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DOSSIER Parany Rasamimanana : « s’entraider pour améliorer la sécurité alimentaire » Le « Pain du partage » alimente la paix au Nigéria éVéNEMENT SANS TERRE, PAS DE PAIN UNE TERRE JOURNAL D’INFORMATION DE PAIN POUR LE PROCHAIN N° 8 - JANVIER 2013 SEULE TERRE © PPP PORTRAIT

Une seule terre N°8 - Janvier 2013

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Sans terre, pas de pain. Journal d'information de Pain pour le prochain.

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Page 1: Une seule terre N°8 - Janvier 2013

Dossier

Parany Rasamimanana : « s’entraider pour améliorer la sécurité alimentaire »

Le « Pain du partage » alimente la paix au Nigéria

événement

SANS TERRE, PAS DE PAIN

Une terreJouRNAl D’INfoRmATIoN DE PAIN PouR lE PRochAIN N° 8 - JANvIER 2013

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Aujourd’hui, plus qu’hier, mais moins que demain… ?1

La terre est objet de convoitise. Elle l’a été en tout temps. Et cela continue, aujourd’hui, plus qu’hier. L’appétit de posséder déborde des assiettes des sociétés transnationales. De nos jours, investir dans le sol représente un placement et un rendement sûrs. Depuis le commencement, la terre est entachée de sang humain. Des frères et des sœurs s’entre-tuent pour avoir plus que l’autre, pour avoir une plus grande reconnaissance, par peur de manquer, en se comparant à l’autre, par égocentrisme … Alors que le Créateur avait jugé que « tout était bon », que cette terre était un paradis où il faisait bon cohabiter pour faune et flore, se produit le drame entre Caïn et Abel qui finit par un meurtre. Depuis, Caïn erre sur la terre ; son stigmate rappelle que nous ne sommes que des locataires sur cette terre. L’homme est venu de la terre ; à la terre ils et elles retourneront.

« Sans terre, pas de pain », la campagne œcuménique de Pain pour le prochain, Action de Carême et Etre partenaires, nous invite à confronter notre humanité à l’accès à la terre. Les populations à Madagascar, au Pérou ou en Sierra Léone sont privées des terres fer-tiles qui autrefois leur permettaient de pro-duire leur alimentation. La terre se vend à prix fort ; elle se loue aux multinationales ou gouvernements étrangers qui la convoitent. Aujourd’hui, plus de 200 millions d’hectares ont déjà été loués ou vendus pour une période allant de 50 à 99 ans … Autant dire que les populations locales ne verront plus la couleur de leur terre, pourtant leur mère nourricière.

Aujourd’hui, plus qu’hier, mais moins que demain … ? Cela dépend de nous, de notre rapport à la terre, de notre courage à lever la voix prophétique contre cette injustice.

« Comment pouvez-vous acheter ou vendre le ciel, la chaleur de la terre ? L’idée nous paraît saugrenue. Si nous ne possédons pas la fraîcheur de l’air et le miroitement de l’eau, comment est-ce que vous pouvez les acheter ? Chaque parcelle de cette terre est sacrée pour mon peuple. » (Extrait du discours du chef Seattle, 1854)

Secrétaire romande Pain pour le prochain

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Droit sans frontières dans les méandres du Parlement

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Photo de couverture :La campagne œcuménique 2013 de Pain pour le prochain et Action de Carême met la loupe sur l’accaparement des terres, qui menace le droit à l’alimentation des populations du Sud

Après la pression de la rue, celle du Parlement – grâce au lobbying de Pain pour le prochain, notamment. Au vu du grand nombre de signatures – 135’285 ! – la Commission des affaires extérieures du Conseil des Etats a renvoyé le débat sur la pétition à la session d’hiver. Quant à la commission éponyme du Conseil national, bien qu’elle ait refusé la pétition, elle a adopté un postulat d’Ursula Haller (PDB) demandant une étude comparative, dans les autres pays, sur le devoir de diligence des conseils d’administration en matière de droits humains et de standards environnemen-taux. Le postulat demande aussi au Conseil fédéral de pro-poser des mesures allant dans ce sens pour la Suisse. IA

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Fin janvier, les deux géants des matières premières vont fusionner pour donner naissance à Glencore Xtrata Inter-national. Dans son deuxième rapport de durabilité, Glencore se targue d’avoir fait des progrès en matière de responsa-bilité sociale. Mais selon une étude de 2012 de Pain pour le prochain et Action de Carême (www.ppp.ch/glencore), ses filiales en République démocratique du Congo (RDC) font travailler des enfants, exploitent une mine dans une réserve protégée et épuisent les nappes phréatiques. Quant à leurs pratiques fiscales à la limite de la légalité, elles ont privé ce pays d’un montant de près de 200 millions de dol-lars US. Au lieu de belles paroles, le nouveau géant suisse des matières premières doit accepter de faire auditer ses activités par un institut indépendant, mener des études d’impact, consulter la population et pratiquer la transparence finan-cière. A plus de poids, davantage de responsabilité. IA

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Glencore et Xtrata : mariage à haut risque !

Les activités de Glencore épuisent les nappes phréatiques

Remise de la pétition, le 13.06.2012

A l’occasion de la journée mondiale de l’alimentation, la présentation de «Hold up sur l’alimentation», publié par deux partenaires de Pain pour le prochain (CETIM et GRAIN), a suscité beaucoup d’intérêt lors d’un débat public au palais Eynard. Ce recueil d’articles pointe du doigt la responsabilité de l’industrie agro-alimentaire dans la crise climatique et celle des institutions finan-cières dans l’accaparement des terres. Il explique pour-quoi la lutte pour la souveraineté alimentaire remet en question ces tendances, identifie les acteurs en jeu et pré-sente les alternatives possibles. EW

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Le «hold-up sur l’alimentation» fait le plein à Genève

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Pour ses opérations industrielles, Glencore a payé aux gouvernements africains 72 mil-lions de dollars US en 2011 et 89 millions de dollars US en 2010. Rien que pour la RDC, les enquêtes de Pain pour le prochain et Action de Carême ont montré que Glencore a évité de payer près de 200 millions de dollars à l’Etat en 2010 et 2011.

en chiffres

1 Ce texte a paru sous une forme légèrement différente comme éditorial du Cahier liturgique de la campagne œcuménique (signé Martina Schmidt et Jean-Claude Huot).

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L’accaparement des terres n’est pas seulement

l’œuvre d’entreprises privées et de gouvernements,

mais aussi de fonds d’investissement renfloués par

les institutions financières internationales. Au nom de

la lutte contre la pauvreté, la Banque mondiale met

en péril la sécurité alimentaire des pays du Sud. Avec

l’argent des contribuables, suisses notamment.

en chiffres

Dossier

SANS TERRE, PAS DE PAIN

GRAIN, une organisation partenaire de Pain pour le prochain, a recensé 416 cas d’accaparement des terres dans le monde, dont 228 en Afrique. Selon le « Land Matrix Project », de tels contrats fonciers ont été négociés ou conclus entre 2000 et 2010 pour une surface de 203 millions d’hectares.

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manifestations violentes pour avoir été exclus de cette entreprise de régularisation.

Institutions financières internationales responsables Les plus grands accapareurs de terres sont les entreprises privées, des Etats tels que la Chine, l’Arabie saoudite et la Corée du Sud, mais aussi – phénomène relative-ment récent – des fonds d’investisse-ment publics et pri-vés financés, entre autres, par la Banque mondiale, la Banque africaine de dévelop-pement et autres ins-titutions financières soutenues par des bailleurs comme la Suisse. Ce qui rend la traçabilité des fonds publics beaucoup plus difficile que

pour des projets de développement tra-ditionnels, comme le révèle une étude de Pain pour le prochain et Action de Carême.

Au nom de la lutte contre la pauvreté, ces institutions promeuvent le dévelop-pement de l’agrobusiness au détriment de l’agriculture écologique et vivrière. L’agrobusiness à grande échelle va sou-vent de pair avec l’accaparement des terres, qui cache un accaparement de l’eau, les investisseurs mettant en même temps la main sur les points d’eau pré-sents sur le territoire.

Selon le « Land Matrix Project », 203 mil-lions d’hectares ont été achetés ou loués pour une période allant de 50 à 99 ans, même si seul 1/3 de ces transactions a été effectivement réalisé à ce jour. Bien que

le rythme de crois-sance ait quelque peu diminué depuis 2009, l’accaparement des terres continue.

L’Afrique est la ré-gion la plus touchée : 754 transactions fon-cières y ont été réali-sées, couvrant 56 mil-lions d’hectares ou 4,8 % de la surface agricole du continent. Pour l’Asie, il s’agit

de 17 millions d’hectares et de 7 millions pour l’Amérique latine. Car ce phéno-mène touche surtout les pays très pauvres, avec une faible gouvernance foncière, où la terre paraît inutilisée, alors qu’elle ne l’est pas : elle est utilisée par les paysans, les chasseurs et les éle-veurs qui s’en servent de façon coutu-mière, sans posséder de titre de propriété.

Lignes directrices volontaires de la FAO : un pas en avantLes institutions internationales com-mencent à prendre conscience de l’am-pleur du problème. En 2010, la Banque mondiale, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agricul-ture (FAO), l’IFAD et la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le

En Ethiopie, où treize millions de per-sonnes dépendent de l’aide alimen-

taire, le gouvernement offre ses meilleures terres à des investisseurs étrangers qui exportent toute la production. Pour cela, il cherche à déplacer et concentrer près des points d’eau et des routes quelque 1,5 mil-lion de personnes. Sauf que les gens ne veulent pas être relogés. A Gambella, 70’000 personnes – souvent des autoch-tones sans titre de propriété – ont accusé la Banque mondiale, qui favorise ce type d’in-vestissement, de les priver de leurs sources de revenus et d’accès à la nourriture.

En Ouganda, sur une île du lac Victoria, un projet de production d’huile de palme sur 10’000 hectares, soutenu par la Banque mondiale et le Fonds international pour le développement agricole (IFAD), a aug-menté l’insécurité alimentaire en sous-trayant des terrains aux cultures vivrières, et contaminé les points d’eau par l’utili-sation de fertilisants et de pesticides. La plupart des travailleurs des plantations sont temporaires, payés 1 USD par jour et ne viennent même pas de la région, alors que le but du projet était de créer des emplois – sous-entendus « décents ».

Au Mali, des petits paysans ont été chassés de 800’000 hectares de terre en faveur de ILLOVO, une entreprise sud-africaine (le plus grand producteur de sucre en Afrique), soutenue par la Banque mondiale et la Banque africaine de développement. Ils ont porté plainte.

Au Cambodge, avec l’aide de la Banque mondiale, le gouvernement a lancé un pro-jet pour améliorer la propriété foncière. Mais celui-ci a dû être suspendu après que des résidents de longue date, dépourvus de titre de propriété, ont organisé des

Pour Pain pour le prochain, les investissements dans l’agriculture doivent être

centrés sur les petits producteurs et garantir les droits fonciers et le partage équitable

des bénéfices pour les communautés locales.

Les investissements dans l’agriculture doivent être centrés sur les petits producteurs

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L’agrobusiness menace l’autosuffisance alimentaire des populations locales©

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développement (CNUCED) ont adopté des principes sur l’investissement agricole responsable, qui ont été immédiatement rejetés par Via Campesina, GRAIN et un nombre impressionnant d’ONG du monde entier, car elles reposent sur l’autorégu-lation des investisseurs, qu’elles jugent insuffisante.

Par contre, les ONG ont salué les lignes directrices volontaires adoptées en mai 2012 par le Comité mondial sur la sécu-rité alimentaire de la FAO. Ce comité, créé dans les années 70 et entièrement reformé en 2009, est devenu un forum multi-acteurs où sont représentés les ONG, les paysans, les indigènes, les Etats et les institutions internationales comme l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et la Banque mondiale. Les lignes directrices reconnaissent que l’investis-sement responsable dans l’agriculture est nécessaire, mais elles exigent des garde-fous pour qu’il serve d’abord à promou-voir la sécurité alimentaire locale. Elles affirment la nécessité de protéger les droits fonciers, même informels, et de gérer l’expropriation et la restitution de la terre. Bien que non contraignant, cet instrument a été salué par Pain pour le prochain car la négociation d’un traité international aurait pris beaucoup trop de temps, vu l’urgence de la situation.

Pour Pain pour le prochain, les investis-sements dans l’agriculture doivent être centrés sur les petits producteurs et garan-tir les droits fonciers et le partage équi-table des bénéfices pour les communautés locales. La Suisse, qui s’est beaucoup impliquée dans l’élaboration des lignes directrices de la FAO, doit s’engager pour promouvoir leur diffusion. Car ces lignes directrices ne seront utiles que si elles sont effectivement appliquées par les pays tou-chés par l’accaparement des terres. IA

Dans des pays comme la Sierra Leone, le Libé-ria et l’Ethiopie, la Banque mondiale a aidé les gouvernements à créer un environnement favo-rable aux investissements étrangers en promou-vant des réformes législatives, des avantages fiscaux et la réduction des barrières techniques et administratives. Conséquence : en Sierra Leone, les investisseurs ont déjà loué 18 % de la terre arable disponible.

Avec le soutien de la Banque mondiale et d’autres agences internationales, la société genevoise Addax Bioenergy a déjà accaparé 57’000 hectares de terres dans la région de Makeni, pour une durée de 50 ans. Le but est d’y cultiver de la canne à sucre destinée à produire du carburant pour les voitures euro-péennes, l’UE s’étant fixé l’objectif de 10 % d’agrocarburants d’ici 2020. Et ce dans un pays où les récoltes ne suffisent déjà pas à nourrir la population locale… De surcroît, la production d’agrocarburants risque d’aug-menter sensiblement le coût des denrées ali-mentaires, si bien que l’UE elle-même a décidé de revoir sa politique.

Pour Pain pour le prochain et son partenaire local, le Réseau sierra léonais pour le droit à

l’alimentation, le projet pose de nombreux problèmes du point de vue du développement, à commencer par le droit d’accès à l’eau très étendu et sécurisé qu’il accorde à Addax. Dans la saison sèche, l’entreprise va pomper jusqu’à ¼ de la plus grande rivière du pays pour irriguer ses champs de canne à sucre, ce qui pourrait amener une pénurie d’eau. Certes, le projet, qui touche 13’000 personnes, a permis de créer 1’670 emplois, avec des salaires dépassant le minimum légal. Mais Addax offre aux agri-culteurs qui ont perdu leurs terres un programme agricole qui, pour l’instant, ne dépasse pas les trois ans et repose sur une agriculture inten-sive, avec des intrants onéreux que beaucoup de paysans ne peuvent pas se permettre. De surcroît, la monoculture de canne à sucre pendant 50 ans est nocive pour l’environne-ment. Et la corruption menace car le processus de compensation des autorités locales reste flou. Quant aux femmes, elles n’ont reçu aucune compensation vu que les structures sociales traditionnelles ne leur permettent pas d’être propriétaires. Un projet qui risque d’accroître encore davantage l’insécurité alimentaire d’un des pays les plus pauvres de la planète. IA

www.ppp.ch/addax

Addax: des aliments dans les assiettes, pas dans les réservoirs!

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L’Afrique est la région la plus tou-chée par l’accaparement des terres : 754 transactions foncières y ont été réalisées, couvrant 56 millions d’hectares ou 4,8 % de la surface agricole du continent. Pour l’Asie, il s’agit de 17 millions d’hectares et de 7 millions pour l’Amérique latine.

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Addax offre aux paysans chassés de leurs terres des emplois de très courte durée

L’accaparement porte atteinte à la biodiversité et la production

des cultures vivrières

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Côté pile, un pays qui connaît une croissance fulgurante et s’apprête à

envoyer une mission exploratoire sur Mars. Côté face, la plus grande démo-cratie du monde, où 370 millions d’êtres humains survivent, encore et toujours, avec 1,25 USD par jour. Bienvenue en Inde, pays de contrastes criants, où les « dalits », laissés pour compte de la société, vivent de petits boulots et sont obligés d’accomplir les tâches les plus humi-liantes. Des intouchables hors caste qui ne possèdent pas la terre qu’ils cultivent, bien que la loi leur donne droit à un petit lopin. Une injustice qui pénalise encore davantage les femmes, écrasées par les discriminations multiples liées à leur statut social et à leur genre.

C’est dans le sud du pays, au Karnataka, en Andhra Pradesh et au Tamil Nadu, que l’EPER et ses partenaires locaux, soutenus par Pain pour le prochain,

mènent un projet révolutionnaire : don-ner aux habitants de 165 villages l’accès à un lopin de terre, avec des titres de pro-priété équitablement répartis entre les femmes et les hommes. Un combat dif-ficile, dans un contexte de fortes tensions sociales, qui se heurte à l’opposition achar-née des notables locaux qui convoitent ces mêmes terres. Une fois l’accès à la propriété arraché de haute lutte, il s’agit de ne pas répéter les erreurs du passé.

Car la révolution verte des années 1960 et 1970 a certes permis d’augmenter la productivité agricole, mais l’utilisation intensive de produits chimiques, engrais, fertilisants et semences génétiquement modifiées a fortement appauvri les sols et endetté les paysans. Le projet leur apprend à revenir à l’agriculture écologique grâce à des techniques ancestrales et délaissées, comme le compostage et l’utilisation de

vers de terre pour améliorer la fertilité des sols. Pour rompre la dépendance vis-à-vis des semences industrielles et le cercle vicieux de l’endettement, les pay-sans plantent et réutilisent leurs propres semences en s’approvisionnant dans des centres gérés par la communauté. L’éle-vage de quelques animaux et la culture d’un petit jardin potager assurent aux familles des vitamines tout au long de l’année. Les bénéficiaires ont aussi accès au marché et à des programmes étatiques de crédit et d’épargne.

Une goutte d’eau dans la mer, certes. Mais une initiative novatrice pour garantir le droit à l’alimentation et l’accès à des sources durables de revenus aux exclus de « l’Inde qui brille », le slogan marke-ting du début des années 2000. IA Pour vos dons : CCP 10-26487-1 (Projet No 224.9055)

Exclus de fait de la propriété foncière, les intouchables sont les laissés pour compte du miracle économique indien. Mais une initiative auda-cieuse permet à certains d’entre eux d’obtenir des titres de propriété et d’apprendre à gérer leur terre de façon durable, sans répéter les erreurs de la révolution verte.

EN INDE, AIDER lES « DAlITS » à TouchER TERRE

Dossier

Le projet aide les femmes à obtenir des titres de propriété comme les hommes

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S’entraider pour améliorer la sécurité alimentaire

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Voir et agir pour le droit à l’alimentationDepuis quatre ans, nous utili-sons notre site de campagne droitalimentation.ch pour dénoncer les injustices qui plongent bon nombre de populations du Sud dans la misère et la faim. Or, pour réali-ser le droit à l’alimentation, nous menons un travail d’investigation, de dénonciation, de plaidoyer, de soutien ou encore de mobilisa-tion. Pain pour le prochain s’inspire de la méthode « voir, juger, agir » rendue populaire par la Théologie de la libération. Concrète-ment nous VOYONS et nous AGISSONS pour le droit à l’alimentation ! C’est pourquoi, à par-tir du 13 février 2013, vous pourrez découvrir notre campagne intitulée « Sans terre, pas de pain » sur notre nouveau site : www.voir-et-agir.ch. DT

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Un tour du monde des musiques sacréesChant éthiopien à la Vierge, cantillation de la Torah, chant soufi de Sarajevo, mais aussi louange à Krishna, rituel d’offrande tibétain, musique funéraire andine, chant de chasse pygmée… Voilà quelques-unes des mélopées de ce surprenant coffret de musiques sacrées du monde qui accompagneront le mélomane tout au long de la nouvelle année. Avec, à la clé, un calendrier interreligieux pour éclairer ce voyage spirituel au cœur des religions tra-ditionnelles, mais aussi d’expressions reli-gieuses moins connues, comme la santeria brésilienne, la tradition aborigène d’Australie ou la spiritualité bahá’ie. Une expérience unique, portée par ce souffle mystique qui relie au divin les peuples de tous les horizons. IA

A commander chez la maison d’édition Enbiro, Lausanne, www.enbiro.ch

Lire

Le sens du travailPierre Farron, animateur de la Pastorale œcuménique dans le monde du travail, explore le sens du travail dans la société contemporaine. Le paradoxe est flagrant : si la Bible mentionne à plusieurs reprises les mots « travail » et « salaire », la théologie et la spiritualité sont trop souvent déconnectées de la réalité. Pourtant, travailler peut et doit avoir un sens, comme le montre Jésus, dont le métier fut celui de charpentier. Un sens à trouver aussi dans la perte du travail, selon l’expérience de ce pasteur vaudois engagé dans l’accompagnement des personnes sans emploi et en situation de précarité. IA

Pierre Farron, Dis, pourquoi tu travailles ?, éditions Ouverture, 2012

A Madagascar, Action de Carême a mis sur pied des groupements d’épargne pour aider les paysans à faire face aux coups durs et à reven-diquer leurs droits. Un projet fondé sur les valeurs chrétiennes, selon Parany Rasamimanana, l’hôte de la campagne œcuménique.

a DécoUvrir

« L’endettement des ménages est l’un des plus grands problèmes à Mada-

gascar. Il concerne presque toute la popu-lation, mais personne n’en parle », nous confie Parany Rasamimanana, l’un des deux coordinateurs d’Action de Carême (AdC) sur la grande île et hôte de la cam-pagne œcuménique 2013.

Au moindre problème – maladie, acci-dent, manque de nourriture –, les popula-tions rurales sont obligées d’emprunter chez des usuriers locaux à des taux d’inté-rêt exorbitants, qui peuvent aller jusqu’à 800 %. En contrepartie, ceux-ci se font payer par le riz sur pied ou la vanille non encore récoltée. En fin de compte, les débiteurs déboursent le double ou le triple de la valeur empruntée, voire 25 fois plus pour la vanille.

AdC les accompagne pour constituer des caisses d’épargne où quelques personnes s’assemblent, cotisent, en argent ou en nature, et peuvent emprunter si néces-saire. « Ça marche tellement bien que nous avons dépassé les 10’000 groupements, dans douze régions de Madagascar ! » s’enthousiasme Parany.

Les membres des groupements d’épargne effectuent aussi les travaux des uns et des autres, à tour de rôle : le paysan qui béné-ficie de l’effort de ses pairs ne paie ni salaire, ni repas de midi, mais il verse une contri-bution à la caisse commune. Il peut donc compter sur l’effort de dix à quinze per-sonnes, ce qui augmente la production et améliore la nutrition de la communauté. Car le programme vise l’autosuffisance alimentaire, en luttant contre l’endette-ment causé par l’usure – le manque de récoltes dû à la saison creuse.

« L’appui d’AdC se limite à la formation et au conseil pour favoriser l’autopromotion. Nous n’octroyons ni dons, ni subventions. Nous favorisons tout simplement l’entraide, très présente dans la société malgache tra-ditionnelle, mais qui s’est perdue. »

Le nouveau code foncier, adopté en 2005, a opéré une véritable révolution en recon-naissant l’existence de domaines privés non titrés. Le précédent, rédigé à l’époque coloniale, stipulait que tout terrain dont personne ne possédait de titre appartenait automatiquement à l’Etat, ce qui favori-sait la corruption. « Mais la légalisation de la propriété foncière ne constitue pas, à elle seule, une garantie que le paysan peut garder sa terre. Il faut aussi renforcer l’éco-nomie du ménage pour qu’elle ne parte pas comme gage d’un prêt auprès d’une banque ou des usuriers », précise Parany.

Selon lui, après la farouche opposition de la rue à la tentative de la multinationale sud-coréenne Daewoo de mettre la main sur la moitié des terres arables de l’île, en 2009, le problème de l’accaparement des terres a perdu en importance à Madagas-car. Mais il n’est pas exclu que la question se pose de nouveau car d’autres contrats sont déjà en instance de signature.

« J’ai travaillé pendant plusieurs années dans le développement rural, mais l’im-pact de ces projets laissait à désirer : ils ne bénéficiaient pas aux pauvres, mais aux élites qui savent communiquer avec les étrangers. L’approche d’AdC est très diffé-rente : elle repose sur l’amour du prochain et vise la transparence, la vérité et non le profit individuel. Nous ne parlons jamais de religion, mais ces valeurs chrétiennes empreignent nos agissements. IA

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Séances de lancement de la campagne :

Fribourg, 22.01, 19 h 30 - 21 h 30 Paroisse du Christ-Roi

Valais, 25.01, 19 h 30 - 22 hNotre-Dame du Silence, Sion

Jura, 28.01, 19 h - 21 h 30Centre réformé de Delémont

Genève, 07.02, dès 18 hCentre protestant de la Jonction

Vaud, 19.01, 8 h 45 - 14 h 15Saint-Jacques

Neuchâtel, 26.01, 8 h 45 - 14 h 15

La controverse de ValladolidEspace culturel des Terreaux24 janvier, 19 h25 janvier, 20 h27 janvier, 17 h

13 février, 18 h 15 Conférence de Martina Schmidt « Sans terre, pas de pain » à la Maison Dickens 6, Lausanne

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Le « Pain du partage » alimente la paix au Nigéria

Avenue du Grammont 9 – 1007 Lausanne

Tél. 021 614 77 17 – Fax 021 617 51 75

[email protected] – www.ppp.ch

CCP 10-26487-1

Editeur : Pain pour le prochain

Rédaction : Martina Schmidt, Isolda Agazzi,

Ester Wolf, Daniel Tillmanns,

Anne-Lise Jaccaud Napi

Corrections : Françoise Caroff

Graphisme : Corrado Luvisotto, Grafix, Fribourg

Impression : Imprimerie St-Paul, Fribourg

Prix de l’abonnement : 10 francs suisses

Tirage : 14 700 exemplaires

ISSN 2235-0780

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Au nord du Nigéria, l’avancée du désert menace la sécurité alimentaire et la paix. En achetant le « Pain du partage » dans l’une des boulangeries qui soutiennent notre action, vous aiderez ces populations rurales à vivre décemment de leur activité principale : l’agriculture. Car dans cette région aride, les récoltes sont maigres, les sols s’érodent et les nappes phréatiques baissent dangereusement. Grâce à l’introduction de fourneaux à bois peu gourmands en énergie, la population a réduit son utilisation de bois de chauffage et ralenti l’avancée du désert. Notre organisation partenaire sur place aide aussi les habitants à développer des projets agricoles commerciaux, à construire des com-munautés villageoises solidaires et à éviter les maladies. En luttant contre la pauvreté, une contribution non négli-geable à la prévention des conflits dans une région hau-tement instable. IA

Le projet aide les habitants à vivre décemment de l’agriculture

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Achetez des roses pour aider les dalits du Bangladesh !

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La Controverse de Valladolid

Comme chaque année, les fonds récoltés par l’action Roses seront entièrement dévolus à nos projets dans le Sud, à l’instar du soutien aux intouchables du Bangladesh. En achetant une ou plusieurs des 160’000 roses « fairtrade » gracieusement offertes par la Migros, vous aiderez les hindous hors caste de ce pays à majorité musulmane et les adivasis (autochtones) à combattre la discrimination dont ils sont victimes. Nous aidons ces populations défavorisées à constituer des groupements villageois pour s’informer sur leurs droits et les revendiquer. Les jeunes sont scolarisés, les adultes suivent une formation professionnelle et créent des caisses d’épargne et de crédit. Une façon de garantir leur sécurité alimentaire en s’opposant à l’accaparement des terres qui menace leur territoire. IA

Les adultes suivent une formation professionnelle

Pain pour le prochain vous invite à découvrir une pièce de théâtre palpitante, que nous parrainons. Soixante ans après la découverte du Nouveau Monde, dans un couvent de Valladolid, deux hommes débattent d’une question déli-cate : les Indiens ont-ils une âme ? De leur argumentation dépendra le sort de l’Espagne, des colonies et de l’Europe tout entière. Les spectacles auront lieu les 24, 25 et 27 jan-vier au théâtre des Terreaux à Lausanne. Celui du 24 sera suivi d’un échange avec les acteurs où la thématique de l’accès à la terre apparaîtra en filigrane. AJN www.terreaux.org