Fondée en 2006 par Kofi Annan et Plantu, l’association Cartooning for Peace réunit 147 dessinateurs du monde entier engagés à promouvoir la liberté d’expression, les droits de l’homme et le respect mutuel entre des populations de différentes cultures ou croyances par le langage universel du dessin de presse. Leur action se prolonge dans cet ouvrage marquant le dixième anni-versaire de Cartooning for Peace, où l’on retrouve l’essentiel des questionnements en mots et en images soulevés par ces agitateurs d’idées. Le combat pour la liberté se gagne aussi avec les crayons.

Depuis 2006, l’association Cartooning for Peace, créée par Kofi Annan et Plantu, soutient le travail des dessinateurs de presse et défend la liberté de parole et le vivre-ensemble. Mais dans un contexte mondial de plus en plus tendu, le dessin de presse cristallise de nombreuses questions : peut-on tout tolérer au nom de la liberté d’expres-sion ? Peut-on rire de tout et avec tout le monde ? Comment concilier liberté, responsabilité et res-pect des différences ?En septembre 2015, l’association organisait à Paris le colloque international « Le dessin de presse dans tous ses États ». De nombreux intervenants – parmi lesquels Régis Debray, Delphine Horvilleur, Jean-Noël Jeanneney, Jack Lang, Pascal Ory et les des-sinateurs Chappatte, Elchicotriste, Khalil, Kichka, Kroll, Plantu, Lars Refn, Riss, Vadot, Willis from Tunis… – ont pris part au débat, rappelant le rôle d’éveilleurs de consciences des caricaturistes et les risques de leur métier.Cette réflexion citoyenne se prolonge dans cet ouvrage marquant le dixième anniversaire de Cartooning for Peace, où l’on retrouve l’essentiel des questionnements en mots et en images soule-vés par ces agitateurs d’idées. Le combat pour la liberté se gagne aussi avec les crayons.

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A19742 25 €ISBN 978-2-07-019742-2

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Gallimard 

147 dessinateurs du monde entier s’engagent pour la paix et la liberté

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Aucune liberté n’est absolue, et la liberté de s’exprimer n’a jamais été celle de proférer n’importe quoi devant n’importe qui. Elle a consisté à pouvoir dire, écrire ou montrer tout ce qui « ne nuit pas à autrui ». Que dit au juste notre droit à ce propos ?

LIBERTÉ ET LOI, LIBERTÉ ET DROIT

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LIBERTÉ ET LOI, LIBERTÉ ET DROIT

JACK LANGPrésident de l’Institut du monde arabe

et professeur de droit

u-delà du dessin, parlons plus généralement de la liberté d’expression en France. L’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 affirme : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. » Ce texte fondamental n’a pas pris une ride. Il conserve toutes ses qualités de précision, de clarté et de limpidité, et reste le socle de toute la réflexion et de toute l’action en ce domaine. La liberté de communication des pensées et des opinions est l’un des droits les plus précieux de l’être humain. Tout citoyen peut parler, écrire, imprimer ‒ et dessiner ‒ librement, sauf à répondre de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. Le texte révolutionnaire affirme à la fois le principe, c’est-à-dire la liberté, et indique les limites, déterminées par la loi. ☞01 Essayons de faire l’in-ventaire, ou la typologie, de ces limites.

D’abord, les limites générales, construites en France par les législations, les décrets et la jurisprudence. Deux exemples de limite générale : l’interdiction de l’apologie du racisme et la protection des droits d’autrui ‒ la vie privée, l’honneur, la diffamation.

Ensuite, dans notre système de droit tel qu’il a été construit au fil des années, on rencontre des régimes particuliers. Par exemple les lois mémorielles, très controversées. Certaines sont admises, reconnues et consacrées durablement, en par-ticulier celles concernant la Shoah. D’autres ont donné lieu à des affrontements, comme celles relevant du génocide arménien. Tout en reconnaissant la libre parole sur la

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La peine de mort dénoncée par la dessinatrice

Firoozeh (Iran)

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Mix & Remix (Suisse)

Mix & Remix (Suisse)

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L’attentat de Paris du 13 novembre 2015 vu par Plantu (France)

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L’attentat de Nice du 14 juillet 2016 vu par Boligán (Mexique)

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Antonio (Portugal)En 2006, à Ratisbonne, le pape Benoît XVI tient des propos sur la violence de l’islam qui provoquent une polémique dans les pays musulmans.

Red ! (France) Le pape François vu par Rayma (Venezuela)

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Loup (France)

LES DESSINATEURS EN PREMIÈRE LIGNE

C’est à déplorer mais, pour certains, le dessin de presse est un explosif, et son auteur une cible à abattre… Dans ces conditions, comment concilier liberté et responsabilité ? Comment fixer les lignes quand on est soi-même en première ligne ?

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DÉBAT ENTRE LAURE KALTENBACH, d irectr ice et membre fondateur du Forum d’Av ignon, ET LES DESSINATEURS RISS, directeur

de la publ icat ion et de la rédact ion de Char l ie Hebdo,

et PLANTU, prés ident de Car tooning for Peace

LAURE KALTENBACHPrès de dix ans après la publication des caricatures de Mahomet dans le Jyllands-Posten, les attentats de Paris, en particulier contre la rédaction de Charlie Hebdo, au cours desquels dix-sept personnes ont été tuées, ont poussé quatre millions de personnes à descendre dans la rue, avec près de cinquante chefs d’État et de gouvernement en tête du cortège. Cette image forte des politiques du monde entier réunis dans les rues de Paris a rap-pelé l’importance de la satire et du dessin de presse pour décrypter l’actualité. Elle nous a fait prendre conscience que les dessinateurs étaient en première ligne.

LES DESSINATEURS EN PREMIÈRE LIGNE

Daryl Cagle (États-Unis)

« Liberté d’expression »

Double page précédente :

Darío (Mexique)

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PLANTURiss, comment continuer de dessiner, comment être à la hauteur de cette nouvelle difficulté, comment rebondir ensemble ?

RISSRebondir n’est peut-être pas le mot. Ma vision est une vision à long terme par rapport au passé et à l’avenir. Ce qui s’est passé s’inscrit dans un pro-cessus engagé depuis des années, insuffisamment perçu à l’époque, et qui

s’est aggravé jusqu’aux attentats de janvier 2015. Dans les années 1990, Charlie Hebdo avait été har-celé judiciairement par une association de catho-liques intégristes qui nous poursuivait régulièrement pour racisme antichrétien. Elle cherchait à obte-nir du droit français que ce dernier reconnaisse un tel délit. Heureusement, les tribunaux n’ont jamais accepté cette alchimie bizarre entre racisme et

racisme antichrétien. Mais il était déjà inquiétant de voir que certains pen-saient ainsi. Lorsqu’on en parlait aux autres médias, cela ne les intéressait pas. Ils nous renvoyaient à notre identité de journal anticlérical. Pour moi, c’était un signe avant-coureur de la suite.

Tout le monde est en danger, il faut voir plus loin que notre inconfort de dessinateurs.riss

Dilem (Algérie)

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Ensuite, lorsque nous avons logiquement publié les caricatures, nous avons été de nouveau poursuivis ‒ cette fois par des musulmans ‒ avec le même objectif de nous faire condamner pour racisme antimusulman. C’était la même alchimie. Devant les jurisprudences obtenues contre les associa-tions catholiques, la justice française ne pouvait pas se dédire. Elle a confirmé ce qu’elle avait déjà jugé. On ne peut pas être condamné pour racisme antimusulman même lorsque l’on fait des dessins un peu sati -riques ou blasphématoires sur le Prophète.Quelques années après, nous avons été incendiés. Ensuite assassinés. Notre volonté de faire des dessins sur la religion n’a pas changé, mais l’en-vironnement s’est durci jusqu’à aboutir à l’attaque du 7 janvier 2015. Je m’interroge sur ce que sera l’étape suivante. Que va-t-il arriver si on est assassiné simplement pour avoir revendiqué le droit de faire des dessins sur une religion ou sur une autre ?Neuf mois après les attentats, j’ai une autre perspective. Nous tirer dessus pour les caricatures n’était qu’un prétexte. Nous ne sommes plus dans des histoires de dessins ou de blasphème. Ces gens-là ne veulent pas de diver-sité culturelle ou intellectuelle. D’autres personnes seront victimes de ce genre d’attentat, et ce ne seront ni des journalistes ni des dessinateurs. Tout le monde est en danger, il faut voir plus loin que notre inconfort de dessinateurs.

PLANTUNous allons très régulièrement dans les écoles. Le fait de pouvoir échan-ger devant des enfants de la quatrième à la terminale nous permet de nous rendre compte que, si de nombreux jeunes sont Charlie, d’autres ne sont

Riss vu par Kichka (Israël)*

164Willem (France)

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Kroll (Belgique)

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Boligán (Mexique)