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Un nouveau plasmodium humain : Plasmodium knowlesi

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Page 1: Un nouveau plasmodium humain : Plasmodium knowlesi

pratique | parisitologie

22 OptionBio | Lundi 14 mai 2012 | n° 472 - 473

Un nouveau plasmodium humain : Plasmodium knowlesi

Jusqu’à présent, l’homme pouvait être atteint par 4 espèces de Plasmodium : Plasmodium falciparum, le seul potentiellement mortel, Plasmodum vivax, Plasmodium ovale et Plasmodium malariae. Mais des études récentes ont retrouvé une nouvelle espèce atteignant classiquement le singe mais aussi l’homme : Plasmodium knowlesi. En effet, le singe peut être atteint par plus de 25 espèces de Plasmodium, mais seule l’espèce P. knowlesi a été retrouvée chez l’homme.

Cette espèce a été décrite chez le singe en 1931 chez les macaques à longue queue (Macaca fascicularis) (figure 1) et,

de façon expérimentale, chez l’homme en 1932. Aussi, devant le caractère bénin de l’infestation humaine, ce parasite a-t-il été utilisé, en 1930, à la place de Plasmodium vivax, pour provoquer un choc thermique considéré, à l’époque, comme utile pour traiter la neuro-syphilis. Le premier cas d’infestation naturelle de l’homme par P. knowlesi

est survenu en 1965 chez un militaire américain revenant de Malaisie, suivi d’un autre cas en 1971. En 2004, Singh a décrit 120  cas acquis à Bornéo, puis en 2008 il a rapporté plusieurs cas ayant entraîné un décès. Aussi, une enquête rétrospec-tive par biologie moléculaire sur les cas réperto-riés de Plasmodium malariae à Bornéo a-t-elle révélé que 58 % d’entre eux étaient, en fait, dus à P. knowlesi. Depuis, de nombreux cas ont été identifiés dans cette région du monde (Chine,

Thaïlande, Cambodge, Myanmar, Philippines, Singapour, Bornéo). Les cas décelés en Europe provenaient de ces régions.

Transmission à l’hommeLa transmission de ce Plasmodium est effec-tuée par des anophèles arboricoles, du groupe leucosphyrus, ce qui explique la contamination en zone forestière. En forêt, Anopheles latens est attiré par l’homme et le macaque. P. knowlesi pro-voque une infection bénigne chez de nombreux macaques, mais qui peut être parfois grave chez le macaque rhésus. D’après l’analyse moléculaire de l’ADN mitochondrial du parasite, il semble que P. knowlesi dérive d’une souche parasitaire remontant à environ 40 000 ans. Cette espèce est assimilée à une zoonose, atteignant mainte-nant l’homme en raison de la déforestation et de l’augmentation de la population humaine, ce qui accentue les relations de proximité entre le singe et l’homme.Selon une étude réalisée à Bornéo, les symptômes cliniques de l’accès palustre à P. knowlesi sont très semblables à ceux de Plasmodium falciparum et de P. vivax (fièvre, céphalées, myalgies) avec cepen-dant quelques différences concernant les para-mètres biologiques (taux de parasitémie souvent plus faible mais thrombopénie plus importante). La majorité des patients présentent un accès simple, mais il y a environ 10 % de cas graves, avec une détresse respiratoire (71 %), un ictère (59 %), une insuffisance rénale (56 %) et une parasitémie supé-rieure à 100 000/microlitre (56 %), L’évolution peut être fatale dans 0,2 % à 6,6 % des cas.

DiagnosticLe diagnostic de Plasmodium knowlesi est difficile à affirmer, car sur le frottis sanguin, les aspects morphologiques du parasite sont proches de P. malariae (qui est rare en Asie du sud-est), avec cependant des trophozoïtes âgés laissant libre une partie de l’hématie qui est de taille normale (contrairement à P. malariae où l’hé-matie parasitée est plus petite), avec des pig-ments d’hémozoïne dès les stades précoces.

| Figure 1. Macaque à longue queue (Macaca fascicularis).

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| Figure 2. Frottis sanguin de Plasmodium knowlesi (trophozoïte évoquant un P. falciparum et une forme en bande équatoriale évoquant un P. malariae).

| Figure 3. P. knowlesi : trophozoïte et schizonte âgé.

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En outre, les trophozoïtes jeunes peuvent évoquer P. falciparum, d’où la difficulté du diagnostic (figure 2). Les schizontes âgés peuvent contenir jusqu’à 16 mérozoïtes (figure 3). Par ailleurs, les tests de diagnostic rapide, basés sur les lactate-deshydrogénases orien-tent vers le diagnostic de P. vivax, alors que ceux basés sur la détection des anticorps anti-HRP2 (pour P. falciparum) restent négatifs avec P. knowlesi. Il en est de même avec la PCR, en rai-son des hybridations croisées des amorces entre P. vivax et P. knowlesi.

TraitementLe traitement par la chloroquine, devenu inef-ficace contre P. falciparum, est encore efficace contre P. knowlesi. Les autres molécules antipalu-diques peuvent également être utilisées. Toutefois, la primaquine est inutile, car P. knowlesi ne forme pas d’hypnozoïtes dans les cellules hépatiques, ce qui évite les résurgences tardives avec cette espèce. La quinine par voie intraveineuse reste indiquée en cas d’accès graves. Ainsi, devant un sujet revenant d’Asie du sud-est et présentant un accès fébrile évoquant un paludisme, avec des

critères divergeant entre P. vivax, P. malariae et P. falciparum, est-il important de savoir évoquer une infestation par P. knowlesi. En raison d’une vaste répartition des vecteurs de cette espèce, il est à craindre que P. knowlesi puisse étendre sa répartition géographique et donc atteindre de plus en plus de sujets revenant d’un séjour en Asie.|

Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits

d’intérêts en relation avec cet article.

PATRICE BOURÉEA, PAULA RESENDEB

a Unité des maladies parasitaires et tropicales,Groupe hospitalier universitaire de Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre (94)

[email protected]

b Faculté de pharmacie Université de Lisbonne, Portugal

SOURCESIriart X, Berry A. Plasmodium knowlesi : un nouveau Plasmodium

impliqué dans le paludisme humain. Quel risque pour le voyageur ?

Feuillets Biol 2012;53:23-30.

Kantele A, Jokiranta TS. Review of cases with the emerging fifth

human malaria parasite, Plasmodium knowlesi. Clin Infect Dis

2011;52:1356-62.