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Parmi les principaux facteurs qui interviennent dans le déroulement d’une procédure d’adoption, puis dans l’adaptation de l’enfant à sa famille, figurent la composition de la famille, la motivation des parents et les préférences pour l’enfant attendu. Une étude de l’Institut national d’études démographiques réalisée à partir de dossiers de candidats à l’adop- tion souligne les relations entre les caractéristiques des candidats, celles qu’ils souhaitent pour les enfants et leurs probabilités de réaliser leur projet. Dans la mesure où l’intégration d’un enfant à sa famille dépend en partie de l’adéquation entre l’enfant attendu et l’enfant accueilli, l’adoption d’un enfant différent comporte parfois un risque. Or, parmi les adoptants, au moins un sur quatre adopte un nombre d’enfants ou un enfant différent par l’âge, le sexe ou l’origine du projet avec lequel il avait obtenu un agrément. D epuis son apparition dans le Code civil de 1804, la finalité de l’adoption a été modifiée plusieurs fois en France. Alors que sous la Révo- lution, l’adoption avait pour objectif de donner une famille aux enfants qui n’en avaient pas et de diviser les fortunes, avec le Code Napoléon, elle retrouve la conception romaine de transmission du nom et du patrimoine. Avec la loi de 1923, elle devient une œuvre charitable qui autorise les veuves à adopter les orphelins de la guerre. En 1939, la légitimation adoptive permet aux couples stériles d’adopter un jeune enfant et, en 1966, la loi sur l’adoption plénière est votée afin de protéger les parents adoptifs d’une reprise de l’enfant par ses parents biologiques. L’adoption plénière substitue la nouvelle filiation à l’ancienne et entraîne une rupture juridique totale avec la famille naturelle. Aujourd’hui, une des idées fortes qui traverse l’ensemble des textes législatifs est que l’adoption ne tend pas à donner un enfant à des parents mais des parents à un enfant « dans l’intérêt supérieur de l’enfant » (article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant). Pourtant, l’adoption par des couples stériles ou des célibataires cherchant à combler un manque d’enfants est bien plus répandue que l’adoption pour donner une famille à un enfant, dite aussi « adoption humanitaire », commencée dans les années 1970 au Vietnam. Quelquefois, les candidats ont des motivations plus singulières, comme les femmes qui refusent d’accoucher sans qu’il existe de contre-indication médicale. D’autres trouvent dans l’adoption des avantages secondaires comme la possibilité de choisir le sexe ou l’âge de l’enfant ou celle d’enrichir la fratrie par l’accueil d’un « enfant d’ailleurs » (1). Tous ces objectifs ne sont pas exclusifs, un même souhait peut résulter à la fois d’intentions altruistes et de considérations plus égoïstes. Des motivations des candidats à la parenté adoptive découlent les caractéristiques de l’enfant désiré, souvent plus proche du nourrisson en bonne santé que de l’enfant orphelin ou aban- donné pour lequel il n’a pas été possible de trouver une famille dans son pays (2) en raison de son âge, de son appartenance à une fratrie, de sa santé ou de son handicap. Pour être autorisés à adopter, les candidats doivent obtenir de l’Aide sociale à l’enfance un agrément. Celui-ci leur est délivré ou refusé à l’issue d’une procédure d’évaluation psychologique et sociale. Au cours d’entretiens avec une assistante sociale et un psychologue ou un psychiatre, les candidats présentent leurs motivations et leur « projet », à savoir Politiques sociales et familiales n° 95 - mars 2009 33 Parentalité Enfants attendus et enfants accueillis dans le cadre de l’adoption Isabelle Frechon Catherine Villeneuve-Gokalp Institut national d’études démographiques (INED). Chargées de recherche. Mots clés : Adoption – Filiation – Parentalité. (1) Pour reprendre le titre du rapport au Premier ministre de Jean-François Mattei, 1995, Enfant d’ici, enfant d’ailleurs. L’adoption sans frontière, Paris, La Documentation française, collection des rapports officiels. (2) Les soixante-seize pays signataires de la Convention de la Haye du 29 mars 1993 sur la protection de l’enfant et la coopération en matière d’adoption internationale se sont engagés à respecter le principe de subsidiarité qui veut que l’adoption internationale n’intervienne que s’il n’a pas été trouvé de solution permettant à l’enfant de rester dans son pays.

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Enfants attendus et enfants accueillisdans le cadre de l’adoption

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Page 1: Enfants attendus et enfants accueillis dans le cadre de l’adoption

Parmi les principaux facteurs qui interviennent dansle déroulement d’une procédure d’adoption, puisdans l’adaptation de l’enfant à sa famille, figurent lacomposition de la famille, la motivation des parentset les préférences pour l’enfant attendu. Une étudede l’Institut national d’études démographiquesréalisée à partir de dossiers de candidats à l’adop-tion souligne les relations entre les caractéristiquesdes candidats, celles qu’ils souhaitent pour lesenfants et leurs probabilités de réaliser leur projet.Dans la mesure où l’intégration d’un enfant à safamille dépend en partie de l’adéquation entrel’enfant attendu et l’enfant accueilli, l’adoptiond’un enfant différent comporte parfois un risque.Or, parmi les adoptants, au moins un sur quatreadopte un nombre d’enfants ou un enfant différentpar l’âge, le sexe ou l’origine du projet avec lequelil avait obtenu un agrément.

Depuis son apparition dans le Code civil de1804, la finalité de l’adoption a été modifiée

plusieurs fois en France. Alors que sous la Révo-lution, l’adoption avait pour objectif de donner unefamille aux enfants qui n’en avaient pas et de diviserles fortunes, avec le Code Napoléon, elle retrouvela conception romaine de transmission du nom etdu patrimoine. Avec la loi de 1923, elle devientune œuvre charitable qui autorise les veuves àadopter les orphelins de la guerre. En 1939, lalégitimation adoptive permet aux couples stérilesd’adopter un jeune enfant et, en 1966, la loi surl’adoption plénière est votée afin de protéger lesparents adoptifs d’une reprise de l’enfant par sesparents biologiques. L’adoption plénière substituela nouvelle filiation à l’ancienne et entraîne unerupture juridique totale avec la famille naturelle.

Aujourd’hui, une des idées fortes qui traversel’ensemble des textes législatifs est que l’adoptionne tend pas à donner un enfant à des parents maisdes parents à un enfant « dans l’intérêt supérieurde l’enfant » (article 3 de la Convention internationaledes droits de l’enfant). Pourtant, l’adoption par descouples stériles ou des célibataires cherchant àcombler un manque d’enfants est bien plus répandueque l’adoption pour donner une famille à un enfant,dite aussi « adoption humanitaire », commencéedans les années 1970 au Vietnam. Quelquefois, lescandidats ont des motivations plus singulières,comme les femmes qui refusent d’accoucher sansqu’il existe de contre-indication médicale. D’autrestrouvent dans l’adoption des avantages secondairescomme la possibilité de choisir le sexe ou l’âge del’enfant ou celle d’enrichir la fratrie par l’accueild’un « enfant d’ailleurs » (1). Tous ces objectifs nesont pas exclusifs, un même souhait peut résulter àla fois d’intentions altruistes et de considérationsplus égoïstes. Des motivations des candidats à laparenté adoptive découlent les caractéristiques del’enfant désiré, souvent plus proche du nourrissonen bonne santé que de l’enfant orphelin ou aban-donné pour lequel il n’a pas été possible de trouverune famille dans son pays (2) en raison de son âge,de son appartenance à une fratrie, de sa santé oude son handicap.

Pour être autorisés à adopter, les candidats doiventobtenir de l’Aide sociale à l’enfance un agrément.Celui-ci leur est délivré ou refusé à l’issue d’uneprocédure d’évaluation psychologique et sociale.Au cours d’entretiens avec une assistante socialeet un psychologue ou un psychiatre, les candidatsprésentent leurs motivations et leur « projet », à savoir

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33 Parentalité

Enfants attendus et enfants accueillisdans le cadre de l’adoption

Isabelle FrechonCatherine Villeneuve-Gokalp

Institut national d’études démographiques (INED).Chargées de recherche.

Mots clés : Adoption – Filiation – Parentalité.

(1) Pour reprendre le titre du rapport au Premier ministre de Jean-François Mattei, 1995, EEnnffaanntt dd’’iiccii,, eennffaanntt dd’’aaiilllleeuurrss..LL’’aaddooppttiioonn ssaannss ffrroonnttiièèrree, Paris, La Documentation française, collection des rapports officiels.(2) Les soixante-seize pays signataires de la Convention de la Haye du 29 mars 1993 sur la protection de l’enfant et lacoopération en matière d’adoption internationale se sont engagés à respecter le principe de subsidiarité qui veut quel’adoption internationale n’intervienne que s’il n’a pas été trouvé de solution permettant à l’enfant de rester dans son pays.

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ce qu’ils attendent de l’adoption, les liens et larelation qu’ils souhaitent établir avec l’enfant. Lescaractéristiques des enfants qu’ils souhaitentaccueillir résultent de cette réflexion ; elles sontdonc révélatrices des attentes des candidats et,plus généralement, de leur projet. Naturellement,ils s’efforcent aussi de se montrer sous leur jour leplus favorable et de convaincre qu’ils sont pourvusde toutes les qualités pour devenir de bons parentsadoptifs (Rault, 1997). Dans cette intention, lescandidats adaptent leur discours à ce qu’ils saventdes attentes des évaluateurs (des internauteséchangent des conseils sur plusieurs forums) et,parfois, taisent certains de leurs désirs, de leursrefus ou de leurs motivations. Ces omissionspeuvent porter tant sur le refus d’une origine del’enfant pour ne pas être suspectés de racisme quesur la poursuite de traitements médicaux quisignaleraient qu’ils n’ont pas renoncé à l’enfantbiologique. La situation conjugale des candidats,leur âge, la présence d’autres enfants, leurs revenuspeuvent également constituer des obstacles àl’obtention de l’agrément ou à une propositionultérieure d’apparentement (3). Dans l’espoir decompenser un « désavantage », certains candidatsproposent d’accueillir un enfant âgé ou unefratrie.

Dans une recension des études sur l’adoption,Françoise-Romaine Ouellette et Hélène Belleaupointent les principaux facteurs qui interviennentdans l’adaptation de l’enfant à sa nouvellefamille ; parmi ces facteurs figurent « les motiva-tions et les préférences des adoptants, les caracté-ristiques de leur famille, l’âge de l’enfant aumoment de son adoption et le nombre d’enfantsadoptés simultanément » (Ouellette et Belleau,1999:66). À partir d’une enquête de l’Institutnational d’études démographiques (INED – encadréci-contre), on observera les liens entre les carac-téristiques des candidats, leurs motivations etleurs préférences, puis l’effet de chacun de cesfacteurs sur leurs chances d’adopter. Cependant,alors que les caractéristiques et les motivationsdes candidats sont antérieures à leur demanded’adoption, ils peuvent modifier leurs préférencesou y renoncer à tout moment. Dans la mesure oùl’intégration d’un enfant à sa famille dépend enpartie de l’adéquation entre l’enfant souhaité etl’enfant adopté, une modification des préférencescomporte un risque lorsqu’elle n’est pas spon-tanée mais négociée sous la pression des servicessociaux ou des « circonstances » (absence de propo-sition d’un enfant, découragement, etc.). Il imported’en prendre la mesure, ce que l’on tentera defaire dans une dernière partie.

Enfants attendus : motivationset préférences des candidats

LLeess ccaarraaccttéérriissttiiqquueess ddee ll’’eennffaanntt ssoouuhhaaiittééddaannss ll’’aaddooppttiioonn :: «« llee pprroojjeett »»

Neuf candidats sur dix souhaitent un enfant le plusjeune possible et un sur trois fixe l’âge maximum del’enfant à moins de 3 ans. Seulement 13 % sontprêts à adopter un enfant âgé de six ans ou plus. Lesvœux concernant l’âge de l’enfant sont inconnuspour 17 % des candidats. Pour éviter de créer descatégories rassemblant des effectifs insuffisants, lescandidats qui souhaitaient un enfant de plus d’unan (9 %) et ceux qui acceptaient un enfant de 6 ansou plus (13 %) ont été regroupés, soit 18 % desdemandes (tableau 1 p. 36, colonne 2). Les troisquarts des candidats ne veulent adopter qu’un seulenfant à la fois, pour les mêmes raisons que desparents qui attendent une naissance ne souhaitentpas des jumeaux, mais aussi pour ne pas cumulerles difficultés de l’adoption à celles de l’arrivée deplusieurs enfants et parce que l’aîné de la fratrierisque d’être plus âgé que voulu. Cependant, 20 %des candidats acceptent deux enfants et 4 % lesouhaitent, la motivation donnée est d’empêcher laséparation d’une fratrie, mais certains comptentadopter deux enfants et voient dans l’adoptiond’une fratrie le moyen de réduire leur attente.L’agrément étant obligatoirement délivré pourl’adoption d’un nombre maximum d’enfants, celuique les candidats sont prêts à accueillir simultané-ment est toujours connu.

Deux candidats sur dix ne cachent pas leur préfé-rence pour une fille (15 %) ou pour un garçon(5 %). Lorsque c’est possible, l’argument est d’équi-librer le nombre de filles et de garçons dans lafratrie, mais cette raison n’est pas unique puisque ledésir d’une fille est trois fois plus fréquent que celuid’un garçon, et qu’il domine également chez lescandidats sans enfant. De nombreuses études mon-trent que les garçons auraient de plus grandes diffi-cultés d’intégration scolaire et sociale et seraientplus rebelles à l’adolescence. F.-R. Ouellette etH. Belleau (1999:136) suggèrent que : « Les diffé-rences entre filles et garçons pourraient aussi êtreétudiées en regard de leurs stratégies d’adaptationaux préjugés et au racisme, de leur attitude face à laréussite scolaire, à leur identité ethnoculturelled’origine et à leurs relations sociales et amoureuses ».

Seulement vingt-deux candidats avaient proposéd’accueillir un enfant atteint d’une maladie chroni-que ou d’un handicap physique ou mental. Cesoffres étant particulièrement recherchées des services

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(3) On utilise le terme « apparentement » pour désigner le choix d’une famille adoptive pour un enfant en fonction desparticularités des familles candidates et des enfants adoptables.

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sociaux, il est certain qu’elles sont toujours notéesdans le dossier des candidats. Cependant, la raretéde ces propositions ne permet pas de les incluredans des analyses statistiques. La proportion decandidats qui souhaitent adopter un enfant enbonne santé mais pourraient accepter une patho-logie régressive ou un handicap léger serait de9 % d’après les dossiers, mais on sait qu’elle estplus élevée. En effet, la plupart des candidatsouverts à cette éventualité préfèrent le taire auxservices sociaux par crainte que ces derniers pro-fitent de cette information pour leur proposer unenfant avec un problème de santé, ou pour selaisser la possibilité de refuser un enfant atteint d’unemaladie ou d’un handicap dont la gravité dépas-serait celle qu’ils se sentent capables d’assumer.

Les préférences pour l’origine géographique sontmal connues, sauf pour 22 % des candidats quitiennent à ce que l’origine de l’enfant soit proched’eux (tableau 1, p 36). Par « origine proche », onentend un enfant né sur le même continent que lesadoptants, presque toujours l’Europe. À l’excep-tion de quelques couples mixtes, ces candidatsont l’intention d’adopter uniquement un enfant

européen. Certains justifient leur demande parleur crainte qu’une différence physique visiblerappelle constamment à l’enfant qu’il n’est pasné de ses parents ou qu’elle l’expose à la fois auracisme et aux préjugés contre l’adoption.D’autres pensent qu’ils s’attacheront plus facile-ment à un enfant qui ressemblera à un enfantbiologique. Les pays dans lesquels les autrescandidats seraient prêts à adopter sont soit totale-ment inconnus (aucune indication dans 28 % desdossiers), soit mal connus (pour 50 %). La plupartdes candidats qui se disent prêts à adopter danstel ou tel pays ne font qu’indiquer les pays oùl’adoption est la plus facile et où ils comptentfaire une demande. Quant aux candidats « sanspréférence », ils ne sont pas tous indifférents àl’origine de l’enfant, nombre d’entre eux taisentleurs préférences pour laisser ouvertes toutes lespossibilités. Ils savent, en effet, que nombre depays ne confient pas leurs enfants à des parentsqui ne les auraient pas choisis d’emblée. Demême, les candidats évitent également de faireétat de leurs réticences ; seuls 8 % refuseraient unenfant noir, ce qui est noté dans les dossierscomme un refus de l’Afrique.

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L’Institut national d’études démographiques (INED)a réalisé une étude sur l’adoption dans dix départe-ments à partir des dossiers de tous les candidatsqui ont fait une demande d’agrément en vued’adopter un enfant non apparenté et dont lesdémarches se sont terminées en 2001 ou 2002. Lesdossiers contiennent des justificatifs de l’état civil,de la situation familiale, professionnelle et financièredes candidats, ainsi que toutes les décisions relativesà la procédure d’agrément. Si un enfant est adoptéà l’issue de la procédure, une copie du jugementd’adoption, à défaut un courrier des parents, indiquela date à laquelle l’enfant est accueilli, son sexe, sonâge et son origine géographique. Les rapports del’assistante sociale et du psychologue sont joints audossier. Ils y exposent le projet tel que les candidatsle leur ont présenté et tel qu’ils l’ont décrypté, et ilsconcluent en donnant leur avis sur la décision àprendre concernant l’agrément. Mais tous les argu-ments ne sont pas autorisés pour motiver leur avis.Certains motifs de refus sont illégaux et ne pourraientpas être soutenus devant les tribunaux, comme unâge jugé trop élevé (1) ou une présomption d’homo-sexualité. Inversement, les intervenants peuvent nepas rapporter la totalité des entretiens s’ils estimentque certains éléments pourraient faire obstacle à uneadoption à laquelle ils sont pourtant favorables (2). Ledossier des candidats qui renoncent à leur démarcheavant la fin de la procédure d’agrément (16 % des

candidats) est souvent incomplet en ce qui concerneles caractéristiques de l’enfant souhaité. C’estpourquoi les analyses présentées dans cet articlene portent que sur les candidats en couple ou lesfemmes seules (les cinq hommes célibataires del’étude ont été exclus de cette présentation, aucund’eux n’a adopté à l’issue de la procédure) qui ontmaintenu leur demande au moins jusqu’à la décisiond’agrément, soit 1 547 candidats. Parmi eux, 943ont adopté à l’issue de la procédure. Ces candidatsont adopté 1 027 enfants (un enfant unique : 862 ;deux enfants : 78 ; trois enfants : 3), soit 12 % desadoptions réalisées en France en 2001 et 2002.L’origine du projet, les travaux de recherche antérieurs,et les rares données statistiques disponibles ont étéexposées de manière détaillée dans le numéro 5 dela revue Population paru en 2004 (3) ; la méthode etla sélection des départements dans le numéro 2 de2007 (4).

(1) Le rapport de J.-M. Colombani (2008) préconise un écartd’âge maximal entre adoptants et adoptés.(2) Un service d’adoption nous a confié qu’il ne proposaitpas un pupille aux candidats qui refusent un enfant noir, maisque si les candidats présentent toutes les garanties nécessairespour adopter et si leur refus n’a pas de motifs racistes, il nementionne pas ce refus dans le dossier des candidats pour nepas leur nuire dans leurs démarches à l’étranger.(3) Halifax J. et Villeneuve-Gokalp C., 2004, L’élaborationd’une enquête sur l’adoption en France, PPooppuullaattiioonn, vol. 59,n° 5 :767-782(4) Villeneuve-Gokalp C., 2007, Du désir d’adoption àl’accueil d’un enfant, PPooppuullaattiioonn, vol. 62, n° 2:281-314.

Les sources

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L’adoption d’un aîné en Asie est l’argument le plusfréquemment rencontré pour justifier une préférencepour ce continent [entre 1994 et 1999, près dutiers des enfants adoptés à l’étranger étaient nés auVietnam (4)] ; les autres arguments rappellent lesstéréotypes positifs sur les Asiatiques. Une proximitélatine ou une connaissance de la langue justifie leplus souvent une demande pour l’Amérique tandisqu’une préférence pour l’Afrique est réservée àceux qui y ont vécu.

UUnn pprroojjeett iissssuu ddee llaa ssiittuuaattiioonn ffaammiilliiaalleeeett ddeess mmoottiivvaattiioonnss ddeess ccaannddiiddaattss

Une typologie des candidats permet d’expliquerleur projet : elle s’appuie uniquement sur leur situa-

tion conjugale, leurs possibilités d’être parents etle fait d’avoir déjà adopté. Pour ne pas multiplierles catégories, le milieu social n’a pas été retenu,celui-ci étant sans effet sur les souhaits concernantle nombre, l’âge et le sexe des enfants (Villeneuve-Gokalp, 2007) ; seule l’origine géographique varieavec la catégorie socioprofessionnelle. Les candi-dats qui n’ont pas d’enfant adopté ont été distinguésen trois groupes (tableau 1) : les couples tériles etinféconds [53 % (5)] ; les couples avec enfants bio-logiques ou qui peuvent en avoir (sans difficultésphysiologiques connues) et les femmes seuleségalement mères d’enfants biologiques (19 %) ; lesfemmes seules sans enfant (8 %). Un quatrièmegroupe réunit tous les candidats ayant déjà adopté(20 %). Près de neuf fois sur dix, ce sont des couples

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Tableau 1

Caractéristiques des enfants demandées selon la situation parentaleet l’histoire génésique des candidats

Caractéristiques souhaitéesou acceptées

Ensemblecandidats saufabandon avant

agrément

Dont : sans enfant adopté

Avec un enfantadopté

Avec enfantbiologique (1) ou

sans difficultéspour en avoir

Couples sansenfant et stériles

Femmes seulessans enfant

Effectifs 1 547 288 835 117 307

Répartition 100 19 53 8 20

ÂÂggee ssoouuhhaaiittééoouu aacccceeppttéé

Moins de 3 ansMoins de 6 ans> 0 an ou > 5 ansnr

33321817

24353011

33331024

18383014

4926196

TToottaall 110000 110000 110000 110000 110000

Dont :• Âge minimum 0 > an ou + 9 19 4 12 11

• Âge maximum 6 ans et + (2) 13 22 8 25 12

NNoommbbrreedd''eennffaannttss

11 ou 22 ou +

76204

82153

70246

84142

81172

TToottaall 110000 110000 110000 110000 110000

PPrrééfféérreenncceeppoouurr uunn sseexxee

Pour un garçonPour une filleIndifférent ou nr

51580

62470

39

88

61787

81973

TToottaall 110000 110000 110000 110000 110000

OOrriiggiinneessggééooggrraapphhiiqquueess

« Proche » descandidats (3)Plusieurs – toutesnr

225028

155233

274825

154540

185428

TToottaall 110000 110000 110000 110000 110000

SSaannttéé ::pprroobbllèèmmee

AcceptéRefusénr

106129

86626

86329

155530

135334

TToottaall 110000 110000 110000 110000 110000

Source : enquête Adoption, INED, 2003-2004.Champ : ensemble des procédures qui n’ont pas été abandonnées avant la décision d’agrémentnr : non renseigné.(1) Enfants biologiques du couple. Lorsque les conjoints (ou l’un d’eux) ont des enfants d’une union antérieure mais pas d’enfant commun,le couple est considéré comme sans enfant.(2) Ou âge indifférent.(3) « Origine proche »uniquement = même continent d’origine que les adoptants.

(4) Source : Mission de l’adoption internationale (MAI).(5) Pour les couples stériles et inféconds, les caractéristiques des enfants souhaités sont indépendantes du refus, de l’inutilitéou de l’assistance médicale à la procréation, c’est pourquoi on n’en a pas tenu compte.

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stériles et inféconds, mais ils s’en distinguent parleur projet conçu en fonction des besoins del’aîné. En outre, les services d’adoption évaluent lescandidats qui ont déjà adopté sur la réussite de lapremière adoption.

Les parents d’enfants biologiques ou pouvant enavoir s’apprêtent à adopter un enfant qui deviendra lefrère ou la sœur de leurs enfants ; ces familles ontainsi plus souvent que les autres une préférencepour un sexe (30 %) et conditionnent l’accueild’un enfant à son âge. Il doit être plus jeune queleur benjamin pour ne pas modifier son rang dansla fratrie mais il ne doit pas être beaucoup plusjeune que lui. Un âge minimum peut égalementêtre demandé par des parents qui se sentent tropâgés pour un nourrisson ou qui n’ont plus legoût de pouponner ; un enfant « âgé » peut êtreaccueilli uniquement pour donner une famille àcet enfant. Finalement, 19 % des parents bio-logiques ne veulent pas d’un enfant très jeune et22 % sont disposés à adopter un enfant âgé de6 ans ou plus. Ces couples sont aussi plus ouvertssur l’origine de l’enfant, et seulement 15 %souhaitent un enfant « proche » d’eux (tableau 1).Les couples sans enfant et stériles cherchent unenfant à l’image de l’enfant biologique : 89 %souhaitent un enfant le plus jeune possible et peud’entre eux accepteraient un enfant de 6 ans (8 %).Ces candidats sont également les plus nombreux(27 %) à souhaiter un enfant d’une origine proche.En revanche, ils se sentent plus souvent capablesd’accueillir une fratrie que les autres candidats(30 %). Quant aux femmes seules sans enfant,leurs attentes se rapprochent davantage de cellesdes parents d’enfants biologiques que de cellesdes couples stériles : elles ne sont que 15 % àvouloir un enfant de la même origine qu’elles et30 % proposent d’adopter un enfant « âgé », mais16 % seulement envisagent l’adoption d’une fratrie.Si la demande des célibataires est proche descandidats déjà parents, leurs motivations sontdifférentes puisque celles-ci ne résultent pas dela présence d’autres enfants. En laissant plus depossibilités sur l’origine des enfants et leur âge,les femmes célibataires espèrent ainsi augmenterleurs chances d’adopter, mais d’autres recherchentmoins un substitut de l’enfant biologique qu’àprendre soin d’un enfant privé de famille. Lescélibataires sont d’ailleurs les plus nombreuses àaccepter un enfant ayant un problème de santé.Les candidats qui ont déjà adopté se distinguentpar une demande très forte d’un enfant de moinsde trois ans (49 %) et celle d’un enfant étrangerafin que la fratrie adoptée ait une origine commune(29 % au lieu de 13 % des candidats sans enfantadopté).

En ce qui concerne les professions et catégoriessocioprofessionnelles, les employés et les ouvrierssouhaitent plus souvent un enfant d’une « origineproche » (respectivement 29 % et 30 %) que lesautres catégories socioprofessionnelles (20 %pour l’ensemble des travailleurs indépendants,cadres et professions intermédiaires) (6). Cetteattente d’un enfant qui ressemblera à ses parentspeut s’expliquer par un phénomène d’anticipationdes difficultés de la parenté adoptive et par unevalorisation plus forte des liens biologiques dansles milieux populaires. Pour ces mêmes raisons, etparce qu’ils reculent devant les difficultés et lecoût des démarches à l’étranger, les employés etles ouvriers sont moins souvent candidats àl’adoption. Ceux qui entreprennent des démarchessont plus souvent des couples stériles sans enfant(59 % chez les employés et 72 % chez les ouvriers)que les autres catégories sociales (50 %). Or, quelque soit le milieu social, les couples qui cherchentun « substitut » à l’enfant biologique cherchentun peu plus souvent que les autres un enfant quileur ressemble.

Parmi les candidats à l’adoption, les couples sansenfant et stériles, les moins de 40 ans, les personnesles plus favorisées socialement et économique-ment parviennent à adopter plus souvent que lesautres catégories (Villeneuve-Gokalp, 2007). L’issuede leurs démarches dépend-elle également deleurs préférences, à savoir de l’âge, du nombre, del’origine, du sexe de l’enfant qu’ils se sentent prêtsà adopter ?

Enfants accueillis : la capacitédes candidats à modifier leurs attentes

Parmi les personnes qui souhaitent adopter unenfant et persévèrent dans leur intention au moinsjusqu’à la fin de la procédure d’agrément, plus desix sur dix adoptent à l’issue de leurs démarchessi elles sont indifférentes au sexe de l’enfant, necherchent pas uniquement un enfant d’uneorigine géographique proche et sont prêtes àaccueillir une fratrie ; celles qui souhaitent unefratrie réussissent d’ailleurs près de trois fois surquatre (tableau 2 p. 38, colonne 2). En revanche,à peine plus de la moitié des candidats qui ontune préférence pour une fille ou un garçon ouqui veulent un enfant physiquement procheparviennent à adopter (53 % et 54 %). Le seulsouhait dont les effets sont contraires à ceuxattendus par les candidats concerne l’âge del’enfant. Bien que les enfants « âgés » soient plusdifficilement adoptés en raison de la rareté desfamilles qui en font la demande, les démarches

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37 Parentalité

(6) Pour un couple, la catégorie socioprofessionnelle retenue est celle du conjoint qui occupe la position la plus élevée.

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Tableau 2

Adoption d’un enfant et obtention de l'agrément selon le projet et les caractéristiquesdes candidats. Pourcentages observés et Odds ratios d’une régression logistique

Source : enquête Adoption, INED, 2003-2004.Champ : ensemble des procédures qui n’ont pas été abandonnées avant la décision d’agrément.*** p<0,001, ** p<0,01, * p<0,05.Lecture du tableau : parmi les candidats dont le projet initial était d’adopter un seul enfant (la référence), 60 % ont adopté et 90 % avaientobtenu l’agrément. Parmi ceux qui souhaitaient en adopter un ou deux simultanément, 63 % ont adopté et 95 % avaient obtenu l’agré-ment. Toutes choses égales par ailleurs, les probabilités d’adopter des candidats qui souhaitaient un ou deux enfants ne sont pas significa-tivement supérieures à la référence mais celles d’obtenir l’agrément l’étaient (odds-ratio=2,2).

Adoption Obtention de l’agrément

% observés Odds ratio % observés Odds ratio

EEnnsseemmbbllee 6611 11 554477 9911 11 554477

Souhaits des candidats

Nombre d'enfants acceptés

Uniquement un enfant 60 Référence 90 Référence

Un ou deux 63 1,0 95 2,2*

Deux ou plus 73 1,7 94 1,6

Âge maximum accepté

< 3 ans 68 1,0 96 1,5

3-5 ans 64 Référence 91 Référence

Minimum > 1 an ou maximum > 6 ans 47 0,6** 81 0,4***

Non renseigné 56 0,7* 90 0,8

Origines géographiques acceptées

Proche des candidats uniquement 54 0,8 86 0,6

Autres 63 Référence 92 Référence

Préférence pour un sexe

Oui 53 0,8 85 0,6*

Non 63 Référence 92 Référence

Santé

Problème accepté 64 1,4 92 1,1

Refusé ou non renseigné 61 Référence 91 Référence

Caractéristiques des candidats

Situation conjugale et parentale

Candidats avec enfant biologique

ou sans difficulté pour en avoir 46 0,5*** 87 0,7

Couple sans enfant et stériles 63 Référence 91 Référence

Femme seule sans enfant 46 0,7 77 0,4**

Avec un enfant adopté 74 1,6** 99 12,4***

Âge femme

< 32 ans 62 0,9 94 1,1

32-39 ans 65 Référence 96 Référence

40 ans et + 53 0,7* 86 0,6*

Catégorie socioprofessionnelle et revenus

Indépendant : agriculteur, artisan,commerçant 71 1,5 94 1,3

Cadre 2 300 € ou plus 65 1,3 96 1,9*

Cadre, moins de 2 300 € 55 1,0 92 1,7

Profession intermédiaire, 2 300 € ou plus 61 Référence 94 Référence

Profession intermédiaire, moins de 2 300 € 53 0,8 90 1,5

Employé, 2 300 € ou plus 63 1,4 88 0,7

Employé, moins de 2 300 € 45 0,5** 77 0,5*

Ouvrier, 2 300 € ou plus 65 1,1 88 1,1

Ouvrier, moins de 2 300 € 61 1,0 81 0,4*

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des candidats qui proposent d’accueillir un enfantde 6 ans ou plus ou qui ne souhaitent pas un bébéaboutissent moins souvent (47 %) que celles descandidats qui veulent un enfant le plus jeunepossible. On peut s’étonner également que lescandidats qui se disent prêts à adopter un enfantayant des problèmes de santé adoptent à peineplus facilement que ceux qui le refuseraient apriori (64 % contre 61 %).

Une préférence pour une fille ou pour un enfantâgé est-elle pénalisée parce qu’elle émane plussouvent des célibataires et des parents d’enfantsbiologiques ? Le désir d’une proximité des originesavec l’enfant est-il sanctionné parce qu’il exprimeune négation de l’identité de l’enfant adopté ouparce qu’il est plus répandu dans les classespopulaires ? Autrement dit, les chances d’adopterdépendent-elles davantage des caractéristiquesdes candidats ou des caractéristiques de l’enfantqu’ils désirent ? Pour répondre à ces questions,un modèle de régression logistique a été utilisé,permettant de contrôler à la fois les souhaits et lescaractéristiques des candidats, y compris leurdépartement de résidence (et, par conséquent, ladiversité des services d’adoption). Les référencespour les caractéristiques des enfants sont : unenfant unique, âgé de zéro à 5 ans ; en bonnesanté, sans préférence pour le sexe ; pas nécessaire-ment de la même origine que ses futurs parents.Les caractéristiques de références des candidatssont : un couple sans enfant et stérile ; la femmeest âgée de 32 ans à 39 ans ; le conjoint dont laprofession est la plus élevée sur l’échelle socialeexerce une profession intermédiaire et lesrevenus d’activité du ménage sont supérieurs à2 300 euros (7) (tableau 2).

LLee «« pprroojjeett »» ddeess ccaannddiiddaattss :: ddéétteerrmmiinnaannttppoouurr ll’’aaggrréémmeenntt,, mmaaiiss ssaannss eeffffeett ssuurrllaa ssuuiittee ddeess ddéémmaarrcchheess

L’analyse confirme les effets de chacune descaractéristiques des candidats sur les probabilitésd’adopter. En revanche, elle signale que le profilde l’enfant attendu ne les modifie pas, à l’exceptionde l’âge : vouloir ou accepter un enfant « âgé »diminue de manière significative les risques relatifsd’adopter (odds ratio : 0,6) (tableau 2, colonne 3).Une procédure d’adoption se décompose en deuxétapes : la première se termine par l’obtention oule refus de l’agrément, la seconde par l’adoptiond’un enfant ou par l’expiration de l’agrément(valable cinq ans) sans adoption. Les effets des

caractéristiques des candidats et des souhaits pourles enfants peuvent donc être concentrés sur uneseule de ces deux étapes ou exister à chacuned’elles et avoir des effets qui se cumulent ous’annulent selon le moment. Une application dumodèle de régression précédent signale que laremise de l’agrément dépend à la fois des caracté-ristiques des candidats et de leurs souhaits(tableau 2, colonne 5). Les candidats dont le projetest « souple » obtiennent le plus facilement l’agré-ment et l’attitude la plus appréciée est celle descandidats qui souhaitent un enfant unique mais sedéclarent prêts à y renoncer pour éviter la sépa-ration d’une fratrie (tableau 2, colonnes 4 et 5). Aucontraire, une préférence pour une fille ou ungarçon est perçue négativement et accroît lesrisques de refus d’agrément. Tout en faisant preuvede souplesse, les candidats doivent connaître lesdifficultés des adoptions tardives : une préférenceou un accord pour un enfant âgé recueille diffici-lement l’adhésion des professionnels, même lors-que les candidats n’ont pas d’autre intention qued’aider un enfant.

Après avoir obtenu l’agrément, les candidatsconnaissent une période d’attente et de démarchestantôt en France, tantôt à l’étranger. L’issue desprocédures dépend alors de réalités qui échappentau contrôle des candidats, en particulier despolitiques des pays d’accueil (80 % des adoptionssont réalisées à l’étranger). Les caractéristiquesdes candidats ont encore des effets sur l’issue deleurs démarches, mais leur « projet » n’en a plus.La présence d’enfants biologiques ou la possi-bilité d’en avoir devient le principal facteurd’inégalité entre les candidats, les risques relatifsd’adopter étant moitié moindres pour ces candi-dats que pour les couples stériles [après l’agré-ment, 53 % des premiers adoptent un enfantcontre 70 % des seconds et l’odds ratio est de0,5 (8)]. Le taux de réussite pour une deuxièmeadoption est supérieur à celui d’une premièredemande (75 % des candidats agréés adoptentcontre 65 % – tableau 3, p. 40) mais, touteschoses égales par ailleurs, l’expérience acquisene modifie pas les probabilités de réussite. Lescandidats qui font une deuxième demande sonttrès majoritairement des couples sans enfant bio-logique, or ils parviennent toujours à adopterplus facilement que les autres candidats dès lapremière demande. Comment expliquer qu’unefois l’agrément obtenu, les préférences descandidats soient sans effet sur l’issue de leursdémarches ?

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39 Parentalité

(7) Par « revenus » on désigne uniquement les revenus d’activité des deux conjoints ou de la femme seule, y compris lesallocations chômage. Il s’agit des revenus nets mensuels déclarés au début de la procédure d’agrément, vers 1999, en majoritéavant le passage à l’euro en 2002. Les revenus donnés en francs ont été convertis en euros.(8) La régression sur les risques relatifs d’adopter des candidats agréés n’est pas reproduite dans le texte, aucun des souhaitsconcernant les enfants n’ayant d’effet.

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AAuu mmooiinnss uunn aaddooppttaanntt ssuurr qquuaattrree aaddoopptteeuunn eennffaanntt ddiifffféérreenntt ddee ssoonn pprroojjeett

Les deux tiers des candidats qui ont obtenu unagrément ont adopté un enfant, mais une fois surquatre au prix d’une modification de leur projetinitial. Cette proportion est un minimum ; elletient compte des modifications sur le nombred’enfants, l’âge, le sexe et l’origine lorsque lesparents demandaient qu’elle soit « proche », maiselle ignore les souhaits contrariés pour une autreorigine géographique ou pour la santé (9). Laproportion de 16 % de candidats agréés (soit 24 %des adoptants) qui ont adopté un enfant différentde l’enfant « rêvé » est donc un minimum. Certes,les années passant, les candidats peuvent modifierspontanément leur projet initial et souhaiter endéfinitive un enfant né ailleurs, seul plutôt qu’enfratrie, avec d’autres limites d’âges. Mais une telleévolution est rare en regard de celle des candidatsqui acceptent une proposition par peur de ne pasen avoir d’autres ou par culpabilité de refuser unenfant.

Pour une première adoption, les couples sansenfant et stériles sont ceux qui adoptent le plussouvent l’enfant qui correspond à leurs attentes(54 % des candidats agréés), contre 41 % des céli-bataires et seulement 34 % des parents d’enfantsbiologiques. Ces parents adoptent plus facilementselon leurs souhaits car les instances qui sélec-tionnent les familles pour les enfants leur donnent

la préférence sur les autres candidats (10) et certainspays n’autorisent pas l’adoption par des personnesseules ou par des parents d’enfants biologiques.Malgré ces obstacles, les célibataires et les parentsbiologiques ne semblent pas beaucoup plusnombreux que les couples sans enfant à adopterun enfant différent de celui qu’ils avaient décritdans leur projet (20 % contre 15 %). En effet, afinde compenser les conséquences négatives de leurcélibat ou de la présence d’enfants, ces candidatsont présenté un projet peu restrictif (sur l’âge etl’origine en particulier). Soit ce projet est acceptétel quel, soit les candidats renoncent à l’adoption.Une motivation moins forte que celle qui animeles couples stériles peut aussi expliquer quecélibataires et parents biologiques préfèrent aban-donner leur projet plutôt que le modifier.

Les changements les plus fréquents portent surl’âge : 9 % des couples stériles accueillent unenfant plus âgé qu’ils ne le souhaitaient et cetteproportion est multipliée par deux pour les femmesseules. Deux fois sur trois, les dépassements sontinférieurs à deux ans, mais ils sont importantspuisqu’ils vont au-delà ce qui était déjà considérécomme un maximum. En outre, ces dépassementsconcernent principalement les candidats quiavaient fixé une limite d’âge supérieure élevée(6 ans ou plus). Les vœux pour un enfant trèsjeune étant rares, seulement 1 % des candidatsont adopté un enfant plus jeune que souhaité.Plusieurs études antérieures signalent l’âge de

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40 Parentalité

Sansadoption

Adoption dont Si modifications (1)

Identique auprojet initial

Aprèsmodification

du projet

de l’âge(2)

du nombre(3)

de l’origine« proche »

du sexe

EEnnsseemmbbllee 3333 5511 1166 1111 33 22 33

Pour une première adoption 35 48 17 11 4 2 2

Pour une adoption de rang > 1 25 60 15 11 1 1 4

Pour une première adoption

Avec enfant biologique ousans difficulté pour concevoir 46 34 20 16 4 1 3Couples sans enfant et stériles 31 54 15 9 5 2 2

Femmes seules sans enfant 40 41 19 17 2 1 4

Tableau 3

Issue des démarches des candidats agréés selon le rang de l’adoption et la situation familialedes candidats n’ayant pas déjà adopté (en %)

Source : enquête Adoption, INED, 2003-2004.Champ : ensemble des demandes qui ont obtenu l’agrémentLecture du tableau : sur 100 candidats agréés, 33 n’ont pas adopté, 51 ont adopté un enfant correspondant à leur projet initial et 16 ontadopté un enfant qui ne correspondait pas à leur souhait concernant l’âge (11 %) ou le nombre (3 %) ou l’origine (2 %) ou le sexe (3 %).(1) La somme des modifications (16 % pour l’ensemble des démarches) est supérieure à celle des adoptions avec modification du projet(19 %), quelques candidats ayant adopté en modifiant plusieurs critères de leur projet.(2) Mais 14 % si l’on exclut les projets qui ne sont pas renseignés sur l’âge.(3) 1,7 % ont adopté plus d’enfants qu’ils ne le prévoyaient et 1,7 % moins d‘enfants.

(9) L’état de santé « accepté » dans le projet n’a pu être comparé avec celui de l’enfant accueilli, les dossiers contenant troppeu d’informations sur la santé de l’enfant.(10) En France, les pupilles de l’État sont rarement proposés à l’adoption de célibataires, aucun dans l’étude de l’INED.

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l’enfant comme un des éléments majeurs de laréussite de l’adaptation de l’enfant à sa famille etréciproquement (Terre des Hommes, 1992 ; Sellenet,2006). Même si elles ne s’accordent pas toutes surl’âge auquel les risques de difficultés sont les plusélevés, un décalage entre l’âge souhaité et l’âgede l’enfant ne peut que les augmenter.

Chacun des autres vœux est contrarié pour seule-ment 2 % à 3 % des candidats agréés, ces propor-tions sont un peu plus élevées si on les rapporte auxadoptants concernés. Ainsi, 7 % des candidats quisouhaitaient un enfant « proche » ont adopté unenfant physiquement différent. Peu de candidatsagréés souhaitaient adopter une fratrie mais, parmieux, quatre sur dix ont adopté moins d’enfants quesouhaités au départ. À l’inverse, les candidats quisouhaitent un enfant unique sont nombreux, maisl’agrément étant délivré pour un nombre maximumd’enfants, sa modification est soumise à de nouvellesinvestigations et elle est peu demandée. Enfin,lorsqu’elle existe, une préférence pour un garçonou une fille n’est pas suffisamment forte pourempêcher les candidats d’adopter, la fréquence desadoptions par les candidats sans préférence n’étantpas significativement supérieure à celle des candi-dats qui en ont une. Cependant, le désir d’une filleou d’un garçon est suffisant pour que la moitié descandidats concernés adoptent selon leur vœu tandisque seulement 13 % adoptent un enfant de l’autresexe (tableau 4).

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Dans les années à venir, de plus en plusd’enfants adoptés différents de l’enfantrêvé ?

Le nombre croissant de candidats à l’adoption faceà la stabilité du nombre d’enfants adoptés chaqueannée en France a une double conséquence :l’accroissement des candidats qui doivent renoncerà leur projet et celui des adoptants qui accueillentun enfant différent de celui qu’ils avaient imaginé.Les plus concernés sont les célibataires et lescouples avec enfants biologiques qui n’ont pas lapréférence des services d’adoption : la moitié desdemandes d’adoption déposées par ces candidatsn’aboutit pas à une adoption et 35 % des enfantsaccueillis sont différents du projet des parents.Lorsque les candidats sont des couples stériles etsans enfant, encore un tiers des procédures seterminent sans adoption et 20 % des enfants necorrespondent pas aux vœux de leurs parentsadoptifs. Cependant, ces pourcentages seraient plusélevés si on avait pu tenir compte de la totalité despréférences sur l’origine géographique et la santédes enfants. Les années passant, le projet initial descandidats a pu évoluer naturellement, mais le plussouvent les parents ont accepté un autre enfantque celui qu’ils imaginaient par découragement oucrainte de ne pas avoir d’autres propositions, ouparce qu’ils ont rencontré l’enfant et n’ont pas eu

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41 Parentalité

Tableau 4

Issue des démarches selon les souhaits pour l’enfant (en %)

Source : enquête Adoption, INED, 2003-2004.Champ : ensemble des demandes qui ont obtenu l’agrément.(*) L’enfant adopté était plus âgé pour 11,3 % et plus jeune pour 6,3 %.Lecture du tableau : parmi les candidats agréés et qui souhaitaient adopter un enfant unique, 33 % n’ont pas adopté, 65 % ont adopté unseul enfant comme ils le souhaitaient, mais 2 % en ont adopté plusieurs.

Caractéristiques des enfantsdemandées

Pas d’adoption

Adoption

Totalcandidats agréésEnsemble

Dont :pour cette caractéristique, adoption

selon projetdifférentedu projet

Ensemble 33 6677 52 15 110000

Nombre

Uniquement un enfant 33 6677 65 2 110000

Un ou deux 34 6666 66 - 110000

Deux ou plus 22 7788 38 40 110000

Âge

Moins de 3 ans 29 7711 60 11 110000

Moins de 5 ans 30 7700 55 15 110000

Âge max.>5 ans ou âge min.> 0 an 42 5588 40 18 (*) 110000

Origine géographique

Proche des candidats uniquement 38 6622 55 7 110000

Autre 32 6688 - - 110000

Préférence pour un sexe

Oui 38 6622 49 13 110000

Non ou non renseigné 32 6688 68 - 110000

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le cœur de le laisser. Une modification du projetest fréquente pour les candidats qui adoptent àl’étranger (28 %) mais elle est rare pour ceux quiont la chance d’adopter en France (8 %).

La loi du 5 juillet 2005 (décret du 17 octobre 2006)rend obligatoire la notice de renseignementsjointe à l’agrément. Elle doit indiquer le nombred’enfants, l’âge et les « autres caractéristiques »de l’enfant (des enfants) pour lequel (lesquels)l’agrément est délivré. La loi contribuera à ce quel’âge souhaité soit respecté, mais ne modifiera pasles pratiques concernant les autres caractéristiques.Le nombre d’enfants était déjà obligatoirementprécisé dans l’agrément. Quant à la question surles « autres caractéristiques », elle n’appelle pasnécessairement une réponse précise. En outre, onpeut craindre que de plus en plus de candidatsobtiennent leur agrément avec un projet très ouvert,

de manière à se laisser plus de possibilités. Cette« stratégie » risque cependant de se retournercontre eux dans la mesure où les professionnelssont prompts à repérer les projets conçus dansl’espoir d’adopter plus facilement et se méfient descandidats porteurs d’un projet dit « humanitaire »ou qui surestiment leurs capacités à accueillirun enfant « à particularité ». Alors que peu decandidats sont prêts à accueillir un enfant « âgé »,toutes choses égales par ailleurs, ceux qui le pro-posent ont moins de chances d’adopter que ceuxqui veulent un enfant « le plus jeune possible ».D’une part, l’adoption pour venir en aide à unenfant, aussi généreuse soit-elle, ne suffit pas àconstruire un lien de filiation (Soulé et Lévy-Soussan, 2002) ; d’autre part, les parents quiaccueillent un enfant ne correspondant pas à leursattentes éprouvent davantage de difficultés à« l’adopter ».

Politiques sociales et familiales n° 95 - mars 2009

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Références bibliographiques