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UNIVERSITE ROBERT SCUMAN FACULTE DE DROIT DEA DROIT DES AFFAIRES ANNEE UNIVERSITAIRE 2003-2004 TRANSFERT INTERNATIONAL DU SIEGE SOCIAL ET LIBERTE D’ ETABLISSEMENT Par Monsieur Georgios PETRAKOS Mémoire présenté pour l’obtention du diplôme : DEA « Droit des affaires » Sous la direction de : Monsieur Jöchen BAUERREIS Docteur en droit

UNIVERSITE ROBERT SCUMAN FACULTE DE DROIT DEA DROIT …€¦ · ... p.93 Revue critique de droit international privé, année ... La surprise des solutions jurisprudentielles

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UNIVERSITE ROBERT SCUMAN FACULTE DE DROIT

DEA DROIT DES AFFAIRES ANNEE UNIVERSITAIRE 2003-2004

TRANSFERT INTERNATIONAL DU SIEGE SOCIAL ET LIBERTE D’ ETABLISSEMENT

Par

Monsieur Georgios PETRAKOS

Mémoire présenté pour l’obtention du diplôme :

DEA « Droit des affaires »

Sous la direction de : Monsieur Jöchen BAUERREIS Docteur en droit

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« Nous ne pouvons nous arrêter quand autour de nous le monde entier est en mouvement. (…) Nos peuples doivent apprendre à vivre ensemble sous des règles et des institutions communes librement consenties s’ils veulent atteindre les dimensions nécessaires à leur progrès et garder la maîtrise de leur destin. Les nations souveraines du passé ne sont plus le cadre où peuvent se résoudre les problèmes du présent ».

Jean MONNET

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Je tiens à remercier Monsieur Jöchen Bauerreis, docteur en droit, pour ses recommandations et pour toute l’attention qu’il a portée à mon travail. Je tiens également à remercier Monsieur le Professeur Philippe Marchessou, qui a dirigé le volet fiscal de ce mémoire, pour son soutien constant, sa patience et ses recommandations. Je tiens enfin à remercier Madame Isabelle Riassetto, maître des conférences, pour ses conseils avisés lors de mes recherches.

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L I S T E D E S A B R E V I A T I O N S Art. Article Banque 1994, n°210, p.10 Revue Banque année, numéro revue, page Bulletin Joly Sociétés, 1987, p.100 Bulletin mensuel d’information des sociétés

(Joly), année, page CA Paris, 4e ch., 10 mars 1989 Cour d’appel, ville, chambre, date Cass. 1re civ. Arrêt de la Cour de Cassation (1re Chambre

civile) Cass. 2e civ. Arrêt de la Cour de Cassation (2e Chambre

civile) Cass. 3e civ. Arrêt de la Cour de Cassation (3e Chambre

civile) Cass. ch. req. Arrêt de la Cour de Cassation (Chambre des

requêtes) Cass. com. Arrêt de la Cour de Cassation (Chambre

commerciale et financière) Cass. crim. Arrêt de la Cour de Cassation (Chambre

criminelle) CCI Chambre du commerce et de l’industrie CCIP Chambre du commerce et de l’industrie de

Paris C. Civ. Code civil C. Com. Code de commerce CGI Code général des impôts CJCE Cour de justice des communautés

européennes CJCE, 10 nov. 1987, aff. n° 261/81 Cour de justice des communautés

européennes, date, Affaire, numéro D. 1992, lég., p.500 Recueil Dalloz année, partie législative, page D. 1993, som., p.600 Recueil Dalloz année, partie sommaire, page D. 1994, jur., p.700 Recueil Dalloz année, partie jurisprudence,

page D. 1995, chron., p.800 Recueil Dalloz année, partie chronique, page D. 1996, I. R., p.900 Recueil Dalloz année, partie informations

rapides, page D. affaires 1997, chron., p.100 Dalloz affaires, année, chronique, page Décr. Décret Doc. Adm. Document Administratif Dr. fisc. 1989, n°145 Droit fiscal, année, numéro éd. Edition GEIE Groupement européen d’intérêt économique G.P. 1941, I, p.18 Gazette du Palais, année, partie, page ie Id est JDI 1986, p.160 Journal du droit international, année, page JOCE Journal Officiel des Communautés

européennes

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JCP E 1998, II, n°10, p.100 Juris - classeur périodique, édition entreprise, année, partie, numéro, page

JCP G 1999, II, n°20, p.200 Juris - classeur périodique, édition générale, année, partie, numéro, page

J.- Cl. Sociétés Traité, Fasc. 31 G Juris - classeur des sociétés, Traité, Fascicule

L. fin. Loi des finances Medef Mouvement des entreprises de France p. page Petites affiches 28 juin 1987, n° 3, p.4 Les Petites affiches, date, numéro

périodique, page Règl. Règlement Rép. min. à QE Réponse ministérielle (à question écrite) Rev. crit. DIP 1988, p.93 Revue critique de droit international privé,

année, page Rev. Sociétés, avril – juin 2001, p.210 Revue des sociétés, mois, année, page RTD com. 1989, p.56, n°10 Revue trimestrielle de droit commercial,

année, page, numéro RTD eur. 1990, p.60 Revue trimestrielle de droit européen, année,

page SARL Société à responsabilité limitée SE Société européenne SPE Société privée européenne S. 1942, I, p.31 Dalloz Sirey, année, partie, page t.1 Tome 1

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P L A N S O M M A I R E

INTRODUCTION PREMIERE PARTIE. L’ANALYSE JURIDIQUE CLASSIQUE : UNE PALETTE D’OBSTACLES AU LIBRE TRANSFERT INTERNATIONAL DU SIEGE SOCIAL TITRE I : Le débat théorique sur la validité de l’opération CHAPITRE I : Système de l’incorporation CHAPITRE II : Système du siège réel TITRE II : L’expérience pratique des obstacles dans les législations nationales CHAPITRE I : Les obstacles de nature juridique CHAPITRE II : Les obstacles de nature fiscale DEUXIEME PARTIE. L’IMPACT DE LA LIBERTE D’ETABLISSEMENT : VERS LE LIBRE TRANSFERT INTRACOMMUNAUTAIRE DU SIEGE SOCIAL

TITRE I : L’échec de l’approche législative

CHAPITRE I : La Société européenne CHAPITRE II : Le projet de 14ème directive

TITRE II : La surprise des solutions jurisprudentielles

CHAPITRE I : D’une affirmation timide… CHAPITRE II : …vers un nouveau Delaware ?

CONCLUSION

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INTRODUCTION « Le droit des sociétés doit être un instrument au service de celles-ci, et non un frein à leur évolution et à leur développement »1

1. a notion de transfert international du siège social fait penser le juriste à l’Odyssée. Les

obstacles juridiques et fiscaux sont Homériques. Il y a toute une mer hostile à traverser pour

arriver à Ithaque, cette destination paradisiaque.

2. Pourtant, ces obstacles Homériques ne devraient pas en principe exister, pour le moins au

niveau communautaire. Nous vivons dans une Europe dotée d’une monnaie unique, d’un

marché unique, peut-être bientôt d’une Constitution, une Europe, dans laquelle, personnes

physiques, marchandises et capitaux circulent librement. Symbole de cette intégration, la

conception artistique des billets d’Euro, notre monnaie unique, rappelle ce qu’est l’Europe.

Sur chaque billet d’Euro on peut voir des fenêtres et des ponts. Les fenêtres, appellent les

citoyens européens à une vision commune, à un avenir commun. Les ponts, quant à eux

symbolisent le décloisonnement des marchés et la liberté de circulation, on lève les

obstacles... Ceci étant dit, quelqu’un qui connaît la réalité européenne peut légitiment se

demander si ces ponts et ces fenêtres ne sont que des illusions d’artiste.

3. Il est certain que, quand on parle de la préparation de l'Union européenne aux défis du

XXIème siècle, on n'évoque guère les structures d'entreprises. On pense élargissement,

institutions, technocratie, responsabilité politique, Constitution européenne, économie,

emploi, affrontement Europe - USA, mondialisation, voire concurrence. Mais sur les

structures d'entreprises, rien, ou presque. Et c'est pourtant là un paradoxe. Sur la scène

médiatique, c'est le silence complet. Tout se passe comme si le problème n'existait pas. Il est

vrai que sa technicité ne se prête ni à la vulgarisation, ni moins encore à la polémique. En

revanche, tout change si l'on pénètre le monde des spécialistes et l'univers des revues

juridiques à diffusion confidentielle. Le débat y est vif et on peut même dire qu'en droit des

sociétés, peu de problèmes agitent autant les esprits. D'où, depuis 35 ans, des débats obscurs,

des avancées partielles, des reculades inattendues, des stratégies tortueuses, des marches et

contremarches subtiles, des incompréhensions réciproques. Une guerre de position, qui dure

1 Enseignement donné par BASTIAN, cité par J.-M. BISCHOFF, « Observations sur la validité du transfert international du siège social », in Mélanges BASTIAN, t.1, p.24.

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depuis 30 ans… On avance, mais peu, mais mal, mais de façon confuse. Et puis, une percée

enfin, en décembre 2000, à Nice. Une percée fragile, incertaine, menacée d'une contre-attaque

des Etats, mais une percée quand même : la société européenne. On a tellement rêvé, espéré,

attendu, on s'est si longtemps nourri de miettes que l'on y crois pas encore. Et, pour conjurer

le sort, on dit, mais à mi-voix, ne plus y croire du tout. Après tout, on a bien vécu jusque là

sans véritables structures d'entreprises de droit européen, à l'exception du Groupement

européen d’intérêt économique (GEIE)2. Et, semble-t-il, pas si mal. Alors, pourquoi tout ce

travail, pourquoi toutes ces querelles, et pourquoi tous ces blocages ? Quel est l’intérêt de

transférer le siège social d’une société ? Et d'ailleurs, la question est-elle si importante que

d'aucuns le prétendent? Est-ce parce que c'est compliqué que c'est important ? Et est-ce parce

que c'est important que c'est compliqué ? Et en quoi ?

4. On n'ira pas dans le détail, faute de temps. Et donc, sans doute, on n'ira pas au fond des

choses. Au demeurant, les choses, en l'occurrence ont-elles un fond autre que les

nationalismes mal placés, les égoïsmes absurdes et, en définitive, l'étroitesse d'esprit des

gouvernants et de ceux qui les conseillent, c'est-à-dire nous, les juristes ? On préférera ne pas

répondre, et on se contentera de rechercher sinon le fond, du moins le sens des choses, si tant

est que cela soit possible. Et, pour ce faire, on se posera quatre questions simples : quels

besoins ; quels problèmes ; quels résultats ; quels perspectives ?

I. Quels besoins ? 5. Comme le remarque le conseil de l’Union européenne dans le règlement relatif au statut de

la société européenne, « l'achèvement du marché intérieur et l'amélioration de la situation

économique et sociale qu'il entraîne dans l'ensemble de la Communauté impliquent, outre

l'élimination des entraves aux échanges, une adaptation des structures de production à la

dimension de la Communauté. À cette fin, il est indispensable que les entreprises dont

l'activité n'est pas limitée à la satisfaction de besoins purement locaux puissent concevoir et

entreprendre la réorganisation de leurs activités au niveau communautaire »3.

6. S’il existe un domaine soumis aux influences réciproques du droit européen et des droits

nationaux, c’est bien celui de la mobilité des entreprises. Cette réciprocité des influences, pas

2 Règlement CE n° 2137/85 du conseil, du 25 juillet 1985, relatif à l’institution du groupement européen d’intérêt économique, JOCE n° L 199, 31 juillet 1985, p.1. 3 Considérant n°1 du règlement (CE) n°2157/2001 du conseil, du 8 octobre 2001, relatif au statut de la SE.

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toujours favorable à la mobilité des entreprises, est d’autant plus étonnante, qu’en raison de

l’existence du principe fondamental de liberté d’établissement dans la Communauté

européenne énoncé par les articles 43 et 48 du traité CE, le droit communautaire devrait

gouverner sans partage cette matière. En effet, liberté d’établissement et mobilité des sociétés

sont liées puisque la liberté de s’établir, c'est-à-dire de s’implanter matériellement pour une

durée indéterminée dans un Etat membre afin d’y exercer une activité économique, ne peut

être exercée pleinement que si les entreprises peuvent se déplacer dans l’espace

communautaire.

7. Que recouvre la mobilité4 des entreprises ? Selon un spécialiste de la matière, « La mobilité

vise les structures juridiques et/ou matérielles de l’entreprise et plus particulièrement de

l’entreprise sociétaire, elle s’entend donc d’un déplacement géographique de celle-ci dans une

perspective de continuité de la vie sociale »5.

8. Cependant, contrairement aux personnes physiques, les personnes morales ne sont

localisables matériellement que par leur domicile ; c’est donc à travers lui que se perçoit leur

circulation. De la sorte, la mobilité d’une personne morale se concrétise par le déplacement

transfrontalier de son domicile, et plus précisément, pour les sociétés, la mobilité désigne le

déplacement international de leurs sièges dans une perspective de continuité de la vie sociale.

9. Ceci étant dit, force est de constater que la mobilité des sociétés n’implique pas

nécessairement le maintien de la personnalité morale, puisque la continuité de la vie sociale

peut exister en l’absence de survie de la personnalité morale initiale lorsque la société

poursuit ses activités à travers une autre société en se fondant en elle par le transfert de son

patrimoine. On vise par là les scissions et les fusions.

10. L’intérêt pratique de ces opérations est évident puisqu’il ressort clairement qu’il s’agit

d’une technique de concentration des entreprises. Dans le cadre restreint de cette étude, ces

opérations de concentration ne feront pas l’objet de nos développements. Il convient

cependant d’avoir à l’esprit que la fusion et la scission ont très souvent pour effet la

4 Très souvent la mobilité est confondue avec le terme médiatique de délocalisation qui ne constitue pas une notion de droit. Les deux concepts se distinguent, puisque la délocalisation concerne les structures matérielles et représente une des modalités de la mobilité des activités, alors que la mobilité des sociétés vise les structures juridiques et n’emporte pas nécessairement de conséquences sur la localisation des établissements sociaux. Bien évidemment, la mobilité peut s’accompagner d’une modification des lieux d’exploitation. En ce cas, la mobilité des sociétés constituera le cadre juridique d’une délocalisation économique. 5 M. MENJUCQ, « La mobilité des entreprises », Rev. Sociétés, avril - juin 2001, p.210.

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modification de la localisation du siège social. Les similitudes dans les effets de chacune des

opérations sont telles que pour un auteur6, transfert du siège social, fusion et scission sont

largement interchangeables.

11. En revanche, l’intérêt pratique du transfert du siège social apparaît avec moins d’évidence,

et cela malgré le fait qu’il constitue le mode le plus évident de mobilité des sociétés puisque la

société conserve son identité d’origine et, dans la mesure où le transfert serait organisé au

plan communautaire, sa personnalité morale.

12. Selon les termes même du projet de proposition de 14ème directive, « La possibilité de

transférer le siège d’une société d’un Etat membre à un autre constitue un acte d’exercice du

droit d’établissement, qu’il appartient à la législation communautaire de rendre concrètement

possible »7. Il s’agit pour les sociétés d’adapter le centre de leur vie juridique à l’évolution de

leurs activités ou de la structure de leur capital.

13. Mais avant d’entrer dans une analyse détaillée des intérêts de l’opération, une remarque

préliminaire s’impose : par siège social on entend le lieu où se situe la direction de la société.

Cette notion comporte un double aspect : un aspect formel et un aspect matériel. L’aspect

formel résulte de la mention du lieu dans les statuts de la société, il s’agit du siège statutaire.

L’aspect matériel résulte quant à lui du centre de la direction effective de la société. Il s’agit

du siège réel, défini par l’existence en un lieu d’éléments matériels démontrant que la société

y dispose du centre de ses intérêts8. Selon une jurisprudence constante, le siège réel se défini

comme le lieu où se situent « la direction supérieure et le contrôle de la société »9 et

caractérisé par le lieu où se réunissent les organes sociaux. Par sociétés on entend « les

sociétés de droit civil ou commercial, y compris les sociétés coopératives, et les autres

personnes morales relevant du droit public ou privé, à l'exception des sociétés qui ne

poursuivent pas de but lucratif »10.

6 H. SYNVET, « L’organisation juridique du groupe international des sociétés : Conflit de lois en matière de sociétés et défaut d’autonomie économique de la personne morale », Thèse, Rennes, 1979, p.108. 7 Considérant n° 5 du projet de proposition de 14ème directive du Parlement et du conseil, concernant le transfert de siège des sociétés d’un Etat membre à un autre avec changement de la loi applicable. JOCE C 138, 5 mai 1997. 8 M. MENJUCQ, « Droit international et européen des sociétés », collection Domat droit privé, Montchrestien, 2001, n°15, p.20. 9 Req., 28 octobre 1941, G.P. 1941, I, p. 18 ; Req., 22 décembre 1941, S. 1942, I, p. 31. 10 Art. 48 alinéa 2 du traité CE (ex Art. 58).

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14. La possibilité de transférer le siège dans un autre Etat membre introduirait une grande

souplesse dans la gestion des sociétés en les autorisant à profiter de la diversité des

législations nationales existant dans la communauté. A ce titre, le transfert

intracommunautaire du siège social présente un intérêt considérable. La société peut vouloir

transférer son seul siège social effectif, ou son seul siège social statutaire, ou bien elle peut

vouloir transférer son siège social total.

15. L’intérêt d’une société à transférer son siège social statutaire11 d’un Etat membre à

l’autre, découle de la double exigence de :

� pouvoir adapter son implantation ou sa structure organique aux évolutions tant des

marchés que de son positionnement sur les marchés, et de choisir, pour ce faire, la

législation nationale qui lui parait la plus adéquate à ses exigences ;

� ne pas devoir, à l’occasion de cette adaptation, passer par une procédure de liquidation.

16. Pour une société de capitaux, le transfert transfrontalier du siège statutaire et le

changement de législation de rattachement peuvent constituer un moyen d’accroître sa

productivité et une modalité d’exercice de sa liberté d’établissement.

17. Le transfert international du siège réel12 répond, en revanche, à un tout autre besoin :

modifier l’organisation de la société sans changer de législation de rattachement et, de ce fait,

de personnalité juridique nationale.

18. Enfin le transfert du siège social total13, c'est-à-dire statutaire et effectif, présente l’intérêt

de modifier l’organisation de la société tout en changeant la législation applicable à la société,

sans pour autant devoir subir une procédure de liquidation.

19. Bref, le transfert intracommunautaire du siège social apparaît comme un instrument

intéressant d’ « optimisation juridique et fiscale de la gestion sociale »14. Malgré cela, les

sociétés demeurent définitivement captives15 de l’Etat dans lequel elles sont constituées.

11 Transfert du siège social statutaire : opération par laquelle les associés décident de changer la localisation du siège de la société en modifiant l’immatriculation et les statuts. C’est une opération nécessairement volontaire. 12 Transfert du siège réel : déplacement du lieu de direction supérieure et de contrôle de la société, caractérisé par un déplacement du lieu où se réunissent les organes sociaux. 13 Transfert total : transfert de la direction effective de la société et modification de l’immatriculation et des statuts de la société, afin qu’elle ne soit plus juridiquement rattachée au même Etat. C’est une opération nécessairement volontaire.

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II. Quels problèmes ? 20. Un auteur écrivait il y a presque trente ans que l’aspect juridique de la question du

transfert international du siège social « pose sur le plan juridique des problèmes d’une

extrême complexité qui sont peu ou mal résolus dans l’Etat actuel de notre droit »16.

21. En effet force est de constater que dans le cadre international, les sociétés sont confrontées

à des problèmes d’une nature différente de ceux qu’elles rencontrent dans le cadre strictement

national. Plus précisément une société opérant dans les limites territoriales d’un seul Etat, se

crée, se développe et disparaît sous l’empire d’une seule et unique loi. Cette dernière a une

compétence exclusive et incontestable puisque c’est dans le cadre d’un seul Etat que la société

est constituée, immatriculée, a son siège social et exploite l’ensemble de ses activités. En

revanche, lorsque la société effectue des opérations dans plusieurs Etats, elle est confrontée à

des questions spécifiques qui concernent sa reconnaissance dans un Etat étranger, la loi qui

lui est applicable et sa nationalité. Toutes ces questions n’ont pas lieu d’être posées dans le

cadre strictement interne. L’étude des sociétés dans le contexte communautaire suppose ainsi

de répondre à ce type de questions.

22. Parmi ces questions, la notion de nationalité ne sera pas envisagée dans le cadre limité de

cette étude car elle pose des problèmes différents et ne peut se résumer au conflit entre les

deux éléments de rattachement que sont le siège réel et le siège statutaire. Si le siège réel est

l’élément prédominant de la nationalité des sociétés, il n’est cependant pas le seul élément de

détermination de cette notion complexe qui doit nécessairement comprendre une dimension

économique17.

23. Pour ce qui concerne la reconnaissance, elle consiste dans l’admission sur le territoire

national de l’existence et des effets d’une personne juridique (physique ou morale)

étrangère18. La reconnaissance, c’est le préalable à toute opération de transfert. En effet

comme un auteur le remarque à très juste titre, « si une société n’est pas reconnue par l’Etat

14 M. MENJUCQ, « La mobilité des sociétés dans l’espace européen », Thèse, Paris, LGDJ 1997, n°9, p.8. 15 Selon l’expression de H. SYNVET, citée par M. MENJUCQ, « La mobilité des sociétés dans l’espace européen », Thèse, Paris, LGDJ 1997, n°5, p.5. 16 J.-M. BISCHOFF, « Observations sur la validité du transfert international du siège social », in Mélanges BASTIAN, t.1, p.23. 17 En ce sens, L. LEVY, « La nationalité des sociétés », LGDJ, 1984, p.295 ; J. BEGUIN, « La nationalité juridique des sociétés commerciales devrait correspondre à leur nationalité économique », in Mélanges P. CATALA, Litec 2001, p.859. 18 L. LEVY, « La nationalité des sociétés », LGDJ, 1984, p.51.

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dans lequel elle désire transférer son siège social, celui-ci va considérer que la société n’avait

pas d’existence juridique avant l’immatriculation sur ses registres et va assimiler le transfert

international à une création pure et simple »19.

24. Qu’il s’agisse des conditions du transfert ou de ses conséquences après qu’il ait été

réalisé, une combinaison doit être faite entre les dispositions du droit des sociétés, les règles

de conflit de lois, et les règles de droit international privé matériel20 de chacun des pays

intéressés.

25. En droit français, s’il n’est pas douteux que la personnalité morale de la société n’est pas

atteinte par un transfert de son siège social à l’intérieur du territoire français, il est en

revanche beaucoup moins sûr que cette personnalité survive en cas de changement de loi

applicable à la société21, résultant d’un déplacement du siège au-delà des frontières.

26. A la vérité cette hypothèse, que le développement des relations internationales devrait

rendre de plus en plus fréquente a fait l’objet de vives discussions en doctrine et en

jurisprudence22.

27. En droit européen la question des structures d'entreprises s'est posée dans le cadre d'un

traité dont les rédacteurs avaient, dès l'origine, envisagé la question et défini un certain

nombre d'objectifs. Deux séries de textes balisent la matière. Il s'agit d'abord des articles 43

alinéa 2 et 48 alinéa 1, 44-2-g du traité CE. Ces disposition, insérées dans le chapitre relatif au

droit d'établissement, posent deux principes : les sociétés sont assimilées aux personnes

physiques23 du point de vue de la liberté d'établissement24. Le Conseil et la Commission se

voient assigner la mission de coordonner les droits nationaux en ce qui concerne la protection

19 M. MENJUCQ, « Transfert international du siège social : état du droit positif », JCP E, n°41, 14 octobre 1999, p.1617. 20 Lorsqu’il en existe. 21 Changement de nationalité selon l’analyse juridique classique. 22 LOUSSOUARN, « Le transfert du siège social et le problème du statut des sociétés », Travaux du Comité français de DIP, 1946-1948, p.157. 23 Art. 48 alinéa 1 du traité CE (ex Art. 58) «Les sociétés constituées en conformité de la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de la Communauté sont assimilées, pour l'application des dispositions du présent chapitre, aux personnes physiques ressortissantes des États membres ». 24 Art. 43 alinéa 2 du traité CE (ex Art. 52) « La liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, et notamment de sociétés au sens de l'article 48, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux ».

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des intérêts des associés et des tiers25. L'article 293 alinéa 3, quant à lui, incite les Etats

membres à engager des négociations en vue d'assurer la reconnaissance mutuelle des sociétés,

le maintien de leur personnalité juridique en cas de transfert international du siège social et la

possibilité de fusions transfrontalières26. Ces textes montrent que les rédacteurs du traité

avaient clairement perçu que le statut des sociétés était une question dont on ne pouvait faire

l'économie, et qu'il convenait de poser le plus vite possible des règles dans ce domaine.

28. Sur la base de ces textes on a vu se développer de nombreux projets, propositions de

directives et de règlements, communications au Conseil, et mémorandums de sorte qu’on a pu

parler d’une véritable harmonisation du droit des sociétés. Toutefois ce travail demeure

largement inachevé et, surtout, il n'a pas permis à ce jour de légiférer dans le domaine sensible

du transfert intracommunautaire du siège social.

29. Cette absence de réglementation en la matière, tient, en premier lieu, au paradoxe que

recèle la notion même de liberté d'établissement. L'article 48 du traité CE assimile en effet les

entreprises aux individus. Pour les personnes physiques, les choses sont relativement simples

et se limitent à la réglementation de l'accueil des ressortissants des Etats membres. Pour les

sociétés, c'est beaucoup moins simple, en raison de leur structure juridique, et des

considérables différences existant entre les droits des sociétés des Etats membres. Or, le traité

ne prévoit rien dans ce domaine, si ce n'est quelques objectifs à atteindre. En matière de

sociétés, la liberté d'établissement à titre principal est sans doute la liberté de créer ex nihilo

une entreprise, ce qui ne pose guère de problèmes, mais c'est surtout la liberté de transférer

son siège social. Or, le droit des sociétés et les règles du droit international privé rendent le

transfert problématique. Le principe de la liberté d'établissement des sociétés est donc affirmé

clairement par le traité mais l'instrument d'exercice direct de ce droit n'existe pas. Seul existe

le droit de créer partout une société, mais pas celui de la déplacer facilement. Au demeurant,

ce droit existerait-il, que les divergences entre les droits nationaux constitueraient un obstacle

de fait au droit d'établissement, quelques chose d'équivalent aux obstacles techniques à la

liberté de circulation des marchandises. D'où les mesures de coordination prévues par l'article

25 Art. 44-2-g du traité CE « (Le Conseil et la Commission exercent les fonctions qui leur sont dévolues par les dispositions ci-dessus, notamment [...]) en coordonnant, dans la mesure nécessaire et en vue de les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l'article 48, deuxième alinéa, pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers ». 26 Art. 293 alinéa 3 du traité CE (ex Art. 220) « (Les Etats membres engageront entre eux, en tant que besoin, des négociations en vue d’assurer, en faveur de leurs ressortissants : [...]) la reconnaissance mutuelle des sociétés au sens de l’article 48, deuxième alinéa, le maintien de la personnalité juridique en cas de transfert du siège de pays en pays et la possibilité de fusion des sociétés relevant de législations nationales différentes ».

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44-2-g du traité CE. Les problèmes, déjà ardus en eux-mêmes, ont été rendus encore plus

difficilement surmontables en raison des élargissements successifs. Un nombre plus important

d’Etats, signifie une plus grande difficulté à se mettre d'accord. Or, il s'agit là de matières très

techniques, dans lesquels le poids des nationalismes juridiques est écrasant. On ne cède rien,

et d'autant moins que l'opinion publique, ignorant le débat, ne pèse pas sur les décideurs.

30. Le problème, en apparence, est strictement juridique, et se trouve essentiellement lié aux

divergences profondes entre les droits des Etats membres. Cela étant, la technicité des

problèmes juridiques ne doit pas masquer la réalité, à savoir que la vraie question est aussi

fiscale. Chaque Etat craint en effet de voir s'évanouir sa matière imposable, sous couvert de

transfert de siège social et de fusions.

31. De la sorte, le juriste doit prendre également en considération la dimension fiscale du

sujet : l’opération de transfert international du siège social se situe au confluent du droit des

sociétés et du droit fiscal. Ainsi, on doit prendre acte du fait que dans bon nombre d’Etats, il

n’y a pas de coïncidence obligée entre les facteurs de rattachement d’une personne morale à

l’égard de ces deux branches du droit27.

32. Il convient de mentionner sur ce point que le règlement relatif au statut de la SE remarque

que « la réalisation d'opérations de restructuration et de coopération impliquant des

entreprises d'États membres différents se heurte à des difficultés d'ordre juridique,

psychologique et fiscal ». C’est une véritable surprise pour le juriste de voir écrit dans une

disposition de nature législative relative au droit des sociétés qu’une opération se heurte à des

difficultés d’ordre psychologique ! Peut être est-ce une preuve de l’importance des obstacles

Homériques, auxquels se heurte l’opération de transfert international du siège social.

33. Ces obstacles se justifient en grande partie par le fait que le transfert du siège social peut

s’avérer désastreux pour le développement de l’économie nationale des Etats membres.

34. Les inquiétudes des acteurs de la place de Paris en font une parfaite illustration : « Le

risque [de voir les sociétés fuir] est d’autant plus grand qu’avec la mise en place prochaine du

27 Ce qu’explique l’avocat général DARMON dans ses conclusions présentées le 7 juin 1988. The Queen contre H. M. Treasury and Commissioners of Inland Revenue, ex parte Daily Mail and General Trust plc. Affaire 81/87.Recueil de jurisprudence 1988 page 05483. RTD eur. 1989, p.260, obs. L. CARTOU ; JDI 1989, p.429, note C. BOUTARD -LABARDE ; V. aussi pour une étude approfondie de cet arrêt, M. MENJUCQ, La mobilité des sociétés, LGDJ 1997, spéc. n°121 et s. ; J. BEGUIN, L’évolution de l’environnement international et communautaire et la loi du 24 juill. 1966, Rev. Sociétés 1996, p.523.

17

statut de société européenne, nous risquons de voir non seulement les activités, mais

également les centres de décision se délocaliser à un moment où 50 p. 100 des emplois dans

les banques et sociétés d’assurances vont devoir être remplacés »28. Les pouvoirs publics,

conscients de ce danger29 ont l’ambition de remédier à cet état de choses. A ce titre

l’attractivité de la place française, constitue une priorité absolue.

35. Aux difficultés liées au fond, déjà considérables, s'ajoute le problème de la méthode

législative : Convention, harmonisation par voie de directives ou règlements ? La question

n'est pas accessoire, parce que les Etats ressentent différemment chacune des trois méthodes,

le règlement étant celui qui suscite le plus de réserves.

36. Face à une telle situation, force est de constater que dans ce domaine, on en est encore, 40

ans après, aux projets.

III. Quels résultats ? 37. La Commission a fait feu de tout bois en utilisant tous les moyens institutionnels à sa

disposition, mais les résultats ont été décevants.

38. A ce titre il convient de prendre l’exemple des Conventions de l'article 220 du traité CE.

Le texte prévoyait que les Etats membres devaient engager entre eux des négociations en vue

d'assurer la reconnaissance mutuelle des sociétés au sens de l'article 58 alinéa 2, le maintien

de la personnalité juridique en cas de transfert du siège et la fusion internationale des sociétés

relevant d'Etats différents. Le bilan, il faut le dire, s'avère nul. Concernant la reconnaissance

mutuelle des sociétés, même si une convention de 1968 a été conclue, elle n'a jamais été

ratifiée. Sur ce point il convient de mentionner que le règlement relatif au statut de la SE

prend le soin de mentionner que « le présent règlement ne préjuge pas les dispositions qui

seront éventuellement insérées dans la Convention de Bruxelles de 1968 ou dans tout texte

adopté par les États membres ou par le Conseil qui se substituerait à cette convention,

concernant les règles de compétence applicables en cas de transfert du siège statutaire d'une

société anonyme d'un État membre vers un autre »30.

28 G. MESTRALLET, président de l’association Paris Europlace, propos Recueillis par Ph. GUILLAUME et S. LE PAGE, « Les échos : dossier spécial, Délocalisations, le grand défi », mercredi 9 juin 2004. 29 G. MESTRALLET prend l’exemple de la Place de Londres, bénéficiaire d’une attractivité fiscale et sociale. 30 Considérant n°25, du règlement (CE) n°2157/2001 du conseil, du 8 octobre 2001, relatif au statut de la SE.

18

39. Un autre moyen utilisé a été la coordination des droits nationaux sous forme de directives.

L'ambition, au départ, étant considérable. La réalité a été là aussi décevante. Le projet de

14ème directive sur le transfert du siège n’a toujours pas abouti.

IV. Quelles perspectives ? 40. Les dernières années ont vu, en matière de structures d'entreprises, une forte évolution des

esprits. Les échecs du passé ont fait réfléchir aussi bien les praticiens que les instances

communautaires. De cette réflexion, quatre idées nouvelles sont nées :

• La première idée est que le règlement n'est pas forcément la meilleure méthode

d'intervention, même s'il semble avoir réussi à imposer la société européenne. L'idée d'une

réglementation générale unifiée n'est plus de mise. On croit plus sage d'y renoncer, pour se

cantonner à des ambitions plus modestes, mais plus réalistes.

• La seconde idée est qu'une réglementation trop lourde et trop détaillée ne sert à rien. Et,

surtout, cela ne contribue pas à assurer réellement la libre circulation des entreprises, qui

dépend plus de leur environnement économique que de considérations liées au droit des

sociétés. Or, c'est bien la libre circulation qui est l'objectif avoué. Bref : les inconvénients de

la méthode l'emportaient sur ses avantages, et de loin.

• La troisième idée, corollaire de la précédente, est d'admettre que la liberté de circulation des

entreprises ne doit pas être conditionnée par la forme juridique qu'elle adopte. Si cette forme

joue un rôle dans la circulation en la facilitant, il ne faut pas que le choix d'une certaine forme

juridique procure un avantage aux sociétés qui l'aurait adoptée par rapport aux autres. En ce

sens, le règlement relatif au statut de la société européenne est trop réducteur31, puisqu'il ne

vise que la société anonyme, et encore sous certaines conditions. Il faut donc dépasser la

société anonyme européenne, et donner un cadre communautaire à toutes les opérations

internationales de rapprochement, même les plus souples.

• Enfin, la quatrième idée part de la constatation que la société anonyme européenne n'épuise

pas le problème de la forme juridique de la société européenne. Puisque l'accent est mis

aujourd'hui sur le tissu économique constitué par les petites et moyennes entreprises (PME), il

31 Règlement (CE) n°2157/2001 du conseil, du 8 octobre 2001, relatif au statut de la SE.

19

faut s'en occuper. Or, elles sont beaucoup plus nombreuses que les sociétés anonymes. Et le

droit européen, à ce jour, les ignore.

41. De ce mouvement d'idées découlent un certain nombre de conséquences :

• La première conséquence c’est qu’il reste un domaine encore ouvert au règlement : celui des

PME. Car la société anonyme européenne n'a pas épuisé le problème de la structure des

sociétés en droit européen. Chacun s'accorde à dire que l'avenir, dans ce domaine, est à une

forme européenne adaptée aux petites et moyennes sociétés. D'où une réflexion générale,

provenant de sources variées, sur un projet de société fermée européenne. Il s'agit de réaliser

quelque chose qui pourrait ressembler à une société à responsabilité limitée (SARL)

européenne, mais fondée sur l'idée de simplicité et celle de liberté contractuelle. Au fond,

quelque chose qui ressemblerait à une SARL à la mode anglo-saxonne. Le Mouvement des

entreprises de France (Medef) et la Chambre du Commerce et d’Industrie de Paris (CCIP) ont

même proposé un projet de règlement.

• La deuxième conséquence réside dans l'admission par les autorités communautaires de la

nécessité d'appliquer, en matière de droit des sociétés, le principe de subsidiarité. Les vieilles

querelles sur la structure des sociétés anonymes et la représentation du personnel sans parler

du reste, a eu au moins une vertu : celle d'admettre qu'il fallait alléger autant que possible la

législation commune au profit des droits nationaux. A partir de 1989, le principe du renvoi au

droit national du siège, dès lors que le fonctionnement de la société européenne, n'exige pas

de règles communautaires n'a plus été considéré comme un retour en arrière, mais plutôt

comme une mesure à laquelle il fallait se résoudre et qui, après tout, constituait mieux qu'un

pis-aller. C'est la définition même du principe de subsidiarité. Ainsi, le texte adopté au

sommet de Nice ne comporte-t-il plus que des dispositions substantielles limitées, et un grand

choix de solutions possibles. On peut donc dire que l'interminable naissance de la société

européenne a eu au moins un avantage : celui d'avoir servi de laboratoire d'idées, et de vivier

de solutions découvertes par élimination, dont le droit communautaire peut faire aujourd'hui

son profit. Au fond, on cherche à revenir aux objectifs des articles 43 et 48 du traité de Rome :

ne faire, en matière de structures d'entreprises, que ce qui est nécessaire pour la liberté de

circulation et de prestation de services, mais rien de plus.

42. De cette constatation, il résulte que la méthode de l'harmonisation par voie de directive,

qui a toujours été privilégiée, le sera encore dans l'avenir. Il faudra réanimer sous cette forme

20

certains projets aujourd'hui suspendus. Mais, surtout, il faudra en renouveler l'esprit, en se

contentant de règles minimales et en évitant celles qui seraient trop contraignantes.

43. A ce titre, il convient de mentionner que les services de la Commission se préparent à

élaborer une nouvelle proposition de 14ème directive sur le transfert transfrontalier du siège

statutaire des sociétés des capitaux. La Commission européenne a lancé une consultation

publique sur les orientations du futur projet de proposition de directive. Deux précédentes

consultations publiques, ont mis en exergue une demande pressante des opérateurs du marché

d’assurer rapidement au sein de l’Union européenne, par voie législative, la possibilité pour

les sociétés de transférer leur siège statutaire d’un Etat membre à l’autre, sans devoir procéder

à une mise en liquidation dans l’Etat membre d’origine.

44. En outre, la Commission a invité les intéressés à répondre avant le 15 avril 2004 à un

questionnaire « bref et convivial qui repose sur l’initiative d’élaboration interactive des

politiques de la commission »32.

45. Concernant ce questionnaire, le commissaire en charge du marché Intérieur33 a déclaré :

« J’exhorte toutes les entreprises, toutes les associations et tous les avocats concernés par le

droit des sociétés à répondre à cette consultation. Nous devons faciliter le plus possible le

transfert du siège statutaire des sociétés tout en assurant la protection des tiers, en ce compris

les créanciers. Cette consultation nous permettra d’écouter les avis des parties concernées

avant de présenter une proposition détaillée»34.

46. La nouvelle proposition qui devrait être présentée au courant du mois de septembre 2004,

sera-t-elle de nature à assurer le libre transfert intracommunautaire du siège social ? Puis est-

ce qu’elle va aboutir ou faudra-t-il attendre 30 ans encore ?

47. Comme il ressortira de l’étude, le transfert international du siège social se heurte

effectivement à l’hostilité plus ou moins explicite des Etats membres qui en redoutent les

conséquences économiques et sociales : certains craignant qu’elle soit le signal de départ

d’une émigration des sociétés, d’autres s’inquiétant des possibilités d’évasion fiscale et de

32 Voir IP/04/270. 33 Frits BOLKESTEIN. 34 "I encourage all businesses, associations and lawyers with an interest in company law to respond to this consultation. We need to make it as easy as possible for companies to transfer their registered office while making sure that third parties, including creditors, are protected. This consultation exercise will give us the chance to listen to the views of those affected before coming up with a detailed proposal".

21

fraude qu’il offrirait. En somme, dans l’analyse juridique classique, il s’agit d’une

contestation de la légitimité du droit de sociétés de déplacer leur siège social dans l’espace

communautaire. Cette contestation se traduit par une palette d’obstacles au libre transfert

international du siège social (PREMIERE PARTIE).

48. L’étude de l’analyse juridique classique permet de prendre conscience que le transfert du

siège social ne se justifie qu’au sein d’un espace intégré d’Etats car seule une organisation

telle que l’Union européenne a la capacité de limiter les abus résultant d’une possible

concurrence juridique et sociale entre Etats. Mais l’Europe avance mal. Il a fallu un demi

siècle pour donner naissance à la Société Européenne. Devant l’échec patent des projets et

propositions communautaires, la CJCE a lancé de nouvelles pistes de réflexion et a tenté de

renouveler l’approche conceptuelle de l’opération de transfert intracommunautaire du siège

social. La mise en œuvre concrète de la liberté d’établissement implique le libre transfert

intracommunautaire du siège social. A ce titre, l’impact de la liberté d’établissement sur les

législations et conceptions nationales, ouvertement hostiles à la mobilité des sièges sociaux,

s’avère considérable (DEUXIEME PARTIE). Etant donné que la considération du siège

effectif entrave sérieusement la circulation des sociétés, l’impact a été encore plus fort pour ce

qui concerne les Etats attachés à la théorie du siège effectif. Ceci étant dit, force est de

constater qu’aujourd’hui encore, l’une et l’autre théories entravent la libre circulation des

sociétés. Bref : en l’état actuel du droit personne n’est content en la matière. La

reconnaissance et l’encadrement d’un véritable droit de transfert du siège social apte à

répondre aux besoins du monde économique sera probablement le grand pari du droit

européen des sociétés.

22

PREMIERE PARTIE

L’ANALYSE JURIDIQUE CLASSIQUE : UNE PALETTE D’OBSTACLES AU LIBRE TRANSFERT INTERNATIONAL DU SIEGE SOCIAL

49. es sociétés européennes poussées par les besoins du marché ont vocation à se

développer dans le monde entier. Le territoire géographique national étant trop exigu pour

leurs activités, l’Union européenne dans un premier temps leur ouvre un espace à la mesure

de leur vocation et de leurs desiderata. Si l’objectif à atteindre est un marché économique

unique, il faut s’en donner les moyens.

50. Nous n’en sommes pas encore là, une palette d’obstacles demeure, certains d’ordre

notionnel et d’autres d’ordre réglementaire. La nature duale des obstacles servira de muse tout

au long de cette partie. En effet, avant d’aborder le sujet d’une façon plus ou moins technique,

en examinant l’expérience pratique des obstacles dans les législations nationales (TITRE II),

une réflexion notionnelle s’impose. De la sorte, le préalable nécessaire consiste à traiter du

principe même de l’opération (TITRE I).

TITRE I : LE DEBAT THEORIQUE SUR LE PRINCIPE DE L’OPERATION 51. Effets du transfert international de siège social. Le siège social constitue d’une part,

l’élément principal sinon unique de la nationalité des sociétés et d’autre part, le point de

rattachement de la loi applicable à la société (la lex societatis) qui régit sa constitution, son

fonctionnement, et sa dissolution. Le transfert international du siège social entraîne donc le

changement de la nationalité de la société et le changement de la loi qui lui est applicable.

52. Les effets du transfert international du siège jettent le doute sur la validité d’une telle

opération. A dire vrai, discuter de la validité du transfert international du siège social revient à

s’interroger sur la continuité de la personnalité morale. Si la personne juridique ne survit pas

à l’opération, il n’y a pas transfert de siège mais dissolution de la société suivie d’une

reconstitution. Cette incertitude sur la survie de la personnalité morale se retrouve dans tous

les systèmes juridiques. D’une manière générale, si l’on écarte le critère du contrôle qui n’est

pratiqué qu’exceptionnellement en droit comparé et qui n’a pas d’ailleurs été retenu par le

23

droit communautaire, l’opposition existe entre le système de l’incorporation (CHAPITRE II)

et celui du siège réel (CHAPITRE I). Il convient d’examiner successivement la question de

la survie de la personnalité morale dans ces deux systèmes juridiques.

CHAPITRE I : Système de l’incorporation 53. Le système de l’incorporation pourrait se résumer ainsi : « la société est rattachée au pays

dont on a suivi la loi pour la constituer et où elle est enregistrée »35. Un ouvrage de référence

explique l’approche du droit britannique par une comparaison analogique entre les personnes

physiques et morales : « Chaque personne, physique ou morale, acquiert à sa naissance un

domicile d’origine par l’application de la loi. Dans l’hypothèse d’un enfant légitime c’est le

domicile de son père, dans l’hypothèse d’une personne morale, c’est le pays de naissance,

c'est-à-dire le pays d’immatriculation »36. Il est évident que le système de l’incorporation se

fonde sur une conception formaliste du rattachement (Section I) dont il serait intéressant

d’examiner l’incidence sur la mobilité des sociétés (Section II).

Section I : Conception formaliste du rattachement 54. La thèse de la fiction et absence de survie de la personnalité morale. « Si comme nous le

pensons, la personnalité juridique n’est pas une réalité naturelle, mais un bienfait de la loi,

accordé et mesuré par celle-ci, la faveur cesse lorsque la loi qui l’a accordée est répudiée par

les associés »37. Selon certains auteurs, il appartient au seul Etat d’accueil d’attribuer ou non

la personnalité morale au groupement qui serait par conséquent absorbé par ce nouveau

droit38. Deux auteurs belges favorables à cette conception indiquent qu’il y a deux personnes

morales distinctes, entre lesquelles « le mort ne saisit pas le vif même si il existe, entre elles,

des rapports d’héritage »39.

35J.-M. BISCHOFF, « Aspects de droit international privé », Petites affiches, 16 avril 2002, n°76, p.43. 36 DICEY & MORRIS, « The conflict of Laws », 13th edition, (London: Sweet and Maxwell, 2000), vol. 2, rule 29. «Every person, natural or artificial, acquires at birth a domicile of origin by operation of law. In the case of a legitimate natural person it is the domicile of his father, in the case of the juristic person it is the country in witch it is born, ie in witch it is incorporated ». C’est l’auteur qui traduit. 37 HAMEL, LAGARDE et JAUFFRET, « Traité de droit commercial », t.1, vol.2 par G. LAGARDE, Dalloz 1981, n°429, p.86. 38Voir HAMEL, LAGARDE et JAUFFRET, « Traité de droit commercial », t.1, vol.2 par G. LAGARDE, Dalloz 1981, n°429, p.86. Ces auteurs appuient leur démonstration sur l’hypothèse d’une SNC française dont le transfert du siège au Royaume-Uni conduirait à sa transformation en partnership dépourvu de personnalité morale, selon le droit anglais. 39 S. FREDERIQ et DE SMET, « Rapport belge au Vème Congrès de l’Académie internationale de droit comparé », 1958, p.147.

24

55. Le choix de la théorie de la fiction incite à distinguer la capacité des personnes physiques

de celle des personnes morales, et à cantonner strictement la capacité des dernières à leur

objet statutaire ou légal, les fictions étant d’interprétation stricte. Cette théorie résulte donc,

d’une interprétation stricte du principe de spécialité.

56. La thèse de la réalité et survie de la personnalité morale. Une partie de la doctrine

considère que la thèse de la fiction est contraire aux besoins des sociétés. Un auteur remarque

à propos de la thèse de la réalité que « les inconvénients pratiques, commerciaux et fiscaux

d’une telle conception la rendent suspecte »40. Dans l’optique de la mobilité, certains auteurs

considèrent qu’il est préférable de repousser la thèse de la fiction et de reconnaître la réalité

technique de la personnalité morale41.

57. Ainsi, si on se prononce en faveur de la thèse de la fiction, le transfert international du

siège statutaire avec survie de la personnalité morale, n’est pas admis. Le système de

l’incorporation, sans pour autant adopter la thèse de la fiction, n’admet le transfert

international du siège statutaire que si il y a dissolution de la société (§1) suivie de la

naissance d’un être moral nouveau. En revanche, le transfert du siège effectif de direction

reste possible puisque indifférent à l’égard de l’incorporation de la société (§2).

§ 1.- Transfert international du siège statutaire et absence de survie de la personnalité morale. 58. Le droit anglais, n’accueille aucune théorie sur la personnalité morale mais dans leur

abord traditionnellement pratique des problèmes, les juridictions considèrent qu’il s’agit d’une

fiction. Les systèmes dits anglo-saxons adoptent en effet une conception très formaliste du

rattachement d’une société à un Etat en se référant uniquement à l’immatriculation

(incorporation) sans aucune considération pour la localisation du centre de direction. En effet

dans ces systèmes la personnalité morale est conçue comme un bienfait de la loi qui cesse

lorsque la compétence législative disparaît. Cela ne signifie pas que les juges anglais adoptent

la thèse de la fiction mais seulement qu’ils estiment qu’une personne morale est une

abstraction qui naît de son accueil par une autorité publique et ne vit que par la loi de

constitution. La société ne peut ainsi survivre au changement de rattachement législatif que si

la loi de l’Etat d’origine et celle de l’Etat d’accueil le prévoient expressément. Cela implique

40 M. BATIFFOL, « Le changement de nationalité », Trav. comité français de DIP 1969. 41 G. LAGARDE, « Propos de commercialiste sur la personnalité morale. Réalité ou réalisme ? », Etudes offertes à A. JAUFFRET, 1974, p.429.

25

que la loi d’origine en réserve expressément la possibilité et que le droit d’accueil organise

précisément le maintien de la personnalité morale42. Dans ce cas, il existerait une continuité

légale qui autoriserait d’assimiler la situation juridique à un transfert de siège à l’intérieur

d’un même Etat.

59. Ces propos nous amènent à la constatation suivante : en l’absence de coordination des

législations des Etats concernés par le transfert, la société ne peut, sans se dissoudre, quitter

l’Etat où elle est enregistrée pour s’incorporer dans un nouvel Etat. Ainsi, la société désirant

transférer son siège statutaire à l’étranger n’aurait d’autre choix que de se dissoudre dans son

Etat d’origine pour se reconstituer dans l’Etat du nouveau siège, l’intérêt des créanciers étant

préservé par le fait que la nouvelle société est l’ayant cause à titre universel de la société

initiale. Aussi le droit anglais considère-t-il que la société ne survit pas à la modification de la

loi du lieu de constitution et n’admet-il pas le transfert du domicile social43 à l’étranger sans

dissolution. Ainsi, la société qui attend transférer son siège statutaire, doit se dissoudre. En

conséquence ni le transfert du siège statutaire, ni le transfert du siège total44, c'est-à-dire

transfert de sièges statutaire et effectif, ne sont possibles dans le système de l’incorporation.

§2.- Transfert du siège effectif de direction et survie de la personnalité morale 60. En revanche, le transfert du siège effectif est, quant à lui, possible, car dénommé « seat of

central management and direction », il est indifférent à l’égard de l’incorporation de la

société. Cette solution est tout à fait naturelle, puisque selon la théorie du siège statutaire, une

société constituée en vertu du droit national et officiellement dotée sur le territoire national

d’un siège statutaire tenant lieu de domicile pour toute procédure juridique relève de ce droit

national. Aucun autre lien avec le territoire national n’est requis. Les activités de la société

peuvent être exercées en tout lieu, son administration principale ou centrale peut être située et

42 La doctrine anglaise conclut fermement à la faculté de transférer le domicile en s’appuyant sur ce raisonnement par analogie, à la condition que l’opération soit confirmée par réincorporation dans l’Etat du nouveau domicile. (En ce sens, DICEY & MORRIS by L. COLLINS, « Conflicts of Law », t.1, éd. Stevens & son Limited, London, rule 172, p. 1131). La doctrine française favorable à la thèse de la fiction considère que l’article L210-6 C. Com. exclurait toute solution de continuité, sauf à admettre qu’une même société dispose en même temps de deux sièges sociaux. Hormis l’existence des conventions prévues par l’article L 225-97 C. Com., le transfert de siège entraînerait la dissolution de la société, « la survie de la personnalité morale étant l’exception ; sa disparition la règle ». (En ce sens, DE GRANDCOURT, Répertoire de droit international, Dalloz 1969, verbo Sociétés, n°51 et n°58). 43 Siège statutaire. 44Transfert total du siège, c'est-à-dire transfert du siège statutaire et transfert du siège effectif de direction.

26

ses organes de contrôle peuvent être réunis, systématiquement ou occasionnellement, en

dehors du territoire national d’origine.

61. Sur ce point il est intéressant de noter, qu’alors en principe la localisation du siège effectif

de direction est sans incidence pour les Etats adoptant le système d’incorporation, un certain

nombre de ces Etats, prennent tout de même en compte la localisation du siège effectif de

direction. Ceci afin d’appliquer aux sociétés, ayant sur leur territoire leur siège effectif de

direction, certaines de leurs dispositions nationales. C’était le cas aux Pays-Bas45.

Section II : Incidence de la conception formaliste du rattachement sur la mobilité 62. La détermination de la loi applicable, résultant d’un critère formel, assure la pérennisation

de la loi de la société. Bien évidemment, cette pérennisation de la loi de la société, empêche le

transfert du siège statutaire voir le transfert du siège total. En conséquence la théorie du siège

statutaire entrave la libre circulation des sociétés. Ceci étant dit, ladite théorie présente un

certain nombre d’avantages pratiques, puisque malgré les entraves à la libre circulation du

siège statutaire, la mobilité du siège effectif de direction est quant à elle facilitée (§1). Par

ailleurs, la souplesse du critère de l’incorporation permet son adaptation à la réalité du monde

des affaires (§2).

§1.- Une mobilité facilitée par le système d’incorporation 63. Le système d’incorporation est de nature à favoriser la mobilité. A ce titre il convient de

rappeler que le système d’incorporation a été conçu à l’origine comme un moyen permettant

aux sociétés britanniques d’étendre leur commerce à travers le monde tout en bénéficiant de la

protection diplomatique de leur pays.

64. Plus précisément, dans le système d’incorporation, le déplacement du siège effectif des

sociétés n’aura aucune conséquence sur le plan de la mobilité, la détermination de la loi

résultant d’un critère formel, à l’exclusion de tout critère objectif ou matériel déduit d’une

situation de fait.

45 Pour une analyse détaillée du dispositif Néerlandais relatif aux pseudo-foreign companies, voir le DEUXIEME TITRE DE LA DEUXIEME PARTIE.

27

65. Ainsi, les Etats membres adoptant le système d’incorporation, accordent le bénéfice de

leurs dispositions, aux sociétés qui s’immatriculent dans leur territoire, sans considération de

la localisation du siège effectif. L’avantage de la pérennisation de la loi de la société réside

dans la suppression du conflit mobile.

66. Le système présente d’ailleurs un certain nombre d’avantages pratiques, puisqu’il accorde

aux dirigeants une intéressante liberté d’adapter le lieu du siège de direction aux

modifications du centre de gravité de la société tenant aux variations des zones d’exploitation

ou de l’actionnariat. En outre, comme il s’agit d’un transfert de fait, il ne nécessite pas

l’autorisation de l’assemblée des associés, ce qui permet une souplesse de gestion inconnue de

la théorie du siège réel46.

67. Ce système apparaît également favorable à l’accueil des sociétés puisque celles-ci sont

reconnues dès qu’elles sont valablement constituées selon les dispositions de leur Etat

d’immatriculation qui continuent à les régir malgré le transfert du siège effectif.

68. En outre, il est évident que la sécurité juridique est mieux assurée en application d’un lien

juridique fixe, tels que la notion de siège statutaire, qu’en application de critères de

rattachement difficilement saisissables, comme par exemple la notion de centre effectif de

direction. Ce qui conduit à nous intéresser à la question de la considération de la mobilité

réalisée par le système de l’incorporation.

§2.- La souplesse du système d’incorporation 69. En ne soumettant pas le rattachement de la société à un lien matériel, le critère de

l’incorporation favorise la mobilité. « Le critère de l’incorporation appréhende d’une façon

souple et conforme à la réalité des affaires, la répartition des organes d’une société ayant une

activité internationale, contrairement au système de siège réel qui institue une rigidité

critiquable »47. Un auteur48 met parfaitement en lumière le danger et l’inutilité du

rattachement de la société par le facteur du siège social réel. Le danger consiste en la

requalification de la société en société de fait, voire la nullité de la société49.

46 M. MENJUCQ, « La mobilité des sociétés dans l’espace européen », Thèse, Paris, LGDJ 1997, n°134, p.94. 47 M. MENJUCQ, « La mobilité des sociétés dans l’espace européen », Thèse, Paris, LGDJ 1997, n°141, p.97. 48 PERCEROU, note sous le jugement du Tribunal de Lille du 21 mai 1908, D 1910, 2, p.42 49 La requalification ou la nullité pouvant être encourues alors qu’il n’y a aucune fraude, puisque la dissociation résulte des considérations légitimes fondées sur la structure internationale de la société.

28

70. Les avantages du système d’incorporation apparaissent dans la jurisprudence de la

Chambre des Lords50. En l’espèce une société enregistrée au Royaume-Uni, réunissait son

conseil d’administration et ses assemblées des actionnaires en Suède. Les activités

économiques de la société avaient lieu en Suède, le secrétaire de la société résidait à Londres

et les transferts des titres étaient effectués également à Londres. Face à cette complexité des

faits, la juridiction anglaise décida que la société avait sa résidence dans les deux pays. La

localisation du siège effectif n’avait aucune conséquence sur la lex societatis mais ne servait

qu’à déterminer la résidence fiscale, ce qui a permis à la juridiction anglaise d’admettre

l’existence d’une pluralité de centres de décisions.

71. Il est évident qu’une telle solution n’est pas concevable dans le cadre du système du siège

réel puisque elle est contraire à l’impératif d’unité du statut juridique de la société. Le critère

du siège réel se révèle ainsi inadapté pour régir le rattachement des sociétés internationales

par leur structure. En outre le système de siège réel se révèle inapte à prendre en compte des

phénomènes tels que le développement des moyens de communication (vidéoconférences

etc.), dispensant les membres de la société de se réunir en un lieu précis et unique pour gérer

quotidiennement la société ou le phénomène d’européanisation rapide de l’actionnariat,

facilité par les directives communautaires.

72. L’expérience des groupes multinationaux montre encore une limite de la théorie du siège

réel. L’exemple cité par un auteur51 est tout à fait révélateur de cette limite. Un groupe

pourrait avoir intérêt à implanter sa holding tête de groupe ou sa holding intermédiaire aux

Pays-Bas, en raison d’une fiscalité attractive et d’un droit des sociétés souple, alors que la

holding serait dirigée depuis le siège du quartier général du groupe localisé en Belgique en

raison d’une législation attractive pour ce type d’implantation. La gêne occasionnée par

l’application du critère du siège réel52, qui imposera aux dirigeants de se réunir aux Pays-Bas

n’empêchera pas que les flux réels de pouvoirs diffèrent de la structure des participations. Il

est évident que le recours à la notion de siège réel est en l’espèce inutile puisqu’il ne parvient

pas à cerner le véritable centre de direction.

50 Swedish Central Railway v. Thompson (1925) A.C.495. 51 M. MENJUCQ, « La mobilité des sociétés dans l’espace européen », Thèse, Paris, LGDJ 1997, n°145, p.99. 52 En l’espèce par l’application de l’article 197 des lois coordonnées (Législation Belge).

29

CHAPITRE II : Système du siège réel 73. Le système du siège réel pourrait se résumer ainsi : « la société est rattachée au pays dont

on a suivi la loi pour la constituer et où se trouve situé son administration centrale, son centre

de décision »53. Il est évident que le système du siège réel se fonde sur une situation de fait,

sur une réalité tout en prenant en compte la localisation du siège statutaire (Section I). Les

différences avec le système de l’incorporation sont évidentes, il est à ce titre intéressant

d’examiner l’incidence de cette conception sur la mobilité (Section II).

Section I : Conception de la réalité technique 74. Opter en faveur du système du siège réel ne s’inscrit pas pleinement dans une logique

allant dans le sens de la libre mobilité des personnes morales. A ce titre, l’exemple du droit

allemand fait une parfaite illustration des limites de la théorie de siège réel au regard de la

mobilité (§1). Le droit français quant à lui constitue un exemple controversé (§2) puisque

selon les auteurs il s’agit d’une consécration du critère du siège réel, du critère de

l’incorporation voire d’un mélange des genres.

§1.- Le droit allemand : une application rigoureuse de la théorie du siège effectif 75. En Allemagne, très tôt la théorie prépondérante a été celle du siège effectif. D’après celle-

ci54, une société, pour pouvoir jouir de la capacité juridique, doit non seulement avoir été

enregistrée valablement et en conformité avec les dispositions applicables de l’Etat où elle a

été crée, mais en plus, elle doit avoir son siège réel dans l’Etat du lieu de sa création. Le siège

réel correspond au lieu quotidien de prise des décisions. C’est ainsi le droit de l’Etat où se

trouve ce siège qui détermine si elle a été crée dans les règles.

76. A l’occasion de l’arrêt Überseering55 on a pu constater que selon la jurisprudence

constante du Bundesgerichtshof, approuvée par la doctrine allemande dominante, la capacité

juridique d'une société s'apprécie conformément au droit applicable à l'endroit où est établi

53 J.-M. BISCHOFF, « Aspects de droit international privé », Petites affiches, 16 avril 2002, n°76, p.43. 54 La loi introductive au Code Civil – Einführungsgesetz zum Bürgerlichen Gesetzbuch – EGBGB- qui regroupe les règles du droit international privé allemand. 55 CJCE, 5 novembre 2002, Überseering, aff. C-208/00. Rev. crit. DIP 2003, p.508, note P. LAGARDEL; JCP 2003, II, n°10032, note M. MENJUCQ; Bulletin Joly Sociétés, 2003, p.452, note M. LUBY; JCP E, 2003, n°448, note M. MENJUCQ; Rev. Sociétés 2003, p.315, note J.-P. DOM ; Petites affiches 24 févr. 2003, n°39, p.7, note C. DUCOULOUX FAVARD ; Europe 2003, com. n°19, obs. L. IDOT.

30

son siège effectif («Sitztheorie» ou théorie du siège), par opposition à la «Gründungstheorie»

ou théorie de la constitution, selon laquelle la capacité juridique est déterminée conformément

au droit de l'État dans lequel la société a été constituée. Cette règle s'applique également

lorsqu'une société a été légalement constituée dans un autre État et que son siège effectif est

ensuite transféré en Allemagne. Dans la mesure où la capacité juridique d'une telle société

s'apprécie au regard du droit allemand, elle ne peut être ni titulaire de droits et d'obligations ni

partie à une procédure judiciaire, à moins de se reconstituer en Allemagne de manière à

acquérir la capacité juridique au regard du droit allemand.

77. Bien qu'il constate que sa jurisprudence exposée précédemment est contestée à divers

égards par une partie de la doctrine allemande, le Bundesgerichtshof a jugé préférable, vu

l’état du droit communautaire et du droit des sociétés applicable dans l'Union européenne à

l’époque des faits, de continuer à appliquer sa jurisprudence antérieure pour diverses

raisons56.

78. Selon la juridiction allemande, il conviendrait d'écarter toute solution consistant, par la

prise en compte de différents éléments de rattachement, à apprécier la situation juridique

d'une société au regard de plusieurs ordres juridiques. Selon le Bundesgerichtshof, une telle

solution aboutirait à une insécurité juridique, car les domaines de réglementation qui

devraient être soumis à différents ordres juridiques ne pourraient être clairement distingués les

uns des autres. Ensuite, l'élément de rattachement que représente le lieu de constitution

avantagerait les fondateurs de la société qui pourraient, en même temps que ledit lieu, choisir

l'ordre juridique qui leur convient le mieux. Ce serait là, la faiblesse essentielle de la théorie

de la constitution, qui méconnaîtrait le fait que la constitution et l'exploitation d'une société

affectent également les intérêts de tiers et ceux de l'État où se trouve le siège effectif si ce

dernier est situé dans un État autre que celui dans lequel la société a été constituée. Enfin,

l'élément de rattachement constitué par le lieu du siège effectif permettrait, en revanche,

d'éviter que, par le biais d'une constitution de société à l'étranger, ne soient contournées les

dispositions du droit des sociétés de l'État où se trouve le siège effectif visant à protéger

certains intérêts primordiaux. En l'occurrence, les intérêts que le droit allemand vise à

préserver seraient notamment ceux des créanciers de la société: la législation relative aux

«Gesellschaften mit beschränkter Haftung (GmbH)» (sociétés à responsabilité limitée de droit

allemand) assurerait cette protection par des règles détaillées sur la libération et la

56 Voir point 13 de l’arrêt de la CJCE, 5 novembre 2002, Überseering, aff. C-208/00.

31

conservation du capital social. Devraient également être protégés les sociétés dépendantes et

leurs associés minoritaires en cas de liens interentreprises, cette protection étant assurée, en

Allemagne, par des règles telles que celles du droit des groupes et, en cas d'accords de

contrôle et de contrats de cession de bénéfices, celles relatives à l'indemnisation et à la

compensation financière des associés désavantagés par ces accords et contrats. Enfin, les

règles sur la cogestion garantiraient la protection des travailleurs employés par la société. Le

Bundesgerichtshof souligne que des dispositions équivalentes n'existent pas dans tous les

États membres57.

79. En vertu de ces solutions, une société légalement immatriculée dans un Etat membre qui

transfère son siège effectif de direction en Allemagne, devrait se dissoudre à l’Etat d’origine

et se reconstituer en Allemagne58. Une personne morale étrangère ne peut pas ex lege se

transformer à une forme juridique allemande équivalente. Pour devenir Aktiengesellschaft ou

GmbH il faut se réincorporer. A défaut elle compromet sa sécurité juridique. C’était

exactement la raison du refus des juridictions allemandes de reconnaître la capacité juridique

en Allemagne de la société Überseering59.

80. On verra cependant que cette application rigoureuse de la théorie du siège réel n’est pas

satisfaisante au regard de la liberté d’établissement. Appliquer rigoureusement la théorie du

siège effectif a pour effet la négation même de la liberté d’établissement. D’ailleurs, de plus

en plus d’auteurs allemands ont été conduits à préconiser le recours à la théorie dite de

l’incorporation60.

81. Alors que l’Allemagne nous donne un exemple fidèle de la théorie du siège réel, le droit

Français constitue un exemple controversé.

57 Voir points 14, 15, 16 de l’arrêt de la CJCE, 5 novembre 2002, Überseering, aff. C-208/00. 58 Selon un auteur, « German conflicts law, by using an objective and mandatory connecting factor, excludes party autonomy in international company law ». W.-H. ROTH, « From Centros to Überseering: Free movement of Companies, Private International Law, and Community Law », The International and Comparative Law Quarterly, 2003, 52, p.117. 59 CJCE, 5 novembre 2002, Überseering, aff. C-208/00. 60 En ce sens, J.-Ph. DOM, Note sous CJCE, 5 novembre 2002, Überseering, aff. C-208/00, Rev. Sociétés, avril -juin 2003, p.315.

32

§2.-Le droit français : un exemple controversé 82. La référence ou non du droit français à la théorie du siège réel ou à la théorie de

l’incorporation, a fait l’objet de nombreuses divergences doctrinales61 (II). En outre afin

d’admettre ou de refuser la validité du transfert international du siège social, la doctrine se

divise entre ceux qui voient dans la notion de personnalité morale une réalité et ceux qui y

voient une fiction (I).

I. Consécration de la thèse de la réalité ou de la thèse de la fiction ? 83. Certains auteurs voient dans le système français la consécration de la thèse de la réalité

(A), d’autres en revanche y voient la consécration de la thèse de la fiction (B).

A. La thèse de la réalité dans le droit français 84. En droit français, une partie des auteurs62 considèrent que la personnalité morale dans la

conception de la réalité technique, ne saurait être atteinte par un changement de statut,

quelque soit son importance. Les articles L222-9, L323-30, L225-97 C. Com. (traitent

respectivement des sociétés en commandite simple, des sociétés à responsabilité limitée et des

sociétés anonymes) érigent « le changement de nationalité » en un cas particulier de

modification des statuts.

85. Ceci étant dit, il faut avoir à l’esprit le fait que la jurisprudence française, rare en la

matière, n’offre qu’un soutien incertain à la validité du transfert international de siège. La

Cour de Cassation s’est généralement opposée à la survie de la personne morale lors d’un

transfert de siège63. Mais les arrêts évoqués, comme un auteur le remarque, sont des arrêts

« anciens dont la portée doit être réduite en raison des faits d’espèces qui révélaient souvent

une intention frauduleuse »64.

61 Voir J.-B. BLAISE, « Une cohabitation difficile : nationalité des sociétés et libre établissement dans la Communauté européenne », in Souveraineté Etatique et marchés internationaux à la fin du XXe siècle. Travaux du Credimi, vol. 20, Paris. 62 M. BATTIFOL, « Le changement de nationalité », Trav. Comité français de DIP 1965, p. 65. 63 Voir par exemple, Req., 29 mars 1898, Charbonnages du Poirier, D.1899, 1, p.595. 64 M. MENJUCQ, « Droit international et européen des sociétés », collection Domat droit privé, Montchrestien, 2001, n° 223, p.288.

33

B. La thèse de la fiction dans le droit français 86. La doctrine favorable à la thèse de la fiction considère que l’article 5 de la loi du 24 juillet

1966, exclue toute solution de continuité, sauf à admettre, ce qui est impossible, qu’une même

société dispose en même temps de deux sièges sociaux. Selon un auteur65, les conditions de

transfert de siège sont définies uniquement dans l’article 154 de la loi. Or même si l’auteur

admet que l’absence de traité n’ôte pas aux associés le droit de changer la nationalité de la

société à l’unanimité il n’admet pas en revanche la survie de la personne morale d’origine.

87. Ainsi, sous réserve de l’existence de conventions et de l’application de la théorie du

renvoi, la société désirant transférer son siège à l’étranger n’aurait d’autre choix que de se

dissoudre dans son Etat d’origine pour se reconstituer dans l’Etat du nouveau siège66.

88. En dépit de leur valeur, ces arguments n’ont pas convaincu la majorité de la doctrine

française qui voit dans la notion de personnalité morale une réalité technique.

II. Consécration de la théorie du siège statutaire ou de la théorie du siège réel ? 89. Le critère du siège réel déduit la loi applicable d’un état de fait ce qui signifie que le

déplacement du centre de gravité implique le changement de la lex societatis sans même que

les associés aient modifié le siège statutaire. En effet « il n’est pas possible logiquement de

refuser d’en tirer la conséquence, car on remettrait par là en cause la fondement même de la

compétence de la loi du siège réel»67. Or le Code de Commerce68, soumet « le changement de

nationalité » d’une part au transfert du siège statutaire et d’autre part, à des conditions légales

tenant à l’existence d’une convention spéciale pour les sociétés anonymes ou à l’unanimité

des associés. Comme le remarque à juste titre un auteur, « l’on constate, en l’occurrence, une

distorsion entre les effets logiques du critère du siège social et le droit en vigueur. Un doute

apparaît alors sur la réalité du rattachement par le siège réel comme règle de conflit

bilatérale »69.

65 M. DE GRANDCOURT, n°58. 66 MENJUCQ M., « La mobilité des sociétés dans l’espace européen », Thèse, Paris, LGDJ 1997, n°93, p.64. 67 J.-M. BISCHOFF, « Observations sur la validité du transfert international de siège social », in Mélanges BASTIAN, t.1, p.32. 68 Les dispositions législatives applicables en France, seront examinées de manière plus détaillée dans le deuxième titre de cette étude. 69M. MENJUCQ, « La mobilité des sociétés dans l’espace européen », Thèse, Paris, LGDJ 1997, n°131, p.92.

34

Section II : Incidence de la conception de la réalité sur la mobilité 90. L’application de la théorie du siège effectif entrave sérieusement, voire nie purement et

simplement la circulation des sociétés (§1). Cela soulève de sérieuses questions de

compatibilité avec la liberté d’établissement reconnue par le traité. Les Etats, afin de justifier

ces sérieuses entraves à la libre circulation des sociétés, avancent l’argument que seul ce

système permet de lutter efficacement contre la fraude et d’assurer l’objectif de sécurité

juridique (§2).

§1.- Une circulation entravée sérieusement par l’application de la théorie du siège effectif 91. Le système de siège réel constitue un véritable obstacle à la mobilité en raison du

changement de la loi applicable à la société, toujours entouré d’une lourde procédure

juridique. Comme le constate à juste titre le rapport final des experts en droit des sociétés,

« Etant donné que la théorie du siège effectif entrave sérieusement la circulation de certaines

formes de sociétés, l’incitation à légiférer en matière de restructuration sera plus forte pour ce

qui concerne les sociétés quittant ou abordant un pays qui applique cette théorie »70.

92. Selon la théorie du siège effectif, une société n’est reconnue comme relevant du pays où

elle a été constituée et comme revêtant valablement une des formes sociales en vigueur dans

ce pays que pour autant qu’elle y conserve son siège effectif. Ainsi, si une société constituée

en vertu du droit d’un Etat membre déplace ses activités ou ses organes centraux dans un

autre Etat membre, qui applique la théorie du siège effectif, sans acquérir la personnalité

morale dans cet autre Etat, elle compromettra sa sécurité juridique.

93. Par ailleurs, les notions d’administration centrale et de siège effectif créent un lien peu

satisfaisant : font-elles référence au lieu où l’activité s’exerce, au lieu où les organes de

direction et d’administration se réunissent, à ces deux lieux à la fois, au lieu où travaille le

personnel qui exerce cette activité ou sur lequel reposent les fonctions centrales71 ? Qu’en est-

il si toutes ces fonctions s’exercent dans des pays différents, ou dans plusieurs pays grâce aux

technologies modernes ? De graves incertitudes peuvent peser, notamment sur les activités et

le contrôle intégrés des groupes internationaux évoluant sur le marché intérieur.

70 « Report of the Hight Level Group of Company Law Experts on a Modern Regulatory Framework for Company Law in Europe », Brussels, 4 November 2002, Chapter 3.5, II, n°3. 71 Exemple : secrétariat, services financiers, services stratégiques.

35

§2.- Les prétendus avantages du système de siège réel 94. Selon les défenseurs du système de siège réel, ce système permet de lutter efficacement

contre la fraude et assure l’objectif de sécurité juridique. Il convient d’examiner

respectivement la notion de fraude (I) et la notion de sécurité juridique (II) afin de savoir si,

en la matière, le système de siège réel présente des avantages, que la théorie de

l’incorporation ne permet pas de satisfaire.

I. La lutte contre la fraude 95. Le problème de dissociation du siège réel semble être confondu avec le problème de la

fraude dans le système de siège réel à tel point que la doctrine classique énonce que

« l’exigence du siège réel et celle de l’absence de fraude ne font qu’une »72. Or la coïncidence

des sièges réel et statutaire ne suffit pas à exclure toute fraude. Si la position traditionnelle

peut se justifier dans l’hypothèse d’une société indépendante dont l’activité est presque

exclusivement tournée vers l’Etat de localisation du siège effectif (cf. Centros, Inspire Art),

tel n’est plus le cas ni pour une société indépendante réellement internationale par son activité

(cf. Banque ottomane) ou son actionnariat (cf. Überseering), ni pour les sociétés filiales d’un

groupe international73.

96. Afin de mettre un terme à cette confusion certains auteurs se sont efforcés de démontrer

l’insuffisance du seul caractère réel du siège. D’où l’exigence du caractère sérieux du siège

qui se saisit dans la localisation selon des motifs légitimes définis par l’existence d’un lien

véritable avec l’Etat d’implantation. Ainsi le caractère sérieux constitue « une application de

l’exception de fraude adaptée aux sociétés »74.

II. La sécurité juridique 97. Dans la doctrine française classique, le critère du siège réel est censé traduire l’intégration

d’une société dans une économie nationale et dans un système juridique donné. Il en

résulterait une simplification des relations juridiques. En effet, l’adoption du critère

72 B. AUDIT, « La fraude à la loi », éd. Dalloz 1974, n°514, p.409. 73 Par. Ex. L’hypothèse dans laquelle le siége réel de la filiale se situe au lieu du siège d’une autre société du groupe, que ce soit celui de la société mère ou d’un holding tête de sous groupe. 74 Y. LOUSSOUARN et J.-D. BREDIN, « Droit du commerce international », Sirey 1969, n°267, p.284.

36

d’incorporation, introduirait un élément d’extranéité dans les liens juridiques que la société

établirait avec les tiers et il y aurait une dissociation entre la lex societatis et le milieu

économique au sein duquel évolue la société.

98. Mais la sécurité juridique doit être appréciée non seulement à l’égard des tiers mais aussi à

l’égard de la société elle-même. L’un des motifs ayant déterminé le choix en faveur du critère

du siège réel en France ou en Belgique à la fin du XIXème siècle réside dans la stabilité du

statut juridique qu’il assurerait au centre d’exploitation. Or aujourd’hui, l’apparition des

groupes internationaux évoluant sur le marché intérieur et le développement des moyens de

communication ont fait en sorte que la notion de siège effectif peut être difficile à déterminer.

De la sorte, de graves incertitudes peuvent peser sur les activités de la société.

99. En outre, si l’on admettait que le siège réel constitue un véritable rattachement bilatéral, la

stabilité juridique qu’il assurerait serait à peine supérieure à celle du centre d’exploitation.

Le changement de la lex societatis pourrait entre autres, résulter de la prise de contrôle de la

société par une société étrangère. L’introduction des personnes étrangères parmi les membres

des organes de direction par des personnes étrangères pourrait conduire au déplacement du

centre de direction effectif à l’étranger pour des raisons de commodité et en dehors de toute

idée de fraude. (cf. Überseering) La lex societatis pourra varier dans cette hypothèse selon les

prises de contrôle ou selon la résidence des dirigeants et perdrait toute stabilité.

100. Dépassement du débat théorique. Si l’on situe le débat au niveau plus général de la

mobilité des sociétés, il y a lieu de constater que la question de la survie de la personnalité

morale n’a pas lieu d’être posée en matière de fusion intracommunautaire, cette dernière étant

fondée sur la dissolution de la société absorbée. Or, vu notamment le caractère

interchangeable des techniques de fusion et de transfert international de siège social, le juriste

peut légitimement se poser la question de la cohérence de solutions : l’argument de l’absence

de survie de la personnalité morale en matière de transfert de siège servant de fondement pour

soumettre la dite opération à des conditions juridiques et fiscales plus sévères qu’en matière

de fusion. C’est ainsi qu’un auteur propose d’adopter une conception plus réaliste du transfert

de siège tout en dépassant le débat théorique de la survie de la personnalité morale75.

75 M. MENJUCQ, « Droit international et européen des sociétés », collection Domat droit privé, Montchrestien, 2001, n° 225, p.289.

37

101. On peut évidement regretter la diversité - relative- qui caractérise le droit des sociétés en

Europe mais on doit aussi comprendre et accepter que cette diversité est probablement

appelée à durer quelque temps encore. Dans ce contexte, il est intéressent d’examiner

l’expérience pratique des obstacles dans les législations nationales.

TITRE II : L’EXPERIENCE PRATIQUE DES OBSTACLES DANS LES LEGISLATIONS NATIONALES 102. L’opération de transfert international du siège social est une opération complexe et dont

les effets sont incertains. Cela étant, la technicité des problèmes juridiques (CHAPITRE I) ne

doit pas masquer la réalité, à savoir que la vraie question est aussi fiscale. Chaque Etat craint

en effet de voir s'évanouir sa matière imposable, sous couvert de transfert de siège social et de

fusions. C’est pourquoi les Etats ont également mis en place une palette d’obstacles de nature

fiscale (CHAPITRE II) rendant pratiquement impossible à réaliser la mise en œuvre du

transfert international du siège social.

CHAPITRE I : Les obstacles de nature juridique 103. Les raisons juridiques. Les Etats redoutent que le transfert international de siège, de

même que la fusion et la scission transfrontalières, ne deviennent des moyens légaux

permettant aux sociétés d’éluder leurs dispositions nationales applicables aux sociétés, tout en

restant présentes économiquement sur leur territoire. En d’autres termes les Etats craignent un

« effet Delaware », c'est-à-dire la recherche par les associés de l’Etat ayant la législation

nationale la plus complaisante. Naturellement il est également redouté qu’entre les Etats

s’installe une concurrence juridique76, le risque étant de voir les Etats se lancer dans une

surenchère pour avoir le droit des sociétés le plus attractif et le moins contraignant possible.

104. Dans l’hypothèse du transfert du siège social total (Section I), c'est-à-dire dans

l’hypothèse d’une modification des statuts suivie d’une nouvelle immatriculation et d’un

déplacement du centre effectif de direction, le changement de lex societatis qu’il provoque

explique le fait que les droits nationaux le réglementant prévoient des conditions draconiennes

interdisant sa réalisation concrète. En revanche, le transfert du seul siège effectif de direction

76 Concurrence juridique dénommée aux Etats-Unis « race to laxity » ou « race to the bottom ».

38

(Section II), souvent constitutif de la résidence fiscale de la société, est admis dans certaines

hypothèses très déterminées.

105. Enfin en ce qui concerne l’hypothèse du transfert du seul siège statutaire, en l’état actuel

du droit, une telle opération est impossible, puisque, en l’absence de coordination des

législations nationales, ni les Etats considérant le siège statutaire, ni les Etats considérant le

siège réel, n’acceptent un tel déplacement sans dissolution et liquidation de la société, voire

sans déplacement du siège effectif.

Section I : Le transfert du siège social total 106. Refus pur et simple. Un certain nombre de législations refusent, purement et simplement,

le transfert du siège social total. C’est le cas de l’Allemagne qui fait une application

rigoureuse de la théorie du siège effectif. Le droit positif allemand refuse aux sociétés toute

possibilité de transférer leur siège social hors d’Allemagne sans se dissoudre77. La

jurisprudence allemande considère le transfert international de siège comme un motif de

dissolution et de liquidation de la société78. Les Etats considérant le siège statutaire

n’admettent pas non plus le transfert total du siège social.

107. Les conditions du transfert. La détermination des conditions du transfert suppose la

résolution du conflit de lois puisque ce sont les dispositions de la loi désignée qui en

définissent les conditions.

108. En effet il existe deux étapes simultanées, la perte du siège social et l’acquisition d’un

nouveau dans l’Etat d’accueil, ces deux étapes se manifestent concrètement par la décision de

transfert et l’adaptation des statuts. On va procéder à une détermination distributive du

domaine des deux lois.

109. La perte du siège ressort de la compétence de la loi d’origine ce qui implique que la

décision de transfert soit gouvernée par la loi d’origine. En revanche l’acquisition ressort

quant à elle de la compétence de l’Etat d’accueil et cela sous peine de ne pas remplir les

77 B. KNOBBE-KEUK, « Transfer of residence and of branches between freedom of establishment, the merger directive and german transformation tax law », Inertax, 1992/1, p.4 et s. 78 Cour supérieure de Bavière, 7 mai 1992, IPRax, 1992, p.389. La Cour prononce la dissolution d’une société unipersonnelle de droit allemand ayant pris la décision de transférer son siège social, statutaire et effectif, en Angleterre.

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conditions de validité de constitution. Les statuts devront ainsi être adaptés selon les

conditions de la loi du nouveau siège.

110. Conditions juridiques dissuasives. Les législations acceptant le principe du transfert du

siège social traitent différemment le transfert vers l’étranger (§1), souvent restreint, et

l’hypothèse inverse du transfert du siège d’une société étrangère (§2), hypothèse

généralement ignorée par les législations nationales.

§1.-Transfert du siège social vers l’étranger 111. Deux catégories des législations. D’un côté on est en présence d’un certain nombre de

législations qu’on pourrait qualifier de souples (I), lesquelles n’exigent qu’une majorité

simple ou qualifiée pour certains types de sociétés, de l’autre côté existent un certain nombre

de législations plus rigides (II), lesquelles imposent, en toutes hypothèses, l’unanimité des

associés.

I. Des législations souples 112. Parmi les législations exigeant une majorité simple ou qualifiée, on peut citer l’exemple

des droits italien et espagnol. En effet le Codice civile italien79 prévoit pour décider

valablement du transfert du siège social statutaire d’une société par actions, une majorité

simple des actionnaires. Le droit italien prévoit en outre un droit de retrait au bénéfice des

actionnaires minoritaires opposés au transfert du siège80. Des dispositions de même nature

sont par ailleurs prévues en matière de sociétés à responsabilité limitée81.Un auteur italien82 a

considéré que ce droit constitue un modèle pour les autres Etats de la communauté83.

79 Art. 2369 alinéa 4 du Codice civile. 80 Art. 2437 du Codice civile ; droit de retrait appelé recesso, permettant de quitter la société en obtenant le remboursement de leurs actions. 81 Art. 2494 du Codice civile, prévoyant également la condition de majorité simple et le droit de retrait. 82 G. GASSONI, « Le droit international privé des groupes des sociétés : l’exemple italien pourrait-il devenir un modèle ? », Rev. crit. DIP 1986, p.633. Ceci étant dit, il faut également prendre en compte le coût élevé de l’opération qui peut, en pratique, empêcher le transfert du siège. 83 Pour le droit espagnol, voir art. 149 de la loi sur les SA et l’art. 95 de la loi du 23 mars 1995 sur les SARL.

40

II. Des législations rigides 113. Unanimité. Le droit luxembourgeois figure quant à lui parmi les législations qui

imposent, en toutes hypothèses, l’unanimité des associés84. Cette exigence d’unanimité peut

s’expliquer en raison de l’aspect contractuel des sociétés. Selon un certain nombre d’auteurs,

à l’origine, la société étant considérée comme un contrat, toutes les modifications statutaires

importantes exigeaient l’unanimité des associés. En effet « les éléments essentiels du pacte

social en considération desquels tout associé a contracté ne (peuvent pas) être remis en cause

sans son consentement »85.

114. Position intermédiaire. Le droit français adopte une position intermédiaire par rapport

aux deux systèmes précédemment examinés : l’unanimité étant exigée dans certains types de

sociétés, en revanche dans d’autres types de sociétés la décision pouvant être prise à la

majorité qualifiée. Ceci étant dit, force est de constater qu’en pratique, l’unanimité des

associés est toujours exigée.

115. Plus précisément l’art. L. 222-9 du C. Com.86 en ce qui concerne les sociétés en

commandite simple et l’art. L. 233-30 du C. Com.87 en ce qui concerne les sociétés à

responsabilité limité prévoient les conditions de la décision de transfert. Selon les dites

dispositions l’unanimité des associés est requise « pour changer la nationalité de la société ».

116. L’art. L. 225-97 du C. Com.88 prévoit quant à lui les conditions de la décision de

transfert en ce qui concerne les sociétés anonymes89. Il est prévu que l’assemblée générale

84 Art. 67-1 des lois coordonnées sur les sociétés, lequel prévoit non seulement l’unanimité des actionnaires de la société mais aussi l’accord unanime des obligataires de la société. Dispositions valables pour les SA et les SARL. 85 H. SYNVET, « L’organisation juridique du groupe international des sociétés : Conflit de lois en matière de sociétés et défaut d’autonomie économique de la personne morale », Thèse, Rennes, 1979, p.106 et s. 86 « Art. L. 222-9 Les associés ne peuvent, si ce n'est à l'unanimité, changer la nationalité de la société. Toutes autres modifications des statuts peuvent être décidées avec le consentement de tous les commandités et de la majorité en nombre et en capital des commanditaires. Les clauses édictant des conditions plus strictes de majorité sont réputées non écrites. — [L. no 66-537 du 24 juill. 1966, art. 31] ». 87 « Art. L. 223-30 Les associés ne peuvent, si ce n'est à l'unanimité, changer la nationalité de la société. Toutes autres modifications des statuts sont décidées par les associés représentant au moins les trois quarts des parts sociales. Toute clause exigeant une majorité plus élevée est réputée non écrite. Toutefois, en aucun cas, la majorité ne peut obliger un associé à augmenter son engagement social. Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, la décision d'augmenter le capital par incorporation de bénéfices ou de réserves est prise par les associés représentant au moins la moitié des parts sociales. — [L. no 66-537 du 24 juill. 1966, art. 60] ». 88 « Art. L. 225-97 L'assemblée générale extraordinaire peut changer la nationalité de la société, à condition que le pays d'accueil ait conclu avec la France une convention spéciale permettant d'acquérir sa nationalité et de transférer le siège social sur son territoire, et conservant à la société sa personnalité juridique. — [L. no 66-537 du 24 juill. 1966, art. 154] ».

41

extraordinaire peut décider le transfert aux conditions de quorum et de majorité des

modifications statutaires s’il existe une convention spéciale maintenant la personnalité morale

de la société. Or, force est de constater qu’en la matière aucune convention n’a été conclue90 à

l’exception du règlement communautaire relatif à la société européenne91. A défaut de

convention spéciale, il est généralement admis en doctrine que le maintien de la personnalité

morale peut être assuré par la règle générale d’unanimité valable pour les autres types de

sociétés92.

117. La décision de transfert du siège social d’une société en commandite par actions,

requiert l’unanimité des commandités, entérinant, sauf clause contraire des statuts, la décision

prise à cet effet par les associés commanditaires (actionnaires) dans les conditions requises

pour le changement de nationalité des SA93.

118. Il faut en outre signaler l’absence des dispositions législatives réglementant les

conditions de transfert en ce qui concerne les sociétés en nom collectif. Cette absence des

règles s’explique par le fait que en ce qui concerne ce type de société l’unanimité est exigée

89 L’ordonnance n°59-123, du 7 janvier 1987 avait autorisé les assemblées générales des sociétés par actions à modifier la nationalité de la société, sous réserve que le pays dont elle désirait acquérir la nationalité et dans lequel elle envisageait de transférer son siège social ait conclu avec la France une convention une convention spéciale autorisant ces opérations et conservant à la société sa personnalité juridique. Cette disposition a été source d’inspiration de l’art. L. 225-97 du C. Com. 90 Il faut également citer l’existence d’une autre exception, il s’agit du Traité conclu entre la France et l’Ethiopie le 12 novembre 1959, relatif au nouveau régime de la compagnie de chemin de fer de Djibouti à Addis - Abéba, JO du 15 mai 1960 avec un rectificatif dans le JO du 31 mai 1960. 91 L’hypothèse du transfert intracommunautaire du siège social d’une SE sera traitée dans la deuxième partie de cette étude 92M. MENJUCQ, « Droit international et européen des sociétés », collection Domat droit privé, Montchrestien, 2001, n° 238, p.301. Il faut en outre noter qu’une lettre du Ministre de la justice à l’ANSA, parait permettre, à défaut de convention, un changement de nationalité décidé par l’unanimité des actionnaires, RTD Com. 1973, p.587. Lettre autographe de la Chancellerie du 3 juillet 1973, Communication ANSA, n°1600. 93 On arrive à cette conclusion, en combinant l’art. L. 226-11alinéa 1er du C. Com. avec l’art. L. 226-1 alinéa 2 du même code. « Art. L. 226-11 La modification des statuts exige, sauf clause contraire, l'accord de tous les commandités. La modification des statuts résultant d'une augmentation de capital est constatée par les gérants. — [L. no 66-537 du 24 juill. 1966, art. 259] ». « Art. L. 226-1 La société en commandite par actions, dont le capital est divisé en actions, est constituée entre un ou plusieurs commandités, qui ont la qualité de commerçant et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales, et des commanditaires, qui ont la qualité d'actionnaires et ne supportent les pertes qu'à concurrence de leurs apports. Le nombre des associés commanditaires ne peut être inférieur à trois. Dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions particulières prévues par le présent chapitre, les règles concernant les sociétés en commandite simple et les sociétés anonymes, à l'exception des articles L. 225-17 à L. 225-93, sont applicables aux sociétés en commandite par actions. — [L. no 66-537 du 24 juill. 1966, art. 251] ».

42

pour toute modification statutaire94. Il est ainsi admis que la décision peut être prise à

l’unanimité en ce qui concerne ce type de société.

119. Ainsi, bien que la législation française ne fasse pas partie des législations exigeant, en

toutes hypothèses, l’unanimité des associés, en pratique le transfert ne peut être décidé qu’à

l’unanimité.

120. Selon un auteur « la société française perd, de ce fait, notre nationalité, mais on peut

admettre qu’elle conserve sa personnalité, à condition que le pays d’accueil ait lui aussi prévu

la survie de la personnalité initiale »95. Or, le plus souvent la législation du pays d’accueil

reste muette sur ce point.

§2.-L’accueil du siège social d’une société étrangère 121. Le conflit mobile. Dès lors que le siège social détermine la loi applicable ou bien

implique la réincorporation de la société, son transfert entraîne un « conflit mobile »96.

122. Par rapport au déplacement de l’élément de rattachement, trois positions peuvent se

concevoir : survie de la loi d’origine, rétroactivité de la loi nouvelle et application immédiate

de la loi nouvelle.

123. Selon un auteur, « l’application immédiate de la loi nouvelle reconnaît le conflit mobile

et paraît être la solution la plus adaptée à la réalité du transfert »97. Cet auteur justifie ladite

solution sur le fait que l’application immédiate de la loi nouvelle consacre l’intégration de la

société dans un milieu économique et juridique nouveau.

124. L’adaptation à une forme sociale locale. Seul le droit du nouveau siège statutaire est

compétent pour donner la mesure des adaptations nécessaires, ce qui explique le fait que les

modifications statutaires vont dépendre de la loi de l’Etat d’arrivée.

94 « Art. L. 221-6 Les décisions qui excédent les pouvoirs reconnus aux gérants sont prises à l'unanimité des associés. Toutefois les statuts peuvent prévoir que certaines décisions sont prises à une majorité qu'ils fixent. Les statuts peuvent également prévoir que les décisions sont prises par voie de consultation écrite, si la réunion d'une assemblée n'est pas demandée par l'un des associés. — [L. no 66-537 du 24 juill. 1966, art. 15] ». 95 H. BATIFFOL, « Le changement de nationalité des sociétés », Travaux du comité français de DIP, 1966-1969, p.65. 96 M. MENJUCQ, « Droit international et européen des sociétés », collection Domat droit privé, Montchrestien, 2001, n° 233, p.296, qui cite la terminologie propre à BARTIN. 97 M. MENJUCQ, « Droit international et européen des sociétés », collection Domat droit privé, Montchrestien, 2001, n° 233, p.297.

43

125. Or, l’accueil du siège social d’une société étrangère, n’est en général pas réglementé par

les droits nationaux. A ce titre on peut citer l’exemple français. En droit français aucune

disposition du droit des sociétés ne vient organiser l’accueil du siège social de la société. Le

problème est ici particulièrement délicat dans le silence intégral de la législation française.

Les juges, jusqu’ici ont eu simplement à se prononcer sur des transferts de siège consécutifs à

l’indépendance de l’Algérie, et les ont validés en observant que les sociétés, dans ces

différents cas d’espèces, étaient de toute façon demeurées françaises98. La doctrine est elle-

même circonspecte et appelle de ses vœux des traités internationaux qui clarifieraient la

situation99. Face à cette situation, les praticiens ont sollicité des réponses ministérielles100. Or

selon les dites réponses ministérielles, l’absence de réglementation positive doit être

interprétée comme un refus implicite d’accueillir la société sans qu’elle procède à une

nouvelle constitution consacrant la naissance d’un être moral nouveau.

126. Cette interprétation est contestable. Ceci étant dit force est de constater que ladite

interprétation constitue le fondement du traitement fiscal prohibitif du transfert du siège

social.

Section II : Le transfert du siège effectif 127. Intérêt fiscal du transfert du siège effectif. Si le siège effectif de direction constitue dans

certaines législations fiscales des Etats membres le critère de résidence de droit commun, il

détermine plus souvent encore la qualité de résident de l’Etat contractant dans le cadre des

conventions fiscales bilatérales. D’où l’intérêt d’un transfert de siège réel vers un Etat

fiscalement « intéressant ».

128. L’admission du transfert du siège effectif. Paradoxalement, le transfert du siège effectif

fait l’objet d’une admission réservée dans les législations nationales. Cette admission est

toutefois limitée aux aspects juridiques de l’opération et ses effets varient selon le

98 TGI Seine, 1er février 1967, Mutuelle centrale agricole c/ Société Générale, JCP G 1967, II, n°15153, concl. FABRE. Cass. 1re civ., 30 mars 1971, n°67-13874, JCP G 1972, II, n°17101, note OPETIT, Rev. crit. DIP 1971, p.451, note LAGARDE. 99 J.-M. BISCHOFF, « Observations sur la validité du transfert international de siège social », in Mélanges BASTIAN, 1974, t.1, p.26. 100 Rép. Min. du 19 février 1972, JOANQ du 19 mai 1972, p.1701 ; Rev. crit. DIP 1972, p.511. Rép. Min. à QE n°17043, du 26 janvier 1987, JOANQ du 6 avril 1987, p.2000. Selon la Rép. Min. à QE n°17043, la société ayant transféré son siège social en France, devra « adapter ses statuts aux exigences [du droit français] et se faire immatriculer au registre du commerce et des sociétés ».

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rattachement juridique choisi par l’Etat d’origine, c'est-à-dire selon que l’Etat d’origine est un

Etat d’incorporation (§1) ou un Etat considérant le siège réel (§2).

§1.- L’Etat d’origine est un Etat d’incorporation 129. Deux hypothèses sont concevables soit la société va transférer son siége réel vers un Etat

adoptant lui aussi le système de l’incorporation (I), soit la société va transférer son siège réel

vers un Etat adoptant la théorie du siège réel (II).

I. Transfert du siège entre deux Etats d’incorporation 130. Ce type de transfert ne pose pas de problème puisque le siège effectif de la société n’est

considéré pour son rattachement juridique, par aucun de deux droits nationaux en présence

qui s’en remettent à la compétence de l’Etat de constitution. Il n’y a pas de modification de la

lex societatis, ni changement de nationalité stricto sensu. Il est évident que cet aspect

représente l’un des grands avantages du système de l’incorporation.

131. Le transfert du siège est en revanche plus problématique lorsqu’il conduit à un conflit de

système parce qu’il s’effectue entre un Etat d’incorporation et un Etat se référant au siège

réel.

II. Transfert du siège effectif vers un Etat considérant le siége réel depuis un Etat d’incorporation 132. On se trouve en présence d’un certain nombre de problèmes qui se référent à la

compétence internationale des Etats ou à la reconnaissance de la société. L’étendue du

problème peut varier selon que les Etats en question disposent (A) ou non (B) d’un arsenal

juridique permettant la conciliation des systèmes.

A. En présence des règles permettant la conciliation des systèmes 133. Certains droits des Etats membres permettent la reconnaissance de la validité de sociétés

constituées à l’étranger mais ayant, sur leur territoire, leur siège effectif ou leur principal

établissement. Mais il arrive que le droit du pays d’accueil soumette la société à un certain

45

nombre de règles du droit des sociétés protectrices des tiers101. Les sociétés sont ainsi régies à

la fois par la loi de leur Etat de constitution et par la loi de l’Etat de leur siège réel.

134. La conciliation des systèmes concerne non seulement les sociétés qui transfèrent leur

siège effectif, mais aussi les sociétés qui, dès leur constitution, dissocient leur siège statutaire

et réel102.

135. Le droit français se révèle plus favorable que les autres droits continentaux à la mobilité

du siège de direction, car tout en réalisant un juste équilibre il ne néglige pas pour autant la

nécessaire protection des tiers, ni les hypothèses de fraude. Dans l’hypothèse d’un transfert en

France du siège réel, le droit français devrait admettre la validité du transfert et attribuer

compétence à la loi du pays d’immatriculation sauf mise en œuvre des réserves du droit des

tiers et de la fraude.

B. En absence des règles permettant la conciliation des systèmes 136. En revanche le problème demeure entier à l’égard des Etats membres qui adoptent la

théorie du siège réel mais qui ne disposent pas de règles permettant la conciliation des

systèmes en cause. C’est l’hypothèse du droit allemand qui refuse de reconnaître une société

ayant transféré son siège social effectif en Allemagne. La seule possibilité pour reconnaître la

société c’est de reconstituer la société sur son territoire suite à sa dissolution à son Etat

d’origine. C’était la solution préconisée par la Cour de Cassation allemande pour la société

Überseering103.

101 En Belgique, selon l’art. 197 des lois coordonnées sur les sociétés : « Toute société dont le principal établissement est en Belgique est soumise à la loi Belge bien que l’acte constitutif ait passé en pays étranger ». En Espagne, selon l’art. 5 sur les sociétés anonymes, La société doit « […] s’immatriculer et déposer au registre du commerce tous les documents exigés pour l’immatriculation des sociétés (constituées en Espagne) ». En revanche le droit espagnol n’exige pas la modification des statuts des sociétés ayant leur siège effectif en Espagne. Au Portugal, les statuts doivent être modifiés par acte authentique pour les rendre conformes au droit portugais puis déposées au registre du commerce et publiés. 102 Exemple des sociétés dissociant de l’origine siège statutaire et réel cf. CJCE, 9 mars 1999, Centros Ltd, aff. C-212/97, Rec. p. I-1451D. 1999, Jur. p.550, note M. MENJUCQ ; Clunet 2000, p.484, obs. M. LUBY ; Rev. Sociétés 1999, p. 386, spéc. p.391, note G. PARLEANI ; JCP E 1999, p.1285, n°2, obs. Y. REINHARD ; RTD com. 2000, p.482, obs. M. LUBY ; Bulletin Joly Sociétés 1999, p.705, note DOM J.-P.; CJCE, 30 septembre 2003, Inspire Art Ltd., aff. C-167/01. Bulletin Joly 2003, p.1296, note M. MENJUCQ; D 2003, p. 2504 ; JCP G, II, n°10002, note M. LUBY. 103 Point n°5, CJCE, 5 novembre 2002, Überseering BV, aff. C-208/00. On verra cependant que cette solution a été condamnée par la CJCE.

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§2.- L’Etat d’origine est un Etat considérant le siége réel 137. Deux possibilités sont intellectuellement concevables, l’une consiste en un transfert du

siège effectif de direction vers un Etat d’incorporation (I), l’autre consiste en un transfert du

siège effectif entre deux Etats considérant le siège réel (II).

I. Transfert du siége effectif de direction vers un Etat d’incorporation depuis un Etat considérant le siège réel 138. L’Etat d’accueil admet sans réticence la dissociation des sièges et reconnaît l’existence

de cette société de droit étranger. C’est par exemple le cas d’une société française qui veut

transférer son siège effectif de direction au Royaume-Uni.

139. Si l’on estime que le système de l’Etat du siège statutaire se prononce pour l’application

du droit du nouveau siège effectif, la dissociation des sièges aboutit à un conflit positif des

lois applicables104.

140. Cependant, dans cette hypothèse, le transfert du siège effectif est accepté par la doctrine.

La résolution du conflit par la technique du renvoi au premier degré ou au second degré

désignant la loi du siège statutaire, satisfait même les auteurs favorables à une application

stricte du critère du siége réel. En effet, selon la doctrine105, le renvoi au premier degré

permettrait d’admettre la validité du transfert du siège réel dans un pays d’incorporation alors

que le siège statutaire demeurerait dans un pays considérant le siège réel.

141. Plus précisément dans le cadre du droit français, la loi française donnerait compétence à

la loi du pays où se situe le siège effectif. Ensuite la loi du pays où se situe le siège réel, qui

lui adopte le système de l’incorporation, rendrait compétence au droit français. En

conséquence, la société serait régie dans le cadre de notre exemple par la loi française, et cela

sans interruption depuis l’immatriculation de celle-ci.

142. Ceci étant dit, il n’existe pas d’exemple jurisprudentiel de recours au renvoi au premier

degré. Cependant, la jurisprudence n’hésite pas à utiliser la technique du renvoi au second

104 M. MENJUCQ, « Droit international et européen des sociétés », collection Domat droit privé, Montchrestien, 2001, n° 242, p.303. 105 DE GRANDCOURT, Rép. Dr. Int. Privé, Dalloz, n°54 ; B. GOLDMAN, JDI 1966, p.166 ; P. LAGARDE, Rev. crit. DIP 1967, p.101.

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degré pour désigner la loi étrangère du siège statutaire lorsque le siège réel se situe dans un

Etat d’incorporation106.

143. Ce mécanisme présente un certain nombre d’avantages. En premier lieu, ledit mécanisme

ne retient pas la nationalité des sociétés comme facteur de rattachement de la lex societatis.

Ensuite, le mécanisme peut être utilisé en matière de détermination de la lex societatis par des

systèmes fortement attachés au critère du siège réel tels que le système allemand. Ainsi,

même dans le cadre du droit allemand, droit hostile à la dissociation des sièges réel et

statutaire, le transfert du siège réel vers un Etat d’incorporation pourra être valable.

144. Il faut cependant avoir à l’esprit la réserve de l’invocation de la loi de l’Etat du siège réel

par un tiers ou de l’application de la loi du siège réel par le juge s’il admettait l’existence

d’une fraude.

145. C’est ainsi que le droit français, détermine principalement l’application de la loi

française par l’immatriculation en France et ne prend en compte le siège réel que dans

l’intérêt des tiers ou lorsqu’il existe une fraude.

II. Le transfert du siège effectif de direction entre deux Etats considérant le siège réel 146. Cette hypothèse n’est paradoxalement pas examinée en doctrine. En effet, la dissociation

du siège réel et du siège statutaire, n’est pas généralement admise ni par l’Etat d’origine ni par

l’Etat d’accueil. En conséquence le transfert du seul siège effectif de direction depuis un Etat

considérant le siège réel vers un autre Etat considérant lui aussi le siège réel, est selon

l’analyse juridique classique impossible. D’une manière générale, s’il n’y a aucun lien

substantiel entre l’administration centrale ou le contrôle et le pays où la société a été

immatriculée, celle-ci ne sera pas reconnue comme relevant du droit de ce pays. La société

qui déplace ses activités ou ses organes centraux dans un autre Etat membre considérant le

siège effectif, sans acquérir la personnalité juridique dans cet autre Etat, elle compromettra sa

sécurité juridique.

106 CA Paris, 19 mars 1965, Rev. crit. DIP 1967, p.85, P. LAGARDE ; RTD com. 1967, p.332, Y. LOUSSOUARN. CA Paris, 3e Ch., 3 octobre 1984, Rev. crit. DIP 1985, p.526, H. SYNVET ; JDI 1986, p.160, B. GOLDMAN.

48

CHAPITRE II : Les obstacles de nature fiscale 147. Les raisons fiscales. La perte de recettes fiscales, bien que redoutée par les Etats

membres ayant une fiscalité assez lourde, est variable selon les systèmes d’imposition. Il

existe en effet deux systèmes fiscaux fondamentaux dans le monde : l’un le système mondial,

est quasi universel quoique diversement appliqué, l’autre le système territorial « est une

véritable peau de chagrin tant en termes d’application géographique que de contenu »107.

148. Selon le système mondial, une société résidente d’un pays est imposée sur l’ensemble de

ses bénéfices qu’ils soient réalisés dans son pays de résidence ou à l’étranger. En contre

partie, la société bénéficie d’un système de crédits d’impôt108. S’il repose sur un principe

unique le système mondial reçoit des applications diverses109.

149. Le système territorial, quant à lui, repose sur un principe simple, une société résidente

d’un pays n’est imposée que sur les bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées dans son

pays de résidence et sur ceux dont l’imposition est attribuée par une convention

internationale. L’application de ce système, peu répandu, peut s’avérer compliquée,

notamment pour ce qui concerne la prise en compte ou l’exclusion de bénéfices réalisés à

l’étranger.

150. Dans le système fiscal français, qui obéit au principe de la territorialité de l’impôt sur les

sociétés, « la forme juridique de l’activité importe peu, et par conséquent, la présence où non

du siège social sur le territoire se révèle sans importance »110. Un auteur fait état des « filets

tendus » par l’administration fiscale française : il rappelle que l’administration, « loin de

renoncer à son objectif d’imposer les bénéfices de certaines filiales étrangères de groupes

français, a enfourché un nouveau cheval de bataille, plus difficile à combattre111, en

s’appuyant sur des notions propres au système territorial, à savoir celles de siège de direction 107 M.-P. BOUTIN, « Enjeu fiscaux de demain : l’avenir de la territorialité de l’impôt sur les sociétés », Compte rendu partiel de la conférence annuelle organisée le 11 décembre 2003 par l’Alliance Fiscale et Les Echos Conférences, Revue de droit fiscal 2004, n°24, p. 981. 108 Système de crédits d’impôt plus ou moins sophistiqué selon le pays de résidence. 109 Certains Etats, comme le Royaume-Uni, non satisfaits d’imposer les résultats des établissements étrangers de leurs sociétés de leurs sociétés résidentes, ils imposent également ceux des « partnerships » étrangers et dans certains cas les bénéfices des filiales étrangères (CFC rules et subpart F income). D’autres pays, nostalgiques sans doute du système territorial, tout en appliquant le système mondial, exonèrent les résultats des établissements étrangers situés dans des pays ayant conclu avec eux des conventions fiscales (Allemagne), ou accordent un crédit d’impôt égal à l’impôt national ( Pays-Bas). 110 M. MENJUCQ, « Droit international et européen des sociétés », collection Domat droit privé, Montchrestien, 2001, n° 229, p.294. 111 Plus difficile à combattre que l’art. 209 B du CGI, qui constitue lui aussi une autre tentative d’expansionnisme fiscal.

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effective et de base fixe d’affaires »112. Le mécanisme est le suivant : il s’agit dans un premier

temps de chercher à démontrer que le siège de direction effective113 de la société étrangère se

situe en France et qu’en conséquence cette société est résidente de France. S’il n’est pas

possible de remettre en cause le lieu de direction, il s’agit alors de démontrer que les activités

de la société constituent un cycle complet en France. Dans les deux hypothèses la société sera

imposable en France.

151. Le problème se pose de façon plus évidente « dans les Etats où le principe est celui de la

mondialité de l’impôt qui assujettit une société pour ses revenus mondiaux, au lieu de sa

résidence fiscale, déterminée, soit par son siège effectif de direction, soit par son siège

statutaire »114. Dans ces Etats, il n’est pas indifférent qu’une société conserve sur leur

territoire le siège plutôt qu’une simple succursale dont l’assiette d’imposition ne porte que sur

les revenus tirés de l’activité locale. Il est évident que dans cette hypothèse l’intérêt de l’Etat

consiste à favoriser l’implantation de sièges sociaux sur son territoire et de s’opposer à leur

départ.

152. Alors que le régime fiscal du transfert du siège à l’étranger est prohibitif (Section I),

l’accueil d’une société étrangère (Section II) ne semble pas poser de problèmes particuliers,

pour le moins au niveau communautaire.

Section I : Le transfert du siège à l’étranger : l’exit tax 153. Les conditions fiscales du transfert du siège social à l’étranger sont prohibitives. L’idée

de base qui préside à l’existence de cette « taxe à la sortie » est relativement simple : le

contribuable qui se délocalise à l’étranger doit apurer sa situation fiscale dans son Etat

d’origine. Ce texte a pour effet de rendre imposables des plus-values latentes ou non réalisées.

La spécificité de ce dispositif réside dans la taxation du contribuable sur un revenu dont il ne

dispose pas. L’imposition des revenus latents constitue alors, indirectement, une sanction. Le

principe étant que seuls les revenus disponibles sont imposés.

112 M.-P. BOUTIN, « Enjeu fiscaux de demain : l’avenir de la territorialité de l’impôt sur les sociétés », Compte rendu partiel de la conférence annuelle organisée le 11 décembre 2003 par l’Alliance Fiscale et Les Echos Conférences, Revue de droit fiscal 2004, n°24, p. 983. 113 C'est-à-dire le siège réel, le lieu où sont principalement concentrés ses organes de direction, d’administration et de contrôle. 114 M. MENJUCQ, « Droit international et européen des sociétés », collection Domat droit privé, Montchrestien, 2001, n° 229, p.294.

50

154. Un éminent spécialiste115, a estimé que l’exit tax n’est qu’un prolongement d’une

disposition qui existait déjà en droit positif et selon laquelle celui qui se délocalise à l’étranger

doit déclarer non seulement les revenus qu’il a acquis au cours de l’exercice, mais aussi les

créances acquises à savoir les revenus latents qu’il n’a pas encore encaissés. Il soutient que

l’ « exit tax s’inspire donc, en matière de plus-values, de ce qui existait déjà en matière de

revenus »116. A ce titre les exemples de droit français (§1) et britannique (§2) en font une

parfaite illustration.

§1.- L’exemple du droit français 155. En principe le transfert du siège à l’étranger équivaut cessation d’entreprise ou

dissolution. Il faut tout de même noter la présence d’une exception dans les hypothèses où

une convention spéciale entre la France et le pays de destination du siège a été conclue. Or en

absence d’un tel accord, la disposition est restée lettre morte (I). A côté de cette exception

existent quelques tempéraments mineurs bénéficiant aux transferts de siège

intracommunautaires (II).

I. Une exception lettre morte 156. Transfert de siège à l’étranger. L’article 221-2 du CGI117 assimile le transfert à

l’étranger du siège social à une cessation d’entreprise ou à une dissolution. Le texte concerne

toutes les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés. Toutefois une exception est prévue à

l’article 221-3 du CGI118. Plus précisément l’exception concerne les sociétés par action

bénéficiant d’une convention spéciale au sens de l’art L. 225-97 du C. Com. Comme un

auteur le remarque, « le droit fiscal français ne considère pas que l’unanimité des actionnaires,

efficace en droit des sociétés pour assurer la validité du transfert, pallie le défaut de

convention spéciale »119.

115 J.-P. LE GALL, professeur à l’Université Paris II et président du CEFEP. 116 Compte rendu du colloque organisé par le CEFEP au Sénat le 23 mars 2000, DF n°29, 2000, p.1042. 117 « Art. 221-2 alinéa 1 En cas de dissolution, de transformation entraînant la création d’une personne morale nouvelle, d’apport en société, de fusion, de transfert du siège ou d’un établissement à l’étranger, l’impôt sur les sociétés est établi dans les conditions prévues aux 1 et 3 de l’article 201 ». L’article 201 quant à lui se référant à des dispositions spéciales applicables en cas de cession, de cessation ou de décès. 118 « Art. 221-3 Le changement de nationalité d’une société par actions et le transfert de son siège social à l’étranger n’entraînent pas l’application des dispositions du premier alinéa du 2, lorsqu’ils sont décidés par l’assemblée générale dans les conditions prévues à l’article L.225-97 du code de commerce ». 119 M. MENJUCQ, « Droit international et européen des sociétés », collection Domat droit privé, Montchrestien, 2001, n° 240, p.302.

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157. Ainsi, en absence d’une telle convention, le transfert du siège social est fiscalement

considéré comme une dissolution, ce qui aura pour effet l’imposition immédiate de tous les

bénéfices et plus-values non imposées résultant de la différence entre l’actif net réel et l’actif

comptable, ainsi que du boni de liquidation. Ce régime fiscal difficilement envisageable pour

une société est d’autant plus prohibitif que la jurisprudence fiscale apprécie avec une grande

sévérité ladite disposition120.

158. Selon un auteur121, la conclusion d’une convention spéciale dans le sens de l’art. 225-97

du C. Com. n’empêcherait pas, s’agissant du transfert du siège de la société mère d’un groupe

fiscalement intégré, que cette opération provoque l’éclatement du groupe d’intégration car ce

régime fiscal ne s’applique qu’à des sociétés ayant leur siège sur le territoire français.

II. Quelques tempéraments mineurs 159. Il faut tout de même noter que la France a renoncé à percevoir le droit d’apport ordinaire

dans certaines conditions, lors d’un transfert du siège vers un Etat membre de la CEE122. En

effet l’administration fiscale renonce de percevoir le droit d’apport ordinaire lorsque le siège

de direction effective est transféré de France vers un autre Etat de la CEE ou lorsque le siège

de direction effective se trouve dans un Etat non membre de la CEE à condition que le siège

statutaire soit transféré de France dans un Etat membre de la CEE123.

§2.- L’exemple du droit britannique 160. Le gouvernement britannique a trouvé une mesure législative dissuasive pour les

contribuables qui, en se délocalisant, souhaitaient échapper à l’impôt national.

161. Comme il a déjà été souligné, la législation britannique en matière de droit des sociétés

permet à une société constituée conformément à cette législation et ayant son siège statutaire

120 Il a été jugé que ce texte s’appliquait à un transfert de siège en Polynésie française et rendait immédiatement imposables en France les bénéfices de la société alors que la société avait conservé un établissement en métropole et qu’au regard de la loi sur les sociétés commerciales, la société avait conservé sa nationalité française et sa personnalité morale, CAA Lyon, 20 octobre 1999, DF 2000, p.599, concl. MILLET ; RJF 2000, p.169. 121 M. MENJUCQ, « Droit international et européen des sociétés », collection Domat droit privé, Montchrestien, 2001, n° 240, p.302. 122 Doc. adm. 7 H-3424-9, 15 mai 1990. 123 Remarque : Ces règles ne s’appliquent pas aux apports visés à l’art. 809, I, 3° du CGI, soumis au droit de mutation. Voir Lamy Sociétés Commerciales, Lamy 2003, n°507, p.221.

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au Royaume-Uni, d’établir son siège de direction et son administration centrale en dehors du

territoire britannique sans perdre sa personnalité juridique ni sa qualité de société de droit

britanniques. La législation fiscale britannique prévoit que seules les sociétés qui ont leur

résidence fiscale au Royaume-Uni sont, en règle générale, assujetties aux impôts britanniques

sur les sociétés. La résidence fiscale est définie comme l’endroit où le siège de direction de la

société est situé. Alors qu’au niveau juridique le transfert du siège de direction de la société

est libre, au niveau fiscal, la loi britannique de 1970 sur l’impôt sur le revenu et l’impôt sur

les sociétés interdit, en son article 482 § 1, sous a), aux sociétés ayant leur résidence fiscale au

Royaume-Uni de cesser d’y avoir cette résidence sans l’autorisation du trésor. Comme le

remarque à très juste titre l’avocat général124 dans l’affaire Daily Mail, « Il n’y a pas de

coïncidence obligée entre le facteurs de rattachement d’une personne morale à l’égard de ces

deux branches du droit [droit des sociétés et droit fiscal] ».

162. En effet dans cette affaire, la société Daily Mail envisageait de transférer son siège de

direction et établir sa résidence fiscale aux Pays-Bas afin de vendre une partie importante des

titres composant son actif non permanent et de racheter, grâce au produit de cette vente, une

partie de ses propres actions. La société voulait procéder à cette opération sans avoir à payer

les impôts prévus par la législation fiscale britannique et notamment la société Daily Mail

voulait éviter l’imposition de plus values sur les titres qu’elle se proposait de vendre. Plus

précisément, en transférant sa résidence fiscale aux Pays-Bas, la société ne serait imposée que

sur les éventuelles plus-values accrues après le transfert de sa résidence fiscale125. Or le

Trésor britannique ne voulait pas accorder son autorisation à l’opération, avant que la société

aurait vendu au moins une partie des titres en cause.

163. On verra ultérieurement que la CJCE pour diverses raisons n’a pas jugé la mesure

incompatible avec la liberté d’établissement et que par conséquent le refus de l’administration

fiscale britannique était fondé.

124 Point 1 des conclusions de l’avocat général DARMON sous l’aff. 81/87 présentées le 7 juin 1988. 125 Voir point 7 de l’arrêt Daily Mail, CJCE 27 septembre 1988, aff. 81/87, Rec. p. 5483.

53

Section II : L’accueil d’une société étrangère 164. Transfert du siège en France. En droit fiscal français l’opération est considérée comme

donnant naissance à un être moral nouveau126, rendant exigibles les droits afférents aux

constitutions des sociétés. Le transfert du siège d’une société donne en principe lieu à la

perception des droits exigibles sur les apports c'est-à-dire à la perception du droit fixe ou du

droit de mutation. Ces droits sont liquidés sur la valeur réelle des biens composant l’actif

social. Cependant, il faut signaler l’existence d’une exception, instituée à l’article 808 A du

CGI127, en faveur des sociétés de capitaux dont le siège statutaire ou le siège de direction se

situait, avant le transfert du siège, dans un Etat de la Communauté128. L’objectif de ladite

disposition, étant d’éviter les doubles impositions à l’intérieur de la CEE129. Le CGI apporte

ainsi un certain nombre des restrictions à l’exigibilité en France des droits d’apport en cas de

transfert du siège. C’est à ces restrictions qu’on s’intéressera en examinant le droit d’apport

(§1). Cependant les dispositions de la loi des finances de 1992 nous font penser qu’un droit

fixe devrait être substitué au droit d’apport ordinaire (§2).

§1.- Le droit d’apport 165. Le code général des impôts distingue les hypothèses où le transfert du siège est soumis

au droit d’apport (I) des hypothèses où le droit d’apport n’est pas exigible (II).

126 Cf. Rép. min. à QE n°4159, JOANQ 21 octobre 1979, p. 8678 ; LE BRAS, « Le transfert du siège social des sociétés », Bulletin Joly Sociétés 1983, p.798. 127 « Art. 808 A, I. Les opérations soumises au droit d’apport ou à la taxe de publicité foncière et concernant les sociétés des capitaux sont taxables en France lorsque s’y trouve le siège de direction effective ou le siège statutaire, à condition que, dans ce dernier cas, le siège de direction effective soit situé en dehors des Etats de la Communauté européenne. II. Sont soumis au droit d’apport ou à la taxe de publicité foncière sur la valeur de l’actif net social le transfert en France : 1° Depuis un Etat n’appartenant pas à la Communauté européenne, du siège de direction effective d’une société de capitaux ou de son siège statutaire, à condition que dans le premier cas, son siège statutaire ou, dans le second cas, son siège de direction effective ne se trouve pas dans un Etat membre de la Communauté. 2° Depuis un autre Etat de la Communauté européenne, soit du siège de direction effective d’une société, soit de son siège statutaire dans la mesure où elle n’était pas considérée comme une société des capitaux dans cet autre Etat et à condition que, dans le second cas, son siège de direction effective ne se trouve pas dans un Etat de cette Communauté ». 128 Dans le même sens va également le droit luxembourgeois lequel exonère du droit d’apport les sociétés l’ayant déjà acquitté dans un autre Etat membre. 129 La directive du 17 juillet 1979 a été la source d’inspiration du texte.

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I. Exigibilité du droit d’apport 166. Le transfert du siège social en France peut avoir lieu soit depuis un Etat membre de la

CEE (B) soit depuis un Etat tiers à la Communauté (A).

A. Le transfert en France depuis un Etat n’appartenant pas à la CEE 167. En vertu de l’art. 808 A, II, du CGI est soumis au droit d’apport le transfert en France

depuis un Etat n’appartenant pas à la CEE :

-du siège de direction effective d’une société de capitaux, si le siège statutaire ne se trouve pas

dans un Etat membre de la Communauté.

-du siège statutaire d’une société des capitaux, si le siège de direction effective ne se trouve

pas dans un Etat membre.

B. Le transfert en France depuis un Etat membre de la CEE 168. En vertu du même texte est soumis au droit d’apport le transfert en France depuis un Etat

membre de la CEE, du siège de direction effective ou du siège statutaire d’une société dans la

mesure où elle n’est pas considérée comme une société des capitaux dans cet Etat.

169. En cas de transfert du siège statutaire, il faut en outre que le siège de direction effective

ne soit pas situé dans un autre Etat de la CEE.

II. Non exigibilité du droit d’apport 170. Dans les autres cas, c'est-à-dire dans l’hypothèse où le siège de direction effective de la

société est ou demeure situé à l’intérieur de la CEE, le droit d’apport de 1 p.100 n’est plus

exigible même si un acte est passé en France pour constater le transfert130.

§2 Substitution au droit d’apport 171. Les dispositions du CGI ne visent que le droit d’apport ordinaire de 1 p. 100. Or la loi de

finances pour 1992 a substitué au droit d’apport ordinaire un droit fixe de 500 F (= 76,22 �) 130 Le droit fiscal luxembourgeois adopte une position semblable puisqu’il exonère du droit d’apport les sociétés l’ayant déjà acquitté dans un autre Etat membre.

55

lequel à été porté à 230 � par la loi des finances pour 1998. Ces dispositions devraient

s’appliquer lorsque le droit d’apport ordinaire est exigible131.

172. Dans ces conditions, l’opération de transfert de siège132, lorsque la direction effective de

la société est ou demeure à l’intérieur de la CEE, peut éventuellement donner ouverture :

- soit au droit de 8,60 p.100, majoré des taxes additionnelles, calculé sur la valeur des

biens visés à l’article 809 I, 3° , du CGI133 compris dans l’actif social et qui sont situés

en France134.

- Soit à la TVA pour les immeubles entrant dans les définitions de l’article 257, 7°, du

CGI135 et pour les marchandises neuves.

- Soit, dans certains cas, à la taxe de publicité foncière136.

173. Un auteur137 constate à propos des dispositions du CGI que « ces deux dispositions

reconnaissent donc que la mobilité intracommunautaire du siège ne donne pas lieu à la

création d’une personne morale nouvelle ».

174. Toute hypothèse de transfert de siège n’est pas toujours impossible. Ceci étant dit il faut

constater que les conditions exigées et les conséquences fiscales prohibitives rendent en

pratique, le transfert de siège impossible ou pour le moins difficilement réalisable. Cette

difficulté provient en grande partie en raison de l’absence de réglementation précise et

complète. En raison de cette situation les opérateurs économiques se trouvent confrontés face 131 En ce sens, « Lamy Sociétés Commerciales », Lamy 2003, n° 507, p.222 132 Bien entendu, le déplacement en France du siège social d’une société française ne provoque pas cette exigibilité ; la formalité de l’enregistrement n’est même pas requise. 133 « Art. 809 I, 3°. Les apports faits à une personne morale passible à l’impôt sur les sociétés par une personne non soumise à cet impôt sont assimilés à des mutations à titre onéreux dans la mesure où ils ont pour objet un immeuble ou des droits immobiliers, un fonds de commerce, une clientèle, un droit à un bail ou à une promesse de bail ». 134 Les biens visés à l’article 809 I, 3°, du CGI peuvent sous certaines conditions bénéficier du droit fixe de 230 �. 135 « Art. 257, 7°. [Sont également soumises à la TVA] Les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles. Ces opérations sont imposables même lorsqu’elles revêtent un caractère civil. 1. Sont notamment visés : a. Les ventes et les apports en société de terrains à bâtir, des biens assimilés à ces terrains[…] ainsi que les indemnités de toute nature perçues par les personnes qui exercent sur ces immeubles un droit de propriété ou de jouissance, ou qui les occupent en droit ou en fait. […] b. Les ventes d’immeubles et les cessions, sous forme de vente ou d’apport en société, de parts d’intérêt ou d’actions dont la possession assure en droit ou en fait l’attribution en propriété ou en jouissance d’un immeuble ou d’une fraction d’immeuble. […] ». 136 Rép. Min. à QE n°4159, JOANQ 21 octobre 1979, p.8678. La réponse a été faite à propos d’une société dont le siège est à Londres et ayant une succursale en France qui constitue sa seule activité. Cette société anglaise est passible de l’impôt français sur les sociétés. Le transfert du siège en France ne devrait pas de ce fait entraîner l’exigibilité du droit de mutation et des taxes additionnelles. 137 M. MENJUCQ, « Droit international et européen des sociétés », collection Domat droit privé, Montchrestien, 2001, n° 240, p.302.

56

à un certain nombre d’incertitudes concernant le maintien de la personnalité morale de la

société et les solutions qui leurs sont proposées sont incertaines, complexes, sources

d’opérations de transfert aléatoires. C’est qui n’est pas compatible avec l’objectif de sécurité

juridique qui doit gouverner tout système de droit notamment lorsqu’elles sont en cause des

relations de nature économique.

175. Inexistence des solutions communautaires. La mobilité des sociétés avec la constitution

de la société ex nihilo constituent les moyens juridiques de mettre en œuvre le droit

d’établissement à titre principal. De plus, un véritable marché unique supposerait que les

sociétés puissent fusionner avec des sociétés d’un Etat membre différent ou transférer leur

siège social d’un Etat membre à un autre selon un régime juridique inspiré du régime

applicable dans le cadre des opérations internes de même nature.

176. Cependant force est de constater qu’à l’origine la jurisprudence communautaire n’a pas

reconnu le droit de transférer le siège, et qu’aucun texte communautaire n’est entré en

application, à l’exception du règlement relatif à la société européenne. Cependant, la mise en

place de la Société européenne ainsi que la jurisprudence ultérieure de la CJCE, vont dans le

sens du libre transfert intracommunautaire du siège social. A ce titre, l’impact de la liberté

d’établissement sur les conceptions classiques est considérable.

57

DEUXIEME PARTIE

L’IMPACT DE LA LIBERTE D’ ETABLISSEMENT : VERS LE LIBRE TRANSFERT INTRACOMMUNAUTAIRE DU SIEGE SOCIAL 177.�n sait qu’à ce jour, le transfert international du siège social est pratiquement

impossible en raison d’obstacles juridiques et fiscaux bien connus. Or sans libre circulation

des personnes et des biens, il n’est point de marché économique commun. Cet échec présente

toutefois l’avantage de nous donner des nouvelles pistes de réflexion.

178. La liberté de circulation et la liberté d’établissement des sociétés peuvent être facilités

par toute mesure juridique permettant la coopération et le rapprochement des entreprises par

delà les frontières des Etats membres. Les fusions transfrontalières et la société européenne

constituent les réponses juridiques apportées par la Commission européenne. En outre selon la

Commission le transfert international de siège doit faciliter l’extension des activités à

l’ensemble du marché intérieur138. Mais les ambitions d’une approche législative (TITRE I)

sont très souvent sacrifiées sur l’autel du compromis politique, de sorte qu’en matière de

transfert international du siège social on constate un échec. Cet échec présente toutefois

l’avantage de donner des nouvelles pistes de réflexion. C’est ainsi que l’examen de la

question du transfert intracommunautaire du siège social par le juge communautaire a été à

l’origine d’un certain nombre des surprises (TITRE II). En effet un examen approfondi de

l’approche législative et de l’approche jurisprudentielle fait apparaître une contradiction.

Alors que le législateur communautaire semblerait accorder une préférence au système du

siège réel par rapport au système de l’incorporation, le juge communautaire quant à lui semble

se prononcer en faveur du système de l’incorporation. Cette constatation laisse le juriste

perplexe.

TITRE I : L’ECHEC DE L’APPROCHE LEGISLATIVE 179. Seul un texte communautaire comme la proposition de 14ème directive ou le règlement

relatif à la société européenne permettrait de mettre en œuvre la mobilité des sociétés alors

qu’elle concrétise les libertés fondamentales d’établissement et de circulation des personnes

138 Mémorandum de la Commission européenne sur le projet de société commerciale européenne, RTD eur., 1966, p. 409.

58

morales. On verra toutefois que l’approche du législateur communautaire a été vouée jusqu’à

aujourd’hui à l’échec. Les solutions proposées en matière de société européenne ne sont pas

satisfaisantes du point de vue de la mobilité, mais elles ont le mérite d’apporter quelques

avancées à la mobilité intracommunautaire des sociétés (CHAPITRE I). A côté de ces

solutions réservées à un type particulier des sociétés, à savoir la société européenne, une

proposition de 14ème directive, permettrait de mettre en œuvre la technique de mobilité de

toutes les sociétés constituées en conformité avec la législation d’un Etat membre

(CHAPITRE II).

CHAPITRE I : La Société européenne 180. La SE sera probablement porteuse d’une généralisation de la mobilité transfrontalière des

sociétés (Section I). Un auteur écrit que la SE : « ne saurait être au mieux qu’un ballon

d’essai pour un accès généralisé à la mobilité intracommunautaire des entreprises »139. Elle a

été précédée dans cette voie par le groupement européen d’intérêt économique (GEIE)140.

Dans ce contexte la question d’une SPE ne perd pas son intérêt (Section II).

Section I : La SE : une avancée porteuse d’autres évolutions favorables 181. La conférence intergouvernementale de Nice constitue une étape marquante du droit

européen des sociétés par l’accord qui s’y est dégagé à la surprise générale, sur la société

européenne141.

182. Un auteur écrit à propos de la SE : « La société européenne sera prochainement le

vecteur de la circulation communautaire des sociétés. C’est une avancée considérable

porteuse d’autres évolutions favorables dans ce domaine, la société européenne pouvant

contribuer à la promotion de la circulation internationale de l’ensemble des sociétés relevant

des Etats membres »142.

183. Même si l’aboutissement de la SE constitue une avancée considérable (§1), il ne permet

pas pour autant d’assurer la promotion de la circulation intracommunautaire de l’ensemble

139 T. SCHMITT, « Les aspects fiscaux de la SE », Petites affiches, 16 avril 2002, n°76, p.29. 140 Règlement CE n° 2137/85 du conseil, du 25 juillet 1985, relatif à l’institution du groupement européen d’intérêt économique, JOCE n° L 199, 31 juillet 1985, p.1. 141 Règlement 2157/2001. 142 M. MENJUCQ, « La circulation internationale des sociétés », Bulletin Joly Sociétés, avril 2001, p.65.

59

des sociétés constituées en conformité avec la législation d’un Etat membre, la SE étant une

solution connaissant des limites (§2).

§1.- L’apport de la SE : vecteur de circulation 184. En quoi consiste l’apport de la SE à la circulation des sociétés ainsi définie dans son

principe et dans ses modalités ? La SE comporte deux avancées considérables. La première

avancée ne fera pas l’objet des développements dans le cadre de cette étude, elle concerne la

possibilité à des sociétés d’Etats membres de fusionner entre elles. En revanche la deuxième

avancée nous concerne directement, puisqu’elle permet à une SE de transférer son siège d’un

Etat à un autre. Le transfert du siège est facilité tant au niveau juridique (I) que fiscal (II).

I. Levée des principaux obstacles juridiques 185. Mise en œuvre de la circulation communautaire par la SE. Le règlement énonce le droit

de transférer le siège de la société européenne d’un Etat membre à un autre, l’article 8

disposant que « ce transfert ne donne lieu ni à dissolution, ni à création d’une personne morale

nouvelle ».

186. La possibilité pour la société européenne de transférer son siège143 d’un Etat membre à

un autre sans modification de sa personnalité juridique constitue une importante innovation

par rapport aux solutions habituellement reçues en droit international privé des sociétés.

187. En effet comme il a déjà été constaté, le transfert international du siège social est

généralement considéré en droit international privé comme une chose impossible, du moins

dans les pays fidèles au système du siège social réel. Selon l’analyse juridique classique, en

transférant son siège, la société change sa nationalité, c'est-à-dire qu’elle change la loi qui lui

est applicable, loi dont elle tire sa personnalité juridique. Comme un auteur le remarque, « en

changeant de loi, elle coupe la branche sur laquelle est assise sa personnalité juridique »144.

On considère alors que la société, en transférant son siège se dissout aux veux de la loi de son

ancien siège et doit être reconstituée selon la loi de l’Etat d’accueil du nouveau siège. Le

143 Statutaire et effectif. 144 J.-M. BISCHOFF, « Aspects de droit international privé », Petites affiches, 16 avril 2002, n°76, p.46.

60

raisonnement ne fait pas l’unanimité et l’opinion inverse a été soutenue145. Mais toujours est-

il que la doctrine dominante considère que l’opération est suicidaire pour la société.

188. Ainsi, décider dans le règlement que le siège de la société, statutaire et effectif, peut être

transféré d’un Etat à l’autre sans qu’il y ait dissolution de la société ou atteinte à sa

personnalité juridique est une innovation certaine. Si la SE avait été une société de pur droit

communautaire régie uniquement par le règlement et les principes généraux dont il s’inspire

on n’aurait pas été en présence d’une innovation par rapport à l’analyse classique de

l’opération de transfert international du siège social. En effet dans cette hypothèse, le transfert

intracommunautaire du siège social allait de soi, il aurait été un transfert interne. Mais tel

n’est pas le cas dans le système retenu par le règlement, puisque la société européenne est

largement régie par le droit national de l’Etat de son siège. En changeant ce dernier on change

donc une grande part du droit qui lui est applicable, néanmoins ce changement de régime

juridique de la société n’est pas une cause de disparition de celle-ci.

189. Les conditions de majorité. La décision de transfert ne requiert pas l’unanimité des

actionnaires de la SE mais doit seulement être prise aux conditions de modification des

statuts. C'est-à-dire à la majorité des deux tiers de voix exprimées sous réserve que la

législation d’un Etat membre relative aux sociétés anonymes ne prévoit une majorité plus

élevée146. Selon un auteur, ce dernier point « pourrait remettre en cause la praticabilité de

l’opération »147. En effet, comme cet auteur le constate, rien n’empêche à un Etat de

soumettre la décision de transfert à une majorité très élevée. Ceci étant dit, force est de

constater que la proposition de loi présentée au Sénat le 9 octobre 2003 prévoit simplement

que l’assemblée générale des actionnaires peut décider du transfert de siège dans les

conditions prévues à l’art. 8 du Règlement. « Le transfert est soumis, le cas échéant, à la

ratification des assemblées spéciales d'actionnaires mentionnées aux articles L. 225-99148 et

L. 228-15149 du code de commerce »150.

145 Voir partisans de la théorie de la fiction et de la théorie de la réalité. PREMIERE PARTIE, TITRE PREMIER. 146 « Art. 59 du Règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la SE. Art 59 §1. La modification des statuts requiert une décision de l'assemblée générale prise à une majorité qui ne peut être inférieure aux deux tiers des voix exprimées, à moins que la loi applicable aux sociétés anonymes relevant du droit de l'État membre du siège statutaire de la SE ne prévoie ou ne permette une majorité plus élevée. Art. 59 § 2. Toutefois, un État membre peut prévoir que, lorsque la moitié au moins du capital souscrit est représentée, une majorité simple des voix indiquées au paragraphe 1 est suffisante ». En effet l’Art. 8 § 6 indique que la décision de transfert doit être prise dans les conditions prévues à l’art. 59. 147 M. MENJUCQ, « La circulation internationale des sociétés », Petites affiches, n°89, 4 mai 2001, p.33. 148 « Art. L. 225-99 Les assemblées spéciales réunissent les titulaires d'actions d'une catégorie déterminée.

61

190. Même si le risque de voir les Etats membres durcir les conditions de majorité n’est pas

grave, l’option laissée aux Etat membres est inopportune car elle leur permet d’entraver

inutilement la mise en œuvre concrète du transfert du siège.

191. Modalités du transfert. Le règlement prévoit de manière très précise les modalités du

transfert. Il énonce le contenu du projet de transfert, la publicité dont il doit faire l’objet et le

délai pendant lequel il doit être mis à disposition des actionnaires pour qu’ils puissent en

prendre connaissance. En outre, la décision de transfert ne peut intervenir que deux mois

après la publicité151. L’objectif de l’instauration de ce délai est d’assurer la protection des

droits des tiers en leur permettant de prendre des dispositions et des garanties avant que le

transfert du siège ne devienne effectif, à la date de la nouvelle immatriculation. En outre, ce

La décision d'une assemblée générale de modifier les droits relatifs à une catégorie d'actions n'est définitive qu'après approbation par l'assemblée spéciale des actionnaires de cette catégorie. Les assemblées spéciales ne délibèrent valablement que si les actionnaires présents ou représentés possèdent au moins sur première convocation, la moitié, et sur deuxième convocation, le quart des actions ayant le droit de vote, et dont il est envisagé de modifier les droits. A défaut de ce dernier quorum, la deuxième assemblée peut être prorogée à une date postérieure de deux mois au plus à celle à laquelle elle avait été convoquée. Elles statuent dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 225-96 ». 149 « Art. L. 228-15 Les titulaires d'actions à dividende prioritaire sans droit de vote sont réunis en assemblée spéciale dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. — V. Décr. n° 67-236 du 23 mars 1967, art. 145-1 et 153-4 à 153-11, infra, App., vo Sociétés commerciales. Tout actionnaire possédant des actions à dividende prioritaire sans droit de vote peut participer à l'assemblée spéciale. Toute clause contraire est réputée non écrite. L'assemblée spéciale des actionnaires à dividende prioritaire sans droit de vote peut émettre un avis avant toute décision de l'assemblée générale. Elle statue alors à la majorité des voix exprimées par les actionnaires présents ou représentés. Dans le cas où il est procédé à un scrutin, il n'est pas tenu compte des bulletins blancs. L'avis est transmis à la société. Il est porté à la connaissance de l'assemblée générale et consigné à son procès-verbal. L'assemblée spéciale peut désigner un ou, si les statuts le prévoient, plusieurs mandataires chargés de représenter les actionnaires à dividende prioritaire sans droit de vote à l'assemblée générale des actionnaires et, le cas échéant, d'y exposer leur avis avant tout vote de cette dernière. Cet avis est consigné au procès-verbal de l'assemblée générale. Sous réserve de l'article L. 228-16, toute décision modifiant les droits des titulaires d'actions à dividende prioritaire sans droit de vote n'est définitive qu'après approbation par l'assemblée spéciale visée au premier alinéa du présent article, statuant selon les conditions de quorum et de majorité prévues à l'article L. 225-99. — [L. no 66-537 du 24 juill. 1966, art. 269-4] ». 150 Extraits de la proposition de loi présentée au Sénat le 9 octobre 2003, par M. Philippe MARINI : « Art. L. 229-26.- L'assemblée générale des actionnaires de la société européenne peut décider du transfert de siège dans un autre État membre de l'Union européenne dans les conditions prévues à l'article 8 du règlement (CE) 2157/2001. Cette opération ne donne lieu ni à dissolution de la société, ni à création d'une personne morale nouvelle ». « Le transfert est soumis, le cas échéant, à la ratification des assemblées spéciales d'actionnaires mentionnées aux articles L. 225-99 et L. 228-15 du code de commerce ». En outre l’art. 59 § 2 du Règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la SE donne la possibilité aux Etat membres de prévoir que, « lorsque la moitié au moins du capital souscrit est représentée, une majorité simple des voix indiquées au paragraphe 1 est suffisante ». 151 « Art. 8 § 6 du Règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la SE. La décision de transfert ne peut intervenir que deux mois après la publication du projet. Elle doit être prise dans les conditions prévues à l'article 59 ». A rapprocher avec l’article 6 de la proposition de 14ème directive du Parlement et du Conseil concernant le transfert de siège des sociétés d’un Etat membre à un autre (version 1997).

62

délai permet à une autorité compétente de s’opposer au transfert si la législation d’un Etat

membre a prévu cette possibilité152.

192. Opposabilité du transfert aux tiers. Le transfert est opposable aux tiers à compter de la

nouvelle immatriculation. Cependant les tiers peuvent se prévaloir du siége précédent tant que

l’immatriculation antérieure n’a pas été radiée sauf si la société prouve qu’ils connaissent le

nouveau siège153.

193. Le règlement donne aux Etats la possibilité de prendre des mesures protégeant les

actionnaires minoritaires opposés à l’opération154. C’est ainsi que la proposition de loi

présentée au Sénat le 9 octobre 2003, prévoit un certain nombre des règles ayant pour objet

d’assurer la protection des porteurs de certificats d’investissement et des créanciers

obligataires de la société155. Il est également proposé156 d’ajouter à l’art. L. 228-65 du C.

152 Le droit d’opposition appartenant en toute hypothèse aux autorités nationales de surveillance financière pour les SE soumises au contrôle d’une telle autorité. (Art. 8 § 14 du règlement) En outre selon le même article, l’opposition est susceptible de recours devant une autorité judiciaire. 153 « Art. 8 § 13 du Règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la SE. La publication de la nouvelle immatriculation de la SE rend le nouveau siège statutaire opposable aux tiers. Toutefois, tant que la publication de la radiation de l'immatriculation au registre du précédent siège n'a pas eu lieu, les tiers peuvent continuer de se prévaloir de l'ancien siège, à moins que la SE ne prouve que ceux-ci avaient connaissance du nouveau siège ». A rapprocher avec l’article 12 de la proposition de 14ème directive du Parlement et du Conseil concernant le transfert de siège des sociétés d’un Etat membre à un autre (version 1997). 154 « Art. 8 § 5 du Règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la SE. Un État membre peut adopter, en ce qui concerne les SE immatriculées sur son territoire, des dispositions destinées à assurer une protection appropriée aux actionnaires minoritaires qui se sont prononcés contre le transfert ». A rapprocher avec l’article 7 de la proposition de 14ème directive du Parlement et du Conseil concernant le transfert de siège des sociétés d’un Etat membre à un autre (version 1997). 155 Extraits de la proposition de loi présentée au Sénat le 9 octobre 2003, par M. Philippe MARINI : « [Art. L.229-26] Le projet de transfert est soumis aux assemblées spéciales des porteurs de certificats d'investissement statuant selon les règles de l'assemblée générale des actionnaires, à moins que la société européenne n'acquière ces titres sur simple demande de leur part, dans les conditions de publicité dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'État, et que cette acquisition ait été acceptée par l'assemblée spéciale. Tout porteur de certificats d'investissement qui n'a pas cédé ses titres dans le délai fixé par décret en Conseil d'État le demeurera dans la mesure où un instrument équivalent existe. À défaut, les certificats d'investissement restants sont convertis en actions ». « Art. L. 229-27.- Le projet de transfert de siège social de la société européenne est soumis à l'assemblée générale des obligataires, à moins que le remboursement des titres sur simple demande de leur part ne leur soit offert. L'offre de remboursement est soumise à publicité, dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'État ». « Tout obligataire qui n'a pas demandé le remboursement dans le délai fixé par décret en Conseil d'Etat conserve sa qualité dans la société européenne ». « Art. L. 229-28.- À défaut d'approbation par l'assemblée générale des obligataires des propositions visées au 6° du I de l'article L. 228-65, le conseil d'administration ou le directoire de la société européenne peuvent passer outre en offrant de rembourser les obligations dans le délai fixé par décret en Conseil d'État. « La décision du conseil d'administration ou du directoire de passer outre est publiée dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État, qui détermine également le délai pendant lequel le remboursement doit être demandé ». « Toutefois, l'assemblée générale des obligataires peut donner mandat aux représentants de la masse de former opposition à l'opération dans le délai fixé par décret en Conseil d'État. Une décision de justice rejette l'opposition

63

Com.157 un 6° rédigé ainsi : « [L'assemblée générale délibère] Sur tout projet de transfert du

siège social d’une société européenne ». On doit en outre mentionner que la proposition de loi

présentée au Sénat le 19 janvier 2004158, prévoit un dispositif de protection des actionnaires

minoritaires de SE immatriculées sur le territoire de la République Française.

194. Il existe en outre un certain nombre des règles matérielles visant à assurer la protection

des créanciers :

- Plus précisément en vertu du règlement159 la SE doit démontrer, avant la délivrance

par une autorité compétente du certificat conditionnant la nouvelle immatriculation,

que les intérêts des créanciers antérieurs à la publication du projet de transfert, voire

ou ordonne, soit le remboursement des créances, soit la constitution de garanties si la société absorbante en offre et si elles sont jugées suffisantes ». « L'opposition formée n'a pas pour effet d'interdire la poursuite de l'opération de transfert. Les dispositions du présent article ne mettent pas obstacle à l'application des conventions autorisant le créancier à exiger le remboursement immédiat de sa créance ». 156 Art. 2 VIII de la proposition de loi présentée au Sénat le 9 octobre 2003 par M. Philippe MARINI. 157 « Art. L. 228-65 [rédaction actuelle] I. — L'assemblée générale délibère sur toutes mesures ayant pour objet d'assurer la défense des obligataires et l'exécution du contrat d'emprunt ainsi que sur toute proposition tendant à la modification du contrat et notamment: 1o Sur toute proposition relative à la modification de l'objet ou de la forme de la société; 2o Sur toute proposition, soit de compromis, soit de transaction sur des droits litigieux ou ayant fait l'objet de décisions judiciaires; 3o Sur les propositions de fusion ou de scission de la société dans les cas prévus aux articles L. 236-13 et L. 236-18; 4o Sur toute proposition relative à l'émission d'obligations comportant un droit de préférence par rapport à la créance des obligataires composant la masse; 5o Sur toute proposition relative à l'abandon total ou partiel des garanties conférées aux obligataires, au report de l'échéance du paiement des intérêts et à la modification des modalités d'amortissement ou du taux des intérêts. II. — L'assemblée générale délibère dans les conditions de quorum et de majorité prévues aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 225-98. — [L. no 66-537 du 24 juill. 1966, art. 313] ». 158 Proposition de loi portant sur la mise en oeuvre des dispositions de renvoi en droit interne contenues dans le règlement (CE) n° 2157 / 2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la société européenne (SE) et sur la transposition concomitante de la directive n°2001 / 86 / CE du Conseil du 8 octobre 2001 complétant le statut de la société européenne pour ce qui concerne l'implication des travailleurs, présentée au Sénat le 19 janvier 2004, par MM. Jean-Guy BRANGER et Jean-Jacques HYEST. « Art. L. 229-5.- Les règles concernant la protection des actionnaires minoritaires dans les sociétés anonymes sont applicables aux actionnaires de sociétés européennes immatriculées sur le territoire de la République française. » 159« Art. 8 § 7 du Règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la SE. Avant que l'autorité compétente ne délivre le certificat visé au paragraphe 8, la SE doit prouver qu'en ce qui concerne les créances nées antérieurement à la publication du projet de transfert, les intérêts des créanciers et titulaires d'autres droits envers la SE (y compris ceux des entités publiques) bénéficient d'une protection adéquate conformément aux dispositions prévues par l'État membre où la SE a son siège statutaire avant le transfert Un État membre peut étendre l'application du premier alinéa aux créances nées (ou susceptibles de naître) avant le transfert. Le premier et le deuxième alinéas sont sans préjudice de l'application aux SE de la législation nationale des États membres en ce qui concerne le désintéressement ou la garantie des paiements en faveur des entités publiques. ». A rapprocher avec l’art. 8 § 1 de la proposition de 14ème directive du Parlement et du Conseil concernant le transfert de siège des sociétés d’un Etat membre à un autre (version 1997) et avec l’article 8 § 2 de la même proposition en ce qui concerne les dettes de la société envers les entités publiques. En effet cette discrimination entre les créanciers privés et publics est discutable. On va s’intéresser de façon plus détaillée à la dite discrimination lors de l’examen de la proposition de 14ème directive (Chapitre II du présent Titre).

64

simplement antérieurs au transfert lui-même si l’Etat le décide, sont suffisamment

protégés. D’ailleurs il peut y avoir des dispositions spécifiques en faveur des entités

publiques.

- Ensuite160 ce sont les juridictions de l’Etat du siège d’origine qui seront compétentes

pour tout litige né avant le transfert161.

- Puis, en vertu de l’art. 8 §15 du règlement162, une SE qui est en cours de procédure de

dissolution ou de liquidation ou encore qui est soumise à une procédure collective ne

peut pas transférer son siège.

II. Levée des obstacles de nature fiscale 195. Fiscalité de l’opération. Comme il a déjà été examiné précédemment, la France comme

de nombreux autres Etats, considèrent que le transfert du siège social implique cessation

d’entreprise163 ce qui implique l’imposition immédiate des bénéfices réalisés et plus values

latentes de la société qui sort de sa juridiction fiscale164. La solution au niveau européen165

consiste sur l’autorité supérieure du règlement communautaire à celle de la loi. En effet le

règlement européen relatif au statut de la SE constitue un dispositif communautaire organisant

le transfert du siège d’une société. A cet égard, la CJCE avait pris le soin dans son arrêt Daily

Mail166, d’observer que le traité n’avait pas résolu la difficulté par les règles relatives à la

liberté d’établissement, difficulté qui devrait trouver une solution dans des travaux législatifs

160 « Art. 8 §16 du Règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la SE. Une SE qui a transféré son siège statutaire dans un autre État membre est considérée, aux fins de tout litige survenant avant le transfert tel qu'il est déterminé au paragraphe 10, comme ayant son siège statutaire dans l'État membre où la SE était immatriculée avant le transfert, même si une action est intentée contre la SE après le transfert ». Il n’existe pas de disposition semblable dans la proposition de 14ème directive du Parlement et du Conseil concernant le transfert de siège des sociétés d’un Etat membre à un autre (version 1997). 161 Même si l’action n’est intentée qu’après le transfert. 162 « Art. 8 § 15 du Règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la SE. Une SE à l'égard de laquelle a été entamée une procédure de dissolution, de liquidation, d'insolvabilité, de suspension de paiements ou d'autres procédures analogues ne peut transférer son siège statutaire ». A rapprocher avec l’art. 13 de la proposition de 14ème directive du Parlement et du Conseil concernant le transfert de siège des sociétés d’un Etat membre à un autre (version 1997). 163 Ce qui ne suppose pas qu’il y ait dissolution de la société, la notion fiscale de cessation d’entreprise étant propre au droit fiscal et largement autonome par rapport aux dispositions du droit des sociétés. En ce sens, CE, 29 décembre 1995, Sté Hygiène et dératisation d’Auvergne, n°140219, Dr. fisc. 1996, n°11, comm. 318, conclusions P. Martin. En l’occurrence il y a en l’espèce cessation du seul fait de la sortie de la société de la juridiction fiscale française. Contra, v. Bull. de l’ANSA, janvier 2002, n°3097, « Societas europaea : in fisco veritas ? », qui considère que le transfert du siège ne devrait pas donner lieu à imposition en l’absence de dissolution ou de création d’une personne morale nouvelle. 164 Art. 221-2 et 201 du CGI. 165 Au niveau français le règlement constitue une convention au sens de l’art. 225-97 du C. Com. Pour une analyse plus détaillée du dispositif Français voir aussi le CHAPITRE DEUXIEME, SECTION PREMIERE, §1, II. 166 CJCE, 27 septembre 1988, aff.81/87, Daily Mail and General Trust PLC, Rec. p.5483.

65

ou conventionnels qui à l’époque n’avaient pas encore abouti. S’agissant de la SE cette

condition d’aboutissement des travaux est aujourd’hui remplie. De la sorte, le transfert de

siège ne peut pas être assimilé, d’un point de vue fiscal, à une cessation d’entreprise

génératrice de taxation.

196. Malgré le fait que la SE répond à l’objectif de circulation transfrontalière, elle présente

un certain nombre de limites, de sorte que dans le statut de la SE nouvellement constituée le

juriste peu percevoir un sentiment d’échec.

§2.-Les limites de la SE 197. La considération du siège réel par le règlement semble inappropriée (I), d’ailleurs, le

législateur communautaire s’est réservé le droit de revenir sur ce point. En outre la SE devrait

connaître une application très limitée (II).

I. La considération inappropriée du siège réel 198. Selon l’article 7 du règlement relatif au statut de la SE on ne peut pas décaler entre le

siége statutaire et le siée réel167. La coïncidence entre le siège statutaire et l’administration

centrale doit exister non seulement quand la société européenne est crée mais aussi tout au

long de sa vie. Cette coïncidence doit impérativement être maintenue sous peine de

liquidation de la SE s’il n’y a pas régularisation de sa situation168. La régularisation peut se

faire dans deux sens, ou bien on demandera à la SE de ramener son administration centrale

vers l’Etat de son siège statutaire, ou bien on lui demandera à l’inverse, de déménager, de

transférer son siège social statutaire là où elle a de fait son administration centrale. Dans ce

dispositif un auteur trouve un compromis entre le système d’incorporation et le système de 167 « Art. 7 du Règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la SE. Le siège statutaire de la SE est situé à l'intérieur de la Communauté, dans le même État membre que l'administration centrale. Un État membre peut en outre imposer aux SE immatriculées sur son territoire l'obligation d'avoir leur administration centrale et leur siège statutaire au même endroit ». 168 « Art. 64 du Règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la SE. 1. Lorsqu'une SE ne remplit plus l'obligation de l'article 7, l'État membre dans lequel la SE a son siège statutaire prend les mesures appropriées pour obliger la SE à régulariser la situation dans un délai déterminé: a) soit en rétablissant son administration centrale dans l'État membre du siège; b) soit en procédant au transfert du siège statutaire par la procédure prévue à l'article 8 ». 2. L'État membre du siège prend les mesures nécessaires pour assurer qu'une SE qui ne régulariserait pas sa situation, conformément au paragraphe 1, soit mise en liquidation. 3. L'État membre du siège statutaire institue un recours juridictionnel contre tout constat d'infraction à l'article 7. Ce recours a un effet suspensif sur les procédures prévues aux paragraphes 1 et 2. 4. Lorsqu'il est constaté, soit à l'initiative des autorités, soit à l'initiative de toute partie intéressée, qu'une SE a son administration centrale sur le territoire d'un État membre en infraction à l'article 7, les autorités de cet État membre en informent sans délai l'État membre où est situé le siège statutaire de la SE ».

66

siège réel169. D’autres auteurs y voient « une consécration incontestable du siège réel, ce qui

est une nouveauté complète en droit communautaire »170. Cette solution nous semble

inappropriée. En effet dans l’arrêt Centros171, la CJCE a affirmé qu’était contraire à la liberté

d’établissement le refus des autorités danoises d’immatriculer la succursale d’une société

constituée en Angleterre par des époux danois pour éviter d’avoir à effectuer l’apport de

capital minimum exigé par le droit danois. En fait, la succursale constituait le siége réel de la

société dont toute activité était réalisée au Danemark par les associés - gérants danois, le siège

statutaire en Angleterre étant localisé de manière purement fictive au domicile d’un ami des

époux associés.

199. Il est évident qu’en vertu de cette jurisprudence la dissociation des sièges statutaire et

réel n’est pas selon le juge luxembourgeois un motif valable pour qu’un Etat refuse

l’immatriculation d’une société ou de l’un des ses établissements. Il faut tout de même noter

que la CJCE réserve expressément l’hypothèse de la fraude, mais compte tenu des

circonstances de l’arrêt Centros où la fraude était manifeste et n’a pourtant pas été admise, on

ne voit guère dans quels cas elle pourra être retenue.

200. Cette solution parait d’autant plus inappropriée que la proposition de 14ème directive172 et

la proposition de règlement relatif au statut de la SPE173 adoptent des solutions proches.

Pourtant, l’exposé des motifs précise très prudemment, dans son considérant 27, que le régime

du siège réel retenu pour la société européenne par le règlement ne porte pas préjudice aux

législations des Etats membres et ne préjuge pas les choix qui pourront être faits dans d’autres

textes communautaires en matière de droit des sociétés174.

201. Il faut toutefois noter qu’une évolution sur ce point est probable. En effet selon l’article

69 du règlement dans les cinq ans qui suivront l’entrée en vigueur du règlement la

169 W.-H. ROTH, « From Centros to Überseering: Free movement of Companies, Private International Law, and Community Law », The International and Comparative Law Quarterly, 2003, 52, p.117« Both regulations they represent a compromise between the incorporation and the seat doctrine ». 170 J.-M. BISCHOFF, « Aspects de droit international privé », Petites affiches, 16 avril 2002, n°76, p.44. 171 CJCE, 9 mars 1999, Centros Ltd et Erhvervs-og Selskabsstyrelsen, aff. C-212/97, Rec. 1999, p. I-1459. 172 Art 11 § 2 de la proposition de 14ème directive du Parlement et du Conseil concernant le transfert de siège des sociétés d’un Etat membre à un autre avec changement de la loi applicable (version 1997). Le dispositif sera exposé de façon détaillée lors de la DEUXIEME SECTION du DEUXIEME CHAPITRE 173 Art. 6 § 1 du projet de règlement relatif au statut de la SPE. Le dispositif sera exposé de façon détaillée lors de la DEUXIEME SECTION du présent CHAPITRE 174 Considérant n°27 du Règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la SE. « Compte tenu de la nature spécifique et communautaire de la SE, le régime du siège réel retenu pour la SE par le présent règlement ne porte pas préjudice aux législations des États membres et ne préjuge pas les choix qui pourront être faits pour d'autres textes communautaires en matière de droit des sociétés ».

67

Commission présentera un rapport dans lequel la question va être réexaminée. Il est de notre

avis, compte tenu de la jurisprudence de la CJCE, qu’il est fort probable que le rapport se

prononcera en faveur de la possibilité pour une société européenne d’avoir son administration

centrale et son siège statutaire dans des Etats membres différents. En effet comme il va être

examiné ultérieurement, la dissociation entre le siège statutaire et le siège effectif d’une

société n’est pas interdite par la jurisprudence de la CJCE175. Il est absolument paradoxal de

permettre cette dissociation à toute société constituée conformément avec la législation d’un

Etat membre, alors que la même dissociation n’est pas permise en matière de SE, instrument

promoteur de la mobilité intracommunautaire.

202. Sur ce point, il faut également mentionner qu’un auteur176 distingue le contentieux de

l’immigration de celui de l’émigration pour admettre qu’il n’y a pas d’incohérence entre la

réglementation communautaire et l’arrêt Überseering. En effet l’article 7 du règlement permet

une barrière à la sortie telle que l’admet l’arrêt Daily Mail. Ce raisonnement n’apporte pas la

conviction. En effet la jurisprudence ultérieure, et notamment l’arrêt de la CJCE du 11 mars

2004, pouvaient nous faire penser que la jurisprudence Daily Mail a été infléchie par l’arrêt

Überseering177. En tout état de cause, si on dépasse le débat théorique, ce raisonnement ne

permet pas de remédier à la situation paradoxale précédemment évoquée : le transfert du seul

siège effectif reste possible pour les sociétés de droit commun (de droit national) alors que

pour la société européenne ce transfert doit être obligatoirement accompagné du transfert du

siège statutaire.

II. Une structure devant connaître une application très limité 203. Un auteur178 écrit que : « la SE répond à l’objectif de circulation transfrontalière », mais

il se demande si elle doit être le vecteur unique de circulation des sociétés. Une réponse

négative s’impose à cette question. En effet le droit de circuler dans l’espace européen semble

si fondamental dans une Europe économiquement et monétairement unifiée qu’il ne doit pas

être réservé à une forme de société (A) mais doit être offert au plus grand nombre des formes

175 La jurisprudence de la CJCE ferra l’objet des développements détaillés lors du SECOND TITRE de cette PARTIE. 176 E. WYMEERSCH, « La société européenne - Organisation juridique et fiscale, intérêts et perspectives », Dalloz 2003, 177 Cette jurisprudence sera examinée lors du DEUXIEME TITRE. 178 M. MENJUCQ, « La circulation internationale des sociétés », Petites affiches, n°89, 4 mai 2001, p.37.

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sociales. C’est un échec de la société européenne. En outre, la dimension fiscale de la SE étant

ignorée (B), le risque d’échec devient encore plus important.

A. Une structure réservée à un nombre restreint des sociétés 204. Conditionner la circulation transfrontalière à l’utilisation impérative d’un type particulier

de sociétés paraît d’autant plus contrevenir aux fondements même du marché unique que la

dite forme sociale est non seulement contraignante mais surtout onéreuse.

205. Assouplissement de la SE. Une évolution vers une forme assouplie est d’ailleurs

envisageable en matière de société européenne puisque l’article 69 du règlement179 prévoit

qu’au plus tard cinq années après l’entrée en vigueur du règlement , la Commission présentera

un rapport examinant en particulier si il convient de permettre à un Etat membre d’adopter,

pour l’application du règlement relatif à la SE des dispositions autorisant l’insertion dans les

statuts de la SE de clauses qu’il n’admettrait pas dans les statuts d’une société anonyme.

Selon un auteur180, « c’est bien une sorte de société par actions simplifiée (SAS) européenne

qui est envisagée en l’occurrence ».

206. Structure onéreuse. Puis la SE constitue une structure onéreuse, en effet cette dernière

n’est pas conçue comme un véhicule de circulation à la portée de toutes les bourses. Il s’agit

plutôt d’un instrument de circulation offert aux groupes de sociétés ayant une assise financière

certaine181.

B. Une structure à fiscalité inconnue 207. Fiscalité inconnue. Selon un auteur182 pour l’instant la SE est caractérisée par l’inconnue

fiscale. Un autre auteur183 parle de « Titanic fiscal » et écrit qu’ « en ignorant purement et

simplement la dimension fiscale de la société européenne, le législateur communautaire a peut 179 Art. 69 du règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la SE. « Au plus tard cinq ans après l'entrée en vigueur du présent règlement, la Commission présente au Conseil et au Parlement européen un rapport sur l'application du règlement et, le cas échéant, des propositions de modifications. Le rapport examine en particulier s'il convient [...] d) de permettre qu'un État membre autorise, dans la législation qu'il adopte conformément aux pouvoirs conférés par le présent règlement ou pour assurer l'application effective du présent règlement à une SE, l'insertion, dans les statuts de la SE, de dispositions qui dérogent à ladite législation ou qui la complètent, alors même que des dispositions de ce type ne seraient pas autorisées dans les statuts d'une société anonyme ayant son siège dans l'État membre en question. 180M. MENJUCQ, « La circulation internationale des sociétés », Petites affiches, n°89, 4 mai 2001, p.38. 181 En vertu du règlement le capital minimum de la SE est effectivement de 120.000 � (Art. 4 § 2 du règlement). 182 J.-P. DOM, Note sous CJCE, Überseering, 5 novembre 2002, Rev. Sociétés, avril – juin 2003, p.315. 183 T. SCHMITT, « Les aspects fiscaux de la SE », Petites affiches, 16 avril 2002, n°76, p.29.

69

être aussi par là même signé l’arrêt de mort, avant terme, de cette nouvelle forme de société ».

Il ne s’agit pas dans le cadre restreint de cette étude d’analyser de façon détaillée le régime

fiscal que la SE se verra probablement appliquer. Il faut tout de même signaler que la SE, en

l’absence de dispositions fiscales spécifiques, serra soumise au même régime fiscal que

n’importe quelle autre entreprise multinationale constituée sous forme de société anonyme.

Elle sera donc, simultanément soumise à la législation fiscale de l’Etat de son siège et du lieu

de situation de ses établissements stables. En outre, alors que la SE a par définition vocation à

opérer sur l’ensemble du marché communautaire, son régime fiscal n’autorisera aucune

consolidation dans nombre d’Etats. Même si ces faiblesses au niveau fiscal ne concernent pas

la fiscalité de l’opération de transfert du siège social, il n’en reste pas moins qu’elles puissent

avoir pour effet de dissuader nombre de sociétés d’opter pour le statut de la SE. Ce qui fait

que les sociétés qui adopteront le statut de SE et pourront donc profiter, de la possibilité de

transférer leur siège social risquent d’être peu nombreuses.

208. Toutefois, l’aboutissement de la SE n’est pas à cet égard néfaste car on peut voir dans

l’adoption du règlement une opportunité. C’est ainsi que le juriste peut concevoir la SE

comme l’instrument promoteur d’une circulation généralisée des sociétés et comme une

amorce d’une intéressante évolution du droit international privé des sociétés. En ce sens, la

proposition d’une société privée européenne184 (SPE), à la condition d’être suffisamment

souple, ne perd pas de son intérêt et représenterait certainement un opportun complément de

la société européenne qui vient d’être instituée.

Section II : La SPE une structure à venir ? 209. Certains auteurs considèrent qu’il faudrait non pas un type de société européenne, mais

deux : un modèle de société européenne, comme celui qui est présenté par le Règlement

relatif au statut de la SE, favorisant l’ouverture à un large actionnariat européen, et un autre

modèle bien plus souple de société fermée servant d’instrument de coopération des

entreprises.

210. C'est précisément pour tenter de répondre à ces aspirations que, sans préjuger des

chances d'aboutissement du projet de société anonyme européenne, la Chambre de Commerce

184« Proposition pour une société fermée européenne », Rapport du CREDA sous la direction de F. BOURCOURECHLIEV ; Voir aussi A. OUTIN-ADAM et F. SIMON, « Pour une société privée européenne », Bulletin Joly Sociétés, mars 1999, p. 337.

70

et d'Industrie de Paris et le Mouvement des Entreprises de France185ont proposé, dès 1998,

une structure communautaire complémentaire de la SE (§1), à savoir la société privée

européenne186 - SPE -. Il en reste que cette structure connaît elle aussi certaines limites (§2)

§1.-Présentation de la SPE 211. La société européenne est sortie de l'ornière. Mais si cette structure communautaire

représente une avancée non négligeable, elle comporte une lourdeur inhérente notamment à la

possibilité de faire appel public à l'épargne. De surcroît, a priori conçue pour les grandes

entreprises, cette SE ne pourra satisfaire toutes les aspirations du monde des affaires,

particulièrement des PME, dont on sait qu'elles constituent l'essentiel du tissu économique et

le vecteur de la compétitivité européenne.

212. La SPE est conçue comme une société librement accessible, ouverte notamment aux

petites et moyennes entreprises désirant se développer sur le marché de l’Union. Il s’agit

d’une forme juridique paneuropéenne simple, efficace et répondant aux besoins propres de ce

type d’entreprises.

213. Il faut toutefois noter que les grandes entreprises, les groupes sont également très

intéressés par un tel projet. Leur structure est toujours éclatée en holdings, filiales et sous-

filiales dont la plupart ne font pas appel public à l'épargne et dont beaucoup sont communes à

plusieurs groupes. Elles sont alors le lieu de coopérations diverses qui peuvent être

temporaires ou évolutives. La forme de la société de partenaires est leur cadre naturel, et une

forme européenne leur apporterait un statut à leur mesure, connu et uniforme dans toute

l'Union européenne et donc commun à toutes les filiales européennes d'un groupe, quel que

soit le lieu de leur implantation.

214. La SPE doit, bien entendu, donner à ses utilisateurs toute la flexibilité attendue d'une

forme sociale réellement européenne, en leur garantissant la faculté de s'établir dans le pays

de leur choix dès lors que le siège et la direction effective de la société y sont implantés, et, le

cas échéant, de les transférer dans un autre pays sans difficultés particulières, pour

accompagner leur développement ou faciliter leur mode de gestion.

185 Ex : CNPF. 186 Ce groupe de travail s'est appuyé sur les travaux du Centre de recherche sur le droit des affaires - CREDA - de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris : Propositions pour une société européenne fermée, sous la direction de Jeanne BOUCOURECHLIEV, publié par la Commission européenne (décembre 1997).

71

215. Il ne sera pas examiné dans le cadre de cette étude l’intégralité du dispositif

réglementaire relatif au statut de la SPE proposé par le groupe d’experts en droit des sociétés,

le CCIP et le Medef. Seules feront l’objet de notre attention les dispositions se référant à

l’opération de transfert intracommunautaire du siège social d’une SPE. La dite opération est

envisagée dans l’article 6 du projet. Selon le projet, « Ce transfert n’entraîne ni dissolution ni

création d’une personne morale nouvelle »187. En outre, une procédure de protection des

intérêts des associés et des créanciers en cas de transfert dans un autre Etat membre a été

introduite188. L’institution de la SPE pourrait donc constituer un instrument promoteur de la

mobilité des sociétés dans l’espace européen. Il existent cependant, comme en matière de SE,

un certain nombre de limites.

§2.-Limites de la SPE 216. Plus ou moins, on peut opposer ici les mêmes objections qu’en matière de SE : la

considération du siège réel par le projet (I) et le fait qu’il s’agit de mettre en place un type

particulier de sociétés (II) font apparaître des limites d’une importance considérable à une

mobilité généralisée des sociétés.

I. Considération inappropriée du siège réel 217. Selon l’article 6 §1 du projet de règlement on ne peut pas décaler entre le siège statutaire

et le siége réel en matière de SPE189. Cette solution n’est pas surprenante puisque la même

règle on la retrouve dans le règlement relatif au statut de la SE190. Il faut également

mentionner qu’il est prévu que : « Lorsqu'une SPE ne remplit plus l'obligation d'avoir son

administration centrale sur le territoire de l'État membre de l'Union européenne dans lequel

elle est immatriculée, elle est tenue de régulariser la situation dans un délai de trois mois. A

défaut de régularisation dans le délai de trois mois, la société encourt la dissolution »191.

187 Art. 6 § 2 du projet de règlement relatif au statut de la SPE. 188 Art. 6 § 2 et § 3 du projet de règlement relatif au statut de la SPE. « Art. 6 § 2 alinéa 2 : Le projet de transfert doit être établi par le ou les organes désignés par les statuts. Il doit faire l'objet d'un dépôt et d'une publication dans les conditions prévues aux articles 8 et 9 du présent règlement. L'adoption du projet intervient au plus tôt un mois après sa publication ». « Art. 6 § 3 : Les associés et les créanciers de la société ont, au moins un mois avant la date prévue pour l'assemblée générale appelée à se prononcer sur le transfert, le droit d'examiner au siège de la société, le projet de transfert visé à l'alinéa précédent ». 189Art. 6 § 1 du projet de règlement relatif au statut de la SPE. « Le siège de la SPE doit être situé à l'intérieur de l'Union européenne. Il doit correspondre au lieu de son administration centrale ». 190 Art. 7 du règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la SE. 191 Art. 6 § 4 du projet de règlement relatif au statut de la SPE.

72

Comme l’expliquent les auteurs à l’origine de ce projet de règlement : « Le principe du siège

réel a été retenu. Dans la mesure notamment où le siège détermine l'application du droit

national dans certains domaines, cette solution écarte le risque de fuite devant le droit national

sur son propre territoire, que permettrait la solution du siège statutaire »192.

218. Il est évident qu’à ce choix on peut opposer les mêmes objections qu’en matière de SE.

Le choix du siège réel ne semble pas en effet être compatible avec l’interprétation donnée par

la CJCE des règles du traité relatives à la liberté d’établissement193.

II. Un champ d’application toujours limité 219. La faculté de circuler d’un Etat membre à un autre devrait être reconnue aux sociétés,

quelle que soit leur forme, sans qu’elles aient à se couler dans le moule de la société

européenne ou celui de la société privée européenne. La SPE, certes moins onéreuse, moins

contraignante et donc plus accessible que la SE, reste un type particulier de société, ce qui est

contraire à l’objectif d’une mobilité intracommunautaire généralisée.

220. L’accès généralisé à la mobilité intracommunautaire est l’objectif à atteindre car il évite

que le choix d’un type de société s’effectue dans l’unique perspective de bénéficier de la

circulation intracommunautaire, même si la forme sociale ne correspond pas aux objectifs

économiques ou stratégiques. Un accès large éviterait que les utilisateurs soient dans

l’obligation de faire un choix entre la circulation transfrontalière et une forme sociale plus

appropriée à l’activité poursuivie. C’est là qui réside l’échec de la SE et de la SPE, ces deux

formes des sociétés connaissant un champ d’application plus ou moins limité.

221. C’est tout l’intérêt de la proposition de 14ème directive, dans la mesure où ce texte serait

ouvert assez largement à toutes les sociétés par actions et aux sociétés à responsabilité limitée.

Mais cette proposition a été victime de la résistance de l’Allemagne qui redoutait que son

adoption ne signe le départ de nombreuses sociétés ayant leur siège en Allemagne, en vue

d’éviter le système de la cogestion. Le compromis dégagé pour la SE devrait être transposé

aux opérations de transfert de siège.

192 Voir les commentaires de l’article 6 du projet de règlement relatif au statut de la SPE, disponibles sur le site de la CCIP. 193 Cette objection, elle a été développée de façon plus détaillée dans la Section I, du présent CHAPITRE

73

CHAPITRE II : Le projet de 14ème directive 222. Une proposition de 14ème directive concernant le transfert intracommunautaire du siège

statutaire des sociétés des capitaux devrait être présentée au courant du mois de septembre

2004. L’idée n’est pas nouvelle et une proposition de directive était déjà présentée en 1997,

mais la question de la participation des travailleurs aux organes de décision de la société dont

le siège statutaire a été transféré a bloqué depuis plusieurs années le projet. La Commission

européenne a profité de l’aboutissement de la SE pour remettre sur la table des négociations la

proposition. Mais dans l’optique d’assurer la réussite de cette nouvelle proposition il convient

d’examiner les avantages et les faiblesses du projet de 14ème directive tel qu’il a été présenté

en 1997 (Section I) ; l’objectif poursuivi étant de tirer un certain nombre de leçons qui

pourraient en profiter à la proposition naissante ou pour mieux dire qui pourraient en profiter

à la proposition renaissante (Section II).

Section I : L’échec du projet de 14ème 223. Le projet de 14ème directive194 présente l’avantage incontestable de lever les principaux

obstacles de nature juridique et fiscale de l’opération. Le juriste doit, dans un premier temps,

examiner les principaux apports de la proposition (§1), ensuite le débat doit être nourri par des

observations critiques (§2). En effet, il a déjà été souligné que le transfert international de

siège social met en cause plusieurs ordres juridiques nationaux et que de ce fait un conflit de

lois est provoqué. Or les solutions offertes par la proposition en matière de conflit de lois

semblent insatisfaisantes.

§1.-Les principaux apports de la proposition 224. L’apport de la proposition consiste en la levée des principaux obstacles juridiques (I) et

fiscaux (II).

I. La levée des principaux obstacles juridiques 225. La proposition de 14ème directive présente un avantage incontestable ayant trait au

domaine d’application de la directive. En effet, comme il a déjà été souligné, la mobilité des

sociétés par transfert de siège est un droit qui doit être accordé à toutes les sociétés. Comme

194 Proposition de 14ème directive de 1997, JOCE C 138, 5 mai 1997.

74

les personnes physiques, toutes les sociétés dotées de la personnalité morale devraient pouvoir

jouir de la liberté de circulation européenne. Un auteur remarque à juste titre qu’« il était au

contraire de mauvaise politique juridique de réserver les instruments de mobilité des sociétés

à l’intérieur de la Communauté européenne à certaines formes nationales195 particulières des

sociétés »196. Aujourd’hui on ne peut qu’approuver ces propos et qualifier de mauvaise

politique juridique le choix de réserver la mobilité des sociétés à un seul type de société à

statut spécial, la société européenne197.

226. Selon les dispositions de ladite proposition le transfert du siège à l’intérieur de la

Communauté ne provoque ni la dissolution ni la création d’une personne morale nouvelle198.

La décision est prise à la majorité des deux tiers des associés sauf majorité plus élevée exigée

par la loi du pays d’origine199.

227. Il faut en outre mentionner que le projet de directive ne prévoit pas lui-même les

modalités du transfert mais il détermine la compétence législative par une application

distributive des lois nationales du pays d’origine et du pays d’accueil.

228. La procédure de transfert du siège est organisée selon un certain nombre des règles

matérielles inspirés en partie du règlement sur le groupement européen d’intérêt

économique200 et en outre la similitude de ces règles avec les dispositions du Règlement (CE)

n°2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la SE est flagrante.

195 L’auteur vise par là le Règl. (CEE) n°2137/85 du conseil du 25 juillet 1985, relatif à l’institution d’un groupement européen d’intérêt économique (GEIE) : JOCE, n° L199, 31 juillet 1985, p.1. 196 M. MENJUCQ, Réflexion critique sur la proposition de 14e directive relative au transfert intra-communautaire de siège social », Bulletin Joly Sociétés, février 2000, p.137. 197 La SE a fait l’objet des développements lors du premier chapitre du présent titre. 198Art. 3 de la proposition de 14ème directive du Parlement et du Conseil concernant le transfert de siège des sociétés d’un Etat membre à un autre avec changement de la loi applicable (version 1997). JOCE C 138, 5 mai 1997. « Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour que le siège statutaire ou réel d’une société puisse être transféré dans un autre État membre. Ce transfert ne donne lieu ni à dissolution, ni à création d’une personne morale nouvelle, mais il entraîne un changement de la loi applicable à la société en cause au jour de son immatriculation a registre du nouveau siège conformément à l’article 10 ». A rapprocher avec l’article 8 § 1 du Règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la SE. 199 Art. 6 de la proposition de 14ème directive du Parlement et du Conseil concernant le transfert de siège des sociétés d’un Etat membre à un autre avec changement de la loi applicable (version 1997). JOCE C 138, 5 mai 1997. « Art. 6 §2. La décision de transfert requiert une décision de l’assemblée générale prise à une majorité qui ne peut être inférieure aux deux tiers des voies exprimées, à moins que la loi applicable à la société prévoie ou permette une majorité plus élevée ». « Art. 6 § 3. Toutefois, un État membre peut prévoir que, lorsque la moitié au moins du capital est représentée, une majorité simple des voix indiquées au paragraphe 2 est suffisante ». A rapprocher avec l’art 59 § 1 et § 2 du Règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la SE. 200 Règl. (CEE) n°2137/85 du conseil du 25 juillet 1985, relatif à l’institution d’un groupement européen d’intérêt économique (GEIE) : JOCE, n° L199, 31 juillet 1985.

75

L’instauration d’une obligation de délivrance d’une attestation d’accomplissement des

formalités préalables201 au transfert fait état de la volonté du législateur communautaire

d’assurer l’information nécessaire des associés, des salariés et des créanciers. En absence de

cette attestation qui devrait être délivrée aux autorités de l’Etat d’accueil, l’immatriculation de

la société dans l’Etat d’accueil ne pourra pas avoir lieu202. Ces exigences peuvent se justifier

par le fait que la décision de transférer le siège à l’étranger est une décision trop grave pour

qu’elle soit prise par surprise. D’ailleurs même dans les hypothèses d’un transfert du siège

social à l’intérieur du même Etat il existe un certain nombre de dispositions de nature

semblable. A ce titre on pouvait citer l’exemple du droit français qui met en place des

formalités de publicité du transfert du siège social, ces dernières variant selon que le siège est

transféré ou non dans le ressort du même tribunal de commerce203.

229. En ce qui concerne l’opposabilité du transfert de siège, l’art.12 de la proposition de

directive204 prévoit que le nouveau siège ne sera opposable aux tiers qu’à partir du jour de la

radiation de l’immatriculation dans le pays d’origine205. Cette disposition, n’est pas la seule

disposition protectrice des intérêts des tiers puisque les créanciers antérieurs au transfert font

en outre l’objet d’une protection spécifique. Plus précisément, la proposition de directive,

offre la possibilité à ces créanciers d’exiger de la société candidate au transfert la constitution

d’une garantie adéquate à leur égard. La CCI de Paris206 a formulé un certain nombre de

201 Art. 9 de la proposition de 14ème directive du Parlement et du Conseil concernant le transfert de siège des sociétés d’un Etat membre à un autre avec changement de la loi applicable (version 1997). JOCE C 138, 5 mai 1997. « Dans l’État membre où la société a son siège avant le transfert, un tribunal, notaire ou autre autorité compétente délivre un certificat attestant d’une manière concluante l’accomplissement des actes et des formalités préalables au transfert ». A rapprocher avec l’art. 8 § 8 du Règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la SE. 202 Art. 10 de la proposition de 14ème directive du Parlement et du Conseil concernant le transfert de siège des sociétés d’un Etat membre à un autre avec changement de la loi applicable (version 1997). JOCE C 138, 5 mai 1997. « La nouvelle immatriculation ne peut s’effectuer que sur présentation du certificat visé à l’article 9, ainsi que sur preuve de l’accomplissement des formalités exigées pour l’immatriculation dans le pays du nouveau siège ». A rapprocher avec l’art. 8 § 9 du Règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la SE. 203 Pour la réglementation applicable en matière de publicité du transfert voir, « Lamy Sociétés Commerciales », Lamy 2003, n° 506, p.220. 204 Art. 12 de la proposition de 14ème directive du Parlement et du Conseil concernant le transfert de siège des sociétés d’un Etat membre à un autre avec changement de la loi applicable (version 1997). JOCE C 138, 5 mai 1997. « La publication de la nouvelle immatriculation de la société rend le nouveau siège opposable aux tiers. Toutefois, tant que la publication de la radiation de l’immatriculation au registre du précédent siège n’a pas eu lieu, les tiers peuvent continuer de se prévaloir de l’ancien siège, à moins que la société en question ne prouve que les tiers avaient connaissance du nouveau siège ». 205 Sauf si la société arrive à prouver que les tiers connaissaient la situation. 206 « Faciliter le transfert des sièges sociaux au sein de l’union européenne : examen de la proposition de 14ème directive », Rapp. CCI Paris, adopté par le bureau, 20 mai 1999, p.17. Des extraits de ce rapport ont été publiés in JCP G 1999, p.1617.

76

critiques à l’encontre d’une discrimination207 mise en place par la proposition. En effet les

créanciers publics concernés par le droit d’obtenir une garantie sont privilégiés par apport aux

créanciers privés208.

230. Comme la proposition concerne toutes les formes de sociétés et que toutes les

combinaisons sont possibles, il n’existe aucune règle matérielle prévoyant la mesure des

adaptations requises. En effet malgré l’harmonisation communautaire de certaines formes de

sociétés, les modifications des statuts aux fins d’adaptation risqueraient d’être si importantes

qu’en pratique le transfert impliquerait une transformation de la société. Comme un auteur le

remarque « il s’agit d’une difficulté réelle, le transfert étant susceptible de se doubler souvent

d’une transformation »209.

II. La levée des obstacles fiscaux 231. La proposition ne comporte aucune disposition de nature fiscale. La CCI de Paris,

consciente que la plupart des législations fiscales des Etats membres comportent des

dispositions assimilant le transfert à l’étranger à une dissolution ou à une cessation d’activité

qui provoquent une imposition particulièrement lourde, observe dans son rapport que

l’adoption de la 14ème directive rendrait envisageable en droit le transfert de siège mais que

celui-ci demeurerait « dans les faits impossible en raison du coût fiscal »210. Le rapport de la

CCI de Paris préconise en conséquence qu’une directive fiscale organise la neutralité de la

fiscalité de cette opération.

207 Discrimination qualifiée d’ « injustifiée » par la CCI de Paris, en ce sens voir aussi, M. MENJUCQ, Réflexion critique sur la proposition de 14e directive relative au transfert intra-communautaire de siège social », Bulletin Joly Sociétés, février 2000, p.137. 208 Selon la proposition, pour les créanciers privés leur créance doit être née avant la publication du projet, alors que pour les créanciers publics il suffit que la créance soit née antérieurement à l’immatriculation au registre du nouveau siège social. Art. 8 § 1 et § 2 de la proposition de 14ème directive du Parlement et du Conseil concernant le transfert de siège des sociétés d’un Etat membre à un autre avec changement de la loi applicable (version 1997). « Art. 8 § 1. Les créanciers et titulaires envers la société d’autres droits nés antérieurement à la publication du projet de transfert, peuvent exiger que cette société qui envisage le transfert constitue en leur faveur une garantie adéquate. L’exercice de ce droit est régi par la loi applicable à cette société avant le transfert ». « Art. 8 § 2. Un État membre peut étendre l’application du paragraphe 1 aux dettes de la société envers des entités publiques, nées antérieurement à la date du transfert visée à l’article 11 ». A rapprocher avec l’art. 8 § 7 du règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la SE lequel permet aux Etats d’étendre la règle aux créances nées avant le transfert (et non pas avant la publication) et précise que les règles précédemment énoncées ne portent pas préjudice à la réglementation spécifique en faveur des entités publiques. 209 M. MENJUCQ, Réflexion critique sur la proposition de 14e directive relative au transfert intra-communautaire de siège social », Bulletin Joly Sociétés, février 2000, p.137. 210 « Faciliter le transfert des sièges sociaux au sein de l’union européenne : examen de la proposition de 14ème directive », Rapp. CCI Paris, adopté par le bureau, 20 mai 1999, p.17. Des extraits de ce rapport ont été publiés in JCP G 1999, p.1617.

77

232. Cependant, un auteur211 considère qu’une directive fiscale ne serait pas indispensable. En

effet selon cet auteur la 14ème directive apporterait indirectement une solution au problème

fiscal, car elle vaudrait convention spéciale au sens de l’article L. 225-97 du C. Com.212 de

sorte que le transfert ne pourrait plus être assimilé par l’article 221 §2 du CGI à une cessation

d’activité ou à une dissolution. Il faut remarquer que cette solution en raison de son caractère

strictement national n’est pas de nature à assurer la neutralité fiscale de l’opération pour

l’ensemble de sociétés de la communauté. Afin de démontrer le caractère non indispensable

d’une directive fiscale en la matière, et cela au niveau communautaire, le même auteur va

procéder à une interprétation a contrario de l’arrêt Daily Mail de la CJCE et va construire un

raisonnement basé sur l’effet direct du droit de transférer le siège. En effet, il est évident que

si la 14ème directive aboutissait, elle constituerait le fondement requis213 par le CJCE du droit

de transférer le siège social, et interdirait à toute autorité étatique d’entraver cette opération

pour des motifs d’ordre fiscal. Ce raisonnement basé sur l’effet direct, à la différence du

raisonnement précédent fondé sur l’art. L. 225-97 du C. Com., présente l’avantage de

proposer une solution pour l’ensemble de sociétés de la Communauté de sorte qu’on pourrait

affirmer qu’une directive fiscale en la matière ne serait pas indispensable pour assurer la

neutralité fiscale de l’opération. Mais cette conclusion implique que le projet aboutisse. Or

aujourd’hui on en est encore aux projets.

§2.-Approche critique du projet 233. Alors que le problème du conflit mobile semble aujourd’hui résolu (I), le débat sur le

choix du siège réel (II) reste quant à lui ouvert.

I. Le problème du conflit mobile 234. La proposition de directive ne tranche pas entre le système d’incorporation et le système

de siège réel. La CCI de Paris propose une solution nouvelle dans son rapport laquelle

consiste à « ne traiter que le transfert de siège social, sans aborder le problème du changement

de la loi applicable ».

211 M. MENJUCQ, Réflexion critique sur la proposition de 14e directive relative au transfert intra-communautaire de siège social », Bulletin Joly Sociétés, février 2000, p.137. 212 L. no 66-537 du 24 juill. 1966, art. 154. 213 En effet, dans l’arrêt Daily Mail, la CJCE considère qu’une administration fiscale nationale peut s’opposer au transfert du siège social parce qu’un tel droit n’existe pas en l’état actuel du droit communautaire à défaut d’aboutissement de travaux législatifs ou conventionnels communautaires.

78

235. Un auteur214 ne partage pas ce point de vue, en effet cet auteur considère, en s’appuyant

sur la jurisprudence de la Cour de Cassation, que le siège social est le point de rattachement

de la lex societatis. En conséquence le transfert de siège provoque inévitablement le

changement de loi applicable à la société et réalise un conflit mobile. « La lex societatis régit

les rapports internes à la société, il en résulte que l’engagement des associés est soumis après

le transfert à une législation nationale nouvelle »215. Les rapports des tiers dépendent

également de la loi applicable à la société.

236. La solution préconisée par la CCI, se fonde sur une analyse qui nous semble discutable

de l’exemple hollandais. Elle concerne l’hypothèse d’un transfert du siège effectif avec

conservation de l’immatriculation d’origine. Dans cette hypothèse la solution proposée veut

que la société immatriculée dans deux pays ne voie pas ses statuts modifiés dans l’Etat

d’origine, mais en revanche il faut que la société adapte ses statuts dans le pays d’accueil. La

dualité de statuts pour une même société selon les pays où elle intervient est d’ailleurs

contraire au principe de l’unité du « statut personnel » de la société qui commande que cette

dernière ne soit rattachée à titre de principe qu’à la loi d’un seul Etat. C’est pourquoi un

auteur216 propose de régir la société par la seule loi de l’Etat d’immatriculation217, ce qui

assure l’unité de son statut juridique. Ceci étant dit, dans l’Etat d’accueil218, si la législation de

ce dernier le prévoit, la loi d’immatriculation pourra être écartée sur des points très précis par

des lois de police.

237. Il est de notre avis, qu’aujourd’hui, ce type de débat, n’a pas à avoir lieu en l’espèce

puisque par définition la proposition de directive examinée se réfère uniquement à

l’hypothèse du transfert du siège social statutaire (seul statutaire ou total). Or le transfert du

siège social statutaire, entraînera nécessairement changement de la loi applicable à la société.

Les Etats membres attachés à la théorie du siège réel, pourront exiger que la société transfère

également son siège effectif, de la sorte, la loi applicable à la société sera celle de l’Etat

d’accueil, Etat dans lequel la société a transféré son siège effectif et son siège statutaire.

214 M. MENJUCQ, Réflexion critique sur la proposition de 14e directive relative au transfert intra-communautaire de siège social », Bulletin Joly Sociétés, février 2000, p.142 qui s’appuie sur Cass. 1re civ. 8 décembre 1998, Rev. crit. DIP 1998, p.284, note M. MENJUCQ. 215 M. MENJUCQ, Réflexion critique sur la proposition de 14e directive relative au transfert intra-communautaire de siège social », Bulletin Joly Sociétés, février 2000, p.142. 216 M. MENJUCQ, Réflexion critique sur la proposition de 14e directive relative au transfert intra-communautaire de siège social », Bulletin Joly Sociétés, février 2000, p.142. 217 Etat d’origine. 218 Etat du siège réel.

79

Ensuite, pour ce qui concerne les Etats attachés à la théorie du siège statutaire, lesquels

devraient en principe admettre l’immatriculation d’une société ayant transféré sur leur

territoire son seul siège statutaire, la solution se trouve dans la jurisprudence Inspire Art. Les

Etats membres devront prendre en considération que le siège statutaire de la société pour

déterminer la loi applicable à cette société. Le recours à la loi du siège effectif, s’avère en

pratique difficilement admissible : en effet l’application de la loi du siège effectif constitue

une entrave à la liberté d’établissement, qui ne sera tolérée qu’en présence de raisons

impérieuses d’intérêt général. L’entrave devra satisfaire ainsi aux conditions de stricte

nécessité et de proportionnalité.

238. En revanche, on peut se poser la question du choix de la proposition de permettre aux

Etats de ne pas admettre la dissociation entre siège réel et statutaire219. En effet selon certains

auteurs220, la considération du siège réel par la proposition semble inappropriée.

II. Le débat sur le choix du siège réel par la directive 239. La proposition de directive prend en considération le siège réel à double titre. Plus

précisément le siège réel sert à déterminer les sociétés bénéficiaires des dispositions de la

directive, ces dernières devrant disposer un rattachement concret avec l’un des Etats

membres. Il s’agit de n’attribuer le droit de transférer le siège qu’aux seules sociétés

réellement européennes. Cette considération « absolument légitime » selon certains auteurs221,

n’apporte pas la conviction. En effet à l’heure de la mondialisation la notion de siège réel

n’est pas une notion apte à déterminer de façon satisfaisante le caractère réellement européen

ou non d’une société. Puis il faudra inscrire les solutions dans une logique de cohérence avec

les solutions retenues en matière de libre circulation des capitaux. En deuxième lieu dans la

proposition de directive le siège réel sert à concilier le système d’incorporation et le système

de siège réel. C’est ainsi que l’art. 11 § 2 de la proposition permet à l’Etat d’accueil de refuser

d’immatriculer une société qui n’aurait pas son administration centrale située dans ce même

Etat222. La solution n’est pas aussi radicale qu’en matière de SE, où la dissociation entre le

219 Art. 11 § 2 de la proposition. 220 En ce sens M. MENJUCQ, Réflexion critique sur la proposition de 14e directive relative au transfert intra-communautaire de siège social », Bulletin Joly Sociétés, février 2000, p.137. 221 En ce sens M. MENJUCQ, Réflexion critique sur la proposition de 14e directive relative au transfert intra-communautaire de siège social », Bulletin Joly Sociétés, février 2000, p.137. 222 Art 11 § 2 de la proposition de 14ème directive du Parlement et du Conseil concernant le transfert de siège des sociétés d’un Etat membre à un autre avec changement de la loi applicable (version 1997). JOCE C 138, 5 mai

80

siège statutaire et le siège réel est purement et simplement interdite. Ici il s’agit d’une simple

faculté offerte à l’Etat d’accueil. Ce qui a permis à certains auteurs d’écrire que : « la

proposition ne choisit pas comme ne le faisant pas, non plus, le traité223 entre siège statutaire

et siège réel »224.

240. Mais, même si il s’agit d’une simple faculté des Etats membres, force est de constater

qu’un certain nombre d’auteurs considèrent que l’article 11 § 2 de la proposition de directive

ne paraît pas conforme avec la jurisprudence de la CJCE qui lui est à dire vrai postérieure. En

effet un auteur225 remarque que, selon la jurisprudence de la Cour de Luxembourg226, la

dissociation des sièges statutaire et réel n’est pas un motif valable pour qu’un Etat refuse

d’immatriculer un des établissements d’une société immatriculée dans un autre Etat voire

« refuser d’immatriculer une société »227. La CJCE réserve expressément l’hypothèse de la

fraude, mais compte tenu des circonstances de l’arrêt Centros où la fraude était manifeste et

n’a pourtant pas été admise, on ne voit guère dans quels cas elle pourrait être opposée.

241. Ainsi, selon une partie de la doctrine les dispositions de l’art. 11 § 2 de la proposition

sont incompatibles avec l’interprétation du Traité telle qu’elle a été donnée par le CJCE. La

disposition examinée ne fait en effet que légitimer un obstacle à l’entrée, obstacle qui en

principe devrait faire l’objet d’une sanction de la part du juge communautaire. Ceci étant dit,

le juge national devrait avoir la faculté d’appliquer la loi de l’Etat du siège réel dans

l’hypothèse d’une fraude à la loi ou dans l’intérêt des tiers. Mais compte tenu la jurisprudence

de la Cour228 on voit mal dans quelles hypothèses cette exception pourrait jouer.

242. Le même débat on le retrouve d’ailleurs dans la proposition de directive naissante.

1997. « Un État membre peut refuser d’immatriculer une société conformément à l’article 10 si l’administration centrale de cette société n’est pas située dans ce même État membre ». 223 Art. 48 du traité CE. 224 M. PARIENTE, « Les obstacles à la libre mobilité des entreprises européennes à l’intérieur de l’Union », Bull. Joly sociétés, janvier 2002, p.21. 225 M. MENJUCQ, Réflexion critique sur la proposition de 14e directive relative au transfert intra-communautaire de siège social », Bulletin Joly Sociétés, février 2000, p.137. 226 Voir Centros, aff. C-212/97 ; Inspire Art, aff. C-167/01. 227 M. MENJUCQ, Réflexion critique sur la proposition de 14e directive relative au transfert intra-communautaire de siège social », Bulletin Joly Sociétés, février 2000, p.141. 228 Voir notamment les arrêts Centros et Inspire Art.

81

Section II : Une directive qui renaît de ses cendres. 243. Un certain nombre d’éléments font penser que la proposition de 14ème directive va

aboutir (§1), mais afin d’assurer une véritable réussite de la directive, le législateur

communautaire doit relever un certain nombre de défis (§2).

§1.-Les signaux de la renaissance 244. Récemment la Commission européenne a lancé une consultation sur les orientations du

projet de proposition de directive concernant le transfert intracommunautaire du siège

statutaire des sociétés des capitaux229.

245. Deux consultations publiques230 avaient déjà souligné la nécessité de l’instauration d’une

règle de droit harmonisée en la matière compte tenu des diversités des systèmes juridiques. De

son côté, le groupe d’experts en droit des sociétés a recommandé l’adoption de façon urgente

d’une directive sur le transfert du siège social statutaire des sociétés231. D’ailleurs le groupe

d’experts dans son rapport final232 du 4 novembre 2002 a recommandé à la Commission de

considérer comme une question urgente l’adoption d’une proposition de directive sur le

transfert du siège statutaire. Il a aussi suggéré de clarifier certains aspects du transfert du siège

réel.

246. La Commission, dans son plan d’action233 du 21 mai 2003 s’est engagée à adopter une

proposition de directive à court terme, en considérant cette action comme une de ses

premières priorités.

247. En vue de l’élaboration de cette proposition de directive, la Direction Générale du

Marché intérieur a soumis à consultation publique les éléments d’orientation du futur projet

de proposition. La consultation est clôturée le 15 avril 2004, et la proposition de directive

devrait voir le jour en septembre 2004.

229 Voir IP/04/270. 230 En 1997 et en 2002. 231 Voir IP/02/1600. 232 « Report of the High Level Group of Company Law Experts on a Modern Regulatory Framework for Company Law in Europe», Brussels, 4 November 2002. 233 « Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen : Modernisation du droit des sociétés et renforcement du gouvernement d’entreprise dans l’Union européenne - Un plan pour avancer » [COM (2003)284 final].

82

248. Selon un auteur, « la future directive devrait permettre aux sociétés de transférer leur

siège social d’un Etat membre vers un autre, ce qui entraînerait l’immatriculation dans l’Etat

membre d’accueil et l’acquisition de la personnalité morale dans cet Etat, et parallèlement, la

suppression de l’immatriculation dans l’Etat membre d’origine et la perte de la personnalité

juridique dans cet Etat »234.

§2.-Le défi du législateur communautaire 249. Par cette future proposition de directive le législateur communautaire est appelé à lever

les principaux obstacles juridiques, fiscaux et sociaux auxquels l’opération de transfert du

siège d’une société est confrontée.

250. Concernant le droit social, la Commission indique qu’elle envisage d’examiner la

question de la participation des salariés aux organes de décision de la société dont le siège

statutaire est transféré. Il est vrai que la consultation sur ce dernier point n’est pas dénuée de

tout intérêt, quand on sait que c’est justement sur celui-ci qu’achoppe depuis plusieurs années

le projet. Il est de notre avis, que très rapidement un consensus va se dégager235. Deux

arguments militent en faveur de cet espoir : d’un côté l’aboutissement de la SE et la résolution

du problème de la cogestion, de l’autre côté l’adoption le 16 décembre 2003 de la directive

sur les OPA. Espérons toutefois que ce projet connaîtra plus de chance que la directive OPA

dont les ambitions d’harmonisation ont été sacrifiées sur l’autel du compromis politique.

251. Fiscalité. Puis, pour ce qui est de la fiscalité de l’opération, selon les orientations de la

proposition, « Le transfert devrait se réaliser en application du principe de la neutralité fiscale,

selon les principes adoptés pour les fusions transfrontalières par la directive 90/434/CEE. Le

transfert produit en effet les mêmes effets qu’une fusion transfrontalière. Une modification

appropriée et parallèle de la 90/434/CEE serait nécessaire ». Il est de notre avis, comme il a

déjà été souligné en matière de la proposition de 14ème directive, présentée en 1997, qu’une

directive fiscale n’est pas en l’espèce indispensable. Plus précisément, si la directive

234 H. DE VAUPLANE, « Actualité du droit des marchés financiers », Banque Magazine, avril 2004, n°657, p. 85. 235 Selon les orientations du futur projet de proposition « Les droits de participation des salariés seraient régis par la législation de l’Etat membre d’accueil. Lorsqu’ils existent déjà dans une forme plus renforcée dans l’Etat membre d’origine, ils seraient maintenus ou négociés entre les parties intéressées. L’Etat membre d’origine pourrait adopter les dispositions internes qu’il estimerait nécessaires pour régir ces négociations ».

83

aboutissait, elle constituerait le fondement requis236 par le CJCE du droit de transférer le siège

social, et interdirait à toute autorité étatique d’entraver cette opération pour des motifs d’ordre

fiscal237.

252. Défi majeur. Le défi majeur du législateur communautaire, réside dans la résolution des

difficultés tenant à l’application de la théorie du siège (réel ou statutaire). A ce titre il est

intéressant de voir si la Commission va adopter les mêmes solutions238 qu’en 1997 ou si au

contraire elle va présenter des solutions innovantes pouvant s’inscrire dans une logique de

cohérence avec la jurisprudence de la Cour de Luxembourg.

253. Sur ce point, il faut noter que : « Les services de la Commission considèrent opportun, au

stade actuel de développement du droit communautaire et notamment de la jurisprudence de

la Cour de justice, de tenir séparés, au niveau législatif, le problème du transfert du siège

statutaire des problèmes relatifs au transfert du siège réel et de limiter pour l’instant

l’intervention législative au transfert du siège statutaire »239.

254. En effet selon la Commission240 , le transfert du siège statutaire porte sur la possibilité,

pour une société déjà constituée dans un Etat membre, de choisir une législation nationale de

rattachement mieux adaptée que celle d’origine à ses exigences de fonctionnement. Le

transfert du siège réel répond, en revanche, à un tout autre besoin : modifier l’organisation de

la société sans changer de législation de rattachement et de ce fait de « personnalité juridique

nationale »241.

255. Dans le sens d’une justification de cette approche du problème, la Commission remarque

également que les cas les plus communs de transfert du siège réel peuvent être résolus sur la

base d’une jurisprudence constante et cohérente élaborée entre temps par la Cour de justice242.

256. Cette approche du problème ne doit pas nous convaincre. En effet après un examen

approfondi des orientations du futur projet de proposition, on constate, ce qui ne doit

236 En effet, dans l’arrêt Daily Mail, la CJCE considère qu’une administration fiscale nationale peut s’opposer au transfert du siège social parce qu’un tel droit n’existe pas en l’état actuel du droit communautaire à défaut d’aboutissement de travaux législatifs ou conventionnels communautaires. 237 Voir pour une analyse détaillée, Section I, § 1, II du présent chapitre. 238 Solutions insatisfaisantes à certains égards et très proches des solutions retenues en matière de SE. 239 Point 3 des orientations du futur projet de proposition. 240 Voir point 4 des orientations du futur projet de proposition. 241 Il est intéressant d’observer que la Commission évite ici d’utiliser le terme de « nationalité ». 242 La Commission cite à ce titre les arrêts Segers, aff. 79/85 ; Centros, aff. C-212/97 ; Inspire Art, aff. C-167/01.

84

absolument pas nous surprendre243, qu’il est prévu qu’ « en fonction de la législation de l’Etat

membre d’accueil, une condition de substance pour l’attribution de la personnalité juridique et

l’immatriculation pourrait être la coïncidence du siège statutaire avec le siège réel de la

société »244.

257. L’insertion d’une telle disposition, fait en sorte que pour certaines sociétés, en fonction

de leur destination, la question du transfert du siège statutaire devient indissociable avec celle

du transfert du siège effectif. Or concernant l’hypothèse du transfert du siège effectif, la Cour

de justice a déjà eu l’occasion de se prononcer. Le juge luxembourgeois sanctionne en effet

tout obstacle à l’entrée, c’est-à-dire tout obstacle venant de l’Etat d’accueil, en cas de

transfert du siège effectif de direction. Ne serait-il pas alors probable que l’obstacle légitimé

par la proposition de directive devrait normalement faire à son tour l’objet d’une sanction par

ce même juge. Se pose alors la question de la compatibilité des solutions au niveau législatif

avec les solutions adoptées par la jurisprudence de la CJCE. En effet alors que le législateur

communautaire de façon plus ou moins évidente semble opter pour le système de siège réel, la

CJCE quant à elle semblerait accorder une certaine préférence pour le système

d’incorporation.

258. Puis, la proposition présente une autre limite, pas négligeable. Aucune disposition, n’est

prévue dans la directive, permettant à un Etat, de sanctionner l’absence de coïncidence entre

siège réel et siège statutaire. Le règlement relatif au statut de la SE comporte des dispositions

allant dans ce sens245, ce qui n’est pas le cas de la proposition de 14ème directive. La société ne

pourra-t-elle pas en conséquence suite à son immatriculation dans l’Etat d’accueil transférer

son siège effectif ?

243 Une clause de même nature était déjà présente à la proposition de 14ème directive de 1997, la solution est proche même moins rigide qu’en matière de SE. JOCE C 138, 5 mai 1997. 244 Voir point 3 des orientations du futur projet de proposition. 245 Art. 64 du règlement (CE) n°2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la SE.

85

TITRE II : LA SURPRISE DES SOLUTIONS JURISPRUDENTIELLES 259. Un annotateur de l’arrêt Überseering de la Cour de Luxembourg écrit que «L’Europe des

grands principes posés comme fondements par Jean Monet et Robert Schuman n’a pu su se

faire dans les textes mais se crée tout de même par la jurisprudence»246. Cette création timide

à l’origine (CHAPITRE I), a connu des nombreuses évolutions. Est-ce à craindre en Europe

un syndrome Delaware ? (CHAPITRE II)

CHAPITRE I : D’une affirmation timide... 260. Dans sa mission de protection de la liberté d’établissement dans le cadre des articles 43

et 48 du traité CE, la Cour de justice a été amenée progressivement et implicitement à

consacrer la possibilité pour les fondateurs d’une société de choisir la loi applicable à leur

société. Ainsi, le refus de la jurisprudence Daily Mail (Section I) ne doit pas limiter la portée

de toute une jurisprudence évolutive (Section II) favorable à la libre mobilité du transfert du

siège social effectif. C’est cette question centrale du rattachement des sociétés que l’on

examinera dans le présent chapitre. A titre préliminaire, il convient de noter que les affaires

dont la CJCE a eu à connaître concernent des hypothèses de transfert de siège réel d’un Etat

membre à un autre et des hypothèses de dissociation entre siège réel et siège statutaire ab

initio.

SECTION I : Le refus de la jurisprudence Daily Mail 261. Afin d’apprécier le refus de la jurisprudence Daily Mail, il convient d’examiner

successivement le contexte (§1) ainsi que la portée (§2) de cette jurisprudence.

§1.-Contexte de la jurisprudence Daily Mail : contentieux de l’émigration 262. La société anglaise Daily Mail voulait, pour échapper à la fiscalité anglaise sur les plus-

values boursières, transférer son siège de direction aux Pays-Bas. Elle considérait l’obligation

d’obtenir à cette fin l’autorisation du Trésor britannique comme une atteinte injustifiée à son

droit d’établissement.

246 C. DUCOULOUX - FAVARD, « Droit d’établissement et libre choix de l’ordonnancement juridique dans l’Union européenne : note sous CJCE 5 novembre 2002, Überseering, aff. C-208/00 », Petites affiches, 24 février 2003, n°39, p.7.

86

263. L’avocat général dans ses conclusions écrit que généralement « dans la plupart des Etats

membres, le transfert de l’administration centrale, au sens du siège social réel, ne peut

s’effectuer que par le biais de la dissolution de la société et sa reconstitution dans l’État

d’accueil. Cette solution de "mort civile" de la société emporte l' apurement de sa situation

fiscale, arrêtée au jour de la dissolution, aussi bien en ce qui concerne la dette existante que la

matière fiscale pour laquelle le fait normalement générateur de l' imposition n' est pas encore

intervenu. C’est ainsi que sont imposées les plus-values alors même qu’aucune cession de

biens n’a eu lieu. S' agissant des États membres ci-dessus visés, le transfert de l'

administration centrale de la société, sans perte de personnalité juridique ni de nationalité,

pourrait se faire en vertu de conventions interétatiques prévues à l' article 220 du traité

CE »247 .

264. La législation britannique, en revanche, qui adopte le système de l’incorporation, admet

le transfert de l’administration centrale sans dissolution de la société. Il serait paradoxal qu'

un Etat qui n' exige pas la dissolution se trouve placé par le droit communautaire dans une

situation fiscale défavorisée, alors justement que sa législation en matière de sociétés se

rapproche davantage des objectifs communautaires en matière d' établissement .

265. En définitive, selon un auteur248 la logique sous-jacente de l’arrêt est la suivante : si le

droit communautaire permet à d’autres Etats membres de soumettre le transfert

intracommunautaire de l’administration centrale à la dissolution de la société, la dissolution

comprenant notamment la taxation des revenus des capitaux, il doit être permis au droit

britannique de soumettre un tel transfert à l’autorisation du Trésor, mesure beaucoup moins

restrictive que la liquidation.

§2.-La portée du refus de la jurisprudence Daily Mail 266. La première tentative qui a été faite en droit communautaire de contourner l’obstacle par

la voie de la liberté d’établissement des sociétés, affirmée par l’article 48, n’a pas été

247 Conclusions de l'avocat général DARMON présentées le 7 juin 1988 sur CJCE : The Queen contre H. M. Treasury and Commissioners of Inland Revenue, ex parte Daily Mail and General Trust plc. Affaire 81/87.Recueil de jurisprudence 1988 page 05483. 248 H. HALBHUBER, « National doctrinal structures and European Company Law», Common Market Law Review, 2001, 38, p.1385. « The underlying logic runs as follows: if community law permits other Member States to send companies into outright liquidation (including full taxation of capital gains) when they transfer their headquarters out of their territory, the UK must be permitted to make such transfer subject to tax approval, a measure far less intrusive than liquidation ».

87

couronnée de succès devant la Cour de Justice qui dans son arrêt Daily Mail a expressément

dit pour droit que le Traité doit être interprété en ce sens qu’il ne confère aucun droit, en l’état

actuel du droit communautaire, à une société constituée en conformité de la législation d’un

Etat membre et y ayant son siège statutaire de transférer son siège de direction effectif dans

un autre Etat membre249. Comme un auteur le remarque à juste titre « La Cour de justice n’a

pas dit que cela était défendu, elle a dit que les règles sur la liberté d’établissement ne

pouvaient pas être invoquées pour réaliser ce transfert de siège contre la volonté des

Etats »250.

267. Toutefois, force est de constater qu’une partie de la doctrine européenne, notamment la

doctrine allemande251, a interprété l’arrêt Daily Mail comme une confirmation de la

Sitztheorie allemande, pratique consistant à ne pas reconnaître les sociétés formellement

immatriculées dans d’autres Etats membres, mais n’y exerçant aucune activité dans leur Etat

de constitution. Pourtant, le jugement ne contient aucune référence à la notion de

reconnaissance des sociétés étrangères. Selon un auteur252 il s’agit d’une paraphrase de l’arrêt.

Les allemands interprétant l’absence de conventions en vue du maintien de la personnalité

juridique253 comme absence de conventions en vue de la reconnaissance de la personnalité

juridique des sociétés étrangères.

268. Pourtant, un auteur allemand, qui avait participé en tant que juge à l’arrêt Daily Mail,

avait mentionné, dans une note de bas de page d’une chronique sur la liberté

249 Point 24 de l’arrêt Centros, « Le traité considère la disparité des législations nationales concernant le lien de rattachement exigé pour leurs sociétés ainsi que la possibilité et le cas échéant, les modalités d’un transfert du siège, statutaire ou réel, d’une société de droit national d’un Etat membre à l’autre, comme des problèmes qui ne sont pas résolus par les règles sur le droit d’établissement, mais qui doivent l’être par des travaux législatifs ou conventionnels, lesquels toutefois n’ont pas encore abouti. Dans ces conditions, on ne saurait interpréter les articles 52 et 58 du Traité comme conférant aux sociétés de droit national un droit de transférer leur siège de direction et leur administration centrale dans un autre Etat membre tout en gardant leur qualité de sociétés de l’Etat membre selon la législation duquel elles ont été constituées ». 250 J.-M. BISCHOFF, « Aspects de droit international privé », Petites affiches, 16 avril 2002, n°76, p.46. 251 Constatation d’un auteur. H. HALBHUBER, « National doctrinal structures and European Company Law », Common Market Law Review, 2001, 38, p.1385. «Within two years a host of comments on Daily Mail appeared in numerous German Law reviews, characterizing the judgement as confirming the German Sitztheorie practice of not recognising companies formally incorporated in other member states, but not doing any business there ». 252 H. HALBHUBER, « National doctrinal structures and European Company Law», Common Market Law Review, 2001, 38, p.1385. L’auteur insiste notamment sur la différence entre les termes “recognition of companies” et “retention of legal personality” et l’absence de distinction terminologique en la matière dans le Gesellschaftstatut. 253 Point 21 de l’arrêt Daily Mail, « [...] à son article 220 le traité a prévu la conclusion, en tant que de besoin, entre les Etats membres en vue d’assurer notamment le maintien de la personnalité juridique en cas de transfert du siège de pays en pays ».

88

d’établissement254, que ledit arrêt s’était prononcé uniquement sur la question des restrictions

imposées par l’Etat membre d’origine. La jurisprudence ultérieure a apporté un certain

nombre d’éclaircissements et a contribué à la marche vers le libre transfert

intracommunautaire du siège social.

SECTION II : Les arrêts postérieurs : une jurisprudence évolutive 269. Les trois arrêts de la Cour de Luxembourg, à la différence de l’arrêt Daily Mail

concernent le contentieux de l’immigration. Alors que dans l’arrêt Daily Mail la Cour de

justice s’est prononcée pour ce qui concerne les obstacles venant de l’Etat de départ, la

jurisprudence ultérieure concerne les obstacles venant de l’Etat d’accueil. Cette constatation

n’est pas anodine sur le plan juridique. A côté de cette trilogie jurisprudentielle (§1), un arrêt

récent de la Cour suscite un certain nombre d’interrogations (§2), ce dernier arrêt s’inscrit

dans le cadre du contentieux de l’émigration, mais à la différence de l’arrêt Daily Mail, il

concerne le droit d’établissement des personnes physiques. Mais la portée de cet arrêt pourrait

emporter un certain nombre des conséquences sur le plan juridique en matière de mobilité des

personnes morales.

§1.- La trilogie du contentieux de l’immigration 270. Toute entrave à l’entrée est interdite (I). L’accueil d’une société étrangère doit être

exempt d’obstacles. Mais est-ce cohérent de tolérer les obstacles à la sortie (II) et en même

temps interdire purement et simplement les obstacles à l’entrée ?

I. L’interdiction des entraves à l’entrée 271. La trilogie comporte les arrêts Centros (A), Überseering (B) et Inspire Art(C).

A. L’affaire Centros : 272. Cette affaire soumise à la CJCE a donné lieu à un débat sur les limites du droit

d’établissement secondaire et sur la place à accorder à la fraude en droit communautaire.

254 EVERLING, « Das Niederlassungsrecht in der Europäischen Gemeinschaft » 43 Der Betrieb (1990), 1853, 1856, note 24.

89

273. Les faits. Les époux Bryde, citoyens danois résidant au Danemark, ont constitué en

Angleterre une private limited company dénommée Centros Ltd, celle-ci ayant son siège

statutaire au domicile anglais d’un ami des époux Bryde. Le choix du lieu de constitution a

uniquement été guidé par la souplesse de la législation anglaise qui n’exige aucun capital

minimum et n’impose aucune condition quant à la libération de ce capital. Le capital de la

société Centros Ltd qui s’élève seulement à 100 £ n’a pas été libéré. La société Centros Ltd

n’exerçait aucune activité commerciale au Royaume-Uni, celle-ci étant entièrement dirigée

vers le Danemark dans lequel les associés voulaient établir une succursale. Considérant que le

montage avait pour but d’éluder les règles danoises relatives au capital des sociétés à

responsabilité limitée255, la direction générale du commerce et des sociétés relevant du

ministère du commerce danois256 refusa d’immatriculer la succursale. Selon un auteur257, la

position des autorités danoises avait pour « fondement sous-jacent le système de rattachement

dit du siège réel258 » selon lequel une société est valablement constituée dans un Etat si son

immatriculation est régulière et si son siège effectif de direction est localisé dans ce même

Etat.

274. La procédure. La CJCE fut saisie259 de la question préjudicielle suivante260 : le refus

d’immatriculer une succursale d’une société légalement constituée dans un autre Etat membre

est-il compatible avec les articles 43, 46 et 48 du traité CE lorsque la société n’exerce aucune

activité dans le pays de constitution et que la constitution a pour but unique d’éluder les règles

nationales relatives au capital social de l’Etat dans lequel les associés désirent implanter la

succursale ?

255 Notamment, les règles nationales relatives à la libération d'un capital minimal fixé à 200 000 DKR par la loi n° 886 du 21 décembre 1991. 256 Erhvervs- og Selskabsstyrelsen. 257 M. MENJUCQ, « La mobilité des entreprises », Rev. Sociétés, avril- juin 2001, p.219. 258 B. GOLDMAN, A. LYON-CAEN, L. VOGEL, « Droit commercial européen », Précis Dalloz, 5e édition, 1994, n°70. Pour ces auteurs, le droit français adopte aussi ce système de siège réel. V. Pour une analyse différente du droit français, MENJUCQ M., « La mobilité des sociétés dans l’espace européen », Thèse, Paris, LGDJ 1997, n°178. 259 Par le Højesteret. 260Point 13 de l’arrêt : « Est-il compatible avec l'article 52, ainsi qu'avec les articles 56 et 58, du traité CE de refuser l'immatriculation d'une succursale d'une société établie dans un autre État membre et qui, sur la base d'un capital social de 100 UKL (environ 1 000 DKR), a été constituée légalement et existe en conformité avec la législation de cet État membre lorsque la société en cause n'exerce pas elle-même d'activités commerciales, mais qu'il est envisagé de constituer ladite succursale pour exercer l'ensemble de l'activité dans le pays où elle est constituée, et qu'il y a lieu de considérer que la méthode utilisée vise à éviter de constituer une société dans ce dernier État membre dans le but de se soustraire à la libération du capital minimum de 200 000 DKR (à présent 125 000 DKR) ? ».

90

275. La réponse de la CJCE. La Cour répond négativement à la question préjudicielle en

affirmant que le Traité interdit, même dans les circonstances de l’espèce, à un Etat de refuser

d’immatriculer une succursale d’une société valablement constituée dans un autre Etat

membre.

276. Portée de l’arrêt. Les fondateurs ont la plus grande liberté pour choisir le rattachement

juridique de leur entreprise. Cette décision crée ainsi des opportunités importantes en matière

de stratégie d’implantation des entreprises.

277. Il convient d’avoir à l’esprit que l’article 48 du traité CE prévoit que bénéficient de la

liberté d’établissement de l’article 43 du même traité, les sociétés constituées en conformité

avec la législation d’un Etat membre qui ont dans la Communauté leur siège statutaire, leur

administration centrale ou leur principal établissement. Ainsi, comme un auteur le constate,

« L’article 48 du traité CE se satisfait du système d’incorporation d’inspiration anglo-saxonne

qui admet qu’une société est valablement crée dès lors qu’elle est régulièrement constituée

selon le droit d’un Etat étranger sans considération pour la localisation du siège réel de la

société. La CJCE ne pouvait donc pas retenir la fictivité du siège réel de l’entreprise

immatriculée en Angleterre »261.

278. Limites de l’arrêt. Cette interprétation n’empêche pas un Etat de « prendre toute mesure

de nature à prévenir ou à sanctionner les fraudes, soit à l’égard de la société elle-même, (...),

soit à l’égard des associés qui chercheraient à échapper à leurs obligations vis-à-vis de

créanciers privés ou publics »262.

279. L’arrêt Überseering se situe dans la même ligne que l’arrêt Centros, et oppose lui aussi

une société migrante aux exigences de l’ordre juridique de son Etat d’établissement, mais il y

allait cette fois, non pas de l’immatriculation d’une succursale, fût-elle l’unique établissement

de la société mais de la reconnaissance de sa personnalité juridique et de sa capacité d’ester en

justice.

261 M. MENJUCQ, « La mobilité des entreprises », Rev. Sociétés, avril - juin 2001, p.219. 262 Point 38 de l’arrêt.

91

B. L’affaire Überseering : 280. Cet arrêt s’inscrit dans un mouvement jurisprudentiel communautaire qui, au fil du

temps, élabore les principes applicables au statut des sociétés constituées à l’intérieur de

l’Union européenne. Un annotateur sous l’arrêt écrit « La pratique a su résoudre d’elle-même

les difficultés »263. Un autre auteur parle même de « droit communautaire prétorien ». La

tâche apparaît lourde et, en toute logique, n’aurait pas dû revenir à la CJCE tant la question

semble relever du droit conventionnel264.

281. Les faits. Plus précisément, la société Überseering, immatriculée aux Pays-Bas, a acquis

en 1990 un terrain situé à Düsseldorf, en Allemagne. En 1992, la société Überseering a confié

à Nordic Construction Company Baumanagement GmbH, des travaux de rénovation d’un

garage et d’un motel construits sur ce terrain. En 1994, deux ressortissants allemands résidant

à Düsseldorf se portent acquéreurs de la totalité des parts sociales de la société Überseering.

En 1996, la société Überseering, faisant valoir l’existence de vices dans l’exécution des

travaux de peinture, assigne la société Nordic Construction Company Baumanagement GmbH

devant le Landgericht Düsseldorf, sur le fondement du contrat de maîtrise d’oeuvre.

282. La procédure. Cette juridiction rejette le recours. La solution est confirmée par

l’Oberlandesgericht Düsseldorf qui constate que la société Überseering a transféré son siège

effectif à Düsseldorf à la suite de l’acquisition de ses parts par deux ressortissants allemands.

Partant, l’ Oberlandesgericht considère que, en qualité de société de droit néerlandais, la

requérante n’avait pas la capacité juridique en Allemagne et, par conséquent, ne pouvait pas y

ester en justice.

283. Le droit allemand ignore purement et simplement le point de vue de la législation

hollandaise. L’application de la théorie du siège a pour effet que pour une société

immatriculée au Royaume-Uni et ayant son siège effectif de direction en Allemagne, le juge

allemand va considérer la société comme relevant du droit allemand, alors que pour la même

société le juge britannique va considérer que la loi applicable est la loi anglaise. Pour un

263 C. DUCOULOUX - FAVARD, « Droit d’établissement et libre choix de l’ordonnancement juridique dans l’Union européenne : note sous CJCE 5 novembre 2002, Überseering, aff. C-208/00 », Petites affiches, 24 février 2003, n°39, p.7. 264 En ce sens, M. LUBY, note sous CJCE 5 novembre 2002, Überseering, aff. C-208/00, Bulletin Joly Sociétés 2003, p. 452.

92

auteur, « il s’agit d’une conséquence inhérente à la divergence des règles nationales de conflit

de lois »265.

284. Le Bundesgerichtshof a décidé de surseoir à statuer pour poser à la CJCE deux questions

préjudicielles relatives à l’interprétation du traité.

285. La réponse de la CJCE. Les réponses de la Cour sont développées en trois temps. Après

avoir apprécié l’applicabilité des dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement,

elle aborde la question de l’existence d’une restriction à la liberté d’établissement pour finir

par répondre aux interrogations relatives à l’éventuelle justification de la restriction à la

liberté d’établissement. Les réponses de la Cour marquent une légère progression de la

jurisprudence en matière de droit d’établissement.

286. Sur ce point il est intéressant de noter que l’avocat général266, pour contester le refus par

les juridictions allemandes de reconnaître la capacité d’ester en justice de la société

Überseering, il s’était placé à la fois sur le terrain de la liberté d’établissement et sur celui des

droits de l’homme. Ce refus, pouvait être considéré, disait-il, comme une violation du droit à

un procès équitable267, comme une restriction au droit à la libre jouissance de la propriété

privée268, ou comme une privation du droit à un recours effectif269. De tels arguments auraient

pu être invoqués par toute société, où qu’elle ait été constituée, même hors de l’Union. La

Cour de Luxembourg, n’a toutefois pas pris cet argument de l’avocat général, et s’est placée

exclusivement sur le terrain de la liberté d’établissement. Selon un auteur, « on peut y lire

une indication de sa volonté de limiter cette jurisprudence aux sociétés d’un Etat membre »270.

265 W.-H. ROTH, « From Centros to Überseering: Free movement of Companies, Private International Law, and Community Law », The International and Comparative Law Quarterly, 2003, 52, p.117. «German conflict law ignores the view that English law takes on that issue. The firm is treated as a Scheinauslandsgesellschaft (= pseudo foreign company). The fact that in such a case German courts would regard the firm as a partnership governed by German law, and English courts would regard the company, if registered in England, as a company governed by English law, is an inherent consequence of diverging national conflict rules ». 266 Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo COLOMER présentées le 4 décembre 2001 sur CJCE : Überseering BV contre Nordic Construction Company Baumanagement GmbH (NCC) aff. C-208/00. Voir Points n° 57 à n° 59. 267 Art. 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme. 268 Protocole n° 1 de la Convention européenne des droits de l’homme. 269 Art. 13 de la Convention européenne des droits de l’homme. 270 P. LAGARDE, « Note sous CJCE, 5 novembre 2002, Überseering BV, aff. C-208/00 », Rev. crit. DIP, n°92, juillet - septembre 2003, p.524. Cet auteur rappelle à ce titre que les Etats-Unis, ont pris depuis longtemps leurs précautions. Une série des conventions bilatérales, ont assuré à leurs sociétés la reconnaissance dans les principaux Etats d’Europe, sur la base de la théorie de l’incorporation (Convention avec la France, 25 novembre 1959, art. XIV, § 5, JO 15 décembre 1960, Rev. crit. DIP 1961, n°229). Ces conventions obligent les Etats contractants des Etats-Unis à reconnaître comme des sociétés Américaines les sociétés constituées aux Etats-Unis selon les lois locales, sans considération du lieu de leur siège réel.

93

287. Le débat sur la portée de l’arrêt. Selon un auteur271, « l’arrêt Überseering, ne permet pas

un rayonnement identique à celui qu’autorise la théorie de l’incorporation et ne consacre

aucunement cette théorie. Ce que paraît dire cette décision en termes de mobilité, peut

sembler très limité ». Ainsi, selon le même auteur « l’ordre juridique d’un Etat membre qui

constate qu’une société crée dans un autre Etat membre a déplacé son siège effectif du second

Etat membre vers le premier ne peut refuser de reconnaître l’existence de cette personne

morale ».

288. D’autres auteurs en revanche se montrent plus optimistes, ainsi on a vu écrire à propos

de l’arrêt Centros « Elle [La CJCE] lui insuffle [à la liberté d’établissement] un minimum de

vie : les sociétés sont juridiquement libres de circuler à travers les Etats de l’Union et pour

cela elles peuvent opter librement pour le lieu de naissance, même si ce choix a pour

motivation le confort, en déviance par rapport aux réalités économiques »272.

289. Comme un auteur le constate à juste titre, « en définitive, si la CJCE ne paraît pas

considérer que la théorie du siège réel est en elle-même contraire au droit communautaire, elle

affirme nettement, en revanche, que la sanction de la dissociation des sièges statutaire et réel

qui en est déduite est incompatible avec le principe de la liberté d’établissement »273. Ce qui

explique que le même auteur écrit plus loin, « La théorie de l’incorporation est donc retenue

sans aucune réserve par la CJCE ».

290. Il est de notre avis que la distinction obstacles à l’entrée, obstacles à la sortie, ne perd pas

de son intérêt274. A ce titre l’arrêt Inspire Art confirme la pertinence d’une telle distinction

271 J.-P. DOM, « La liberté d’établissement comme fondement de la reconnaissance mutuelle des sociétés : principe et conditions de mise en œuvre : note sous CJCE 5 novembre 2002 Überseering BV c/ Nordic Construction Company Baumanagement GmbH (NCC) », Rev. Sociétés, n°2, avril - juin 2003, p.315 272 C. DUCOULOUX FAVARD, « Droit d’établissement et libre choix de l’ordonnancement juridique dans l’Union européenne : note sous CJCE 5 novembre 2002, Überseering, aff. C-208/00 », Petites affiches, 24 février 2003, n°39, p.7. 273 M. MENJUCQ, « L’articulation du droit d’établissement communautaire et des droits nationaux relatifs au rattachement juridique des sociétés : Note sous CJCE 5 novembre 2002, Überseering, aff. C-208/00 », JCP E, n°12, 20 mars 2003, p.520. 274 L’arrêt Überseering, nous rappelle un autre arrêt rendu par la CJCE en matière de personnes physiques (CJCE, 7 juillet 1992, Micheletti et autres, aff. C-369/90, Rec. p. 4239). En l’espèce il s’agissait des Argentins, possédant la double nationalité Argentine et Italienne. Ces personnes, vu la situation financière difficile en Argentine, ont voulu en profiter de leur double nationalité pour s’installer en Europe. Ces personnes pour des raisons notamment linguistiques ont décidé de s’installer en Espagne. Or les juridictions espagnoles contestaient leur droit de s’établir en Espagne pour exercer une activité économique. Cette question était déjà rencontrée en droit international, le droit international prend en compte la nationalité effective. Or la CJCE s’est séparée de la solution classique, et a jugé qu’il suffit que la personne en cause possède la nationalité d’un Etat membre pour qu’elle puisse bénéficier du régime de l’Etablissement. Un Etat membre n’a pas le droit de contester les

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puisqu’il se prononce comme les deux arrêts précédemment examinés en matière des

obstacles venant de l’Etat d’accueil.

C. L’affaire Inspire Art : 291. Les faits. En l’espèce un résidant hollandais avait constitué au Royaume-Uni une société

à responsabilité limitée275, dénommée Inspire Art Ltd, dont il était l’unique administrateur.

Quelques semaines après son immatriculation au Royaume-Uni, la société ouvrit une

succursale à Amsterdam, où était exercée la totalité de l’activité sociale de vente d’objets

d’art. Au titre de sa succursale la société Inspire Art était immatriculée sans que soit

mentionné le fait qu’il s’agissait d’une société étrangère de pure forme276.

292. La procédure. Considérant que la mention était obligatoire, la chambre de Commerce

d’Amsterdam saisit le tribunal d’Amsterdam afin que soit ordonnée la rectification du registre

du commerce par l’ajout de ladite mention. La société Inspire Art, opposée à cette

rectification contestait que la mention lui fût applicable et soutenait à titre subsidiaire que la

WFBV était contraire au droit communautaire. Le Kantongerecht d’Amsterdam sursit à

statuer et posa la question de la compatibilité de la loi hollandaise avec les dispositions du

traité relatives à la liberté d’établissement.

293. Dans cette affaire, c’est très intéressant de noter que le droit néerlandais, ne se fonde pas

sur la théorie du siège réel, qui est défendue par exemple en Allemagne par la doctrine

dominante et la jurisprudence, mais sur la théorie de l’incorporation. En conséquence la

localisation du siège réel de la société devrait en principe être indifférente en ce qui concerne

conditions dans lesquelles un autre Etat membre accorde sa nationalité. Beaucoup avaient alerté à l’époque sur l’éventuel risque d’un politique de pavillons de complaisance. Ainsi toute personne possède la nationalité d’un Etat membre, dans les conditions et modalités définies par cet Etat. Argumentation sous-jacente de cette décision c’est le principe de confiance mutuelle entre les Etats membres. Ce principe, impose aux Etats membres l’obligation de respecter les conditions dans lesquelles un autre Etat accorde sa nationalité à une personne. En d’autres termes le principe de confiance mutuelle, impose à l’Allemagne, de respecter le choix de la législation hollandaise, de considérer comme critère de rattachement le siège statutaire. Si en vertu de la loi Néerlandaise, la présence du seul siège statutaire aux Pays-Bas suffit pour accorder à la société la qualité de société de droit Hollandais et qu’elle a en outre la possibilité de transférer son siège de direction effective dans un autre pays, un autre Etat membre, en l’espèce l’Allemagne, n’a pas le droit de contester ladite législation et de considérer la société comme société de droit Allemand et en conséquence de l’obliger de se dissoudre. 275 Private company limited by shares. 276 La mention «formeel buitenlandse vennootschap» (Pseudo-foreign company) en application de la loi hollandaise du 17 décembre 1997 dénommée Wet op de formeel buitenlandse vennootschappen (loi sur les sociétés étrangères de pure forme) (Staatsblad 1997, n° 697, ci-après la «WFBV»).

95

le rattachement de la société. Or la loi hollandaise attaquée par la société Inspire Art, a

exactement le même effet que l’application de la théorie du siège réel277.

294. A propos de cet arrêt un auteur écrit « Ce nouvel arrêt sur le droit international privé des

sociétés ne manquera de soulever de nombreux commentaires, voire l’ire des

internationalistes privatistes, qui constateront une fois de plus que le droit communautaire met

pour le moins à mal des solutions apparemment établies »278.

II. La cohérence de la jurisprudence de la Cour 295. Les solutions doivent être cohérentes non seulement au niveau de la jurisprudence de la

Cour (A), mais aussi par rapport aux solutions retenues en la matière par le législateur

communautaire (B).

A. Cohérence dans la jurisprudence de la CJCE 296. Certains auteurs279 considèrent qu’une lecture des arrêts Daily Mail et Überseering,

permet de distinguer le contentieux de l’immigration du contentieux de l’émigration. En

substance, la liberté d’établissement tolère de la part d’un Etat membre une barrière à la

sortie des sociétés crées dans son ordre juridique280. En revanche elle s’oppose à des barrières

à l’entrée qui tendent à nier la capacité et l’existence d’une société crée dans un ordre

juridique étranger et, par conséquent, conduisent à l’anéantissement du principe de liberté

d’établissement281.

277 Ce qui souligne notamment l’avocat général ALBER dans ses conclusions présentées le 30 janvier 2003 sur l’arrêt Inspire Art, aff. C-167/01. 278 L. IDOT, « La loi néerlandaise sur les sociétés étrangères de pure forme contraire à l’art. 43 CE : note sous CJCE, 30 septembre 2003, Inspire Art Ltd, aff. C-167-01 », Revue Europe, novembre 2003, p. 27. 279 En ce sens, J.-P. DOM, « La liberté d’établissement comme fondement de la reconnaissance mutuelle des sociétés : principe et conditions de mise en œuvre : note sous CJCE 5 novembre 2002 Überseering BV c/ Nordic Construction Company Baumanagement GmbH (NCC) », Rev. Sociétés, n°2, avril - juin 2003, p.315 ; E. WYMEERSCH, « La société européenne – Organisation juridique et fiscale, intérêts, perspectives », Dalloz 2003. 280Point 70 de l’arrêt Überseering. « La possibilité, pour une société constituée conformément à la législation d'un État membre, de transférer son siège, statutaire ou effectif, dans un autre État membre sans perdre la personnalité juridique dont elle jouit dans l'ordre juridique de l'État membre de constitution et, le cas échéant, les modalités de ce transfert étaient déterminées par la législation nationale conformément à laquelle ladite société avait été constituée. Elle en a conclu qu'un État membre avait la possibilité d'imposer à une société constituée en vertu de son ordre juridique des restrictions au déplacement de son siège effectif hors de son territoire afin qu'elle pût conserver la personnalité juridique dont elle bénéficiait en vertu du droit de ce même État ». 281 Point 72 de l’arrêt Überseering. « Ainsi, nonobstant la généralité des termes employés au point 23 de l'arrêt Daily Mail and General Trust, précité, la Cour n'a pas entendu reconnaître aux États membres la faculté de

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297. La distinction entre l’Etat de départ et l’Etat d’arrivée de la société est importante, car

elle implique la liberté pour l’Etat de départ de continuer si il le souhaite à suivre la théorie du

siège réel. Il appartient à chaque Etat de fixer les règles de constitution des sociétés sur son

territoire. Il est libre de subordonner l’enregistrement, et donc la personnalité juridique, d’une

société qui veut se constituer sur son territoire à la condition qu’elle y fixe son siège réel.

Selon un auteur l’Etat de départ, « est libre aussi de considérer comme ayant perdu sa

personnalité juridique une société qui vient à transférer son siège réel dans un autre Etat

membre, sinon la référence fait par l’arrêt Überseering au fait que la société Überseering avait

conservé sa personnalité juridique dans l’ordre juridique Néerlandais n’aurait aucun sens »282.

298. Ainsi, en l’état actuel de la jurisprudence communautaire en matière de liberté

d’établissement des personnes morales, les solutions semblent a priori cohérentes. Mais si on

déplace le débat au niveau plus général de la liberté d’établissement, ou si l’on compare la

jurisprudence de la CJCE avec les solutions retenues ou proposées par le législateur

communautaire, la cohérence est difficilement concevable.

B. Cohérence entre la jurisprudence de la CJCE et la législation communautaire.

299. Alors que selon la Commission « Les Etats membres pourront légitiment exiger qu’une

société étrangère établissant une relation avec leur territoire respecte les règles en matière de

participation des travailleurs ou toute autre norme contraignante légitime »283, la CJCE semble

favorable à la loi la moins exigeante. Elle favorise la liberté d’établissement au détriment des

lois de police, ce qui peut conduire à des remises en cause fâcheuses, voire à réduire à néant

certains efforts passés tant de la Commission, que du Conseil ou du Parlement européens.

L’exemple de la société européenne en fait une parfaite illustration. Le législateur

communautaire a retenu le principe « avant - après », selon lequel les droits des salariés

relatifs à leur participation dans la société avant la constitution de la SE servent de base pour

l’organisation de leurs droit de participation dans la SE. Ceci étant dit, force est de constater

que ce principe peut être contourné par application de la jurisprudence Inspire Art, dès lors

subordonner au respect de leur droit national des sociétés l'exercice effectif, sur leur territoire, de la liberté d'établissement par des sociétés, légalement constituées dans d'autres États membres, dont ils considèrent qu'elles ont transféré leur siège sur ledit territoire ». 282 P. LAGARDE, « Note sous CJCE, 5 novembre 2002, Überseering BV, aff. C-208/00 », Rev. crit. DIP, n°92, juillet - septembre 2003, p.524. L’auteur s’appuie sur le point n°80 de l’arrêt. 283 V. http://europa.eu.int/comm/internal_market/fr.

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que l’entité, dont l’activité principale est en Allemagne ou aux Pays-Bas, préfère à la forme

européenne une société nationale, immatriculée dans un pays peu contraignant, tel le

Royaume-Uni, sans qu’aucune règle relative à la cogestion puisse lui être opposée à titre de

loi de police par l’Etat du siège réel. Selon un auteur il s’agit là d’ « une nouvelle hypothèse

de discrimination à rebours »284.

300. Ainsi, pour ce qui concerne les Etats qui adoptent le système du siège réel, la survivance

de la théorie du siège réel risque de pénaliser leurs propres entreprises au bénéfice des

sociétés constituées dans des Etats suivant la théorie de l’incorporation. Cette jurisprudence

ainsi que la mise en place de la SE, donnent le signal de départ d’une course au laxisme

réglementaire, d’une course vers un nouveau Delaware. Mais avant d’aborder cette question,

il convient de s’intéresser aux interrogations soulevées par une récente affaire.

§2.- Les interrogations soulevées par l’affaire Lasteyrie du Saillant 301. Un auteur affirme que « Cette décision285 ne sera pas sans suite, et des problèmes

subséquents se poseront à l’issu de cette affaire dans la mesure où les relations fiscales

internationales sont largement remises en cause, notamment en ce qui concerne la prévention

de l’évasion fiscale »286.

302. Il faut rappeler que les Etats membres ne peuvent exercer leurs compétences en matière

de fiscalité directe que dans le respect des principes du droit communautaire en particulier de

libre circulation287. Le rapprochement de cet arrêt avec les arrêts précédemment examinés est

inévitable, car il montre une fois de plus la profonde unité qui existe dans la jurisprudence en

matière de libre circulation.

303. Certains auteurs auraient souhaité une condamnation plus générale de la théorie du siège

réel. Le traitement différencié du transfert du siège réel suivant que l’on se place du côté de

284 M. LUBY, « Droit communautaire des sociétés : qui tient la barre en 2003 ? », Droit des sociétés, juin 2004, p. 7. 285 CJCE, 11 mars 2004, aff. C-9/02, Hughes de Lasteyrie du Saillant et Ministère de l’Economie des Finances et de l’Industrie. 286 E. D’ONORIO DI-MEO, « L’exit tax à l’épreuve de la jurisprudence de la CJCE », Rev. fiscalité européenne et droit international des affaires, n°136, 2004, p.43. 287 CJCE, 14 février 1995, aff. 279/93, Schumacker, RJF 3/95, n°425 avec concl. Ph. Léger, p.166.

98

l’Etat de départ ou de celui de l’Etat d’arrivée a été fortement critiqué par une parte de la

doctrine288. Pour un auteur289, la liberté d’établissement serait en quelque sorte indivisible.

304. La Cour défend dans l’affaire Lasteyrie du Saillant, une interprétation

« inconditionnelle »290 de la liberté d’établissement. Est concerné l’impôt sur le revenu des

personnes physiques, mais il ne peut être exclu qu’un même raisonnement soit appliqué aux

sociétés. Pas plus que l’Etat d’établissement ne peut refuser de reconnaître la personnalité de

la société étrangère, l’Etat d’origine de la société ne devrait pouvoir l’empêcher d’exercer sa

liberté d’établissement en transférant son siège effectif et ses activités à l’étranger, ni le priver

en ce cas de sa personnalité juridique, l’obligeant ainsi à se transformer en une société de

l’Etat d’établissement. Une partie de la doctrine, se prononce dans le même sens en faisant

une comparaison avec la libre circulation des marchandises, qui ne doit être entravée ni par

l’Etat de destination, ni par l’Etat d’origine de la marchandise291.

305. Un auteur292 se demande en définitive, si cette jurisprudence n’est qu’« un moyen

d’obliger la Commission de réagir » et si l’étude en cours de la Commission n’est qu’ « un

moyen de reprendre les rênes ».

CHAPITRE II : …vers un nouveau Delaware ? 306. A la suite de ces évolutions jurisprudentielles, la Cour va, sans doute, devoir lire, les

critiques et les mises en garde de tous ceux, nombreux, pour qui sa jurisprudence représente

une concession dommageable à la théorie de l’incorporation et une légitimation du law

shopping communautaire. Nombreux sont ceux qui vont encore considérer que cette

jurisprudence donne le signal de départ d’une course au laxisme réglementaire entre les

juridictions européennes293.

288 W. - F. ROTH, « Internationales Gesellschaftsrecht näch Überseering », IP Rax 2003, p.117 et s. Dans le même sens, E. WYMEERSCH, « The transfer of the company’s seat in European Company law », Common Market Law review 2003, n°40, p. 663. 289 W . - F. ROTH, « Internationales Gesellschaftsrecht näch Überseering », IP Rax 2003, p.117 et s. 290 M. LUBY, « Droit communautaire des sociétés : qui tient la barre en 2003 ? », Droit des sociétés, juin 2004, p. 7. 291 P. BEHRENS, « Das Internationale Gesellschaftrecht nach dem Überseering – Urteil des EuGH und den Schlußanträgen zu Inspire Art », IP Rax 2003, p. 193. 292 M. LUBY, « Droit communautaire des sociétés : qui tient la barre en 2003 ? », Droit des sociétés, juin 2004, p. 7. 293 « Race to the bottom » selon l’expression de la doctrine anglo-saxonne, Voir sur cette question, H. DE WULF, « Centros : vrijheid van vestiging zonder race to the bottom », Ondernemingsrecht, 1999 (12), p.318.

99

307. Quoi qu’il en soit, une limite véritable à cette concurrence juridique existe avec certitude

actuellement. Elle vise les sociétés non soumises au principe de libre établissement, parce

qu’elles proviennent d’Etats tiers ou parce qu’elles n’ont aucun lien effectif ou continu avec la

Communauté. Les Etats membres peuvent continuer à leur opposer le système du siège réel.

308. En dehors de cette limite qui existe avec certitude, le juge de Luxembourg pose pour

principe l’interdiction pure et simple de toute entrave à la liberté d’établissement. Le seul

moyen de tolérer une restriction à la liberté d’établissement réside dans une éventuelle

justification de l’entrave. Or l’admission de la justification connaît une application très stricte

de la part du juge communautaire (Section I). De la sorte nombreux sont les auteurs qui

n’hésitent pas d’affirmer que le law shopping est définitivement consacré 294(Section II).

309. A ce titre, exemple paradigmatique des effets d’une telle concurrence au sein d’un

marché unique, le cas du Delaware ne manquera pas de resurgir, tel un miroir ou un

épouvantail, selon que l’on accepte ou non la validité des comparaisons structurelles

couramment effectuées entre le droit des sociétés américain et européen.

SECTION I : Stricte admission des entraves justifiées 310. Si une restriction à la liberté d’établissement est reconnue, le seul moyen pour que le

droit national ne soit pas déclaré non conforme réside dans l’existence d’une justification295.

A ce titre, du point de vue de la stricte défense des libertés, les arrêts ne sont pas surprenants,

la Cour procède à une application classique de sa jurisprudence. De la sorte, l’existence d’une

raison impérieuse d’intérêt général (§1) ou le recours aux notions d’abus et de fraude (§2),

pouvaient, tout au moins en théorie, justifier la restriction à la liberté d’établissement.

294 K. RODRIGUEZ, « L’attractivité nouvelle perspective du droit national des sociétés », Bulletin Joly Sociétés, mars 2004, p.330. 295 La première justification qui nous vient à l’esprit : Art. 46 du traité CE (ex-art. 56) « Les prescriptions du présent chapitre et les mesures prises en vertu de celles-ci ne préjugent pas l’applicabilité des dispositions législatives, réglementaires et administratives prévoyant un régime spécial pour les ressortissants étrangers, et justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique ». Mais il s’agit des limites qui n’ont en pratique aucune chance d’aboutir en matière de mobilité du siège social et en conséquence ne feront pas l’objet de nos développements.

100

§1.- Les raisons impérieuses d’intérêt général 311. Suivant le point 92 de l’arrêt Überseering, « il ne saurait être exclu que des raisons

impérieuses d'intérêt général telles que la protection des intérêts des créanciers, des associés

minoritaires, des salariés ou encore du fisc puissent, dans certaines circonstances et en

respectant certaines conditions, justifier des restrictions à la liberté d'établissement ». Cette

réserve semble admettre que le droit national de chaque Etat membre peut ériger certaines

barrières en matière de liberté d’établissement par voie d’immigration. Il faut rapprocher ce

point avec la réserve de la fraude telle qu’elle a été évoquée dans l’arrêt Centros.

312. Toute mesure nationale susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice des

libertés fondamentales garanties par le traité peut ainsi être admise sous certaines conditions.

La jurisprudence296 de la CJCE peut admettre la mesure restrictive nationale à la condition

que ladite mesure s’applique sans discrimination, se justifie par des raisons impérieuses

d’intérêt général, elle est apte à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et qu’elle ne va

pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. Dans l’arrêt Inspire Art, le

gouvernement Néerlandais avait avancé la protection des créanciers, la lutte contre le recours

abusif à la liberté d’établissement, la préservation de l’efficacité des contrôles fiscaux et la

loyauté des transactions commerciales. Le raisonnement de la CJCE est quasi-mécanique et

tous ces motifs sont rejetés297. La protection des créanciers est assurée par les directives

communautaires, notamment les 4e et 11e directives. Quant aux deux dernières justifications,

le gouvernement Néerlandais n’a apporté aucun élément permettant de conclure que les tests

de nécessité et de proportionnalité étaient satisfaits.

313. En outre, les barrières à l’entrée telles qu’elles sont évoquées dans l’arrêt Überseering

risquent d’être dépourvues d’effet dissuasif dans la mesure ou selon le point 93 du même arrêt

«ces objectifs ne peuvent toutefois justifier que soient déniées la capacité juridique et, partant,

la capacité d'ester en justice à une société régulièrement constituée dans un autre État membre

où elle a son siège statutaire. En effet, une telle mesure équivaut à la négation même de la

liberté d'établissement reconnue aux sociétés par les articles 43 CE et 48 CE ».

296 Arrêts du 31 mars 1993, Kraus (C-19/92, Rec. p. I-1663, point 32); du 30 novembre 1995, Gebhard (C-55/94, Rec. p. I-4165, point 37), et Centros (C-212/97, Rec. p. I-1451, point 34). 297 Selon un auteur, la logique de la Cour est « purement communautaire et axée sur la liberté d’établissement ». L. IDOT, « La loi Néerlandaise sur les sociétés étrangères de pure forme contraire à l’art. 43 du traité CE ; Note sous CJCE, 30 septembre 2003, Inspire Art Ltd, aff. C-167/01 », Rev. eur., novembre 2003, p.27.

101

§2.- Les réserves d’abus ou de fraude 314. Par définition, toute loi procède d’une certaine abstraction. Elle définit pour tous et d’une

façon générale les droits et obligations qu’elle énonce. Inévitablement, il en résulte des

lacunes, tout comme des généralisations excessives. Aussi la loi donne-t-elle parfois des

droits dans des situations qui ne le justifient pas, à savoir des situations où même si les

conditions pour la création ou le maintien d’un droit sont conformes à la lettre de la loi, la

finalité de cette dernière n’est pas respectée. On peut alors exceptionnellement considérer

injuste des conférer des effets à ce droit du seul fait qu’il ne devrait pas exister. C’est alors

que le concept d’abus de droit intervient. La notion d’abus de droit (II) doit être distinguée de

la notion de fraude à la loi (I), puisque la fraude implique une violation de la loi en vue

d’obtenir un avantage illégitime qui n’existe pas en cas d’abus de droit.

I. La fraude 315. Le recours à la conception classique de fraude298, dont la sanction serait l’éviction de la

loi étrangère et l’application de la loi du for, ne saurait guerre prospérer. Ceci, en dépit du fait

qu’il y a bien manipulation du critère de rattachement, conduisant à l’applicabilité d’une autre

loi et justifiée par la volonté d’échapper à l’application des dispositions de la loi évincée. En

effet le juge de Luxembourg précise explicitement que n’est pas une fraude le fait d’aller

incorporer une société dans un Etat membre dans lequel elle n’a aucune activité, dans le but

explicitement assumé d’éviter l’application de la loi d’un autre Etat membre dans lequel se

déroule la totalité de l’activité de la société.

316. La démarche de la Cour visant à séparer l’application des articles 43 et 48 du traité CE

d’une éventuelle fraude, vide en réalité d’une grande partie de sa substance toute possibilité

de sanction de la fraude, puisque la fraude, ici, vise précisément à se soumettre fictivement à

une loi étrangère par l’utilisation abusive des règles relatives à la liberté d’établissement.

L’impossibilité d’établir l’élément légal de la fraude condamne le mécanisme299.

317. Reste alors l’hypothèse d’une fraude spécifiquement communautaire. La fraude serait ici

proche de l’abus de droit et il ne s’agirait pas tant de lutter contre l’éviction frauduleuse de la

298 Sur la conception de fraude en droit international privé, voir, V. BATIFFOL et P. LAGARDE, « Droit international privé », t. 1, 8ème éd., LGDJ, 1993, p.594. 299En ce sens, voir, E. PATAUT, « Liberté d’établissement et droit international privé des sociétés : un pas de plus ; note sous CJCE 30 septembre 2003, Inspire Art », D. 2004, n°7, p.491.

102

compétence d’une loi nationale, que d’éviter l’utilisation abusive d’un droit subjectif reconnu

par le droit communautaire, à savoir le droit d’établissement. Telle semble être la voie dans

laquelle s’engage la CJCE, qui confirme cette orientation dans l’arrêt Inspire Art, en exigeant

la caractérisation au cas par cas de l’abus du droit d’établissement. Ce qui nous conduit

naturellement à examiner la notion d’abus de droit.

II. L’abus de droit 318. Un auteur constate que « le concept d’abus de droit est un concept auquel le juriste n’a

recours qu’exceptionnellement et qui n’a à ce jour fait son entrée que timidement en droit

communautaire »300.

319. On doit d’ailleurs noter que les attitudes des Etats membres de la Communauté à l’égard

de la notion d’abus de droit sont tellement différentes que les interprétations et les

applications varient d’un Etat à l’autre301. Lorsque la loi nationale interfère avec le droit

communautaire ou lorsque le droit en cause dérive directement du droit communautaire,

chaque Etat membre peut être amené à appliquer son propre concept d’abus de droit. En effet

comme un auteur le remarque, à juste titre, « en vertu du principe de l’autonomie procédurale,

il appartient aux Etats membres de décider des mesures à prendre en cas d’abus de droit ».

320. C’est ainsi que la jurisprudence de la Cour reconnaît qu’« un État membre est en droit de

prendre des mesures destinées à empêcher que, à la faveur des facilités créées en vertu du

traité, certains de ses ressortissants ne tentent de se soustraire abusivement à l'emprise de leur

législation nationale et que les justiciables ne sauraient abusivement ou frauduleusement se

prévaloir des normes communautaires »302.

321. A ce titre l’Etat d’accueil peut « prendre toute mesure de nature à prévenir ou à

sanctionner les fraudes, soit à l'égard de la société elle-même, le cas échéant en coopération

300 D. WAELBROECK, « La notion d’abus de droit dans l’ordre juridique communautaire », in Mélanges en Honneur à Jean-Victor LOUIS, Volume I, Editions de l’Université libre de Bruxelles 2003, p.595. 301 Ainsi, en France l’abus de droit est un principe général développé de longue date en vertu duquel commet un abus celui qui fait inutilement usage d’un droit sans autre but que de nuire à autrui. Le principe joue notamment en droit fiscal où, bien que les contribuables aient le droit d’organiser leurs activités par tout moyen légal, ils peuvent en se faisant être considérés comme abusant de leurs droits lorsqu’ils en font usage dans le but exclusif d’éviter le paiement des taxes. Au Royaume-Uni en revanche, on préfère recourir, non pas à un tel principe général, mais à des dispositions spécifiques ad hoc pour couvrir les cas spécifiques. Cette pratique est très répandue notamment dans le cadre du droit fiscal. 302 Point 24 de l’arrêt Centros (C-212/97, Rec. p. I-1451).

103

avec l'État membre dans lequel elle est constituée, soit à l'égard des associés dont il serait

établi qu'ils cherchent en réalité, par le biais de la constitution d'une société, à échapper à leurs

obligations vis-à-vis de créanciers privés ou publics établis sur le territoire de l'État membre

concerné »303.

322. La jurisprudence exige toutefois, que la mesure choisie soit proportionnée et justifiée par

le but poursuivi, c’est-à-dire qu’elle n’aille pas plus loin que ce qui est nécessaire pour

empêcher l’abus304. Ainsi, comme un auteur le souligne, « l’application de la règle nationale

dépendra du respect des principes classiques d’effectivité et d’équivalence »305.

323. En ce qui concerne la preuve de l’abus, une distinction doit être faite entre la preuve de

l’élément objectif, c'est-à-dire, que la finalité de la règle n’est pas atteinte, et celle de

l’élément subjectif, à savoir, que la règle est invoquée à des fins illégales.

324. C’est ainsi que la CJCE considère que « le fait, pour un ressortissant d'un État membre

qui souhaite créer une société, de choisir de la constituer dans l'État membre dont les règles de

droit des sociétés lui paraissent les moins contraignantes et de créer des succursales dans

d'autres États membres ne saurait constituer en soi un usage abusif du droit d'établissement.

En effet, le droit de constituer une société en conformité avec la législation d'un État membre

et de créer des succursales dans d'autres États membres est inhérent à l'exercice, dans un

marché unique, de la liberté d'établissement garantie par le traité »306.

325. En outre, il ressort de l'arrêt Segers que « le fait qu'une société n'exerce aucune activité

dans l'État membre où elle a son siège et exerce ses activités uniquement dans l'État membre

de sa succursale ne suffit pas à démontrer l'existence d'un comportement abusif et frauduleux

permettant à ce dernier État membre de dénier à cette société le bénéfice des dispositions

communautaires relatives au droit d'établissement »307.

326. Toute la question est cependant de savoir, ce que la Cour exigera pour se satisfaire de

l’existence du critère objectif. Cette question n’est pas sans intérêt en particulier dans le

domaine fiscal où des sociétés off-shore sont souvent crées dans le seul but de payer des

303 Point 38 de l’arrêt Centros (C-212/97, Rec. p. I-1451). 304 Voir à cet égard, CJCE, aff. C-148/91, Veronica, Rec., 1993, p. I-487. 305 D. WAELBROECK, « La notion d’abus de droit dans l’ordre juridique communautaire », in Mélanges en Honneur à Jean-Victor LOUIS, Volume I, Editions de l’Université libre de Bruxelles 2003, p.595. 306 Point 27 de l’arrêt Centros (C-212/97, Rec. p. I-1451). 307 Point 16 de l'arrêt Segers.

104

impôts moindres. Face à ces pratiques un certain nombre de questions nous vient à l’esprit. En

particulier, jusqu’où est-il admissible de vérifier la réalité de l’établissement ? Puis, faut-il

établir plus qu’une adresse ou une plaque sur la porte ?

327. A cet égard, un auteur observe que l’approche de la Cour dans l’affaire Centros contraste

singulièrement avec celle adoptée préalablement par la Cour dans l’affaire Daily Mail puisque

« la Cour a admis que le Royaume-Uni puisse empêcher des comportements artificiels dont le

seul but était d’éviter le paiement d’impôts »308. Dans l’affaire Centros en revanche, en dépit

du fait que la transaction était également artificielle, la Cour a reconnu le droit sur la base

d’un exercice réel de la liberté d’établissement. Dans cette affaire, la Cour a considéré que la

finalité du droit en cause, c'est-à-dire de la liberté d’établissement, était atteinte et que le

concept d’abus de droit ne trouvait pas à s’appliquer. Ce raisonnement peut s’inscrire dans

une logique de cohérence si on considère que la CJCE distingue le contentieux de

l’émigration de celui de l’immigration.

328. Il résulte de ce qu’il précède que le droit communautaire permet exceptionnellement aux

Etats membres, lorsque leur système juridique le prévoit, d’invoquer l’abus de droit, même

pour faire obstacle à des droits issus du droit communautaire. Cependant une telle possibilité

n’est admissible que dans le respect des principes de pleine effectivité du droit

communautaire et d’équivalence. Compte tenu du fait que le droit communautaire est encore

embryonnaire dans ce domaine, et que la jurisprudence de la Cour en matière de transfert

international du siège effectif est très restrictive, les juridictions nationales devront faire

preuve de prudence. Un auteur préconise même qu’une question préjudicielle devrait être

obligatoire dans de tels cas309.

329. Il convient en outre avoir à l’esprit les propos d’un annotateur de l’arrêt Inspire Art, ce

dernier remarque que « si l’abus ou la fraude sont érigés en limite du droit de choisir l’Etat

308 D. WAELBROECK, « La notion d’abus de droit dans l’ordre juridique communautaire », in Mélanges en Honneur à Jean-Victor LOUIS, Volume I, Editions de l’Université libre de Bruxelles 2003, p.595. 309 D. WAELBROECK, « La notion d’abus de droit dans l’ordre juridique communautaire », in Mélanges en Honneur à Jean-Victor LOUIS, Volume I, Editions de l’Université libre de Bruxelles 2003, p.595. Selon cet auteur, comme en matière de validité d’un acte communautaire, seules les juridictions communautaires ont le droit de déterminer sa validité, par analogie lorsqu’un droit est issu de l’ordre communautaire, seules les juridictions communautaires ont le pouvoir d’autoriser les juridictions nationales à priver ledit droit d’effet pour d’autres motifs, tels que l’abus de droit.

105

membre de constitution, il s’agit d’une limite absolument théorique dont on attend toujours de

la CJCE qu’elle en donne quelques éléments concrets »310.

330. Partant, on ne peut s’empêcher de ressentir une certaine perplexité311. Selon un auteur, la

CJCE « semble poser des directives contradictoires en permettant théoriquement la sanction

de la fraude aux incorporations fictives, tout en retirant aux Etats les moyens effectifs de lutter

contre cette fraude »312. De la sorte, en envisageant la question sous le seul angle de la

jouissance de certains droits par une société, la Cour de justice semble à la fois écarter la

réelle prise en considération d’intérêts autres que ceux de la société en cause et constituer une

très forte incitation à une course à la libéralisation des règles qui régissent le droit des

sociétés.

SECTION II : Consécration du law shopping 331. Un auteur affirme que « Non seulement la liberté d’établissement donne le choix entre

l’ordonnancement juridique le plus favorable mais les droits découlant de ce choix sont

définitivement acquis et doivent être reconnus dans les pays membres de l’Union »313.

332. En effet, à la suite de l’arrêt Centros, la jurisprudence ultérieure renforce le choix, par les

fondateurs, de la loi applicable à leur société. La doctrine n’hésite pas d’affirmer que « le law

shopping est définitivement consacré »314.

333. Bien naturellement cette affirmation de la liberté de choix de la loi applicable à la société

(§1) aura un impact considérable lequel réside notamment dans la mise en concurrence des

législations nationales (§2).

310 M. MENJUCQ, « Droit d’établissement communautaire : la CJCE repousse encore les limites », Bulletin Joly sociétés, décembre 2003, p.1310. 311 Selon un auteur « à l’étude, cette réserve semblait vide de tout sens au regard du droit des sociétés ». J.-P. DOM, « La liberté d’établissement des succursales : principes et limites ; note sous CJCE, 30 septembre 2003 », Rev. Sociétés, n°1, 2004, p.135. 312 E. PATAUT, « Liberté d’établissement et droit international privé des sociétés : un pas de plus ; note sous CJCE 30 septembre 2003, Inspire Art », D. 2004, n°7, p.491. 313 C. DUCOULOUX - FAVARD, « Droit d’établissement et libre choix de l’ordonnancement juridique dans l’Union européenne : note sous CJCE 5 novembre 2002, Überseering, aff. C-208/00 », Petites affiches, 24 février 2003, n°39, p.7. 314 M. MENJUCQ, « L’articulation du droit d’établissement communautaire et des droits nationaux relatifs au rattachement juridique des sociétés : Note sous CJCE 5 novembre 2002, Überseering, aff. C-208/00 », JCP E, n°12, 20 mars 2003, p.520.

106

§1.- L’affirmation de la liberté : un choix de loi sans limite 334. Admettre le transfert du siège effectif d’une société d’un Etat à l’autre, pose le problème

de la loi applicable à la société ayant transféré son siège effectif dans un autre Etat. En effet,

accorder une large part à la volonté des associés dans le rattachement de leur société à un Etat

ne doit pas pour autant signifier la renonciation de toute protection des tiers. Il s’agit avant

tout d’assurer une protection des tiers, soit au moyen d’une protection individualisée315, en

leur conférant le droit d’invoquer suivant leur intérêt la loi du siège statutaire ou celle du siège

réel, soit, au moyen d’une protection généralisée316, en appliquant, à titre de loi de police,

certaines dispositions de l’Etat du siège effectif.

335. Une protection généralisée présente l’avantage de ne pas être ponctuelle. Au contraire

reposant sur des mécanismes de lois de police, par son application généralisée et impérative à

toutes les sociétés entrant dans son champ d’application, il garantit une protection efficace des

tiers locaux sans pour autant interdire aux sociétés de dissocier leur siège statutaire et leur

siège réel. En outre, ces règles devraient recevoir application devant les juridictions d’un autre

Etat membre puisqu’il est admis que les tribunaux doivent appliquer les lois de police

étrangères317.

336. Un auteur se prononce en faveur de ce système, « puisque tout en permettant aux

sociétés de disposer d’une souplesse rendue nécessaire par les effets de la mondialisation et

en se conformant au droit d’établissement communautaire, il apporte une protection

appropriée aux tiers ». Or la question de la conformité du dit système avec les règles relatives

au droit d’établissement, alors qu’elle restait en suspens lors de l’arrêt Überseering (I), elle a

été définitivement tranchée par l’arrêt Inspire Art (II).

I. Une question en suspens lors de l’arrêt Überseering 337. Le problème se pose dans le point 95 de l’arrêt318. Ce point peut s’interpréter comme

indiquant que la capacité juridique au sens large de personnalité juridique s’apprécie au regard

315 Cette solution est connue en droit positif français, il s’agit en effet de l’option conférée aux tiers par les articles 1837 C. Civ. et L. 210-3 C. Com. 316 Cette solution est adoptée par le droit positif Néerlandais, avec l’application des règles relatives aux pseudo-foreign companies, loi hollandaise du 17 décembre 1997. 317 En ce sens, M. MENJUCQ, « Mondialisation et rattachement juridique des sociétés », Mélanges Y. GUYON, Dalloz 2003, p.831. 318 Point 95 de l’arrêt Überseering, « Lorsqu'une société constituée conformément à la législation d'un État membre sur le territoire duquel elle a son siège statutaire exerce sa liberté d'établissement dans un autre État

107

du droit de l’Etat de constitution. En revanche rien n’empêche l’Etat sur le territoire duquel se

situe le siège réel d’en tirer des conséquences dans le domaine du conflit de lois et d’appliquer

par exemple partiellement sa loi à la société concernée dans la mesure où cette application

n’entrave nullement l’exercice de la liberté d’établissement.

338. Ce même point peut également être interprété comme imposant à l’Etat membre de

respecter dans son contenu la capacité juridique que lui confère la loi de l’immatriculation, ce

qui ferait référence à la loi déterminant la constitution et le fonctionnement de la société, c'est-

à-dire la lex societatis. Dans cette hypothèse, la liberté d’établissement emporterait des

conséquences importantes sur les règles de droit international privé des Etats membres

puisqu’elle leur interdirait d’appliquer même partiellement leurs règles nationales de droit des

sociétés à une société qui y aurait localisé son siège effectif de direction.

339. Sur ce point, force est de constater que les hypothèses d’application du droit local des

sociétés en vertu du critère du siège réel ne sont pas rares319.

340. Un auteur320 considère que les règles des Etats membres relatives à la loi applicable aux

sociétés ne sont pas concernées par cette jurisprudence. En effet, la portée de cette

jurisprudence doit se mesurer à l’aune de la liberté d’établissement. Ce qui impose d’opter en

faveur de la première interprétation. En définitive, les Etats membres conservent la faculté

d’appliquer en totalité ou en partie leurs règles nationales à une société dont le siège réel se

situerait sur leur territoire321.

341. Cette question, qui restait en suspens a été récemment tranchée par l’arrêt Inspire Art.

II. Une question tranchée par l’arrêt Inspire Art 342. L’arrêt Inspire Art prévoit l’exclusivité de l’application de la loi de l’Etat du siège

statutaire. De la sorte le choix de loi est sans limite. Il est important de comprendre que la membre, les articles 43 CE et 48 CE imposent à ce dernier de respecter la capacité juridique et, partant, la capacité d'ester en justice que cette société possède en vertu de son Etat de constitution ». 319 En droit Français voir les articles 1837 du C. Civ. et L.210-3 du C. Com. En droit Néerlandais voir la loi du 17 décembre 1997 relative aux « pseudo-foreign companies ». Ce qui est d’autant plus remarquable, que les Pays-Bas ont adopté depuis 1956 le système de l’incorporation. 320 M. MENJUCQ, « L’articulation du droit d’établissement communautaire et des droits nationaux relatifs au rattachement juridique des sociétés : Note sous CJCE 5 novembre 2002, Überseering, aff. C-208/00 », JCP E, n°12, 20 mars 2003, p.520. 321 En ce sens, M. MENJUCQ, « L’articulation du droit d’établissement communautaire et des droits nationaux relatifs au rattachement juridique des sociétés : Note sous CJCE 5 novembre 2002, Überseering, aff. C-208/00 », JCP E, n°12, 20 mars 2003, p.520.

108

jurisprudence de la CJCE n’interdit pas aux Etats membres d’exiger pour les sociétés qui se

constituent sur leur territoire un rattachement plus exigeant par la coïncidence du siège

statutaire et du siège effectif de direction322.

343. En revanche il résulte de cette jurisprudence, qu’un Etat membre dans lequel se situe le

siège réel d’une société constituée dans un autre Etat membre qui recourt au critère plus

souple du siège statutaire, ne peut pas restreindre le droit d’établissement de cette société, en

refusant d’immatriculer une succursale323, en ne lui reconnaissant pas la capacité juridique324,

ou en lui appliquant certaines règles locales du droit des sociétés325.

344. Il en résulte que, « dorénavant, il n’existe plus aucun doute sur la faculté de law

shopping des fondateurs »326. Ceux-ci peuvent sans contrainte choisir le droit national des

sociétés le plus attrayant pour constituer leur société en l’immatriculant dans un Etat membre

donné. Cette jurisprudence donne ainsi, aux fondateurs d’une société, la possibilité de

localiser le centre de direction effective de leur société sur le territoire d’un autre Etat

membre. De la sorte, les dispositions nationales de droit des sociétés ne trouveront pas à

s’appliquer à leur société.

345. Ainsi, par l’interdiction des entraves, il devient simple dans l’espace européen d’éviter

d’avoir à libérer un capital minimum. Selon un auteur, « le capital légal minimal des sociétés

par actions ou des sociétés à responsabilité limitée est la victime par ricochet de cette

jurisprudence de la CJCE »327.

346. Sur ce point, il ne aurait pas été inutile d’évoquer la vieille convention de Bruxelles du

29 février 1968 sur la reconnaissance des personnes morales. Les experts avaient longuement

discuté sur les problèmes liés à la dissociation du siège social statutaire et du siège social réel.

Ils avaient précisément inséré un article 4, qui correspondait tout à fait à la situation examinée

par la CJCE dans l’arrêt Inspire Art. L’article 4 prévoyait dans une telle hypothèse, que l’Etat

d’accueil pouvait appliquer à une société régulièrement constituée dans un autre Etat membre

322 Ce qui peut en outre expliquer tant l’approche législative en matière de SE (Règlement n°2157/2001) et future proposition de 14ème directive que la distinction barrières à l’entrée et barrières à la sortie. 323 Centros. 324 Überseering. 325 Inspire Art. 326 M. MENJUCQ, « Droit d’établissement communautaire des sociétés, la CJCE repousse encore les limites : note sous CJCE 30 septembre 2003, Inspire Art, aff. C-167/01 ». 327 J.-P. DOM, « La liberté d’établissement des succursales : principes et limites ; note sous CJCE, 30 septembre 2003, Inspire Art Ltd, aff. C-167/01 », Rev. Sociétés, n°1, 2004, p.135.

109

qui avait son administration centrale sur son territoire des dispositions jugées impératives, s’il

avait fait une déclaration en ce sens. A l’époque la convention n’avait pas entré en vigueur,

faute de ratification par les Pays-Bas et elle est tombée dans les oubliettes comme le montre le

curieux silence des avocats généraux qui semblent l’ignorer. Comme un auteur le remarque à

juste titre « ironie du sort, ce refus de ratification des Pays-Bas se retourne aujourd’hui contre

cet Etat qui ne pourra maintenir sa loi destinée à lutter contre l’effet Delaware en Europe »328.

§2.- Les effets de l’affirmation : la mise en concurrence des droits nationaux 347. Comme il a déjà été souligné, cette nouvelle liberté de choisir le lieu d’immatriculation

de son entreprise, ou de transférer son siège dans un autre Etat membre, permet de choisir la

loi applicable à l’entreprise. Or, il s’agira bien sûr de la loi la plus attractive329, ce qui,

fatalement n’est pas sans conséquences sur la manière dont le législateur national élabore et

adopte ses lois en matière des sociétés, puisqu’il va chercher à attirer les entreprises sur son

territoire. Cette course qui risque d’être une course au laxisme réglementaire (I) est-elle

conforme avec l’objectif d’intégration communautaire ? (II).

I. Mise en concurrence des droits nationaux et course au laxisme réglementaire 348. Cette jurisprudence met ainsi, en concurrence directe les législations nationales de droit

de sociétés. L’attractivité du droit national devrait en conséquence être d’avantage présente

dans l’esprit des législateurs nationaux. Cette nouvelle perspective du droit national des

sociétés ne peut en effet que modifier la perception du législateur. Jusqu’à présent, le droit des

sociétés était essentiellement conçu en fonction de contraintes nationales. Certes la référence

au droit comparé était récurrente. Mais elle participait d’une élaboration optimale de lois, dans

un simple esprit de comparaison des expériences et de bonification du droit national. Le

recours au droit comparé sera désormais empreint d’un fort esprit de concurrence. Dans cette

logique, l’institution en France de la SARL à 1 � va dans le sens de l’attractivité du droit

français330. Il n’est pas question de refuser aux Etats une compétitivité législative motivante.

Au contraire, nous pensons que l’assouplissement des règles contraignantes pas forcément

328 L. IDOT, « La loi néerlandaise sur les sociétés étrangères de pure forme contraire à l’art. 43 CE : note sous CJCE, 30 septembre 2003, Inspire Art Ltd, aff. C-167-01 », Rev. Europe, novembre 2003, p. 27. 329 Sur la notion de système juridique attractif, v. X. LAGARDE, « Le droit français à l’épreuve de la mondialisation », Sociétal, n°35, 1er trimestre 2002, p.88. 330 Loi pour l’initiative économique du 1er août 2003.

110

indispensables et efficaces est un objectif à atteindre pour faire du marché unique un marché

compétitif.

349. Ceci étant dit une partie de la doctrine voit dans cette compétitivité législative un certain

nombre de limites. Selon un auteur331, ces limites sont d’une part d’ordre technique, puisque

le recours au droit comparé suppose une connaissance parfaite et intégrale des droits des

divers Etats membres, d’autre part ce sont des limites d’ordre déontologique. Le risque c’est

qu’une quête irraisonnée de séduction peut conduire à des dérives. Selon le même auteur, « en

droit des sociétés le risque est patent dans un contexte de moralisation du droit des affaires ».

II. Mise en concurrence des droits nationaux et intégration communautaire 350. Ensuite, il convient à s’interroger si cette politique de séduction est conforme à

l’intégration communautaire. Là aussi la doctrine est partagée. Certains auteurs332 considèrent

que cette politique d’attractivité met l’accent sur la compétition et donc sur les

particularismes. « Ce faisant elle s’inscrit dans une contradiction avec l’ambition

communautaire, alors même qu’elle est le résultat de sa réalisation »333.

351. D’autres auteurs se montrent plus optimistes et y voient dans cette compétition une

opportunité d’uniformisation du droit de sociétés au sein de l’Union européenne. En effet, la

concurrence juridique des Etats pourrait conduire à une convergence des droits nationaux vers

une plus grande souplesse que d’aucuns qualifieront d’harmonisation par le bas.

352. Reste à voir si cette concurrence juridique constituera un facteur d’harmonisation et

ensuite si cette harmonisation par le bas s’avérera plus performante que l’harmonisation

communautaire à proprement parler.

331 K. RODRIGUEZ, « L’attractivité nouvelle perspective du droit national des sociétés », Bulletin Joly Sociétés, mars 2004, p.330. 332 K. RODRIGUEZ, « L’attractivité nouvelle perspective du droit national des sociétés », Bulletin Joly Sociétés, mars 2004, p.330. 333 K. RODRIGUEZ, « L’attractivité nouvelle perspective du droit national des sociétés », Bulletin Joly Sociétés, mars 2004, p.330.

111

CONCLUSION GENERALE 353. Le projet de 14ème directive devrait être présenté au courant du mois de septembre 2004.

Le défi du législateur communautaire est double : en premier lieu faire aboutir le projet et en

deuxième lieu innover en proposant une solution qui permet la mobilité intracommunautaire

du siège social de façon satisfaisante. La Commission a choisi la simplicité. Faire prévaloir la

théorie du siège réel présente l’avantage de supprimer le conflit mobile. Certes du point de

vue pratique la considération du siège réel par le règlement relatif au statut de la SE et par la

proposition de 14ème directive présente l’avantage de faciliter la mobilité du siège social. La

solution connaît cependant des limites et on oserait même qualifier de mauvaise politique

juridique ce choix. En premier lieu la solution s’inscrit dans une logique d’incohérence

parfaite avec l’environnement juridique européen qui connaît un mouvement d’amplification

du système de l’incorporation. Ensuite, la dite solution, n’est pas de nature à satisfaire

pleinement les objectifs des opérateurs économiques. Bref : on avance mais mal. L’idéaliste et

le pragmatiste apprécieront différemment les choix du législateur européen.

354. La solution consiste à notre sens en la considération du système de l’incorporation.

L’opportunité reste ouverte, l’article 69 du règlement en est la preuve. A ce titre il convient de

mentionner que selon le rapport d’experts en droit des sociétés, « Même si la Cour ne déclare

pas la doctrine du siège effectif totalement contraire au droit communautaire, l’opportunité

d’aligner les législations des Etats membres sur le principe du siège statutaire et de permettre

ainsi aux sociétés migrantes de changer moins souvent de loi est à l’étude »334. Les dernières

évolutions jurisprudentielles doivent servir de pistes de réflexion sur les éventuelles

évolutions du droit des sociétés et du droit fiscal. A ce titre l’avenir nous réserve peut être la

fin du système territorial (en matière fiscale) et la fin du système de siège réel (en matière de

droit des sociétés). Le droit dit anglo-saxon semble à certains regards mieux adapté aux

exigences communautaires et mieux servir les besoins des sociétés.

355. Considération du système de l’incorporation, mais amélioré par des dispositions

permettant d’assurer les objectifs de sécurité juridique et de survie de la personnalité morale

de la société ayant transféré son siège statutaire. A ce titre on peut citer par exemple

334 « Report of the High Level Group of Company Law Experts on a Modern Regulatory Framework for Company Law in Europe», Brussels, 4 November 2002. Chapitre 3.5, II, point 9.

112

l’instauration d’une obligation tempérée de se renseigner ou la limitation ponctuelle de la lex

societatis335.

356. L'avenir est sans doute là. Encore faudrait-il que les autorités communautaires ne mettent

pas encore 30 ans pour le faire aboutir. Elles auront besoin, pour cela, de l'appui des Etats et

d'une volonté politique forte. Dans cette auberge espagnole qu'est devenue l'Europe, peut-on

encore y croire ? On peut toujours en rêver. En gardant toutefois à l'esprit cette phrase de

Raymond Devos, qui est celle d'un sceptique, et donc d'un réaliste : « le drame de l'humanité,

c'est que chacun a toujours une bonne raison… ».

335 Pour un exemple des améliorations possibles, voir M. MENJUCQ, « La mobilité des sociétés dans l’espace européen », Thèse, Paris, LGDJ 1997, n° 161 et s.

113

ANNEXES

114

ANNEXE I : Les textes

DOCUMENT I : Projet de proposition de 14ème Directive du Parlement et du Conseil concernant le transfert de siège des sociétés d'un État membre à un autre avec changement de la loi applicable. (1997)

LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE,

VU le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 54,

VU la proposition de la Commission,

VU l’avis du Comité économique et social,

STATUANT conformément à la procédure visée à l’article 189B du traité instituant la Communauté européenne,

CONSIDÉRANT que, conformément au principe de subsidiarité et au principe de proportionnalité tels qu’énoncés à l’article 3 B du traité, les objectifs de l’action envisagée, c’est-à-dire rendre possible le transfert de siège sans affecter les critères de rattachement établis par les législations nationales, pourtant divergentes, ne peuvent être réalisés de manière suffisante par les États membres agissant isolément ; qu’en effet, ils ne sont pas en mesure d’organiser l’ensemble de l’opération en cause, celle-ci revêtant une dimension qui dépasse les frontières nationales ; que ces objectifs ne peuvent donc être atteints qu’en agissant au niveau communautaire ;

CONSIDÉRANT que selon l’article 58 du traité, les sociétés constituée en conformité de la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté, doivent être assimilées aux personnes physiques ressortissantes des autres États membres aux fins de l’application des règles du traité en matière de droit d’établissement.

CONSIDÉRANT que, en l’état actuel du droit communautaire, une telle assimilation se heurte à des différences importantes entre les législations nationales des États membres, notamment en matière de critères de critères de rattachement des sociétés avec les ordres juridiques dont elles relèvent ;

CONSIDÉRANT que les ordres juridiques des États membres ne disposent pas non plus de structures juridiques permettant le maintien de la personnalité juridique des sociétés lors du transfert transfrontalier du siège à l’intérieur de la Communauté ;

CONSIDÉRANT que la possibilité de transférer le siège d’une société d’un État membre à l’autre constitue un acte d’exercice du droit d’établissement, qu’il appartient à la législation communautaire de rendre concrètement possible ;

CONSIDÉRANT que le fait que l’article 220 du Traité ait prévu par voie de négociations entre États membres le maintien de la personnalité juridique des sociétés en cas de transfert du siège de pays en pays, ne fait pas obstacle à ce que cette question soit traitée par voie de directive ;

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CONSIDÉRANT que le droit communautaire doit, en vertu de l’article 54 du Traité fixer des niveaux équivalents de protection des intérêts des associés et des tiers, affectés par le changement de l’ordre juridique applicable à la société ayant fait l’objet du transfert de siège dans un autre État membre.

CONSIDÉRANT que la directive du Conseil 68/151 CEE a établi, entre autres, des exigences de publicité relatives aux principaux actes adoptés par les organes des sociétés de capitaux, et qu’il convient d’étendre ces obligations de publicité aux opérations de transfert visées par la présente directive, qui regardent également les autres types de sociétés.

ONT ARRÊTE LA PRÉSENTE DIRECTIVE

Article 1

1. La présente directive s’applique aux opérations de transfert de siège statutaire ou réel d’un État membre à un autre des sociétés constituées en conformité de la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire et leur administration centrale à l’intérieur de la Communauté.

Article 2

Au sens de la présente directive, on entend par siège :

a) siège statutaire, le lieu où une société est immatriculée

b) siège réel ; le lieu où une société a son administration centrale et est immatriculée

Article 3

Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour que les siège statutaire ou réel d’une société puisse être transféré dans un autre État membre. Ce transfert ne donne lieu ni à dissolution, ni à création d’une personne morale nouvelle, mais il entraîne un changement de la loi applicable à la société en cause au jour de son immatriculation a registre du nouveau siège conformément à l’article 10.

Article 4

1. Un projet de transfert doit être établi par l’organe de direction ou d’administration et faire l’objet d’une publicité conformément au paragraphe 2, sans préjudice des formes de publicité additionnelles prévues par l’État membre du futur siège. Ce projet comprend :

a) le siège proposé pour la société ;

b) les statuts proposés, y compris le cas échéant, la nouvelle dénomination sociale ;

c) le mode de participation des travailleurs proposé dans les cas où les salariés concernés sont représentés dans les organes de la société avant le transfert envisagé ;

d) le calendrier proposé pour le transfert.

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2. Le projet de transfert fait l’objet d’une publicité, effectuée selon les modalités prévues par la législation de l’État membre dont la société relève avant le transfert, conformes à la directive du Conseil 68/151 CEE , notamment ses articles 2 et 3.

Article 5

1. L’organe de direction ou d’administration établit un rapport expliquant et justifiant les aspects juridiques et économiques du transfert et indiquant les conséquences du transfert pour les associés ainsi que pour les travailleurs.

2. Les associés, les créanciers et les représentants des travailleurs de la société ont, au moins un mois avant l’assemblée générale appelée à se prononcer sur le transfert, le droit d’examiner, au siège de la société, le projet de transfert et le rapport établi en vertu du paragraphe 1 et d’obtenir gratuitement, à leur demande, des copies de ces documents.

Article 6

1. La décision de transfert ne peut intervenir que deux mois après la publication du projet de transfert.

2. La décision de transfert requiert une décision de l’assemblée générale prise à une majorité qui ne peut être inférieure aux deux tiers des voies exprimées, à moins que la loi applicable à la société prévoie ou permette une majorité plus élevée.

3. Toutefois, un État membre peut prévoir que, lorsque la moitié au moins du capital est représentée, une majorité simple des voix indiquées au paragraphe 2 est suffisante.

4. Toute modification des statuts doit faire l’objet d’une publicité effectuée selon les modalités prévues par la législation de l’État membre dont la société relève après le transfert, conformes à la directive du Conseil 68/151 CEE.

Article 7

Un État membre peut adopter, en ce qui concerne les sociétés relevant de sa législation, des dispositions destinées à assurer une protection appropriée aux associés minoritaires qui se sont prononcés contre le transfert.

Article 8

1. Les créanciers et titulaires envers la société d’autres droits nés antérieurement à la publication du projet de transfert, peuvent exiger que cette société qui envisage le transfert constitue en leur faveur une garantie adéquate. L’exercice de ce droit est régi par la loi applicable à cette société avant le transfert.

2. Un État membre peut étendre l’application du paragraphe 1 aux dettes de la société envers des entités publiques, nées antérieurement à la date du transfert visée à l’article 11.

Article 9

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Dans l’État membre où la société a son siège avant le transfert, un tribunal, notaire ou autre autorité compétente délivre un certificat attestant d’une manière concluante l’accomplissement des actes et des formalités préalables au transfert.

Article 10

La nouvelle immatriculation ne peut s’effectuer que sur présentation du certificat visé à l’article 9, ainsi que sur preuve de l’accomplissement des formalités exigées pour l’immatriculation dans le pays du nouveau siège.

Article 11

1. Le transfert du siège de la société, ainsi que la modification des statuts qui en résulte, prennent effet à la date à laquelle la société est immatriculée, conformément à l’article 10, au registre du nouveau siège.

2. Un État membre peut refuser d’immatriculer une société conformément à l’article 10 si l’administration centrale de cette société n’est pas située dans ce même État membre.

3. La radiation de l’immatriculation de la société au registre du précédent siège ne peut s’effectuer que sur preuve de l’immatriculation de la société au registre du nouveau siège.

4. La nouvelle immatriculation et la radiation de l’ancienne immatriculation sont publiées dans chacun des États membres concernés selon les modalités prévues par chacune des législations en cause conformes à la directive du Conseil 68/151 CEE.

Article 12

La publication de la nouvelle immatriculation de la société rend le nouveau siège opposable aux tiers. Toutefois, tant que la publication de la radiation de l’immatriculation au registre du précédent siège n’a pas eu lieu, les tiers peuvent continuer de se prévaloir de l’ancien siège, à moins que la société en question ne prouve que les tiers avaient connaissance du nouveau siège.

Article 13

Une société à l’égard de laquelle a été entamée une procédure de dissolution, de liquidation, d’insolvabilité, de suspension de paiements ou d’autres procédures analogues, ne peut pas transférer son siège au seins de la présente directive.

Article 14

1. Les États membres mettent en vigueur avant le 1er janvier 2000 les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive. Ils en informent immédiatement la Commission. Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.

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2. Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions essentielles de droit interne qu’ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive.

Article 15

Chaque État membre désigne le registre compétent au sens de l’article 9. Il en informe la Commission et les autres États membres.

Article 16

Les États membres sont destinataires de la présente directive.

Fait à .......

Par le Parlement européen Par le Conseil

Le Président Le Président

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DOCUMENT II : Projet de règlement relatif au statut de la société privée européenne - Les articles - Extraits

I. Dispositions générales

Article1 (définition)

1. La société privée européenne (SPE) est constituée par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, ressortissant ou non d'un État membre, dans les conditions et selon les modalités prévues par le présent règlement.

2. Tous les associés fondateurs doivent, en personne ou par mandataire justifiant d'un pouvoir spécial, intervenir aux statuts. Ceux-ci constituent un contrat qui oblige les associés fondateurs et, après immatriculation, la société et les associés futurs.

Article 2 (Caractéristiques)

1. Chaque associé ne s'engage qu'à concurrence de l'apport qu'il a souscrit.peut pas faire publiquement appel à l'épargne ni émettre d'actions au porteur.

3. Les statuts définissent, dans le cadre du présent règlement, les droits des associés, l'organisation et le fonctionnement de la société, les pouvoirs de ses organes ainsi que les conditions de transfert des actions.

4. La SPE a la personnalité juridique à compter de son immatriculation.

Article 3 (Capital)

1. Le capital de la SPE est divisé en actions d'un montant déterminé. Il est de 25.000 euros au moins ou d'un montant équivalent, au moment de l'immatriculation, dans une autre devise. Il est souscrit en totalité et libéré intégralement lors de l'immatriculation.

2. Les actions peuvent représenter des apports en numéraire ou en nature, à l'exclusion d'apports en industrie.

3. Les fonds provenant de la libération des actions sont déposés pour le compte de la société en formation par les personnes qui les ont reçus, dans les huit jours de leur réception, chez un notaire ou dans une banque, contre un récépissé.

Le retrait des fonds ne peut avoir lieu qu'après l'immatriculation de la société dans les conditions prévues à l'article 8 du présent règlement, par le mandataire de la société, sur présentation du certificat de l'organisme d'immatriculation de la société.

4. Les apports en nature doivent être mis à la disposition de la société dans les mêmes délais. Ils sont remis contre récépissé à un mandataire de la société en formation.

Article 6 (Siège social)

1. Le siège de la SPE doit être situé à l'intérieur de l'Union européenne. Il doit correspondre au lieu de son administration centrale.

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2. Le siège de la SPE peut être transféré dans un autre État membre. Ce transfert n'entraîne ni dissolution ni création d'une personne morale nouvelle.

Le projet de transfert doit être établi par le ou les organes désignés par les statuts. Il doit faire l'objet d'un dépôt et d'une publication dans les conditions prévues aux articles 8 et 9 du présent règlement. L'adoption du projet intervient au plus tôt un mois après sa publication.

3. Les associés et les créanciers de la société ont, au moins un mois avant la date prévue pour l'assemblée générale appelée à se prononcer sur le transfert, le droit d'examiner au siège de la société, le projet de transfert visé à l'alinéa précédent.

4. Lorsqu'une SPE ne remplit plus l'obligation d'avoir son administration centrale sur le territoire de l'État membre de l'Union européenne dans lequel elle est immatriculée, elle est tenue de régulariser la situation dans un délai de trois mois. A défaut de régularisation dans le délai de trois mois, la société encourt la dissolution.

Article 12 (Droit applicable)

1. La SPE est régie par les dispositions du présent règlement et les dispositions des statuts de la SPE qui n'y contreviennent pas.

Les matières qui sont traitées par le présent règlement sont soustraites à l'application des droits des États membres, même sur les points qu'il ne règle pas expressément.

2. S'appliquent subsidiairement, dans l'ordre suivant :

- les principes généraux du règlement ;

- les principes généraux du droit communautaire des sociétés et les principes généraux communs aux lois nationales pour autant qu'ils ne contreviennent pas au présent règlement.

3. Les dispositions du droit national des sociétés du siège de la SPE ne s'appliquent que dans les cas où le présent règlement y renvoie expressément.

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DOCUMENT III : Règlement CE n°2157/2001 relatif au statut de la SE Règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la société européenne (SE) Journal officiel n° L 294 du 10/11/2001 p. 0001 – 0021 EXTRAITS (1) L'achèvement du marché intérieur et l'amélioration de la situation économique et sociale qu'il entraîne dans l'ensemble de la Communauté impliquent, outre l'élimination des entraves aux échanges, une adaptation des structures de production à la dimension de la Communauté. À cette fin, il est indispensable que les entreprises dont l'activité n'est pas limitée à la satisfaction de besoins purement locaux puissent concevoir et entreprendre la réorganisation de leurs activités au niveau communautaire. (2) Une telle réorganisation suppose que les entreprises existantes d'États membres différents aient la faculté de mettre en commun leur potentiel par voie de fusion. De telles opérations ne peuvent être réalisées que dans le respect des règles de concurrence du traité. (3) La réalisation d'opérations de restructuration et de coopération impliquant des entreprises d'États membres différents se heurte à des difficultés d'ordre juridique, psychologique et fiscal. Le rapprochement du droit des sociétés des États membres par voie de directives fondées sur l'article 44 du traité est de nature à remédier à certaines de ces difficultés. Ce rapprochement ne dispense toutefois pas les entreprises relevant de législations différentes de choisir une forme de société régie par une législation nationale déterminée. (4) Le cadre juridique dans lequel les entreprises doivent exercer leurs activités dans la Communauté reste principalement fondé sur des législations nationales et ne correspond donc plus au cadre économique dans lequel elles doivent se développer pour permettre la réalisation des objectifs énoncés à l'article 18 du traité. Cette situation entrave considérablement le regroupement entre sociétés d'États membres différents. (5) Les États membres sont tenus de veiller à ce que les dispositions applicables aux sociétés européennes en vertu du présent règlement n'aboutissent ni à des discriminations résultant de l'application d'un traitement différent injustifié aux sociétés européennes par rapport aux sociétés anonymes, ni à des restrictions disproportionnées à la formation d'une société européenne ou au transfert de son siège statutaire. (6) Il est essentiel de faire en sorte, dans toute la mesure du possible, que l'unité économique et l'unité juridique de l'entreprise dans la Communauté coïncident. Il convient à cet effet de prévoir la création, à côté des sociétés relevant d'un droit national donné, de sociétés dont la constitution et les activités sont régies par le droit résultant d'un règlement communautaire directement applicable dans tous les États membres. (7) Les dispositions d'un tel règlement permettront la création et la gestion de sociétés de dimension européenne en dehors de toute entrave résultant de la disparité et de l'application territoriale limitée du droit national des sociétés. (8) Le statut de la société anonyme européenne (ci-après dénommée "SE") figure parmi les actes que le Conseil devait adopter avant 1992 aux termes du Livre blanc de la Commission sur l'achèvement du marché intérieur qui a été approuvé par le Conseil européen qui s'est réuni en juin 1985 à Milan. Lors de sa réunion de Bruxelles en 1987, le Conseil européen a manifesté le souhait qu'un tel statut soit rapidement mis en place. (9) Depuis que la Commission a présenté, en 1970, une proposition, modifiée en 1975, de règlement portant un statut des sociétés anonymes européennes, les travaux portant sur le rapprochement du droit national des sociétés ont notablement progressé, de sorte que, dans des domaines où le fonctionnement d'une SE n'exige pas de règles communautaires

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uniformes, il peut être renvoyé à la législation régissant les sociétés anonymes de l'État membre du siège statutaire de la SE. (10) L'objectif essentiel poursuivi par le régime juridique régissant la SE exige, au minimum, sans préjudice des nécessités économiques qui pourraient apparaître à l'avenir, qu'une SE puisse être constituée aussi bien pour permettre à des sociétés d'États membres différents de fusionner ou de créer une société holding que pour donner la possibilité à des sociétés et à d'autres personnes morales exerçant une activité économique et relevant du droit d'États membres différents de créer des filiales communes. (11) Dans le même esprit, il convient de permettre à une société anonyme ayant son siège statutaire et son administration centrale dans la Communauté de se transformer en SE sans passer par une dissolution, à condition que cette société ait une filiale dans un État membre autre que celui de son siège statutaire. (12) Les dispositions nationales applicables aux sociétés anonymes qui proposent leurs titres au public ainsi qu'aux transactions de titres doivent également s'appliquer lorsque la SE est constituée par la voie d'une offre de titres au public ainsi qu'aux SE qui souhaitent faire usage de ce type d'instruments financiers. (13) La SE elle-même doit avoir la forme d'une société de capitaux par actions, qui répond le mieux, du point de vue du financement et de la gestion, aux besoins d'une entreprise exerçant ses activités à l'échelle européenne. Pour assurer que ces sociétés ont une dimension raisonnable, il convient de fixer un capital minimum de sorte qu'elles disposent d'un patrimoine suffisant, sans pour autant entraver les constitutions de SE par des petites et moyennes entreprises. (14) Une SE doit faire l'objet d'une gestion efficace et d'une surveillance adéquate. Il y a lieu de tenir compte du fait qu'il existe actuellement dans la Communauté deux systèmes différents pour ce qui concerne l'administration des sociétés anonymes. Il convient, tout en permettant à la SE de choisir entre les deux systèmes, d'opérer une délimitation claire entre les responsabilités des personnes chargées de la gestion et de celles chargées de la surveillance. (15) En vertu des règles et des principes généraux du droit international privé, lorsqu'une entreprise contrôle une autre entreprise relevant d'un ordre juridique différent, ses droits et obligations en matière de protection des actionnaires minoritaires et des tiers sont régis par le droit dont relève l'entreprise contrôlée, sans préjudice des obligations auxquelles l'entreprise qui exerce le contrôle est soumise en vertu des dispositions du droit dont elle relève, par exemple en matière d'établissement de comptes consolidés. (16) Sans préjudice des conséquences de toute coordination ultérieure du droit des États membres, une réglementation spécifique pour la SE n'est actuellement pas requise dans ce domaine. Il convient dès lors que les règles et principes généraux du droit international privé s'appliquent tant dans le cas où la SE exerce le contrôle que dans le cas où la SE est la société contrôlée. (17) Il y a lieu de préciser le régime effectivement applicable dans le cas où la SE est contrôlée par une autre entreprise et de renvoyer à cet effet au droit applicable aux sociétés anonymes dans l'État membre du siège statutaire de la SE. (18) Chaque État membre doit être tenu d'appliquer, pour les infractions aux dispositions du présent règlement, les sanctions applicables aux sociétés anonymes relevant de sa législation. (19) Les règles relatives à l'implication des travailleurs dans la SE font l'objet de la directive 2001/86/CE du Conseil du 8 octobre 2001 complétant le statut de la société européenne pour ce qui concerne l'implication des travailleurs(4). Ces dispositions forment dès lors un complément indissociable du présent règlement et elles doivent être appliquées de manière concomitante. (20) Le présent règlement ne couvre pas d'autres domaines du droit tels que la fiscalité, la concurrence, la propriété intellectuelle, ou l'insolvabilité. Par conséquent, les dispositions du

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droit des États membres et du droit communautaire sont applicables dans ces domaines, ainsi que dans d'autres domaines non couverts par le présent règlement. (21) La directive 2001/86/CE vise à assurer aux travailleurs un droit d'implication en ce qui concerne les questions et décisions affectant la vie de la SE. Les autres questions relevant du droit social et du droit du travail, notamment le droit à l'information et à la consultation des travailleurs tel qu'il est organisé dans les États membres, sont régies par les dispositions nationales applicables, dans les mêmes conditions, aux sociétés anonymes. (22) L'entrée en vigueur du règlement doit être différée pour permettre à chaque État membre de transposer en droit national les dispositions de la directive 2001/86/CE et de mettre en place au préalable les mécanismes nécessaires pour la constitution et le fonctionnement des SE ayant leur siège statutaire sur son territoire, de sorte que le règlement et la directive puissent être appliqués de manière concomitante. (23) Une société n'ayant pas son administration centrale dans la Communauté doit être autorisée à participer à la constitution d'une SE à condition qu'elle soit constituée selon le droit d'un État membre, qu'elle ait son siège statutaire dans cet État membre et qu'elle ait un lien effectif et continu avec l'économie d'un État membre conformément aux principes établis dans le programme général de 1962 pour la suppression des restrictions à la liberté d'établissement. Un tel lien existe notamment si la société a un établissement dans l'État membre à partir duquel elle mène des opérations. (24) Une SE doit avoir la possibilité de transférer son siège statutaire dans un autre État membre. La protection appropriée des intérêts des actionnaires minoritaires qui s'opposent au transfert des créanciers et des titulaires d'autres droits doit s'inscrire dans des limites raisonnables. Le transfert ne doit pas affecter les droits nés avant le transfert. (25) Le présent règlement ne préjuge pas les dispositions qui seront éventuellement insérées dans la Convention de Bruxelles de 1968 ou dans tout texte adopté par les États membres ou par le Conseil qui se substituerait à cette convention, concernant les règles de compétence applicables en cas de transfert du siège statutaire d'une société anonyme d'un État membre vers un autre. (26) Les activités des établissements financiers sont régies par des directives spécifiques et les dispositions nationales transposant lesdites directives et les règles nationales supplémentaires régissant lesdites activités sont pleinement applicables à une SE. (27) Compte tenu de la nature spécifique et communautaire de la SE, le régime du siège réel retenu pour la SE par le présent règlement ne porte pas préjudice aux législations des États membres et ne préjuge pas les choix qui pourront être faits pour d'autres textes communautaires en matière de droit des sociétés. (28) Le traité ne prévoit pas, pour l'adoption du présent règlement, d'autres pouvoirs d'action que ceux de l'article 308. (29) Étant donné que les objectifs de l'action envisagée, tels qu'esquissés ci-dessus, ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres dans la mesure où il s'agit d'établir la SE au niveau européen et peuvent donc, en raison de l'échelle et de l'incidence de celle-ci, être mieux réalisés au niveau communautaire, la Communauté peut prendre des mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l'article 5 du traité. Conformément au principe de proportionnalité tel qu'énoncé audit article, le présent règlement n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs, A ARRÊTÉ LE PRÉSENT RÈGLEMENT: Article 7 Le siège statutaire de la SE est situé à l'intérieur de la Communauté, dans le même État membre que l'administration centrale. Un État membre peut en outre imposer aux SE immatriculées sur son territoire l'obligation d'avoir leur administration centrale et leur siège statutaire au même endroit.

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Article 8 1. Le siège statutaire de la SE peut être transféré dans un autre État membre conformément aux paragraphes 2 à 13. Ce transfert ne donne lieu ni à dissolution ni à création d'une personne morale nouvelle. 2. Un projet de transfert doit être établi par l'organe de direction ou d'administration et faire l'objet d'une publicité conformément à l'article 13, sans préjudice de formes de publicité additionnelles prévues par l'État membre du siège. Ce projet mentionne la dénomination sociale, le siège statutaire et le numéro d'immatriculation actuels de la SE et comprend: a) le siège statutaire envisagé pour la SE; b) les statuts envisagés pour la SE, y compris, le cas échéant, sa nouvelle dénomination sociale; c) les conséquences que le transfert pourrait avoir pour l'implication des travailleurs dans la SE; d) le calendrier envisagé pour le transfert; e) tous les droits prévus en matière de protection des actionnaires et/ou des créanciers. 3. L'organe de direction ou d'administration établit un rapport expliquant et justifiant les aspects juridiques et économiques du transfert et expliquant les conséquences du transfert pour les actionnaires, les créanciers et les travailleurs. 4. Les actionnaires et les créanciers de la SE ont, au moins un mois avant l'assemblée générale appelée à se prononcer sur le transfert, le droit d'examiner, au siège de la SE, le projet de transfert et le rapport établi en application du paragraphe 3, et d'obtenir gratuitement, à leur demande, des copies de ces documents. 5. Un État membre peut adopter, en ce qui concerne les SE immatriculées sur son territoire, des dispositions destinées à assurer une protection appropriée aux actionnaires minoritaires qui se sont prononcés contre le transfert. 6. La décision de transfert ne peut intervenir que deux mois après la publication du projet. Elle doit être prise dans les conditions prévues à l'article 59. 7. Avant que l'autorité compétente ne délivre le certificat visé au paragraphe 8, la SE doit prouver qu'en ce qui concerne les créances nées antérieurement à la publication du projet de transfert, les intérêts des créanciers et titulaires d'autres droits envers la SE (y compris ceux des entités publiques) bénéficient d'une protection adéquate conformément aux dispositions prévues par l'État membre où la SE a son siège statutaire avant le transfert. Un État membre peut étendre l'application du premier alinéa aux créances nées (ou susceptibles de naître) avant le transfert. Le premier et le deuxième alinéas sont sans préjudice de l'application aux SE de la législation nationale des États membres en ce qui concerne le désintéressement ou la garantie des paiements en faveur des entités publiques. 8. Dans l'État membre du siège statutaire de la SE, un tribunal, un notaire ou une autre autorité compétente délivre un certificat attestant d'une manière concluante l'accomplissement des actes et des formalités préalables au transfert. 9. La nouvelle immatriculation ne peut s'effectuer que sur présentation du certificat visé au paragraphe 8 ainsi que sur preuve de l'accomplissement des formalités exigées pour l'immatriculation dans le pays du nouveau siège statutaire. 10. Le transfert du siège statutaire de la SE, ainsi que la modification des statuts qui en résulte, prennent effet à la date à laquelle la SE est immatriculée, conformément à l'article 12, au registre du nouveau siège. 11. Lorsque la nouvelle immatriculation de la SE a été effectuée, le registre de la nouvelle immatriculation le notifie au registre de l'ancienne immatriculation. La radiation de l'ancienne immatriculation s'effectue dès réception de la notification, mais pas avant.

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12. La nouvelle immatriculation et la radiation de l'ancienne immatriculation sont publiées dans les États membres concernés conformément à l'article 13. 13. La publication de la nouvelle immatriculation de la SE rend le nouveau siège statutaire opposable aux tiers. Toutefois, tant que la publication de la radiation de l'immatriculation au registre du précédent siège n'a pas eu lieu, les tiers peuvent continuer de se prévaloir de l'ancien siège, à moins que la SE ne prouve que ceux-ci avaient connaissance du nouveau siège. 14. La législation d'un État membre peut prévoir, en ce qui concerne les SE immatriculées dans celui-ci, qu'un transfert du siège statutaire, dont résulterait un changement du droit applicable, ne prend pas effet si, dans le délai de deux mois visé au paragraphe 6, une autorité compétente de cet État s'y oppose. Cette opposition ne peut avoir lieu que pour des raisons d'intérêt public. Lorsqu'une SE est soumise au contrôle d'une autorité nationale de surveillance financière conformément aux directives communautaires, le droit de s'opposer au transfert du siège statutaire s'applique également à cette autorité. L'opposition est susceptible de recours devant une autorité judiciaire. 15. Une SE à l'égard de laquelle a été entamée une procédure de dissolution, de liquidation, d'insolvabilité, de suspension de paiements ou d'autres procédures analogues ne peut transférer son siège statutaire. 16. Une SE qui a transféré son siège statutaire dans un autre État membre est considérée, aux fins de tout litige survenant avant le transfert tel qu'il est déterminé au paragraphe 10, comme ayant son siège statutaire dans l'État membre où la SE était immatriculée avant le transfert, même si une action est intentée contre la SE après le transfert. Article 9 1. La SE est régie: a) par les dispositions du présent règlement; b) lorsque le présent règlement l'autorise expressément, par les dispositions des statuts de la SE, ou c) pour les matières non réglées par le présent règlement ou, lorsqu'une matière l'est partiellement, pour les aspects non couverts par le présent règlement par: i) les dispositions de loi adoptées par les États membres en application de mesures communautaires visant spécifiquement les SE; ii) les dispositions de loi des États membres qui s'appliqueraient à une société anonyme constituée selon le droit de l'État membre dans lequel la SE a son siège statutaire; iii) les dispositions des statuts de la SE, dans les mêmes conditions que pour une société anonyme constituée selon le droit de l'État membre dans lequel la SE a son siège statutaire. 2. Les dispositions de loi adoptées par les États membres spécifiquement pour la SE doivent être conformes aux directives applicables aux sociétés anonymes figurant à l'annexe I. 3. Si la nature des activités exercées par une SE est régie par des dispositions spécifiques de la législation nationale, celles-ci s'appliquent intégralement à la SE. Article 10 Sous réserve des dispositions du présent règlement, une SE est traitée dans chaque État membre comme une société anonyme constituée selon le droit de l'État membre dans lequel la SE a son siège statutaire. Article 59 1. La modification des statuts requiert une décision de l'assemblée générale prise à une majorité qui ne peut être inférieure aux deux tiers des voix exprimées, à moins que la loi applicable aux sociétés anonymes relevant du droit de l'État membre du siège statutaire de la SE ne prévoie ou ne permette une majorité plus élevée.

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2. Toutefois, un État membre peut prévoir que, lorsque la moitié au moins du capital souscrit est représentée, une majorité simple des voix indiquées au paragraphe 1 est suffisante. 3. Toute modification des statuts de la SE fait l'objet d'une publicité conformément à l'article 13. Article 64 1. Lorsqu'une SE ne remplit plus l'obligation de l'article 7, l'État membre dans lequel la SE a son siège statutaire prend les mesures appropriées pour obliger la SE à régulariser la situation dans un délai déterminé: a) soit en rétablissant son administration centrale dans l'État membre du siège; b) soit en procédant au transfert du siège statutaire par la procédure prévue à l'article 8. 2. L'État membre du siège prend les mesures nécessaires pour assurer qu'une SE qui ne régulariserait pas sa situation, conformément au paragraphe 1, soit mise en liquidation. 3. L'État membre du siège statutaire institue un recours juridictionnel contre tout constat d'infraction à l'article 7. Ce recours a un effet suspensif sur les procédures prévues aux paragraphes 1 et 2. 4. Lorsqu'il est constaté, soit à l'initiative des autorités, soit à l'initiative de toute partie intéressée, qu'une SE a son administration centrale sur le territoire d'un État membre en infraction à l'article 7, les autorités de cet État membre en informent sans délai l'État membre où est situé le siège statutaire de la SE. Article 69 Au plus tard cinq ans après l'entrée en vigueur du présent règlement, la Commission présente au Conseil et au Parlement européen un rapport sur l'application du règlement et, le cas échéant, des propositions de modifications. Le rapport examine en particulier s'il convient: a) de permettre à une SE d'avoir son administration centrale et son siège statutaire dans des États membres différents; b) d'élargir la définition de la fusion prévue à l'article 17, paragraphe 2, afin d'inclure également des types de fusion autres que ceux définis à l'article 3, paragraphe 1, et à l'article 4, paragraphe 1, de la directive 78/855/CEE; c) de réviser la règle de compétence figurant à l'article 8, paragraphe 16, à la lumière de toute disposition qui aura pu être insérée dans la convention de Bruxelles de 1968 ou de tout texte remplaçant cette convention qui serait adopté par les États membres ou par le Conseil; d) de permettre qu'un État membre autorise, dans la législation qu'il adopte conformément aux pouvoirs conférés par le présent règlement ou pour assurer l'application effective du présent règlement à une SE, l'insertion, dans les statuts de la SE, de dispositions qui dérogent à ladite législation ou qui la complètent, alors même que des dispositions de ce type ne seraient pas autorisées dans les statuts d'une société anonyme ayant son siège dans l'État membre en question.

127

ANNEXE II : La consultation de la Commission sur les orientations du futur projet de proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le transfert transfrontalier du siège statutaire des sociétés de capitaux

DOCUMENT I : Lancement de la consultation

IP/04/270

Brussels, 26th February 2004

Company law: Commission consults on the cross border transfer of companies' registered offices

The European Commission has launched an Internet consultation on the outline of the planned proposal for a Directive on the right of limited companies to transfer their registered office from one Member State to another. Two previous public consultation exercises, as well as the case law of the Court of Justice, have highlighted a need for clear EU framework legislation on this issue, so that companies can exercise their rights in the Internal Market. Those interested are invited to respond by 15 April 2004 to a quick and user-friendly questionnaire, using the Commission's Interactive Policy Making system and available through the Commission's dedicated consultation site "Your Voice in Europe" at:

http://europa.eu.int/yourvoice/consultations .

Internal Market Commissioner Frits Bolkestein said "I encourage all businesses, associations and lawyers with an interest in company law to respond to this consultation. We need to make it as easy as possible for companies to transfer their registered office while making sure that third parties, including creditors, are protected. This consultation exercise will give us the chance to listen to the views of those affected before coming up with a detailed proposal."

The planned Directive would enable companies to transfer their registered office from the Member State where they are registered (the "home" Member State) to another Member State (the "host" Member State), under an appropriate procedure providing legal certainty. A company transferring its registered office would be registered in the host Member State and would acquire a legal identity there, while at the same time being removed from the register in its home Member State and giving up its legal identity there.

If necessary, companies would have to adapt their structures and assets in order to meet the substantive and formal conditions required for registration in the host Member State. However, they would not be obliged to go through liquidation proceedings in their home Member State or to create a new company in the host Member State.

The Commission will address the question of employee participation in the decision making bodies of the company whose registered office is transferred. This matter should be easier to resolve than in the case of cross-border mergers on which the Commission put forward a new proposal for a Directive in November 2003 (see IP/03/1564, MEMO/03/233), after a previous

128

proposal was blocked for many years - since the transfer of registered office concerns only one company.

According to the outline proposal on which the Commission is now consulting, employee participation in companies transferring their registered office would be governed by the national law of the host Member State.

However, where such participation is already provided for by law or by agreement in a more extensive form in the home country it would have to be maintained, unless new arrangements could be negotiated and agreed between the company and its employees. Each home Member State would be free to adopt its own measures governing these negotiations.

How to respond

By using its Interactive Policy Making (IPM) consultation tool for this exercise and by providing a specific set of questions, the Commission is making it as easy and time efficient as it possibly can for users to respond. IPM (see IP/01/519) aims to improve governance by using the Internet for collecting and analysing reactions.

This consultation is open until 15 April 2004. The results will be taken into account in the preparation of the proposal for a Directive, which is likely to be presented in September 2004.

Business associations, chambers of commerce, Bar associations and Law Societies, and other interested parties are invited to reply to the questionnaire and to inform their members about the consultation. All replies will contribute to improving company law in all Member States.

Stakeholders will find a presentation and links to the questionnaire on the Commission's "Your Voice in Europe" Internet site at:

http://europa.eu.int/yourvoice/index_en.htm

Your Voice in Europe is a recently relaunched one-stop shop giving access to Commission consultations and their results across all policy areas.

The results of the consultation will be published on the same site in June 2004. The statistical reports on the responses will be available by July 2004. More detailed qualitative analyses of the results will be available at a later date.

Background

Two public consultation exercises in 1997 and 2002 highlighted a pressing need on the part of market operators for legislation at EU level allowing companies to transfer their registered office from one Member State to another without first having to be wound up in their home Member State. The advantage to be gained by a company from transferring its registered office stems from the twofold need for the company:

• to be able to adapt its location or organisational structure both to market changes and to changes in its position on those markets;

• to be relieved of the obligation, when carrying out such adaptation, to go through liquidation proceedings.

129

The Court of Justice has consistently held (Cases 79/85 Segers, C 212/97 Centros and C 167/01 Inspire Art), that, save where an abuse is found to have been committed in individual cases, a company may be formed in a particular Member State even if that company conducts its activities entirely or mainly in another Member State.

In its final report of 4 November 2002 (see IP/02/1600), the High-Level Group of Company Law Experts appointed by the Commission recommended that the Commission should urgently consider adopting a proposal for a Directive on the transfer of companies' registered offices.

The Commission, in its Action Plan on modernising company law and enhancing corporate governance of 21 May 2003 (see IP/03/716 and MEMO/03/112), undertook to adopt such a proposal for a Directive in the near future.

130

DOCUMENT II : Consultation publique sur les orientations du futur projet de proposition de directive du Parlement européen et du Conseil

concernant le transfert transfrontalier du siège statutaire des sociétés de capitaux : les résultats obtenus

Basic information Total Responses : 127 on 127

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Individu 74 Organisation 52

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Cabinet d'avocats 21 Citoyen 20 Entreprise 20 Université, faculté, institut de recherche 20

autre: 20 Association professionnelle 18

Pouvoir public 5 Syndicat 2

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Autre: 11 Banque 4 Assurance 4 Entreprise d'investissement 0

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500+ 13 1-9 2 50-249 2 10-49 1 250-499 1

131

0 0

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Services financiers 11 Fabrication de machines et d'équipements

1

Equipements électriques et électroniques

1

Récupération 1 Hôtels, restaurants, tourisme et agences de voyage

1

Postes and Télécommunication 1

Activités comptables 1 Conseil pour la gestion 1 Agriculture, chasse, sylviculture 0

Industries extractives 0 Industrie alimentaire 0 Industrie textile, du cuir et habillement 0

Bois, papier, édition et imprimerie 0

Industrie chimique, du caoutchouc et des plastiques/ciment/fibres synthétiques

0

Industrie pharmaceutique 0

Métallurgie/acier 0 Industrie automobile 0 Autres matériels de transport / Autres industries manufacturières

0

Production et distribution d'électricité, de gaz et d'eau

0

Construction 0 Commerce de gros 0 Commerce de détail 0 Transports 0 Immobilier, location 0 Activités informatiques 0 Activités juridiques 0 Activités d'architecture et d'ingénierie 0

Publicité 0

132

Sélection et fourniture de personnel 0

Autres services aux entreprises 0

Culture, sport, media et divertissement 0

Education et formation; Recherche et développement

0

Santé et action sociale 0 Administration publique / autres organisations 0

Services personnels 0

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DE - Allemagne 52 FR - France 21 NL - Pays-Bas 9 BE - Belgique 7 ES - Espagne 6 UK - Royaume-Uni 5

FI - Finlande 4 PT - Portugal 4 AT - Autriche 3 EL - Grèce 3 IT - Italie 3 CZ - République tchèque 2

EE - Estonie 2 autre: 2 DK - Danemark 1 IE - Irlande 1 SV - Suède 1 LU - Luxembourg 0 CY - Chypre 0 HU - Hongrie 0 LT - Lituanie 0 LV - Lettonie 0 MT - Malte 0 PL - Pologne 0 SK - Slovaquie 0 SL - Slovénie 0

Questions Total Responses : 127 on 127

133

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Tout à fait d'accord 84

Plutôt d'accord 36 Pas du tout d'accord 3

Plutôt pas d'accord 2

Ne sais pas 1

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Tout à fait d'accord 92 Plutôt d'accord 25 Plutôt pas d'accord 7

Ne sais pas 2 Pas du tout d'accord 0

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Tout à fait d'accord 86

Plutôt d'accord 34 Plutôt pas d'accord 3

Ne sais pas 2 Pas du tout d'accord 1

134

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Tout à fait d'accord 88 Plutôt d'accord 34 Plutôt pas d'accord 3

Ne sais pas 1 Pas du tout d'accord 0

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Tout à fait d'accord 58

Plutôt d'accord 48 Pas du tout d'accord 12

Plutôt pas d'accord 7

Ne sais pas 1

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Tout à fait d'accord 51

Plutôt d'accord 39 Plutôt pas d'accord 28

Pas du tout d'accord 4

Ne sais pas 4

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Plutôt d'accord 52

135

Tout à fait d'accord 49

Plutôt pas d'accord 18

Pas du tout d'accord 5

Ne sais pas 2

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compulsory

Tout à fait d'accord 66

Plutôt d'accord 32 Plutôt pas d'accord 20

Pas du tout d'accord 4

Ne sais pas 4

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Tout à fait d'accord 65

Plutôt d'accord 41 Plutôt pas d'accord 12

Pas du tout d'accord 4

Ne sais pas 4

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Tout à fait d'accord 93 Plutôt d'accord 28

136

Plutôt pas d'accord 2

Ne sais pas 2 Pas du tout d'accord 1

���!!"�#�������������������� ���(��������������������������9������������������������� ���������)�����������������������������)�����������������������(���������������������������������������������������������������� ���������� ���(�����������

���������"�compulsory

Tout à fait d'accord 65

Plutôt d'accord 34 Plutôt pas d'accord 17

Pas du tout d'accord 7

Ne sais pas 3

���!+"�#������ %������� �,��� ������������������-���������� ������������ �������� ���������(���������������������������� ����

���� ���������(��������������������"�compulsory

Tout à fait d'accord 98 Plutôt d'accord 23

Pas du tout d'accord 2

Ne sais pas 2 Plutôt pas d'accord 1

���!."�#������ %������� �,��� ���������������������������� ������ ����������������������� ���������� ���(��������������������"�

compulsory

137

Tout à fait d'accord 87 Plutôt d'accord 24 Plutôt pas d'accord 8

Ne sais pas 5 Pas du tout d'accord 2

���!/"�#������ %������� �,��� ������������������ ������� �����������������������������������������������%� ����'������������������������������78:/./:�((�������� �%� ��� ����� %�������,�� '��� � �� ��� '��� ������� �������% ������ ���$���� ��������� �

������ ������ � ������ ���(��� ������� ���%%����� "�compulsory

Tout à fait d'accord 86 Plutôt d'accord 26 Plutôt pas d'accord 6

Ne sais pas 6 Pas du tout d'accord 2

���!0"�#������������������ ������������ � ��������������������������������������(��������������������"������%�� '���� ���������&� �����)*���� �����%�������� ����%�����'� ��������� ���������������������������'���� ���� ��������������������� ���������� %�������� %������������� ��� �,��� ���������'������ ������������������������������������ ������� ������� �� "��$�����(�������������������������������������������������� ��� ��� �������� �

���� ���� ����� ������ ������������ "�compulsory

Tout à fait d'accord 35 Plutôt d'accord 30 Plutôt pas d'accord 25 Pas du tout d'accord 22 Ne sais pas 14

Thank you for taking part. Total Responses : 127 on 127

���;������ ���� ������� �����������compulsory

Il a

138

répondu à mes attentes

105

Il n'a pas répondu à mes attentes

21

��� ���������field optional

Trop général 8 Trop court 7 Contenu non pertinent 2 Trop long 1 Trop technique 1 Trop difficile à comprendre 1

139

DOCUMENT III : Réponse du CCBE à la consultation de la Commission Européenne sur le transfert transfrontalier du siège statutaire des

sociétés

Conseil des Barreaux de l’Union européenne

Council of the Bars and Law Societies of the European Union association internationale sans but lucratif

Av de la Joyeuse Entrée 1-5 – B 1040 Brussels – Belgium Tel.+32 (0)2 234 65 10 – Fax.+32 (0)2 234 65 11/12

E-mail [email protected] – www.ccbe.org Représentant les avocats d’Europe

Representing Europe’s lawyers

Réponse du CCBE à la consultation de la Commission Européenne sur le transfert

transfrontalier du siège statutaire des sociétés

Le Comité Droit des Sociétés du CCBE a examiné votre document de consultation publique sur les orientations du projet de proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur le transfert transfrontalier du siège statutaire d’une société. Le CCBE représente plus de 700.000 avocats au travers de ses Barreaux membres. Les commentaires du CCBE faisant suite aux questions de la consultation en ligne sont les suivants. Le CCBE a répondu à la consultation en ligne de la Commission le 15 avril 2004. Cependant, le CCBE juge utile de présenter de nouveaux commentaires cette fois plus détaillés à la Commission. Le CCBE accueille favorablement toute proposition qui permet aux sociétés de transférer leur siège statutaire dans un autre Etat membre et d’acquérir la personnalité juridique dans cet autre Etat membre à la place de la personnalité juridique d’origine acquise dans l’Etat membre d’origine sans devoir procéder à une mise en liquidation dans cet Etat à condition que les associés, créanciers et tiers soient protégés de manière adéquate. Le CCBE souhaiterait émettre les commentaires suivants : 1. Le CCBE accepte le fait que la directive devrait couvrir toutes les formes de sociétés de capitaux à savoir toutes les entités juridiques qui jouissent de la personnalité juridique et possèdent un patrimoine séparé qui répond à lui seul des dettes de la société. Cependant, il conviendrait de savoir si d’autres entités juridiques semblables, par exemple des organisations coopératives, des sociétés en commandite simple et des fondations, doivent également bénéficier de cette proposition de directive. Il s’avérerait donc approprié de faire figurer dans la directive, outre une définition des sociétés de capitaux, une liste des différents types d’entités qui pourraient bénéficier de la directive et que chacun des Etats membres propose alors les entités à inclure pour ce qui le concerne. 2. La décision de transférer le siège statutaire dans un autre Etat membre devrait être prise par la société lors de l’assemblée générale conformément aux règles et procédures existantes dans l’Etat membre d’origine relatives à la modification des statuts de la société.

140

3. L’assemblée générale devrait prendre sa décision en se basant sur une proposition de transfert qui contiendrait la forme juridique, le nom, le siège statutaire et les statuts prévus pour la société dans l’Etat membre d’accueil ainsi que le calendrier envisagé. 4. La proposition de transfert devrait être adéquatement publiée, par exemple dans les journaux d’annonce légale de l’Etat membre d’origine. Dans ce contexte, nous faisons référence aux dispositions de la première directive du Conseil sur la publicité. 5. Les membres, les créanciers et s’il en existe, les représentants des employés devraient disposer d’un délai suffisant pour examiner la proposition de transfert et de toute façon la proposition devrait être publiée dans un journal. 6. La décision de transférer le siège statutaire dans un autre Etat membre devrait s’accompagner d’une modification de la structure et du patrimoine de la société afin de remplir toutes les conditions de substance et de forme requises pour l’immatriculation et l’acquisition de la personnalité juridique dans l’Etat membre d’accueil. La forme juridique de la société qui sera adoptée dans l’Etat membre d’accueil devra également être spécifiée. 7. Les Etats membres devraient être autorisés sans toutefois être obligés d’adopter des mesures spécifiques visant à protéger les créanciers et les associés minoritaires qui s’opposent au transfert. C’est pourquoi les conditions de la directive devraient avoir une portée générale tout en permettant aux Etats membres d’inclure des exigences plus rigoureuses s’ils le souhaitent. 8. L’Etat membre d’origine devrait être chargé de vérifier la légalité de la décision de transférer le siège statutaire dans un autre Etat membre et une réflexion sur ce point s’impose quant à la forme que devra prendre cette vérification. 9. L’obligation devrait incomber à l’Etat membre d’accueil de vérifier que la société qui transfère son siège statutaire remplit les conditions de substance et de forme pour l’immatriculation et l’acquisition de la personnalité juridique en vertu du droit national. Le cas échéant, il devrait contrôler que les modifications apportées aux statuts sont suffisantes. 10. La société devrait rester immatriculée dans son Etat membre d’origine jusqu’au moment où elle est immatriculée dans l’Etat membre d’accueil et les Etats membres devraient être tenus de coopérer afin que la société soit immatriculée dans l’Etat membre d’accueil et radiée dans l’Etat membre d’origine. Cependant, il faudrait, par exemple, tenir compte des procédures judiciaires pendantes au moment du transfert du siège ou des risques d’action en justice alors existants et voir devant quelle juridiction ces futures procédures pourraient être conduites. Il faudrait pouvoir définir clairement le fait que les tribunaux devant lesquels des affaires sont en cours restent compétents et que les procédures ne sont pas affectées par le transfert du siège et que des procédures peuvent toujours avoir lieu sur la base du droit qui s’appliquait à la société à l’époque où les causes de l’action en justice sont apparues. 11. Il convient également qu’il continue à y avoir une entrée dans le registre de l’Etat membre d’origine (plutôt qu’une radiation totale du registre de l’Etat membre d’origine) avec une information relativement basique, ne donnant par exemple que les coordonnées de l’Etat membre où la société s’est installée et son numéro là-bas. Il faudrait également prévoir une période après l’immatriculation dans l’Etat membre d’accueil au cours de laquelle tous les renseignements sur l’immatriculation disponibles dans l’Etat membre d’origine devraient être

141

mis à disposition avec de brefs détails sur la nouvelle immatriculation (nom de l’Etat membre en question et numéro d’identification) (ou peut-être même le dépôt dans l’Etat membre d’origine de chaque document pendant par exemple 3 ans précédant la nouvelle immatriculation). 12. Le transfert du siège statutaire devrait être noté dans le registre des deux Etats membres. 13. Il importe que le transfert du siège statutaire n’entraîne pas la mise en liquidation de la société dans l’Etat membre d’origine. 14. L’acte de transfert du siège statutaire devrait être soumis à une taxe neutre comme cela est stipulé dans la directive 90/434/CEE concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'États membres différents. 15. Quant à la question de la participation des travailleurs, le CCBE suggère qu’une approche semblable de cette question soit adoptée comme ce fut le cas dans le Règlement relatif au statut de la société européenne (SE) et la directive y relative quant à une SE résultant d’une fusion, et dans la proposition de directive sur les fusions transfrontalières.

142

ANNEXE III : Le transfert du siège social après l’adoption de la 14ème directive

Etat d’origine Etat d’accueil Le transfert336 du seul siège

statutaire sera-il permis après l’adoption de la

directive ?

Le transfert total du siège

sera-t-il permis après l’adoption de la directive ?

Le transfert du seul siège

effectif n’est pas concerné par la

directive. En l’état actuel du

droit les solutions sont :

Incorporation Incorporation OUI OUI OUI Incorporation Effectif NON337 OUI OUI338

Effectif Effectif NON339 OUI ? NON ?340 Effectif Incorporation OUI OUI OUI341

336 Transfert sans dissolution de la société ni création d’un être moral nouveau. 337 Réserve de l’art. 11-2 de la proposition. 338 Jurisprudence Überseering. 339 Réserve de l’art. 11-2 de la proposition. 340 Non, mais on peut penser que la jurisprudence Daily Mail a été infléchie et que la CJCE pouvait sanctionner des entraves à la sortie aussi. 341 Recours à la théorie du renvoi.

143

ANNEXE IV : Comparaison entre SE SPE et 14ème directive

Objet Société Européenne Proposition de 14ème directive 1997

Société Privée Européenne

Survie de la personnalité

morale

Art. 8§ 1 Art. 3 Art. 6 § 2

Projet de transfert Art. 8§ 2 Art. 4 Art. 6 § 2 al. 2 Rapport sur le

transfert Art. 8§ 3 Art. 5

Délai de prise de la décision

Art. 8§ 6 Art. 6 § 1

Conditions de majorité

Art. 59 Art. 6 § 2

Protection des minoritaires

Art. 8§ 5 Art. 7

Droits des créanciers

Art. 8§ 7 Art. 8

Certificat d’accomplissement

des formalités

Art. 8§ 8 Art. 9

Conditions pour l’immatriculation

Art. 8§ 9 Art. 10

Date du transfert Art. 8§ 10 Art. 11 § 1 Décalage entre

siège statutaire et siège réel

Art. 7 Art. 11 § 2 Art. 6 § 1

Radiation de l’immatriculation

d’origine

Art. 8§ 11 Art. 11 § 3

Opposabilité aux tiers

Art. 8§ 13 Art. 12

Restrictions pour les sociétés en liquidation / dissolution

Art. 8§ 15 Art. 13

Droits des actionnaires et des

créanciers

Art. 8§ 4 Art. 6 § 3

Droits de l’Etat de s’opposer au

transfert

Art. 8§ 14

Sanction du décalage entre siège réel et

statutaire après l’immatriculation

Art. 64 Art. 6 § 4

144

ANNEXE V : Transfert international du siège effectif

Etat d’origine

Etat d’accueil

Conflit de système

Rattachement juridique selon l’analyse juridique classique

Réserves Remarques relatives à la jurisprudence communautaire

Etat

d’incorporation

Etat

d’incorporation

NON

Etat de constitution

[pas de changement de la lex societatis]

Etat d’incorpora

tion

Etat de siège réel

OUI

Résolution en présence des

règles permettant la conciliation des systèmes

OUI Absence des

règles permettant la conciliation

Etat de constitution P.ex. France

_________________ Soumission à des règles du

droit des sociétés protectrices des tiers

(application distributive des règles)

P.ex. Portugal, Espagne, Belgique

Etat du siège effectif (=Etat d’accueil)

P.ex. Allemagne

France : -Invocation de la loi du siège réel

par un tiers -Application de la loi du siège réel par le juge

en cas de fraude

Allemagne : Dissolution à

l’Etat d’origine avec

reconstitution

Tous les pays : Loi du siège réel que si

RIIG et sous condition de respecter les principes de

proportionnalité et de

nécessité (cf. Inspire Art)

Allemagne : condamnation de la solution

au niveau communautaire (cf. Überseering)

Donc le transfert du

siège effectif est possible.

Etat de siège réel

Etat d’incorpor

ation

OUI Résolution

avec recours à la théorie du

renvoi

Etat de constitution [pas de changement de la

lex societatis]

-Invocation de la loi du siège réel

par un tiers

-Application de la loi du siège réel par le juge

en cas de fraude

On n’est pas certains si

l’application de la loi du siège

réel devra satisfaire aux

exigences de la CJCE :

l’entrave venant de

l’Etat d’origine

Etat de siège réel

Etat de siège réel

NON

Etat du siège effectif (= Etat d’accueil)

Mais, le transfert du siège

effectif doit être obligatoirement

accompagné avec le transfert du siège statutaire Donc, le transfert du seul

siège effectif n’est pas permis

Allemagne : Dissolution à

l’Etat d’origine avec

reconstitution France :

Survie de la personne morale en présence de

convention internationale

On est pas certains si le

refus est conforme au

droit communautaire

: le refus venant de

l’Etat d’origine.

145

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151

IV. JURISPRUDENCE :

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

o CJCE, 30 septembre 2003, Inspire Art Ltd, aff. C-167/01, Conclusions Conclusions de l'avocat général Alber présentées le 30 janvier 2003, sur CJCE : Kamer van Koophandel en Fabrieken voor Amsterdam contre Inspire Art Ltd.�Affaire C-167/01. Recueil de jurisprudence 2003 page 00000.� Notes DOM (J.-P.), « La liberté d’établissement des succursales : principes et limites ; note sous CJCE, 30 septembre 2003, Inspire Art Ltd, aff. C-167-01 », Rev. Sociétés, n°1, 2004, p.135. IDOT (L.), « La loi Néerlandaise sur les sociétés étrangères de pure forme contraire à l’article 43 TCE : note sous CJCE, 30 septembre 2003, Inspire Art Ltd, aff. C-167-01 », Rev. Europe, novembre 2003, p.27. LUBY (M.), « Liberté d’établissement et définition du statut juridique des sociétés ; note sous CJCE 30 septembre 2003, Inspire Art Ltd, aff. C-167/01», Bulletin Joly Sociétés, avril 2003, p. 466. MENJUCQ (M.), « Droit d’établissement communautaire des sociétés : la CJCE repousse encore les limites ; note sous CJCE 30 septembre 2003, Inspire Art Ltd, aff. C-167/01», Bulletin Joly Sociétés, décembre 2003, p.1310. PATAUT (E.), « Liberté d’établissement et droit international privé des sociétés : un pas de plus ; note sous CJCE 30 septembre 2003, Inspire Art », D. 2004, n°7, p.491.

o CJCE, 5 novembre 2002, Überseering BV, aff. C-208/00 Conclusions Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo COLOMER présentées le 4 décembre 2001, sur CJCE : Überseering BV contre Nordic Construction Company Baumanagement GmbH (NCC), Affaire C-208/00.�Recueil de jurisprudence 2002 page I-09919. Notes DUCOULOUX – FAVARD (C.), « Droit d’établissement et libre choix de l’ordonnancement juridique dans l’Union Européenne ; note sous CJCE, 5 novembre 2002, Überseering BV, aff. C-208/00 », Petites affiches, 24 février 2003, n°39, p.7. IDOT (L.), « L’exercice de la liberté d’établissement suppose nécessairement la reconnaissance desdites sociétés : note sous CJCE, 5 novembre 2002, Überseering BV, aff. C-208/00 », Rev. Europe, janvier 2003, p.20. LAGARDE (P.), « Note sous CJCE 5 novembre 2002, Überseering BV, aff. C-208/00 », Rev. crit. DIP, juillet – septembre 2003, p.524.

152

MENJUCQ (M.), « L’articulation du droit d’établissement communautaire et des droits nationaux relatifs au rattachement juridique des sociétés ; note sous CJCE 5 novembre 2002, Überseering BV, aff. C-208/00 », JCP G, n°9, 26 février 2003, p.359. NIBOYET (M.-L.), « Note sous CJCE 5 novembre 2002, Überseering BV, aff. C-208/00 », La gazette du Palais, Recueil, mai- juin 2003, sommaires de jurisprudence, p.1895.

o CJCE, 9 mars 1999, Centros Ltd et Erhvervs-og Selskabsstyrelsen, aff. C-212/97, Rec. 1999, p. I-1459,

Conclusions Conclusions de l’avocat général M. Antonio LA PERGOLA présentées le 16 juillet 1998, sur CJCE : Centros Ltd et Erhvervs-og Selskabsstyrelsen. Affaire C-212/97. Rec. 1999, p. I-1459. Notes DOM (J.-P.), « Note sous CJCE, 9 mars 1999, Centros Ltd et Erhvervs-og Selskabsstyrelsen, aff. C-212/97 », Bulletin Joly Sociétés 1999, p.705. LUBY (M.), « Observations sous CJCE, 9 mars 1999, Centros Ltd et Erhvervs-og Selskabsstyrelsen, aff. C-212/97 », RTD Com. 2000, p.482. LUBY (M.), « Observations sous CJCE, 9 mars 1999, Centros Ltd et Erhvervs-og Selskabsstyrelsen, aff. C-212/97», Clunet 2000, p.484. MENJUCQ (M.), « Note sous CJCE, 9 mars 1999, Centros Ltd et Erhvervs-og Selskabsstyrelsen, aff. C-212/97 », D. 1999, Jur. p.550. PARLEANI (G.), « Note sous CJCE, 9 mars 1999, Centros Ltd et Erhvervs-og Selskabsstyrelsen, aff. C-212/97 », Rev. Sociétés 1999, p. 386, spéc. p.391. REINHARD (Y.), « Observations sous CJCE, 9 mars 1999, Centros Ltd et Erhvervs-og Selskabsstyrelsen, aff. C-212/97 », JCP E 1999, p.1285, n°2.

o CJCE, 27 septembre 1988, The Queen/Treasury and Commissioners of Inland Revenue, ex parte Daily Mail and General Trust, aff. 81/87, Rec. 1988, p.5483.

Conclusions Conclusions de l’avocat général DARMON présentées le 7 juin 1988, sur CJCE : The Queen/Treasury and Commissioners of Inland Revenue, ex parte Daily Mail and General Trust. Affaire 81/87. Recueil de jurisprudence 1988 page 05483. Notes et Observations BOUTARD - LABARDE (C.), « Note sous CJCE, 27 septembre 1988, The Queen/Treasury and Commissioners of Inland Revenue, ex parte Daily Mail and General Trust, aff. 81/87 », JDI 1989, p.429. CARTOU (L.), « Observations sous CJCE, 27 septembre 1988, The Queen/Treasury and Commissioners of Inland Revenue, ex parte Daily Mail and General Trust, aff. 81/87 », RTD eur., 1989, p.260.

153

I N D E X A L P H A B E T I Q U E

(Les chiffres renvoient aux pages)

A

Abus de droit Autonomie procédurale..........................................102 Preuve

élément objectif, élément subjectif ...................103

C

Capital minimum Loi pour l'initiative économique ............................109

Centros Faits de l'arrêt...........................................................89

Changement de nationalité Modification des statuts ...........................................32 Perte de la personnalité juridique .............................43

D

Dissociation entre siége réel et siège statutaire Fraude (absence) ......................................................35

Droit communautaire Principe de subsidiarité ............................................19

E

Effet Delaware Risque de dérives ...................................................110

F

Fraude Manipulation du critère de rattachement ................101

G

Groupes de sociétés Détermination du siège effectif ................................28

H

Harmonisation par le bas Mise en concurrence des droits nationaux..............110

I

Inspire Art Faits de l'arrêt...........................................................94 Loi applicable à la société ......................................107

L

Loi applicable à la société Protection des tiers (individualisée/ généralisée) ... 106

M

Mobilité Définition................................................................. 10

P

Personnalité juridique Thèse de la fiction.................................................... 23 Thèse de la réalité .................................................... 24

Projet de 14ème directive Adaptation des statuts .............................................. 76 Compatibilité avec la jurisprudence de la CJCE...... 80 Consultation publique de la Commission ................ 81 Distinction entre le problème du transfert du siège

effectif et le problème du transfert du siège statutaire ............................................................. 83

Exercice du droit d'établissement............................. 11 Fiscalité du transfert du siège social ........................ 82 Modalités de transfert du siège social ...................... 74 Neutralité fiscale du transfert du siège..................... 76 Opposabilité du transfert du siège social aux tiers ... 75 Refus d'immatriculation de la société ayant transféré

son seul siège statutaire ...................................... 79 Transfert du siège social et application distributive des

lois ...................................................................... 74

R

Rapport d'experts en droit des sociétés Préférence de la théorie de l'incorporation............. 111

Reconnaissance des personnes morales Convention de Bruxelles de 1968.......................... 108

Reconnaissance des sociétés Convention de Bruxelles de 1968............................ 17

S

Société européenne Absence de coïncidence entre siège réel et siège

statutaire (sanction) ............................................ 65 Capital social minimum ........................................... 68 Coïncidence entre siège statutaire et siège effectif .. 65 Consécration du siège réel et compatibilité avec la

jurisprudence de la CJCE ................................... 66 Fiscalité du transfert du siège ................................. 64 Inconnue fiscale....................................................... 68 Modalités du transfert du siège social ..................... 61 Protection des actionnaires minoritaires .................. 62 Protection des créanciers ......................................... 63 Structure contraignante ........................................... 68

154

Transfert du siège et conditions de majorité ............60 Transfert du siège social et opposabilité aux tiers ...62 Transfert du siège social et survie de la personnalité

juridique..............................................................60 Société privée européenne

CCIP et MEDEF ......................................................69 PME .........................................................................70 groupes de sociétés...................................................70 Transfert du siège social et survie de la personnalité

juridique..............................................................71 Obligation de coïncidence entre siège réel et siège

statutaire .............................................................71 Absence de coïncidence entre le siège réel et statutaire

(sanction) ............................................................71 Sociétés

Assimilation aux personnes physiques.....................14 Changement de nationalité .......................................22 Définition .................................................................11

Système de l'incorporation Insécurité juridique ..................................................30 Pluralité de centres de décision ................................28 Reconnaissance des sociétés étrangères ...................27 Suppression du conflit mobile..................................27 Transfert du siège effectif ........................................44 Transfert du siège effectif et analyse juridique

classique .............................................................25 Transfert du siège statutaire et analyse juridique

classique .............................................................24 Système d'imposition

Absence de coïncidence des facteurs de rattachement de la personne morale .........................................52

Exit tax.....................................................................49 Système mondial ......................................................48 Système territorial ....................................................48

Système du siège réel

Caractère sérieux du siège ....................................... 35 Etats tiers ................................................................. 99 Reconnaissance des sociétés étrangères (absence)... 34 Sitztheorie................................................................ 30 Transfert du siège effectif ........................................ 31 Unité du statut juridique de la société...................... 28

T

Transfert du siège effectif Conciliation des systèmes........................................ 44 Intérêt fiscal ............................................................. 43 Technique du renvoi ................................................ 46

Transfert du siège social total Refus........................................................................ 38

Transfert transfrontalier du siège social Convention spéciale................................................. 51 Intérêt de l'opération ................................................ 12 Sociétés à responsabilité limitée .............................. 40 Sociétés anonymes................................................... 40 Sociétés en commandite par actions ........................ 41 Sociétés en commandite simple ............................... 40 Sociétés en nom collectif ......................................... 41

Treaty Shopping Sociétés off-shore .................................................. 104

Ü

Überseering Faits de l'arrêt .......................................................... 91 Loi applicable à la société...................................... 106 Raisons impérieuses d'intérêt général .................... 100

155

T A B L E A N A L Y T I Q U E

(Les chiffres renvoient aux pages) L I S T E D E S A B R E V I A T I O N S..........................................................................5 P L A N S O M M A I R E................................................................................................7 INTRODUCTION ................................................................................................................8

I. Quels besoins ?............................................................................................................9 II. Quels problèmes ? ....................................................................................................13 III. Quels résultats ? ......................................................................................................17 IV. Quelles perspectives ?.............................................................................................18

PREMIERE PARTIE.........................................................................................................22 L’ANALYSE JURIDIQUE CLASSIQUE : UNE PALETTE D’OBSTACLES AU LIBRE TRANSFERT INTERNATIONAL DU SIEGE SOCIAL .....................................................22

TITRE I : LE DEBAT THEORIQUE SUR LE PRINCIPE DE L’OPERATION...............22 CHAPITRE I : Système de l’incorporation ...................................................................23

Section I : Conception formaliste du rattachement.....................................................23 § 1.- Transfert international du siège statutaire et absence de survie de la personnalité morale ...............................................................................................24 §2.- Transfert du siège effectif de direction et survie de la personnalité morale .....25

Section II : Incidence de la conception formaliste du rattachement sur la mobilité.....26 §1.- Une mobilité facilitée par le système d’incorporation .....................................26 §2.- La souplesse du système d’incorporation.......................................................27

CHAPITRE II : Système du siège réel ..........................................................................29 Section I : Conception de la réalité technique ............................................................29

§1.- Le droit allemand : une application rigoureuse de la théorie du siège effectif.29 §2.-Le droit français : un exemple controversé .....................................................32

I. Consécration de la thèse de la réalité ou de la thèse de la fiction ? ..................32 A. La thèse de la réalité dans le droit français ................................................32 B. La thèse de la fiction dans le droit français................................................33

II. Consécration de la théorie du siège statutaire ou de la théorie du siège réel ? 33 Section II : Incidence de la conception de la réalité sur la mobilité ............................34

§1.- Une circulation entravée sérieusement par l’application de la théorie du siège effectif ..................................................................................................................34 §2.- Les prétendus avantages du système de siège réel..........................................35

I. La lutte contre la fraude .................................................................................35 II. La sécurité juridique ....................................................................................35

TITRE II : L’EXPERIENCE PRATIQUE DES OBSTACLES DANS LES LEGISLATIONS NATIONALES ....................................................................................37

CHAPITRE I : Les obstacles de nature juridique ..........................................................37 Section I : Le transfert du siège social total ...............................................................38

§1.-Transfert du siège social vers l’étranger ..........................................................39 I. Des législations souples .................................................................................39 II. Des législations rigides .................................................................................40

§2.-L’accueil du siège social d’une société étrangère.............................................42 Section II : Le transfert du siège effectif....................................................................43

§1.- L’Etat d’origine est un Etat d’incorporation ...................................................44 I. Transfert du siège entre deux Etats d’incorporation ........................................44

156

II. Transfert du siège effectif vers un Etat considérant le siége réel depuis un Etat d’incorporation..................................................................................................44

A. En présence des règles permettant la conciliation des systèmes.................44 B. En absence des règles permettant la conciliation des systèmes .................45

§2.- L’Etat d’origine est un Etat considérant le siége réel ......................................46 I. Transfert du siége effectif de direction vers un Etat d’incorporation depuis un Etat considérant le siège réel .............................................................................46 II. Le transfert du siège effectif de direction entre deux Etats considérant le siège réel....................................................................................................................47

CHAPITRE II : Les obstacles de nature fiscale .............................................................48 Section I : Le transfert du siège à l’étranger : l’exit tax..............................................49

§1.- L’exemple du droit français............................................................................50 I. Une exception lettre morte .............................................................................50 II. Quelques tempéraments mineurs...................................................................51

§2.- L’exemple du droit britannique ......................................................................51 Section II : L’accueil d’une société étrangère ............................................................53

§1.- Le droit d’apport ............................................................................................53 I. Exigibilité du droit d’apport ...........................................................................54

A. Le transfert en France depuis un Etat n’appartenant pas à la CEE .............54 B. Le transfert en France depuis un Etat membre de la CEE ..........................54

II. Non exigibilité du droit d’apport ...................................................................54 §2 Substitution au droit d’apport ...........................................................................54

DEUXIEME PARTIE ........................................................................................................57 L’IMPACT DE LA LIBERTE D’ ETABLISSEMENT : VERS LE LIBRE TRANSFERT INTRACOMMUNAUTAIRE DU SIEGE SOCIAL .............................................................57

TITRE I : L’ECHEC DE L’APPROCHE LEGISLATIVE ................................................57 CHAPITRE I : La Société européenne ..........................................................................58

Section I : La SE : une avancée porteuse d’autres évolutions favorables....................58 §1.- L’apport de la SE : vecteur de circulation.......................................................59

I. Levée des principaux obstacles juridiques ......................................................59 II. Levée des obstacles de nature fiscale ............................................................64

§2.-Les limites de la SE.........................................................................................65 I. La considération inappropriée du siège réel....................................................65 II. Une structure devant connaître une application très limité.............................67

A. Une structure réservée à un nombre restreint des sociétés .........................68 B. Une structure à fiscalité inconnue..............................................................68

Section II : La SPE une structure à venir ? ................................................................69 §1.-Présentation de la SPE ....................................................................................70 §2.-Limites de la SPE............................................................................................71

I. Considération inappropriée du siège réel ........................................................71 II. Un champ d’application toujours limité ........................................................72

CHAPITRE II : Le projet de 14ème directive..................................................................73 Section I : L’échec du projet de 14ème........................................................................73

§1.-Les principaux apports de la proposition .........................................................73 I. La levée des principaux obstacles juridiques ..................................................73 II. La levée des obstacles fiscaux.......................................................................76

§2.-Approche critique du projet.............................................................................77 I. Le problème du conflit mobile .......................................................................77 II. Le débat sur le choix du siège réel par la directive ........................................79

Section II : Une directive qui renaît de ses cendres. ...................................................81

157

§1.-Les signaux de la renaissance..........................................................................81 §2.-Le défi du législateur communautaire..............................................................82

TITRE II : LA SURPRISE DES SOLUTIONS JURISPRUDENTIELLES .......................85 CHAPITRE I : D’une affirmation timide.......................................................................85

SECTION I : Le refus de la jurisprudence Daily Mail ...............................................85 §1.-Contexte de la jurisprudence Daily Mail : contentieux de l’émigration ............85 §2.-La portée du refus de la jurisprudence Daily Mail ..........................................86

SECTION II : Les arrêts postérieurs : une jurisprudence évolutive ............................88 §1.- La trilogie du contentieux de l’immigration...................................................88

I. L’interdiction des entraves à l’entrée..............................................................88 A. L’affaire Centros : ....................................................................................88 B. L’affaire Überseering :..............................................................................91 C. L’affaire Inspire Art :................................................................................94

II. La cohérence de la jurisprudence de la Cour .................................................95 A. Cohérence dans la jurisprudence de la CJCE.............................................95 B. Cohérence entre la jurisprudence de la CJCE et la législation communautaire. .............................................................................................96

§2.- Les interrogations soulevées par l’affaire Lasteyrie du Saillant.......................97 CHAPITRE II : …vers un nouveau Delaware ? ............................................................98

SECTION I : Stricte admission des entraves justifiées ..............................................99 §1.- Les raisons impérieuses d’intérêt général .....................................................100 §2.- Les réserves d’abus ou de fraude..................................................................101

I. La fraude......................................................................................................101 II. L’abus de droit............................................................................................102

SECTION II : Consécration du law shopping..........................................................105 §1.- L’affirmation de la liberté : un choix de loi sans limite.................................106

I. Une question en suspens lors de l’arrêt Überseering .....................................106 II. Une question tranchée par l’arrêt Inspire Art...............................................107

§2.- Les effets de l’affirmation : la mise en concurrence des droits nationaux......109 I. Mise en concurrence des droits nationaux et course au laxisme réglementaire .....................................................................109 II. Mise en concurrence des droits nationaux et intégration communautaire .....110

CONCLUSION GENERALE ..........................................................................................111 ANNEXES.........................................................................................................................113

ANNEXE I : Les textes ..................................................................................................114 DOCUMENT I : Projet de proposition de 14ème Directive du Parlement et du Conseil concernant le transfert de siège des sociétés d'un État membre à un autre avec changement de la loi applicable. (1997) ......................................................................114 DOCUMENT II : Projet de règlement relatif au statut de la société privée européenne - Les articles - Extraits ..................................................................................................119 DOCUMENT III : Règlement CE n°2157/2001 relatif au statut de la SE ...................121

ANNEXE II : La consultation de la Commission sur les orientations du futur projet de proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le transfert transfrontalier du siège statutaire des sociétés de capitaux...............................................127

DOCUMENT I : Lancement de la consultation...........................................................127 DOCUMENT II : Consultation publique sur les orientations du futur projet de proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le transfert transfrontalier du siège statutaire des sociétés de capitaux : les résultats obtenus.........130 DOCUMENT III : Réponse du CCBE à la consultation de la Commission Européenne sur le transfert transfrontalier du siège statutaire des sociétés ......................................139

158

ANNEXE III : Le transfert du siège social après l’adoption de la 14ème directive ............142 ANNEXE IV : Comparaison entre SE SPE et 14ème directive........................................143 ANNEXE V : Transfert international du siège effectif ....................................................144

B I B L I O G R A P H I E S O M M A I R E ...................................................................145 I N D E X A L P H A B E T I Q U E ................................................................................153 T A B L E A N A L Y T I Q U E ......................................................................................155

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“International transfer of seat and liberty of establishment”

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SEPTEMBER 2004