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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 6 472 LU POUR VOUS Sous la direction de Catherine Spielvogel Un nouveau mode d’analgésie auto-délivrée : le système E-TRANS IONSYS ® Viscusi ER, Reynolds L, Chung F, Atkinson LE, Khanna S. Patient- controlled transdermal fentanyl hydrochloride versus intravenous morphine pump for postoperative pain: A randomised controlled trial. JAMA 2004;291:1333-4. L’analgésie auto-délivrée a longtemps reposé l’utilisation de pompes programmées pour délivrer une dose unitaire sous forme d’un bolus intraveineux suivi d’une période réfractaire. Ce mode d’administration des antalgiques (initialement la mor- phine) a ensuite été étendu à d’autres voies d’administration (péridurale, périnerveuse). Par ailleurs, la voie transdermique était utilisée depuis plusieurs années pour la diffusion passive du fentanyl dans le cadre du traitement des douleurs chroni- ques. La diffusion transdermique répond en effet aux besoins des patients douloureux chroniques en assurant un taux plas- matique stable du fentanyl. Elle ne permet cependant pas de faire face aux impératifs de la douleur postopératoire qui varie rapidement en intensité d’un moment à l’autre de la journée pour décroître habituellement en quelques jours. Pour contrô- ler les variations d’intensité douloureuse tout en évitant la sur- venue d’un surdosage, il est donc nécessaire de pouvoir accélérer ou interrompre la diffusion transdermique du fenta- nyl. La compagnie pharmaceutique ALZA a ainsi mis au point un système de diffusion accélérée du fentanyl, qui est sur le point d’être commercialisé par les laboratoires Janssen. Il s’agit d’un patch contenant un gel de fentanyl et muni d’un disposi- tif qui permet à l’aide d’un bouton de commande de délivrer un courant ionique de faible intensité qui accélère la diffusion transdermique de fentanyl en augmentant son ionisation (ion- tophorèse). Chaque impulsion de courant permet la déli- vrance d’une dose de 40 mcg de fentanyl (20-60 mcg). Le patient utilise lui-même en appuyant sur le bouton le système en fonction de l’intensité douloureuse. La concentration maxi- mum du fentanyl est atteinte après un délai de 10-15 minutes. Chaque administration est suivie d’une période réfractaire de 10 minutes. Un voyant lumineux indique le nombre de doses délivrées. Le patch est laissé en place durant 24 heures puis changé. Ce système a été évalué dans une étude ouverte por- tant sur 636 patients de chirurgie générale, et comparé à l’auto-administration de morphine en intraveineux selon les modalités classiques. La durée des traitements était d’au moins 24 heures et au plus de 72 heures. Dans les deux groupes, les patients ont bénéficié d’une titration intraveineuse de mor- phine en postopératoire immédiat jusqu’à obtenir le contrôle de la douleur puis ils ont été connectés à l’un des deux dispo- sitifs d’analgésie. Les deux systèmes se sont révélés équivalents en termes d’efficacité : 73,7 % des patients ont estimé que le contrôle de la douleur était bon ou excellent dans le groupe recevant du fentanyl transdermique contre 76,9 % dans le groupe PCA morphine. Respectivement 15,2 et 10,3 % ont interrompu le traitement en raison d’une analgésie insuffi- sante. La distribution des scores d’intensité douloureuse était superposable dans les deux groupes. L’incidence des effets secondaires (nausées, vomissements, prurit, somnolence, etc.) était également comparable dans les deux groupes. Le système semble donc aussi efficace que la morphine auto-administrée mais offre l’avantage de ne pas nécessiter un abord veineux. Cette simplification facilite la mobilisa- tion des patients et permet d’envisager la poursuite de l’analgésie au-delà des « fatidiques » premières 48 heures au bout desquelles les patients sont souvent sevrés de leur sys- tème de PCA. Par ailleurs la tolérance des deux systèmes est comparable, en d’autres termes l’administration transdermi- que de fentanyl en périopératoire a la même efficacité mais aussi les mêmes inconvénients que l’administration de tout autre opiacé par voie intraveineuse. Ces inconvénients res- tent le facteur limitant l’emploi des morphiniques dans ce contexte et justifiant les approches actuelles qui visent soit à antagoniser les effets périphériques des opiacés soit à diminuer les quantités administrées. Francis BONNET Hôpital Tenon, Paris. La privation de sommeil : une source d’aug- mentation du nombre des erreurs médicales en réanimation Landrigan CP, Rothschild JM, Cronin JW, Kaushal R, Burdick E, Katz JT, Lilly CM, Stone PH, Lockley SW, Bates DW, Czeisler CA for the Harvard work hours health and safety groups. N Engl J Med 2004;351:1838-48.Lockley SW, Cronin JW, Evans EE, Cade BE, Lee CJ, Landrigan CP, Rothschild JM, Katz JT, Lilly CM, Stone PH, Aeschbach D, Czeisler CA for the Harvard work hours health and safety groups. N Engl J Med 2004;351:1829-37. La privation de sommeil altère les performances neurosen- sorielles et peut conduire de nombreux professionnels à

Un nouveau mode d’analgésie auto-délivrée : le système E-TRANS IONSYS®

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 6472

L U P O U R V O U S

Sous la direction de Catherine Spielvogel

Un nouveau mode d’analgésie auto-délivrée :le système E-TRANS IONSYS®

Viscusi ER, Reynolds L, Chung F, Atkinson LE, Khanna S. Patient-

controlled transdermal fentanyl hydrochloride versus intravenous

morphine pump for postoperative pain: A randomised controlled

trial. JAMA 2004;291:1333-4.

L’analgésie auto-délivrée a longtemps reposé l’utilisation depompes programmées pour délivrer une dose unitaire sousforme d’un bolus intraveineux suivi d’une période réfractaire.Ce mode d’administration des antalgiques (initialement la mor-phine) a ensuite été étendu à d’autres voies d’administration(péridurale, périnerveuse). Par ailleurs, la voie transdermiqueétait utilisée depuis plusieurs années pour la diffusion passivedu fentanyl dans le cadre du traitement des douleurs chroni-ques. La diffusion transdermique répond en effet aux besoinsdes patients douloureux chroniques en assurant un taux plas-matique stable du fentanyl. Elle ne permet cependant pas defaire face aux impératifs de la douleur postopératoire qui varierapidement en intensité d’un moment à l’autre de la journéepour décroître habituellement en quelques jours. Pour contrô-ler les variations d’intensité douloureuse tout en évitant la sur-venue d’un surdosage, il est donc nécessaire de pouvoiraccélérer ou interrompre la diffusion transdermique du fenta-nyl. La compagnie pharmaceutique ALZA a ainsi mis au pointun système de diffusion accélérée du fentanyl, qui est sur lepoint d’être commercialisé par les laboratoires Janssen. Il s’agitd’un patch contenant un gel de fentanyl et muni d’un disposi-tif qui permet à l’aide d’un bouton de commande de délivrerun courant ionique de faible intensité qui accélère la diffusiontransdermique de fentanyl en augmentant son ionisation (ion-tophorèse). Chaque impulsion de courant permet la déli-vrance d’une dose de 40 mcg de fentanyl (20-60 mcg). Lepatient utilise lui-même en appuyant sur le bouton le systèmeen fonction de l’intensité douloureuse. La concentration maxi-mum du fentanyl est atteinte après un délai de 10-15 minutes.Chaque administration est suivie d’une période réfractaire de10 minutes. Un voyant lumineux indique le nombre de dosesdélivrées. Le patch est laissé en place durant 24 heures puischangé. Ce système a été évalué dans une étude ouverte por-tant sur 636 patients de chirurgie générale, et comparé àl’auto-administration de morphine en intraveineux selon lesmodalités classiques. La durée des traitements était d’au moins24 heures et au plus de 72 heures. Dans les deux groupes, les

patients ont bénéficié d’une titration intraveineuse de mor-phine en postopératoire immédiat jusqu’à obtenir le contrôlede la douleur puis ils ont été connectés à l’un des deux dispo-sitifs d’analgésie. Les deux systèmes se sont révélés équivalentsen termes d’efficacité : 73,7 % des patients ont estimé que lecontrôle de la douleur était bon ou excellent dans le grouperecevant du fentanyl transdermique contre 76,9 % dans legroupe PCA morphine. Respectivement 15,2 et 10,3 % ontinterrompu le traitement en raison d’une analgésie insuffi-sante. La distribution des scores d’intensité douloureuse étaitsuperposable dans les deux groupes. L’incidence des effetssecondaires (nausées, vomissements, prurit, somnolence, etc.)était également comparable dans les deux groupes.Le système semble donc aussi efficace que la morphineauto-administrée mais offre l’avantage de ne pas nécessiterun abord veineux. Cette simplification facilite la mobilisa-tion des patients et permet d’envisager la poursuite del’analgésie au-delà des « fatidiques » premières 48 heures aubout desquelles les patients sont souvent sevrés de leur sys-tème de PCA. Par ailleurs la tolérance des deux systèmes estcomparable, en d’autres termes l’administration transdermi-que de fentanyl en périopératoire a la même efficacité maisaussi les mêmes inconvénients que l’administration de toutautre opiacé par voie intraveineuse. Ces inconvénients res-tent le facteur limitant l’emploi des morphiniques dans cecontexte et justifiant les approches actuelles qui visent soità antagoniser les effets périphériques des opiacés soit àdiminuer les quantités administrées.

Francis BONNET

Hôpital Tenon, Paris.

La privation de sommeil : une source d’aug-mentation du nombre des erreurs médicalesen réanimation

Landrigan CP, Rothschild JM, Cronin JW, Kaushal R, Burdick E,

Katz JT, Lilly CM, Stone PH, Lockley SW, Bates DW, Czeisler CA

for the Harvard work hours health and safety groups. N Engl J Med

2004;351:1838-48.Lockley SW, Cronin JW, Evans EE, Cade BE,

Lee CJ, Landrigan CP, Rothschild JM, Katz JT, Lilly CM, Stone PH,

Aeschbach D, Czeisler CA for the Harvard work hours health and

safety groups. N Engl J Med 2004;351:1829-37.

La privation de sommeil altère les performances neurosen-sorielles et peut conduire de nombreux professionnels à