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été 2012 Volume 11, numéro 3 1 E n août 2011, j’ai reçu le mandat pas- toral de coordonnatrice d’une belle petite paroisse située dans le grand St-Jérôme. Un rêve devient réalité pour moi. Me donner de mon mieux pour qu’advienne une communauté chrétienne, animée par ses membres. Une Église de responsables ! Voilà mon rêve, ou plutôt mon intuition. Mais comment cela se fera t-il ? On connaît bien la question, ce qu’on sait moins c’est comment y répondre. Je m’y engage donc avec mes dons d’accompagnatrice, d’organisatrice, de gestionnaire, d’animatrice de pastora- le. Aussi et surtout de disciple du Christ, brûlée par son feu. Ce feu qu’Il est venu répandre dans le monde, et qu’IL est pressé de voir se répandre. Je le suis donc moi aussi. Mais voilà, le réel me rattrape. Les difficultés des relations, la patience dont il faut faire preuve quand on arri- ve dans un nouveau milieu, le respect infini du monde de l’autre, de ses convictions, de ses différences spiri- tuelles, théologiques et ecclésiolo- giques. Et moi là-dedans, où j’en suis? Et moi là-dedans qui je suis? De quoi ai-je besoin pour être une bonne «leader pastorale» ? Pour réali- ser mon rêve qui, j’espère, est intime- ment celui que Dieu me souffle à l’oreille du cœur ? J’ai trouvé des pistes de réponse dans plusieurs directions. J’ai trouvé des personnes pour répondre à mon besoin d’être écoutée. Mon besoin de me dire dans ma recherche, mes questions, mes peurs, mes déceptions, mes joies. D’être sup- portée, guidée, encouragée, éclairée, aimée, accompagnée, confirmée. Par qui? Par ma famille, mon mari, mes enfants, mes amies et amis, mes col- lègues, des accompagnatrices et accompagnateurs diocésains. J’ai même été écoutée par mon évêque ! J’ai trouvé réponse dans une recherche de formation et de réflexion en équipe de région, avec deux col- lègues prêtres. Nous nous sommes donnés le temps de prendre un cours et de se réserver des rencontres ensui- te pour poursuivre notre réflexion. Un projet de développement d’une Église missionnaire, ça ne se rêve pas tout seul ! J’ai trouvé réponse en participant à des formations offertes dans mon diocèse. La formation sur le dialogue pastoral, les rencontres des coordon- natrices, les journées pastorales et autres. J’ai trouvé réponse dans ma foi, dans ma relation personnelle avec Dieu, dans mon cheminement d’ouver- ture à l’Esprit-Saint. J’ai pris soin de cette dimension en donnant du temps à la prière, aux sacrements et aussi en ÉTÉ 2012 Bulletin trimestriel Volume 11, numéro 3 Dans la documentation des entreprises, il est écrit que pour demeurer en vie et féconde, une organisation doit pouvoir relever les défis du jour et accoucher de leaders pour les mener à terme. Pour les défis, vous conviendrez que l’Église n’en manque pas. Encore faut-il les recon- naître, s’entendre sur leur existence et que le plus de gens possible y adhèrent. Pour cela, le leadership doit être au rendez-vous. Il aurait fallu plus d’un numéro pour aborder cet aspect essentiel dans l’Église et pourtant si peu abordé. Dans ce numéro, il vous sera donné un accès à un témoignage d’une femme de terrain en responsabilité au sein d’une communauté chrétienne. Elle a eu la générosité de nous faire part des ressources nécessaires dans l’exercice de son leadership. Suivront deux articles pour déplier ce qu’est le leadership. Vous y trouverez des aspects à développer pour un sain leadership de même que des conditions à déployer pour que des gens décident d’adhérer. La formation du person- nel pastoral gagnera à en tenir compte. La question du leadership en pastorale n’est pas une affaire classée. Il reste encore beaucoup à faire. Quels types de leaders privilégions-nous, consciemment ou non ? Et comme si ce n’était pas suffisant, les auteures nous questionnent : oui, des leaders… mais pour quelle Église ? Mario Mailloux Office de catéchèse du Québec Billet Manon Lefebvre, coordonnatrice Paroisse Saint-Pierre, diocèse de St-Jérôme. Une expérience de leadership en paroisse Suite à la page 2

Une expérience de leadership en paroisseécrit que pour demeurer en vie et féconde, une organisation doit pouvoir relever les défis du jour et accoucher de leaders pour les mener

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Page 1: Une expérience de leadership en paroisseécrit que pour demeurer en vie et féconde, une organisation doit pouvoir relever les défis du jour et accoucher de leaders pour les mener

été 2012 Volume 11, numéro 31

En août 2011, j’ai reçu le mandat pas-toral de coordonnatrice d’une belle

petite paroisse située dans le grandSt-Jérôme. Un rêve devient réalitépour moi. Me donner de mon mieuxpour qu’advienne une communautéchrétienne, animée par ses membres.Une Église de responsables ! Voilà monrêve, ou plutôt mon intuition. Maiscomment cela se fera t-il ? On connaîtbien la question, ce qu’on sait moinsc’est comment y répondre.

Je m’y engage donc avec mes donsd’accompagnatrice, d’organisatrice, degestionnaire, d’animatrice de pastora-le. Aussi et surtout de disciple duChrist, brûlée par son feu. Ce feu qu’Ilest venu répandre dans le monde, etqu’IL est pressé de voir se répandre. Jele suis donc moi aussi.

Mais voilà, le réel me rattrape. Lesdifficultés des relations, la patiencedont il faut faire preuve quand on arri-ve dans un nouveau milieu, le respectinfini du monde de l’autre, de sesconvictions, de ses différences spiri-tuelles, théologiques et ecclésiolo-giques.

Et moi là-dedans, où j’ensuis? Et moi là-dedans qui je suis?

De quoi ai-je besoin pour être unebonne «leader pastorale»? Pour réali-ser mon rêve qui, j’espère, est intime-

ment celui que Dieu me souffle àl’oreille du cœur? J’ai trouvé des pistesde réponse dans plusieurs directions.J’ai trouvé des personnes pourrépondre à mon besoin d’être écoutée.Mon besoin de me dire dans marecherche, mes questions, mes peurs,mes déceptions, mes joies. D’être sup-portée, guidée, encouragée, éclairée,aimée, accompagnée, confirmée. Parqui ? Par ma famille, mon mari, mesenfants, mes amies et amis, mes col-lègues, des accompagnatrices etaccompagnateurs diocésains. J’ai mêmeété écoutée par mon évêque !

J’ai trouvé réponse dans unerecherche de formation et de réflexionen équipe de région, avec deux col-lègues prêtres. Nous nous sommesdonnés le temps de prendre un courset de se réserver des rencontres ensui-te pour poursuivre notre réflexion. Unprojet de développement d’une Églisemissionnaire, ça ne se rêve pas toutseul ! J’ai trouvé réponse en participantà des formations offertes dans mondiocèse. La formation sur le dialoguepastoral, les rencontres des coordon-natrices, les journées pastorales etautres. J’ai trouvé réponse dans ma foi,dans ma relation personnelle avecDieu, dans mon cheminement d’ouver-ture à l’Esprit-Saint. J’ai pris soin decette dimension en donnant du tempsà la prière, aux sacrements et aussi en

ÉTÉ 2012Bulletin trimestriel

Volume 11, numéro 3

Dans la documentation des entreprises, il est

écrit que pour demeurer en vie et féconde,

une organisation doit pouvoir relever les

défis du jour et accoucher de leaders pour

les mener à terme.

Pour les défis, vous conviendrez que l’Église

n’en manque pas. Encore faut-il les recon-

naître, s’entendre sur leur existence et que le

plus de gens possible y adhèrent. Pour cela,

le leadership doit être au rendez-vous. Il

aurait fallu plus d’un numéro pour aborder

cet aspect essentiel dans l’Église et pourtant

si peu abordé.

Dans ce numéro, il vous sera donné un accès

à un témoignage d’une femme de terrain en

responsabilité au sein d’une communauté

chrétienne. Elle a eu la générosité de nous

faire part des ressources nécessaires dans

l’exercice de son leadership. Suivront deux

articles pour déplier ce qu’est le leadership.

Vous y trouverez des aspects à développer

pour un sain leadership de même que des

conditions à déployer pour que des gens

décident d’adhérer. La formation du person-

nel pastoral gagnera à en tenir compte.

La question du leadership en pastorale

n’est pas une affaire classée. Il reste encore

beaucoup à faire. Quels types de leaders

privilégions-nous, consciemment ou non ?

Et comme si ce n’était pas suffisant, les

auteures nous questionnent : oui, des

leaders… mais pour quelle Église ?

Mario MaillouxOffice de catéchèse du Québec

Billet

Manon Lefebvre, coordonnatriceParoisse Saint-Pierre, diocèse de St-Jérôme.

Une expérience de leadership en paroisse

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été 2012 Volume 11, numéro 32

poursuivant ma démarche d’«évangéli-sation des profondeurs» comme accom-pagnatrice des sessions de Simone Pacot.Enfin j’ai pris force et courage dans mavie d’équipe au sein de ma famille spiri-tuelle de l’Association Notre-Dame.

Je suis chanceuse d’avoir toutes cesressources, cela m’a beaucoup soutenue.J’en suis presqu’à la fin de cette premiè-re année. Ai-je réussi à faire advenir monrêve ? Ai-je devant moi une communau-té chrétienne où se lèvent des respon-sables, des personnes engagées, des lea-ders ? Je crois que oui, doucement, je levois. Les membres de la paroisse où jesuis insérée étaient déjà très engagés. Ilsle sont encore. Ils réalisent progressive-ment l’importance de se donner unestructure de fonctionnement, un organi-gramme, des rôles, des descriptions detâches. Ils aiment savoir que les diffé-rents comités sont bien menés, que lacommunication est ouverte, qu’ils ontune personne à qui se référer et surtoutqu’il se vit une ambiance de respectentre les personnes.

J’ai compris que ma tâche de leaderest celle de rêver grand, de porter une

espérance, d’avoir une vision et de la par-tager pour que se réalise ce projet. J’aiappris à accompagner la vie. La vie despersonnes qui forment cette commu-nauté. Toutes les paroisses ont leurs cou-leurs, leurs dons, leurs charismes à parta-ger dans la grande Église que nous for-mons. Les personnes qui s’y impliquenten sont les porteuses et elles participentindividuellement et ensemble aux tis-sages de la « courte-pointe » de cettecommunauté.

De nouveaux défis m’attendent

Oui, de grands défis m’attendentpour la prochaine année. Une nouvellecommunauté de religieuses aposto-liques, venant de l’Argentine, la commu-nauté des sœurs Mater Dei, vient s’établirdans notre diocèse. Une nouvelle direc-tion pastorale sera donnée à notreparoisse par cette arrivée. Nous sommesinvités à les accueillir, à les aider à s’ins-taller, à les recevoir. Elles apporterontleurs charismes d’éducation de la foi,d’enseignement et de prière. Leur apos-tolat se fera au service de plus grand que

notre seule paroisse. C’est toute la zoneet le diocèse qui sera enrichi de leur pré-sence.

Notre communauté paroissiale estappelée à s’ouvrir à cette nouvelle cou-leur pastorale qui sera apportée et lessœurs seront invitées à se mettre au ser-vice de la communauté et à respecter savie paroissiale. Ma place et mon leader-ship pastoral sera de jouer un rôle detransmission dans ce temps de passage.Je serai appelée à travailler au dévelop-pement des attitudes gagnantes qui per-mettront la réussite de ce nouvel arrima-ge. Comment cela se fera-t-il ? Me voilàdonc revenue à ma question de départ.

Je vois bien que les réponses que j’aitrouvées tout au long de cette premièreannée seront mes points d’appuis pourla suite. Je continuerai d’apprendre. Jecontinuerai à me développer. Je conti-nuerai à me donner de mon mieux dansma mission de « leader pastorale laïque»,dans ma mission de chrétienne, commedisciple et alliée de Jésus libérateur pourincarner l’Amour du Père au cœur dumonde.

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été 2012 Volume 11, numéro 33

Le leadership pastoral ouQuestion d’être de son temps !Au nom de l’Office de catéchèse du

Québec, M. Mario Mailloux a rencon-tré Mme Sylvie Latreille pour échangersur les conditions d’un bon leadershippastoral. Le bulletin Passages est heureuxde partager le contenu de cet échange.

M.M. : Sylvie, est-ce que je me trompe, ilme semble que l’expression « leadershippastoral » ne faisait pas partie du paysa-ge il y a un certain nombre d’années.Bref, on aurait là une réalité somme touteassez récente ?

S.L. : En effet, c’est à compter des années1990 que les demandes ont commencé àentrer à l’Institut de pastorale desDominicains pour offrir une réflexion,une formation autour de la réalité du lea-dership pastoral.

M.M. : Qu’est-ce qui s’est passé dansl’histoire récente de l’Église pour que,tout à coup, ce besoin vous soit expri-mé ?

S.L. : En fait, une situation nouvelle enserait la cause : les réaménagements pas-toraux. En raison des restructurations etdes responsabilités qui devenaient par-tagées parmi les membres d’une équipepastorale, on ne pouvait plus ne pas tra-vailler en équipe. Et là, le mot «corespon-sabilité» faisait son entrée dans le décor.Une situation nouvelle prenait forme.C’était comme si nous devions nousajuster à cette nouvelle réalité. J’irais plusloin. Le leadership pastoral est mêmedevenu une priorité pour plusieurs dio-cèses dans ces années là. Il fallait que lesmilieux organisent leurs ressourcesautrement.

La vie nous a mis au défi. La diminu-tion des ressources humaines a été unedes causes de cette interpellation. Lenombre de prêtres diminuant, le nombrede personnes laïques formées augmen-tant, les milieux ont donné à ces « arri-vants » de vraies responsabilités. Et là, il afallu voir comment mettre ensemble cesforces vives.

M.M. : Et si vous nous disiez ce qu’est leleadership pastoral ?

S.L. : Il s’agit d’un art. C’est l’art d’influen-cer les autres dans un projet à mener àterme, dans des tâches à accomplir…l’art d’inspirer.

M.M. : Peut-on se former à cet art ou est-ce inné ?

S.L. : Il y a là en effet quelque chose denaturel. C’est une manière d’être. Un lea-der charismatique nous inspire. Il y aconcordance entre ses paroles et sesactes. Je pense à René Lévesque, à JackLayton. Je me permets de préciser qu’ilpeut y avoir aussi un leadership quiconduise à une catastrophe ! Hitler enest une figure type.

M.M. : Comment devenir un leader avecun impact positif ?

S.L. : C’est le point de vue relationnel quidoit être soigné et développé. Les rela-tions avec les autres et l’environnementdeviennent une priorité. L’espace deliberté laissé aux autres devient le repè-re. C’est ainsi que l’on peut juger de l’im-pact que ce leader aura sur les autres.

M.M. : Et qui fera la différence entre unleader et un gourou…

S.L. : Tout à fait. Les professeurs, lesprêtres, les patrons sont capables d’in-fluencer dans le respect de l’autre la réa-lisation des tâches.

M.M. : Donc, dans un contexte de forma-tion à la vie chrétienne, il doit y avoir uneinfluence sur la visée, mais cela dans lerespect des personnes.

S.L. : Oui c’est cela. Et toutes les institu-tions ont à y faire face et à s’organiser. Il ya plusieurs façons de s’y prendre.Certains leaders délèguent plus facile-ment. Et de l’autre côté, il y a des per-sonnes qui sont davantage prêtes àprendre des responsabilités.

Arianne Huffington écrit ceci : « Leleadership passe par la force de sesconvictions au service des autres. Le lea-dership est généré par la force intérieu-re. » L’élément qui vient changer quel -que chose, c’est vraiment la passion. Unepassion pour une cause, pour une per-

sonne. Jésus Christ peut être cette pas-sion. C’est exactement ce qui s’est pro-duit, entre autres, pour les fondateurs decommunautés religieuses. Et vous savez,un changement de personne en poste,un changement de leader peut insufflerune autre culture, une nouvelle façon degérer les rapports. Et cela peut occasion-ner des départs au sein des personnesbénévoles et même au sein des équipespastorales.

M.M. : En effet, c’est assez fréquent quel’on rencontre cette situation. Dommage !

S.L. : C’est que, parler de leadership pas-toral, c’est parler de partenariat avec unréel partage des responsabilités. Et celafait appel au côté créatif de l’autre, à unespace de liberté. C’est essentiel. Unautre ingrédient essentiel dans l’exercicedu leadership pastoral est la reconnais-sance de l’autre et de ses capacités.Le leadership, c’est plein de vie. Les gensarrivent avec leur culture, leurs valeurs,leurs besoins. Les personnes bénévolesdésirent de plus en plus être moteurs dechangements, ne plus être de simplesexécutants. Cela peut paraître et devenirmenaçant pour certaines personnes. Ettoute cette question fait émerger entoile de fond une autre question qui metient à cœur : De quel type de leadershipavons-nous besoin ? Et pour quelle Égli-se, pour quel modèle d’Église ?

M.M. : Mais ça, c’est une autre histoire…Sylvie, grand merci pour ces propospleins de sens.

Entrevue avec Sylvie Latreille, Professeure,

Institut de pastorale

des Dominicains

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été 2012 Volume 11, numéro 34

Pour vous abonner gratuitement au bulletin électronique Passages,

il suffit de nous faire parvenir votre adresse courriel à : [email protected]

On peut aussi consulter le bulletin sur Internet : www.officedecatechese.qc.ca

Il est aussi possible de faire un don en cliquant sur l’item : «Don à l’OCQ». Merci !

Sylvie Carrier, coordonnatrice de la pastorale d’ensemble

Diocèse de Nicolet

Dès les débuts de mon engagementpastoral en 1984, la question du lea-

dership pastoral était au cœur des préoc-cupations. Dans la foulée de Vatican II, onrecherchait un leadership qui permettraitle passage d’une Église dispensatrice deservices religieux à une Église communiontout entière missionnaire et coresponsabledans la mission. Quelle foisonnanteréflexion! On nous a invités à prendre laroute de la coresponsabilité. On a vu selever une multitude de baptisés pour colla-borer aux efforts de catéchisation desenfants et au renouveau liturgique. En reli-sant cette période, je constate que bien desbaptisés ont voulu rendre service et appor-ter une aide de suppléance. Cependant,peu étaient vraiment conscients que leuraction était fondamentale pour la vie del’Église et qu’elle émergeait de la vocationpropre à tous les baptisés. Aujourd’hui, onassiste à un essoufflement des troupes. Despersonnes engagées depuis de nom-breuses années sont vieillissantes et se reti-rent. Il semble difficile de renouveler leréseau des «bénévoles» et de développerune prise en charge communautaire. Despersonnes qui demandent un service à laparoisse manifestent peu d’intérêt à s’yinvestir.

De quel leader pastoral l’Église duQuébec a-t-elle besoin aujourd’hui ? Unleader doit porter la vision qui oriente etsoutient l’action du groupe. Plus la visionest claire et intégrée par ses membres, plusl’action se déploie dans une réelle fécondi-té. Le leader actuel doit devenir un guidespirituel, habité par une vision inspirée del’évangile et de l’Église communion. Pourconcrétiser cette vision, le leader pastoralfavorisera l’engendrement des baptisés etde l’Église par des rôles de discernement,d’accompagnement, d’orientation et decoordination. Les limites de cet article neme permettent pas d’élaborer sur chacun

de ces rôles. Deux de cesrôles me semblent incon-tournables; discernementet accompagnement dansla prise en charge mission-naire et pastorale.

Le rôle de discernementest une posture fondamen-tale du leader pastoral. C’estun état d’être qui exige uneforme de contemplationpour reconnaître commentl’Esprit permet à l’amour deDieu de s’incarner enchaque personne par sescharismes et ses talents. Cette posture fon-damentale est exigeante car elle oblige leleader à se décentrer de lui-même et de sespropres besoins pour rencontrer l’autredans la vérité de sa couleur unique. Il nes’agit pas ici de trouver du monde pourcombler des chaises vides, mais d’entrerdans une dynamique de la culture de l’ap-pel. Il s’agit ici de discerner avec la person-ne de quelle manière elle va mettre enaction son identité propre de fille et de filsde Dieu. Et quand cela se produit, unsimple «bénévole» devient un disciple duChrist vivant pleinement sa vie de baptisépar un rayonnement au cœur de la com-munauté. Le rôle de discernement exigeune aptitude pour aider les personnes àreconnaître leur identité spirituelle. Celademande du temps et un lâcher prise surles besoins à combler.

Un autre rôle important est celui del’accompagnement dans la prise en chargemissionnaire et pastorale pour soutenir lebaptisé dans son engagement. Il n’est pastout de discerner les charismes, appeler etlaisser aller la personne avec ses bonnesintentions. Le leader a la responsabilitéd’assurer aux personnes engagées une for-mation adéquate qui va permettre dejouer leur rôle missionnaire ou pastoral. On

pense bien sûr à une formation plus for-melle pour acquérir des connaissances,développer des attitudes et acquérir descompétences nécessaires à l’action. Il y aaussi de la formation plus informelle qui sevit au cœur de l’action et sous différentesformes : des temps de relecture qui aidentà prendre conscience de l’oeuvre del’Esprit en soi et dans les autres; un soutienà la croissance spirituelle de ces baptiséspour que leur action ne devienne pas unlieu d’assèchement mais qu’elle favorisel’accueil du Ressuscité; et parfois l’appren-tissage de nouvelles connaissances ou denouvelles aptitudes ou attitudes selon lebesoin.

Ces rôles de discernement, d’accompa-gnement, d’orientation et de coordinationfavorisent l’engendrement des baptisés etdes communautés. Pour la personneappelée à jouer ce rôle, le leadership decommunion impliquera un long travailpersonnel pour reconnaître et accueillirson identité spirituelle. Cette responsabilitéexigera aussi de se décentrer de soi-mêmeen évitant de faire seul parce que le Christveut se dire au monde par tous les bapti-sés. C’est, me semble-t-il, un chemin quipeut permettre à l’Église de sortir de lamorosité et de la résignation.

Le leadership pastoral dansune Église en émergence