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8 actualités Actualités pharmaceutiques n° 497 Juin 2010 Des représentants du monde officinal ont décidé de prendre leur bâton de pèlerin pour expliquer aux pharmaciens des quatre coins de l’Hexagone les nouvelles missions instaurées par la loi HPST. “Le pharmacien correspondant” et “le pharmacien référent” étaient au centre de l’étape d’Amiens. A ller au-devant des phar- maciens pour les sensi- biliser aux évolutions de l’officine : tel est l’objet du tour de France des signataires du rapport Rioli 1 . Le document apparaît comme la feuille de route de l’officinal qui veut investir les nouvelles missions décrites aux articles 36 et 38 de la loi Hôpital, patient, santé et territoires (HPST). Le “tour de France Rioli” a fait salle comble à l’étape d’Amiens (80), le 20 avril der- nier. Jean-Charles Tellier, prési- dent du Conseil central natio- nal de la section A et président du Conseil régional de l’Ordre de Picardie, avait, il est vrai, convié nombre d’orateurs : Michel Rioli, auteur du fameux rapport 2 , Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officines (USPO), Christo- phe Koperski, coprésident du syndicat des pharmaciens de l’Oise, Yves Trouillet, président de l’Association des pharma- cies rurales (APR), et Pascal Louis, président du Collectif national des groupements de pharmaciens d’officines (CNGPO). Tous étaient venus “vendre” aux Picards les dis- positions de la loi HPST sus- ceptibles d’éviter aux officines le désastre des trésoreries qui plongent dans le rouge. « Il est nécessaire, a insisté Michel Rioli, de vous recentrer sur votre cœur de métier, sur votre compétence, votre savoir-faire et redonner de la valeur ajou- tée à votre profession. » Se recentrer sur le cœur de métier Pour Gilles Bonnefond, les dispositions de la loi rendent peu nécessaire de céder à la tenta- tion de la vente en low cost, ter- rain sur lequel l’officinal ne fera pas le poids devant les grandes surfaces. Mieux vaut donc s’ap- puyer sur les possibilités d’évo- lution du métier que la loi auto- rise et, au final, développer chez le patient une nouvelle appro- che : « Je n’ai pas besoin d’un diagnostic médical, j’ai le réflexe pharmacien ! » « Là, on favorise un parcours de soins et non un parcours de consommation. » Le conseil pharmaceutique est un acte préventif qui trouve preneur, notamment, du côté des assureurs complémen- taires santé. Depuis 6 ans, en Bretagne, l’entretien phar- maceutique sur les risques cardiovasculaires et l’hyper- tension artérielle (HTA) est rémunéré 22 euros au phar- macien et 66 euros (C3) au médecin lorsqu’il “récupère” le patient ainsi dépisté positif. Autre approche qui répond aux besoins des patients : celle du pharmacien correspondant impliqué dans le premier recours au sein de l’équipe de soins coordonnés, par exemple lors des sorties précoces de l’hôpi- tal. « Mieux vaut, pour le patient, passer par la case officine et se faire rembourser lorsque l’on n’a pas besoin d’un diagnos- tic médical, et ainsi préserver le temps médical du médecin pour des cas plus complexes. » Devenir pharmacien correspon- dant implique d’aller au-delà de la dispensation du médicament, de valoriser le suivi théra peutique et l’adaptation des posologies. La loi HPST ? « Il faut se l’approprier », a insisté Christo- phe Koperski tout en précisant : « On se situe dans l’accompa- gnement de la prescription du médecin. » Prévention, dépistage et suivi Avec 300 millions d’euros de marge perdus annuellement, Yves Trouillet considère que l’officine ne peut pas se passer d’évoluer vers les nouvelles rémunérations. Il en veut pour preuve les 60 millions d’euros prévus pour les postes de pharmaciens référents dans les établissements d’héber- gement pour personnes âgées dépendantes. « Il faut se battre pour que la totalité de ces postes soient donnés aux pharmaciens de proximité. » De même, Pascal Louis a fait observer que certaines mesu- res peuvent être d’ores et déjà mises en place tel le conseil pharmaceutique. Il a cité les actions de prévention et de dépistage du diabète, de l’HTA, de l’asthme, etc. Son groupe- ment a signé un contrat avec l’assureur Allianz (ex AGF) qui le valorise. Le patient a droit à quatre entretiens pharmaceuti- ques pour des problèmes tels que diarrhée, coup de soleil, etc. L’assureur rémunère le conseil écrit 5 euros à l’officinal qui l’accomplit de A à Z. En projet : le dépistage cardiovasculaire qui, s’appuyant sur un proto- cole et moyennant une forma- tion e-learning du pharmacien, pourrait être payé par le patient lui-même. En revanche, l’édu- cation thérapeutique du patient sera plus compliquée à mettre en œuvre. Non pas sur le volet apprentissage, mais sur celui de l’accompagnement du patient dans sa vie quotidienne car « nous n’avons pas été formé à cela, nous devons l’être ». Pour Jean-Charles Tellier, si la médicalisation de l’exercice est une chance pour le métier, elle va modifier l’exercice au quoti- dien et la structure des offici- nes encore plus. Sa consigne : « Préparez-vous-y ! » Serge Benaderette Journaliste, Paris (75) [email protected] Profession Un tour de France pour promouvoir la loi HPST chez les pharmaciens © DR Notes 1. Benaderette S. Des pharmaciens prêts à refonder le métier. Act pharm 2009 ; 490 : 6. 2. Rioli M. Le pharmacien d’officine dans le parcours de soins. Le “tour de France Rioli” à Amiens.

Un tour de France pour promouvoir la loi HPST chez les pharmaciens

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Actualités pharmaceutiques n° 497 Juin 2010

Des représentants

du monde officinal

ont décidé de prendre

leur bâton de pèlerin

pour expliquer

aux pharmaciens

des quatre coins

de l’Hexagone les

nouvelles missions

instaurées par la loi

HPST. “Le pharmacien

correspondant” et “le

pharmacien référent”

étaient au centre de

l’étape d’Amiens.

Aller au-devant des phar-maciens pour les sensi-bi li ser aux évolutions

de l’officine : tel est l’objet du tour de France des signataires du rapport Rioli1. Le document apparaît comme la feuille de route de l’officinal qui veut investir les nouvelles missions décrites aux articles 36 et 38 de la loi Hôpital, patient, santé et territoires (HPST).Le “tour de France Rioli” a fait salle comble à l’étape d’Amiens (80), le 20 avril der-nier. Jean-Charles Tellier, prési-dent du Conseil central natio-nal de la section A et président

du Conseil régional de l’Ordre de Picardie, avait, il est vrai, convié nombre d’orateurs : Michel Rioli, auteur du fameux rapport2, Gilles Bonnefond , président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officines (USPO), Christo-phe Koperski, coprésident du syndicat des pharmaciens de l’Oise, Yves Trouillet, président de l’Association des pharma-cies rurales (APR), et Pascal Louis, président du Collectif national des groupements de pharmaciens d’officines (CNGPO). Tous étaient venus “vendre” aux Picards les dis-positions de la loi HPST sus-ceptibles d’éviter aux officines le désastre des trésoreries qui plongent dans le rouge. « Il est nécessaire, a insisté Michel Rioli, de vous recentrer sur votre cœur de métier, sur votre compétence, votre savoir-faire et redonner de la valeur ajou-tée à votre profession. »

Se recentrer sur le cœur de métierPour Gilles Bonnefond, les dispo si tions de la loi rendent peu nécessaire de céder à la tenta-tion de la vente en low cost, ter-rain sur lequel l’offi ci nal ne fera pas le poids devant les grandes surfaces. Mieux vaut donc s’ap-puyer sur les possibilités d’évo-lution du métier que la loi auto-rise et, au final, développer chez le patient une nouvelle appro-che : « Je n’ai pas besoin d’un diagnostic médical, j’ai le réflexe pharmacien ! » « Là, on favorise un parcours de soins et non un parcours de consommation. »Le conseil pharmaceutique est un acte préventif qui trouve preneur, notamment, du côté

des assureurs complémen-taires santé. Depuis 6 ans, en Bretagne, l’entretien phar-maceutique sur les risques cardiovasculaires et l’hyper-tension artérielle (HTA) est rémunéré 22 euros au phar-macien et 66 euros (C3) au médecin lorsqu’il “récupère” le patient ainsi dépisté positif.Autre approche qui répond aux besoins des patients : celle du pharmacien correspondant impliqué dans le premier recours au sein de l’équipe de soins coordonnés, par exemple lors des sorties précoces de l’hôpi-tal. « Mieux vaut, pour le patient, passer par la case officine et se faire rembourser lorsque l’on n’a pas besoin d’un diagnos-tic médical, et ainsi préserver le temps médical du médecin pour des cas plus complexes. » Devenir pharmacien correspon-dant implique d’aller au-delà de la dispensation du médicament, de valoriser le suivi théra peutique et l’adaptation des posologies.La loi HPST ? « Il faut se l’appro prier », a insisté Christo-phe Koperski tout en précisant : « On se situe dans l’accompa-gnement de la prescription du médecin. »

Prévention, dépistage et suiviAvec 300 millions d’euros de marge perdus annuellement, Yves Trouillet considère que l’officine ne peut pas se passer d’évoluer vers les nouvelles rémunérations. Il en veut pour preuve les 60 millions d’euros prévus pour les postes de pharmaciens référents dans les établissements d’héber-gement pour personnes âgées dépendantes. « Il faut se

battre pour que la totalité de ces postes soient donnés aux pharmaciens de proximité. »De même, Pascal Louis a fait observer que certaines mesu-res peuvent être d’ores et déjà mises en place tel le conseil pharmaceutique. Il a cité les actions de prévention et de dépistage du diabète, de l’HTA, de l’asthme, etc. Son groupe-ment a signé un contrat avec l’assureur Allianz (ex AGF) qui le valorise. Le patient a droit à quatre entretiens pharmaceuti-ques pour des problèmes tels que diarrhée, coup de soleil, etc. L’assureur rémunère le conseil écrit 5 euros à l’officinal qui l’accomplit de A à Z. En projet : le dépistage cardiovasculaire qui, s’appuyant sur un proto-cole et moyennant une forma-tion e-learning du pharmacien, pourrait être payé par le patient lui-même. En revanche, l’édu-cation thérapeutique du patient sera plus compliquée à mettre en œuvre. Non pas sur le volet apprentissage, mais sur celui de l’accompagnement du patient dans sa vie quotidienne car « nous n’avons pas été formé à cela, nous devons l’être ».Pour Jean-Charles Tellier, si la médicalisation de l’exercice est une chance pour le métier, elle va modifier l’exercice au quoti-dien et la structure des offici-nes encore plus. Sa consigne : « Préparez-vous-y ! » �

Serge Benaderette

Journaliste, Paris (75)

[email protected]

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Un tour de France pour promouvoir la loi HPST chez les pharmaciens©

DR

Notes1. Benaderette S. Des pharmaciens prêts à refonder le métier. Act pharm 2009 ; 490 : 6.

2. Rioli M. Le pharmacien d’officine dans le parcours de soins.

Le “tour de France Rioli” à Amiens.