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Mal connus et pourtant rares sont les peuples comme les Berbères dont les origines ont été recherchées avec autant de constance et d’imagination. Dès la plus haute Antiquité, des récits circulaient

dans les milieux savants et chez les mythographes sur les origines des habitants de l’Afrique. Le plus connu est le De Bello Jugurthino rapporté par Salluste, lequel qualifie les “premiers habitants de l’Afrique, les Gétules et les Libyens, comme étant grossiers et bar-bares qui se nourrissaient de la chair des bêtes sauvages ou de l’herbe des prés à la façon des troupeaux”.De nos jours, dans son atelier d’Agadir (le Maroc abrite le plus grand nombre de Berbères), Abdallah Aourik, artiste peintre, à l’instar de nombreux intellectuels, ne se reconnaît pas dans ce portrait. Il n’a pas le moindre doute quant à son appartenance à un grand peuple. Il le revendique en menant, avec d’autres intellectuels notamment marocains, un combat incertain. Pour diffuser les pensées des berbérophones, il a créé à compte d’auteur la revue mensuelle Agadir O’Flla ouvrant ses pages à tous ceux qui partagent ses idées.“La race berbère possède non seulement un esprit avisé, mais encore une activité qui manque aux autres habitants du Maroc. Les routes, les chemins de fer, les machines leur plaisaient et ils furent favorables à leur introduction. Leur mentalité est européenne et non africaine” analyse Walter Harris, auteur du livre Le Maroc au temps des Sultans.La politique d’arabisation menée par les gouvernements au lende-main de la décolonisation a suscité chez les Berbères le besoin de reconnaissance d’une identité culturelle. Traditionnellement agri-culteurs ou pasteurs-nomades, ils ont été touchés par l’exode rural et leur implantation en zone urbaine a très certainement accentué ce phénomène.

Une Histoire mal résolueLe peuple amazigh (berbère), depuis la nuit des temps, a toujours vécu en Afrique du Nord. C’est le peuple autochtone de cette partie du monde, même si celle-ci a vu l’arrivée de communautés humaines aussi diverses que variées (phéniciennes, romaines, vandales, arabes, portugaises, françaises, espagnoles…) pour des raisons colo-niales, commerciales ou religieuses ou tout simplement pour s’y établir ou s’y réfugier.Le nom de “berbère” est issu du mot barbarus, par lequel les Grecs puis les Romains, désignaient tout peuple ignorant les coutumes et la

civilisation gréco-romaine. Par la suite les Romains ont maintenu l’usage du mot “Ber-bère” pour désigner les peuples d’Afrique du Nord qu’ils n’ont d’ailleurs jamais réussi à sou-mettre totalement, même après la prise de Car-thage au IIIe siècle av. J-C.Consacrée par l’usage, cette appellation n’est pas celle que se donnent les intéressés. Les Ber-bères s’identifient eux-mêmes par le nom de leur groupe (Touareg, Kabyle) et utilisent par-fois le mot Imazighen, qui signifie “hommes libres” pour désigner l’ensemble des Berbères.Les historiens du Moyen Âge ont également rapporté de nombreuses légendes sur les ori-

gines des Berbères dont Ibn Khaldoun, le plus grand d’entre eux, qui, dans son Histoire des Berbères donne une origine orientale aux différentes factions qui subiront de nombreuses persécutions.Abordée dans l’Antiquité, réduite puis gelée par de subtiles spé-culations généalogiques à l’époque médiévale, reprise à l’époque coloniale, la question des origines berbères, cherchées tantôt dans les sources linguistiques, tantôt dans les rapports ethniques, reste mal résolue.Au VIIIe millénaire avant J-C., un type d’homme anthropologique-

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ment proche des habitants actuels du Maghreb fit son apparition. Probablement d’origine orientale, cet “Homo sapiens sapiens”, appelé “capsien” - de Capsa, nom antique de Gafsa (Tunisie) - serait l’une des composantes de la source berbère. Il se serait étendu d’abord aux parties orientales et centrales du Maghreb, puis en direc-tion du Sahara. Le Maghreb s’enrichit aussi d’autres apports. A travers le détroit de Messine et celui de Gibraltar, arrivèrent des populations euro-péennes. Certaines nécropoles et tombes maghrébines témoignent de la présence dès le IIIe millénaire d’une population noire venue du sud, probablement à la suite de l’assèchement du Sahara. Au IIe millénaire, d’autres petits groupes continuèrent à affluer au Maghreb. C’est à ce fonds paléo-berbère divers, mais à dominante capsienne que les spécialistes rattachent les Proto-Libyens, ancêtres des Berbères. Des données physiques mais aussi culturelles - ils pra-tiquent le même emploi rituel de l‘ocre rouge, la même utilisation et décoration de l’œuf d’autruche - sont souvent invoquées pour appuyer la thèse de la parenté entre capsiens et Proto-Libyens.Les Proto-berbères, installés à l’ouest du Nil, nous sont connus grâce aux inscriptions et aux documents égyptiens. Les Tehenou et les Temehou au IIIe millénaire, les Libou et les Maschwesch au IIe mil-lénaire y sont souvent décrits comme des peuples belliqueux et puis-sants. Ces Proto-Berbères de l’Est parvinrent à se constituer en

véritable puissance et réussirent, au début du Ier millénaire, à se rendre maîtres de l’Egypte.Du Ier millénaire av. J-C. à notre époque, l’histoire des Berbères est extrêmement riche. Depuis les tentatives d’organisation politique et d’unification à la fin du IIIe siècle av. J-C., le peuple berbère a sur-vécu à la domination romaine, à la conquête arabe, à ses divisions du XIIIe siècle, à la domination française au XIXe et XXe siècle.Depuis l’indépendance des pays d’Afrique du Nord et de l’Afrique noire, la population berbère a connu souvent une situation difficile, tant politique que culturelle (les Kabyles en Algérie, les Touaregs en Algérie et au Niger).

Politique et religionLes Berbères connurent plusieurs formes d’organisation politique. Le modèle le plus répandu et le plus caractéristique semble avoir été une sorte de petite république villageoise : une assemblée populaire, la djemaa, au sein de laquelle seuls les anciens et les chefs de famille prennent la parole. Par ailleurs sont connus deux modèles d’organisation politique cita-dine. Le premier et le plus ancien fut de type municipal, (la cité Numide de Thugga, Dougga en Tunisie) connut au IIe siècle av. J-C un gouvernement municipal réunissant, autour d’un aguellid (magis-trat suprême) nommé chaque année, un conseil de citoyens et de

traditionnellement agriculteurs ou

pasteurs-nomades, ils ont été touchés par l’exode rural

›Femme touareg du Niger.

Les chefs touaregs et indigènes recevant en Algérie le président français Millerand - 1922.

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magistrats. Le second, beaucoup plus récent, et de type théocra-tique : chez les Mzabites, qui en fournissent le modèle, l’essentiel du pouvoir est tenu par une assemblée composée de azzaba et de

tolba (hommes de religion) et secondée par un conseil des anciens.Ces unités politiques - village ou cité - n’étaient pas toutefois le fon-dement du pouvoir. Elles étaient regroupées en entités plus impor-tantes, tribus et confédérations. L’exemple le plus original et le mieux connu d’une organisation politique berbère de type confédé-ration est celui des Aït Atta, dans le sud-est du Maroc. Cinq seg-ments ou khoms constituaient la confédération, laquelle avait à sa tête un chef suprême élu chaque année dans un segment différent par des électeurs des quatre autres segments. Chaque tribu conser-vait cependant son autonomie et élisait son propre chef. Ce système d’organisation segmentaire et quinaire, que les romains nommaient quiquegentiani a dû être dans l’Antiquité celui des Berbères.A ce modèle d’organisation politique qui peut être qualifié de démo-cratique, s’oppose celui, aristocratique, des Touaregs. La société Touareg du Hoggar était, jusqu’à ces dernières années, hiérarchisée en classes distinctes : les imohar, nobles guerriers parmi lesquels étaient obligatoirement choisi l’aménokal, le chef suprême; les imrad, tributaires des nobles, qui constituaient de nombreuses tribus d’éleveurs, placées chacune sous l’autorité d’un amghar. Cependant, l‘absence d’assise territoriale et de certaines règles politiques élémentaires, notamment celles relatives à la transmission du pouvoir, contribua pour une large part au carac-tère éphémère des Etats berbères. Les royaumes n’étaient souvent que des agrégats de tribus, voire des chefferies. En l’absence de documents écrits, il est difficile d’appréhender les idées religieuses des Berbères de la haute Antiquité. Seules des découvertes de l’archéologie - position du corps, objets d’of-frandes, animaux de sacrifices - révélèrent l’existence de rites funé-raires à cette époque. Puis, vinrent s’ajouter aux cultes autochtones, parfois en s’y superposant, ceux de nombreuses divinités. De ces apports étrangers, le phénicien est le plus durable. Longtemps après la disparition de Carthage, des Berbères continuèrent à adorer sous les noms de Saturne et de Junon Caelestis des divinités phéniciennes Baal Hammon et Tanit.Tout autre fut l’influence du christianisme. La position de Carthage au carrefour de l’Orient et de l’Occident, l’omnipotence à l’époque romaine du dieu africain Saturne, l’existence précoce en Proconsu-

laire (Tunisie) et en Numide (Algérie) de communautés juives pro-sélytes préparèrent le terrain et frayèrent la voie au monothéisme

chrétien. Le christianisme se développa en Afrique plus tôt que dans les autres provinces occidentales de l’Empire Romain. Dès la fin du IIe siècle, il compta de nombreux adeptes. Ce suc-cès alla croissant malgré les persécutions répétées du pouvoir impérial, celle de Dioclétien en 303-304 fut terrible… Le christianisme resta une reli-gion urbaine.La conversion des Berbères à l’islam fut massive. Partie des villes, la nouvelle religion gagna pro-gressivement les campagnes. En se convertissant à l’islam, les Berbères ne renoncèrent pas à leur esprit d’indépendance. C’est sur le terrain même de la religion qu’ils exprimèrent leur opposition aux Orientaux. Deux grands courants dissidents sont nés des discussions à propos de la succession

du Prophète, le chiisme et le kharidjisme. Austère et égalitaire, le kharidjisme ne manqua pas de séduire les Berbères.

Origine incertaineCette partie de l’Afrique a longtemps été désignée en français par le terme de Berbérie ou Barbarie. Le nom de “Berbère” apparaît pour la première fois explicitement après la fin de l’Empire romain. L’usage du terme s’est répandu à la période suivant l’arrivée des Vandales lors des grandes invasions. Ils étaient qualifiés de “Bar-bares” par les Romains, en Afrique romaine. Si, selon Hérodote, les

Berbères prétendent descendre des Troyens, Ibn Khaldoun fait remonter l’origine des Berbères à Mazigh, fils de Canaan. Ce peuple compte deux grandes familles : Madghis ou Medghassenn et Barnis. Dans la première moitié du XXe siècle, certains spécialistes attri-buaient aux Berbères une origine nordique. Ainsi des théoriciens du nazisme considéraient les Berbères comme des descendants des peuples aryens. Les Berbères, dont une partie conserve encore la peau claire et souvent même les yeux bleus, ne remontent pas aux raids ultérieurs des Vandales, mais bien à la très ancienne vague atlanto-nordique. Des recherches plus modernes, notamment géné-tiques, ainsi que des écrits d’historiens tels Gabriel Camps et Charles-André Julien tendent à prouver que les Nord-africains actuels (arabophones ou berbérophones) descendent des Berbères. Il semble admis que les Berbères sont géographiquement et généti-quement intermédiaires entre les populations européennes (compo-sante majeure) et les populations sub-sahariennes (environ 20% de contribution).Le Berbère est écrit depuis le milieu du premier millénaire avant l’ère chrétienne, au moyen de l’alphabet tifinagh ou libyco-berbère. Il comporte des voyelles et des consonnes dont il existe plusieurs variantes. Depuis le début du XXe siècle, le berbère a surtout été écrit au moyen de l’alphabet latin ou de l’alphabet arabe, bien que les Touaregs continuent à utiliser couramment le tifinagh. L’Acadé-mie Berbère, travailla sur une version, révisée ensuite par le profes-seur Salem Chaker à l’Inalco. L’Ircam officialisa une version de l’alphabet tifinagh en 2003. La principale difficulté de la mise en place d’un alphabet standard réside dans la localisation progressive des langues berbères ce qui a engendré une différenciation de cer-

tains phonèmes et lettres. Les langues berbères (tamazight en ber-bère) forment un groupe de langues afro-asiatiques. On dénombre une trentaine de variétés. Le berbère possède son propre système d’écriture, celui que les Touaregs ont conservé : le tifinagh. Les lan-gues berbères ont assimilé plusieurs emprunts à l’hébreu, au phéni-cien, au latin, au turc, à l’arabe, au français ou encore à l’espagnol. On estime le nombre des locuteurs à 20 millions.Le berbère n’est langue officielle dans aucun pays. Il est langue nationale au Mali, au Niger, et en Algérie depuis 2002. Les Berbères sont également et largement représentés dans les populations issues de l’immigration en Europe, notamment dans les pays comme la France, la Belgique, les Pays-Bas, l’Espagne mais aussi aux Etats-Unis et au Canada. Les Berbères ont leur diaspora.Les Berbères ou Amazighes sont un ensemble d’ethnies autochtones d’Afrique du Nord ayant ou non des points communs entres elles (langues, habillements, coutumes, musiques, organisations sociales, origines ethniques, etc.) selon l’espace géographique où elles vivent. Dans l’Antiquité, les Berbères étaient connus sous les noms de Lybiens, Maures, Gétules, Garamantes, Numides. Les langues ber-bères sont le chleuh, le kabyle, le rifain, chaoui, les variantes touarè-gues. Leurs religions sont l’islam et le christianisme.Si le berbère est aujourd’hui très minoritaire tant en Tunisie qu’en Libye, il est cependant très présent en Algérie mais aussi et surtout au Maroc.Plus de la moitié des Berbères sont localisés au Maroc (près de 19 millions). Ils sont autour de 13 millions en Algérie. En France on en compte environ 1 200 000 ; 1 million au Niger, 700 000 au Mali, 550 000 en Lybie, 200 000 en Belgique et aux Pays-Bas, 100 000 au ›

Le nom de “Berbère”

apparaît pour la première fois explicitement après la fin de

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Dans le désert algérien du Hoggar…

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Liban, en Israël, en Syrie et en Jordanie, moins de 100 000 en Tunisie, 80 000 en Mauritanie, 50 000 au Burkina Fasso et en Espagne et une dizaine de mille en Egypte.

Une population éclatéeLa culture et la langue berbère ont survécu depuis les grandes conquêtes romaines, van-dales, byzantines, arabes (VIIe siècle) jusqu’à l’occupation française en passant par la pré-sence turque. A partir de 1881, en Kabylie, l’administration française attribuera des patro-nymes arabes aux populations qui, jusqu’à cette époque, portaient encore pour certains des noms à consonance latine. En 1980 éclatent les manifestations du Prin-temps berbère, au cours desquelles les berbé-rophones de Kabylie et d’Alger réclament l’officialisation de leur langue. En 1996 une réforme de la constitution algérienne reconnaît la dimension berbère du pays aux côtés de l’arabe et de l’islam. Parallèlement, les autorités fondent le Haut Commissariat à l’amazighité. En 2000, la chaîne Berbère Télévision commence à émettre en langue berbère et en français depuis Mon-treuil. En avril 2002, le berbère est reconnu constitutionnellement deuxième langue nationale avec l’arabe classique en Algérie, elle y est enseignée officiellement depuis 1995. Le 17 octobre 2001, le roi du Maroc Mohammed VI crée un Institut royal de la culture ama-zigh (IRCAM) pour promouvoir la culture berbère.

Connus depuis l’Antiquité pharaonique sous les noms de Lebu, Tehenu, Temehu, Meshwest, les Berbères subsistent dans un

immense territoire qui commence à l’ouest de l’Egypte. Cette région qui couvre le quart nord-ouest du continent n’est pas entièrement ber-bérophone, loin de là ! L’arabe est la langue véhiculaire du commerce, de la religion, de l’Etat, sauf dans la marge méridionale, du Sénégal au Tchad où la langue officielle est le français. Ainsi les groupes berbèrophones sont isolés, coupés les uns des autres et tendent à évoluer d’une manière divergente, en fonction de leur dimension et de leur importance très variables, allant jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’individus, alors que certains dialectes, dans les oasis, ne sont parlés que par quelques dizaines de personnes.“En fait, il n’y a aujourd’hui ni une langue ber-bère, dans le sens où celle-ci serait le reflet d’une communauté ayant conscience de son

unité, ni un peuple berbère et encore moins une race berbère. Sur ces aspects négatifs tous les spécialistes sont d’accord et cependant les Berbères existent” souligne Gabriel Camps, dans Islam, société et communauté, Anthropologies du Maghreb.La formation de la population berbère, ou plus exactement des dif-férents groupes berbères, demeure une question très controversée parce qu’elle fut mal posée. Les théories diffusionnistes ont tellement pesé depuis l’origine des recherches que toute tentative d’explication

reposait traditionnellement sur des invasions, des migrations, des conquêtes, des dominations. De là à poser la question “et si les Ber-bères ne venaient de nulle part ? ”

La littérature, ciment d’un peupleLa littérature est un des ciments d’un peuple. Dès le VIe siècle av. J-C., le berbère fait l’objet d’une écriture : le libyque. De très nombreuses inscriptions attestent l’utilisation par les Berbères dès l’Antiquité, d’un alphabet consonantique proche de celui utilisé de nos jours chez les Touaregs. L’écriture libyque devint usuelle surtout dans les zones sous forte influence punique -Tunisie septentrionale, Nord Constantinois, Maroc du Nord. Malgré une certaine évolution, elle ne put se généraliser et disparut à l’époque romaine. Les Ber-bères utilisèrent assez tôt les langues étrangères. C’est en latin qu’écrivent des auteurs africains aussi illustres qu’Apulée, Tertullien, saint Cyprien ou saint Augustin. Le latin, langue de l’administration dans les provinces romaines d’Afrique, devint aussi, avec le christia-nisme, langue de religion. L’islamisation entraîna par la suite l’ara-bisation linguistique des Berbères.Toutefois, à l’époque islamique, il y eut encore une littérature ber-bère écrite, peu fournie et essentiellement de nature religieuse. Elle consista en quelques textes et ouvrages transcrits en caractères arabes avec des signes additionnels. Il faut mentionner deux Coran, rédigés en berbère et attribués l’un à Salah ben Tarif (VIIIe siècle), l’autre à Hamim des Ghomara au Maroc septentrional (Xe siècle).Autrement importante fut et demeure la littérature orale berbère. Des contes et des légendes fidèlement conservés par la mémoire fémi-nine constituent une bonne partie de la tradition orale. La poésie

est également riche et ne manque pas d’originalité. Les Berbères eurent de grands poètes dont certains, tel le Kabyle Mohand (vers 1845-1906) ou la targuia Daçin furent de véritables aèdes à l’image du poète grec de l’époque primitive qui chantait ou récitait en s’ac-compagnant de la lyre. D’autres, itinérants et professionnels, tels les amedyaz du Haut Atlas au Maroc ou les ameddahs de Kabylie surent longtemps entretenir la mémoire collective berbère.

Renouveau de la culture berbère La langue Berbère est désormais reconnue par le royaume chérifien mais l’identité, la langue et la culture amazighes s’affichent essentiel-lement dans les villages de la montagne. Autour de l’économie et de la vie sociale la population s’y organise à travers des associations locales de plus en plus nombreuses, marquant la fin d’un long oubli. Ce constat est quelque peu différent dans les villes et chez les intel-lectuels berbères : “Nous constatons une “folklorisation” systéma-tique de la culture amazighe dans les médias officiels qui ne consacrent à l’amazighité qu’une portion congrue et à des heures tardives contrairement aux autres langues et cultures ; le refus d’ac-corder tout soutien financier public aux journaux amazighs ; la non intégration de la langue berbère dans le système éducatif marocain” constate Abdallah Aourik.Il se félicite toutefois du succès rencontré par les festivals “berbères” comme ceux de Timitar à Agadir, celui de Tiwan à Midelt consacré à la chanson et à la poésie amazighes modernes, mais également ceux sur les arts d’Ahidous à Aïn Leuh, près d’Arzou ou de l’Atlas à Azilal, le Festival Isuraf à At-Hoceïma, le Festival des musiques des cimes à Imilchil, pour ne citer que les plus connus. n M.C.

›Le 17 octobre 2001,

le roi du Maroc Mohammed Vi crée

un institut royal de la culture

amazigh (iRCaM) pour promouvoir la culture berbère

Fêtes et costumes traditionnels berbères dans le haut Atlas marocain

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