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La Cellule Economique et Politique (CEP) de l’association Njàccaar Visionnaire Africain présente : LES CAHIERS DE NJACCAAR L’INDUSTRIE PETROLIERE EN AFRIQUE Mars 2012

[LES CAHIERS DE NJÀCCAAR] - N°1 : L'industrie pétroliére en Afrique

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Le premier Cahier de Njàccaar porte sur l’industrie pétrolière en Afrique. Ce dossier est d’une vingtaine de pages est documenté et illustré avec plusieurs graphiques et images. Agréable à lire et surtout pédagogique, il traite des points suivants : I. GÉNÉRALITÉS SUR LE PÉTROLE I.1 - Qu’est ce que le Pétrole ? Formation, Piégeage, Exploration et Production du Pétrole Les différentes utilisations du Pétrole I.2 - Le Pétrole dans le Monde Production et Consommation de Pétrole dans le monde Une nouvelle donne mondiale II. L’INDUSTRIE PÉTROLIÈRE EN AFRIQUE II.1 - Géopolitique du Pétrole en Afrique Répartition des réserves et Production du Pétrole en Afrique Partenaires historiques VS Partenaires nouveaux II.2 - Économie du Pétrole en Afrique Multinationales VS Compagnies Nationales : Quel modèle pour l’Afrique ? Impact de l’exploitation pétrolière sur l’économie africaine III. PERSPECTIVES PÉTROLIÈRES POUR L’AFRIQUE III.1 - Prospective sur le pétrole et l’énergie en Afrique Quel futur pour l’exploitation pétrolière en Afrique ? Croissance de la population africaine et besoins énergétiques du continent III.2 – Les problèmes actuels et les facteurs sur lesquels nous pouvons agir Les problèmes actuels : Détournements d’argent et modèle économique Importance de la situation politique et de la formation scientifique IV. GLOSSAIRE ET SOURCES

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La Cellule Economique et Politique (CEP) de l’association

Njàccaar Visionnaire Africain présente :

LES CAHIERS DE NJACCAAR

L’INDUSTRIE PETROLIERE EN AFRIQUE

Mars 2012

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I. GENERALITES SUR LE PETROLE

I.1 - Qu’est ce que le Pétrole ?

Formation, Piégeage, Exploration et Production du Pétrole

Les différentes utilisations du Pétrole

I.2 - Le Pétrole dans le Monde

Production et Consommation de Pétrole dans le monde

Une nouvelle donne mondiale

II. L’INDUSTRIE PETROLIERE EN AFRIQUE

II.1 - Géopolitique du Pétrole en Afrique

Répartition des réserves et Production du Pétrole en Afrique

Partenaires historiques VS Partenaires nouveaux

II.2 - Economie du Pétrole en Afrique

Multinationales VS Compagnies Nationales : Quel modèle pour l’Afrique ?

Impact de l’exploitation pétrolière sur l’économie africaine

III. PERSPECTIVES PETROLIERES POUR L’AFRIQUE

III.1 - Prospective sur le pétrole et l’énergie en Afrique

Quel futur pour l’exploitation pétrolière en Afrique ?

Croissance de la population africaine et besoins énergétiques du continent

III.2 – Les problèmes actuels et les facteurs sur lesquels nous pouvons agir

Les problèmes actuels : Détournements d’argent et modèle économique

Importance de la situation politique et de la formation scientifique

IV. GLOSSAIRE ET SOURCES

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I. GENERALITES SUR LE PETROLE

I.1 - Qu’est ce que le Pétrole

Formation, Piégeage, Exploration et Production du Pétrole

Le pétrole est une substance liquide de couleur noire que l’on trouve à l’état naturel dans le

sous-sol. Composé très riche en hydrocarbures, le pétrole et ses dérivés (kérogène, Gazole,

Naphta etc) sont utilisés dans de très nombreux domaines comme le transport, l’industrie

pharmaceutique, la fabrication de composés plastiques etc. Le pétrole est considéré comme

une ressource non renouvelable (à échelle humaine) car sa formation est liée à un processus

qui dure des millions d’années. Ce processus de formation est le suivant :

Des végétaux marins, souvent des algues microscopiques appelées phytoplancton,

captent l’énergie lumineuse du soleil grâce à la photosynthèse.

Lors de la photosynthèse, ces végétaux créent de la matière organique qu’elles

stockent dans leurs tissus et dans leurs cellules. Cette matière organique est très

riche en Carbone.

Lorsqu’ils meurent, ces végétaux et leur matière organique vont s’accumuler dans la

vase argileuse des fonds marins où ils sont rapidement recouverts par d’autres

couches de vase ou de sable.

L’accumulation de ces nouvelles couches sur la matière organique enfonce celle-ci

dans le sous-sol marin. Quelques bactéries enfouies dans le sous sol dégradent cette

matière organique et la transforment en un produit noirâtre appelé kérogène. Celui-

ci continue à s’enfoncer dans le sous-sol. Ce processus d’enfoncement peut durer des

milliers d’années.

La température du sous-sol augmentant avec la profondeur, le kérogène va devenir

de plus en plus chauffé au fur et à mesure qu’il s’enfonce. Vers 1000 à 1500 mètres

de profondeur, la température atteint les 60°C et le kérogène, un mélange solide de

boue, de molécules riches en soufre et d’hydrocarbures, commence à se transformer

en Pétrole liquide sous l’effet de la chaleur. Cette transformation qui s’arrête vers

4000 mètres de profondeur c'est-à-dire aux alentours de 140°C, est très lente et peut

durer des millions d’années !

Apres cette très longue « cuisson » sous l’effet de la chaleur interne de la terre, le

pétrole liquide se forme, migre vers un endroit imperméable où il peut s’accumuler

(un piège). Ce piège est souvent constitué par des structures souterraines et

imperméables en forme de dôme que les géologues appellent « Anticlinaux ».

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Sous ces anticlinaux, le pétrole s’accumule dans une roche poreuse, le plus souvent

du sable ou du calcaire, que les géologues appellent roche réservoir. Le pétrole,

souvent avec de l’eau et du gaz, imbibe la roche réservoir en remplissant les espaces

vides c'est-à-dire la porosité de la roche. Ainsi les « champs » de pétrole doivent

plutôt être vus comme une éponge imbibée de liquides divers (pétrole, gaz et eau) et

non comme un lac souterrain !

Les différentes étapes de la formation du pétrole

Pour trouver du Pétrole, les géologues recherchent des indices favorables comme l’existence

de fossiles marins, de couches argileuses riches en kérogène (le précurseur du pétrole) ou

encore la présence de dômes souterrains, c’est à dire d’anticlinaux. La recherche de fossiles

ou de couches rocheuses riches en kérogène se fait sur le terrain. La recherche de pièges

anticlinaux souterrains nécessite l’intervention de techniques géophysiques sophistiquées

comme la sismique. La sismique va permettre de se faire une image assez fidele du sous-sol,

un peu comme une échographie révèle ce qui ne peut être vu à l’œil nu.

Une fois que l’existence d’un piège comme l’anticlinal est avérée, il faut ensuite s’assurer

qu’il y’a bien du pétrole qui s’est accumulé en dessous ou à proximité du piège. Cette

vérification est cruciale et elle s’effectue à l’aide de forages d’exploration qui coûtent

plusieurs dizaines de millions de dollars. A cette occasion, des foreuses vont percer la roche

sur plusieurs milliers de mètres (cela peut durer des mois) pour atteindre la zone cible où

l’on pense qu’il y’a du pétrole. Si on trouve du pétrole en quantité suffisante dans la roche

réservoir recouverte par le piège, le forage est dit « positif ». Mais cela n’arrive pas très

souvent.

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En effet on estime qu’en moyenne seul un forage sur 4 est positif, le reste étant des

forages « secs », c'est-à-dire ne contenant pas de pétrole ou tres peu pour être exploitable

et rentable. Ainsi lorsque le forage est sec, c'est-à-dire la plupart du temps, la compagnie

pétrolière perd tout l’argent qu’elle a investi dans l’exploration.

Dans le cas d’un forage positif, on effectue ce qu’on appelle une évaluation réservoir, pour

savoir combien de millions de litres de pétrole pourront être tirés de la roche réservoir

(sable ou calcaire imbibé). Ce travail effectué par des ingénieurs nécessite des modélisations

précises et tres gourmandes en calcul informatique. Une fois que le réservoir est évalué, on

envoie d’autres équipes de forage qui vont cette fois-ci procéder à la mise en place de puits

de production. Ceux-ci vont servir de conduits où le pétrole pourra remonter à la surface

pour être recueilli. Cette remontée se fait d’abord naturellement - le pétrole remonte dans

le puits grâce à la pression naturelle du réservoir - puis il faut ensuite « aspirer »

mécaniquement le pétrole afin qu’il sorte du réservoir où il s’était accumulé. On peut

également injecter d’autres fluides (comme de l’eau ou du gaz) dans le réservoir afin

d’expulser le pétrole vers la surface.

Les techniques de production du pétrole

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Les différentes utilisations du Pétrole

Le pétrole existe à l’état naturel mais il n’est pas une substance pure. Il est composé de

plusieurs hydrocarbures. Au début de son exploitation intensive à la fin des années 1800 aux

Etats Unis, le pétrole a d’abord été utilisé comme combustible dans les lampes à pétrole.

Mais tres rapidement, son raffinage, c'est-à-dire sa séparation en ses hydrocarbures

constitutifs, a permis l’utilisation du pétrole et de ses dérivés dans plusieurs domaines qui

sont entre autres :

La Production d’électricité grâce aux centrales thermiques où l’on brûle le pétrole lourd

appelé fuel.

Le Transport (automobile, aérien ou maritime) avec les carburants dérivés du pétrole :

essence, gazole, kérosène (à ne pas confondre avec kérogène!) etc.

L’Industrie plastique avec les polymères hydrocarbonés issus du raffinage. C’est grâce à cela

que l’on crée des sachets plastiques, des bouteilles d’eau en plastique.

L’industrie cosmétique, textile et pharmaceutique avec l’utilisation de composés

hydrocarbonés dans la fabrication des lotions, des tissus, des médicaments etc.

I.2 - Le Pétrole dans le Monde

Production et Consommation de Pétrole dans le monde

La découverte de l’énergie électrique ainsi que l’avènement de l’automobile et de l’avion ont

fait exploser la demande mondiale de pétrole, la faisant progresser sans discontinuité depuis

le début du XXème siècle. Aujourd’hui, la demande mondiale de pétrole est estimée à 82

millions de barils par jour (1 baril = 159 L). Cette demande est satisfaite par une production

équivalente essentiellement assurée par La Russie, L’Arabie Saoudite, Les Etats-Unis, L’Iran,

La Chine, L’Irak, Le Venezuela et d’autres pays membres de l’OPEP comme Le Qatar, Le

Nigéria ou encore le Koweït.

La demande mondiale de pétrole est quant à elle due à trois grands pôles de consommation

que sont les Etats-Unis, L’Europe et L’Asie du Sud-Est (Chine, Inde, Japon, Corée) avec

respectivement 21%, 22% et 31 % de la demande mondiale. Ainsi, bien qu’étant troisième et

cinquième producteurs mondiaux avec respectivement 7,5 et 4 Mbaril/jour, les Etats-Unis et

la Chine sont obligés d’importer de grandes quantités de pétrole pour satisfaire leur

demande interne.

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L’Afrique, aussi bien dans la production que dans la consommation, voit sa part sans cesse

augmenter alors que les consommations européenne et nord-américaine semblent stagner

depuis le début des années 2000.

Production et Consommation de Pétrole dans le monde 1985-2010 (BP Review 2011)

Une nouvelle donne mondiale

Apres la suprématie américaine dans la production jusque dans les années 1970, les pays du

golfe avec à leur tête l’Arabie Saoudite ont pris les rênes de l’industrie de production

mondiale de pétrole. Disposant de champs géants voire ultra-géants, disposant d’un pétrole

facilement exploitable à bas prix, ces pays ont joué le rôle de régulateur dans le marché

mondial du pétrole (chocs pétroliers de 1973 et 1979, Hausse de leur production pour pallier

à des accidents naturels ou garder un certain niveau de prix etc). Cependant, la hausse du

baril depuis le début des années 2000, a poussé les compagnies pétrolières et les Etats riches

en réserves à explorer de nouvelles contrées comme l’offshore (le pétrole situé en mer) ou

les pétroles non conventionnels comme les sables bitumineux de l’Athabasca au Canada ou

les huiles lourdes de l’Orénoque vénézuélien. Outre ces « nouvelles puissances pétrolières »,

on assiste depuis une décennie à la renaissance de la production de la Russie : Une Russie

qui est même devenue en 2011, premier producteur mondial de pétrole devant l’Arabie

Saoudite et ses champs de pétroles géants mais vieillissants.

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Cela fait également 20 ans que l’Afrique s’affirme comme l’une des nouvelles places fortes

de la production mondiale de pétrole. En effet, sa production globale est passée de 6,6

Mbaril/jour en 1990 à un peu plus de 10 Mbaril/jour en 2010 soit autant que les productions

russe ou saoudienne. A titre de comparaison, la production Nord-Américaine (USA, Canada,

Mexique) est passée de 13,8 Mbaril/jour en 1990 à…13,8 Mbaril/jour en 2010 ! Loin de cette

stagnation, la hausse de la production africaine est essentiellement assurée par quelques

géants « traditionnels » comme le Nigéria, l’Algérie ou la Lybie. Mais force est de reconnaitre

que la production africaine s’est également beaucoup décentralisée lors de la dernière

décennie avec l’émergence d’un nouveau géant , l’Angola, et la part de plus en plus

importante de pays comme le Soudan, le Tchad ou encore la Guinée Equatoriale.

Ces changements notables, aussi bien au niveau mondial qu’au niveau de l’Afrique peuvent

être imputés à l’émergence de la Chine, à l’explosion de la production offshore (très utilisée

en Afrique de l’Ouest), aux forts cours du baril qui permettent d’exploiter toujours plus loin,

et au déclin prochain ou déjà amorcé de régions historiquement productrices comme les

Etats-Unis ou la Mer du Nord.

II. L’INDUSTRIE PETROLIERE EN AFRIQUE

II.1 - Géopolitique du Pétrole en Afrique

Répartition des réserves et Production du Pétrole en Afrique

L’Afrique reste encore un terrain largement inexploré par les compagnies pétrolières.

Disposant de larges côtes, notamment sur sa façade atlantique, le continent africain possède

de vastes bassins côtiers ou sous-marins où il pourrait y avoir du pétrole. De même, certains

grands espaces du Sahara ou de la forêt équatoriale n’ont pas encore été explorés et

fourniront peut-être quelques surprises à l’avenir.

Ces perspectives encourageantes sont quelque peu confirmées par l’augmentation des

réserves prouvées de pétrole qui ont plus que doublé, passant de 60 milliards de barils en

1985 à 130 milliards en 2010. L’augmentation de ces réserves traduit la réussite qu’ont

rencontrée les compagnies pétrolières dans le cadre de leurs nombreuses campagnes

d’exploration entamées en Afrique depuis les années 1980. Ainsi, les réserves n’augmentent

pas dans l’absolu (il n’y a pas de 60 milliards de barils de pétrole qui se sont formés en 25

ans) mais on les découvre de plus en plus car l’investissement d’exploration augmente. A ce

propos, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) prévoit des investissements (exploration et

production) cumulés de 1200 Milliards de dollars en Afrique sur la période 2007-2030.

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Cet investissement est aujourd’hui essentiellement assuré par les compagnies américaines

(ExxonMobil, ChevronTexaco), européennes (Shell, Total) et asiatiques (chinoises

notamment avec la CNPC). L’investissement massif a permis de découvrir de nouveaux

champs offshore dans les pays déjà producteurs (Nigeria, Angola, Guinée Equatoriale) et a

également permis la découverte de gisements dans des pays qui n’avaient jamais produit de

pétrole comme le Ghana, le Tchad ou l’Ouganda.

Avec ses 130 milliards de barils de réserve, l’Afrique se place en troisième position mondiale,

loin derrière le Moyen-Orient et l’Amérique Latine, mais à égalité avec l’Europe (Russie

incluse). L’Afrique représente 10% des réserves mondiales de Pétrole et il est fort probable

que cette part progresse dans les décennies à venir en raison des investissements. A l’heure

actuelle, 4 pays, tous membres de l’OPEP, détiennent 80 % des réserves pétrolières

africaines, ces pays sont :

- La Lybie avec 46 Milliards de barils

- La Nigéria avec 37 Milliards de barils

- L’Angola avec 13 Milliards de barils

- L’Algérie avec 12 Milliards de barils

Cette répartition très inégale des réserves, ne signifie pas que des découvertes majeures

sont exclues ailleurs à l’avenir, mais elles montrent bien qu’il faudra compter avec ces 4

géants dans les prochaines décennies. 4 géants qui sont déjà, et de loin, les 4 plus gros

producteurs de pétrole en Afrique. En effet, 75 % des 10 Millions de barils que l’Afrique

produit quotidiennement viennent du Nigéria (2,4 Mbaril/jour), de l’Angola (1,9

Mbaril/jour), de l’Algérie (1,8 Mbaril/jour) et de la Lybie (1,7 Mbaril/jour). A cela s’ajoutent

les productions de l’Egypte (740.000 baril/jour), du Soudan (480.000 baril/jour), du Congo

Brazzaville (300.000 baril/jour), de la Guinée Equatoriale (275.000 baril/jour), du Gabon

(245.000 baril/jour) et du Tchad (120.000 baril/jour), tous les autres pays ayant pour

l’instant une production inférieure à 100.000 baril/jour.

En analysant ces données on s’aperçoit que deux grands pôles de production se dégagent :

- L’Afrique du Nord et du Nord-Est avec l’Algérie, la Lybie, l’Egypte, le Soudan et le Tchad.

- L’Afrique de l’Ouest avec le Nigéria, la Guinée Equatoriale, le Gabon, le Congo + l’Angola.

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La production de pétrole en Afrique et sa part dans le monde

Cette production est également « spécialisée » en fonction de la zone : sur la terre ferme en

Afrique du Nord et en offshore, c'est-à-dire en mer, dans le golfe de Guinée et en Angola.

Ces spécialisations peuvent entrainer quelques difficultés en vue de la mise en production.

Ainsi l’exploitation sur la terre ferme a des limites plutôt pratiques et économiques et non

technologiques comme c’est le cas en mer, notamment dans l’offshore profond. Exemple,

l’acheminement du pétrole tchadien, un néo-producteur, se fait en direction des côtes du

Cameroun grâce à un pipeline de 1100 km qui a coûté plusieurs milliards de dollars et de

longues heures de négociations entre investisseurs, état tchadien et compagnies pétrolières.

Le passage de l’exploration à la production n’est donc pas automatique et nécessite

d’importants investissements supplémentaires, notamment dans le cas de découvertes

situées à l’intérieur du continent (Tchad, Ouganda, RDC).

Partenaires historiques VS Partenaires nouveaux

La production africaine de pétrole est une industrie essentiellement tournée vers

l’exportation. En effet, l’Afrique n’a consommé que 30 % de sa production totale en 2010,

soit 3 millions de baril/jour. Les 7 millions de barils restants sont quotidiennement exportés

en direction des USA (2,2 Mbaril/jour), de l’Europe (2,6 Mbaril/jour) et de la Chine (1,3

MBaril/jour).

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Ces chiffres globaux cachent cependant une très grande hétérogénéité, notamment en ce

qui concerne les partenariats entre zones d’exportation et pays consommateurs. Ainsi 75%

des exportations en direction des USA sont réalisées par l’Afrique de l’Ouest (Angola incluse)

tandis que 65 % des exportations en direction de l’Europe sont assurées par l’Afrique de

Nord : Algérie, Lybie, Egypte essentiellement. Ces chiffres illustrent le pragmatisme des

industriels du pétrole ainsi que des pays producteurs et importateurs : en effet, pour les

compagnies pétrolières européennes, qui sont implantées en Afrique depuis très longtemps,

mieux vaut investir dans l’exploration et dans la construction de pipeline dans une zone

géographiquement proche comme l’Afrique du Nord plutôt que d’aller investir au Soudan

même si le français Total - 1er producteur en Afrique - n’hésite pas à prospecter sur toute

l’étendue du continent. Les compagnies américaines, également présentes sur le continent

depuis plusieurs décennies, ne commencent véritablement à y investir massivement que

depuis le début des années 2000. C’est le cas d’ExxonMobil, qui a quasiment triplé sa

production de Pétrole en Afrique entre 2000 et 2010 avec des investissements concentrés en

Angola, au Nigéria et au Tchad.

Ces partenaires historiques que sont les grandes compagnies européennes et américaines,

sont désormais concurrencées sur le continent par de multiples compagnies plus modestes

comme Tullow Oil, Devon, Kosmos Energy mais aussi et surtout par les compagnies

asiatiques avec à leur tête la chinoise CNPC. Si la concurrence dans la production est encore

assez limitée, la guerre entre occidentaux et asiatiques fait rage dans la recherche de

nouveaux gisements, domaine dans lequel les compagnies chinoises ont énormément investi

depuis la fin des années 1990.

Pour pallier son retard historique en Afrique et gagner du terrain sur ses concurrents

européens et américain, la Chine importe de plus en plus de pétrole en contrepartie

notamment d’une assistance technique dans des grands travaux de génie-civil initiés par les

pays africains. L’augmentation des importations chinoises a été la plus importante en

Afrique sur les dix dernières années, passant de 340.000 baril/jour en 2000 à 1.300.000

baril/jour en 2010 : elle a donc plus que triplé en 10 ans ! Sur la même période, les

importations européennes sont restées stables à 2.600.000 baril/jour et les importations

américaines ont progressé de 35 % passant de 1.600.000 baril/jour à 2.200.000 baril/jour en

2010.

Il apparait donc que la Chine et dans une moindre mesure les USA, sont en train de

s’installer comme les nouveaux interlocuteurs privilégiés de l’Afrique au détriment de

l’Europe en ce qui concerne les ventes d’hydrocarbures. On voit ainsi apparaitre de

nouveaux binômes de partenariat pétrolier un peu partout sur le continent : Chine/Angola,

Etats-Unis/Tchad, Chine/Soudan.

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Ceux-ci se rajoutent aux binômes traditionnels France/Gabon, France/Congo, Italie/Lybie.

Malgré tous ces partenariats, les pays producteurs de pétrole en Afrique sont le théâtre de

conflits armés (Nigéria, Congo des années 1990, Soudan, Lybie) et n’affichent pas la

prospérité des pays du golfe arabique. Ceci nous amène à poser la problématique de

l’économie du pétrole en Afrique. Est-elle réellement profitable aux pays africains et à leurs

populations ?

II.2 - Economie du Pétrole en Afrique

Multinationales VS Compagnies Nationales : Quel modèle pour l’Afrique ?

L’exploitation pétrolière mondiale est assurée par deux types de compagnies : les

compagnies multinationales privées et les compagnies nationales.

- Les compagnies multinationales privées (CMP) avec à leur tête les « majors »

américaines comme ExxonMobil, ChevronTexaco et les géants européens comme le

français Total, le britannique BP ou l’hollandais Shell. Ces compagnies prospectent et

produisent dans le monde entier à partir de concessions faites par les pays ayant du

pétrole dans leur sous-sol (cas de la Shell au Nigéria, de Total au Gabon etc)

- Les compagnies nationales (CN) qui sont des compagnies gérées par les pays

producteurs et qui détiennent souvent l’exclusivité des droits de production sur le

pétrole de leur pays. Ces compagnies ne s’exportent pas et se concentrent sur le pétrole

national. C’est le cas du vénézuélien PDVSA, du saoudien Aramco et de l’algérien

Sonatrach.

Il est intéressant de noter qu’à l’échelle mondiale, le rapport de forces est très déséquilibré

et apparait nettement en faveur des compagnies nationales au détriment des compagnies

multinationales privées. Les CMP qui dominaient le monde du pétrole jusque dans les

années 1970 sont petit à petit rentrées dans le rang et c’est ainsi que les 5 plus grandes CMP

à savoir ExxonMobil, Shell, BP, Total et ChevronTexaco, ne représentent plus qu’à peine 12 %

de la production actuelle de pétrole dans le monde. On peut penser que l’exploration et la

production de pétrole dans des zones difficiles comme l’offshore profond leur permettra de

faire jouer leur avance technologique pour regagner du terrain face aux CN. Celles-ci sont

très dominatrices en Amérique Latine avec Pemex au Mexique, Petrobras au Brésil et PDVSA

au Venezuela mais aussi au Moyen-Orient avec l’Aramco saoudienne et la NIOC de l’Iran.

En Afrique, le rapport de forces est plutôt en faveur des CMP, avec à leur tête Total et

ExxonMobil. L’Afrique est même devenue une part vitale pour ces deux compagnies car elle

représente 45% de la production mondiale de Total et 30 % de celle d’ExxonMobil. D’autres

géants comme Shell et ChevronTexaco mais aussi une multitude d’autres opérateurs privés,

mais qui sont de plus petite taille, exploitent également du Pétrole sur le continent.

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A cela s’ajoutent les compagnies chinoises, indiennes, italiennes ou même russes. Face à

cette multitude de compagnie privées, les compagnies nationales africaines font de la

résistance voire progressent pour certaines d’entres elles. C’est le cas du géant algérien la

Sonatrach qui est la 1ere entreprise du continent et qui investit des dizaines de milliards de

dollars dans l’exploration et la production de pétrole et de gaz naturel. La progression de la

production angolaise, avec des découvertes offshore comme le champ de Girassol, a

également permis l’émergence d’une nouvelle compagnie nationale puissante comme la

Sonangol. Celle-ci s’associe souvent à des CMP comme Total ou ExxonMobil pour bénéficier

de leur apport technologique tout en restant maitre dans les dividendes issus de la

production. Des pays néo-producteurs comme le Ghana avec sa GNPC adoptent également

ce système privé-public dans le cadre de leur exploitation naissante ou à venir.

En résumé, l’Afrique qui se place derrière l’Amérique Latine et le Moyen-Orient en termes de

réserves a un modèle économique différent de celui de ces deux zones. Alors que les

compagnies nationales dominent dans le Golfe et en Amérique Latine, les compagnies

privées sont leader en Afrique et y investissent de plus en plus. Or l’Amérique latine semble

redresser la barre en utilisant l’argent issu des compagnies nationales dans des programmes

socio-économiques (Venezuela, Bolivie, Brésil) et les pays du golfe profitent de leurs

ressources pétrolières exceptionnelles pour mener des projets immobiliers d’envergure et

s’exporter à l’international (achats de club de football en France et en Angleterre,

participations dans de grandes entreprises américaines etc). Nous voyons bien que les zones

qui privilégient les compagnies nationales semblent avoir de réelles retombées économiques

et sociales sur leurs Etats. Le modèle africain, dominé par les CMP, est à interroger afin de

savoir l’impact réel de l’exploitation pétrolière sur l’économie africaine.

Impact de l’exploitation pétrolière sur l’économie africaine

Avec ses 10 Mbaril/jour, l’Afrique s’affirme comme une nouvelle place forte de l’industrie

pétrolière mondiale. Et le Pétrole, qui est demandé partout et en tous temps, représente le

plus important pôle économique du commerce international. Les pays producteurs de

pétrole présentent donc une particularité économique de taille : celle d’avoir la certitude de

ne jamais manquer de devises aussi longtemps que leurs champs de pétrole seront

exploités. Ces devises sont réparties entre les compagnies exploitantes de pétrole et l’Etat.

Dans le cas où il existe une compagnie nationale, l’Etat récupère la quasi-totalité des

rentrées d’argent liées au Pétrole tandis que ce même Etat ne percevrait qu’une part

relativement modeste de l’argent du pétrole si sa production était assurée par une

compagnie multinationale. Ainsi, le Congo Brazzaville ne perçoit que 20% de l’argent récolté

de la vente de son pétrole, le reste revenant aux compagnies exploitantes comme Total. A

l’opposé, l’Etat algérien à travers la Sonatrach récupère l’essentiel de l’argent issu de ses

exploitations pétrolières et gazières.

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D’un point de vue macroéconomique, les pays producteurs de Pétrole ont vu leurs Produit

Intérieur Brut (PIB) fortement progresser ces dernières années avec une croissance annuelle

moyenne de + 11 % depuis 2003 pour l’Angola, +12 % pour la Guinée Equatoriale sur la

même période. Cette manne financière nouvelle a permis par exemple à l’Angola de devenir

un investisseur important dans les banques privées…portugaises et a permis à la Guinée-

Equatoriale de bénéficier d’un nouveau poids diplomatique en Afrique centrale.

Cependant, dans la plupart de ces pays producteurs, les indicateurs sociaux n’affichent pas

des hausses similaires à celles qui ont affecté le PIB. De plus, on s’aperçoit de la persistance

de conflits ou de rébellions dans les zones exploitantes (Delta du Niger, Frontière Soudano-

Tchadienne avec le Darfour, enclave angolaise de Cabinda, Lybie etc). Or qui dit tensions

militaires dit dépenses et celles-ci viennent durablement grever le budget de l’Etat et

entrainer un ralentissement économique difficile à quantifier mais bien réel. Le pétrole qui

est donc générateur d’argent, semble également être générateur de tensions.

Notons également que dans certains cas (Guinée Equatoriale, Nigéria, Gabon, Congo

Brazzaville) l’argent du pétrole n’a que peu d’impact sur les infrastructures ou le niveau de

vie des populations. On assiste plutôt à l’émergence et à l’enrichissement de groupes

restreints détenteurs du pouvoir politique ou tournant autour des activités pétrolières. Dans

d’autres pays comme l’Angola ou plus récemment le Tchad, l’avènement de l’exploitation

massive du pétrole s’est semble-t-il accompagnée de réalisations en infrastructures routières

et immobilières mais également d’investissements dans le sport, l’éducation etc. Le Tchad,

sous la supervision volontaire de structures de surveillance non étatiques et en collaboration

avec la Banque Mondiale, a pu mettre en place en 2003 un système original qui lui a permis

de récupérer près 7 milliards de dollars de revenus pétroliers depuis cette date. Cet argent a

été réinvesti dans l’économie nationale tchadienne, dans des programmes sociaux et des

infrastructures hospitalières.

Ainsi, le pétrole peut-être une bonne chose, si l’argent qu’il génère est tracé, géré de

manière transparente et réinvesti dans l’économie nationale. Il peut cependant être source

de tensions, favoriser l’émergence d’une oligarchie nationale et ne pas profiter aux

populations si sa gestion est nébuleuse. A l’échelle mondiale et même africaine, il semblerait

que les compagnies nationales donnent plus de gages de retombées financières et socio-

économiques pour le pays producteur. En effet, lorsqu’elles viennent exploiter, les sociétés

multinationales s’occupent principalement du contractuel et traitent directement avec les

autorités étatiques…De plus les compagnies multinationales ont souvent été critiquées pour

leur impact négatif sur l’environnement dans le cadre de leur exploitation (cas du Nigéria).

Elles ont cependant fait beaucoup d’efforts dans ce domaine lors de ces dernières années,

emploient des ouvriers autochtones et s’engagent parfois à construire des équipements

scolaires et sanitaires dans leur environnement d’exploitation

.

Page 15: [LES CAHIERS DE NJÀCCAAR] - N°1 : L'industrie pétroliére en Afrique

III. PERSPECTIVES PETROLIERES POUR L’AFRIQUE

III.1 - Prospective sur le pétrole et l’énergie en Afrique

Quel futur pour l’exploitation pétrolière en Afrique ?

Avec les investissements importants qui sont annoncés, la mise en exploitation prochaine de

champs déjà découverts mais encore non exploités et le développement de l’exploration

offshore et dans les bassins intérieurs du continent, la production de pétrole en Afrique

continuera à croitre jusqu’en 2030 selon les dernières prévisions publiées par l’AIE (Agence

Internationale de l’Energie) en 2010. Selon ces estimations, la production africaine se

stabilisera à 12,8 MBaril/jour en 2030, ce qui augmentera inévitablement sa part dans la

production mondiale car il est prévu que celle ci commence à décliner entre 2015 et 2020

(Prévisions de l’ASPO : Association for the Study of Peak Oil)

D’après une publication effectuée en Février 2010 par l’USGS, l’agence nationale géologique

américaine, 4 provinces géologiques de la façade atlantique de l’Afrique recéleraient 62

milliards de barils encore non exploités. Ces provinces sont : Le Bassin Sénégalais, le Golfe de

Guinée, Le Delta du Niger et La Côte Centre-Ouest.

Page 16: [LES CAHIERS DE NJÀCCAAR] - N°1 : L'industrie pétroliére en Afrique

Provinces géologiques de la façade atlantique ouest-africaine

L’essentiel de la production africaine continuera à être assurée par les 4 pays africains

membres de l’OPEP à savoir le Nigéria, l’Angola, la Lybie et l’Algérie. Leur part s’élèvera à

10,9 Mbaril/jour sur les 12,8 que produira quotidiennement l’Afrique en 2030. Les autres

pays producteurs non-membres de l’OPEP comme La Guinée Equatoriale, l’Egypte, le Congo,

le Ghana, le Tchad, la Côte d’Ivoire, la Mauritanie ou le Cameroun produiront 1,9 Mbaril/jour

restants. Il n’est toutefois pas exclu que de nouveaux pays comme la RDC, l’Ouganda, le

Sénégal, Le Togo ou La Guinée Bissau deviennent producteurs.

Du point de vue des compagnies multinationales, on peut présager que l’influence des

compagnies européennes diminuera dans la décennie à venir au profit des compagnies

américaines et surtout chinoises qui n’hésitent pas à investir et à prospecter dans des zones

reculées ou en proie à des tensions : c’est le cas du Soudan notamment. On peut également

penser que l’axe Luanda-Pekin occupera une place de plus en plus importante dans les

relations sino-africaines, l’Angola étant déjà le deuxième exportateur de pétrole en Chine,

derrière l’Arabie Saoudite.

Page 17: [LES CAHIERS DE NJÀCCAAR] - N°1 : L'industrie pétroliére en Afrique

Croissance de la population africaine et besoins énergétiques du continent

Si la production pétrolière continentale est amenée à augmenter dans les années à venir, les

besoins de l’Afrique en pétrole, et de manière plus générale en énergie, augmenteront

également, et ce très fortement en raison d’une démographie vigoureuse. Alors qu’elle était

de 500 millions de personnes en 1985, la population africaine s’élevait à 1 milliard

d’habitants en 2010 et il est prévu qu’elle passe le cap des 2 milliards d’individus à l’horizon

2025.

Population par continent, période 1950-2100

Cette forte augmentation de la population africaine s’accompagnera inévitablement d’une

hausse de la demande en énergie qui s’élevait fin 2010 à 372 millions de TEP et dont on

estime qu’elle sera de 600 millions de TEP en 2030. De plus, la décennie 2000-2010 a montré

que les populations africaines étaient de plus en plus friandes de technologies gourmandes

en électricité : téléviseurs et surtout téléphones mobiles et connexion internet. C’est ainsi

que le nombre d’internautes est passé de 4 millions en 2000 à 140 millions en 2011, ce qui

fait de l’Afrique le continent ayant connu la plus forte progression en termes de population

internaute lors des dix dernières années.

Page 18: [LES CAHIERS DE NJÀCCAAR] - N°1 : L'industrie pétroliére en Afrique

L’augmentation de la demande africaine en énergie sera principalement supportée par les

hydrocarbures que sont le Pétrole et le Gaz naturel et qui assurent déjà, avec le charbon,

l’essentiel de la consommation d’énergie de l’Afrique.

Part des différentes énergies primaires dans le bilan énergétique par continent

Etant donné que la consommation d’énergie en Afrique est déjà marquée par le sceau des

hydrocarbures, que la production de celles-ci augmentera jusqu’en 2030 et que la demande

d’énergie continuera également à croître sur le continent, on peut penser que la part des

exportations de pétrole et de gaz naturel dans la production africaine diminuera au profit de

la consommation interne. A côté de ces hydrocarbures, le potentiel hydroélectrique

important de certains pays comme la RDC pourra également jouer un rôle important dans la

fourniture d’électricité au niveau de la sous-région de l’Afrique centrale.

III.2 – Les problèmes actuels et les facteurs sur lesquels nous pouvons agir

Les problèmes actuels : Détournements d’argent et modèle économique

Malgré quelques exemples comme celui du Tchad, l’exploitation pétrolière ne profite pas

véritablement, ou sinon très peu, aux populations africaines. La part des retombées sociales

et économiques est encore faible et devra nécessairement être augmentée par la mise en

place de systèmes de surveillance performants comme au Tchad ou par l’intermédiaire

d’une remise en cause du modèle pétrolier africain actuellement organisé autour des

multinationales.

Page 19: [LES CAHIERS DE NJÀCCAAR] - N°1 : L'industrie pétroliére en Afrique

La seule augmentation du PIB n’étant plus considérée depuis longtemps comme un

indicateur fiable pour mesurer le développement humain d’une société, il convient d’utiliser

d’autres indicateurs afin de mesurer l’impact de la manne pétrolière sur les populations des

pays producteurs. Ainsi malgré une production de 2,2 Mbaril/jour depuis 10 ans, production

qui est estimée à…400 milliards de dollars soit autant que le PIB, le Nigéria rencontre

d’énormes difficultés dans le secteur de l’éducation, la sécurité et concentre des masses

pauvres dans les bidonvilles de Lagos. L’Indice de Développement Humain (IDH) - indicateur

qui prend en compte le revenu, l’accès à la santé et l’accès à l’éducation - classe le Nigéria au

156ème rang mondial juste derrière le Sénégal, sur un total de 181 pays. Ce faible impact du

pétrole sur les populations nigérianes trouve en partie son explication dans la prédation des

revenus pétroliers et le choix du modèle économique d’exploitation. Et l’exemple du Nigéria

n’est pas un cas isolé parmi les pays producteurs.

La prédation des revenus pétroliers est une réalité qui coûte cher aux populations africaines.

En effet, d’après une étude du groupe Global Financial Integrity parue en 2009 et portant sur

les flux financiers illicites sortant de l’Afrique, c'est-à-dire les détournements d’argent, 80 %

des détournements d’argent constatés en Afrique entre 2000 et 2008, se concentraient dans

9 pays, à savoir : Nigéria, Angola, Algérie, Egypte, Soudan, Congo Brazzaville, Guinée

Equatoriale, Gabon et Tchad. Or, si l’on exclue la Lybie pour laquelle les données sont

indisponibles, ces 9 pays sont dans cet ordre les 9 plus gros producteurs de pétrole en

Afrique. Au total, ces 9 pays ont vu 216 Milliards de dollars s’échapper de leur économie en

8 ans, soit presqu’autant que le PIB de l’Egypte ! Le constat est donc accablant : alors qu’il

représente la principale source de devises du continent, l’argent du pétrole africain est

massivement détourné vers des contrées lointaines sans que les populations ne puissent en

bénéficier.

Or on constate également que les sociétés multinationales sont dominatrices en Afrique,

notamment en Afrique subsaharienne : il convient donc de s’interroger sur la pertinence de

ce modèle dans lequel un pays laisse l’exploitation des ressources pétrolières de son sous-sol

à une compagnie étrangère, ceci afin de savoir si la présence des multinationales favorise ou

non les détournements d’argent au détriment des populations.

L’actuel modèle d’exploitation pétrolière des pays africains est identique à celui ayant

prévalu pendant dans les pays du Moyen-Orient et jusqu’à plus récemment en Amérique

Latine. Dans ce modèle, les sociétés multinationales signent avec les pays disposant de

réserves pétrolières des concessions portant sur des zones d’exploration ou de production et

ce pour plusieurs dizaines d’années. Aujourd’hui, le Moyen-Orient et l’Amérique latine se

sont notablement écartés de ce modèle. En effet l’actuelle société nationale d’exploitation

du pétrole saoudien, la Saudi Aramco, est issue de la nationalisation d’une société

américaine dénommée Aramco. La NIOC qui est la société nationale d’exploitation iranienne

a été bâtie sur une partie des cendres de l’Anglo-Persian qui était devenue BP (British

Petroleum).

Page 20: [LES CAHIERS DE NJÀCCAAR] - N°1 : L'industrie pétroliére en Afrique

En Bolivie, Le président Evo Morales Ayma a procédé à la nationalisation d’une grande

partie du pétrole national au détriment des multinationales. Idem au Venezuela où le

Président Hugo Chavez a procédé à une réaffirmation du contrôle national des ressources

pétrolières lorsqu’il est arrivé au pouvoir en 1998. Dans tous ces pays, la nationalisation des

sociétés d’exploitation ou d’une partie de la production pétrolière a été suivie d’une

amélioration des conditions de vie de la population (Hausse significative du PIB/habitant et

de l’espérance de vie au Moyen-Orient, programmes massifs d’alphabétisation en Bolivie,

création de 2 millions d’emplois directement ou indirectement liés à PDVSA depuis 1998 au

Venezuela etc).

Loin d’être exonéré de prédation, le modèle des sociétés nationales a néanmoins l’avantage

d’apporter beaucoup plus d’argent dans les caisses de l’Etat que les accords liés avec les

multinationales. Dans ce cas de figure dominé par les multinationales, le pays hôte ne

perçoit en général qu’un faible pourcentage de l’argent issu de la production : c’est le cas du

Congo Brazzaville. A l’inverse, et malgré l’évasion financière importante révélée par Global

Financial Integrity, l’Etat angolais bénéficie grandement de l’argent apporté par sa société

nationale d’exploitation la Sonangol. Cela lui a permis, lors de la décennie écoulée, d’investir

massivement dans les secteurs de l’éducation, des infrastructures, du sport et de la santé.

L’exemple de ces deux pays, Congo Brazzaville et Angola, illustre l’importance du modèle

économique d’exploitation pour les pays africains producteurs de pétrole.

Importance de la situation politique et de la formation scientifique

Même s’il est n’est pas disponible dans les mêmes proportions selon le modèle en place,

l’argent du pétrole ne profite réellement aux populations que s’il est bien géré. Il faut

également noter que la mise en place d’une société nationale crédible n’est pas chose aisée

et dépend de facteurs multiples qui sont entre autres la volonté des dirigeants politiques, les

ressources étatiques disponibles pour l’investissement et la qualité des ressources

humaines.

A l’heure actuelle, peu de pays africains ont la capacité financière pour supporter les

investissements nécessaires à l’exploration ou à la production pétrolière : une seule

campagne d’exploration en offshore peut coûter 600 ou 700 millions de dollars et se solder

par un échec. Ainsi si leurs économies fragiles ne leur permettent pas de se lancer dans

l’exploration/production, les pays africains, en faisant preuve de volonté politique, peuvent

aboutir à la création d’une société nationale travaillant en étroite collaboration avec les

multinationales et ayant un contrôle sur l’argent généré par le pétrole. C’est le cas de la

GNPC ghanéenne et de la Sonangol angolaise.

Page 21: [LES CAHIERS DE NJÀCCAAR] - N°1 : L'industrie pétroliére en Afrique

Enfin l’amélioration des ressources humaines, aussi bien en quantité qu’en qualité,

devient un impératif pour les pays producteurs et pour les pays africains de manière

générale. S’ils sont en plein progrès sur ce plan, les pays africains ne disposent pas encore

d’assez d’ingénieurs en mécanique, en structures métalliques, en économie des matières

premières, en géologie appliquée, en réservoir, en finances, en logistique : autant de postes

qui constituent chacun un métier clé dans le monde de l’exploitation pétrolière. La

formation scientifique apparait donc comme un secteur d’investissement de premier plan si

les pays africains veulent rapidement exploiter ou participer à l’exploitation de leurs

ressources en hydrocarbures.

IV. GLOSSAIRE ET SOURCES

AIE : Agence Internationale de l’Energie

ASPO : Association for the Study of Peak Oil

Aramco : Devenue Saudi Aramco. C’est la société nationale d’exploitation de pétrole en

Arabie Saoudite.

Baril : Unité de mesure dans l’industrie pétrolière. 1 baril = 159 Litres. MBaril/jour = Millions

de barils par jour.

BP : British Petroleum. Société Multinationale d’exploitation d’hydrocarbures d’origine

britannique.

CMP : Compagnie Multinationale Privée : ExxonMobil, BP, ChevronTexaco, Total, Shell

GNPC : C’est la société nationale d’exploitation de pétrole au Ghana.

IDH : Indice de Développement Humain. Il prend en compte le taux d’alphabétisation, l’accès

à la santé et le PIB/habitant.

Kérogène : C’est le précurseur chimique du pétrole. Sa transformation en pétrole se fait

grâce à la chaleur interne de la terre.

Kérosène : Carburant issu du raffinage du pétrole brut utilisé dans la combustion des

moteurs d’avions.

PDVSA : C’est la société nationale d’exploitation de pétrole au Venezuela.

PIB : Produit Intérieur Brut. C’est l’ensemble des richesses crées sur le territoire d’un pays

pendant une année.

NIOC : C’est la société nationale d’exploitation de pétrole en Iran.

OPEP : Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole. Elle comprend 12 membres : Iran,

Irak, Koweït, Qatar, Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis, Algérie, Libye, Angola, Nigeria,

Equateur, Venezuela.

Sonangol : C’est la société nationale d’exploitation de pétrole en Angola.

Sonatrach : C’est la société nationale d’exploitation de pétrole en Algérie.

TEP : Tonne Equivalent Pétrole. Unité de mesure d’énergie équivalente à l’énergie produite

par la combustion d’une tonne de pétrole. On peut mesurer l’énergie nucléaire en TEP,

l’énergie hydroélectrique en TEP etc

USGS : United States Geological Survey. Agence Nationale de la Géologie aux USA.

Page 22: [LES CAHIERS DE NJÀCCAAR] - N°1 : L'industrie pétroliére en Afrique

Sources :

Eléments de Géologie - Editions Dunod, 2006, C.Pomerol et al

Pétrole : Origine, Production et Traitement - 2003, Union Pétrolière Suisse

Le Pétrole Au delà du Mythe - Editions Technip, 2004, X. Boy de La Tour.

La Face cachée du Pétrole - Editions Pocket, 2007 - Eric Laurent

Le Pétrole et le Gaz naturel en Afrique - 2009, Honoré Le Leuch

Assesment of Undiscovered Oil and Gas Ressources Africa - 2010, USGS

BP Statistical Review of Energy 2011 - British Petroleum Review, 2011, BP

BP Statistical Review of Energy 2001 - British Petroleum Review, 2001, BP

Etat de la Population Mondiale 2011 - UNFPA Nations Unies, 2011, ONU UNFPA

Rapport sur le développement humain 2011 - Nations Unies, 2011, ONU PNUD

Perspectives de l’Economie Mondiale 2011 - Fonds Monétaire International, 2011, FMI

Illicit Financial Flows From Africa - 2009, Global Financial Integrity

Understanding Crude Oil Prices - University of California, 2008, James D. Hamilton

Tous droits réservés. Ce dossier ainsi que l’ensemble des dossiers

de la série « Les Cahiers de Njàccaar » sont l’exclusive propriété de

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