544
Université du Maine L’immeuble face aux risques Thèse pour le Doctorat Discipline : Droit Présentée et soutenue publiquement le 26 novembre 2009 par Mélanie MORNET Directeur de thèse : - M. Christophe GUETTIER, Professeur à l’Université du Maine - Le Mans Membres du jury : - M. Philippe CASSON, Maître de conférences à l’Université du Maine - Le Mans - M. Didier KRAJESKI, Maître de conférences à l’Université de Toulouse 1 Capitole (Rapporteur) - M. Hadi SLIM, Professeur à l’Université François-Rabelais de Tours (Rapporteur)

Université du Maine - cyberdoc.univ-lemans.frcyberdoc.univ-lemans.fr/theses/2009/2009LEMA2001.pdf · Présentée et soutenue publiquement le 26 novembre 2009 par Mélanie MORNET

Embed Size (px)

Citation preview

  • Universit du Maine

    Limmeuble face aux risques

    Thse pour le Doctorat

    Discipline : Droit

    Prsente et soutenue publiquement le 26 novembre 2009 par

    Mlanie MORNET

    Directeur de thse :

    - M. Christophe GUETTIER, Professeur lUniversit du Maine - Le Mans

    Membres du jury :

    - M. Philippe CASSON, Matre de confrences lUniversit du Maine - Le Mans

    - M. Didier KRAJESKI, Matre de confrences lUniversit de Toulouse 1 Capitole

    (Rapporteur)

    - M. Hadi SLIM, Professeur lUniversit Franois-Rabelais de Tours (Rapporteur)

  • 2/

  • 3/

    Universit du Maine

    Limmeuble face aux risques

    Thse pour le Doctorat

    Discipline : Droit

    Prsente et soutenue publiquement le 26 novembre 2009 par

    Mlanie MORNET

    Directeur de thse :

    - M. Christophe GUETTIER, Professeur lUniversit du Maine - Le Mans

    Membres du jury :

    - M. Philippe CASSON, Matre de confrences lUniversit du Maine - Le Mans

    - M. Didier KRAJESKI, Matre de confrences lUniversit de Toulouse 1 Capitole

    (Rapporteur)

    - M. Hadi SLIM, Professeur lUniversit Franois-Rabelais de Tours (Rapporteur)

  • 4/

  • 5/

    L'universit n'entend donner aucune approbation ni improbation aux

    opinions mises dans les thses. Ces opinions doivent tre considres comme

    propres leurs auteurs.

  • 6/

  • 7/

    TABLE DES PRINCIPALES ABBREVIATIONS

    ACAM : Autorit de Contrle des Assurances et des Mutuelles ADEME : Agence De lEnvironnement et de la Matrise dnergie AFNOR : Association Franaise de NORmalisation AFPCN : Association Franaise pour la Prvention des Catastrophes Naturelles. AIEA : Agence Internationale de lnergie Atomique

    AJDA : Actualit Juridique du Droit Administratif

    AJDI : Actualit Juridique de Droit Immobilier

    AMF : Autorit des Marchs Financiers AMRAE : Association pour le Management des risques et des Assurances de lEntreprise APREF : Association des Professionnels de la Rassurance en France APSAD : Assemble Plnire de Socits dAssurances Dommages AQC : Agence Qualit Construction ARIA : Analyse Recherche et Information sur les Accidents ART : Alternativ Risk Transfer ATE : Agrment Technique Europen ATEX : Apprciations Techniques dExprimentation BARPI : Bureau dAnalyse des Risques et Pollutions Industrielles BBC : Btiment Basse Consommation BCR : Bureau Central de Rpartition BCT : Bureau Central de Tarification BET : Bureau dEtude Technique

    BJDU : Bulletin de Jurisprudence du Droit de lUrbanisme

    BOAMP : Bulletin Officiel des Annonces des Marchs Publics Bq/cube: Becquerel par mtre cube

    BRGM : Bureau de Recherches Gologiques et Minires Bull. civ. : Bulletin des arrts de la Cour de cassation chambre civile

    C2P : Commission Prvention des Produits CA : Cour dAppel

    CAA : Cour Administrative dAppel CACRAC : Commission dApplication de la Convention de Rglement Assurance-construction GAJA : Grands Arrts de la Jurisprudence Administrative CAPEB : Confdration de lArtisanat et des Petites Entreprises du Btiment CARIP : Cellules dAnalyse des Risques et dInformation Prventive

    Cass : Bulletin dinformation de la Cour de cassation

    CC : Code Civil CCAG : Cahier des Clauses Administratives Gnrales CCAP: Cahier des Clauses Administratives Particulires CCR : Caisse Centrale de Rassurance CCTG : Cahier des Clauses Techniques Gnrales CCTP : Cahier des Clauses Techniques Particulires CDRN : Commission Dpartementale des Risques Naturels

    CE : Conseil dtat CE sect. : Conseil dtat section CEA : Compagnie des Experts Agres

    CEDH : Cour Europenne des Droits de lHomme CEIOPS : Committee of European Insurance and Occupational Pensions Supervisors. CEN : Comit Europen de Normalisation CERDACC : Centre Europen de Recherche sur le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes

  • 8/

    CIDE COP : Convention dIndemnisation Dgts des Eaux dans la COProprit CIDRE : Convention dIndemnisation Directe et de Renonciation Recours en dgts des Eaux CIPR : Commission Internationale pour la Protection du Rhin. CJCE : Cour de Justice des Communauts Europennes CLIC : Comits Locaux dInformation et de Concertation CMI : Contrat de Maisons Individuelles CNC : Conseil National de la Consommation COFRAC : COmit FRanais dACcrditation COPAL : COmit Pour lApplication de la Loi Spinetta CP : Contrat de Partenariat CRAC : Convention de Rglement de lAssurance-construction CRD : Cot Relatif de Dsordre CREDOC : Centre de Recherche pour lEtude et lObservation des Conditions de vie CREP : Constat de Risque dExposition au Plomb CSTB : Centre Scientifique et Technique du Btiment CTBA : Centre Technique du Bois et de lAmeublement

    D : Recueil Dalloz Sirey DAAF : Dtecteurs Avertisseurs Autonomes de Fume DAEI : Direction des Affaires Economiques et Internationales DALO : Droit Au Logement Opposable DAT : Dclaration dachvement de Travaux DCS : Dossier Communal Synthtique DDE : Direction Dpartementale de lquipement DDRM : Dossier Dpartemental des Risques Majeurs DDT : Dossier de Diagnostic Technique

    Defrnois : Rpertoire du notariat Defrnois DGCCRF : Direction Gnrale de la Concurrence, de la Consommation et de la Rpression des Fraudes DGCNR : Direction Gnrale de la Sret Nuclaire et de la Radioprotection DGUHC : Direction Gnrale de lUrbanisme, de lHabitat et de la Construction DIA : Dclaration dIntention dAliner DICRIM : Document dInformation Communal sur les Risques Majeurs DPC : Directive Produits de Construction DPE : Diagnostic de Performance Energtique DPU : Droit de Premption Urbain DRIRE : Directions Rgionales de lIndustrie, de la Recherche et de lEnvironnement DTU : Documents Techniques Unifis EIOPC : European Insurance and Occupational Pensions Committee EPCI : Etablissement Public de Coopration Intercommunale EPERS : Elments Pouvant Entraner la Responsabilit Solidaire EPIC : Etablissement Public caractre Industriel et Commercial ERP : Etablissement Recevant du Public ETN : Enqutes de Technique Nouvelle FCC : Fonds Commun de Crances FFB : Fdration Franaise du Btiment FFSA : Fdration Franaise des Socits dAssurances FGA : Fonds de Garantie Automobile FGAO : Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires FIDI : Fdration Interprofessionnelle du Diagnostic Immobilier FPC : Fdration des Promoteurs Constructeurs FPRNM : Fonds de Prvention des Risques Naturels Majeurs dit Fonds Barnier FSUE : Fonds de Solidarit de lUnion Europenne GAREAT : Groupement des Assureurs et des Rassureurs des Attentats Terroristes

    Gaz. Pal. : Gazette du Palais GEMA : Groupement des Entreprises Mutuelles dAssurances

  • 9/

    GIE : Groupement dIntrt Economique GIW : Garantie Institut Woningbouw HQE : Haute Qualit Environnementale IAL : Information Acqureurs et Locataires ICPE : Installations Classes pour la Protection de lEnvironnement IFEN : Institut Franais de lENvironnement IFRS : International Financial Reporting Standard IGH : Immeuble de Grande Hauteur IIBRBS : Institution Interdpardementale des Barrages-Rservoirs du Bassin de la Seine INSEE : Institut Nationale de la Statistique et des Etudes Economiques

    IRMA : Institut des Risques MAjeurs ISRD : International Strategy for Disaster Reduction

    JCPE : Juris-Classeur Priodique dition Entreprises

    JCPG : Juris-Classeur Priodique dition Gnrale

    JCPN : Juris-Classeur Priodique dition Notariale

    JOCE : Journal Officiel des Communauts Europennes JORF : Journal Officiel de la Rpublique Franaise JOUE : Journal Officiel de lUnion Europenne

    LGDJ : Librairie Gnrale de Droit et de Jurisprudence

    LOE : Ley de Ordenacin de la Edificacin

    LPA : Les Petites Affiches

    MAPPP : Mission dAppui la Ralisation des Contrats de Partenariat MCR : Minimum Capital Requirement MEDAD : Ministre de lcologie, de lnergie, du Dveloppement durable et de lAmnagement Du territoire MEDD : Ministre de lcologie, de lnergie, du Dveloppement Durable NF : Norme Franaise NHBC : National House Building Council OPC : Ordonnancement Pilotage et Coordination OPQTECC : Organisme Professionnel de Qualification Technique des Economistes et Coordonnateurs de la

    Construction PAC : le Port A Connaissance PAPI : Programme dActions de Prventions des Inondations PCS : Plan Communal Sauvegarde PER : Plans dExposition aux Risques naturels PIG : Projet dIntrt Gnral Plan ORSEC : plan sur lOrganisation des SECours PLU : Plan Local dUrbanisme POI : Plan dOrganisation Interne POS : Plan dOccupation des Sols PPI : Plan Particulier dInformation PPI : Plan Particulier dIntervention PPP : Partenariat Public-Priv PPPI : Partenariat Public-Priv Institutionnalis PPR : Plan de Prvention des Risques PPRM : Plans de Prvention des Risques Miniers PPRN : Plans de Prvention des Risques Naturels PPRNP : Plan de Prvention des Risques Naturels Prvisibles PPRT : Plans de Prvention des Risques Technologiques PSS : Plan de Secours Spcialis PSS : Plan de Secours Spcifique PUC : Police Unique de Chantier

    PUF : Presses Universitaires de France PUI : Plan dUrgence Interne RAP : Rglement dApplication Pratique

  • 10/

    RCA : Responsabilit Civile et Assurances RCD : Responsabilit Civile Dcennale

    RDI : Revue de Droit Immobilier

    RDP: Revue du Droit Public

    Rec. : Recueil Lebon

    REX : Retour dEXprience RFCT : Rapport Final de Contrle Technique

    RGAT : Revue Gnrale des Assurances Terrestres RGDA : Revue Gnrale du Droit des Assurances RICT : Rapport Initial de Contrle Technique

    RNB : Revenu National Brut RNU : Rglement National dUrbanisme

    RTD civ. : Revue Trimestrielle de Droit Civil SCOT : Schma de COhrence Territoriale SDIS : Service Dpartemental dIncendie et de Secours SE : Socit Europenne SHOB : Surface Hors duvre Brute SHON : Surface Hors duvre Nette

    SIDPC : Service Interministriel de Dfense et de Protection Civile SIG : Systmes dInformation Gographique SIRACEDPC : Service Interministriel Rgional des Affaires Civiles et Economiques de Dfense et de Protection

    Civile SMABTP : Socit Mutuelle dAssurance du Btiment et des Travaux Publics SMACL : Socit Mutuelle dAssurance des Collectivits Locales SNDD : Stratgie Nationale de Dveloppement Durable SPANC : Service Public dAssainissement Non Collectif SPPPI : Secrtariats Permanents pour la Prvention des Pollutions et des risques Industriels SPV : Special Purpose Vehicle SRC : Solvency Capital Requirement SRU : Solidarit et Renouvellement Urbain STIIIC : Services Technique Interdpartemental de lInspection des Installations Classes SYCODES : Systme de Collecte dInformation sur les Dsordres SYNAAMOB : SYndicat National des Architectes, des Agres et des Matres dOeuvre en Btiment

    T. Confl. : Tribunal des Conflits TGI : Tribunal de Grande Instance TRC : Tous Risques Chantier TRIA : Terrorism Risk Insurance Act UNICEM : Union Nationale des Industries des Carrires Et des Matriaux de construction UNSFA : Union Nationale des Syndicats Franais dArchitecture UNTEC : Union Nationale des Economistes de la construction et des Coordonnateurs VEFA : Vente en ltat Futur dAchvement ZAC : Zone dAmnagement Concert

  • 11

    SOMMAIRE REMERCIEMENTS ............................................................................................................. 13

    INTRODUCTION ................................................................................................................. 15

    PARTIE 1 : L'IMMEUBLE FACE AUX RISQUES ENDOGENES ............. 47

    TITRE 1 : LINDEMNISATION DES DOMMAGES ENDOGENES PAR LE REGIME D'ASSURANCE-

    CONSTRUCTION .......................................................................................................................... 49

    Chapitre 1 : Des risques immobiliers assums principalement par lassurance-construction ...... 49

    Chapitre 2 : Des outils indispensables au bon fonctionnement du rgime d'assurance-construction

    ............................................................................................................................................ 139

    TITRE 2 : LE DROIT DE LA VENTE AU SECOURS DE LASSURABILITE DES RISQUES ENDOGENES ........... 187

    Chapitre 1 : Une connaissance des risques comme consquence de lobligation dinformation . 187

    Chapitre 2 : Un transfert des risques gnr par lobligation dinformation ............................. 237

    PARTIE 2 : L'IMMEUBLE FACE AUX RISQUES EXOGENES .............. 307

    TITRE 1 : ETUDE COMPARATIVE DES RISQUES EXOGENES ASSOCIES A LEURS LEGISLATIONS APPLICABLES

    ................................................................................................................................................ 309

    Chapitre 1 : Une diversit des systmes d'indemnisation ........................................................... 309

    Chapitre 2 : Critiques des systmes dindemnisation ................................................................. 351

    TITRE 2 : UNE LIMITATION POSSIBLE DE LA SURVENANCE DES RISQUES EXOGENES PAR DES ACTIONS DE

    PREVENTION ............................................................................................................................ 409

    Chapitre 1 : Le droit de lurbanisme utilis comme moyen de prvention des risques ................ 409

    Chapitre 2 : La cration de nouveaux outils pour permettre la prvention des risques exognes 473

    CONCLUSION GENERALE ............................................................................................. 501

    BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................. 507

    INDEX ................................................................................................................................. 527

    TABLE DES MATIERES ................................................................................................... 535

  • 12

  • 13

    REMERCIEMENTS

    Je remercie particulirement Monsieur le Professeur Christophe GUETTIER pour

    avoir assur la direction de cette thse, suivi son laboration et permis sa

    ralisation.

    Mes remerciements aussi mes parents, qui mont apport leur soutien durant

    toutes ces annes.

  • 14

  • 15

    INTRODUCTION

    1. Si on se projette dans le pass, lindividu a toujours eu le souci de se protger. En effet,

    guid par son instinct naturel, il cherche avant tout dfendre sa personne, puis ensuite ses

    biens. Mais se protger de quoi ? Tout dabord de ses congnres qui peuvent devenir

    parfois des envahisseurs, puis des lments extrieurs, telle la rudesse du climat et autres

    vnements naturels.

    2. Au Moyen-ge, on a assist la construction par les seigneurs de demeures fortifies

    (chteaux forts) destines asseoir leur pouvoir souverain et assurer leur protection

    personnelle et celle de leurs vassaux contre lennemi envahisseur. Puis, avec la Rvolution

    franaise qui a aboli la fodalit, a disparu cette ide de demeure protectrice contre

    autrui . Au XVIIIe et XIX

    e sicle lhomme a construit de belles demeures en utilisant

    essentiellement des matriaux nobles (pierre, bois) avec un double objectif : le confort

    personnel et la protection dun climat parfois hostile. Au XXe sicle on a construit en

    masse ; on sest proccup moins de la beaut et de la qualit de lhabitat. La demande

    lgitime de la population est forte, la dmographie aidant on se lance dans un habitat plus

    collectif et donc moins individualis. Les mthodes de construction changent et des

    matriaux nouveaux apparaissent, lhabitat se transforme totalement. Au final, lhomme a su

    inventer et concevoir limmeuble daujourdhui. Nanmoins, il garde en mmoire cette

    notion de danger lencontre des lments extrieurs naturels.

    3. Pendant longtemps les catastrophes naturelles, manifestations des forces de la nature,

    reprsentaient le risque principal pouvant toucher limmeuble. Elles taient alors perues par

    l'homme comme des fatalits et acceptes comme telles, ce qui nest plus forcment le cas

    aujourdhui. Ces dernires dcennies, est apparu un risque nouveau et volutif : les

    catastrophes technologiques. Elles sont gnres par une plus grande diversification des

    services et des modes de production industrialiss. Mme si, les catastrophes naturelles

    causent des dgts matriels plus importants, lopinion publique reste davantage effraye par

    les consquences dun accident technologique (accident Seveso par exemple1). En effet,

    1 Le 10 juillet 1976 une usine chimique localise Seveso, prs de Milan en Italie explose, librant un nuage toxique.

  • 16

    nous avons tendance penser quil est plus ais de matriser une catastrophe dorigine

    naturelle car cest un phnomne rcurrent et ancien.

    Mais quels peuvent tre les facteurs lorigine dune telle volution ? Plusieurs raisons sont

    envisageables. D'une part, on constate un fort accroissement global de la population, ce qui

    contribue crer une forte concentration de personnes dans certaines rgions ou villes.

    Aussi lorsqu'une catastrophe survient, un plus grand nombre dindividus est alors touch.

    D'autre part, lurbanisation des zones les moins hospitalires est devenue courante du fait de

    laspiration grandissante de la population devenir propritaire et ce, malgr le manque de

    terrains constructibles (prs de la mer notamment). Ds lors, les zones dangereuses telles

    celles identifies comme marcageuses ou prs des lits de rivires ou fleuves sont parfois

    devenues habitables. Ce constat s'avre souvent identique pour les zones montagneuses

    exposes aux risques dboulements ou davalanches. Mais ces raisons ne sont pas les

    seules. Viennent s'ajouter en effet dautres critres plus personnels tenant aux personnes.

    Ainsi on assiste depuis quelques annes un changement rapide des mentalits notamment

    dans les pays industrialiss, accompagn dune notion permanente de progrs. Cela amne

    la population penser quil existe un autre moyen de se protger contre tout risque futur. Or,

    ce comportement peut se traduire par une sorte dinadaptation face son environnement,

    pensant que le progrs va venir sadapter son mode de vie et ainsi le protger. Hier, les

    inondations pouvaient tre considres comme un bienfait comme celles du Nil en gypte

    qui fertilisaient les rivages ; alors qu'aujourdhui, une inondation est perue par la

    population comme un vnement nfaste et injuste. Les mentalits changent donc au fil du

    temps.

    4. De nos jours, les particuliers restent trs attentifs ltat de leur patrimoine immobilier, ce

    dernier reprsentant un objectif de vie, un but atteindre. Dans les pays industrialiss, les

    besoins physiologiques et scuritaires tant satisfaits, la population recherche lestime des

    autres et lestime de soi. Laccession la proprit en est une composante marque. Cette

    thorie repose sur la pyramide des besoins labore par le psychologue Abraham MASLOW

    en 19432. Au fil des annes, la population sest enrichie et a souhait acqurir de nouveaux

    biens. La longvit de la vie stant accrue, la population souhaite dsormais profiter dune

    2 Thorie de la pyramide des besoins dveloppe par un psychologue M. Abraham MASLOW reposant sur la

    motivation. Cette pyramide repose sur cinq niveaux : physiologique, scurit, amour et appartenance, estime des

    autres et de soi et accomplissement personnel. A. MASLOW, A theory of Human Motivation, 1943.

  • 17

    meilleure qualit de vie en devenant propritaire.

    5. Ainsi depuis quelques annes, on constate une forte croissance du secteur de la construction.

    Pour lanne 2007, cette augmentation dactivit a mme atteint les 4.2 % avec un chiffre

    d'affaires global de 201.2 milliards d'euros dont 140.8 milliards pour le btiment et 60.4

    milliards pour les travaux publics3. Cela peut notamment sexpliquer par une demande

    importante de logements sociaux favorise par la loi SRU4 et le nombre croissant

    daccdants la proprit. Pour la seule anne 2007, 427 000 logements ont t construits en

    France.

    Pourtant, lacte de construire nest pas un acte banal, il savre complexe du fait du nombre

    considrable dintervenants en prsence et par son cot financier qui est souvent une lourde

    charge pour les familles contractantes. La construction dun immeuble passe dabord par la

    dcision du matre douvrage propritaire, qui peut tre un particulier, une socit civile

    immobilire, un promoteur ou un constructeur non ralisateur5. Ensuite, intervient la

    catgorie des concepteurs composs darchitectes, de matres duvre, de bureaux dtudes

    techniques ou encore dingnieurs conseils. Interviennent enfin les ralisateurs composs

    notamment dentreprises du btiment ou dartisans. Ne rentrent donc dans aucune de ces

    catgories les contrleurs techniques qui ont un rle important jouer notamment dans le

    choix des matires premires et les fabricants ou ngociants de matriaux.

    6. La phase dacquisition termine, le propritaire souhaite naturellement le protger par la

    souscription dun contrat d'assurance. Ainsi, en assurant son bien immobilier, on prend

    indirectement une garantie sur un lment de son actif patrimonial, au cas o un vnement

    dommageable surviendrait. Pour des raisons historiques en France, lorsquon souscrit une

    assurance elle porte gnralement sur la personne, exception faite de lassurance dommages-

    3 Source : Ministre de l'conomie, de l'nergie, du dveloppement durable et de l'amnagement du territoire.

    Plaquette de septembre 2008 Grands agrgats conomiques de la construction chiffres de 2007. Disponible sur :

    http : www.btp.equipement.gouv.fr

    4 Loi n 2000-1208 du 13 dcembre 2000 relative la solidarit et au renouvellement urbains, JORF n 289 du 14

    dcembre 2000, p. 19777.

    5 Le constructeur non ralisateur fait construire des ouvrages pour autrui (par exemple le lotisseur-amnageur) ou en

    vue de les vendre. On peut citer dans cette catgorie le marchand de biens.

    http://www.btp.equipement.gouv.fr/

  • 18

    ouvrage. Cette assurance est une spcificit franaise6, puisque attache l'immeuble, elle

    est transmissible aux propritaires successifs.

    7. Pour bien comprendre les contours de notre sujet, il est ncessaire de raliser une

    prsentation de trois notions bien distinctes que sont : limmeuble (A), les risques qui le

    concernent (B), et le mcanisme de lassurance aux biens (C).

    A/ LA NOTION D'IMMEUBLE

    8. Larticle 516 du code civil dispose que tous les biens sont meubles ou immeubles . Cette

    distinction date du dbut du XIXe sicle. Il existe de nombreuses diffrences de traitement

    entre les deux rgimes aussi bien concernant la publicit, les srets que la possession. Le

    fonctionnement cadastral repose par exemple sur la distinction entre ces deux notions. En

    matire de possession, alors quelle est immdiate pour les biens meubles, elle est beaucoup

    plus longue pour les biens immeubles. Cette dernire notion a t dfinie par larticle 2 II

    alina 1 dune loi du 17 juin 2008 portant rforme de la prescription en matire civile7. Avec

    cette loi, le lgislateur souhaite rduire le nombre et la dure des dlais relatifs la

    prescription pour les rendre plus lisibles. La prescription acquisitive est un moyen

    dacqurir un bien ou un droit par leffet de la possession sans que celui qui lallgue soit

    oblig den rapporter un titre ou quon puisse lui opposer lexception dduite de la mauvaise

    foi . Lalina 7 de ce mme article dispose que le dlai de prescription requis pour

    acqurir la proprit immobilire est de trente ans. Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi

    et par juste titre un immeuble en prescrit la proprit par dix ans . Cette distinction est donc

    fondamentale pour la suite des dveloppements. Un immeuble dsigne et qualifie un bien

    qui ne peut normalement pas tre dplac et dissimul par opposition aux biens meubles8.

    6 Notons qu titre de comparaison aux tats-Unis, socit de consommation, limmeuble est un consommable et

    lassurance porte sur le bien.

    7 Loi n 2008-561 du 17 juin 2008 portant rforme de la prescription en matire civile, JORF n 0141 du 18 juin

    2008, p. 9856. V. : C. BIGUENET-MAUREL, Rforme de la prescription civile, Dossiers pratiques Francis

    Lefebvre, p. 106 ; C. CHARBONNEAU, Incidences de la rforme de la prescription civile en matire de

    construction, Const. Urb. 2008, tude 13 ; Rforme de la prescription : trois petits tours au Parlement et quelques

    questions, JCPE 2008, 2289, note L. LEVENEUR ; N. FRICERO, La prescription extinctive un an aprs la loi n

    2008-561 du 17 juin 2008 : ce quil faut savoir !, Revue mensuelle lexisnexis jurisclasseur, juillet 2009, p. 6. 8 Cette dfinition est donne par le dictionnaire gnral du btiment. J. DE VIGAN, Dicobat, dition arcature, 2me

    dition, 1996.

  • 19

    9. Trois catgories dimmeubles ont t distingues par le lgislateur. Un bien peut tre

    qualifi dimmeuble en raison soit de sa nature, soit de sa destination, soit par anticipation9.

    Larticle 518 du code civil dispose que les fonds de terre et les btiments sont immeubles

    par leur nature . Ce critre est constitu par une attache matrielle au sol. Un seul droit

    sattache cet immeuble, cest le droit de proprit.

    Larticle 524 du code civil prcise quil existe aussi les immeubles par destination. Les

    animaux et les objets que le propritaire d'un fonds y a placs pour le service et

    l'exploitation de ce fonds sont immeubles par destination. () Sont aussi immeubles par

    destination tous effets mobiliers que le propritaire a attachs au fonds perptuelle

    demeure . Ces immeubles sont des biens meubles par nature, mais le lgislateur les

    considre comme des immeubles puisquils sont rattachs laccessoire dun fonds. Deux

    catgories distinctes dimmeubles par destination peuvent donc tre dfinies. Il existe dans

    un premier temps, les meubles affects lexploitation dun fonds comme les machines

    outil, utilises pour l'exploitation d'une usine par exemple. Dans un second temps, il existe

    aussi les meubles attachs perptuelle demeure. Larticle 525 du code civil prcise cette

    catgorie dimmeuble. Le propritaire est cens avoir attach son fonds des effets

    mobiliers perptuelle demeure, quand ils y sont scells en pltre ou chaux ou ciment,

    ou, lorsqu'ils ne peuvent tre dtachs sans tre fracturs ou dtriors, ou sans briser ou

    dtriorer la partie du fonds laquelle ils sont attachs . Lalina 1 de ce mme article

    donne lexemple dune glace qui se trouve dans un appartement. Une glace est considre

    comme un immeuble perptuelle demeure lorsquelle est rattache des boiseries, car si

    on dsire lenlever on risque de dtriorer le bien immeuble. Pour oprer cette distinction, il

    convient au pralable de connatre la volont des parties pour viter tout contentieux

    ultrieur. Considrer un immeuble par destination emporte deux consquences. Si

    limmeuble est mis en vente par la suite, il faudra discuter du sort des objets fixs au mur.

    La seconde consquence est de dterminer quels seront les effets juridiques de ce bien. Un

    bien sera qualifi dimmeuble par destination lorsque quatre conditions seront runies. Il

    faut tout dabord que le bien en question puisse tre qualifi de bien meuble par nature. Puis,

    il savre ncessaire que ce bien puisse tre rattach un immeuble par nature. La troisime

    condition respecter concerne le propritaire qui doit tre le mme pour les deux biens.

    Enfin, la dernire condition rside dans le fait que le meuble soit uni limmeuble et quil

    en accroisse, amliore les possibilits dutilisation. La jurisprudence tient souvent compte du

    9 Ces trois lments sont dfinis par larticle 517 du code civil.

  • 20

    critre de lintention du propritaire pour qualifier le bien dimmeuble par destination.

    La dernire catgorie dimmeuble prvue par l'article 526 du code civil concerne les

    immeubles par anticipation. Sont immeubles, par l'objet auquel ils s'appliquent : l'usufruit

    des choses immobilires, les servitudes ou services fonciers, les actions qui tendent

    revendiquer un immeuble . Il sagit de biens meubles lis matriellement ou

    fonctionnellement un immeuble. Ce sont les accessoires dun bien principal immeuble.

    10. La proprit est le fait, pour une personne physique ou morale, de possder un bien (un

    immeuble par exemple) et de pouvoir en jouir. Le droit de proprit se caractrise par trois

    lments : labsolutisme, lexclusivit et limprescriptibilit. Il peut tre dfini par trois

    attributs : lusus qui est le droit dutilisation du bien, le fructus qui est compos des fruits et

    des produits et enfin labusus qui est le droit de disposer de sa proprit. La possession

    suppose galement la runion de deux lments : un critre matriel, le corpus et un critre

    psychologique et individuel, lanimus. Le corpus permet dexercer des actes matriels sur le

    bien, on en retire les fruits, alors que lanimus est une intention dexercer un droit sur son

    bien.

    Le droit de proprit est trs protg en France. Larticle 17 de la Dclaration des Droits de

    l'Homme et du Citoyen du 26 aot 1789 prcise que la proprit est un droit inviolable et

    sacr, nul ne peut en tre priv, si ce nest lorsque la ncessit publique, lgalement

    constate, lexige videmment, et sous condition dune juste et pralable indemnit . Le

    rgime juridique du droit de proprit se retrouve dans larticle 544 du code civil. La

    proprit est le droit de jouir et de disposer des choses de la manire la plus absolue, pourvu

    quon nen fasse pas un usage prohib par la loi ou par les rglements . Une dcision du

    Conseil constitutionnel du 16 janvier 198210

    considre que cest un principe valeur

    constitutionnelle. Le droit de proprit est un droit fondamental mais il nest pas absolu. En

    effet, il est possible de procder une expropriation lorsque la survenance dun risque

    reprsente un danger imminent pour la vie humaine.

    11. Les dfinitions lgislatives tant prcises, on peut dsormais citer quelques exemples

    10 Cons. Const., dc. n 82-132 DC du 16 janvier 1982 portant sur la loi de nationalisation, Rec. Cons. Const., p. 299.

    Cette position a t confirme par la suite notamment dans une dcision de 2000. Cons. Const., dc. n 2000-434

    DC du 20 juillet 2000, Loi relative la chasse, JO 27 juillet 2000, p. 1150.

  • 21

    dimmeubles qui peuvent tre de diffrentes natures. Ils peuvent tre destination

    dhabitation ou destination conomique. Un logement est un local destin lhabitation. Il

    peut tre individuel lorsquil ne comprend quun seul logement ou collectif lorsquil en

    comprend plus dun. Mais le bien immobilier peut galement tre destination conomique.

    On peut alors citer comme exemple : les commerces, les exploitations agricoles ou encore

    les entreprises.

    12. Par ailleurs, les personnes prives comme les personnes publiques peuvent tre propritaire

    d'un patrimoine immobilier. Cependant, la distinction entre domaine public11

    et domaine

    priv n'est pas aussi simple oprer dans les faits. En effet, pour le professeur Christophe

    GUETTIER12

    , les biens des personnes publiques peuvent faire partie du domaine public

    comme du domaine priv d'une collectivit (tat, rgions, dpartements, communes,

    collectivits d'outre-mer) ou d'un tablissement public (qu'il soit de nature administrative ou

    industrielle et commerciale) . Nanmoins, larticle L. 2111-1 du code gnral de la

    proprit des personnes publiques prcise que sous rserves des dispositions lgislatives

    spciales, le domaine public d'une personne publique (...) est constitu des biens lui

    appartenant qui sont soit affects l'usage direct du public, soit affects un service public

    pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un amnagement indispensable l'excution des

    missions de ce service public .

    Les personnes publiques peuvent en gnral devenir propritaire d'un immeuble soit titre

    gratuit (dons13

    , legs14

    ) soit titre onreux. Pour le professeur Christophe GUETTIER15

    , elles

    peuvent alors acqurir des biens privs par deux procds de droit priv : l'achat16

    et

    11

    V. notamment l'article : C. LAVIALLE, Remarques sur la dfinition lgislative du domaine public, RFDA 2008, p.

    491.

    12 C. GUETTIER, Droit administratif des biens, PUF, coll. Thmis droit, 2008, p. 29.

    13 Le don est la transmission d'un droit ou d'un bien.

    14 Le legs est une gratification testamentaire qui, en gnral, porte drogation aux rgles lgales de la dvolution

    successorale . V. Droit administratif des biens, prc. p. 54.

    15 V. sur les modes d'acquisition des collectivits publiques et des tablissements publics, v. Droit administratif des

    biens, prc. p. 31.

    16 L'achat est une opration commerciale qui consiste acheter des biens ou des droits. Il reprsente l'acquisition

    d'un bien en change du rglement comptant ou terme du cot correspondant . V. Droit administratif des biens,

    prc. p. 33.

  • 22

    l'change17

    . Mais elles peuvent galement acqurir des biens suivant des modes spcifiques

    de droit public : l'expropriation18

    et le droit de premption19

    .

    13. On comprend donc aprs ces dveloppements que la notion dimmeuble est un terme

    gnrique qui englobe des biens de diffrentes natures. Ds lors, pour bien apprhender les

    contours de notre tude il convient ds prsent de dfinir des termes similaires ce

    concept avec les notions de btiment et douvrage.

    14. La loi ne dfinit pas de manire prcise ces deux notions. Alors que celle du btiment

    renvoie lassurance dommages-ouvrage20

    , celle de louvrage fait rfrence la

    responsabilit civile dcennale21

    . Larticle L. 243-9 du code des assurances dispose que sont

    considrs comme des travaux de btiment, au sens des articles L. 241-1 et L. 242-1 du

    code des assurances, les travaux relatifs un ouvrage immobilier destin, titre principal,

    tre occup par des personnes ou contenir des biens ainsi que ses annexes . Peuvent donc

    rentrer dans cette catgorie les ouvrages accessoires un ensemble immobilier raliss dans

    le cadre dune opration unique. Les juges du fond recherchent en gnral si les techniques

    de btiment ont t utilises pour qualifier ou non une construction de btiment. Peuvent

    ce titre tre considrs comme un btiment les piscines dcouvertes22

    ou un mur de

    17 L'article 1702 du code civil dispose que l'change est un contrat par lequel les parties se donnent respectivement

    une chose pour autre . V. l'article : Ph. YOLKA, Personnes publiques et contrat d'change, RDP 2008, p. 489.

    18 Le code de lexpropriation ne prvoit pas de dfinition prcise de ce terme mais juste les modalits pratiques.

    Nanmoins, on peut en trouver une dans une dcision du Conseil d'tat du 27 novembre 1970. L'expropriation

    pour cause d'utilit publique est une opration par laquelle un particulier est contraint de cder la proprit d'un

    immeuble dans un but d'utilit publique et moyennant une juste et pralable indemnit . C.E., 6me et 3me sous-

    sections runies, 27 novembre 1970, Bizire, n 76128, Lebon, p. 1050. V. galement : C.E., 10me

    et 2me

    sous-

    sections runies, 8 aot 1990, Ministre de l'Urbanisme, du Logement et des Transports c/ Ville de Paris, n 66644,

    Lebon, p. 247. 19 Article L. 142-3 alina 3 du code de l'urbanisme : Le dpartement dispose d'un droit de premption sur tout terrain

    ou ensemble de droits sociaux donnant vocation l'attribution en proprit ou en jouissance de terrains qui font

    l'objet d'une alination, titre onreux, sous quelque forme que ce soit . V. galement sur le sujet : C. SAINT-

    ALARY-HOUIN, Le droit de premption, prf. P. RAYNAUD, LGDJ 1979.

    20 Lassurance dommages-ouvrage a pour but de garantir, en dehors de toute recherche de responsabilit, le paiement

    des travaux de rparation des dommages subis.

    21 La responsabilit civile dcennale couvre tous les dommages graves qui compromettent la solidit de louvrage ou le

    rendent impropre sa destination. 22 V. en ce sens : C.Cass, 3me civ, 12 dcembre 2001, n 00-12527, non publi au Bull civ.

  • 23

    soutnement23

    . Au fil du temps, cette notion a donc fait lobjet dune interprtation trs

    extensive de la part des juges du fond, posant ainsi des difficults dinterprtation aux

    assureurs.

    En effet, la loi du 4 janvier 197824

    a prvu que lassurance dommages-ouvrage nest

    obligatoire que pour la ralisation des travaux de btiment. Ds lors pour mettre fin cette

    drive, qui n'tait pas dans l'esprit du lgislateur, lordonnance du 8 juin 200525

    a introduit

    une liste douvrages non soumis lobligation dassurance prvue par larticle L. 243-1-1 I

    du code des assurances. Dsormais, la situation est donc plus claire pour lensemble des

    acteurs.

    A linverse, le terme douvrage est souvent utilis par le juge du fond en matire dassurance

    de responsabilit civile dcennale. Au fil des annes, deux approches diffrentes de cette

    notion sont apparues : lune tendant le morceler, lautre tendant le globaliser. En effet, la

    loi distingue deux parties dans louvrage. Dune part, nous avons les lments constitutifs de

    louvrage qui concernent la viabilit, les fondations, lossature, le clos et le couvert. Dautre

    part, nous avons les lments dquipements de louvrage qui concernent plus le confort du

    rsident. Cette distinction savre essentielle puisque chaque partie de louvrage est rgie par

    un systme juridique diffrent.

    15. Une indemnisation savre possible au sens de larticle 179226 du code civil lorsque les

    dommages changent la solidit ou la destination du bien. Dans ce cas prcis, on traite alors

    de limmeuble dans sa globalit. Dans les autres cas, les juges du fond doivent relever

    lexistence ou non dun dommage au sens de larticle 1792 de ce mme code. Dans la loi du

    4 janvier 1978 prcite, il tait prcis que les ouvrages dont la ralisation a contribu

    assurer linfrastructure, le clos, le couvert () relevaient de la responsabilit dcennale.

    23 V. en ce sens : C.Cass, 1me civ, 26 fvrier 2001, n 89-11563, Bull civ. I, n 75, p. 49.

    24 Loi n 78-12 du 4 janvier 1978 relative la responsabilit et l'assurance dans le domaine de la construction dite

    loi Spinetta , JORF du 5 janvier 1978, p. 188.

    25 Ordonnance n 2005-658 du 8 juin 2005 portant modification de diverses dispositions relatives lobligation

    dassurance dans le domaine de la construction et aux gomtres-experts, JORF n 133 du 9 juin 2005, p. 10094.

    26 En effet, larticle 1792 du code civil dispose que Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit,

    envers le matre ou l'acqureur de l'ouvrage, des dommages, mme rsultant d'un vice du sol, qui compromettent la

    solidit de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses lments constitutifs ou l'un de ses lments d'quipement, le rendent impropre sa destination. Une telle responsabilit n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages

    proviennent d'une cause trangre . Cet article fait donc rfrence la construction dun ouvrage.

  • 24

    Cette dfinition trs vague laissait donc une large place au pouvoir dapprciation des juges

    du fond.

    Le caractre immobilier est rest longtemps lun des critres indispensables pour permettre

    la victime d'obtenir une indemnisation. Cest ainsi que lon a considr quun bungalow27

    tait un ouvrage et quil faisait lobjet dune indemnisation de la part de lassureur

    dommages-ouvrage.

    La notion dimmeuble tant dsormais dfinie, il convient prsent de sintresser au

    concept de risque.

    B/ LE CONCEPT DE RISQUE

    16. Pour le professeur de sociologie David LE BRETON28 le concept de risque est polysmique

    puisquil fait rfrence la philosophie, lconomie, la sociologie ou encore au droit.

    Dans le dictionnaire Le Petit Robert, ce concept est dfini comme un danger plus ou moins

    ventuel, plus ou moins prvisible inhrent une situation ou une activit .

    Aprs ces quelques remarques pralables, on comprend quil est difficile de donner une

    dfinition prcise de ce concept abstrait. Chaque personne peut en avoir une perception

    diffrente ; le terme de risque est donc sibyllin.

    17. Ce terme est pourtant prsent et employ dans toutes les langues europennes. En anglais,

    cest le terme risk, en italien on dit richio et en espagnol riza. Par contre, lorigine de ce mot

    nest pas connue de manire exacte. Gnralement, on considre que ce mot vient du latin

    rixare signifiant se quereller ou resecare se retrancher, se supprimer29

    , du grec rhizikon30

    ou

    encore de larabe risk. Selon le juriste Henri CAPITANT31

    : cest une ventualit dun

    27 C. Cass, 3me civ, 28 janvier 2003, n 01-13358, non publi au Bull civ.

    28 D. LE BRETON, La socialisation du risque, PUF, coll. Que sais-je ? 1995, p. 3.

    29 Thse dfendue notamment par Monsieur Pierre GUIRAUD. V. P. GUIRAUD, Dictionnaire des tymologies

    obscures, coll. PAYOT GD FORMAT, 3me dition, 2006.

    30 Position dfendue par Monsieur C. DU CANGE dans son glossaire. V. C. DU CANGE, Glossarium ad scriptores

    media et infimae graecitatis, Paris, 1re version en 1688, rdit en 1943.

    31 H. CAPITANT, Vocabulaire juridique, PUF, 1936. La dernire dition de cet ouvrage a t ralise par G. CORNU

    en 2007.

  • 25

    vnement futur, incertain ou dun terme indtermin, ne dpendant pas exclusivement de la

    volont des parties et pouvant causer la perte dun objet ou tout autre dommage .

    18. Aujourdhui encore, la notion de risque peut tre dfinie de diffrente manire puisque

    chacun a sa propre perception du risque. Une tude ralise en octobre 200432

    tend

    dmontrer que cette perception dpend de lge de la personne, de son sexe et surtout de sa

    culture et de son niveau dducation. En gnral, la population juge les risques de manire

    beaucoup plus subjective. Elle fait moins confiance aux autorits par peur que des lments

    importants soient dissimuls. Prs de 40 % des personnes interroges dans le cadre de

    ltude, dclarent que les inondations sont un risque jug comme lev. Le radon33

    et les

    centrales nuclaires sont galement ressentis comme des risques importants, car ce sont des

    risques collectifs que les personnes subissent sans en avoir parfaitement conscience. Pour le

    particulier le risque est donc quelque chose de catastrophique, d'injuste, qui lui arrive en tant

    quindividu. Il a une approche affective, subjective de cette notion.

    Les techniciens ont une vision beaucoup plus pratique, objective qui repose sur des donnes

    prcises comme les probabilits de survenance. De mme, les conomistes ont une vision

    plus pragmatique du risque par rapport au cot financier quil reprsente pour notre socit.

    Il ressort galement de ltude, que les individus diplms ont moins dinquitude face aux

    risques. Plus le niveau dtudes est lev et moins ils se sentent en danger, car ils ont

    limpression davoir une bonne connaissance de ceux-ci.

    Les risques industriels sont des risques rsultant de la modernit, de la forte technicit de nos

    socits. Ces risques sont collectifs et imposs la population sans quelle puisse intervenir.

    Du ct des risques individuels, comme les inondations et le terrorisme par exemple, la

    population a limpression de les subir sans pouvoir agir. Daprs ltude prcite, le risque

    terroriste se dmarque au sens o les experts montrent la mme inquitude que le public.

    Pour les risques mergents comme le radon, ce sont des risques peu connus du grand public,

    parfois mal identifis par les professionnels ; cest pourquoi on peut relever une certaine

    mfiance de la part du public.

    32 Etude appele PERPLEX (Perception des Risques par le Public et les Experts) initie dans le cadre de lobservatoire

    de lopinion sur les risques et la scurit anime par lIRNS, lINERIS, lINRA. Cette tude a t ralise partir

    doctobre 2004 sur 2000 personnes sur le thme : Experts et grand public : Quelles perceptions face au risque ?

    Disponible sur : http://www.ecologie.gouv.fr/Resultats-de-l-etude-Perception.html ?var_mode=ca 33 Le radon est un gaz rare, radioactif et d'origine naturelle.

  • 26

    Finalement, le classement des risques par le public et par les institutionnels est assez proche,

    mme si le public ne dispose pas des connaissances scientifiques pour valuer ces risques de

    manire objective. Ds lors pour faire face au risque non contrlable, le gographe A. S.

    BAILLY34

    distingue quatre grands types de comportements : la ngation du risque,

    lacceptation passive, la volont de prendre des mesures et la fuite. Cela montre que nous

    ragissons tous de manire trs diffrente face aux risques.

    19. La notion de risque est pourtant en pleine expansion et se retrouve dans de nombreux

    domaines (risques environnementaux notamment). Alors que certains risques sont

    probabilisables et peuvent faire lobjet de calculs statistiques, dautres ne le sont pas comme

    les risques environnementaux. Or, pour les hommes politiques, le risque doit tre calculable,

    valuable pour connatre de manire prcise les consquences dun tel phnomne. Au

    contraire pour lassureur, si lvnement est connu et se ralise rgulirement, il nest ds

    lors plus assurable, car il ny a plus dala.

    De plus, certains risques ne sont pas accepts socialement comme les risques naturels avec

    en particulier le risque inondation. Notons nanmoins que les risques naturels sont mieux

    connus de la population, puisquils sont tudis lors de notre parcours scolaire. A linverse,

    les risques technologiques ont une frquence moindre mais avec des rpercussions

    importantes sur des chelles plus ou moins grandes tant au niveau national qu'au niveau

    europen et international. Ainsi, on se souvient des noms des principales catastrophes

    technologiques survenues en Europe (Seveso35

    , Tchernobyl36

    , AZF37

    ).

    20. Pourtant, le concept de risque nest pas dfini par le code civil. On se satisfait donc dune

    dfinition qui nest pas trs prcise, mais qui permet de rpondre aux besoins de souplesse

    quimpose la pratique. Pour tre qualifi de risque cet vnement doit revtir trois

    attributs : tre dommageable, futur et ventuel, autrement dit alatoire. Le sens de ces trois

    critres gnraux varie en degrs sur leur propre chelle dintensit, au fil des applications

    34 A-S. BAILLY, Risques naturels, risques de socit, Economica, 1999, p. 3.

    35 Le 10 juillet 1976, une usine chimique localise Seveso, prs de Milan, explose librant alors un nuage de dioxine.

    36 La catastrophe de Tchernobyl est un accident nuclaire qui s'est produit le 26 avril 1986 en Ukraine. 37 La catastrophe de l'usine AZF Toulouse s'est produite le 21 septembre 2001.

  • 27

    de la notion de risque en droit civil. Lvnement peut tre plus ou moins dommageable,

    plus ou moins futur ou au moins ventuel 38

    . Le risque est donc un phnomne, une

    construction sociale. La perception que les acteurs ont dun danger pour eux-mmes, les

    autres et leurs biens contribue construire le risque qui ne relve pas uniquement de faits ou

    de processus objectifs 39

    . Cette notion de risque peut donc voluer dun pays lautre.

    Cest pourquoi il peut tre difficile de crer une norme, une loi commune au niveau dune

    zone gographique (Europe par exemple).

    21. On ne peut pas faire disparatre le risque ni le dtruire. On doit chercher sadapter son

    environnement et attnuer les consquences de sa survenance, car le risque zro nexiste pas.

    Il faut au contraire en prendre conscience et sen prmunir en faisant confiance la

    communaut scientifique pour les identifier et rechercher des solutions adaptes. Les risques

    sont gnralement la rsultante de lactivit humaine. Le progrs scientifique a des

    avantages, mais aussi des inconvnients puisquil contribue la cration de nouveaux

    risques que lon navait pas forcment identifis par avance. On doit donc lapprhender de

    manire active en proposant des solutions pour le grer (cration dune digue par exemple).

    22. On peut galement avoir une approche sociologique du concept de risque. Plusieurs auteurs

    ont t la base de cette rflexion. Nanmoins, lallemand Ulrich BECK40

    a t lun des

    prcurseurs et reste lun des plus connus puisque son ouvrage sur les risques a t traduit

    dans de nombreux pays. Dabord publi en Allemagne en 1986, en Grande-Bretagne en

    1992 et plus rcemment en 2001 en France. Aujourdhui, on considre ce livre comme la

    base dune sociologie du risque actuellement en plein essor dans les socits modernes.

    Pourtant, le but de ce livre tait tout autre, puisquil sintressait aux transformations de la

    socit avec un regard particulier sur le dveloppement de lindustrie. Sa thorie repose sur

    lide que nous sommes passs dune socit industrielle avec comme principal objectif la

    rpartition des richesses, une socit qui a comme problme central la rpartition des

    risques. Pour lui, le risque est devenu un lment constitutif de la socit, il permet de crer

    38 N. VOIDEY, Le risque en droit civil, Les Presses universitaires Aix-Marseille, 2005.

    39 F. BOST, L. CAMBREZY et Y. VEYRET, Les risques, coll. Dossiers des images conomiques du Monde, Sedes,

    2004. 40 U. BECK, La socit du risque-Sur la voie dune autre modernit, Flammarion coll. champs, 2me dition, 2003.

  • 28

    des richesses, car des mtiers se dveloppent autour de sa gestion. Plus que la lutte des

    classes et la rpartition des richesses, cest lattitude face au risque, comment le rpartir, le

    grer et lviter, qui dtermine aujourdhui les processus politiques et sociaux .

    23. Selon le professeur en gographie Andr DAUPHINE41 le risque, produit dun ala

    complexe par une vulnrabilit analytique ou synthtique, est ainsi une notion gnrale mal

    dfinie . Pourtant, malgr labsence dune dfinition prcise, lintrt port aux risques et

    aux catastrophes ne cesse de crotre.

    Le risque nat dune croyance que nous avons du danger. Les origines peuvent tre de

    multiples natures ; cest-ce que lon appelle communment lala. Malgr son apparente

    simplicit, le concept dala est plus complexe quil ny parat. Lala est en effet fonction

    de lintensit du phnomne, de son occurrence, mais aussi de la dure considre et de

    lespace pris en compte 42

    .

    Plusieurs dfinitions de lala peuvent donc tre proposes. Lala est un vnement

    potentiellement dangereux qui permet de qualifier un risque de majeur lorsque des

    enjeux humains, conomiques, environnementaux peuvent tre touchs. Soit la vulnrabilit

    est dfinie par rapport ses rpercussions sur les biens, les personnes et son environnement

    conomique, soit dans une dfinition plus extensive on sintresse la vulnrabilit des

    socits. On se concentre sur la capacit ragir face un risque quel quil soit. Selon

    Andr DAUPHINE cette seconde vulnrabilit traduit la fragilit dun systme dans son

    ensemble, et de manire indirecte sa capacit surmonter la crise provoque par un ala.

    Plus un systme est apte se rtablir aprs une catastrophe, moins il est vulnrable . Si on

    veut rduire la vulnrabilit dun territoire, il est donc fondamental de protger limmeuble

    ou dagir par le biais du foncier. On peut soit supprimer les occupations sur des zones juges

    comme trop risques, soit on peut limiter les constructions futures sur certaines zones

    identifies.

    Le professeur Jocelyne DUBOIS-MAURY43

    donne une dfinition beaucoup plus prcise de

    41 A. DAUPHINE, Risques et catastrophes. Observer, spatialiser, comprendre, grer, Armand Colin coll. U-

    Gographie Paris, 2003 (rdition).

    42 Extrait p.16 de louvrage Risques et catastrophes. Observer, spatialiser, comprendre, grer prc.

    43 J. DUBOIS-MAURY, Problmes politiques et sociaux : les risques naturels et technologiques, La Documentation

    franaise n 908, 2005, p. 5.

  • 29

    cette notion. La causalit dun vnement rside dans lala, qui est d, soit au

    dclenchement dun phnomne naturel dune exceptionnelle gravit (sisme, cyclone,

    tempte ou scheresse) soit un important dysfonctionnement affectant un systme

    technique et pour lequel un dfaut de vigilance humaine nest jamais exclure. (...) Quant

    la vulnrabilit, elle se dfinit comme la mesure des consquences prvisibles dun

    phnomne : montant des dgts matriels et cest la vulnrabilit du site, de son voisinage,

    de son environnement qui dtermine la potentialit du danger effectif .

    24. Les risques sont en gnral classs en trois catgories : les risques intolrables, ceux dont les

    consquences doivent tre limites autant que possible et ceux qui sont acceptables, soit

    parce que la probabilit quils arrivent est ngligeable, soit parce que les consquences sont

    peu significatives. Le risque acceptable est la valeur dun risque rsultant dune dcision

    explicite tablie de faon objective par comparaison avec des risques connus et admis,

    naturels ou technologiques dans certaines branches dactivits 44

    . Le risque est inacceptable

    lorsque le risque initial ou rsiduel dfini par sa probabilit, sa gravit ou son esprance

    mathmatique ne peut tre justifi dans le cadre du droulement courant de lactivit

    donne. Il pourra tre nanmoins tolr ou considr comme accept dans des circonstances

    exceptionnelles45

    .

    25. La notion de risque majeur est apparue en France en 1981 avec la cration du

    commissariat ltude et la prvention des risques naturels majeurs. Mais, la conscration

    lgale n'est intervenue qu'avec la loi du 13 juillet 198246

    relative aux catastrophes naturelles.

    Deux critres sont ncessaires pour qualifier un risque de majeur. Il faut quil y ait une faible

    frquence de la catastrophe et que cela dpasse un seuil donn de gravit. Les dommages

    aux immeubles doivent tre ds lors trs importants. On peut donc dire quun sisme en

    plein dsert nest pas un risque majeur, car les consquences du sinistre ne seront que trs

    limites.

    44 A. DESROCHES, A. LEROY et F. VALLEE, La gestion des risques, principe et pratiques, Lavoisier coll.

    Management et informatique, 2me dition, 2007, p. 46.

    45 Le risque daccident de la route est par exemple un risque tolr par la population.

    46 Loi n 82-600 du 13 juillet 1982 relative lindemnisation des victimes de catastrophes naturelles, JORF du 14

    juillet 1982, p. 2242.

  • 30

    La notion dala technologique est encore plus rcente puisqu'elle est apparue avec la loi du

    30 juillet 200347

    . Cette expression dsigne la probabilit quun phnomne dangereux se

    produise. En gnral, le risque industriel trouve son origine dans deux sources : les

    industries chimiques (produits agroalimentaires ou produits pharmaceutiques par exemple)

    et les industries ptrochimiques (produits drivs du ptrole). Les effets de ce risque majeur

    sont de trois types : des effets thermiques (lis la combustion dun produit inflammable ou

    dune explosion), des effets mcaniques (provenant dune onde de choc comme une

    dflagration, une dtonation) et des effets toxiques (lis linhalation dune substance

    chimique).

    26. Les risques peuvent tre dus des causes naturelles, mais peuvent galement rsulter

    dactivits humaines. Cela peut provenir des nouvelles technologies, des risques atomiques

    ou encore du comportement des hommes (violences urbaines, malveillance ou terrorisme).

    On peut rpertorier huit catgories diffrentes de risques naturels sur le territoire national :

    les inondations, les temptes, les mouvements de terrain, les sismes, les ruptions

    volcaniques, les avalanches, les cyclones et les feux de fort. Pour le gographe Grgory

    MONTEIL la France est soumise deux catgories dvnements naturels, les uns dorigine

    gologique (mouvements de terrain, sismes, volcanisme), les autres dorigine

    mtorologique (temptes, cyclones, prcipitations violentes).

    Quant aux risques technologiques, ils peuvent tre classs en quatre catgories : le risque

    nuclaire, le risque industriel, le risque de transport de matires dangereuses et le risque de

    rupture de barrage. Ces deux derniers ne touchent pas directement limmeuble lui-mme,

    cest pourquoi nous les exclurons de notre champ dtude.

    27. Comme nous venons de le voir, la notion de risque volue donc dans le temps, puisque la

    perception que nous en avons se modifie constamment. Lurbanisation massive de ces

    dernires annes est une cause non ngligeable laugmentation des risques sur les

    immeubles. Il en est de mme pour lutilisation de nouveaux procds et de matriaux

    rcents qui entranent des risques sriels.

    47 Loi n 2003-699 du 30 juillet 2003 relative la prvention de risques technologiques et naturels et la rparation

    des dommages, JORF n 175 du 31 juillet 2003, p. 13021.

  • 31

    Pour le professeur Yvette VEYRET48

    , le succs vident du terme et de son contenu sest

    manifest notamment dans les pays riches paralllement laugmentation du niveau de vie.

    Ce qui est aujourdhui considr comme des risques ne ltait pas dans le pass. La

    scheresse, les inondations taient alors perues comme des signes de damnation. Dsormais

    dans nos socits, le risque est partout, un sentiment dinscurit prvaut qui semble tre

    aliment par le dveloppement des sciences et des techniques de plus en plus

    sophistiques .

    28. Les risques sont par ailleurs diffrents selon les rgions en France. Le risque dboulement

    de terrain est par exemple plus prsent dans les rgions montagneuses. De mme, les

    inondations se situent gnralement dans les plaines qui bordent les fleuves et les rivires.

    Ils voluent galement selon les saisons ; en t, les incendies et la scheresse sont des

    vnements climatiques frquents ; alors quen hiver, on a plus souvent des avalanches, ainsi

    que des crues provoques par la fonte des neiges.

    Le professeur en droit Jocelyne DUBOIS-MAURY et le professeur en gographie Claude

    CHALINE dmontrent dans un livre commun sur Les risques urbains49

    que les risques sont

    omniprsents dans la ville. Nanmoins, ils sont diffrents dans leur nature, leur gravit, leurs

    effets selon les diffrents sous-ensembles gographiques et fonctionnels qui les composent.

    Pour justifier leur propos ils dgagent alors une typologie de risque par nature dimmeuble.

    Les centres-villes font souvent lobjet dincendie et de pannes lectriques. En effet, par

    manque de place, on doit recourir une utilisation de lespace en hauteur (cration

    dimmeubles de grande hauteur). Les quartiers anciens et surtout les monuments historiques

    peuvent tre plus facilement touchs par les incendies et les risques sanitaires. Enfin, les

    zones priphriques sont des endroits o peuvent se cumuler lensemble des risques

    technologiques.

    29. Alors que le risque est potentiel, la catastrophe est relle. Aujourdhui, nous sommes dans

    une socit qui engendre des risques majeurs. On est pass du risque individuel aux risques

    grande chelle avec une dimension collective. Alors que le risque est considr comme

    48 F. BOST, L. CAMBREZY et Y. VEYRET, Les risques, coll. Dossiers des images conomiques du Monde, Sedes,

    2004, p. 6. 49 C. CHALINE et J. DUBOIS-MAURY, Les risques urbains, Armand COLLIN, 2me dition, 2004.

  • 32

    acceptable pour un accident de circulation, il est jug inacceptable par la population en cas

    de catastrophe industrielle collective. En effet, la catastrophe est intervenue sans quil y ait

    eu une prise de conscience du risque de manire individuelle. On pense que la socit doit

    prendre toutes les prcautions ncessaires pour grer le risque, en particulier sil est caus

    par une activit humaine.

    Lorsque des risques sont suspects, on applique alors le principe de prcaution50

    . Lorsqu'ils

    sont avrs, on utilise le principe de prvention et enfin lorsqu'ils sont raliss, seul le

    principe dindemnisation sera appliqu. Toute analyse de risque doit donc laisser apparatre

    une analyse conomique reposant sur le principe cot/bnfice pour savoir sil vaut mieux

    agir ou non. En matire de risques immobiliers, seuls les principes de prvention et

    d'indemnisation peuvent tre appliqus. Il revient nanmoins au juge le soin dexaminer si

    lapplication du principe de prcaution dans une situation dtermine, ne se trouve pas en

    contradiction avec dautres principes.

    Pour le professeur Gilles J. MARTIN51

    le principe de prvention et le principe

    dindemnisation ne se ressemblent gure. Tandis que laction prventive a pour objet

    dempcher le risque de survenir ou plus exactement de causer les dommages redouts,

    laction de prcaution a ncessairement un double objet : dune part viter dans limmdiat

    de laisser-faire en situation dincertitude lgitime, dautre part, et surtout, produire de la

    connaissance sur le risque en cause, soit afin de donner naissance une action prventive,

    soit dans le but de librer lactivit en levant lhypothse de risque .

    Le risque tourne finalement autour de trois lments : la prcaution, la gestion de crise et

    lassurance. La prcaution se situe en amont de la ralisation du risque, la gestion de crise

    pendant, et lassurance lorsque le risque sest ralis et quil faut indemniser les victimes52

    .

    30. La notion de risque recouvre deux perceptions : cette notion sert tout dabord engager la

    responsabilit dun professionnel ngligent qui a entran le risque, mais cette notion doit

    50 La premire utilisation de cette notion est apparue en Allemagne la fin des annes soixante dix. Ensuite, cette

    notion a t trs utilise en droit international puis en droit interne avec ladoption de la loi n 95-101 du 2 fvrier

    1995 relative au renforcement de la protection de lenvironnement, JORF n 29 du 3 fvrier 1995 p. 1840. Mais

    cette notion n'a t consacre qu'avec la loi constitutionnelle n 2005-205 du 1er mars 2005 relative la charte de

    lenvironnement, JORF n 51, 2 mars 2005, p. 3697.

    51 G-J. MARTIN, Principe de prcaution, prvention des risques et responsabilit : quelle novation, quel avenir ?

    AJDA n 40/2005, Dalloz 28 novembre 2005, p. 2222. 52 O. GODARD, C. HENRY, P. LAGADEC, Trait des nouveaux risques, Gallimard, coll. Folio Actuel, 2002.

  • 33

    permettre galement dactionner le levier de la solidarit en dnonant les exclusions et les

    discriminations. Do lapparition de la cyndinique dans nos socits modernes. Cest la

    science du risque, apparue vers la fin des annes 1970 avec la cration dune nouvelle

    technique : la matrise des systmes. Cette notion nouvelle est apparue avec laccident

    Seveso. La mthode consiste rationaliser le risque grce deux moyens : on va soit mettre

    en uvre des stratgies de prvention afin dviter la survenance du risque, soit faire en

    sorte de rduire le risque la source. Aujourdhui, cette science est en plein dveloppement.

    Le risque est donc protiforme et en constante volution.

    31. Face la survenance dun risque la victime doit chercher la rsilience et demander une

    indemnisation de son dommage immobilier. Le premier lment est plus psychologique

    alors que le second est conomique. La rsilience est la capacit pour un individu retrouver

    un quilibre aprs une catastrophe. Ce terme import des Etats-Unis, dsigne lorigine la

    rsistance des matriaux un choc. Depuis 193953

    , il est utilis comme un concept

    psychologique. Pour le psychiatre et psychanalyste Serge TISSERON54

    le terme de

    rsilience fait rfrence deux analyses. Il sagit la fois de la capacit de rsister un

    traumatisme et celle de se reconstruire aprs lui.

    32. Pour permettre aux victimes une indemnisation de leur dommage, plusieurs solutions ont t

    dveloppes (assurances et fonds d'indemnisation notamment). Lassurance quant elle

    dtient un rle majeur pour permettre une rparation des prjudices conomiques subis. En

    effet, le contrat dassurance permet de se prmunir contre un certain nombre de risques

    pouvant affecter un immeuble prcis. Cependant, cette activit repose sur la notion de

    risques plus ou moins connus. Or, les nouveaux risques sont par nature inconnus.

    Lassurance atteint donc ses limites. Ds lors pour faire face aux volutions de la socit,

    ltat a d intervenir et mettre en place des solutions originales pour rpondre aux exigences

    plus pressantes des populations. Se sont alors dvelopps les fonds d'indemnisation. En

    effet, les risques naturels et technologiques sont aujourdhui considrs comme

    inacceptables par la population alors quils taient considrs par nos anctres comme une

    53 Entre 1939 et 1945 deux psychologues amricains WERNER et SMITH ont ralis des publications sur la rsilience

    scolaire. 54 S. TISSERON, La rsilience, PUF, coll. Que sais-je ? 3me dition, 2009.

  • 34

    fatalit. Les solutions doivent donc rpondre ces changements de mentalit. Nanmoins,

    lassurance aux biens reste le mode dindemnisation privilgi et le recours au fonds

    dindemnisation une exception.

    C/ L'ASSURANCE DES BIENS

    33. Lassurance permet non pas dannuler le risque, mais favorise sa couverture par un systme

    de mutualisation entre lensemble des assurs. On va rpartir les consquences de la

    survenance du risque entre tous les assurs qui ont acquitt lassureur une prime

    dassurance pour se prmunir contre celui-ci. Les principes gnraux des contrats

    dassurance sont noncs par le code civil, le code des assurances et le code de la mutualit.

    34. Lassurance a pour objet de garantir les consquences financires de risques limitativement

    dfinis par les compagnies dassurance. Trois conditions cumulatives sont indispensables

    pour assurer un risque : alatoire, mesurable et compensable, puisquun assureur ne peut

    videmment pas couvrir un risque dont il sait que sa survenance est certaine. Cette dernire

    condition est dfinie par larticle 1104 alina 2 du code civil. Lorsque lquivalent consiste

    dans la chance de gain ou de perte pour chacune des parties, daprs un vnement incertain,

    le contrat est alatoire . Il est galement ncessaire de mesurer et de modliser le risque

    couvrir. Pour y parvenir, des scnarios devront tre crs grce des vnements dj

    survenus. Le calcul financier de ces risques, devra permettre dobtenir des probabilits de

    survenance par zone gographique. Ensuite, lassureur dterminera le prix de la cotisation

    dassurance en prenant en compte ltendue de la mutualit. Enfin, il est important quil y ait

    un quilibre conomique entre le cot de la survenance dun risque et le prix pay par les

    assurs puisque lassureur doit tre solvable. Lanti-slection gographique55

    doit permettre

    de fixer un prix lassurance accessible et acceptable pour le plus grand nombre.

    Pour le polytechnicien Frdric MORLAYE56

    , deux lments doivent tre prsents pour

    dterminer si un risque est assurable : laccessibilit des donnes statistiques et lquilibre

    conomique des contrats. Le premier critre permet de fixer le montant de la prime

    55 Lanti-slection consiste ne pas oprer de distinction de prix en fonction des zones gographique et donc du

    risque encouru sur chaque immeuble. 56 F. MORLAYE, Risk management et assurance, Economica coll. connaissance de la gestion, 2006.

  • 35

    dassurance. En effet, dans la pratique la cotisation dassurance est calcule par analogie

    avec un risque de nature similaire. Nanmoins, cette mthode laisse apparatre ses limites

    pour les risques nouveaux. Le second critre doit aider lassureur dfinir les garanties

    offertes son assur en fonction du montant de la cotisation dassurance paye. Ainsi, plus

    la prime dassurance est leve et plus la couverture est importante. Selon Frdric

    MORLAYE cette technique de couverture croissante peut tre un moyen opportun de se

    lancer sur une nouvelle ligne dactivit sans engager trop de fonds propres prudentiels et en

    limitant lexposition le temps daccumuler de lexprience dans la souscription, la gestion

    des sinistres et la liquidation des provisions techniques .

    35. Le mcanisme de lassurance est trs particulier puisquil fonctionne sur linversion du cycle

    de production57

    . On ne connatra le prix dun risque assur de manire exacte uniquement

    lorsque le risque sera ralis et quun expert aura fait une valuation prcise du bien. Le cot

    de revient exact de la couverture nest donc connu quaprs la vente du produit dassurance.

    Lassureur a donc pour tche difficile dassurer des risques, qui par nature sont incertains

    grce une prime dassurance calcule bien avant la ralisation du sinistre. Le montant d

    au titre de lindemnisation peut tre sans commune mesure avec le montant de la prime

    paye par lassur.

    Pour dterminer le montant de la prime dassurance, lassur doit remplir un questionnaire

    qui lui est prsent. Larticle L. 113-2 alina 2 et 3 du code des assurances dispose que

    lassur est oblig (...) de rpondre exactement aux questions poses par lassureur,

    notamment dans le formulaire de dclaration du risque par lequel lassureur linterroge lors

    de la conclusion du contrat sur les circonstances qui sont de nature faire apprcier par

    lassureur les risques quil prend en charge . En cours de contrat, il devra galement

    dclarer les circonstances nouvelles qui aggravent le risque ou qui en crent de nouveau.

    Cette nouvelle dclaration doit stablir dans un dlai de quinze jours qui suit le changement

    intervenu. Chaque assur victime se verra alors indemnis par la compagnie dassurance

    dans les limites de son contrat.

    Cependant, les garanties proposes par les assureurs doivent tre conformes lordre public

    et aux bonnes murs. Larticle L. 113-1 alina 2 du code des assurances prvoit deux cas

    57 Y. LAMBERT-FAIVRE et L. LEVENEUR, Droit des assurances, Dalloz-Sirey coll. Prcis Dalloz, 12me dition,

    2005.

  • 36

    dexclusions lgales de garantie. Lassureur ne rpond pas des pertes et dommages

    provenant dune faute intentionnelle ou dolosive de lassur . La faute intentionnelle

    permet lassureur de se dsengager de toute indemnisation ventuelle. Pour quil y ait faute

    intentionnelle, il faut que lassur ait voulu non seulement laction ou lomission

    dommageable, mais aussi le dommage lui-mme. Ces deux critres sont exigs de manire

    constante depuis un arrt de la Cour de cassation du 12 juin 197458

    .

    36. Pour permettre la victime d'obtenir une indemnisation de son dommage, il est ncessaire

    au pralable de faire tablir un diagnostic prcis de l'tendue du sinistre sur l'immeuble.

    Lassureur est une personne experte en son domaine. Son rle est de modliser les risques

    pour savoir comment ils peuvent voluer, les consquences quils auront et la manire de les

    grer s'il dcide de les couvrir. Lassureur est donc un preneur de risque, car si le lgislateur

    dcide par la suite de modifier les critres de l'indemnisation, il en subira immdiatement les

    consquences financires. Linscurit juridique est une difficult majeure pour lassureur

    dans son approche du risque. Lassurance permet de limiter les consquences financires

    pour lassur quant la survenance dun risque ; puisqu'elle lui permet de ne pas tre

    dpendant du coupable sil y en a un. En effet, l'assureur exercera par la suite des actions

    rcursoires l'encontre du vritable auteur du dommage.

    37. Il existe deux types de risques pour les assureurs : les risques de frquence qui reprsentent

    des frais de gestion consquents (dgts des eaux) et les risques dintensit qui entranent

    des dommages avec des montants dindemnisation levs (incendies). Lassurance

    fonctionne sur le principe de la mutualisation. Celle-ci fonctionne bien lorsque les risques

    assurer sont importants comme pour les catastrophes naturelles. Cependant lorsque les

    consquences de la survenance dun risque ne sont pas trs importantes, la mutualisation ne

    savre pas tre le systme le mieux adapt. En effet, les cots de gestion se rvlent alors

    tre disproportionns eu gard au service propos.

    38. Lindemnisation propose par lassureur peut tre effectue selon plusieurs mthodes. La

    58 C. Cass, 1re civ, 12 juin 1974, n 73-12882, Bull civ. I, n 181, p. 158. V. sur la faute intentionnelle : H.

    GROUTEL, Lapprciation de lala et de la faute intentionnelle dans le contrat dassurance, Resp. civ. et ass,

    chronique n 24, 2000 ; v. galement la thse : A. VIGNON-BARRAULT, Intention et responsabilit civile, Le

    Mans, 2000.

  • 37

    plus courante est celle de lindemnisation fiduciaire. Lexpert procde une estimation des

    dommages puis lassureur indemnise son assur en fonction des garanties prvues dans son

    contrat dassurance. En ce qui concerne les sinistres immobiliers, lindemnisation seffectue

    gnralement en numraire. En effet, l'article L. 121-1 alina 1 du code des assurances

    dispose que lassurance relative aux biens est un contrat dindemnit, lindemnit due par

    lassureur lassur ne peut pas dpasser le montant de la valeur de la chose assure au

    moment du sinistre . Le principe indemnitaire est dordre public. Le montant de

    lindemnisation ne doit donc pas dpasser le montant de la valeur assure. Cest pourquoi il

    est ncessaire de procder au pralable une valuation aussi exacte que possible du

    dommage afin dviter un enrichissement sans cause pour lassur. Sinon, une action en

    rptition de lindu pourra tre exerce au visa de larticle 1376 du code civil. Celui qui

    reoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas d soblige le restituer celui de qui il

    la indment reu . Lvaluation se fait gnralement au jour du sinistre sauf disposition

    particulire prvue dans le contrat dassurance.

    L'indemnisation accorde par lassureur doit permettre lassur de se retrouver dans une

    situation identique celle avant la survenance du sinistre. Il doit donc rembourser son assur

    pour le dommage quil a subi, mais il ne doit pas le placer dans une situation meilleure que

    sa situation antrieure. De plus, lassur sera tenu de conserver sa charge le montant de la

    franchise. Son droit indemnisation est donc diminu de cette part. Lassurance de

    dommage consiste donc viter la perte de valeur du patrimoine rsultant de la survenance

    dun risque.

    39. Les contrats dassurance mentionnent en gnral deux modalits diffrentes de calcul de

    lindemnisation : la valeur dusage et la valeur neuf. Pour dterminer la valeur dusage,

    lexpert va dans un premier temps dterminer le montant ncessaire la reconstruction dun

    immeuble lidentique. cette somme, qui est appele la valeur de reconstruction, sera

    dduit un cfficient de vtust correspondant lusure du bien.

    Dans le deuxime cas, lindemnisation en valeur neuf consiste dabord attribuer

    lassur une somme correspondante la valeur de reconstruction vtust dduite, puis lui

    rgler un complment dindemnisation. La vtust est le montant de la dprciation du bien

    depuis le jour de son achat. Ce complment correspond au montant de la vtust avec un

    plafond limit 25 %. Ce qui signifie quau-del de ce seuil la part reste la charge de

    lassur. Deux conditions sont ncessaires pour que cette garantie valeur neuf soit

  • 38

    applicable. Il faut dune part, que limmeuble soit reconstruit dans un dlai de deux ans au

    mme endroit et dautre part, que le btiment reconstruit nait pas trop subi de modifications

    par rapport au btiment dtruit. En cas de destruction totale, lassureur indemnise au fur et

    mesure de la reconstruction de l'immeuble sur prsentation des pices et factures dmontrant

    les travaux raliss. La vtust d'un bien immeuble se calcule par corps dtat, car les

    charpentes ne vieillissent pas de la mme manire que la couverture. Lexpert va tenir

    compte de la nature des matriaux utiliss lors de la construction.

    40. La France dtient le record mondial du nombre dassurances obligatoires. En gnral, la

    raison principale est la protection des victimes. Pour rpondre aux besoins croissants de

    scurit, ltat a mis en place une lutte contre linsolvabilit des responsables en instituant la

    souscription dassurance de responsabilit obligatoire. Les limites de lindemnisation sont

    fixes par les garanties dassurances et il existe peu de cas de rparation intgrale du

    prjudice.

    Le fait que le lgislateur multiplie les assurances obligatoires entrane deux consquences59

    .

    Dune part, cela oblige les assureurs couvrir ce bien ou cette activit sans pouvoir au

    pralable procder une slection des risques. Ils peuvent alors dans certains cas prouver

    des difficults trouver des rassureurs qui acceptent de les couvrir en deuxime ligne. La

    seconde consquence des assurances obligatoires, rside dans le fait que ltat doit trouver

    des solutions pour permettre la couverture de ces risques. On peut alors crer des fonds

    d'indemnisation, des pools ou encore des mcanismes de rassurance la charge de ltat.

    Nous sommes dans une socit o lon partage les questions de responsabilits et les

    questions dindemnisation des victimes ; cela permet davoir une justice plus rapide et plus

    efficace.

    41. Cependant, la mise en place dune nouvelle rglementation doit tre accepte par la

    population. Les pouvoirs publics doivent fournir des efforts pour la convaincre. En effet, la

    communication joue un rle cl, puisque la dsinformation peut tre trs pernicieuse et

    laisser planer des incertitudes. On va alors leur communiquer les arguments donns par la

    communaut scientifique afin qu'ils s'en emparent et se forgent une opinion du risque qu'il

    considre comme acceptable. Les pouvoirs publics vont donc agir en consquence et crer

    59 C. GRABER, Lobligation dassurance : protection du consommateur ou bouleversement des fondamentaux doffre

    et de demande ? Revue Risques n 64, p. 125, dcembre 2005.

  • 39

    une rglementation relative aux systmes dindemnisation la plus performante possible. Il

    serait souhaitable lavenir de contenir cette incertitude en assurant une plus grande stabilit

    des normes juridiques. Puisquen gnral, lorsque les rgles changent trop souvent, une

    mconnaissance de la loi apparat aussi bien pour les citoyens, que pour tous ceux qui sont

    utilisateurs du systme juridique en place (lus locaux, magistrats).

    42. La rglementation actuelle sapplique trois catgories de risques immobiliers distincts : les

    alas internes engendrs ou lis la construction intrinsque, les alas externes comme les

    catastrophes naturelles ou les catastrophes technologiques sur lesquelles nous ne pouvons

    pas agir et enfin les risques lis aux impacts la valeur patrimoniale, lenvironnement de

    limmeuble. Ces derniers sont imputables aux vnements locaux : titre dexemple une

    usine ou une discothque qui vient sinstaller proximit des habitations. Cette dernire

    catgorie de risque est un peu particulire, car elle touche la valeur de limmeuble. Nous

    ne nous intresserons dans les prochains dveloppements quaux deux premires catgories

    de risques. Par ailleurs on ne prendra en compte que la construction et la vie de limmeuble.

    La fin de vie de limmeuble (arrts de pril, vtust) sera galement exclue de notre champ

    de recherche.

    43. Lassureur propose deux solutions pour couvrir ces risques immobiliers. Les dix premires

    annes qui suivent la rception de louvrage sont couvertes par lassurance dommages-

    ouvrage sous conditions. Puis pendant toute la vie de limmeuble, une assurance multirisque

    habitation est souscrite par loccupant. Cette assurance couvre galement les risques divers

    lis la vie prive de ce dernier. Pour les acteurs de la construction, il existe la fois

    lassurance de responsabilit civile dcennale et l'assurance de responsabilit civile gnrale

    lorsque limmixtion du matre douvrage dans la construction est fautive. La responsabilit

    civile gnrale permet une indemnisation des dommages causs des tiers eu gard aux

    termes du contrat. La responsabilit civile dcennale couvre les dommages graves

    limmeuble. Le ou les constructeurs sont alors responsables de plein droit.

    44. Lassurance-construction60 est rgie par des textes souvent drogatoires au droit commun et

    60 Lassurance-construction comprend lassurance dommages-ouvrage et lassurance de responsabilit civile

    dcennale.

  • 40

    intgrs de manire rgulire dans le code des assurances. La rglementation en matire de

    construction est trs ancienne puisquelle remonte au code dHammourabi61

    . Des rgles de

    construction taient dj en vigueur et prvoyaient quun architecte qui a ralis une

    maison qui sest effondre sur ses occupants et ayant caus leur mort, est condamn la

    peine de mort .

    Le droit de la construction relve dun droit complexe, du fait notamment de la multiplicit

    du nombre dacteurs intervenant au cours de la construction dun immeuble. On peut

    notamment citer les architectes, les ingnieurs-conseils, les bureaux dtudes et de contrle

    ou encore les promoteurs immobiliers. Ce droit repose donc sur une relation troite entre

    trois catgories de protagonistes : les acteurs de la construction, les assureurs et les

    propritaires de limmeuble. Mais faut-il le rappeler, la construction dun immeuble ne

    seffectue quaprs accomplissement dun certain nombre de procdures et de demandes

    dautorisations administratives prvues par le code de lurbanisme.

    En matire immobilire, les enjeux de lassurance reprsentent des sommes trs

    consquentes. Le communiqu de presse de la FFSA du 24 juin 200862

    , prcise que les

    cotisations dassurances ont reprsent 6.7 milliards deuros en multirisque habitation et 2.5

    milliards pour lensemble de la construction (assurance dommages-ouvrage et responsabilit

    civile dcennale). La croissance en assurance de biens a augment de 2.6 % en 2007. Cette

    progression est la consquence de la hausse des volumes de biens assurs et de lvolution

    des garanties proposes. Le chiffre daffaires des compagnies dassurance a donc progress

    de 4.9 % pour lassurance multirisque habitation et de 8.9 % en construction pour lanne

    2007.

    A lavenir, ces chiffres pourraient s'avrer insuffisants face la hausse continue du cot de

    la rparation des sinistres et la progression en nombre des biens assurs. En effet, il est

    impossible de connatre de manire exacte les consquences financires dune catastrophe,

    les assureurs ne dlivrant des statistiques que sur les biens quils ont assurs.

    45. L'assurance multirisque habitation est un contrat multi-garanties souscrit par le propritaire

    ou le locataire pour faire face aux risques pouvant survenir sur l'immeuble aprs la

    construction. Ce contrat permet de faire face aux principaux risques exognes immobiliers.

    61 Hammourabi tait roi de la dynastie de Babylone et a rgn de 1792 1750 av. JC. 62 Ce communiqu de presse du 24 juin 2008 est disponible sur le site : http://www.ffsa.fr

  • 41

    Le risque inondation constitue le premier risque qui touche les maisons individuelles et

    reprsente le deuxime budget des assureurs. Linondation est le rsultat de deux

    composantes : leau qui peut sortir de son lit naturel et lhomme qui sinstalle dans des zones

    inondables. Les consquences des inondations inhrentes aux intempries sur les biens

    peuvent aller de la simple dtrioration la destruction partielle ou totale du bien. Par

    ailleurs, le cot moyen annuel global des dommages causs par les inondations en France est

    lev puisquil avoisine les 200 millions deuros. On considre que prs de cinq millions de

    personnes en France et prs dune commune sur quatre sont touches par ce risque63

    .

    Linondation est donc un risque certain, connu, coteux et trs frquent. Il est vite gnralis

    et peut tre trs tendu gographiquement et pourtant ce risque est assurable grce un

    mcanisme de mutualisation des risques. En effet, les assureurs ont inclus ce risque dans un

    contrat unique comportant un ensemble de garanties pour en diminuer le cot individuel que

    doit supporter chacun des assurs. Plusieurs facteurs dterminants peuvent expliquer une

    aggravation de ce risque ces dernires annes. Limpermabilisation des sols augmente le

    phnomne de ruissellement, il en est de mme pour la dforestation, la rduction des zones

    humides et b