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Un état des lieux des traitements médicamenteux des Accès Douloureux Paroxystiques D’après la communication de P. Poulain Unité Interrégionale de Soins Palliatifs - Polyclinique de l’Ormeau, 12 chemin de l’Ormeau, 65000 Tarbes, France. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Douleurs Évaluation – Diagnostic – Traitement (2010) 11, 9-11 Lors de la prise en charge de la douleur d’un patient, l’ob- jectif est de trouver le bon équilibre entre l’obtention de l’effet analgésique à la plus petite dose possible et les effets indésirables qui doivent être minorés. Le traitement doit être approprié à chaque patient, en fonction de l’évaluation et du mécanisme physiopathologique de la douleur. Chez un patient présentant des douleurs d’origine cancé- reuse, la douleur de fond est traitée par une opioïde fort à liberation prolongée (LP) et, sur ce traitement de base équi- libré, il peut avoir recours à des doses de secours ou inter- doses. Les interdoses sont effectuées avec de la morphine à libération normale ou de l’oxycodone, mais l’obtention de la réponse est lente et demande, avant un début d’effet, un délai de l’ordre de 30 minutes en moyenne. L’idéal alors serait d’avoir une pompe d’analgésie autocontrôlée par le patient qui procure un traitement de fond et permet une auto admi- nistration de bolus, mais ce n’est pas très pratique de porter une pompe en permanence sur soi... C’est ainsi qu’ont été mises au point des formes galéniques permettant un passage à travers la muqueuse buccale donc une action plus rapide. Les courbes de cinétique du fentanyl selon les différen- tes formes (IV, transmuqueux buccal et orale) montrent que les formes transmuqueuses tendent à s’approcher de la phar- macocinétique de la voie IV, qui est bien évidemment la plus efficace. Une étude [1] randomisée en double aveugle, en cross over a été réalisée chez 8 patients cancéreux qui ont testé trois dosages (100 μg, 200 μg et 400 μg) de comprimés de fen- tanyl sublingual à dissolution rapide dans les ADP. Les courbes de cinétique montrent des pics de concentration plasmati- que très rapides et des valeurs obtenues proportionnelles à la dose administrée (Fig. 1). Cela est très intéressant car la majeure partie des ADP s’ins- talle très rapidement, entre 5 et 10 minutes. Les profils cinéti- ques de la morphine orale ou de l’oxycodone ne correspondent pas à la courbe d’intensité de la douleur dans l’ADP. Bennett [2] a défini les caractéristiques des opioïdes à libération immédiate utilisés dans les ADP, et présente cha- cun des avantages et des inconvénients. La morphine orale, l’oxycodone et l’hydromorphone ora- les agissent en 30 à 40 minutes et leur effet dure 4 heures en moyenne. Ces présentations bien adaptées à une équi- libration de la dose antalgique ne le sont donc pas pour le traitement des ADP. La méthadone orale agit en 10 à 15 minutes et sa durée d’action est de 4-6 heures. Si elle n’était pas si difficile à manier elle se rapprocherait d’un certain idéal que l’on retrouve avec le fentanyl ou le sufentanil par voie IV. Le fen- tanyl transmuqueux agit en 5 à 10 minutes (en fonction des formes galéniques) et sa durée d’action est de 1 à 2 heures.

Un état des lieux des traitements médicamenteux des Accès Douloureux Paroxystiques

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Un état des lieux des traitements médicamenteux des Accès Douloureux Paroxystiques

D’après la communication de P. Poulain

Unité Interrégionale de Soins Palliatifs - Polyclinique de l’Ormeau, 12 chemin de l’Ormeau, 65000 Tarbes, France.

© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Douleurs Évaluation – Diagnostic – Traitement (2010) 11, 9-11

Lors de la prise en charge de la douleur d’un patient, l’ob-jectif est de trouver le bon équilibre entre l’obtention de l’effet analgésique à la plus petite dose possible et les effets indésirables qui doivent être minorés. Le traitement doit être approprié à chaque patient, en fonction de l’évaluation et du mécanisme physiopathologique de la douleur.

Chez un patient présentant des douleurs d’origine cancé-reuse, la douleur de fond est traitée par une opioïde fort à liberation prolongée (LP) et, sur ce traitement de base équi-libré, il peut avoir recours à des doses de secours ou inter-doses. Les interdoses sont effectuées avec de la morphine à libération normale ou de l’oxycodone, mais l’obtention de la réponse est lente et demande, avant un début d’effet, un délai de l’ordre de 30 minutes en moyenne. L’idéal alors serait d’avoir une pompe d’analgésie autocontrôlée par le patient qui procure un traitement de fond et permet une auto admi-nistration de bolus, mais ce n’est pas très pratique de porter une pompe en permanence sur soi... C’est ainsi qu’ont été mises au point des formes galéniques permettant un passage à travers la muqueuse buccale donc une action plus rapide.

Les courbes de cinétique du fentanyl selon les différen-tes formes (IV, transmuqueux buccal et orale) montrent que les formes transmuqueuses tendent à s’approcher de la phar-macocinétique de la voie IV, qui est bien évidemment la plus efficace.

Une étude [1] randomisée en double aveugle, en cross over a été réalisée chez 8 patients cancéreux qui ont testé trois dosages (100 μg, 200 μg et 400 μg) de comprimés de fen-tanyl sublingual à dissolution rapide dans les ADP. Les courbes de cinétique montrent des pics de concentration plasmati-que très rapides et des valeurs obtenues proportionnelles à la dose administrée (Fig. 1).

Cela est très intéressant car la majeure partie des ADP s’ins-talle très rapidement, entre 5 et 10 minutes. Les profils cinéti-ques de la morphine orale ou de l’oxycodone ne correspondent pas à la courbe d’intensité de la douleur dans l’ADP.

Bennett [2] a défini les caractéristiques des opioïdes à libération immédiate utilisés dans les ADP, et présente cha-cun des avantages et des inconvénients.

La morphine orale, l’oxycodone et l’hydromorphone ora-les agissent en 30 à 40 minutes et leur effet dure 4 heures en moyenne. Ces présentations bien adaptées à une équi-libration de la dose antalgique ne le sont donc pas pour le traitement des ADP.

La méthadone orale agit en 10 à 15 minutes et sa durée d’action est de 4-6 heures. Si elle n’était pas si difficile à manier elle se rapprocherait d’un certain idéal que l’on retrouve avec le fentanyl ou le sufentanil par voie IV. Le fen-tanyl transmuqueux agit en 5 à 10 minutes (en fonction des formes galéniques) et sa durée d’action est de 1 à 2 heures.

10 P. Poulain

C’est donc la molécule et la voie qui apparaîssent comme les mieux adaptés au traitement des ADP (Fig. 2).

Différentes présentations de fentanyl ont été développées :

la voie transmuqueuse nasale • la voie transmuqueuse orale : comprimés avec applicateur, •

comprimés sublinguaux à dissolution rapide, comprimés gingivaux « oravescents » la voie transmuqueuse pulmonaire, par inhalation •

Deux présentations sont pour le moment disponibles en France* : les comprimés avec applicateur et les comprimés sublinguaux à dissolution rapide.

Figure 2. Comparaison des cinétiques des différentes formes de fentanyl. La forme transmuqueuse est la mieux adaptée au traitement des ADP.

Fentanyl Plasmatique (ng/mL) ± SEM

Temps (min)0

0,51

1,52

2,53

20 40 60 80 100 120 140

Fentanyl Oral

Fentanyl transmuqueux, comprimé avec applicateur

Fentanyl IV

20253035

Fentanyl transmuqueux, comprimé gingival

0 ADP

Conc

entra

tion

plas

mat

ique

de f

enta

nyl(

ng/m

l)

Temps (minutes)

Moyennes (avec écart-types) des concentrations plasmatiques de fentanyl

100 µg200 µg400 µg

( )( )( )

Figure 1. Pharmacocinétique du fentanyl en sublingual, comprimé à dissolution rapide. Méthodologie(11) : Étude randomisée en double aveugle réalisée en cross-over. 8 patients cancéreux, sous traitement continu d’opioïde oral (hors fentanyl), ont testé 3 dosages (100 µg, 200 µg, 400 µg) d’une nouvelle préparation de fentanyl à dissolution rapide, à 3 jours d’intervalle. Critère primaire : évaluation de la pharmacocinétique d’une nouvelle forme sublinguale de fentanyl développée pour les ADP.

* à la date de l’intervention, le 15 octobre 2009

Un état des lieux des traitements médicamenteux des accès douloureux paroxystiques 11

Darwish [3] a étudié la biodisponibilité du fentanyl trans-muqueux avec applicateur buccal : au total elle n’est que de 50 % : 25 % absorbés par voie transmuqueuse, le reste par voie digestive.

Les nouvelles formes transmuqueuses disponibles appor-tent une amélioration de la biodisponibilité, (biodispo-nibilité calculée de 70 % pour le comprimé sublingual à dissolution rapide) ce qui se traduit aussi dans les études d’efficacité.

Conclusion

Reconnaître et évaluer les ADP est toujours un problème, ils ne sont pas toujours les mêmes chez un même individu et leur mécanisme physiopathologique peut être variable.

De nouvelles formes galéniques sont développées pour une meilleure prise en charge des patients qui sont tous dif-férents face à la douleur. D’autres formes vont arriver dans le futur. Il importe dès maintenant de bien savoir utiliser cel-les dont on dispose aujourd’hui.

Références[1] Bredenberg S, Duberg M, Lennernäs B, et al. In vitro and in

vivo evaluation of a new sublingual tablet system for rapid oro-mucosal absorption using fentanyl citrate as the active subs-tance. Eur J Pharm Sci 2003;20:327-34.

[2] Bennett D, et al. Consensus panel Recommendations for the Assessment and Managment of Breakthrough Pain-Part 2 Mana-gement. P&T 2005;30:354-61.

[3] Darwish M, Kirby M, Robertson P Jr, et al. Absolute and Rela-tive Bioavailability of Fentanyl Buccal Tablet and Oral Trans-mucosal Fentanyl Citrate. J Clin Pharmacol 2007;47:343-50.