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Vers une école de la réussite

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Publishroomwww.publishroom.com

ISBN : 979-10-236-0176-3

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes des articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

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Xavier du Bellay

Vers une école de la réussite

Le numérique et les neurosciences au service de la transmission

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Table

Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11

Première Partie État des lieux 17

Chapitre 1 - Tableau (trop) noir . . . . . . . . . . . . . .19

Chapitre 2 - Réforme du collège 2016 : bas les masques ! .23

Chapitre 3 - Vers un système éducatif à sept vitesses . . . .35

Chapitre 4 - Les professeurs,ces grands incompris du ministère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .45

Chapitre 5 - Les parents, ces grands ignorés du ministère .49

Deuxième Partie Garder en tête l’objectif de l’école 55

Chapitre 6 - Être élève est un métier . . . . . . . . . . . .57

Chapitre 7 - Hériter d’une culture commune . . . . . . .59

Chapitre 8 - Permettre aux élèves de devenir libres et responsables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .63

Chapitre 9 - De l’importance de la grammaire . . . . . . .69

Chapitre 10 - De l’utilité d’enseigner les matières « inutiles » . . 75

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Troisième Partie La révolution numérique dans le monde de l’éducation 83

Chapitre 11 - À l’aube d’un monde nouveau . . . . . . .85

Chapitre 12 - Éducation et numérique . . . . . . . . . .91

Chapitre 13 - Cinq pièges pédagogiques à éviter . . . . . .97

Quatrième Partie L’apport décisif des neurosciences 101

Chapitre 14 - De quoi parle-t-on au juste ? . . . . . . . 103

Chapitre 15 - Une tête bien faite, parce que bien pleine ! 107

Chapitre 16 - D’autres découvertes étonnantes . . . . . 117

Cinquième Partie Une nouvelle pédagogie est possible ! 127

Chapitre 17 - Associer les cultures du livre et du numérique . 129

Chapitre 18 - Redonner confiance à l’élève . . . . . . . 135

Chapitre 19 - Individualiser les parcours d’apprentissage 143

Chapitre 20 - Réduire les inégalités . . . . . . . . . . . 149

Conclusion 151

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La liberté commence où l’ignorance finit.

– Victor Hugo

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Introduction

Pour écrire un livre sur l’école, j’ai un immense avantage et un handicap certain : je ne suis pas professeur, pas même fonctionnaire du ministère. Simplement entrepreneur.

En lançant mes cours en ligne pour collégiens, je me suis beau-coup documenté sur ce monde de l’éducation que j’avais quitté dix ans plus tôt, à la fin de mes études. Et je suis allé de découvertes en étonnements.

Au fil de mon aventure entrepreneuriale, j’ai passé beaucoup de temps à écouter avec attention et intérêt des professeurs, des chefs d’établissements publics et privés – sous contrat et hors contrat – de toute la France, dans l’enseignement général comme dans les filières techniques, des parents d’élèves, des associations de parents, des inspecteurs généraux, des acteurs du monde numérique créant des solutions pour l’éducation, des orthophonistes, des psycholo-gues scolaires, des journalistes spécialisés, des neuroscientifiques, des pédagogues de différents horizons, des membres de think tanks, des philosophes…

Allons droit au but : le principal problème de l’école française n’est pas le collège, mais bien l’enseignement à l’école primaire. C’est là que se créent et se constatent les premières inégalités. Une

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proportion importante d’enfants entrant au collège ne sait tout simplement pas lire, ni écrire, ni compter.

Ces inégalités sont scandaleuses parce qu’elles ne sont presque jamais corrigées durant les années que les élèves passent au collège. Elles sont même aggravées. Rares sont les établis-sements qui ont, aujourd’hui, en France, les moyens financiers et humains de prendre en charge de façon sérieuse les élèves n’ayant pas acquis les fondamentaux à l’école primaire. Les élèves qui n’ont pas le niveau en rentrant au collège ont un seul destin, à la manière des héros grecs dans les tragédies : rester mauvais.

Aucune réforme récente n’a réussi à enrayer cette tendance. Pire, la réforme du collège 2016 porte le coup de grâce à ce qui fonctionnait encore dans le collège français, déjà fortement affaibli au cours des trente dernières années. La crise de la trans-mission des savoirs provient d’abord d’une vision idéologique du rôle de l’école.

Pourtant l’échec du système scolaire n’est pas une fatalité.

Ce livre est une invitation à dépasser les vieilles querelles, en prenant en considération les dernières avancées de la science cogni-tive et de la révolution numérique. Elles constituent en effet un puissant ferment de renouveau. Un nouveau monde éducatif est à notre portée. Il est tout à fait possible de recréer un ascenseur social par l’école.

Avec les Cours Griffon, nous l’avons démontré. Nos cours sont utilisés par de nombreuses familles, ainsi que par des collèges, publics comme privés. Aujourd’hui, il est possible de rendre acces-sible à un très grand nombre d’élèves un contenu éducatif qui était auparavant facilement qualifié d’élitiste. La lutte contre les inégalités et le décrochage scolaire peut être désormais abordée sous un autre angle.

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« Mais qu’êtes-vous venu faire là-dedans ? »

Une question m’est très fréquemment posée : « Mais pourquoi êtes-vous passé du BTP à l’éducation ? » Un entrepreneur au pays des profs et des fonctionnaires ? Vous avouerez que l’idée est assez exotique. À mon sens, la bonne question serait plutôt : « Pourquoi ne vous êtes-vous pas destiné immédiatement à l’enseignement ? »

J’ai grandi à Choisy-le-Roi, ville communiste depuis 1959, qui peut s’enorgueillir d’avoir accueilli La Pompadour, Rouget de Lisle dans ses dernières années et même Hô Chi Minh, en 1968, lors des négociations de Paris qui ont ouvert la voie au règlement de la guerre du Vietnam. Une ville de la ceinture rouge. Même le curé, bonhomme sympathique, avait un style à la Karl Marx, avec son imposante barbe et ses sermons au vitriol contre les déjà célèbres « stock-options » et le casino boursier. J’ai suivi ma scola-rité secondaire à l’Institution Saint-André, collège et lycée privés. J’en suis sorti en 1994, avec un bac C, mais sans mention. J’étais tellement sûr d’obtenir la « mention bien » que je n’avais révisé que mon option « tennis de table » ! S’ensuit une douloureuse classe préparatoire Maths sup au Prytanée National Militaire, vénérable institution, où l’esprit de camaraderie n’a d’égal que le côté frondeur de ses élèves.

Après une prépa HEC, j’intègre avec bonheur l’ESSEC en 1998. Voilà une école que j’affectionne particulièrement, ouverte, créative et qui ne recrute pas que des têtes de classe policées. Une école qui recherche avant tout des personnalités fortes.

Mais, comme dans toutes les écoles de commerce, l’ensei-gnement est essentiellement technique (finance, comptabilité, marketing, ressources humaines, droit…). J’y trouve assez peu de nourriture intellectuelle sur la marche du monde et l’histoire des idées. Je décide alors de compléter ma formation à l’ESSEC par Sciences Po, que j’intègre en 2000. J’y ai sans doute d’ailleurs

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croisé notre ministre actuelle Najat Vallaud-Belkacem, qui en sort à ce moment-là.

Sciences Po est un monde étonnant, une sorte de labora-toire d’idées où des militants de tous bords (surtout de gauche) se côtoient dans quelques mètres carrés, autour de la fameuse « Péniche ». Un monde très franco-français dans ses débats et très international dans son public (près d’un tiers des élèves sont étrangers). De là sortent nos responsables politiques, nos journa-listes vedettes, nombre d’assistants parlementaires, des piliers de think tanks, des apparatchiks de partis, mais aussi des banquiers d’affaires et des marketeurs de l’industrie agro-pétrochimique, pour nombre d’entre eux à l’international. Tous de brillants cerveaux dont le monde de l’éducation aurait cruellement besoin.

En 2002, c’était déjà la crise avec les suites de l’affaire Enron et l’explosion de la bulle Internet. Je décide de commencer à tra-vailler dans l’audit financier, chez Ernst & Young. Formateur et douloureux. J’apprends beaucoup sur la gestion d’entreprise, mais j’étouffe et ne tiens que deux ans. Métro – boulot – dodo. Un badge pour entrer dans la tour de La Défense. Un badge pour sortir de l’ascenseur. Un code pour se logger sur le téléphone d’un bureau dans une staff room. Un uniforme – costume gris et cravate bleue – pour un petit soldat du privé.

Je décide alors d’explorer le monde des PME et dirige ma première société dans le BTP en tant que salarié, à vingt-sept ans. Premier contact avec la vraie vie : je découvre comment être attentif aux clients, ce que sont les devis, les marchés de travaux, le recrutement et le droit social, la gestion de la trésorerie… En 2007, je crée avec un associé un petit groupe d’entreprises dans le même secteur. En pleine crise financière, nous passons de 2 à 50 personnes en cinq ans, en démarrant avec 45 000 €. J’ai beaucoup apprécié ce secteur très varié socialement, où l’ouvrier côtoie l’architecte, où le sous-traitant côtoie le maître d’ouvrage, sortant quelques instants de son bureau feutré pour le rendez-vous de chantier.

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En 2013, j’ai décidé de quitter ce monde passionnant pour un monde qui l’est tout autant : l’éducation. Ne sachant pas faire autre chose, j’ai à nouveau créé une société : les Cours Griffon. Intéressé par la révolution numérique, je me suis mis en tête de créer des cours accessibles à tous les collégiens de France grâce à Internet. Pour cela, je me suis entouré d’une équipe de professeurs aussi talentueux que motivés par mon projet.

Rêvons un peu

Et si la transmission des savoirs redevenait la priorité de notre école ? Et si le numérique, utilisé avec discernement, était une des clés du nécessaire sursaut dont le collège a tant besoin ? Et si nous trouvions enfin le moyen de rendre notre école moins inégalitaire ? Et si un élève en difficulté n’était pas condamné à le rester ?

Les centaines de collégiens qui suivent aujourd’hui nos cours en ligne sont la preuve vivante que tout cela devient possible. La renaissance du collège est en marche.

Accepter la fatalité n’a jamais été une tradition française !

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Première Partie État des lieux

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Chapitre 1

Tableau (trop) noir

Ce chapitre est très court. Vous n’y apprendrez rien ; vous savez déjà tout. Si vous n’avez pas le moral, sautez-le !

Constat d’échec

Le constat est connu. Unanimement partagé. Mondialement célèbre. Le système éducatif français demeure l’un des plus iné-galitaires du monde. Non seulement l’école ne permet pas aux inégalités sociales de se réduire, mais elle les creuse. Et ce fossé devient abyssal.

L’enquête PISA1 est une enquête internationale menée tous les trois ans par l’OCDE. Dans sa dernière étude, portant sur l’année

1 PISA pour « Program for International Student Assessment » en anglais, et pour « Programme international pour le suivi des acquis des élèves » en français.

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2012 et publiée en 2013, elle nous dit notamment que le système français renforce les inégalités au lieu de les corriger.

Chaque année, plus de 140 000 jeunes quittent le système scolaire sans diplôme2. Soit 12 % d’une classe d’âge. Ce chiffre est admis. Tout le monde le commente et se lamente. Mais, dans le fond, tout le monde y est habitué. Cela fait presque partie du paysage, comme une exception culturelle française de plus.

Mais quelle organisation (privée) accepterait que 12 % de ses projets soient des échecs ? Quelle usine mettrait au rebut 12 % de sa production ?

Tandis que 12 % des jeunes Français n’ont pas de diplôme, les 88% restants ont presque tous le baccalauréat, diplôme démo-nétisé, presque sans valeur, sans reconnaissance. Il sera bientôt possible de le passer sur cinq ans, en gardant ses meilleures notes !

À l’entrée en 6e, 36 % des élèves ne maîtrisent pas « les fonda-mentaux » de la langue française. Euphémisme pour dire qu’ils ne savent ni lire sans ânonner, ni écrire trois lignes sans fautes d’orthographe ou de grammaire. À 17 ans, ce sont 18 % des ado-lescents qui rencontrent des difficultés de lecture3.

On connaît moins ce phénomène que les techniciens appellent « l’innumérisme ». À l’entrée en 6e, 34 % des élèves ne maîtrisent pas « les fondamentaux » des mathématiques. J’ai même reçu des témoi-gnages d’enfants n’ayant pas étudié la division à l’école primaire !

On a probablement atteint le point de non-retour : les univer-sités donnent désormais des cours d’orthographe à leurs élèves.

2 Source ministère de l’Éducation nationale – http://media.education.gouv.fr

3 En 2014, 4,1 % des participants à la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) rencontrent des difficultés sévères en lecture (illettrisme), 5,5% des participants ont de très faibles capacités de lecture, 8,6% sont des lecteurs médiocres. 81,8 % sont des lecteurs efficaces. Sources : ministère de la défense - DSN, MENESR-DEPP – note d’information n°16 – mai 2015

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À 20 ans, retour à la case départ. Les employeurs remplissent des sacs poubelles entiers de CV truffés d’erreurs.

Le coût économique pour le pays est exorbitant. Le coût cultu-rel et social est bien plus élevé encore, mais bien sûr plus difficile à mesurer. Chacun sent bien que l’école ne structure plus la pensée de ses élèves. La transmission des savoirs est en panne. Comme l’ascenseur social par l’école. Ceux qui ont la chance de naître dans une famille aisée, dont les parents ont fait des études, et qui habitent dans une grande métropole régionale, s’en sortiront toujours. Cela représente environ 15 % des élèves.

Pour les autres, plus difficile sera le parcours. Selon la formule de François-Xavier Bellamy, ceux qui nous gouvernent depuis quarante ans ont créé une génération de « déshérités4 ». Notre héritage cultu-rel, matrice du génie français, a été liquidé. Combien de bacheliers peuvent nous parler du vieux Corneille ou de Pascal ? Combien d’élèves de terminale pourraient remettre dans l’ordre, avec assurance et sans peur de se tromper, Clovis, Charlemagne, Louis IX, Henri IV, Louis XIII, Napoléon, Thiers et Clemenceau (pour ne citer qu’eux) ? De réforme en réforme, l’école a mis ses élèves en échec, dans la nasse, créant de facto un système de reproduction sociale, pourtant dénoncé par les inspirateurs desdites réformes.

Crise de défiance

La crise de défiance des parents envers l’école est profonde et grave. Un sentiment d’insécurité scolaire est même en train de s’installer durablement. Les parents ne croient plus en la capacité de l’école républicaine d’emmener leurs enfants au plus haut niveau.

4 Les déshérités ou l’urgence de transmettre, François-Xavier Bellamy, Plon, 2014

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Le temps où un fils d’ouvrier pouvait accéder à l’École Normale Supérieure est révolu, sauf cas extraordinaire.

Les professeurs eux-mêmes, et en particulier ceux du collège, ne se retrouvent plus dans les instructions officielles reçues. Ils avaient embrassé la carrière pour avoir le plus beau métier du monde, celui de transmettre un savoir à un enfant. On leur demande désormais de laisser les élèves produire leurs savoirs dans des enseignements interdisciplinaires. C’est le retour en force des pédagogies de projet, dont tout le monde sait, sauf quelques idéologues en fin de course, qu’elles ne sont pas la solution aux problèmes actuels du collège.

En résumé, c’est l’inégalité à tous les étages : inégalités fami-liales, sociales, financières, culturelles et géographiques. Les listes d’attente pour entrer dans les collèges et lycées privés n’ont jamais été aussi longues.

Voilà d’où nous partons. Le constat est amer et les causes sont connues. Alors, que faire ? C’est bien la seule question qui m’in-téresse vraiment.

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Chapitre 2

Réforme du collège 2016 : bas les masques !

Peu de personnes ont réussi à comprendre la réforme du collège qui entre en vigueur en septembre 2016. Beaucoup de textes juridiques, de nombreux changements opérés en même temps, une communication peu claire de la part du gouvernement, voilà autant d’éléments qui en expliquent la confusion.

La baisse des heures d’enseignement classique

La réforme du collège de septembre 2016 fait la part belle à l’in-terdisciplinarité5 et à l’acquisition de compétences au détriment d’un enseignement académique privilégiant la transmission des savoirs.

Le niveau des élèves baisse ? Abaissons le niveau du collège !

5 L’interdisciplinarité consiste à enseigner aux élèves des notions de façon transversale. Il s’agit de choisir un thème, par exemple la « machine à vapeur », et d’y greffer des connaissances sur l’histoire de cette machine, sur son impact économique, des notions de mathématiques et physique liées…

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Il y a huit thèmes interdisciplinaires laissés au choix des éta-blissements : corps, santé, bien-être, sécurité ; culture et création artistiques ; transition écologique et développement durable ; information, communication, citoyenneté ; langues et cultures de l’Antiquité ; langues et cultures étrangères ou régionales ; monde économique et professionnel ; sciences, technologie et société.

En septembre 2016, c’est en réalité une double réforme qui se joue : d’un côté, une réforme des modalités d’apprentissage, marquée par le retour en force des enseignements interdiscipli-naires et des pédagogies de projet ; de l’autre, une réforme des programmes scolaires. C’était un peu inévitable. Les enseignements interdisciplinaires venant remplacer des heures de cours existantes, il fallait bien enlever du contenu à enseigner !

Cette baisse des heures de cours concerne de nombreuses matières, et d’abord les matières essentielles. Nos collégiens, dont beaucoup ont des difficultés pour lire et écrire, auront moins d’heures de français6 !

De même en mathématiques, il y aura une baisse drastique du nombre d’heures de cours classiques. La liste des notions à abandon-ner officiellement par rapport aux programmes de 20087 fait froid

6 À partir de la rentrée de septembre 2016, les collégiens en 5e, 4e et 3e verront 1 heure d’enseignement hebdomadaire, sur les 4 heures 30 dédiées au français, enseignée dans un cadre interdisciplinaire. Pendant cette heure, deux classes seront par exemple réparties entre trois professeurs. Plus de pro-fesseurs par élève va a priori dans le bon sens, sauf que, dans ces trois pro-fesseurs en charge d’enseigner des thématiques tournant autour du français, on pourrait retrouver le professeur de français et, par exemple, un professeur de musique et un autre de Sciences et Vie de la Terre, du fait des contraintes horaires administratives à respecter. Les élèves feront sûrement des exposés très intéressants pendant ces heures de cours génétiquement modifiées, mais ils auront perdu au passage 1 heure de cours dédiée initialement à la transmission des savoirs. L’application de cette réforme sera à géométrie variable selon les établissements.

7 http://www.reformeducollege.fr

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dans le dos : adieu les bissectrices, les médianes, une grande partie de la géométrie plane et dans l’espace, les calculs un peu poussés avec des puissances et des racines carrées, les théorèmes des milieux, le Plus Grand Commun Dénominateur (PGCD), les systèmes à deux équations / deux inconnues… Trop difficile pour les petits collégiens français ! En revanche, nous voyons introduite de façon tout à fait incohérente la notion d’algorithme informatique avec comme objectif la programmation d’applications ludiques (laby-rinthes, bataille navale…). Or cela est très exigeant et requiert une mécanique intellectuelle parfaitement huilée chez les élèves.

Cette double réforme a été très mal acceptée par les profes-seurs, qui se sont mobilisés assez fortement. Les parents, eux, trop occupés et mal informés, n’ont rien vu passer. Ils ont simplement compris que cette réforme était compliquée et difficile d’accès.

Le gouvernement a reculé en partie sur la réforme des pro-grammes d’histoire. Le siècle des Lumières et le Moyen Âge ont finalement rejoint le rayon des thèmes à enseigner obligatoirement. Pour le reste, rien n’a été modifié et le « sabordage mathématique » est resté intact. Il est vrai que, d’une façon générale, les professeurs de mathématiques s’expriment moins dans les médias que leurs homologues de français et d’histoire. Les collégiens français n’auront plus le droit d’apprendre des notions fondamentales qu’étudient pourtant les Américains, les Allemands, les Chinois, les Indiens…

Comment dit-on « usine à gaz » en latin ?

Les professeurs de latin et de grec ont eu beau se lamenter dans tous les médias et publier des tribunes à faire trembler Néron, rien n’y a fait. Le latin sera bien mort une deuxième fois. Sous

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couvert de démocratisation de l’enseignement du latin, la réforme du collège en complique fortement l’étude.

Avant ladite réforme, un élève suivant l’option latin avait deux heures de cours par semaine en 5e, trois heures en 4e et en 3e. Simple et efficace.

À partir de septembre 2016, étudier le latin tiendra du parcours du combattant8. Malheur à l’élève contraint de déménager pour suivre la mutation professionnelle de ses parents et se retrouvant dans un collège n’ayant pas fait les mêmes choix que celui qu’il vient de quitter.

Au-delà de l’aspect logistique, je reviendrai plus loin sur les dommages culturels et intellectuels créés par l’abandon du latin.

Grosse menace sur l’allemand

89% des élèves germanistes sont issus de classes de 6e bilangues9. Celles-ci existent dans plus d’un collège sur deux, dans le privé comme dans le public. Or la réforme supprime de façon discré-tionnaire – essentiellement en province – des sections bilangues,

8 Tous les élèves auront une heure de « culture latine » enseignée pendant environ cinq mois dans le cadre des Enseignements Pratiques Interdisciplinaires (EPI) au cours de la 5e, ou bien de la 4e, ou bien de la 3e, mais seulement si ce thème est retenu par l’établissement dans son projet pédagogique. Sur les huit thèmes possibles en EPI, il faut en effet que l’établissement en fasse étudier aux élèves au moins deux par an. Les élèves qui insisteront pour faire du latin pourront suivre un « Enseignement de complément aux EPI » (une heure en 5e, deux heures en 4e et en 3e) si l’établissement fait le choix de proposer cette option en prenant des ressources sur sa dotation horaire supplémentaire.

9 Les classes bilangues permettent l’apprentissage anticipé d’une deuxième langue vivante, habituellement à partir de la 6e, en même temps que l’étude d’une première langue vivante.

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accusées d’être « élitistes ». On peut légitimement anticiper le fait que si l’on retire aux élèves la possibilité d’apprendre deux langues vivantes en 6e, le choix des parents s’orientera principalement vers l’anglais.

L’allemand est en sursis avec cette réforme. Il paie là encore son image de langue élitiste, réservée aux bons élèves. Avant la réforme, l’existence des classes bilangues en REP10 contribuait cependant à attirer un public plus diversifié, ce qui était un facteur de mixité sociale. On notera par ailleurs que l’allemand est très sécurisant pour l’élève qui l’aborde, en particulier pour les élèves en difficulté. Langue très structurée et structurante, l’allemand est même parfois préconisé pour les enfants dyslexiques !

Des économies sur le dos des élèves ?

Voilà un point fondamental pour comprendre la réforme du collège de 2016. En 2006, deux inspecteurs des finances et deux inspecteurs généraux du Ministère de l’Éducation nationale ont coécrit un rapport officiel intitulé « La grille horaire des enseigne-ments au collège »11. À votre avis, pourquoi ce rapport consacré aux heures d’enseignement au collège a-t-il été écrit par des inspecteurs des finances ? Vous l’avez deviné, il fallait déjà faire des économies en 2006 ! Depuis quand la pédagogie intéresse-t-elle les grands argentiers du pays ?

Accrochez-vous, vous allez enfin comprendre ce qui nous arrive en 2016.

10 REP : Réseau d’établissements prioritaires.

11 http://www.ladocumentationfrancaise.fr

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L’objectif du rapport était de « repérer les leviers sur lesquels agir pour alléger l’horaire hebdomadaire obligatoire de formation du collégien ».

Au milieu d’une foule de propositions de moindre importance, j’ai repéré deux propositions phares efficaces pour faire des écono-mies sonnantes et trébuchantes.

Première proposition majeure du rapport de 2006 : suppression de 20 % d’heures de cours « classiques »

L’idée du rapport est de baisser le nombre d’heures de cours « classiques », comme les heures de français et de mathématiques par exemple, pour les remplacer par des heures d’enseignements complémentaires. D’un côté, 80% des heures de cours seraient obligatoires pour les élèves et dues par l’État aux familles, ce que le rapport qualifie de « juridiquement opposable ». D’un autre côté, 20 % d’heures d’enseignements complémentaires, pensées comme non obligatoires et de ce fait non dues aux familles. L’expression exacte employée est : « Il ne sera plus possible de rendre juridique-ment opposable le concept d’horaire dû aux élèves12. »

12 Le rapport nous explique : « L’assouplissement des obligations horaires est amorcé, dans la limite de 20% de la dotation, par les équipes qui souhaitent prendre le risque du changement, encouragées sur les plans pédagogique et financier. […] Ce référentiel offre également la possibilité de faire rattraper certaines matières, dans le cadre d’un programme personnalisé de réussite éducative. La grille actuelle se heurte en effet à deux écueils : ou bien l’élève est sorti physiquement de la classe pour suivre des enseignements adaptés, ce qui achève de le déconnecter du rythme de ses camarades ou bien le soutien est organisé après la classe et se posent d’évidents problèmes de transport scolaire. Sur le plan budgétaire, cette réforme représente un puissant outil d’écono-mies structurelles. Enfin, ce référentiel n’interdit pas, bien au contraire, les expériences d’enseignement interdisciplinaires à l’image de l’expérience d’en-seignement intégré de la technologie, des sciences physiques et des sciences de la vie et de la terre qui sera lancée à la rentrée 2006 dans une trentaine de collèges. Dans ce nouveau cadre horaire, il ne sera plus possible de rendre

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En clair, ces nouvelles heures d’enseignements complémentaires pourront in fine être totalement supprimées en cas de nécessité budgétaire. Logique intrinsèque de ce raisonnement : quitte à avoir des élèves de faible niveau, autant faire des économies ! Les inspecteurs des finances sont pleins de bon sens. Ils s’organisent en prévision de la faillite programmée des finances publiques, comme de bons liquidateurs judiciaires.

Faites-vous le lien avec les fameux EPI que l’on essaie de vous vendre depuis 2015 ?

L’article D332-4 du Code de l’éducation a été modifié en consé-quence au 1er septembre 201613. Pour l’instant, les enseignements complémentaires apparaissent comme « obligatoires », mais un décret pourrait en chasser un autre, et ils pourraient se retrouver facultatifs, donc exclus de l’obligation de service public d’instruc-tion que l’Éducation nationale doit aux familles.

Croit-on sérieusement que c’est en enlevant des heures de cours aux élèves que l’on va relever le niveau ? S’agirait-il de donner le coup de grâce à un système malade ?

juridiquement opposable le concept d’horaire hebdomadaire dû aux élèves, car la responsabilité de l’éducation nationale deviendra une responsabilité de résultat dans l’acquisition des compétences. »

13 Article D332-4 du Code de l’éducation - Avant le 01/09/2016 : « Le ministre chargé de l’éducation définit au plan national, par arrêté, les horaires et les programmes d’enseignement incluant les objectifs de chaque cycle, ainsi que des repères annuels pour les compétences et connaissances dont l’acqui-sition doit être assurée en priorité en vue de la maîtrise des éléments du socle commun. ». À partir du 01/09/2016 : « Les enseignements obligatoires dis-pensés au collège se répartissent en enseignements communs à tous les élèves et en enseignements complémentaires ».

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Deuxième proposition majeure du rapport de 2006 : mettre fin au redoublement

Voilà ce que préconisaient les inspecteurs en 2006 : réduire de façon drastique le redoublement pour des raisons budgétaires, à mesure que les plans d’accompagnement scolaire produiraient leurs effets14.

C’est bien connu, le niveau est tellement remonté par rapport à 2006 que nous pouvons enfin faire baisser le taux de redoublement des élèves et faire des économies. Une impression de déjà vu ? Depuis la rentrée 2015, le redoublement a désormais un caractère exceptionnel15.

Pas de deuxième chance possible pour le collégien en échec. Passe encore si c’était la conclusion d’une réflexion pédagogique approfondie, dans l’intérêt des élèves. Mais il s’agit là d’une simple coupe budgétaire qui ne dit pas son nom.

La gauche met en œuvre ce que la droite avait initié.

Une réforme sur le dos des professeurs ?

Les professeurs sont des acteurs de terrain qui savent ce qui est bon pour leurs élèves. Ils se sont sentis tellement peu écoutés par

14 « Plafonner à 2% maximum par niveau le taux de redoublement. […] Le supplément de coût dû au redoublement est très lourd. Il a été estimé à 1,5 milliard d’euros pour l’année 2002. […] Il est par conséquent préconisé de plafonner la dotation budgétaire académique à un niveau correspondant à un taux de redoublement de 2% par cycle, au fur et à mesure que s’y déploient les programmes personnalisés de réussite éducative. »

15 Décret publié au Journal officiel du jeudi 20 novembre 2014. Ce décret qui fait suite à l’article 37 de la loi du 8 juillet 2013 portant sur la refondation de l’école ne supprime pas le redoublement, mais prévoit de le limiter à des situations très spécifiques.

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les instances du Ministère que beaucoup d’entre eux ont refusé d’aller aux formations programmées pour préparer la réforme. Ceux qui y sont allés pour faire part de leurs désaccords et de leurs inquiétudes ont été parfois menacés de sanctions !

En parallèle de l’introduction massive d’heures d’enseignements interdisciplinaires, aucune heure de concertation pour l’équipe pédagogique n’est prévue dans le cadre de la réforme. Tout doit se faire en temps masqué. Pourtant, faire un travail de qualité pour créer de nouveaux formats de cours demande beaucoup de temps ! Avec cette réforme, les professeurs passent des 35 heures aux 50 heures, voire plus ! Tout travail mérite salaire et le bénévolat a ses limites. La réforme suscite donc colère et frustration chez les professeurs. Même les chefs d’établissements se trouvent déprimés et débordés par la complexité de la tâche à accomplir.

Dans un courrier en date du 10 décembre 2015, voici ce que demande la rectrice de l’académie de Grenoble aux chefs d’établis-sement : « Dans certains collèges, quelques personnels expriment des attitudes d’opposition lors des premières journées de formation consacrées à la réforme. Elles peuvent notamment se traduire par une présence silencieuse et passive aux formations, ou à l’inverse par une perturbation bruyante, par une forme d’agressivité à l’en-contre des formateurs ou encore par un refus de participation. […] En tant que fonctionnaires de l’État, ils doivent mettre en œuvre cette réforme qui s’inscrit dans la loi de refondation adoptée par le parlement. […] Je vous saurais gré de me signaler les personnels qui entravent délibérément le bon déroulement des journées de formation. Je leur adresserai une lettre de remarque qui sera versée à leur dossier. »

Ambiance…

La réponse du vice-président du SNALC16, Jean-Rémi Girard, est arrivée cinq jours plus tard : « Le SNALC rappelle que les

16 Syndicat National des Lycées et Collèges.

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collègues, à partir du moment où ils assistent à une formation pour laquelle ils ont été dûment convoqués, peuvent parfaitement se taire ou encore poser toutes les questions relatives à l’objet de la formation, qu’elles plaisent ou non. D’après les retours que nous avons, c’est surtout l’incapacité des formateurs à leur répondre qui est un problème majeur. Le SNALC ne jette pas pour autant la pierre à ces formateurs, mis en difficulté par une réforme inepte, qui provoque de graves inquiétudes jusque chez les chefs d’éta-blissement auxquels s’adresse la rectrice17. »

Une chose est sûre : de mémoire de professeurs, on n’avait jamais vu une réforme si violemment imposée et si dénuée de bon sens pédagogique. Un fonctionnaire n’est pas là que pour fonctionner.

Et le Collège dans tout cela ?

La tare congénitale de cette réforme du collège est qu’elle confond les moyens – l’enseignement disciplinaire pour trans-mettre des savoirs ordonnés – et l’objectif final – la maîtrise inter-disciplinaire de notions parfois complexes – qui est principalement l’objet des études supérieures.

Réfléchissons ensemble un instant sur la nature profonde du collège.

Sans forcément être élitiste, le collège doit être un lieu d’édu-cation à la nuance, à la subtilité, au détail qui parfois fait toute la différence. Il doit permettre de gagner en rigueur intellectuelle. L’élève doit y mettre en œuvre des raisonnements certes plus com-plexes qu’à l’école primaire, mais encore simples. L’analyse critique se déploiera ensuite au lycée, une fois que les connaissances requises

17 https://www.snalc.fr

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seront en place pour un travail fructueux. Contrairement à la démonstration et au raisonnement logique, la déconstruction des notions n’a pas sa place au collège.

Les enseignants n’ont pas attendu cette réforme pour pratiquer une interdisciplinarité intelligente et constructive. Un travail inter-disciplinaire est en effet mis en œuvre depuis longtemps au sein des cours « classiques », pendant lesquels les professeurs font des liens avec les autres matières. Au moment opportun de l’année, cela est fait avec intelligence et souplesse entre collègues, sans contraintes administratives lourdes ni planification obligatoire. Avec cette réforme, nous assistons probablement à la fin de ce qui fonctionnait encore correctement.

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Couverture : Quentin LathièreMise en page : Nicolas Vacher & Quentin Lathière

Dépôt légal : juin 2016

Photo de la couverture : © Fotolia

Imprimé en France par CPI pour Publishroom

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