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Portrait de Dohee Kim, originaire de la Corée du Sud, étudiant maintenant à l'école secondaire Paul-Gérin- Lajoie-d'Outremont, à Montréal. La jeune fille fait partie des adolescents qui ont pris la plume dans l'album Bagages mon histoire, album de poèmes de jeunes immigrants illustrés par Rogé. Voir page C 5. ILLUSTRATION ROGÉ Un enfant à la fois Solidarité internationale CAHIER SPÉCIAL C LES SAMEDI 3 ET DIMANCHE 4 NOVEMBRE 2018 L’éducation, indispensable pour construire une société solidaire, juste et durable : c’est le grand thème autour duquel s’articulent les 22 es Journées québécoises de la solidarité internationale, qui auront lieu du 7 au 18 novembre. Pour l’occasion, Le Devoir explore la question et ce qui se fait, ici et ailleurs, pour développer et maintenant un monde meilleur. Après s’être intéressées au rôle des médias dans la compréhension des problématiques mondiales et à la cul- ture comme outil d’influence l’an dernier, les Journées québécoises de la solidarité internationale (JQSI) se pen- chent cette année sur la question suivante : quel rôle joue le système scolaire québécois dans la construction d’une citoyenneté mondiale ? ALICE MARIETTE Collaboration spéciale «L’éducation donne les clés de compréhension pour s’épa- nouir, agir, remettre en question des dogmes… affirme Marie Brodeur Gélinas, coordonnatrice des Journées québécoises de la solidarité internationale (JQSI). Mais à quel point est-elle capable de développer ce potentiel dans la situation actuelle ? » Car si l’éducation comporte un fort potentiel transforma- teur, il existe des obstacles. «À la base même du système, des inégalités sont maintenues, par exemple avec le système à trois vitesses privé, public et entre publics », explique la coordinatrice. Elle note en outre une discrimination systé- mique envers les jeunes en situation de handicap, les filles ou encore les personnes racisées. « Par exemple, chez nous, les jeunes autochtones ne se reconnaissent pas dans les pro- grammes scolaires où leur histoire est évacuée. Il reste du chemin pour que l’école soit vraiment un outil de transfor- mation sociale », pense-t-elle. En plus des activités des 12 programmations régionales des JQSI, la population est invitée à une action citoyenne. Sur la plateforme web des JQSI, il est possible d’interpeller le nouveau ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, en lui envoyant symboliquement un bulletin qui évalue le système scolaire québécois. L’éducation, vecteur de transformation sociale

Un enfant à la fois...la première fois en 2015 (photo de gauche), seul et en retrait aux abords de son camp. Le photographe l'a retrouvé deux ans plus tard, dans le même camp,

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Page 1: Un enfant à la fois...la première fois en 2015 (photo de gauche), seul et en retrait aux abords de son camp. Le photographe l'a retrouvé deux ans plus tard, dans le même camp,

Portrait de Dohee Kim, originaire de la Corée du Sud,étudiant maintenant à l'école secondaire Paul-Gérin-Lajoie-d'Outremont, à Montréal. La jeune fille faitpartie des adolescents qui ont pris la plume dansl'album Bagages mon histoire, album de poèmes dejeunes immigrants illustrés par Rogé. Voir page C 5. ILLUSTRATION ROGÉ

Un enfant à la fois

Solidarité internationale

CAHIER SPÉCIAL C

LES SAMEDI 3 ET DIMANCHE 4 NOVEMBRE 2018

L’éducation, indispensable pour construire une société solidaire,

juste et durable : c’est le grand thème autour duquel s’articulent les

22es Journées québécoises de la solidarité internationale, qui auront lieu du

7 au 18 novembre. Pour l’occasion, Le Devoir explore la question et ce qui se

fait, ici et ailleurs, pour développer et maintenant un monde meilleur.

Après s’être intéressées au rôle des médias dans la

compréhension des problématiques mondiales et à la cul-

ture comme outil d’influence l’an dernier, les Journées

québécoises de la solidarité internationale (JQSI) se pen-

chent cette année sur la question suivante: quel rôle joue

le système scolaire québécois dans la construction d’une

citoyenneté mondiale?

A L I C E M A R I E T T E

Collaboration spéciale

«L’éducation donne les clés de compréhension pour s’épa-nouir, agir, remettre en question des dogmes… affirme MarieBrodeur Gélinas, coordonnatrice des Journées québécoisesde la solidarité internationale (JQSI). Mais à quel point est-elle

capable de développer ce potentiel dans la situation actuelle?»Car si l’éducation comporte un fort potentiel transforma-

teur, il existe des obstacles. « À la base même du système,des inégalités sont maintenues, par exemple avec le systèmeà trois vitesses privé, public et entre publics », explique lacoordinatrice. Elle note en outre une discrimination systé-mique envers les jeunes en situation de handicap, les fillesou encore les personnes racisées. «Par exemple, chez nous,les jeunes autochtones ne se reconnaissent pas dans les pro-grammes scolaires où leur histoire est évacuée. Il reste duchemin pour que l’école soit vraiment un outil de transfor-mation sociale», pense-t-elle.

En plus des activités des 12 programmations régionalesdes JQSI, la population est invitée à une action citoyenne.Sur la plateforme web des JQSI, il est possible d’interpellerle nouveau ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge,en lui envoyant symboliquement un bulletin qui évalue lesystème scolaire québécois.

L’éducation, vecteur de transformation sociale

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S O L I D A R I T É I N T E R N A T I O N A L EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 3 E T D I M A N C H E 4 N O V E M B R E 2 0 1 8C 2

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Communication et marketing

SUCO.ORG/emploiRÉALISÉ AVEC L’APPUI FINANCIER DU GOUVERNEMENT DU CANADA ACCORDÉ PAR L’ENTREMISE D’AFFAIRES MONDIALES CANADA.

S I M O N V A N V L I E T

Collaboration spéciale

G estionnaire d’intervention rapide à la Croix-Rougecanadienne, Jean-Baptiste Lacombe a effectué des

missions dans divers pays d’Afrique, d’Asie et duMoyen-Orient aux prises avec des crises humanitairesou des conflits armés. Dans la plupart des zones deguerre qu’il a visitées, il a constaté une « destructiondes infrastructures» d’éducation.

Une telle destruction est particulièrement notabledans la bande de Gaza, où plusieurs bâtiments scolairesont été ciblés par des bombardements depuis le regaind’intensité du conflit israélo-palestinien, en 2014. Caro-line Dauber, coordonnatrice de terrain pour le projetd’éducation inclusive d’Humanité et Inclusion (HI), quivise à améliorer l’accès des enfants handicapés aux ser-vices d’éducation dans la bande de Gaza, souligne quel’escalade de violence à laquelle on assiste depuis lemois de mars dernier a des « impacts importants sur lavie quotidienne » dans le territoire palestinien occupé,notamment en matière d’éducation.

L’éducation comme besoin vitalUn enseignant impliqué dans le programme de HI àGaza, qui a demandé l’anonymat par peur de repré-sailles, souligne que Gaza est plongé dans le noir18 heures sur 24 depuis la fermeture de l’unique cen-trale électrique sur le territoire, en février 2018. À cemanque chronique d’électricité s’ajoute un manquecriant de ressources pédagogiques pour les enseignantset de ressources de soutien pour les élèves handicapésou ceux qui vivent de la « détresse psychologique » enraison de l’insécurité permanente et de la violence quasijournalière. Malgré cette dure réalité, l’éducation de-meure perçue comme un besoin « vital » chez les Ga-zaouis, assure notre source.

Même aux prises avec un conflit meurtrier, les popu-lations civiles voient dans l’éducation une occasion« d’améliorer leurs opportunités futures », observe Ca-roline Dauber. Jean-Baptiste Lacombe fait le mêmeconstat : « Les gens voient vraiment la corrélation entreles études et le niveau de vie futur», explique-t-il.

À l’école des réfugiésPour les personnes qui ont réussi à échapper à laguerre ou qui ont été forcées de la fuir, l’enjeu de l’ac-cès à l’éducation se transpose dans les camps de réfu-giés, où se posent d’autres défis. Aux millions de réfu-giés Palestiniens qui vivent dans les camps en Jordanieou au Liban, parfois depuis des décennies, se sont ajou-tés ces dernières années des millions de réfugiés Sy-riens qui ont pris la route de l’exil au Moyen-Orient de-puis le début de conflit armé, en 2011.

Un trait commun de ces populations réfugiées estleur haut degré de scolarisation. On compte en Pales-tine une population « très éduquée », souligne en effetCaroline Dauber. En Syrie, « le niveau d’éducation étaittrès, très élevé », note pour sa part Jean-Baptiste La-combe. Or, l’accès à l’éducation supérieure est particu-lièrement limité dans les camps de réfugiés qui n’of-frent généralement pas non plus de lieux de pratiquepour les formations professionnelles qui nécessitentdes stages.

À la pénurie de ressources pédagogiques s’ajouteaussi la difficulté de recruter des enseignants qui peu-vent travailler dans les camps ou qui maîtrisent lalangue des réfugiés. Jean-Baptiste Lacombe cite à cetégard le cas des Rohingyas du Myanmar (ancienne Bir-manie) qui n’ont pas accès à l’éducation dans leurlangue dans les camps qu’il a visités au Bangladesh.

En plus de soutenir le développement de servicesd’éducation de base pour les réfugiés, les organisationsinternationales doivent aussi parfois développer desprogrammes d’éducation ciblée sur des enjeux particu-liers à une zone à risque. Humanité et Inclusion, quiœuvre depuis plus de 30 ans auprès des réfugiés myan-marais établis en Thaïlande, a par exemple développéun programme d’éducation au danger des mines dansles zones frontalières lourdement minées.

De l’école à la guerreLa violence et l’insécurité quotidiennes dans les

zones de crise font de l’éducation l’une des princi-

pales victimes collatérales des guerres et des

conflits modernes.

Khaled, un jeune syrien, habite dans un camp de réfugiés près de la frontière est du Liban avec la Syrie dans la vallée de la Beqaa. Il fut photographiéla première fois en 2015 (photo de gauche), seul et en retrait aux abords de son camp. Le photographe l'a retrouvé deux ans plus tard, dans le mêmecamp, avec sa mère et son père. En raison de sa condition, Khaled est muni d’un tuyau qui évacue le surplus d’eau qui s'accumule dans sa tête. Il auraitbesoin de traitements plus poussés, mais son père ne peut pas se permettre de quitter le camp pour habiter ailleurs.

Le photographe Frédéric Séguin est allé à la rencontre de jeunes réfugiés syriens vivant dans des camps au nord du Liban, dans lavallée de Beqaa en 2015 et 2017. Entre ses voyages, leur situation « n’a pas bougé ou évolué, remarque-t-il. Il est particulièrementdifficile pour toutes ces familles très pauvres d'amasser assez d’argent pour en sortir. »PHOTOS FRÉDÉRIC SÉGUIN

Gazal, enfant syrienne, fut photographiée en 2015 (photo de gauche) dans son camp de la région de l’Akkar, où elle vivait toujours en 2017 (photo dedroite) avec sa mère et sa plus jeune sœur. En deux ans, sa situation n’avait en rien changé. La jeune fille allait régulièrement suivre des cours dans uneécole de fortune mise sur pied par une ONG internationale, mais l’éducation offerte n'était évidemment pas suffisante, note le photographe.

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S O L I D A R I T É I N T E R N A T I O N A L EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 3 E T D I M A N C H E 4 N O V E M B R E 2 0 1 8 C 3

Manger local nous grandit

Créole haïtien

UPA Développement international

Depuis le début de l’appui d’UPA Développement international en 2013, c’est plus de 45 000 repas qui ont été servis aux enfants et plus de 4 500 kg de produits agricoles locaux qui ont été transformés en menus nutritifs.

Faites un don | upadi-agri.org

Une image vaut mille mots

R E N A U D P H I L I P P E

Collaboration spéciale

Q uelques coups de crayon etquelques éclats de rouge. Tout

le monde essaie de mettre des motsou des images, journalistes, poli-tiques, photographes, humanitaires ;et toute l’absurdité s’exprime dansle silence d’un enfant de 10 ans.Juste quelques coups de crayon etquelques éclats de rouge.

Mohammad Rahim, 10 ans, Ro-hingya réfugié au Bangladesh. Unrare lieu de répit au sein des méga-poles de réfugiés que sont lescamps de Kutupalong et Balukhali,dans un « Child Safe Space » im-planté par l’ONG SOS Children’sVillage. Une feuille blanche et uncrayon, un dessin qui ne finit plusde se construire, où chaque coupde crayon recrache un souvenir,vécu ou collectivement par tagé.Son père mor t sous ses yeux,tombé sous les balles des militairesmyanmarais. Les femmes du vil-lage, enfermées et violées durantdes heures. Sa maison qui brûle,comme son village, comme lescorps d’enfants sur la route del’exil. Une rivière qui prend laforme d’un monstre aux dents acé-rées. Et de l’autre côté de la rive leBangladesh, terre d’accueil. Là où iln’y a plus d’espace pour dessinerl’avenir.

Et tout redevient normal, dumoins en apparence. Le camp res-semble à un gigantesque bidonville,le quotidien retrouve son rythme,celui des distributions alimentaires,les médias désertent, il n’y a plus denouvelles. Sauf que dans cettelongue errance dont personne n’esten mesure de prédire la fin, le com-ment et le quand, des générationsd’enfants porteront les stigmates del’indifférence de l’humanité.

L’importance de la solidarité internationale — et

l’impact d’un manque de solidarité —, le photojour-

naliste Renaud Philippe en a été témoin à plusieurs

reprises. Revenant tout juste d’un deuxième séjour

au Bangladesh, il partage avec Le Devoir l’histoire

de sa rencontre avec un jeune réfugié rohingya de

10 ans, rencontré dans un « Child Safe Space », un

lieu de répit pour contrer le grave manque d’accès à

l’éducation des Rohingyas, mis en place par l’ONG

SOS Children’s Village. Depuis 2012, en Birmanie, il

leur était interdit d’étudier après les classes élé-

mentaires. Maintenant en terre d’accueil, l’éduca-

tion n’est pas une possibilité.

Ci-dessus, dessin de Mohammad Rahim, 10 ans. Souvenir du Myanmar et de la fuite vers le Bangladesh.

Ci-dessous, le camp Balukhali, dans lequel vit Mohammad.

PHOTOS RENEAUD PHILIPPE

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Cofondatrice de Québec inclusif,un mouvement qui s’efforce d’unirles citoyens de la province contrele racisme et l’exclusion sociale,Émilie Nicolas milite pour une so-ciété plus ouverte et plus inclusivedepuis une bonne douzaine d’an-nées. À l’invitation d’Oxfam-Québec, elle offrira tout le moisde novembre une conférence gra-tuite dans les cégeps et universi-tés de la province pour sensibiliserles jeunes à l’enjeu de la paritédans les lieux décisionnels.

E M I L I E C O R R I V E A U

Collaboration spéciale

C’ est dans le cadre de la cam-pagne «C’est pour elles aussi»

que Mme Nicolas présentera saconférence. Orchestrée par Oxfam-Québec, celle-ci offre une tribune àde jeunes leaders d’ici et d’ailleurs.Elle leur permet non seulement detémoigner des défis qu’ils ont vécus,mais surtout, de partager des solu-tions pour qu’hommes et femmesexercent leur pouvoir à parts égales.

Mme Nicolas profitera de cetteplateforme pour mettre en lumièreles défis qui attendent les jeunesfemmes dans les milieux militants.

«De ma perspective à moi, quandles jeunes tentent de s’impliquer,que soit au niveau local ou dans lesassociations étudiantes, ils se re-trouvent vite confrontés à des obsta-cles plus ou moins nommés, plus oumoins tabous, qui font en sorte quec’est plus facile pour certaines per-sonnes de s’impliquer que d’autres,indique-t-elle. Souvent, les jeunesfemmes sont placées dans des posi-tions où elles doivent soit arrêter des’impliquer, soit accepter des com-portements inacceptables. C’est uneréalité à laquelle j’ai été confrontéeet qui est vécue par plusieurs. »

En levant le voile sur ces ques-tions, Mme Nicolas espère ouvrir undialogue constructif et inciter lesjeunes femmes à s’engager davan-tage dans la défense des causes quiles inspirent.

« J’espère les motiver à être plusactives dans les lieux de pouvoir et àmiliter pour augmenter la parité etles perspectives féministes dans leslieux décisionnels», commente-t-elle.

En tant que femme noire militante,elle se réjouit de pouvoir constituerun modèle positif pour les étudiantes.

« Je fais juste être qui je suis, maisje sais que ma visibilité peut permet-tre d’inspirer d’autres personnes às’imaginer ailleurs, à s’imaginerplus haut ou à s’imaginer dire cequ’elles pensent dans les médias. Etça, ça me touche beaucoup !»

Mue par son vécuLe militantisme d’Émilie Nicolastrouve racine dans sa jeunesse. Néeà Gatineau à la fin des années 1980,

elle a grandi à Lévis, tout près deQuébec. À l’époque où elle fréquen-tait l’école primaire, le taux de popu-lation issue de l’immigration avoisi-nait tout juste les 2% dans la région.Adolescente, elle s’est plusieurs foissentie ostracisée en raison de lacouleur de sa peau.

« Les radios privées tenaient beau-coup de discours haineux, se sou-vient-elle. C’était devenu une formede norme dans les médias là-bas. Cecontexte-là a fait que j’ai étéconsciente très jeune de l’impact dudiscours public sur les interactionsquotidiennes. Après des déclara-tions faites par des animateurs à laradio, j’ai vu le regard que les gensposaient sur moi changer alors queje marchais dans la r ue. Ça m’a

beaucoup marquée.»C’est au cégep que Mme Nicolas a

commencé à s’impliquer auprès d’or-ganisations prônant la diversité et l’in-clusion afin de lutter contre les préju-gés. Alors, la question des accommo-dements raisonnables était sur toutesles tribunes et la commission Bou-chard-Taylor battait son plein.

«C’était une période très chargée,se remémore Mme Nicolas. Je sen-tais que même si moi je ne me mê-lais pas de politique, la politiqueétait déjà en train de me définir. »

Mue par cette puissante sensa-tion, Mme Nicolas a cofondé le re-groupement Québec inclusif. En pu-bliant un manifeste dénonçant lacharte des valeurs québécoises, cedernier a joué un rôle significatifdans le débat de société de 2013 en-tourant la question. Dans la foulée,elle a également participé à la misesur pied d’une coalition québécoiseen faveur de l’égalité et contre le ra-cisme systémique.

Sur la bonne voieD’après Mme Nicolas, les débats pu-blics des dernières années ont beau-

coup contribué à l’avancement de lasociété québécoise en matière de di-versité, d’inclusion et d’équité. Sielle estime qu’un cer tain travailreste à faire sur le plan législatif, elleconsidère que la conscientisationdemeure la priorité.

«Il y a de plus en plus de gens quise disent en faveur d’une société plusdiversifiée, plus inclusive et plus équi-table, mais qui ne se voient pas né-cessairement aller dans leurs ré-flexes, dans leurs façons d’agir, re-lève-t-elle. Par exemple, il y a desgens qui en théorie sont pour l’égalitéhommes-femmes, mais qui dans lesfaits reproduisent un ensemble decomportements qui mènent à des ini-quités. Ce que ça veut dire, c’est qu’ilreste de la déconstruction à fairedans la culture, dans les réflexes.»

Encouragée par l’ouverture et lasensibilité dont les jeunes Québé-cois font preuve à l’égard des causesqu’elle défend, Mme Nicolas se ditconfiante en l’avenir.

«La génération qui monte me donneespoir, assure-t-elle. Je pense qu’on vagagner à moyen terme; la seule ques-tion, c’est quand!»

S O L I D A R I T É I N T E R N A T I O N A L EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 3 E T D I M A N C H E 4 N O V E M B R E 2 0 1 8C 4

POUR PLUS D’INFORMATIONS

SUR LA PROGRAMMATION

JQSI.QC.CA

@JQSI2018

GRAND PANEL

STÉPHANIE DEMERSprofesseure, Université du Québec en Outaouais

DIANA POTESmilitante féministe en éducation populaire en Colombie

GINA THÉSÉEprofesseure, Université du Québec à Montréal

NICOLE O’BOMSAWINenseignante et anthropologue Abénakis

L’école dans le monde et le monde dans la classeQuelle éducation pour quelle citoyenneté mondiale?

Animation :RÉGINALD FLEURYconseiller pédagogique

à la Commission scolaire de Montréal

Bâtiment 7 :1900, rue Le Ber, Montréal, H3K 2A5 Charlevoix, ligne verte et après 57

16 NOVEMBRE DE 19H À 21H

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SANS

Émilie NicolasGUILLAUME LEVASSEUR

« La génération qui monteme donne espoir. Je pensequ’on va gagner à moyenterme. »

Militer pour que chacun ait sa placeEt si la parité dans les lieux décisionnels devenait une réalité ?

Portrait d’Antonio Donkov (Bulgarie)ILLUSTRATIONS ROGÉ

Page 5: Un enfant à la fois...la première fois en 2015 (photo de gauche), seul et en retrait aux abords de son camp. Le photographe l'a retrouvé deux ans plus tard, dans le même camp,

Que retenez-vous de votre expérienceavec ces jeunes?S. B. Ils m’ont transformé, cesjeunes-là. Ils m’ont ému, de par leurgénérosité et leur ouverture. Je n’aijamais vu tant de ferveur à fouillerdans le dictionnaire, à débusquer lemot se rapprochant le plus près deleur vécu.R.G. Les jeunes migrants que j’ai ren-contrés ont été secoués dans leursrepères et leur identité. Ils laissent

des membres de leurs familles et desamis derrière eux. Mais au lieu d’unetristesse, j’ai plutôt été saisi par leurforce et leur courage. Je les senspleins d’espoir face aux nouvellespossibilités qui se présentent à eux.Ils sont beaux et inspirants.

Comment définiriez-vous ce qu’estl’immigration aujourd’hui?S.B. Je citerais simplement un desjeunes poètes originaires de l’Uru-

guay, Hernan Farina Forster : « J’aigagné le futur / J’ai perdu le passé».

Quels mots ou couleurs choisiriez-vous pour décrire la réalité que cesjeunes vous ont racontée?S.B. Leur identité multiple. C’est cequi ressort le plus. Mon amie KimThuy avait une image tellement élo-quente à ce propos. Elle af firmaitque ces jeunes ne sont pas 40 % ceciet 60 % cela, ou entre 30 % et 70 %ceci… Ils sont 100 % québécois et100% autre. Leur identité multiple at-teint le 200%. Ils sont riches de deuxcultures, et non pas déchirés entredeux cultures.

Que pouvons-nous apprendre de cesjeunes?S.B. C’est un mot bien à la mode, quipeut sembler galvaudé, mais je consi-dère qu’il leur va bien : la résilience.Pour moi, c’est ce qu’ils m’offrent :

une perpétuelle leçon de résilience.R. G. Je pense que nous avons be-soin d’entendre parler d’immigra-tion à travers la voix des jeunes. Çanous fait sortir des grands discourssur ce sujet. Leurs mots nous sor-tent de nos habitudes rationnelles etnous plongent dans quelque chosede personnel et d’humaniste.

Que voudriez-vous que les lecteurs re-tirent de Bagages mon histoire?S. B. Que ces jeunes immigrantsviennent enrichir le Québec.R. G. Ce livre est pour moi unepause à travers le tumulte du quoti-dien, pour nous faire découvrir labeauté de l’autre.

Propos recueillis par l’équipe des pu-blications spéciales du Devoir

S O L I D A R I T É I N T E R N A T I O N A L EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 3 E T D I M A N C H E 4 N O V E M B R E 2 0 1 8 C 5

15 poèmes, 15 visages. Autant de perches tendues pour saisir la réa-lité d’adolescents débarqués à Montréal en provenance des quatrecoins du monde. Dans Bagages mon histoire, l’auteur Simon Boulericea donné la plume à de jeunes nouveaux arrivants lors d’ateliers d’écri-ture à l’école Paul-Gérin-Lajoie-d’Outremont, tandis que l’illustrateurRogé Girard a immortalisé leurs traits dans une série de portraits àl’huile. Par leurs mots et leurs regards, l’album publié aux Éditions deLa Bagnole raconte le déracinement, le renouveau et la recherche derepères. Entretien avec Simon Boulerice et Rogé Girard.

Bagages, leurs histoiresPortrait de Mayya-Lika Kokina (Ukraine)

Il y a des gens à côté de moiC’est réconfortantComme un chocolat brûlant

L’Iran est loin de moiJe ne le contempleQue sur la carte du monde

Au fond c’est procheJe suis à une grandeur de mainDe mon pays natal

Kourosh Mohammadzadeh

(Iran)

J’ai jeté mes douze ansMes vieux souvenirsMes vieux amis, mon vieux paysMon cocon, le nœud de ma vie

J’ai de nouveaux ans

Maintenant, j’avanceEn fendant ma chrysalide

Dohee Kim

(Corée du Sud)

Poèmes tirés de Bagages mon histoire

Page 6: Un enfant à la fois...la première fois en 2015 (photo de gauche), seul et en retrait aux abords de son camp. Le photographe l'a retrouvé deux ans plus tard, dans le même camp,

S O L I D A R I T É I N T E R N A T I O N A L EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 3 E T D I M A N C H E 4 N O V E M B R E 2 0 1 8C 6

Chaque minute, 31 personnes sont forcées de fuir leur foyer. Il est temps d’agir�!

En solidarité avec les 68,5 millions d’enfants, de femmes et d’hommes qui ont dû fuir leur foyer à cause de la guerre, des désastres naturels, de la pauvreté extrême ou des mégaprojets de développement, rejoignez-nous :

e Marchez et amassez des fonds. e Signez notre carte d’action. e Donnez !

POUR AGIR OU FAIRE UN DON�: 1�888�234-8533 | DEVP.ORG

J E A N - F R A N Ç O I S V E N N E

Collaboration spéciale

D epuis l’an 2000, l’Aide internatio-nale pour l’enfance (AIPE) lutte

contre le travail des enfants et leurexploitation. L’organisme mène plu-sieurs projets en Inde, en Thaïlandeet en Haïti. « Le manque d’accès àl’éducation et la pauvreté, générale-ment liés, sont les plus grandescauses de l’exploitation des enfantsdans le monde, rappelle Éloïse Sa-voie, directrice générale de l’AIPE.L’éducation constitue le meilleurmoyen de contrer cette exploitation.»

De trop nombreux enfants doi-vent souvent prendre le chemin deschamps ou de l’usine, plutôt que ce-

L’éducation pour combattrele travail des enfants

lui de l’école, parce que leurs pa-rents sont trop pauvres pour se pas-ser de leur salaire. L’AIPE chercheà briser ce cercle vicieux en soute-nant financièrement les familles,afin que les enfants reçoivent uneéducation. Ils organisent aussi desécoles dans cer tains bidonvilles,afin d’accueillir les enfants qui traî-nent dans les rues et de les aider àrécupérer le retard d’apprentissagequ’ils ont accumulé. « Les projetss’adaptent toujours aux besoins descommunautés locales », souligneMme Savoie.

Elle constate que les enfants desindividus qui ont été aidés lorsqu’ilsétaient jeunes courent moins derisques de se voir privés d’accès àl’éducation. On peut donc bel etbien briser le cercle vicieux.

Toutefois, ces enjeux demeurentméconnus au Québec et de nom-breux clichés persistent. Par exem-ple, l’image d’enfants travaillantdans des usines de textiles s’imposeen premier à l ’espri t des genslorsqu’ils pensent au travail des en-fants. Or, sept enfants sur dix tra-vai l lent dans l ’agriculture, lespêches ou l’élevage. Du labeur dan-gereux et pénible, effectué dans desconditions généralement miséra-bles. Les enfants manient des outilsdangereux comme des machettes etdes produits chimiques, sans pro-tection. Mal nourris, ils se retrou-vent souvent déshydratés après delongues heures passées à travaillersous un soleil de plomb, dans despostures difficiles.

Mobiliser les QuébécoisToute cette souf france pour pro-duire café, thé, cacao et autres pro-du i ts que nous consommons .

« Nous ne voulons pas payer plus etles grandes multinationales ne sou-haitent pas faire moins de profits,donc au bout du compte les travail-leurs écopent, surtout les enfants,qui ne coûtent presque rien à em-ployer», indique Mme Savoie.

Loin de jouer la carte de la culpa-bilisation, elle veut surtout éduquer,sensibiliser et mobiliser les Québé-cois sur ces enjeux. « Il faut que lesQuébécois comprennent pourquoices enfants travaillent et le rôlequ’ils peuvent jouer, au Québec,pour contrer ce fléau», avance-t-elle.

Les Québécois peuvent agir entant que consommateurs, notam-ment en s’assurant de choisir desproduits équitables, de consommerlocal et d’éviter la surconsommation.Ils peuvent aussi se faire entendreen tant que citoyens, en faisant pres-sion sur leurs gouvernements et surles commerçants, en signant des pé-titions, en relayant les informationssur ce sujet sur les médias sociaux,en s’engageant dans des projets vi-sant l’accès à l’éducation ou la luttecontre l’exploitation des enfants, etc.L’AIPE mène chaque année de nom-breux projets dans les écoles,comme des ateliers ou conférencesau primaire et au secondaire. Elleforme des comités de jeunes danscertaines écoles secondaires, dontl’objectif est de proposer des activi-tés de sensibilisation aux droits desenfants dans le monde. Elle orga-nise aussi auprès des adultes des ta-bles rondes, des projections de do-cumentaires, des expositions photo-graphiques et autres rassemble-ments. « Le but n’est pas seulementd’informer, mais de mobiliser lesgens, soutient Mme Savoie. En géné-ral, nous constatons qu’ils sont trèsouverts et interpellés par ce sujet,toutefois, il est un peu plus difficilede les mettre en action.»

Pourtant, souligne-t-elle, les ac-tions ont des effets concrets. Dansdix villages où l’AIPE mène des pro-jets, les mariages précoces, aupara-vant très courants, ont pratiquementdisparu et l’éducation des enfantsest devenue la norme. « Le change-ment est possible, mais c’est tou-jours un objectif à long terme »,conclut la directrice générale.

De jeunes Afghans travaillent à tisser des tapis destinés à l’exportation. AREF KARIMI AGENCE FRANCE-PRESSE

« Nous ne voulons pas payer plus et lesgrandes multinationales ne souhaitent pasfaire moins de profits, donc au bout ducompte les travailleurs écopent, surtoutles enfants, qui ne coûtent presque rien àemployer »

Page 7: Un enfant à la fois...la première fois en 2015 (photo de gauche), seul et en retrait aux abords de son camp. Le photographe l'a retrouvé deux ans plus tard, dans le même camp,

S O L I D A R I T É I N T E R N A T I O N A L EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 3 E T D I M A N C H E 4 N O V E M B R E 2 0 1 8 C 7

Quitter le confort de son foyer québécois pour travailler un an enHaïti, grâce au programme de volontariat de SUCO. Marilyne etÉtienne, un jeune couple dans la trentaine, l’ont fait. Une expériencequi a changé leur vie.

Changer le monde et le sien en même temps

R A P H A Ë L L E C O R B E I L

Collaboration spéciale

M arilyne et Étienne se rencon-trent en 2014, alors qu’ils tra-

vaillent pour le même cabinet comp-table. Lui est à Shawinigan, elle estbasée à Trois-Rivières. C’est lorsd’une formation à Québec que lecourant passe entre les deux. Ils sedécouvrent une même passion pourle voyage et l’aventure.

« Je savais que je voulais travailleren développement international, sesouvient Marilyne. Je lui ai confiéque mon rêve était de partir un anquelque part pour vivre une expé-rience complètement dif férente. Ilm’a répondu que lui aussi. »

Quelques années plus tard, ils en-tendent parler de l’organismeSUCO. Dans le cadr e du Pr o -gramme de coopération volontaire(PCV) financé par Af faires mon-diales Canada, SUCO accompagnedes organismes partenaires à l’inter-national pour renforcer les capacitéslocales.

Au début de l’année 2017, SUCOaffiche deux mandats en comptabi-lité pour coopérer en Haïti, en colla-boration avec l’Organisation despaysans actifs pour le développe-ment de Lamontagne, petit villagesitué en zone rurale. L’objectif dumandat : par tager son exper tisecomptable et former des jeunes enentrepreneuriat afin de dynamiser larégion.

Le couple y voit une occasionunique de partir ensemble, en plusde mobiliser leurs compétencesdans une région en besoin. Mari-lyne annonce à son employeurqu’elle ne renouvellera pas soncontrat, tandis qu’Étienne quitte sonemploi. Les deux s’envolent pourHaïti en juillet.

Accompagner de jeunesentrepreneursÀ Lamontagne, sous le soleil tapantd’Haïti et dans une chaleur épaisse,le couple doit rapidement s’adapterà son nouvel environnement. Plu-sieurs enfants errent dans les rues ;ils ne vont pas à l’école.

Marilyne et Étienne évaluent lesbesoins et mettent sur pied une « fa-culté en administration des affaireset en entrepreneuriat ». L’idée estd’offrir des outils de base pour mon-ter un projet ou se trouver un em-ploi, par exemple rédiger un CV àl’ordinateur, faire un budget, déve-lopper un système de factures.

« Les habitants de Lamontagnesont très attachés à leur milieu,mais ils sont souvent obligés des’installer en ville pour travailler, ex-plique Étienne. On voulait les aiderà développer de petits commerceschez eux, par exemple un magasinof frant un ser vice d’impressionpour qu’ils n’aient pas à se rendrejusqu’à la ville voisine pour faire im-primer leurs documents. »

Si au début le couple fait face àune certaine méfiance de la part dela communauté, une vingtaine dejeunes, âgés de 18 à 35 ans, s’inscri-vent bientôt à la formation. « Cesjeunes, autant les garçons que lesfilles, sont des leaders dans leurcommunauté. Ils ont beaucoupd’idées, beaucoup d’énergie, il man-quait juste un petit déclic pour lespropulser », soutient Étienne.

Faire face aux imprévusLes trois premiers mois, Marilyne etÉtienne résident dans le villagemême, dans une maison étroited’une pièce, sans eau courante niélectricité. Ce qui rend la prépara-tion des cours difficile.

Ils déménagent alors dans la villevoisine, Jacmel, à 45 minutes demoto sur un chemin de terre. Ilss’inscrivent aussi rapidement à descours de créole. « C’est important,quand on fait un mandat comme ça,de parler la langue des personnesavec qui on interagit. Ça nous a ai-dés à nous intégrer », souligneÉtienne.

« Il faut décanter un peu ce qu’on vient devivre. On va prendre le temps, on varéfléchir, mais je pense qu’on va repartir. »

Si au début lecouple fait face àune certaineméfiance de lapart de lacommunauté, unevingtaine dejeunes, âgés de 18à 35 ans,s’inscriventbientôt à laformation.SUCO

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M A R I E - H É L È N E A L A R I E

Collaboration spéciale

U n discours polarisé entretient les préju-gés envers les migrants. « Il est rare que

les citoyens aient accès à un discours et à unediscussion raisonnables sur la question, etc’est cette lacune que notre organisme veutcombler », déclare Élisabeth Desgranges, ani-matrice pour la région de l’Est-du-Québecchez Développement et Paix.

« Dans le contexte mondial actuel où on as-siste à la montée de groupes identitaires etoù certaines voix portent davantage, il existeaussi une contrepartie où des gens se pro-noncent pour l’accueil des migrants », ajoute-t-elle en soulignant qu’on entend beaucoup

parler des Syriens ou des Rohingyas, maismoins des autres migrants forcés qui eux,sont obligés de migrer à l’intérieur même deleur pays et qui ne demanderont jamais destatut de réfugiés : « les causes profondes deces migrations ne sont pas toujours la guerreou la répression, mais parfois les grands pro-jets de développement ou les changementsclimatiques, et on tente d’appor ter aussicette vision élargie du problème », précisel’animatrice.

Pour se faire entendre, Développement etPaix a choisi les campagnes de sensibilisation,dont des capsules vidéos. «Nous sommes pré-sents sur les réseaux sociaux et nos 10 000membres canadiens participent à des ateliers oùils trouvent des outils pour aborder le sujet dansleur milieu», explique Élisabeth Desgranges.

5 mythes sur la crise migratoire

MYTHE 1 Le Canada accueille trop de réfugiés

En 2016, le Canada a accueilli l’équivalent de (soit 58 435 personnes) des 3,4 millions de nouvelles personnes réfugiées dans le monde.

MYTHE 5 Les personnes réfugiées fuient une situation temporaire

Les deux tiers des personnes réfugiées passent plus de 5 ans en exil.

MYTHE 2

Les pays du Nord accueillent la majorité des personnes réfugiées

des personnes réfugiées se trouvent dans les pays les plus pauvres de la planète.

MYTHE 4

Les réfugiés menacent l’identité culturelle et les valeurs canadiennes

Plus d’un Canadien sur cinq est né à l’étranger, soit plus de 7,5 millions de personnes en 2016.

MYTHE 3

Les personnes réfugiées vivent toutes dans des camps

vivent en hébergement autonome (souvent en ville).

vivent dans des camps de réfugiés.

vivent dans des camps indépendants (non gérés par le Haut Commissariat des Na-tions unies pour les réfugiés), dans des centres collectifs ou sont en déplacement.

SOURCE :

DÉVELOPPEMENT ET PAIX

Page 8: Un enfant à la fois...la première fois en 2015 (photo de gauche), seul et en retrait aux abords de son camp. Le photographe l'a retrouvé deux ans plus tard, dans le même camp,

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© MICHEL HUNEAULT

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À par tir de Jacmel, i ls peuventconstruire le contenu des coursune semaine à l ’ avance. Maischaque jour amène son lot d’impré-vus. Les temps de pluie, par exem-ple, rendent impossible le voyagesur le chemin boueux qui mène àLamontagne.

Marilyne et Étienne doivent alorscontacter les élèves un par un pourles prévenir que le cours est reporté.

À Lamontagne, on compte souventsur le bouche-à-oreille : la plupartdes téléphones cellulaires ne sontpas chargés, faute d’électricité.

Au terme de cette année de for-mation, les élèves organisent unecérémonie de remise des di -plômes, avec une messe, des dis-cours de remerciement et unegrande fête, préparant eux-mêmesleur budget et amassant les fondsnécessaires. Un grand événementpour la communauté, auquel 400personnes participent.

Depuis, des diplômés de la fa-culté ont également mis sur piedun festival annuel de trois jourspour permettre aux talents de lacommunauté de se faire connaître.Deux jeunes ont également trouvéun emploi.

Retour au bercailAprès une année riche en émotions,le retour au Québec fut dif ficile,confie Marilyne. « Le contact hu-main est très impor tant là-bas.Quand on allait faire notre marché,les gens nous saluaient. Et surtout,

notre travail avait un sens. Les gensse montraient très reconnaissants,et ça, ça n’a pas de prix. »

Revenus cet été, Marilyne etÉtienne ont rapidement retrouvéun emploi et repris le r ythme ef-fréné du mode de vie occidental.Ils constatent chaque jour le déca-lage entre leur vie quotidienne icipar rappor t à leur vie à Lamon-t a g n e . « M o n e n t o u r a g e c e stemps-ci se cherche un costumed’Halloween, alors que là-bas onse demande si on va manger lelendemain », dit-elle.

Ils se trouvent chanceux d’êtreensemble pour vivre cette transi-tion. « Partir en couple nous a per-mis de nous soutenir, de vivrel’expérience à fond. Et de pouvoiren reparler aujourd’hui. Je croisque notre couple en est ressor tiplus fort », rapporte Étienne.

Ces deux jeunes passionnés pro-jettent-ils de repartir ? « Il faut dé-canter un peu ce qu’on vient de vi-vre. On va prendre le temps, on varéfléchir, mais je pense qu’on va re-partir », conclut Marilyne.

SUITE DE L A PAGE C 7

RETOURDe nouvelles perspectives

« Mon entourage ces temps-ci se cherche un costumed’Halloween, alors que là-bas on se demande si on vamanger le lendemain »

Marilyne et ÉtienneSUCO