Transcript
Page 1: La réforme de la réforme du droit des contrats - … · La réforme du droit des contrats intervenue par l'ordonnance n 2016-131 du 1 er février 2016 a modifié près de 300 articles

IMMOWEEK LOGEMENT

Florence Defradas etJonathan Quiroga-Caldo

LPA-CGR Avocats

• La réforme de laréforme du droit des contrats

La réforme du droit des contrats intervenuepar l'ordonnance n 2016-131 du 1

erfévrier

2016 a modifié près de 300 articles du codecivil inchangés depuis 1804. Le 1

eroctobre

2017, la réforme a célébré son premieranniversaire depuis son entrée en vigueuret, conformément à la Constitution, doit àprésent faire l'objet d'une loi de ratification.

La ministre de la Justice s'attendait sansdoute à ce que le parlement ratifie purementet simplement l'Ordonnance. C'était sanscompter sur le droit de regard du parlement et,en particulier, du Sénat qui souhaite apporterdes modifications parfois substantielles ànotre droit des contrats. Mais l'AssembléeNationale, fidèle au gouvernement, vientde détricoter en partie les modificationsdes sénateurs afin de retrouver l'esprit de

l'Ordonnance voulue par la Chancellerie.Néanmoins, certaines modifications votéespar le Sénat perdurent. La nouvelle loi devraitêtre votée définitivement dans le courant dupremier semestre 2018.Quoiqu'il en soit, il est instructif d'examinerdès à présent les principales modificationsqui concerneront demain les professionnelsde l'immobilier en matière contractuelle et

en droit des sociétés.

Quels impacts sur les contratsimmobiliers ?S'agissant des clauses abusives entreprofessionnels, le code civil autorise le juge,

en cas de litige, à remettre en cause les clausesfigurant dans les conditions générales descontrats. L'article 1110 du code civil prévoitque ces clauses figurent nécessairement dansdes conditions générales lesquelles ne sontpas, par définition, négociées de gré à gré.Pour pallier le risque pesant sur les contratsqui comprennent des conditions générales,

ainsi par exemple des baux commerciaux,les avocats ont pris l'habitude d'introduireune clause stipulant que l'ensemble desobligations a été négocié entre les parties.Lors du projet de ratification del'Ordonnance, le Sénat avait proposé desupprimer toute référence à la notion deconditions générales dans le code civil et, ce

faisant, de supprimer l'insécurité juridiquerésultant de la reconnaissance des clausesabusives entre professionnels par le droitcommun. L'Assemblée Nationale a supprimécet amendement adopté par le Sénat : c'estdonc un retour à la case départ (pour lemoment) !

Concernant l'imprévision, depuis la réforme,l'article 1195 du code civil confère au jugeun pouvoir exorbitant dans les contrats au

long cours : si les parties ne parviennentpas à s'accorder à l'issue d'une procédure de

révision de leur contrat suite àun changementde circonstances imprévisibles rendant sonexécution excessivement onéreuse pourune des parties, le juge peut décider demodifier lui-même le contrat ou d'y mettrefin en décidant des modalités. Là encore, lesavocats recourent systématiquement à une

stipulation écartant l'application du codecivil sur ce point. En effet, les entreprises sont

hostiles au fait de laisser le juge décider à leurplace.

Le Sénat a ainsi souhaité supprimer le texteen question, ce que l'Assemblée Nationale a

refusé. Le sort de l'imprévision en droit descontrats semble donc incertain.

Quels impacts sur le droit des sociétés ?Depuis la réforme, deux nouvelles menacespèsent de manière systématique sur lavalidité des contrats passés par les sociétés, cequi a suscité un tollé chez les professionnels

du droit.Première disposition anxiogène, l'article114 5 du code civil qui dispose que la capacitédes sociétés est limitée aux actes utiles à laréalisation de leur objet social. Il s'agit là d'un

véritable nid à contentieux tant les termesde la loi sont équivoques. Il faut ici saluer leparlement qui a voté de manière pertinentela suppression du dispositif critiqué dans leprojet de loi.

Seconde disposition posant problème, l'article1161 du code civil destiné à lutter contreles conflits d'intérêts et qui dispose qu'unreprésentant ne peut agir pour le compte

de deux parties au contrat ni contracterpour son propre compte avec le représenté.Cette disposition, incompatible avec lesrègles du droit des sociétés, fait peser unrisque juridique inutile sur les conventionsintra-groupes et, plus généralement, surles opérations où un représentant uniqueintervient. Heureusement, le parlements'est mis d'accord pour supprimer le texte à

l'origine de la difficulté, qui ne sera bientôtplus applicable aux personnes morales.Toutefois, outre les incertitudes liées auxnouveaux textes et aux inévitables problèmesd'application de la loi dans le temps, il fautajouter qu'une fois la loi de ratificationvotée, tous les articles du code civil issus de laréforme du droit des contrats pourront êtresoumis à l'examen du Conseil constitutionnel

au moyen d'une question prioritaire deconstitutionnalité. Plus que jamais, l'avocats'avère être le partenaire incontournabledes professionnels de l'immobilier pouréviter les embûches qui ne manqueront pasd'accompagner la dernière réforme.

Tous droits de reproduction réservés

PAYS : France PAGE(S) : 4SURFACE : 90 %PERIODICITE : Hebdomadaire

5 janvier 2018 - N°890

Recommended