engager chez nous. » (Société nationale d’Afrique de l’Ouest)

« Avant, nous remboursions, disons, 350 roupies par volontaire, mais maintenant, nous n’avons plus d’argent pour ce type de dépense, pour couvrir ces frais. Or, comme nos volontaires viennent de familles très pauvres et sont pour la plupart sans emploi, ils ne peuvent pas se déplacer en bus, ni même subvenir à leurs besoins. Voilà le problème auquel nous sommes confrontés à l’heure actuelle. C’est la principale raison pour laquelle les volontaires s’engagent moins longtemps. ». (Société nationale d’Asie du Sud)

La plupart des Sociétés nationales tentent d’offrir un soutien en nature au lieu d’un remboursement proprement dit. En Afrique, presque toutes les Sociétés nationales s’efforcent de fournir ce type d’aide à au moins quelques-uns de leurs volontaires.

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Chapitre 3 Économie du volontariat

« Par exemple, une personne qui peut travailler pendant une journée entière. Il est certain qu’il faudra au minimum lui fournir de l’eau pour qu’elle puisse conserver de l’énergie, et il est évident que nous devons aussi tenir compte des [autres] besoins de subsistance des volontaires. »

La situation est similaire dans d’autres régions du monde. C’est le cas d’un pays des Caraïbes :

« Nous n’avons pas toujours de quoi rembourser les frais, mais nous nous efforçons d’aller chercher les volontaires chez eux avec notre véhicule, et parfois nous leur donnons à manger. »

Les opinions sur le sujet divergent. Certains trouvent que les aides en nature comme les repas contribuent à préserver la « pureté » du volontariat et sont les seules formes de remboursement qui devraient être proposées. D’autres esti-ment que nous devrions aller plus loin et ne pas trop nous enliser dans ces différenciations.

« Je pense que nous ne devrions pas autant analyser la situation. Au lieu d’essayer de trouver d’autres manières d’offrir un soutien qui ne soit pas purement pécuniaire, autrement dit des formes de soutien qui aient néanmoins une valeur pécuniaire, nous devrions passer à autre chose et payer les volontaires. Cela aurait au moins le mérite d’être plus digne. Donnez-leur de l’argent et laissez-les décider ce qu’ils veulent en faire. » (Responsable, Société nationale du Moyen-Orient)

Dans la pratique, seul un faible pourcentage de nos 17 millions de volontaires perçoivent régulièrement une quelconque forme de remboursement, notam-ment parce que la plupart de nos volontaires vivent dans des pays en développe-ment. En outre, il faut savoir qu’il existe des variations à l’intérieur des régions : ainsi, en Amérique latine, certaines sections qui peuvent se le permettre pro-posent des remboursements, tandis que d’autres évitent de le faire.

Les variations dans les mesures d’incitation et leurs effets sur des commu-nautés, des individus et des pays donnés, ont des conséquences pour la pla-nification stratégique et la cohérence entre les régions et dans les pays, et contribuent à façonner les conceptions du volontariat dans une organisation et une communauté. Elles influent aussi sur ce que les volontaires et les employés pensent que l’on attend d’eux quand ils intègrent le Mouvement. Ces variations et cette incertitude soulèvent en outre des questions quant aux capacités de mobilisation contrastées dans différents contextes, et comme nous le verrons plus loin, sont liées à la capacité et à l’ampleur du Mouvement.

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Aide et financement de projets

Il serait aisé de réduire l’inégalité des mesures d’incitation et des rembourse-ments à un simple problème de manque de ressources. Or, la réalité est plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord. Il semble que la rémunération des volontaires soit plutôt le fait de Sociétés nationales qui, en règle générale, n’ont pas les moyens de proposer des remboursements à la majorité de leur base de volontaires : quand des fonds sont versés par un donateur étranger au titre d’un projet, il est fréquent que les volontaires participant à la réalisation de ce projet reçoivent des « indemnités journalières ». Il est donc important de noter qu’il ne s’agit pas d’une simple question d’incapacité de paiement des Sociétés nationales pauvres, mais qu’entrent en jeu des schémas d’affectation des fonds et leur impact sur les Société nationales, ainsi que la façon dont d’autres acteurs attirent et gèrent leurs volontaires.

Comme beaucoup s’accordent à le reconnaître, l’accent mis sur les projets dans le contexte du financement de l’aide humanitaire, et la façon dont celui-ci évolue au fil du temps, ne sont pas neutres et se répercutent sur les institu-tions sociales locales, y compris sur les acteurs et les organisations de la société civile. Le volontariat et les volontaires font partie intégrante de ce contexte, et nombre d’organisations internationales comptent sur une base de volon-taires locaux existante pour contribuer à la réalisation de projets. Cependant, les projets de grande ampleur financés de l’extérieur constituent la principale ou la plus grande source de revenus de certaines Sociétés nationales ; celles-ci concentrent donc souvent leur attention sur la réalisation d’un ensemble de projets qui sont généralement financés et guidés de l’extérieur.

« Mais nous ne le faisons pas. Nous ne sommes financièrement pas en mesure de créer de nouveaux services fondés sur les besoins des nouveaux, tout simplement parce qu’en réalité, tout dépend du financement. C’est la seule raison : tout dépend des fonds que nous recevons. » (Société nationale des îles du Pacifique)

Une autre Société nationale des îles du Pacifique observe :

« Je crois que dans le Pacifique, nous avons du mal à garder nos portes ouvertes, et que même si nous pensons qu’il est primordial d’investir dans le volontariat pour assurer notre pérennité, il y a toujours des problèmes urgents à résoudre au plus vite. Par exemple, si nous devions choisir entre investir dans le volontariat et payer la facture d’électricité, nous payerions la facture d’électricité. La plupart des Sociétés nationales du Pacifique ne sont pas en mesure de développer le volontariat. Vous voyez ce que je veux dire ? Si nous avions le choix, nous choisirions cette option, mais nous devons payer l’électricité, le téléphone, Internet, etc., sans compter les salaires des employés. De plus, de nombreuses Sociétés nationales du Pacifique sont tributaires des fonds versés par les donateurs, ce qui explique, dans une certaine mesure, que nous ayons développé une culture dans laquelle [les donateurs] nous dictent la façon de faire les choses. C’est ce que nous faisons ; ce ne devrait pas être le cas, mais ce l’est souvent. »

Cette pratique peut avoir de nombreuses conséquences, notamment rendre des organisations dépendantes des donateurs étrangers pour poursuivre leurs activités, voire pour payer leurs frais organisationnels de base. Elle retire ainsi aux populations et organisations locales le pouvoir de prendre des décisions en matière de développement, et favorise des programmes largement conçus et parfois mis au point dans les capitales des pays du Nord. Cette conclusion de l’Étude n’apporte pas grand-chose de nouveau dans le contexte du débat plus large sur le développement. Cependant, son impact sur le volontariat est

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Chapitre 3 Économie du volontariat

notable, car les volontaires sont de plus en plus considérés, dans le cadre des politiques d’aide et de développement, comme de grands acteurs du dévelop-pement qui peuvent mener au niveau local une action locale durable contre la pauvreté.

Nombre des projets mis en œuvre par le Mouvement et d’autres organisations sont très exigeants en matière de résultats et de délais. Ils peuvent être diffi-ciles à réaliser par le biais du volontariat, car ils peuvent demander une parti-cipation presque équivalente à un emploi à temps plein, ou tout du moins des engagements hebdomadaires réguliers pendant une longue période, de six mois ou plus. De plus, ils exigent parfois des volontaires qu’ils aient un ensemble de compétences techniques avancées. La réalisation de ces projets nécessite une base de volontaires très engagée, compétente et suffisamment disponible pour satisfaire les hautes exigences du projet. Pour construire cette base, il faut investir considérablement et sur le long terme dans le développement d’un volontariat durable et ouvert à tous. Il se peut que cet objectif soit irréalisable pour certaines Sociétés nationales, qui offrent donc de petites sommes d’argent aux volontaires pour les encourager à rester mobilisés. Cependant, cette pra-tique a peu de chances de contribuer au développement d’une base de volon-taires durable.

Les Sociétés nationales dont le travail est dominé par une succession de pro-jets financés par des sources étrangères se retrouvent souvent à constam-ment recruter des volontaires pour réaliser des projets spécifiques et conçus à l’avance (il se peut que ces volontaires se dispersent une fois le projet achevé), plutôt qu’à favoriser une collaboration à long terme avec les communautés pour s’attaquer collectivement aux multiples problèmes qu’elles rencontrent. C’est le constat que dresse aussi l’étude récemment menée par Voluntary Service Overseas, intitulée « Valuing Volunteering » (Burns et al. 2015). Il en résulte que certaines Sociétés nationales suivent en permanence des cycles d’expan-sion, puis de contraction d’un projet à un autre : l’effectif augmente quand des volontaires sont recrutés et payés pour réaliser un projet, puis chute une fois le projet achevé. Si la Société nationale réussit quelques mois plus tard à obtenir un financement supplémentaire, elle doit à nouveau trouver des volontaires pour réaliser le projet ; or, les volontaires de départ se sont alors souvent désen-gagés et le processus doit repartir de zéro. Cette dynamique crée ce que nous pourrions appeler des « organisations pendulaires », dont la collaboration avec les communautés va d’avant en arrière, en fonction des priorités et des aléas de mécanismes de financement distants.

Il est rare que les budgets de ces projets prévoient de laisser aux Sociétés natio-nales la possibilité d’investir dans des infrastructures et des initiatives qui favoriseraient un volontariat plus durable fondé sur le développement au niveau communautaire. Si des fonds sont alloués au développement du volontariat, ils visent généralement à améliorer les compétences techniques des volontaires en vue de la réalisation du projet financé. Ainsi, il se peut qu’une partie des fonds alloués à un projet de promotion de la santé soit utilisée pour financer des for-mations sur les aspects techniques du projet, et éventuellement sur la promo-tion de la santé et les compétences de communication, mais pas pour investir dans l’instauration d’une relation plus forte et durable entre l’organisation et les communautés qu’elle sert.

Par conséquent, dans les pays en développement, certaines Sociétés nationales dépendent d’une base de financement qui, dans le long terme, sape leur capa-cité de mobiliser durablement les communautés et de les associer aux initia-tives de développement. Ces expériences vont de pair et se recoupent avec la

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manière dont le financement de l’aide humanitaire et du développement en général entraîne souvent une focalisation sur des projets et des résultats précis plutôt que sur le changement à long terme, beaucoup plus difficile à détecter. Ce constat a toute son importance à l’heure où le volontariat est reconnu comme un bien en soi – en ce sens qu’il favorise le bien-être des volontaires – et comme un facteur essentiel dans la promotion de changements sociaux durables. Nous devons être très attentifs à la façon dont le volontariat est intégré dans la sphère du développement ; faute de quoi, il est peu probable qu’il apporte quoi que ce soit de nouveau, et il risque plutôt d’être intégré et absorbé sans pouvoir réa-liser son potentiel et offrir les contributions particulières que lui seul aurait pu apporter.

Nous devons donc comprendre en quoi les rôles des volontaires du Mouvement diffèrent suivant les régions, et les effets des différences en termes de pres-tation de services. Par exemple, dans un contexte donné, il se peut que les volontaires soient moins en mesure de représenter leur communauté dans les processus décisionnels. En effet, certains participants à notre étude ont indiqué que les volontaires qui recevaient des indemnités journalières étaient moins susceptibles de défendre leurs droits et ceux de leur communauté auprès de leur Société nationale.

« Ceux qui se plaignent risquent d’être retirés de la liste des indemnités journalières. » (Volontaire, Société nationale d’Afrique centrale)

Cette information est très importante. On observe souvent que les volontaires plaident activement pour la satisfaction de leurs besoins et de ceux de leur com-munauté. L’introduction d’une dynamique financière entre eux et leur organi-sation peut modifier l’équilibre des forces, étouffer le militantisme et dissuader les volontaires de faire entendre leur voix, sapant ainsi l’un des attributs les plus précieux du volontariat.

Renforcement des inégalités

Les Sociétés nationales qui participent à la fois à des initiatives à base com-munautaire et à d’importants projets financés par des sources étrangères peuvent être confrontées à d’autres problèmes, principalement parce que cer-tains volontaires sont payés et d’autres ne le sont pas. Le fait est que nombre des Sociétés nationales qui accordent des paiements (au-delà des rembourse-ments des dépenses) ne le font qu’à une minorité de volontaires, ce qui tend à créer une hiérarchie et un certain mécontentement parmi les volontaires. Si, en plus, les volontaires perçoivent un manque de transparence ou de clarté dans le processus d’attribution des indemnités journalières, le mécontentement et la démotivation peuvent s’accentuer.

L’absence de remboursement a généralement des conséquences disproportion-nées non seulement sur les plus pauvres, mais aussi sur les plus désavantagées ou marginalisés, car peuvent s’y ajouter des inégalités sociales plus géné-rales, telles que celles qui touchent à la participation des femmes. Comme le remarque une Société nationale du Moyen-Orient :

« Il est plus compliqué d’inviter des femmes à des formations dans la capitale, car nous devons aussi payer pour qu’un homme les accompagne, et elles ont souvent des responsa-bilités à la maison qu’elles peuvent difficilement laisser sans recevoir une aide financière supplémentaire. »

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Chapitre 3 Économie du volontariat

La rémunération des volontaires est au cœur de multiples économies du volon-tariat et du développement qui s’imbriquent et peuvent renforcer ou bouleverser les inégalités sociales existantes, ainsi qu’engendrer de nouvelles hiérarchies et stratifications. Cette pratique influe sur la différenciation et la distribution des volontaires au sein des groupes sociaux et entre eux, ainsi qu’au niveau national.

« Ce n’est pas juste. Si on travaille sur un projet, on a droit à un peu d’argent, mais si on travaille au niveau communautaire, comme on dit, alors on n’a rien, pas même un rem-boursement. » (Société nationale d’Afrique de l’Ouest)

« Un de nos projets consiste à travailler avec des réfugiés, et les volontaires qui y parti-cipent touchent une somme d’argent pour chaque famille qu’ils interrogent. S’ils vont vite et interrogent un grand nombre de familles par jour, ils gagnent plus d’argent que les sala-riés qui les gèrent, ce qui crée beaucoup de ressentiment chez certains de nos employés. » (Société nationale du Moyen-Orient)

Le versement d’indemnités journalières, généralement conçu comme une mesure d’incitation, peut avoir l’effet inverse si un manque de transparence ou d’impartialité est perçu autour de la répartition des indemnités journalières. Cela peut démotiver les volontaires et favoriser un sentiment d’inégalité ou d’injustice qu’ils connaissent déjà très bien.

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Étude mondiale sur le volontariat : rapport

« Parfois, notre nom n’est pas sur la liste des indemnités journalières. On ne sait pas pour-quoi, c’est comme ça. » (Volontaire, Société nationale d’Afrique centrale)

La rémunération influe en outre sur la distribution des volontaires dans les pays et la durée de leur engagement, en lien avec la disparité des activités de déve-loppement réalisées dans les pays en développement (Bebbington 2004).

« Nous avons généralement plus de volontaires là où nous mettons en œuvre [un] projet financé. Dans les régions où nous n’avons pas de projets, il est très dur de garder les volon-taires ; très, très dur. La difficulté est donc de savoir comment les fidéliser. » (Zambie)

La capacité d’offrir une rémunération ou d’autres formes de récompense ne correspond pas directement aux inégalités existantes de façon évidente ; la rémunération est liée à la mesure dans laquelle un lieu donné a attiré des acti-vités dans le cadre de « projets » financés, déterminant ainsi qui peut faire du volontariat et quels types de personnes sont encouragés à faire du volontariat. Les volontaires mobiles à la fois sur le plan spatial et le plan social peuvent tirer parti d’activités de volontariat mieux rémunérées tandis que ceux qui sont « bloqués » dans des régions attirant moins de « projets » seront probablement moins rémunérés, puisqu’ils ne sont pas en mesure de couvrir des dépenses de base comme l’alimentation et les transports, ce qui exclura leur participation.

« Quand nous demandons à un volontaire de faire de l’humanitaire ou du social dans une région, par exemple dans l’Ouest où l’action humanitaire est bien établie en raison des différentes crises qui s’y sont produites, il réclame généralement de l’argent car d’autres organisations humanitaires versent des indemnités, voire des salaires aux villageois en échange du même travail. On attend donc la même chose de nous, même si ce n’est pas notre mode de fonctionnement. » (Société nationale d’Afrique de l’Ouest)

Une source de main-d’œuvre abordable et à proximitéLes expressions « indemnités journalières » et « remboursement des frais » semblent être employées, du moins en partie, parce qu’elles ne déstabilisent pas les définitions établies du volontariat comme les termes « paiement » et « salaire ». Les paiements accordés aux volontaires relèvent donc des politiques de dénomination du travail et du volontariat. Comme l’observe Katy Jenkins dans son article, qualifier de « gratification » (« tip ») l’argent perçu par les agents de santé communautaire a eu d’importantes conséquences pour les politiques relatives aux femmes de l’ONG sur laquelle portait son étude (Jenkins 2009). Si les « volontaires » ne perçoivent que des « indemnités journalières », alors on peut encore les appeler des volontaires. Par contre, s’ils reçoivent des paiements, cela remet en cause les définitions admises du volontariat et a des incidences plus formelles sur les droits et les devoirs tels que les contrats et les impôts.

Selon nos informations, les indemnités journalières versées aux volontaires sont parfois si importantes qu’elles s’apparentent davantage à des salaires qu’à des remboursements de frais, au point que dans certains cas, elles équivalent à un salaire minimum, voire à un salaire de professionnel, d’enseignant par exemple. Dans ces cas-là, les organisations qui parlent d’« indemnités journalières » évitent parfois de dresser des contrats de travail formels en continuant à appeler leur main-d’œuvre des volontaires. Une Société nationale du Moyen-Orient indique :

« Je crois qu’il est plus difficile de les employer formellement, même en contrat à durée déterminée. Cela nécessite beaucoup de formalités, et une fois le projet achevé, il est par-fois difficile de mettre fin aux contrats. C’est juste plus compliqué. Mieux vaut les appeler des volontaires et leur verser des indemnités journalières. »

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Chapitre 3 Économie du volontariat

Dans d’autres cas, les paiements sont inférieurs à un salaire minimum ou pro-fessionnel, bien que les volontaires soient censés travailler à plein temps ou à temps partiel de façon régulière ; on peut raisonnablement affirmer que cela s’apparente à de l’exploitation. On emploie ici une source de main-d’œuvre à proximité et bon marché sous couvert de volontariat, en vue de réaliser des projets financés par des sources étrangères, tout en se déchargeant de certains des problèmes et des coûts de « l’emploi ». En outre, on profite ainsi du manque courant d’emplois formels à pourvoir.

En général, cette pratique permet de contourner des responsabilités comme le paiement d’assurances sociales ou de charges patronales pour les employés à plein temps et à temps partiel. En outre, elle empêche des personnes d’accéder à des contrats de travail rémunérés à plein temps, mieux perçus et qui leur conféreraient un avantage professionnel pour l’avenir. Ce faisant, elle renie la reconnaissance des compétences et de l’engagement nécessaires pour rem-plir ces fonctions. Enfin, il se peut que cette culture souterraine du volontariat rémunéré entrave la création d’emplois pour les jeunes.

Au moins une Société nationale d’Afrique de l’Ouest, préoccupée par ces ten-dances émergentes, a pris des mesures pour éviter que le volontariat ne res-semble à du travail, en limitant le nombre d’heures dont les volontaires peuvent faire don à seulement quatre par semaine, parce que « ce n’est pas leur travail ». Voilà qui montre qu’il faut être attentif aux conceptions contrastées du volon-tariat au sein du Mouvement, et souligne l’importance des contextes socio-éco-nomiques locaux.

Économie du volontariat

Certaines Sociétés nationales qui ne sont pas en mesure de proposer de rému-nération (en raison d’un manque de ressources) ou n’y sont pas disposées (car elles estiment cela contraire à nos Principes) se retrouvent en difficulté dans un secteur concurrentiel enclin à offrir des mesures d’incitation.

« D’autres organisations nous volent nos volontaires une fois qu’ils sont formés. Elles leur proposent de petites sommes d’argent pour faire du volontariat chez elles, alors les volon-taires partent. L’ONU le fait, de petites organisations locales aussi. Nous investissons beaucoup de temps et d’argent pour les former (les volontaires) et dès qu’ils ont achevé leur formation, ils partent travailler pour quelqu’un qui les paye. » (Responsable de pro-gramme, Société nationale d’Afrique de l’Ouest)

« Des fonds considérables entrent dans le pays pour la prestation de services, et nous voyons apparaître beaucoup de petites organisations caritatives qui ont de l’argent pour réaliser des projets. Mais elles n’ont pas de volontaires, alors elles en payent pour qu’ils réa-lisent ces projets. Certains de nos volontaires sont ainsi poussés à partir. » (Responsable, Société nationale d’Europe orientale)

Dans ces cas-là, les Sociétés nationales se sentent tenues d’adopter une pra-tique dont elles ne veulent pas, sous peine de continuer à perdre leurs meilleurs volontaires. Ainsi, en Asie-Pacifique, plus d’un quart des Sociétés nationales ont elles aussi relevé ce problème : les groupes socio-économiques défavorisés se tournent vers des organisations qui peuvent leur offrir un soutien financier en retour de leur engagement, ce qui force les Sociétés nationales à se demander comment elles pourraient modifier leurs pratiques d’incitation.

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Ailleurs, l’inégalité des indemnités journalières versées fait naître de la concur-rence entre des organisations, voire parfois entre différentes composantes du Mouvement. Certains paient plus que d’autres, ce qui pousse naturellement les volontaires à « faire leur marché » entre différentes organisations, surtout ceux qui ont une plus grande mobilité physique et un meilleur accès à l’information sur les activités des organisations, et qui passent de l’une à l’autre en fonction des avantages proposés. Ce phénomène se manifeste depuis un certain temps dans le cadre d’interventions d’urgence, et se banalise en dehors de ce contexte, dans le domaine du développement.

« Par exemple, les volontaires de l’ONU sont très bien payés. Ils sont vraiment bien payés. La compensation qu’ils reçoivent équivaut à cent fois la nôtre, ce qui a des incidences sur le volontariat. Il existe aussi ce que nous appelons des « organisateurs communautaires ». Ils travaillent pour le gouvernement, pour le ministère de la Santé. Ils sont un peu comme nos volontaires : ils travaillent et réalisent des activités dans la communauté, mais ils touchent des indemnités journalières. Je dois dire que certains d’entre eux touchent un salaire. Nos volontaires Croix-Rouge ne touchent rien, ce qui a des répercussions car ils travaillent au sein des mêmes communautés. Du coup, certains volontaires deviennent des organisateurs communautaires, jusqu’à ce que le gouvernement n’ait plus de travail pour eux et qu’ils reviennent chez nous faire du volontariat. » (Société nationale d’Afrique du Sud-Est)

Crise économiqueL’importance des schémas de rémunération et d’incitation doit être comprise dans le contexte économique général dans lequel opèrent les Sociétés natio-nales. Les personnes interrogées dans le cadre de l’Étude considèrent que les problèmes et crises économiques, récents et prolongés, influent largement sur le profil des volontaires et la forme que prend leur engagement. Pour certaines Sociétés nationales, le problème résulte du ralentissement économique et du fait que la plupart des habitants de leur pays cherchent à survivre et ne sont pas en mesure de consacrer suffisamment de temps à une activité bénévole n’offrant pas ou guère de compensation financière. Pour d’autres, il est étroi-tement lié à l’urbanisation et aux divers besoins, modes de vie et dynamiques des populations vivant dans des villes éloignées de leurs moyens de subsistance traditionnels, et subissant constamment des pressions pour gagner de l’argent, pour eux et parfois pour leur famille élargie.

« La plupart de nos volontaires sont vulnérables en raison de la faiblesse de notre économie, ce qui bien sûr influe sur leurs motivations de manière générale, car la majeure partie de la population est vulnérable et tire profit du volontariat, des organisations, même au niveau communautaire. Les gens pensent toujours qu’avec les fonds que nous fournissons, ou en faisant du volontariat, ils vont pouvoir racheter du savon, etc. La faiblesse de notre économie a des répercussions majeures sur le volontariat, car les gens ne cherchent plus, comme autrefois, à être ensemble, même assis dans les champs, à la maison. Les choses ont beaucoup changé. Maintenant, tout ce qui importe, c’est l’argent, le liquide, savoir si on va pouvoir en gagner. Cela a un impact considérable sur le volontariat en général. » (Afrique australe)

Dans une poignée de pays, les personnes interrogées estiment que ce phéno-mène est symptomatique d’une évolution des priorités, des marchés et des besoins, que le matérialisme a pris de l’ampleur, tandis que le volontariat a perdu de son prestige.

« Mais maintenant, avec la crise économique, les valeurs matérialistes gagnent du terrain, et la population est passée en mode « survie ». Par conséquent, l’intérêt et l’engagement des volontaires diminuent. » (Société nationale d’Europe orientale)

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Chapitre 3 Économie du volontariat

Dans les pays du Sud, en particulier, la plupart des personnes interrogées ont indiqué que les problèmes économiques avaient une influence néfaste majeure sur le volontariat formel au sein d’organisations. Dans les régions Afrique et Moyen-Orient et Afrique du Nord, par exemple, plus de la moitié des Sociétés nationales ont déclaré que les problèmes économiques figuraient parmi les principaux obstacles à la fidélisation des volontaires.

Certaines Sociétés nationales, notamment dans les pays du Nord, estiment que les crises ont eu quelques effets positifs et favorisé un esprit de solidarité et de charité dans les communautés. Il se peut aussi qu’elles aient tiré parti du fait que des personnes avaient plus de temps libre ou recherchaient des occasions d’améliorer leur employabilité.

« La crise a indéniablement entraîné une augmentation du nombre de volontaires, qui sont plus disponibles… Par ailleurs, tous les services liés à la lutte contre la crise économique sont très appréciés des volontaires. » (Société nationale d’Europe occidentale)

« La crise économique, ou le sentiment qu’une crise économique est en cours, renforce l’en-gagement. À la perception de cette crise économique s’ajoute l’idée que nous traversons une crise morale, que l’on ne se parle plus et qu’il faut renouer les liens sociaux. » (Société nationale d’Europe occidentale)

Étude de casSe rassembler en des temps difficiles

« En 2008, notre économie s’est brutalement effondrée et l’ambiance a rapidement changé. J’étais là en 2007, au plus fort de la croissance, quand chacun était trop occupé pour faire du volontariat. Tout le monde faisait des heures supplémentaires, gagnait beaucoup d’argent, voyageait à l’étranger, et ainsi de suite. Puis, en automne 2008, il y a eu la chute, et un grand bouleversement dans l’esprit de toute la nation : les gens se sont montrés beaucoup plus positifs à l’égard du volontariat. En 2007, nous avions besoin de volontaires pour nos programmes, mais personne ne voulait s’engager. Puis (après le krach), nous avons connu un essor du volontariat, car les gens étaient plus disposés à s’engager et avaient beaucoup plus de temps libre. Pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, de nombreuses personnes étaient au chômage, des personnes très actives et disposées à nous rejoindre pour faire quelque chose de leur temps libre. » (Société nationale d’Europe occidentale)

Le même phénomène a été observé dans quelques pays en développement, où les problèmes économiques ont favorisé des sentiments de solidarité. Cependant, en raison de la gravité de la situation, la lutte pour la survie prend souvent le pas sur le désir d’exprimer sa solidarité par le biais du volontariat formel.

« [Le] plus grand impact tient à la crise économique qui se prolonge et à ses effets sur la Société nationale dans son ensemble. Toutefois, la crise a des aspects négatifs et positifs. L’aspect positif, c’est la solidarité accrue qui se manifeste au sein de la société ; l’aspect négatif, ce sont les répercussions directes de la crise sur le volontariat, car quand les gens peinent à survivre, peu trouvent le temps de commencer ou de continuer à faire du volon-tariat au sein de la Croix-Rouge. » (Société nationale d’Afrique de l’Ouest)

Pour la grande majorité des Sociétés nationales des pays du Sud, les crises et les problèmes économiques entravent encore davantage la mobilisation construc-tive des volontaires. Au niveau communautaire, beaucoup souffrent des effets

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persistants de la pauvreté, en particulier dans les communautés avec lesquelles la Croix-Rouge tente de nouer des liens. C’est souvent dans ces mêmes commu-nautés que la Croix-Rouge essaie de recruter des volontaires.

« Le ralentissement économique et la récession mondiale ont des répercussions sur nous, et donc sur la population. La population est toujours touchée. Les personnes deviennent plus vulnérables. Nos volontaires sont très vulnérables. Ils veulent aider les autres mais ils sont vulnérables aussi en raison de la pauvreté qui touche le pays. » (Afrique du Sud-Est)

D’après notre étude, les volontaires sont toujours motivés par des impératifs humanitaires (nombre de volontaires interrogés au cours de ce processus l’ont confirmé), mais ils cherchent aussi dans l’équation à recevoir une forme de rémunération, par exemple à tirer eux aussi des avantages des services fournis :

« Le coût de la vie est très élevé, et le taux de chômage aussi. Certains veulent s’engager et faire du volontariat parce qu’ils pensent que c’est peut-être un autre moyen de survivre. Ils espèrent qu’en proposant leurs services, ils bénéficieront de quelques avantages qui les aideront, par exemple, à s’occuper de leur famille. » (Société nationale d’Afrique australe)

« Beaucoup de volontaires agissent ainsi et préfèrent travailler pour des organisations qui leur donneront quelque chose en retour, d’autant plus qu’aujourd’hui, on ne trouve pas de travail et le chômage persiste. Je dirais que cela a des conséquences préjudiciables sur le volontariat. » (Société nationale d’Afrique de l’Ouest)

« Avant, les gens venaient, ils donnaient de leur plein gré du temps à une organisation. Mais aujourd’hui, en raison du coût élevé de la vie, ils pensent : « Il me faut plus, j’ai besoin de gagner plus d’argent. » Alors au lieu de consacrer du temps à une organisation, je dirais qu’ils préfèrent travailler plus, effectuer des tâches et des heures supplémentaires. » (Afrique du Sud-Est)

Il apparaît de plus en plus difficile d’attirer des volontaires sans leur proposer d’incitation financière. Ainsi, une Société nationale africaine observe : « Quand nous réalisons une activité, des projets pouvant leur permettre d’obtenir une petite indem-nité journalière, les volontaires sont très motivés et arrivent en masse ». Une autre a cette réflexion poignante : « si on dit [au volontaire] qu’aucun projet ne prévoit d’indem-nités journalières, [alors] la motivation disparaît. »

Néanmoins, ces conclusions ne sous-entendent pas que les incitations finan-cières constituent de plus en plus la principale ou la seule motivation des volon-taires, mais plutôt qu’elles participent d’une économie du volontariat complexe et changeante, découlant des évolutions détaillées dans le présent et le précé-dent chapitre. Graham et al. (2013) soutiennent que dans une société où la pau-vreté est généralisée et où le chômage explose (p. 17), on attend du volontariat qu’il soit rémunérateur (p. 12) car certains volontaires se tournent parfois vers lui dans l’espoir de trouver une source de revenus. Notre étude corrobore cette théorie.

« Il serait difficile de développer davantage le volontariat en tant que tel, sans rémunération quelconque, car les jeunes sont à la recherche d’un emploi, et il faut absolument leur offrir un substitut. » (Responsable de la gestion des volontaires, Société nationale africaine)

« Le volontariat d’aujourd’hui n’est pas celui d’hier. La population ne peut se permettre de donner trop de son temps pour rien. » (Responsable volontaire, Société nationale du Moyen-Orient)

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Chapitre 3 Économie du volontariat

« Si je n’ai pas de quoi manger, je ne suis pas en bonne santé ; si je ne suis pas en bonne santé, comment est-ce que je peux aider les autres ? » (Volontaire, Société nationale d’Amé-rique centrale)

« C’est compliqué pour moi de faire du volontariat, car je travaille beaucoup. Je n’appar-tiens pas à la classe privilégiée de mon pays, donc si je ne travaille pas, je ne mange pas, et certains membres de ma famille dépendent de moi financièrement. » (Volontaire, Société nationale d’Amérique du Sud)

Une section située dans une zone rurale d’Afrique de l’Ouest a en outre fait état d’attentes sociales et de questions liées au genre.

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« On attend des hommes qui partent toute la journée qu’ils gagnent de l’argent. On attend d’eux qu’ils rentrent avec quelque chose. »

Quoi qu’il en soit, si l’on voit comment l’évolution des réalités socio-écono-miques façonne les raisons pour lesquelles les volontaires s’engagent, il est important de ne pas réduire les actions des individus à une simple forme de rationalité économique : à l’évidence, d’autres impératifs socio-humanitaires continuent de jouer un rôle.

« Oui [nous payons des indemnités journalières], mais malgré tout, ils sont motivés. En fin de compte, le volontaire a besoin de se sentir valorisé, utile et précieux. » (Société nationale d’Afrique de l’Est)

« Oui, ils sont payés, mais je ne pense pas que ce soit leur unique motivation : ils sont aussi bouleversés par la mort de nombre de leurs concitoyens, et ils veulent apporter une contri-bution. » (Société nationale du Moyen-Orient)

« L’important pour moi est d’aider les autres, de sauver des vies. Je le ferais même si je n’étais pas rémunéré. » (Volontaire, Société nationale d’Afrique centrale)

Nous pouvons donc voir que la rémunération doit être replacée dans le contexte de l’interaction complexe entre diverses motivations et pressions qui diffèrent dans les régions et d’une région à l’autre. Il faut éviter de laisser entendre qu’une dichotomie existe entre les volontaires des pays du Sud, qui s’engage-raient largement pour des raisons de « survie économique », et les volontaires des pays du Nord, dont l’engagement serait plus ancré dans l’abondance et la « bienveillance ». Néanmoins, nous devons aussi reconnaître que l’évolution des facteurs qui poussent à proposer une rémunération dans les pays du Sud a une incidence considérable et remet en question les conceptions dominantes de ce que l’on entend et comprend par « volontariat ».

Incidence sur les concepts du volontariat

Pour quelques Sociétés nationales, cette myriade de facteurs (taux de chômage, extrême pauvreté, concurrence, attentes sociales, pressions liées à la réalisa-tion de projets importants financés par des donateurs étrangers) a concouru à entraver le volontariat. Ce phénomène a entraîné des effets considérables. Il convient peut-être tout particulièrement de noter qu’il nuit, selon certains, à l’esprit du volontariat au sein de leur communauté, un sujet dont parlent avec véhémence la plupart des personnes interrogées.

« Dans le meilleur des cas, ce type de volontariat [dans lequel les volontaires sont payés au-delà de leurs dépenses] transforme le volontariat communautaire ; dans le pire des cas, il lui porte préjudice. » (Société nationale d’Afrique centrale)

« [Cette] tendance tue l’esprit du volontariat dans les communautés… Elle nous force à défendre les Principes fondamentaux de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, c’est écœu-rant. » (Société nationale d’Afrique de l’Est)

« Le concept du volontariat [sans incitation financière] semble perdre du terrain, pas seule-ment dans notre pays, mais dans toute l’Afrique. » (Société nationale d’Afrique de l’Ouest)

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Chapitre 3 Économie du volontariat

Il est évident que dans plusieurs pays, d’Afrique en particulier, les incitations financières font désormais partie intégrante du paysage du volontariat. Dans un des pays d’Afrique centrale où nous nous sommes rendus, chacun des milliers de volontaires que nous avons rencontrés bénéficiait d’une incitation financière en échange de sa participation. Quand nous avons demandé à ces volontaires s’ils participeraient même s’ils n’étaient pas payés, ils ont déclaré que oui, mais que ce serait difficile.

Une Société nationale européenne a mis en œuvre un projet financé par son gouvernement dans un pays du Moyen-Orient parmi les plus pauvres du monde, et rend compte d’une expérience qui expose de manière très intéressante les effets potentiels des incitations financières sur le volontariat.

« Nous avons entrepris un projet dans une section qui existait déjà et réalisait de nom-breuses activités au sein de la communauté. C’était une région extrêmement rurale et très pauvre. Notre projet était assez colossal, nous disposions de fonds importants et nous avons alloué des indemnités journalières aux volontaires. Le projet a fait beaucoup de bien à la communauté et a produit de bons résultats. Mais quand, six mois après la fin du projet, nous sommes revenus, la section ne menait pratiquement plus aucune activité. Lorsque nous avons demandé pourquoi, on nous a expliqué que la section n’avait pas d’argent ou de ressources pour faire quoi que ce soit, et ne parvenait pas à recruter des volontaires. Pourtant, avant que nous mettions en œuvre notre projet, elle réalisait beau-coup d’activités qui mobilisaient de nombreux volontaires. Elle mobilisait des ressources au sein même de la communauté, faisait avec les moyens du bord. Notre projet a bouleversé cette dynamique, et semble en conséquence avoir diminué la résilience de la section à long terme. »

Il faut évidemment approfondir les recherches sur la manière exacte dont les incitations financières façonnent les motivations des volontaires dans des régions données. À quelques grandes exceptions près, ces recherches ont géné-ralement porté à ce jour sur les pays du Nord et sur la façon dont les incitations financières influent sur la fidélisation des volontaires et l’efficacité organisation-nelle et des projets en général (Wilson 2007, Lewis 2014). Nous devons en outre mieux comprendre comment la rémunération façonne l’économie du volon-tariat en général, et le lien avec les schémas historiques de volontariat et les définitions du volontariat.

D’après une des Sociétés nationales dans lesquelles nous nous sommes rendus, la pratique de la rémunération modifie non seulement les attentes des volon-taires actuels, mais aussi celles des volontaires potentiels dans l’ensemble de la communauté.

« Oui, nous avons payé des volontaires dans le cadre d’un projet — plutôt beaucoup, je suppose, à peu près ce que gagnerait un enseignant. Les autres volontaires ont commencé à demander pourquoi ils n’étaient pas payés. Pire, le bruit a couru dans la communauté que nous payions des volontaires. Nous avons alors reçu beaucoup de candidatures de personnes qui s’attendaient à être rémunérées en échange d’activités de volontariat. Nous avons mis très longtemps à corriger la situation ; aujourd’hui encore (deux ans plus tard), nous recevons des candidatures de personnes qui pensent que nous allons les payer. » (Société nationale des Caraïbes)

Le plus inquiétant est que, dans quelques régions, cette pratique sape les méca-nismes d’adaptation locaux qui depuis des millénaires permettent d’entretenir la résilience des populations face à de nombreux défis et menaces, souvent dans les pays ayant le plus besoin de ces structures d’appui.

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Étude mondiale sur le volontariat : rapport

L’Étude confirme que les crises et les tensions peuvent favoriser une solidarité accrue au niveau local. Néanmoins, la pratique d’organisations (souvent) étran-gères consistant à ajouter une dimension financière à ce qui était auparavant perçu comme une composante intrinsèque de la solidarité et du soutien mutuel semble, dans certains cas, affaiblir des structures d’appui essentielles.

Il faut cependant être prudent : si d’un point de vue rhétorique il est tentant d’affirmer que le paiement ou la rémunération nuisent au volontariat commu-nautaire dans le monde entier, ce raisonnement ne résiste pas à un examen rigoureux, car les termes employés nécessitent d’être constamment remis en contexte, puisqu’ils évoluent et se meuvent d’un contexte à un autre. Nos recherches indiquent effectivement que dans certains contextes, le fait de payer des volontaires peut considérablement ébranler les concepts du volontariat en vigueur. Cependant, nombre des concepts fondamentaux liés au volontariat et à la rémunération sont glissants et remis en cause, et s’imbriquent d’une manière qui requiert de prêter attention aux divers rapports et investissements qui façonnent le volontariat dans les pays en développement, et qui montre que la prudence est de mise à l’égard des critiques généralisatrices selon lesquelles le volontariat « rémunéré » sape le « volontariat pur » (Sunkutu et Nampanya-Serpell 2009).

Au-delà de la rémunération ? La création d’emplois et de moyens de subsistance

Un très grand nombre des personnes avec lesquelles nous travaillons vivent dans une grande pauvreté, souvent écrasante. Tant que nous ne serons pas à même de définir des mesures concrètes visant à soutenir les personnes mar-ginalisées, celles-ci continueront à être sous-représentées dans notre base de volontaires. Un « paiement » pourrait être envisagé, mais comme nous l’avons vu, les incidences sont vastes et complexes, et peuvent aller à l’encontre d’ap-proches inclusives en diminuant le contrôle que les organisations ayant recours à des volontaires exercent sur les pratiques de volontariat au-delà de la réali-sation de projets. L’étude de la Fédération internationale sur le volontariat en milieu urbain (Fédération internationale 2014) souligne :

« Un soutien plus important aux moyens de subsistance des volontaires issus de milieux défavorisés favoriserait une plus grande diversité en encourageant les groupes socio-éco-nomiques défavorisés à s’engager. À cet égard, les Sociétés nationales déterminées à créer des possibilités de volontariat à l’intention des personnes vulnérables devraient envisager des options simples et pratiques en vue d’améliorer les moyens de subsistance et l’em-ployabilité des volontaires. »

Plusieurs Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge le font déjà et proposent des formations et des expériences professionnelles ainsi que des fonctions d’encadrement qui permettent aux volontaires d’enrichir leur CV et de multiplier les contacts et les occasions de développer un réseau. D’autres Sociétés nationales nouent des partenariats formels visant à offrir des possibilités à leurs volontaires. Ces partenariats offrent des avantages qui forment un continuum avec la rémunération et même le « paiement ». Ils peuvent effectivement se révéler plus coûteux pour l’organisation, mais aussi plus bénéfiques en termes de renforcement des capacités locales et de promotion d’un volontariat durable.

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Chapitre 3 Économie du volontariat

« Les problèmes économiques, la migration des jeunes vers d’autres pays de l’UE et l’emploi précoce des jeunes ne laissent pas de place pour le volontariat. [Notre Société nationale] collabore activement avec des établissements d’enseignement et des pôles emplois pour, à la fois, donner aux volontaires des occasions de se forger une expérience, et bénéficier de leurs services. » (Responsable, Société nationale d’Europe orientale)

Certaines Sociétés nationales tentent de proposer d’autres incitations d’ordre professionnel « en nature », ou un soutien allant au-delà des expériences pro-fessionnelles et des possibilités de formation habituellement accessibles par le biais du volontariat. Une Société nationale d’Amérique latine aide ses volon-taires à obtenir des bourses afin qu’ils puissent commencer ou terminer leurs études universitaires. En Afrique, une Société nationale collabore avec le ministère de la Santé en vue de trouver un emploi à ses volontaires formés et plus établis.

L’Étude semble indiquer que le volontariat est plus populaire dans les pays où le gouvernement, les établissements d’enseignement et le secteur privé valorisent les expériences de volontariat, y voyant des contributions utiles au développe-ment professionnel. Comme d’autres l’ont remarqué (Baillie Smith et Laurie 2011), le volontariat devient plus attrayant s’il augmente les chances d’un indi-vidu en période de difficultés économiques.

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Étude mondiale sur le volontariat : rapport

« Le volontariat est perçu comme une occasion de décrocher une bourse ici ou à l’étranger, d’obtenir un travail et d’être admis à l’université. Il est donc de plus en plus prisé par les jeunes. » (Employé, Société nationale d’Europe orientale)

Mais dans les régions où le volontariat ne semble pas valorisé et utile du point de vue de l’emploi et de l’éducation, la motivation n’est pas là :

« Oui, c’est ce qu’on observe en Europe, mais ici, très peu d’entreprises ou d’universités requièrent des CV justifiant d’une expérience de volontariat. Quelques personnes viennent à cet effet, et nous leur donnons une activité. C’est récent, seuls 20-25 % des volontaires environ s’engagent pour cette raison. » (Responsable, Société nationale du golfe Persique)

Quelques Sociétés nationales ont mis au point des approches du volontariat intéressantes, axées sur les moyens de subsistance. Ainsi, en Afrique centrale, une Société nationale aide des communautés à obtenir des terrains commu-nautaires, et des volontaires à y travailler. Une partie des bénéfices alimente un fonds central géré par un comité de représentants locaux qui décide comment l’utiliser au service de la communauté et des plus défavorisés. Une autre partie est destinée aux volontaires, qui bénéficient en outre d’autres avantages comme la possibilité d’élever des chèvres. Cette approche s’aligne sur la forte tradition d’entraide du pays et contribue à renforcer cette tradition plutôt que de l’affai-blir. En l’espèce, elle a connu un succès prodigieux et plusieurs centaines de milliers de volontaires sont venus prendre part à l’initiative.

« Il existe aussi cette tendance, et une autre tendance liée au volontariat : des jeunes se rassemblent autour, disons, d’une activité de production, comme l’agriculture, la pêche, ou autre, et bénéficient du soutien de certains donateurs de sorte que l’activité devienne une activité économique dont ils sont eux-mêmes responsables. Il y a aussi des organismes de volontaires qui accordent des prêts à des groupes ou des individus ; des personnes sont identifiées et bénéficient de ce service. Pour l’instant, les jeunes sont nombreux à quitter la campagne pour les grands centres urbains, à la recherche d’un emploi. Si la situation éco-nomique ne s’améliore pas, la tendance se confirmera pendant les dix prochaines années, et d’un point de vue économique, notre travail consistera à voir comment nous pouvons gérer cela en créant des unités de production de la Société nationale. » (Société nationale d’Afrique centrale)

Voilà qui souligne à nouveau l’importance d’envisager des mesures d’incitation et de rémunération en fonction du contexte général dans lequel le volontariat s’opère. Il importe aussi de se souvenir que les approches relatives aux moyens de subsistance ne doivent pas esquiver les problèmes d’inégalité, et il faut faire preuve d’ouverture, de bienveillance et de vigilance pour que les possibilités de participation ne soient pas conçues de manière à entraîner l’exclusion des volontaires qui seraient aussi marginalisés par certaines des pratiques de « paie-ment » exposées plus haut.

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Chapitre 3 Économie du volontariat

Conclusion

Nos données mettent en évidence les incidences complexes et problématiques de la rémunération des volontaires dans différentes Sociétés nationales, et la relation de la rémunération avec les pressions auxquelles les Sociétés natio-nales, les individus et les communautés sont confrontés de manière générale. Il est d’urgent d’approfondir les recherches pour saisir pleinement les différentes conséquences de cette dynamique dans le contexte des conceptions diverses du volontariat, ainsi que l’évolution de la présence et des activités des acteurs de l’aide et du développement dans des pays donnés. Si l’on peut dire que la pra-tique du paiement transforme plus directement ce que l’on entend par volonta-riat, la façon dont cette pratique se combine avec d’autres pressions et contextes fait que certains changements imprévus et souvent cachés doivent être compris au niveau tant organisationnel que sectoriel.

Nos recherches révèlent que la rémunération fait désormais partie du réper-toire des acteurs de l’aide et du développement, qui se servent des volontaires comme d’une réserve de main-d’œuvre, professionnelle, flexible, jetable et à proximité. Quelques indices fiables permettent d’affirmer qu’aide, développe-ment et rémunération des volontaires peuvent se combiner et aller à l’encontre des interprétations inclusives et universelles du volontariat et de son rôle dans le développement, créant au contraire une économie du volontariat de plus en plus hiérarchisée. Dans le même temps, la rémunération peut aussi être essen-tielle pour permettre la participation de certains groupes de volontaires. Il n’est pas suggéré de faire preuve de plus de rigidité quant à ce qui constitue du volon-tariat ; il faut plutôt commencer par nouer un dialogue plus intelligent entre les différents acteurs qui recrutent, utilisent et soutiennent les volontaires mobi-lisés pour le développement. Ce dialogue est primordial pour garantir une plus grande sensibilité aux effets complexes et souvent non désirés que peut avoir la rémunération des volontaires.

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Chapitre 4 Les volontaires dans les conflits et les situations de crise

Le présent chapitre examine le soutien apporté aux volontaires dans les conflits et les situations de crise, contextes dans lesquels les volon-taires sont de plus en plus nombreux dans les pays du Sud. Il fait valoir que les volontaires jouent un rôle de plus en plus important dans un contexte où les acteurs humanitaires internationaux se sont retirés de certaines zones de conflit et où les infrastructures locales ont été détruites. Il faut apporter un soutien bien plus important à ces volontaires et approfondir les recherches en vue de comprendre leurs besoins et leurs expériences.

« En 2012, j’étais responsable du centre de santé d’Al Moadamyeh. J’ai été blessé plu-sieurs fois durant mes missions sur le terrain : j’ai reçu un éclat d’obus au poignet et trois autres dans la poitrine. Pendant une autre mission, un tireur embusqué m’a atteint à l’avant-bras. Aujourd’hui, j’ai encore des éclats dans le corps. J’ai suspendu mon activité au département des premiers secours pendant un temps, puis je suis retourné au service de formation. À présent, je retourne au département des premiers secours. » (Volontaire, Syrie) (Fédération internationale 2014b)

« Nous attendions à l’extérieur du bâtiment, mais l’armée ne voulait pas nous laisser passer. Nous voulions entrer car nous savions que nous trouverions des corps [de per-sonnes qui] avaient été tuées par l’armée, et nous voulions les rendre aux familles. Finalement, au bout de quelques jours, on nous a laissés entrer, et nous nous sommes rendu compte que les corps étaient ceux de gens que nous connaissions. Parmi eux se trou-vaient des amis à moi, mais nous ne pouvions rien laisser paraître, au risque d’être tués aussi. De plus, étant donné notre identité, nous devons rester neutres. Alors, nous avons gardé le silence et commencé à enlever les corps. Les gardes disaient : « Laissez-les aux chiens dans la rue. » Nous devions simplement garder le silence. Une fois loin, je me suis effondré. Je pleurais tellement. Pendant deux jours, je n’ai pas pu retourner faire du volon-tariat. Cela arrive parfois. Un jour, un volontaire arrête de venir et quand on va le voir, on apprend qu’il n’en peut plus et ne viendra plus. La plupart des volontaires en ont trop vu. Personne ne devrait jamais avoir à voir ces choses dans la vie. Mais j’ai transporté des corps décapités, des têtes. J’ai vu des corps en décomposition, j’ai perdu quelqu’un pendant une réanimation cardio-pulmonaire, j’ai été blessé par balle alors que j’essayais d’éteindre un feu. J’en ai trop vu. » (Volontaire, Moyen-Orient)

Chapitre 4

Les volontaires dans les conflits et les situations de crise

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« Je ne sais pas si je resterai dans cette équipe ou pas, mais je me souviendrai toujours de ces moments d’émotion. Je n’oublierai pas les regards de gratitude et d’admiration. Je n’oublierai jamais que des volontaires ont voué leur vie à sauver des vies. » (Volontaire, Syrie) (Fédération internationale 2014c)

Les volontaires de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge opèrent de plus en plus souvent dans des contextes très fragiles, des situations d’urgence complexes ou des conflits prolongés. Aujourd’hui, dans le monde, plus d’un million de volon-taires Croix-Rouge/Croissant-Rouge sont à l’œuvre dans des pays touchés par des conflits, ce qui recoupe une tendance plus large : 80 % de l’aide humani-taire est dépensée dans des pays touchés par une forme ou une autre de conflit (Amos 2015). Les catastrophes naturelles comme les tempêtes tropicales, les sécheresses et les feux de forêts gagnent en fréquence et en gravité, et souvent se produisent dans des situations de conflit ou de violence chronique. Ces catas-trophes et autres situations d’urgence de grande ampleur, comme les épidé-mies de maladies mortelles, requièrent une mobilisation massive de volontaires locaux dans des environnements à risque. Les besoins humanitaires dans le monde prennent de l’ampleur et se manifestent dans des environnements si dangereux et si complexes que peu d’organisations peuvent y opérer.

Les histoires racontées par les volontaires qui interviennent dans ces situations apportent d’excellents exemples locaux de résilience et de solidarité face aux conflits et aux crises, de mobilisation face à de grands dangers, et d’initiative au sein de la communauté, quand personne d’autre, ou presque, ne peut ou ne veut agir. Étant donné le nombre élevé de volontaires opérant dans des envi-ronnements très complexes et extraordinairement dangereux, dans lesquels ils constatent et satisfont d’immenses besoins humains, il importe de porter une attention accrue au rôle fondamental qu’ils jouent et aux risques auxquels ils s’exposent à court et long termes. Il faut le faire non seulement pour des raisons humanitaires et liées aux programmes, mais aussi parce que ces expé-riences ont des incidences sur la définition et l’interprétation du volontariat au niveau macrosocial. Le fait de mettre davantage l’accent sur les contributions des volontaires soulève en outre la question de savoir si les connaissances et modes de pensée actuels sont aussi complets et universels qu’on ne le sous-entend parfois.

Malgré les nombreuses études et publications sur les situations de conflit, les interventions d’urgence de grande ampleur et d’autres environnements com-plexes (voir par ex. les contributions au Rapport sur les catastrophes dans le monde 2015), peu d’attention a été accordée aux besoins, aux expériences et aux pratiques des volontaires intervenant dans ces situations, et aux ensei-gnements qu’ils en tirent. Il en est ainsi malgré la prévalence de ces crises et le fait que, sans l’action des volontaires, beaucoup auraient des effets bien plus graves. La présente étude vise donc à jeter la lumière sur certains des risques que prennent les volontaires dans ces contextes. Parmi ces risques figurent la stigmatisation et les éventuelles agressions de la part des communautés dans lesquelles ils travaillent, le manque d’accès aux équipements et aux formations dont ils ont besoin, la gestion des défis liés à l’acceptation de leur action par les communautés et à l’accès aux populations touchées, la détresse psychologique, ainsi qu’une assurance et d’autres « filets de sécurité » inadéquats.

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Chapitre 4 Les volontaires dans les conflits et les situations de crise

L’importance des volontaires locaux de l’humanitaire dans les situations de crise

Il n’est pas rare, notamment dans les situations de conflit ou de crise prolongées, que les infrastructures locales et les services gouvernementaux se dispersent ou s’effondrent complètement, exacerbant la situation désastreuse à laquelle est déjà confrontée la plupart de la population (Rapport sur les catastrophes dans le monde 2015). Dans de nombreux pays, les volontaires de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (ainsi que ceux d’ONG locales et de groupes confessionnels) font partie des seules structures formelles à continuer de fournir de l’aide, des soins médicaux et d’autres services.

« Au tout début de l’épidémie d’Ebola, personne ne voulait nous aider, personne ne voulait s’impliquer. Seuls des volontaires locaux répondaient à l’appel. Mais au début, même eux étaient réticents. De nombreux volontaires nous ont quittés, surtout quand nous avons commencé à nous occuper des enterrements. Beaucoup [de volontaires] ne voulaient pas le faire. Mais beaucoup disaient aussi : « Personne d’autre ne le fera, c’est à nous de le faire. C’est notre communauté. » » (Travailleur humanitaire Croix-Rouge).

« Nous comptons normalement environ 400 000 volontaires, mais depuis que les émeutes et le conflit ont éclaté, les gens craignent une guerre civile et fuient avec toute leur famille. Ça va encore dans certaines zones rurales, mais dans les zones où la situation est tendue, comme dans la capitale, des dizaines de milliers de volontaires sont partis. Or, les besoins de la population sont énormes, et nous travaillons tous très dur pour y répondre. Les volontaires restants continuent de soigner les blessés et de s’occuper de la maison de leurs voisins qui ont fui. » (Société nationale d’Afrique centrale)

« En République centrafricaine, pendant la courte période qui a vu les violences escalader, le nombre d’acteurs internationaux de la lutte contre le paludisme a chuté de 42 à seule-ment 3 ou 4. Au plus fort du conflit, on ne voyait que l’ONU, les rebelles et les volontaires de la Croix-Rouge dans les rues. » (Travailleur humanitaire Croix-Rouge)

Le rôle des volontaires locaux dans ces environnements complexes a constam-ment augmenté ces dernières années, en partie en raison de l’incapacité des acteurs humanitaires internationaux à y opérer et à atteindre les personnes les plus démunies (Rapport sur les catastrophes dans le monde 2015, p. 160). Dans le même temps, le nombre d’acteurs locaux a souvent augmenté de manière notable, et la plupart d’entre eux recrutent des volontaires et continuent d’opérer tout au long des crises.

En République centrafricaine, où depuis des décennies un conflit fait rage et s’apaise par cycles, les services publics se sont presque complètement effon-drés. Les organisations internationales peinent à opérer dans tout le pays et à accéder à certains des plus défavorisés. Il est hautement risqué de se rendre dans certaines zones, et le conflit est si imprévisible qu’il est difficile à pré-dire, éclatant semble-t-il spontanément, puis se résorbant tout aussi rapide-ment. Les alliances changent en permanence et de nombreux réseaux sociaux se dénouent ou se cassent.

« Les centres de santé dans les régions [périphériques] ont été abandonnés par le per-sonnel il y a longtemps. Le gouvernement ne peut rien y faire, et nos volontaires locaux viennent de prendre la relève. Ils sont dans les hôpitaux et ils dispensent des soins à la

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population. Certains sont infirmiers, d’autres sont seulement secouristes, mais ils font ce qu’ils peuvent. Nous livrons des fournitures médicales quand nous le pouvons, et nous assurons des formations. » (Employé, Société nationale d’Afrique centrale)

Dans nombre de ces zones, l’ampleur des besoins dépasse largement la capacité de financement du monde (Amos 2015). Dans la plupart des cas, on compte donc davantage sur des groupes de volontaires issus des populations locales, déter-minés, à proximité et aptes.

Les volontaires locaux jouissent parfois d’un bien meilleur accès aux popula-tions et d’une plus grande confiance. Alors que les organisations internationales peuvent être dépeintes comme des acteurs extérieurs nantis, qui ne sont pas résolument axés sur la population locale et qui sont peut-être moins enclins à la consultation, les volontaires locaux sont membres de la communauté et souffrent des mêmes maux que ceux qu’ils cherchent à aider. Ils ont une bonne compréhension de la population et des normes socio-culturelles et font partie de réseaux de connaissances locaux, ce qui signifie qu’ils peuvent aisément saisir la dynamique complexe d’une crise et sont bien informés des nouveaux développements et des changements qui se produisent. Ils peuvent donc sou-vent jouer un rôle important dans le renforcement du capital social et culturel et la restauration de la confiance des communautés.

Une particularité unique des interventions menées au niveau local est l’échelle à laquelle elles peuvent opérer. Les groupes de volontaires locaux, notamment ceux des Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, comptent souvent des dizaines de milliers de membres et s’étendent généralement sur la majeure partie du territoire, entretenant une infrastructure et un réseau vastes là où les autres se sont pour la plupart affaiblis. Prenons par exemple certaines interventions récentes de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge :• En République démocratique du Congo, les volontaires ont contribué à pro-

téger plus de 2 millions de personnes de la poliomyélite en 2013 et 2014.• En Syrie, plus de 9 millions de personnes ont été aidées par des volontaires

du Croissant-Rouge arabe syrien en seulement trois mois (juillet, août et sep-tembre) en 2014.

• Dans les pays touchés par Ebola, 3,2 millions de personnes ont bénéficié de l’action des volontaires en 2013 et 2014.

« L’échelle est primordiale. Nous comptons un grand nombre de [volontaires locaux] qui œuvrent dans tout le pays. Grâce à leur connaissance de la situation locale et à leur forma-tion, ils savent où et comment faire les choses rapidement. C’est essentiel dans des inter-ventions aussi complexes. Ainsi, ils savent où se trouvent les puits, comment trouver du carburant, etc. À l’inverse, il nous a fallu du temps pour dissiper l’idée qu’Ebola relevait de la sorcellerie. Nous avons dû travailler dur pour battre en brèche certaines idées fausses au niveau local, mais de manière générale, nous serions perdus sans ces réseaux locaux. » (Travailleur humanitaire dans un pays touché par Ebola)

Si les volontaires locaux peuvent représenter un atout considérable s’agissant de la connaissance de l’environnement local et de ses rouages, ils peuvent aussi présenter un risque du fait qu’ils proviennent des communautés touchées. Ils ont ainsi des affiliations (avec un groupe ethnique ou religieux local précis, etc.) et peuvent sembler être associés à telle ou telle partie. Le Mouvement déploie une énergie considérable pour se positionner en tant qu’organisation neutre et impartiale au service des personnes, quelle que soit leur appartenance politique ou religieuse. Ses volontaires et ses responsables reçoivent une formation et un soutien importants, et des campagnes sont menées pour sensibiliser le public à la neutralité de l’organisation. Néanmoins, les volontaires locaux sont parfois

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Chapitre 4 Les volontaires dans les conflits et les situations de crise

perçus, à tort ou à raison, comme des partisans (Rapport sur les catastrophes dans le monde 2015, p. 161). Ils doivent donc tout particulièrement veiller à se conduire conformément aux Principes fondamentaux du Mouvement interna-tional de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. C’est la raison pour laquelle les gouvernements et les organisations humanitaires peuvent et doivent faire bien plus pour faire en sorte que les volontaires locaux de l’humanitaire soient res-pectés par tous en tant que fournisseurs de secours en temps de crise.

Dispenser des formations en vue d’exigences complexes

Le recours accru à des groupes de volontaires locaux fait que ceux-ci doivent souvent remplir des fonctions bien plus importantes, plus complexes et plus techniques qu’avant. En Syrie, le Croissant-Rouge arabe syrien assure un ser-vice d’ambulances dans la majeure partie du pays ; les volontaires qui gèrent ces ambulances dispensent, presque quotidiennement, des soins médicaux avancés aux patients souffrant de blessures en lien avec le conflit. Au Yémen, des volontaires prodiguent des soins de santé maternelle et infantile dans les zones isolées ou assiégées en raison du conflit. Dans les pays touchés par Ebola, les volontaires ont procédé à des enterrements dignes et sécurisés, respectant des procédures très strictes de prévention des infections tout en offrant un semblant de sérénité à leur communauté.

En temps « normal », la réalisation de ces tâches nécessite de hautes compé-tences ; dans ces environnements, elle requiert une capacité encore plus grande. Il faut des formations et un appui importants pour préparer et soutenir ces volontaires. Beaucoup accompliront, chaque jour, des missions diverses : éva-luations, distributions de secours, campagnes sanitaires, vaccinations, soins de santé primaires et évacuations, pour n’en citer que quelques-unes. Tout cela en opérant selon des cadres extrêmement stricts et complexes de gestion de la sécurité, dans lesquels ils peuvent régulièrement être amenés à négocier avec les structures de pouvoir locales, des groupes armés ou d’autres gardiens simplement pour accéder aux communautés les plus démunies (Rapport sur les catastrophes dans le monde 2015, p. 158).

« Nous faisons plein de choses : nous réparons la principale canalisation qui alimente toute la ville en eau, nous évacuons les corps, nous réparons les conduites d’eau et les lignes électriques, nous apportons des médicaments et des vaccins aux personnes qui en ont besoin dans le gouvernorat, nous participons aux processus d’échange entre les parties au conflit, et nous apportons de la farine à Alep quand les routes sont coupées. » (Volontaire, Syrie) (Fédération internationale 2014c)

Dans le même temps, nombre des personnes interrogées ont indiqué que les obligations découlant de ces fonctions et du versement de l’aide humanitaire sont peu à peu devenues plus complexes et plus contraignantes en matière de compte rendu, de redevabilité et de suivi. Si elles permettent d’accroître la rede-vabilité et la performance, et de tisser des liens de confiance entre les organi-sations locales et les donateurs internationaux, elles représentent aussi une charge supplémentaire pour les volontaires. Ceux-ci doivent en effet développer des compétences spécialisées en vue de maîtriser ces mécanismes de compte rendu, et passer plus de temps à répondre aux attentes et à respecter les poli-tiques et procédures imposées par des donateurs externes ou par la hiérarchie de leur propre organisation.

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Étant donné les importantes quantités de secours fournies par les grandes orga-nisations mondiales par le biais des groupes de volontaires locaux, les volon-taires sont souvent censés apporter plus de soutien que leur capacité ne le leur permet. Ces exigences sont imposées à des personnes qui ont souvent déjà personnellement subi un grave traumatisme et vivent au quotidien dans un contexte extrêmement stressant et dangereux. Dans cette situation, la descrip-tion typique du travail des volontaires devient de plus en plus complexe. Il faut donc investir davantage de temps et de ressources dans la préparation, la for-mation et l’appui de ces volontaires ; les responsables de projets doivent garder cette réalité à l’esprit, et les plans et budgets des programmes doivent tenir compte des besoins en formation et d’autres formes de soutien des volontaires dès le début de toute intervention d’urgence.

Sûreté et sécurité des volontaires

Les environnements dans lesquels les volontaires opèrent sont aussi complexes qu’instables, et ont pour caractéristique commune d’évoluer très rapidement.

« Les flambées de violence sont fréquentes. Une banlieue peut être calme un jour, puis s’embraser le lendemain. De nombreuses factions différentes peuvent apparaître et dis-paraître d’un jour à l’autre, d’une semaine à l’autre. Le pouvoir change constamment de mains, même dans la capitale. Le conflit est si localisé que même dans les banlieues, tout peut changer rapidement. La violence est permanente depuis deux, trois ans. » (République centrafricaine)

« La situation était compliquée. Les choses changeaient si rapidement et régulièrement qu’il nous était impossible de savoir d’où viendrait le problème suivant. Ebola s’est vite répandu dans trois pays et au début, nous avions toujours une longueur de retard. Et puis, tout d’un coup, d’autres problèmes pouvaient surgir qui compliquaient tout encore davantage. » (Travailleur humanitaire, intervention contre Ebola)

Dans de tels environnements, il est non seulement crucial, mais aussi vital d’avoir accès à des informations fiables, émanant d’acteurs locaux, sur la situa-tion sur le terrain. Cependant, le prix payé par les volontaires à titre individuel est inacceptable : entre janvier et octobre 2015, 20 volontaires de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ont perdu la vie dans l’accomplissement de leur mission. Ce qui est nouveau, c’est la cause du décès de ces volontaires. Alors que les années précédentes, 80 % des décès étaient dus à des catastrophes naturelles, 60 % des décès enregistrés en 2014-2015 sont dus à des incidents en lien avec un conflit, comme une explosion ou une fusillade. Outre ces volontaires décédés, de nombreux autres ont été blessés, détenus ou agressés. Des milliers ont été exposés à des souffrances telles qu’ils pourraient ne jamais se relever de ce stress psychologique.

La Croix-Rouge de Sierra Leone a par exemple déployé 55 équipes chargées d’in-humer dans des conditions de dignité et de sécurité les victimes de l’Ebola, une tâche à la fois cruciale et très dangereuse car la charge virale reste très élevée après le décès du porteur. Les volontaires ont été soumis à une énorme pression, travaillant souvent douze heures par jour, sept jours sur sept. Le travail en lui-même est épuisant, à la fois physiquement et psychologiquement. À cela s’ajoute le fait que la plupart des volontaires ont été traités comme des pestiférés par leur propre communauté : leur famille les a rejetés, les hôtels refusaient de leur louer des chambres (la Croix-Rouge a dû louer des maisons spécialement pré-vues pour accueillir ces volontaires), et des communautés inquiètes s’en sont

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Chapitre 4 Les volontaires dans les conflits et les situations de crise

même prises à eux physiquement. En Guinée, au plus fort de l’épidémie, chaque mois, en moyenne 10 volontaires de la Croix-Rouge intervenant contre Ebola étaient victimes d’attaques.

« Une mère avait tellement peur que ses fils aient intégré une des équipes d’inhumation (des victimes d’Ebola), qu’elle a lancé de fausses accusations à leur encontre auprès de la police pour qu’on les enferme. Elle avait peur ; tout le monde avait peur. » (Travailleur humanitaire, pays touché par Ebola)

Si les données relatives à la sûreté et à la sécurité des volontaires de l’huma-nitaire sont plus facilement accessibles, il faut redoubler d’efforts en matière de collecte et de consolidation des données au niveau national, et notamment diffuser des informations sur les volontaires. C’est essentiel pour leur sécurité au niveau local, et les autorités locales et autres peuvent se rendre très utiles en menant des activités de promotion et d’éducation au sein des communautés, en vue de leur faire comprendre le rôle des volontaires. Cela peut permettre de créer un environnement bien plus favorable et propice au volontariat local.

Les volontaires locaux disposent de réseaux solides dans leur pays, mais il faut éviter de systématiquement partir du principe qu’ils sont plus en sécurité que les acteurs internationaux dans ces environnements. Cette hypothèse ne se vérifie pas. En effet, même parmi les travailleurs humanitaires rémunérés, la majorité de ceux qui sont pris pour cible sont des employés locaux (IRIN 2015). Afin de mieux les équiper face à ces problèmes, il faut déployer des efforts accrus pour diffuser les principes humanitaires ; toutes les parties prenantes doivent donc favoriser l’acceptation des volontaires au sein des communautés.

Dans le domaine humanitaire, la sécurisation de l’accès et l’acceptation par la communauté sont essentielles pour que les volontaires puissent réaliser leurs

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activités efficacement. Leur travail est très complexe et implique souvent d’évo-luer dans des contextes dangereux. Les volontaires sont trop souvent en butte à la stigmatisation et pris à partie dans leurs efforts.

« Moi, ce qui m’attriste, ce sont les attaques… Un jour, quand nous sommes arrivés, les habitants du quartier nous ont rassemblés, fouillés, ont pris nos téléphones et nos por-tefeuilles, et ont même frappé certains d’entre nous. Cela me rend triste. Un jour, nous roulions dans une zone quand [quelqu’un] a voulu lancer une grenade dans notre véhicule. Heureusement, les hommes qui étaient avec lui la lui ont prise… Pourquoi nous faire ça ? Nous sommes là pour les aider. Pourquoi nous traitent-ils ainsi ? » (Volontaire, Afrique centrale)

De grands progrès pourraient être faits en matière de promotion de la sécurité des volontaires si les organisations, les gouvernements et d’autres acteurs coor-donnaient leurs efforts en vue de promouvoir le rôle des volontaires de l’huma-nitaire dans les interventions d’urgence.

« Les responsables de notre Société nationale doivent coopérer avec le gouvernement pour lancer une campagne de sensibilisation, de sorte que la population comprenne l’impor-tance [de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge], et que ceux qui ne sont pas volontaires connaissent les emblèmes… La population doit savoir que notre mission est de sauver des vies, de sauver l’humanité. Le gouvernement doit mener une campagne de sensibilisa-tion. » (Volontaire, Société nationale d’Afrique centrale)

Pendant le dernier conflit en République centrafricaine, les volontaires habi-taient dans des bureaux de la Croix-Rouge pour des raisons de sécurité. Ils tra-vaillaient de longues heures, pendant des jours d’affilée. Certains ont été tués ou attaqués tandis qu’ils apportaient de l’aide. Un volontaire a été suivi jusque chez lui après une dispute au sujet de la distribution des secours dans un camp, et a été tué. Ces problèmes ne se limitent pas à quelques pays ; ils se produisent dans de multiples endroits du monde, sous différentes formes. Ces dernières années, le nombre d’attaques perpétrées contre des employés et des volontaires de l’humanitaire a considérablement augmenté. Rien qu’en 2013, il a augmenté de 66 % à l’échelle mondiale (Rapport sur les catastrophes dans le monde 2015, p. 157). En 2000, 41 attaques graves contre des travailleurs humanitaires ont été enregistrées dans le monde. Il y en a eu 190 en 2014. En quinze ans, plus de 3 000 travailleurs humanitaires ont été tués, blessés ou enlevés (IRIN 2015), parmi lesquels de nombreux volontaires locaux. Il faut noter que ces données sont tirées de sources d’information publiques (par exemple de communiqués de presse) et sont susceptibles de sous-estimer la réalité. Il est nécessaire de mener des recherches approfondies et d’investir davantage dans la collecte de données pour connaître pleinement l’ampleur du problème.

« Nous sommes très actifs dans des camps de personnes déplacées et dans d’autres envi-ronnements non sécurisés, et cela crée des problèmes pour les volontaires. Il y a partout des problèmes de sécurité. Nous sommes confrontés à des explosions et à des activités terroristes dans plusieurs régions du pays. Quelques volontaires travaillant pour des orga-nisations [internationales] ou locales ont été tués. De plus, il y a eu des enlèvements et d’autres incidents qui compliquent le travail des organisations dans les communautés. La sécurité est donc l’un des plus grands problèmes. » (Société nationale d’Asie du Sud)

« Oui, des incidents se sont produits chez nos volontaires : certains ont été menacés. C’est ce qui arrive dans les zones de conflit, les volontaires sont menacés par certains groupes. Dans ces provinces, certains volontaires ont été blessés lors d’échanges de tirs. Enfin, il y a des accidents de voiture, et aussi des maladies. Oui, des volontaires tombent malades. » (Société nationale d’Afrique centrale)

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Chapitre 4 Les volontaires dans les conflits et les situations de crise

« Les volontaires étant toujours en première ligne dans les régions difficiles et dangereuses, ils sont plus susceptibles d’être en danger de mort. Parmi les accidents les plus courants figurent les blessures subies lors d’affrontements. Il arrive aussi que des volontaires soient emprisonnés. J’ai moi-même été détenu pendant 18 mois alors que je travaillais en tant qu’agent paramédical et fournissais des services de santé d’urgence. Certains volontaires sont encore en captivité, et 17 ont perdu la vie. Mais ces incidents ne découragent pas les volontaires ; ils continuent d’accomplir leur devoir moral, humanitaire et religieux envers la population. » (Société nationale du Moyen-Orient)

« Ce que nous n’aimons pas, c’est être pris pour cible. Les meurtres. Quand les volontaires sont sur le terrain, ils portent le gilet [portant l’emblème de la croix rouge]. Malgré tout, certains se font tirer dessus ou tuer. Cela ne devrait pas se produire. » (Volontaire, Société nationale d’Afrique centrale)

Il est troublant de constater que nombre de volontaires intervenant dans des situations de crise humanitaire ne sont toujours pas assurés, malgré les dangers considérables auxquels ils sont exposés. Beaucoup reste à faire pour veiller à ce que les volontaires soient assurés, ou à ce que leur famille et eux puissent béné-ficier d’autres filets de sécurité s’ils venaient à être blessés ou tués. En Colombie, par exemple, la loi impose que tous les volontaires faisant partie d’équipes d’intervention d’urgence soient assurés. Il est urgent que les donateurs recon-naissent la nécessité d’allouer une plus grande partie du budget des opérations humanitaires à la promotion de la sécurité et du bien-être des volontaires, et d’investir dans des initiatives visant à faire accepter les volontaires par les communautés.

Soutien psychologique

Il est important de garder à l’esprit que les volontaires qui interviennent en situation de crise proviennent presque tous de populations locales, et subissent donc souvent eux-mêmes un important traumatisme personnel. Près de 40 % des 60 volontaires interrogés en République centrafricaine avaient perdu leur conjoint à cause du conflit (Tanaka et al. 2015). En plus de gérer ces trauma-tismes, les volontaires s’engagent à entreprendre des activités les exposant à de nouveaux traumatismes, voire à la stigmatisation par leur communauté.

« Nos volontaires vont tous les jours chercher des corps pour les rendre à leur famille. Au cours des 18 derniers mois, ils ont récupéré plus de 1 000 corps. Il n’est pas rare qu’un volontaire recouvre la dépouille de quelqu’un avec qui il a grandi ou il est allé à l’école. Cela arrive constamment. » (Travailleur humanitaire, Société nationale d’Afrique centrale)

« Parfois, quand nous portons notre gilet, ils nous insultent en nous traitant de « para-sites », de « charognards »,… Cela nous blesse. » (Volontaire, Société nationale d’Afrique centrale)

Dans de nombreux pays, ce sont les volontaires de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge qui se chargent de récupérer les dépouilles et de les remettre aux familles, auxquelles ils apportent ainsi un certain réconfort. Cependant, les volontaires paient eux-mêmes un lourd tribut, comme tous ceux qui réalisent d’autres tâches dans ces conditions.

« Je les vois beaucoup boire le soir, une fois leur travail terminé. Je pense que c’est en partie ainsi qu’ils tentent de tenir le coup. » (Société nationale d’Afrique de l’Ouest)

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« Une des premières choses qu’ils m’ont dites quand je suis arrivé c’est qu’ils avaient besoin d’un soutien psychologique. Je n’avais jamais vu cela avant ; jamais je n’avais vu des volontaires demander directement de l’aide. C’est là que je me suis rendu compte de la gravité de la situation. » (Travailleur humanitaire, Afrique centrale)

« D’une certaine manière, je n’avais jamais vu une pareille intervention d’urgence. Nous pouvions à tout moment être en danger. Même chez nous, en colocation, n’importe qui pouvait être infecté. Nous étions constamment en état d’anxiété et de stress. » (Volontaire, pays touché par Ebola)

Ce qui est peut-être bien pire, c’est que certaines informations laissent penser que ces volontaires pourraient être plus gravement touchés par le stress et le traumatisme auxquels ils sont exposés dans leur action que certains de leurs homologues rémunérés. Encore une fois, peu d’enquêtes formelles ont été réa-lisées sur le sujet, mais des indices laissent penser que les volontaires inter-venant dans des situations d’urgence complexes se plaignent au moins autant de problèmes de santé mentale que les employés rémunérés, si ce n’est plus. D’après un chercheur, 24 à 46 % des volontaires sont susceptibles de développer des troubles post-traumatiques après une catastrophe (Thomar 2015). Malgré des taux élevés de troubles post-traumatiques dans les équipes d’intervention d’urgence, on manque de données sur la santé mentale des volontaires et du personnel humanitaire après une catastrophe. De fait, une étude longitudinale seulement a été menée auprès d’un large échantillon de volontaires interve-nant en cas de catastrophe (Thormar et al 2014), et une seule étude de cohorte, réalisée récemment, a pour objet l’impact du travail des délégués sur la santé mentale (Cardozo et al. 2012). Les auteurs de ces études n’ont pas connaissance de l’existence de travaux semblables sur les volontaires intervenant dans des situations de conflit. Il est donc urgent de conduire des recherches plus détail-lées et approfondies pour combler cette lacune béante.

« J’ai encore du mal à dormir. Parfois, je me réveille au beau milieu de la nuit et je revois les cadavres. Je me revois en train de courir de l’un à l’autre à la recherche de survivants, pour [leur] dispenser les premiers secours. » (Volontaire, Société nationale d’Afrique centrale)

Il est évident que dans ces contextes, les volontaires locaux gagneraient à béné-ficier d’un soutien psychologique substantiel, y compris d’un programme bien conçu de suivi des soins, une fois la crise résorbée.

Le soutien offert par le responsable d’équipe, l’accès à des formations et équi-pements adéquats, le type de tâches exécutées par les volontaires (par exemple, apporter un soutien psychosocial aux membres de la communauté touchés), et la quantité d’heures de travail sont parmi les facteurs qui ont un impact parti-culier sur la santé mentale des volontaires. Cela signifie que les organisations et les donateurs intervenant en cas de catastrophe, de conflit ou de crise prolongée ont encore beaucoup à faire pour améliorer le sort des volontaires. Ils pour-raient notamment prendre des mesures relativement simples, comme veiller à allouer suffisamment de fonds aux équipements, ou à ce que les volontaires aient le sentiment que leur organisation se préoccupe de leur bien-être.

« Pendant le conflit, nous sommes allés récupérer des cadavres. Vous imaginez des corps laissés au soleil pendant plusieurs jours ? Ils étaient totalement décomposés. Nous n’avons pas de bottes et une écharpe ne suffit pas à atténuer l’odeur. Nous devrions disposer d’équipements adéquats. » (Volontaire, Société nationale d’Afrique centrale)

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Chapitre 4 Les volontaires dans les conflits et les situations de crise

« Le fait que [la Société nationale] s’occupe de moi est important. J’étais dans une ambu-lance, les combats faisaient rage autour et de nombreux coups de feu éclataient, quand le chauffeur a perdu le contrôle. L’ambulance a fait deux tonneaux. J’ai fini à l’hôpital, mais on a pris soin de moi, alors je retournerai au travail. Je ne me donnerais pas à 100 % si on ne s’occupait pas de moi. Cela ne m’arrêterait probablement pas, mais je ne me donnerais plus à 100 %. C’est important de recevoir un soutien, que ce soit de la population ou de la Société nationale. Nous avons besoin d’équipements, d’outils, de matériel, de soutien de la part de l’équipe, de camaraderie, d’aide. Si je dois m’occuper de cadavres, il me faut l’équipement et la formation nécessaires. Si je n’entends pas les encouragements des diri-geants de la Société nationale… Quelques-uns seulement suffisent à faire la différence. » (Volontaire, Société nationale d’Afrique du Nord)

Pour quelles raisons les volontaires s’engagent-ils ?

Nombre d’employés soutenant des volontaires ont réfléchi à l’immense déter-mination dont ceux-ci font preuve dans ces situations. La gravité des problèmes auxquels sont confrontées les populations semble créer chez eux une farouche volonté de venir en aide à d’autres êtres humains, alors que souvent les services des « travailleurs rémunérés » s’effondrent. De fait, beaucoup de volontaires interrogés ont indiqué que c’est en voyant les efforts déployés par la Croix-Rouge pour atténuer ces souffrances qu’ils se sont engagés. Les remarques suivantes émanent de volontaires intervenant dans diverses situations de conflit :

« Pendant le conflit, les volontaires étaient partout et ils allaient partout faire leur travail. Ce qui m’a le plus ému, c’est qu’ils étaient prêts à aider des gens ; voir cela m’a rendu heureux. »

« Je vois des gens mourir d’un coup, des jeunes enfants touchés par des balles perdues, du sang partout. Je me dis : ‘Mais c’est quoi tout ça ?’… Puis je vois la Croix-Rouge, je vois des femmes sauver des enfants, et je me dis : ‘Moi aussi je vais devenir membre de la Croix-Rouge’. »

D’autres indiquent que c’est une expérience personnelle qui les a poussés à s’engager dans l’humanitaire. C’est le cas de ces volontaires d’Afrique centrale :

« Avant, je détestais la Croix-Rouge pour des raisons culturelles, car dans notre culture on ne touche pas des cadavres. La nuit, je rêve parfois que je vais dans un cimetière, alors j’ai peur. À tel point que [quand] j’ai perdu l’un de mes frères aînés, je n’ai même pas été capable d’aller récupérer le corps. Heureusement, la Croix-Rouge a une procédure permettant de ramener les corps au village, et ce que j’ai vu m’a vraiment rempli de fierté. J’ai vu des volon-taires partout dans l’hôpital, cherchant à sauver des vies ; cela m’a encouragé. Je me suis dit : ‘moi aussi je pourrais mourir demain’. C’est ce qui m’a poussé à rejoindre la Croix-Rouge. »

« Ce sont les volontaires qui sont chargés de récupérer les corps… En cas d’accident, on voit du sang partout, et les volontaires viennent quand même chercher les victimes. Je détestais cela, je me disais : ‘non, je ne peux pas faire ce genre de travail’. Autrement dit, j’en étais arrivé à détester l’idée de faire du volontariat. En plus, tout ce qu’ils faisaient, ils le faisaient gratuitement. Je me disais : ‘tout ça, mais à quoi ça sert ? Non, je dois trouver un emploi’. Ce qui m’a fait changer d’avis, c’est un accident dont ma famille a été victime. J’étais là lors de l’accident, mais je n’ai rien pu faire. Puis, des volontaires sont arrivés et ont porté secours à ma famille. C’est là que ma conscience s’est éveillée. Je me suis dit : ‘qu’est-ce que j’ai fait ? Je n’ai servi à rien’. Puis, je me suis dit : ‘ce que ces personnes font, je peux le faire’. »

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Dans bien des cas, les facteurs de motivation conventionnels semblent toujours présents chez ces volontaires : le sentiment d’accomplissement, l’estime de soi, l’accès à des possibilités de développement personnel et professionnel, une direction qui fait preuve de soutien, etc. Même si ces facteurs n’existent plus ou si les attentes sont déçues, l’instinct fondamental qui pousse les humains à prêter assistance pour alléger des souffrances extraordinairement grandes assure la perpétuation du volontariat. Dans ces contextes, les volontaires ne tirent pas toujours satisfaction de leur rôle, et ne se sentent pas toujours soutenus par la direction ou la communauté, mais nombre de ceux que nous avons interrogés ont fait part d’un engagement déterminé en faveur de l’action humanitaire et d’un profond sentiment d’obligation envers les communautés

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Chapitre 4 Les volontaires dans les conflits et les situations de crise

auxquelles ils viennent en aide. Ces observations s’appuient sur un petit échan-tillon d’entretiens qualitatifs ; il serait utile de mener des recherches plus approfondies et rigoureuses7. Il fait toutefois peu de doute que ces formes de volontariat rouvrent le débat sur les raisons pour lesquelles les volontaires s’en-gagent et la forme que prend leur engagement.

« Malgré tous les défis, je n’ai jamais entendu [les volontaires] se plaindre, ils savent com-bien ce travail est important. Même la concurrence entre les organisations a été mise de côté, car nous savons tous… que la situation est grave. » (Travailleur humanitaire, pays touché par Ebola)

« Quand le conflit a éclaté, la région a été complètement isolée et tous les services ont été interrompus. Mais les volontaires ont pris la relève, apportant l’aide qu’ils pouvaient et traversant les lignes de front pour porter secours à la population. Ils étaient très déter-minés. » (Société nationale du Moyen-Orient)

« Si nous ne le faisons pas, qui le fera ? » (Volontaire, pays touché par Ebola)

« Nous sommes motivés par les besoins humanitaires, par la satisfaction que nous res-sentons en aidant la population, et par le respect et la reconnaissance que nous obtenons en retour. Nous nous sentons responsables. Nous avons des compétences [en matière de] premiers secours, d’intervention et de soutien, et nous avons un devoir. Ce n’est pas rien. Nous accourons à l’aide. Nous sommes les premiers à arriver. Nous avons d’immenses obligations. » (Volontaire, Société nationale d’Afrique du Nord)

Encore une fois, la prudence est de mise. En effet, l’attachement des volontaires à l’action humanitaire et à leur communauté, conjugué à leur efficacité et à leur échelle, peut les rendre vulnérables à l’exploitation et en faire une « main-d’œuvre bon marché et à proximité » dans des contextes très dangereux où les travailleurs humanitaires internationaux ne peuvent de toute façon pas opérer. Il faut veiller à ce que les légions de volontaires locaux soient consultées et asso-ciées aux processus de conception et de prise de décision, et pas seulement reléguées à l’exécution des tâches.

Écouter les acteurs locaux

Les volontaires participant aux interventions d’urgence sont souvent parmi les plus pauvres au monde. Parfois, ils ont aussi reçu le moins d’éducation formelle et disposent le moins de ressources et de soutien. Pourtant, ils réalisent des tâches vitales en prenant des risques infinis. Leur connaissance du contexte local sont essentielles dans ces environnements complexes, car ils disposent d’un meilleur accès aux informations sur l’évolution de la situation et des besoins au niveau local. Mais parfois, le système d’intervention international qui dépend d’eux n’écoute pas suffisamment ce qu’ils ont à dire.

« [Les volontaires] savent souvent ce qui se passe ; pas toujours, mais ils en savent cer-tainement plus que les étrangers. Par exemple, ils savent entre quelles mains le pouvoir passe, où la violence est susceptible d’éclater. Mais nous ne les écoutons pas toujours attentivement. Nous nous efforçons de faire parvenir de l’aide à certaines populations, et peut-être que les volontaires n’osent pas s’avancer et prendre la parole parce qu’il n’y a pas d’argent ici. Il n’y a que notre aide et notre argent, alors ils hésitent parfois à dire « non », au cas où les flux ralentiraient ou s’arrêteraient. Ici, l’argent est roi. Mais nous devons trouver un meilleur moyen de faire entendre leur voix. » (Travailleur humanitaire, Afrique centrale)

7 La Fédération internationale collabore actuellement avec la Croix-Rouge suédoise et le CICR dans le cadre d’un projet de recherche d’une durée de trois ans portant sur les volontaires dans des contextes complexes, mais des investissements et une attention considérablement accrus sont nécessaires.

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Dans les cas où les volontaires servent principalement de main-d’œuvre dispo-nible et ne sont pas considérés comme des participants actifs aux opérations, certains des énormes avantages découlant du soutien et de la mobilisation des volontaires locaux peuvent se perdre. En réalité, les rapports de force entre les volontaires locaux et les organisations et donateurs internationaux sont trop souvent inégaux. Ces dernières années, les acteurs locaux sont devenus de plus en plus essentiels dans les situations de crise, mais leur contribution doit être fondée sur des partenariats authentiques dans lesquels ils sont considérés comme des égaux et non comme des sous-traitants exécutant des services pour de l’argent. Les organisations internationales doivent investir davantage dans la collaboration avec les organisations locales et dans l’étude des rapports de force, alliances et dynamiques locaux complexes au sein desquels ces organi-sations opèrent. Elles doivent en outre se pencher de plus près sur la façon dont leur soutien financier décisif peut contribuer à renforcer les organisations com-munautaires locales et leurs volontaires.

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Chapitre 4 Les volontaires dans les conflits et les situations de crise

Conclusion

Les besoins humanitaires vont probablement continuer à excéder la capacité (ou la volonté) du monde de financer les interventions nécessaires. Investir dans le volontariat est parfois la façon la plus pragmatique, voire la seule, de répondre à ces besoins. Cela peut parallèlement permettre de renforcer les communautés locales, les capacités organisationnelles et la capacité de mener des opérations humanitaires immédiates et innovantes.

Il faut en outre redoubler d’efforts pour veiller à ce que les groupes de combat-tants et les autres parties à un conflit comprennent le rôle des volontaires et leur garantissent un accès plus sûr. Il est impératif que les populations com-prennent et respectent le travail des volontaires locaux, à la fois au niveau local et au niveau international. Il est nécessaire d’approfondir les recherches et d’ac-croître leur diffusion de sorte que les acteurs mondiaux comprennent les volon-taires locaux et leur apportent un soutien adéquat, notamment en les associant aux processus décisionnels et en leur assurant une protection et un soutien équivalents à ceux dont bénéficient les employés rémunérés ou les travailleurs humanitaires internationaux.

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Conclusion L’importance d’investir dans le volontariat pour le développement durable

L’Étude mondiale sur le volontariat a pris appui sur les connaissances et percep-tions de personnes qui façonnent, favorisent et encouragent le volontariat. Elle a mis en évidence l’importance de comprendre le volontariat dans des contextes particuliers, et ses liens et son interdépendance grandissante avec le volontariat dans d’autres contextes, en raison de processus de migration et d’urbanisation, d’activités de donateurs humanitaires, et de systèmes organisationnels de prise de décisions et de programmation.

Faute de comprendre le volontariat de façon plus contextualisée, on risque de l’organiser en concepts inutiles et approximatifs, à la simplicité séduisante, mais peu susceptibles de fournir des politiques ou de nouveaux concepts utiles. Le volontariat risque d’être considéré comme « acquis » et « gratuit » plutôt que comme un ensemble complexe de pratiques évoluant en permanence et pou-vant bouleverser des inégalités comme les reproduire.

Le volontariat peut procurer des avantages remarquables, mais uniquement si des engagements politiques sont pris conjointement aux niveaux local et mon-dial, en tenant compte de certains des coûts, des complexités, des contradic-tions et des inégalités du volontariat.

Dans le présent rapport, nous nous sommes particulièrement intéressés au volontariat dans le contexte de la pauvreté et du développement, compte tenu du manque continu de recherche sur les volontaires locaux et le développement. Nous concluons donc en examinant les possibilités qui s’offrent aux volontaires et la contribution qu’ils peuvent apporter au développement dans le cadre des Objectifs de développement durable (ODD).

« Le nouveau programme de développement énonce un ensemble d’objectifs qui sont plus complexes, plus transformateurs, plus interdépendants et plus uni-versellement applicables que les OMD. » (PNUD 2015) Nous pensons qu’il sera impossible de réaliser l’ambition des 17 ODD sans le concours des volontaires, et effectivement, le volontariat apparaît dans l’énoncé des objectifs en lien avec l’élaboration de politiques. Cependant, les objectifs illustrent aussi les défis

Conclusion

L’importance d’investir dans le volontariat pour le développement durable

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identifiés dans la présente étude, relatifs à la combinaison de prescriptions mon-diales et d’interprétations et appropriations locales. Tout comme le volontariat, les stratégies et approches de réalisation des ODD n’existent pas en dehors des inégalités structurelles qu’elles visent à corriger. Nous proposons trois thèmes offrant une perspective d’étude utile des avantages et problèmes potentiels liés à la participation des volontaires à la réalisation des ODD.

Échelle

Étant donné que les volontaires sont à même de toucher des communautés sou-vent difficiles à atteindre autrement et de renforcer les capacités au sein de ces communautés, et que des formes de volontariat sont présentes dans toutes les sociétés, les volontaires seront essentiels à la réalisation des ODD. Ainsi, il est difficile d’imaginer que l’Objectif 2 (éliminer la faim, assurer la sécurité alimen-taire et une nutrition adéquate, et mettre un terme aux retards de croissance des enfants) puisse être atteint si des millions de volontaires ne participent pas à des programmes et campagnes d’éducation sur la nutrition au niveau com-munautaire, ne distribuent pas de l’aide alimentaire dans tout leur pays en cas de besoin, et ne contribuent pas à des programmes de soutien à l’agriculture et aux moyens de subsistance.

De la même manière, si nous entendons garantir la couverture universelle de soins de santé de qualité, y compris la prévention et le traitement des maladies transmissibles ou non, la santé sexuelle et reproductive, la planification fami-liale, la vaccination de routine et la santé mentale, alors l’action des volontaires sera capitale. La grave pénurie d’agents de santé qualifiés et équipés docu-mentée ailleurs ne se résorbera pas complètement au cours des prochaines décennies ; par conséquent, la mobilisation massive des volontaires jouera un rôle indispensable dans la poursuite de ces objectifs.

Le réseau Croix-Rouge et Croissant-Rouge soutient jusqu’à 17 millions de volon-taires dans le monde chaque année, dont plus de 13 millions qui vivent et tra-vaillent dans des pays en développement ou à revenu moyen. La portée que peuvent avoir ces volontaires est sans égal. D’après les estimations, presque 7 millions de volontaires Croix-Rouge/Croissant-Rouge travaillent dans le domaine de la santé dans le monde.

Il convient en outre de noter que 52 des 190 Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge dans le monde, comptent plus de 10 000 volontaires chacune (21 en comptent plus de 50 000). L’échelle à laquelle elles opèrent, et l’échelle des changements qu’elles peuvent apporter, sont donc considérables. En République centrafricaine, par exemple, la Société nationale emploie entre 40 et 50 salariés tout en recensant plus de 12 000 volontaires dans tout le pays. Il ne s’agit pas d’une simple question d’échelle numérique : les volontaires sont répartis dans tout le pays et fournissent des services là où l’on ne trouve aucun employé salarié à des kilomètres à la ronde.

Si ces chiffres sont impressionnants, ils ne représentent qu’une petite partie du panorama global du volontariat dans les pays du Sud. La plupart des organisa-tions internationales et locales nouent des relations avec les volontaires, et de nombreux groupes de volontaires communautaires s’organisent eux-mêmes. Toutefois, le manque de données fiables sur leurs activités fait que nous n’avons pas une vision exacte de la situation et que nous sommes donc moins à même d’appuyer efficacement ces activités ou d’établir des liens égaux et fructueux avec des politiques et des objectifs plus larges.

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Conclusion L’importance d’investir dans le volontariat pour le développement durable

Reconnaître l’importance des volontaires compte tenu de l’échelle des ODD ne revient pas à dire qu’une nouvelle armée de volontaires est nécessaire ; en effet, la mobilisation et le soutien des volontaires œuvrant déjà au sein de leur communauté joueront un rôle essentiel dans la réalisation des ODD. Il ne s’agit donc pas d’assurer uniquement un nombre de volontaires suffisant, mais aussi l’appropriation et la localisation des ODD.

Localisation

On a beaucoup insisté, à juste titre, sur la nécessité de veiller à ce que les acteurs locaux soient au cœur de l’élaboration et de la mise en œuvre des ODD. La mobilisation et la participation des personnes sont indispensables à la réa-lisation d’avancées durables et fructueuses en matière de développement. En bref, nous devons mettre l’accent sur des approches et des solutions axées sur les personnes en plus de nous concentrer sur les moyens techniques et finan-ciers indispensables (VSO 2015).

Le volontariat offre des moyens très efficaces de le faire, qui, s’ils sont cor-rectement gérés, peuvent autonomiser les personnes concernées et apporter des bienfaits durables. Les initiatives de développement peuvent avoir plus de légitimité et rencontrer plus d’approbation au sein des communautés si les volontaires locaux y participent, ce qui offre un moyen efficace de garantir le développement participatif à grande échelle. En plus de contribuer à la réa-lisation des objectifs de développement par le biais d’activités spécifiques, le fait de s’engager comme volontaire favorise en soi le développement (notam-ment en renforçant la résilience personnelle et communautaire, et la capacité de construction d’un capital social), le développement personnel, la cohésion sociale et la mise en réseau, ainsi que le développement des compétences. La participation des volontaires locaux peut donner aux communautés des moyens concrets de donner leur avis sur les initiatives de développement les concer-nant ; le volontariat peut ainsi favoriser la redevabilité des gouvernements autant que des organisations. Les volontaires peuvent défendre efficacement leurs droits et ceux de leur communauté, et ainsi faire entendre la voix des personnes marginalisées, et servir de médiateurs et d’intermédiaires auprès de leur communauté.

Cependant, comme le montrent les données collectées dans le cadre de l’Étude, nous ne pouvons pas supposer que le volontariat en tant que tel contribuera forcément de façon positive au programme de localisation. Si l’on fait des volon-taires une forme de main-d’œuvre bon marché utilisée pour fournir des ser-vices, ou si les volontaires appartenant à certaines communautés sont exclus ou ne peuvent pas participer, alors le volontariat ne fera qu’exacerber certains des problèmes que le programme de localisation vise à résoudre. En outre, la mobilisation des volontaires locaux dans des situations de conflit et de crise ne peut occulter la nécessité de leur apporter une protection et un soutien adé-quats en vue d’assurer leur sécurité. Il est primordial de prendre au sérieux les enseignements tirés de l’Étude et d’écouter les volontaires et les responsables de la gestion des volontaires sur le terrain pour que le volontariat apporte une contribution dans ces situations ainsi que dans les autres domaines d’action prioritaires des ODD.

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Coûts

Le volontariat peut être considéré comme particulièrement efficace par rapport aux coûts dans le contexte des avantages multiples et variés qu’il peut procurer. Pour autant, ce n’est pas un moyen bon marché de fournir des services d’aide et de développement. L’Étude a révélé un paradoxe, qui découle du fait que dans les pays du Sud, on dépend de plus en plus des volontaires, dont on loue de plus en plus le rôle dans le cadre des prestations de services d’aide et de développe-ment, tout en leur accordant une reconnaissance, une formation et un soutien insuffisants. Elle a en outre mis en évidence l’apparition d’une économie et d’une hiérarchie du volontariat, exacerbées par la progression du volontariat « rémunéré », et des importantes inégalités en matière de rémunération résul-tant du recours aux volontaires comme à une main-d’œuvre flexible au service du secteur humanitaire.

Comme le souligne le présent rapport, nombre de Sociétés nationales se pro-curent facilement des fonds en vue de réaliser des projets ayant recours à des volontaires, mais il est bien plus difficile de trouver des ressources pour investir dans des stratégies de développement du volontariat. Ces investissements sont pourtant cruciaux, car ils permettraient d’atténuer nombre des problèmes ayant des effets sur la fidélisation, comme les problèmes de gouvernance, l’inadéqua-tion des structures d’encadrement, l’inefficacité des systèmes et des procédures de communication, l’absence d’équipements nécessaires et le manque de pro-motion de la sécurité et de la protection des volontaires. S’il est évident que des tendances extérieures puissantes modifient les schémas de participation des volontaires, il n’en reste pas moins que les donateurs et les organisations pourraient investir bien davantage dans l’élaboration de stratégies organisa-tionnelles et nationales visant à renforcer le volontariat.

Le volontariat peut donc apporter une contribution très efficace par rapport aux coûts à la réalisation des ODD, mais il a un prix. Si ceux qui veulent mettre en œuvre et réaliser les ODD ne le reconnaissent pas, ils échoueront à atteindre ces objectifs, notamment en affaiblissant les formes d’action locales pouvant favo-riser l’inclusion, la résilience et la réduction de la pauvreté.

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Conclusion L’importance d’investir dans le volontariat pour le développement durable

Recommandations

Pour conclure, nous souhaiterions réitérer d’autres recommandations tout aussi importantes, dont nous pensons qu’elles optimiseront les investissements futurs dans le volontariat, ainsi que l’impact potentiel des volontaires.

L’Étude formule des recommandations dans quatre domaines clés :

Recherche et connaissancesIl est urgent d’approfondir les recherches sur les liens entre volontariat et développement dans les pays du Sud. Il faut se pencher en particulier sur la façon dont les notions de volontariat sont transformées et réinventées dans le contexte de la migration, de l’urbani-sation et de la rémunération des volontaires financée au titre de l’aide humanitaire. Dans le cadre de ces travaux, les points de vue des volontaires et des responsables de la gestion des volontaires doivent être pris au sérieux, et des partenariats productifs doivent être noués avec des organisations ayant recours à des volontaires aux niveaux local et mondial, ainsi qu’avec des institutions universitaires et des acteurs du développement en général.

Attention accordée par les décideurs politiques, les organisations et les donateursMalgré l’importance, dans les pays en développement, du volontariat local pour les prio-rités mondiales en matière humanitaire et de développement, les besoins des volontaires locaux ne reçoivent guère d’attention dans les politiques et de la part des donateurs. Des investissements sont nécessaires pour créer des environnements favorables au volontariat et lever les obstacles à un engagement renforcé et plus profond. Les millions de volontaires existants doivent être valorisés et soutenus, en s’appuyant sur une bonne compréhension de la manière dont les cultures locales du volontariat se manifestent. Une part plus impor-tante des budgets doit être consacrée à des stratégies favorisant un engagement volontaire durable à l’échelon local, ainsi que la prise en compte de cette perspective dans la mise en œuvre locale des travaux et priorités relevant des Objectifs de développement durable.

Les volontaires locaux dans les conflits et les situations de criseIl est urgent de mieux comprendre et soutenir les activités des volontaires locaux dans les conflits et les situations de crise. Il faut non seulement conduire des recherches sur leur rôle et leur expérience, mais aussi mener des actions de sensibilisation aux niveaux local et mondial afin que leur travail soit mieux reconnu et que davantage de ressources soient mobilisées pour garantir leur sûreté, leur sécurité et leur bien-être pendant et après leur engagement volontaire.

Rémunération des volontairesSur la base des résultats d’une recherche plus approfondie, il est urgent d’engager un débat sur la manière dont les différentes formes de rémunération du volontariat façonnent l’acti-vité des volontaires. Plutôt que préconiser l’harmonisation ou des réformes législatives, nous suggérons, à titre de première étape, un débat ouvert entre les organisations ayant recours à des volontaires, les donateurs, les acteurs humanitaires, les gouvernements et les responsables de la gestion des volontaires visant à cerner les effets produits et à définir des stratégies pour remédier aux effets négatifs. Le but ultime est d’amener les organisa-tions locales et internationales ayant recours à des volontaires à entamer une réflexion sur la façon dont elles perçoivent la rémunération des volontaires dans les contextes humani-taires et de développement, et à améliorer leurs pratiques en la matière.

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Humanité Né du souci de porter secours sans dis-crimination aux blessés des champs de bataille, le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, sous son aspect international et national, s’efforce de prévenir et d’alléger en toutes circonstances les souffrances des hommes. Il tend à protéger la vie et la santé ainsi qu’à faire respecter la personne humaine. Il favorise la com-préhension mutuelle, l’amitié, la coopération et une paix durable entre tous les peuples.

Impartialité Il ne fait aucune distinction de natio-nalité, de race, de religion, de condition sociale et d’appartenance politique. Il s’applique seulement à secourir les individus à la mesure de leur souf-france et à subvenir par priorité aux détresses les plus urgentes.

Neutralité Afin de garder la confiance de tous, le Mouvement s’abstient de prendre part aux hosti-lités et, en tout temps, aux controverses d’ordre politique, racial, religieux et idéologique.

Indépendance Le Mouvement est indépendant. Auxiliaires des pouvoirs publics dans leurs acti-vités humanitaires et soumises aux lois qui régissent leur pays respectif, les Sociétés natio-nales doivent pourtant conserver une autonomie qui leur permette d’agir toujours selon les prin-cipes du Mouvement.

Volontariat Il est un mouvement de secours volontaire et désintéressé.

Unité Il ne peut y avoir qu’une seule Société de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge dans un même pays. Elle doit être ouverte à tous et étendre son action humanitaire au territoire entier.

Universalité Le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, au sein duquel toutes les Sociétés ont des droits égaux et le devoir de s’entraider, est universel.

Les Principes fondamentaux du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

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Informations complémentaires :

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