La conflictualité sociale :
pathologie, facteur de cohésion
ou moteur du changement
social ?Chapitre 7 - TES 4 - 2014/2015 - PhW
Manuel Sciences Economiques et Sociales Tle ES éd. 2012 Hatier
pages 256 à 279
Thèmes et questionnements Notions Indications complémentaires
2.2 La conflictualité
sociale : pathologie,
facteur de cohésion ou
moteur du changement
social ?
Conflits sociaux,
mouvements sociaux,
régulation des conflits,
syndicat.
On montrera que les conflits peuvent
être appréhendés à partir de grilles de
lecture contrastées : comme pathologie
de l'intégration ou comme facteur de
cohésion ; comme moteur du
changement social ou comme
résistance au changement. En
s'appuyant sur quelques exemples, on
s'interrogera sur la pertinence
respective de ces différents cadres
d'analyse en fonction de la nature des
conflits et des contextes historiques. On
s'intéressera plus particulièrement aux
mutations des conflits du travail et des
conflits sociétaux en mettant en
évidence la diversité des acteurs, des
enjeux, des formes et des finalités de
l'action collective.
2. Intégration, conflit, changement social
Acquis de première :
groupe d'intérêt, conflit
Sanitation workers protest in Memphis during their 1968 strike for better working conditions. Photo © Ernest Withers,
Petit exercice d’imagination…
Vous êtes membre d’une association de
défense de l’environnement (“L’Orge propre”)
et vous voulez protester contre un projet de
papeterie qui risquerait de polluer fortement
la rivière.
Comment allez vous organiser votre action ?
Quels moyens pouvez vous utiliser ?
Un mouvement social désigne une « forme d'action
collective concertée en faveur d'une cause »(Erik Neveu, Sociologie des mouvements sociaux, La Découverte, 1996)
Cela suppose l'identification d'un adversaire (employeur,
administration, gouvernement)...
En cela, un mouvement social se distingue a priori du
groupe de pression et du lobbying .
Tous les conflits sociaux ne peuvent être considérés
comme étant des mouvements sociaux.
Cela dépend de l'ampleur et de la finalité du conflit
2° Les conditions d'émergence d'un conflit
I- Diversité des conflitsA- Conflits et mouvements sociaux
5 conditions + une...• sentiment d'injustice
• adversaire commun
• partager des intérêts communs et en
avoir conscience
• disposer d'une capacité d'organisation
collective
• militants actifs et expérimentés
✓la victoire doit être perçue comme
possible...
La théorie de la frustration relative
Selon la théorie de la frustration relative, formulée par des
psychosociologues dans les années 60, ce n'est pas la paupérisation
qui pousse à se révolter comme le prétend la vulgate marxiste, mais
le décalage entre ses conditions réelles de vie et le niveau qu'on
s'estime en droit d'attendre à un moment donné.
❝Ce n’est pas toujours en allant de mal en pis que l’on
tombe en révolution. Il arrive le plus souvent qu’un peuple
qui avait supporté sans se plaindre et comme s’il ne les
sentait pas les lois les plus accablantes, les rejette
violemment dès que le poids s’en allège. Le régime qu’une
révolution détruit vaut presque toujours mieux que celui qui
l’avait immédiatement précédé et l’expérience apprend que
le moment le plus dangereux pour un mauvais
gouvernement est d’ordinaire celui où il commence à se
réformer. Il n’y a qu’un grand génie qui puisse sauver un
prince qui entreprend de sauver ses sujets après une
oppression longue. Le mal qu’on souffrait patiemment
comme inévitable semble insupportable dès qu’on conçoit
l’idée de s’y soustraire. ❞
Alexis de Tocqueville L’ancien Régime et la Révolution. 1856
Les mouvements sociaux ont pour effet, par le conflit, de
créer des institutions sociales. Ils créent des acteurs
reconnus comme légitimes (par exemple, les syndicats)
pour négocier de tel ou tel sujet.
L'évolution des conflits sociaux dans le monde du travail
est donc marquée par l'institutionnalisation de ces
conflits.
Les conflits antérieurs et les négociations successives ont
donc amené les employeurs et les syndicats, et souvent
l'État, à s’entendre pour édicter des règles qui régissent
les situations de conflits potentiels.
De ce point de vue, les entreprises ressemblent de plus en
plus à la société, qui se civilise en remettant la charge de
la résolution des conflits à une institution judiciaire
indépendante.
Régulation des conflits: ensemble de règles
qui encadrent l’expression des conflits et les
manières de les résoudre.
Répertoire d’action collective: ensemble des
moyens d’actions collectives à la disposition des
mouvements contestataires à une époque don née,
dans un lieu donné.
Le concept de répertoire d’actions collectives
désigne le stock limité de moyens d’action à la
disposition des groupes contestataires, à chaque
époque et dans chaque lieu.
Charles Tilly, à qui l’on doit ce concept, le définit comme
« une série limitée de routines qui sont apprises,
partagées et exécutées à travers un processus de choix
relativement délibéré »
Un syndicat est un groupement de personnes physiques
ou morales pour la défense ou la gestion d'intérêts
communs.
Le terme a de nombreuses acceptions mais plus
communément il désigne les organisations de défense
de l'intérêt des salariés (ouvriers, employés ou cadres),
souvent désignées sous le sigle « OS » (organisations
syndicales) et protégées par une législation particulière
(liberté syndicale, droit de grève, ...).(Fiche Wikipedia)
Chronologie Syndicalisme
1791 : promulgation du décret d'Allarde, les 2 et 17 mars, qui supprime les corporations et
de la « loi le Chapelier » le 14 juin, qui interdit le droit de coalition des métiers et les
grèves.
1864 : Le 25 mai, suppression du délit de coalition et de grève (loi Ollivier). Cette loi met
un terme à la Loi Le Chapelier. Les syndicats sont toujours interdits, mais en constituer un
n'est plus considéré comme un délit.
1884 : Le 21 mars, vote de la loi légalisant les syndicats professionnels ouvriers et
patronaux à l'initiative de Waldeck-Rousseau.
1886 1er mai : grèves des ouvriers à Chicago pour une journée de travail de 8h. Une
sévère répression s'ensuit.
1891 : première célébration française et internationale de la journée d'action du 1er mai.
Le 1er mai 1891, à Fourmies (Nord) la troupe tire sur des grévistes : neuf morts, 35
blessés.
1891 : Publication de l'encyclique Rerum Novarum par le pape Léon XIII.
1895 : Congrès constitutif de la Confédération générale du travail CGT à Limoges
1906 : Charte d'Amiens : cette charte adoptée au congrès de la CGT, donne au
syndicalisme confédéral de la CGT son orientation (lutte des classes, indépendance vis-à-
vis des partis politiques.
1919 : Création de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC).
1919 : loi sur les conventions collectives
1936 Front Populaire : accords de Matignon
1940 : le gouvernement de Vichy dissout les syndicats.
1944 Programme du Conseil National de la Résistance, création de la CGC (cadres)
1947 Scission au sein de la CGT avec création de la CGT-Force Ouvrière
1964 Création de la CFDT issue de la déconfessionnalisation de la CFTC (maintien d’une minorité)
1968 Grève générale en mai. Accords de Grenelle
1988 Des militants démissionnaires de la CFDT créent Sud
1992 scission dans les syndicats de l’Éducation Nationale et création de la FSU
1994 Création de l’UNSA
2008 : "Position commune", signée le 9 avril par la CGT, la CFDT, le MEDEF et la CGPME, visant à modifier les règles définiss
Chronologie Syndicalisme
En vertu des règles légales et réglementaires antérieures
à la promulgation de la loi du 20 août 2008, d'une part,
seuls ces syndicats pouvaient signer des accords à
l'échelle nationale ou inter-professionnelle, et d'autre
part, au sein d'une entreprise, tout syndicat professionnel
affilié à l'une de ces organisations représentatives au
niveau national était considéré comme représentatif.
Ces cinq organisations sont présumées représentatives
jusqu'en aout 2013 data à partir de laquelle les nouvelles
lois sur la représentativité entreront en vigueur.
Seuls les syndicats qui dépasseront 10 % dans les
entreprises et 8 % dans les branches et au niveau
national seront représentatifs en 2013.
La loi de 2008 sur la
représentativité syndicale
Taux de syndicalisation depuis 1892, en % des actifs
Alternatives Economiques Hors-série n° 089 - avril
2011
Les facteurs de la
désyndicalisation• Chômage (“armée industrielle de réserve”)
• évolution des emplois (précarité, tertiarisation,...)
• l'éclatement des “collectifs de travail”
• individualisme (“passager clandestin”)
• divisions syndicales et moindre efficacité
• institutionnalisation des syndicats (coupure avec la
base ?)
Mais..le syndicalisme
reste incontournable• si les syndicats sont peu présents dans les
PME, ils restent présents dans les grandes
entreprises et la Fonction publique
• présence des syndicats dans de
nombreuses instances
(“Institutionnalisation”)
• leur rôle reste essentiel dans les
négociations globales (la législation du
travail les rend obligatoires)
• La capacité de mobilisation reste forte
(sympathisants)
La faiblesse du taux de syndicalisation en France (l’un
des plus bas d’Europe) incite à parler de déclin, mais
la présence syndicale augmente et les syndicats
conservent une grande capacité à mobiliser et à
exprimer les revendications des salariés.
Les établissements où les syndicats sont présents
connaissent plus de conflits du travail et de grèves et
les syndicats sont capables de mobiliser bien au-delà
de leurs adhérents (cf. la mobilisation contre la réforme
des retraites en 2010)
2° De nouveaux acteurs des mouvements sociaux
I- Diversité des conflitsC- Les acteurs des mouvements sociaux
Alain Touraine
(né en 1925)D’après lui, un mouvement social se
définit par un principe d’identité
(définition de l’acteur par lui-même), un
principe d’opposition et un principe de
totalité, car aucun mouvement social ne
se définit seulement par le conflit, mais
tous aspirent à contrôler le mouvement
de l’histoire.
Les acteurs des conflits et des mouvements sociaux
sont avant tout les personnes concernées par les
conflits : salariés des entreprises, victimes (les «
sans », les malades du sida...). Ces personnes
n’agissent pas seules, des organisations (syndicat,
association, coordination, comité....) et leurs
militants encadrent les contestations et les font
également émerger.
Les organisations peuvent s’appuyer sur des «
personnes ressources » (personnalités connues ou
experts) qui contribuent à la médiatisation des
conflits et apportent leurs compétences pour faire
aboutir les revendications. Victimes, personnes
ressources et experts sont de nouveaux acteurs des
mouvements sociaux.
1° Pathologie sociale ?
II- Les effets des conflitsA- Les conflits sociaux sont-ils favorables à
l'intégration sociale ?
Les émeutes des banlieues en 2005 peuvent être
considérées comme une pathologie de l’intégration:
d’une part, parce que le mouvement s’est traduit par des
destructions d’équipements publics utiles aux jeunes
casseurs eux-mêmes (école, gymnase ... ) ; d’autre part,
les jeunes répondaient, à travers la violence, à la
stigmatisation et au harcèlement policier à l’encontre
d’une population considérée comme non intégrée. Mais
ce fut un mouvement sans organisation, sans porte-
parole, sans projet de société très défini.
2° Conflit et intégration sociale ?
II- Les effets des conflitsA- Les conflits sociaux sont-ils favorables à
l'intégration sociale ?
Les fonctionnalistes perçoivent les conflits sociaux comme
des signes de dysfonctionnement, comme des pathologies,
car pour eux. a priori, la société est bien intégrée et ajustée.
On peut aussi ranger Durkheim dans ce courant de pensée.
En revanche pour des auteurs comme Simmel ou
Dahrendorf, si l’origine du conflit est ce qui sépare (la
haine, l’envie, la misère ... ), le conflit rassemble, il est
créateur de lien et d’intégration sociale dans le groupe
mobilisé. C’est le conflit qui assure la pérennité des
groupes ou des associations.
1° Conflits et changement social
II- Les effets des conflitsB- Les conflits sociaux : résistance ou
modernisation de la société ?
7 Avril 1971
❝Un million de femmes se font avorter chaque année en
France. Elles le font dans des conditions dangereuses en
raison de la clandestinité à laquelle elles sont condamnées
alors que cette opération, pratiquée sous contrôle médical,
est des plus simples. On a fait le silence sur ces milliers de
femmes. Je déclare que je suis l'une d'elles. Je déclare avoir
avorté. De même que nous réclamons le libre accès aux
moyens anticonceptionnels, nous réclamons l'avortement
libre.❞
C'est la couverture de Charlie Hebdo du 12 avril 1971
qui a transformé le "Manifeste pour l'avortement" en
"Manifeste des 343 salopes"...
Les normes sociales, en général évoluent
plus vite que les normes juridiques..
Normes socialesNormes
juridiques
Déviants
innovateurs
Conflits
sociaux"Entrepreneurs
de morale"
Mais les normes juridiques font aussi
évoluer les comportements...!
Normes socialesNormes
juridiques
Des exemples ?
Mais on s'éloigne de notre sujet...
Pour Marx, les conflits sociaux sont le moteur du
changement social. Ils sont économiques (la production)
et aussi sociaux: ils concernent les rapports de pouvoir
et de domination dans la société et sont porteurs d'un
projet de société.
Pour Alain Touraine. l'information et la connaissance
sont les enjeux des mouvements sociaux de la seconde
moitié du XXe siècle.
Cependant, si les conflits étaient offensifs dans la
décennie 1960, l’objectif étant d'obtenir de nouveaux
droits ou avantages. ils sont aujourd’hui plus souvent
défensifs. Il s'agit plus souvent de préserver des acquis:
l’emploi, les services publics, la protection sociale, le
droit à l'avortement ... et donc de préserver un modèle
de société et un type d'intégration
2° Les conflits : facteur de résistance
II- Les effets des conflitsA- Les conflits sociaux : résistance ou
modernisation de la société ?
Il existe aussi des mouvements de refus du
changement, sans que ceux-ci soient inscrits dans un
projet de société. Ainsi les mouvements anti-éoliens se
soucient plus de préservation des paysages que de
développement durable.
Ils sont qualifiés de NIMBY(Not In My Back Yard “pas
dans mon jardin”), dans le sens où les acteurs ne
s’opposeraient pas aux éoliennes, si elles n’étaient pas
dans leur environnement.
Ces mouvements apparaissent de plus en plus et
peuvent être reliés au développement de
l’individualisme évoqué dans le chapitre précédent.