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Alain TASSY – 25 avril 2015 Page 1
Compte rendu de la 4ième réunion
thématique du 20 janvier 2016
Gamification en santé
Quand les serious games bouleversent la formation
du corps médical et des patients
et s'imposent comme un outil de rééducation, voire de thérapie.
Invités
• Frédéric VACHER (Director, Corporate Strategy Innovation, Dassault Systèmes)
« Témoignage sur les activités de Dassault Système en simulation dans le
domaine médical »
• Dr Morgan LE GUEN (Anesthésiste-réanimateur, Hôpital Foch)
« Améliorer la sécurité du soin : vers la Gamification ! »
• Jérôme LELEU (Président, Interaction Healthcare)
« Regard d’un acteur du Serious Game : Typologie et retour d’expérience »
• Pr Antoine Tesniere, MD, PhD (Professeur à l’Hôpital Cochin, Directeur d’Ilumens, Président du SESAM)
« Simulation et gamification : des révolutions incontournables dans la santé » Les présentations sont en ligne sur le site de l’association pour les membres du groupe ou sur Slideshare Telecom-Paristech-Santé 1pour les autres participants. Les vidéos, très impressionnantes, sont aussi disponibles sur le site de l’association ou sur Daily Motion. Merci à ceux qui m’ont envoyé leurs notes. Pour les autres, vous pouvez transmettre à « [email protected] » vos impressions, conclusions et convictions sur le sujet.
1 La présentation de Frédéric Vacher n’est pas sur Slideshare pour raison de diffusion restreinte
Alain TASSY – 25 avril 2015 Page 2
Introduction
Cette réunion a été organisée conjointement par le Club Télécom Paristech Santé et par
l’Association des Alumni de Télécom Bretagne. Elle a rencontré un vrai succès car nous
avons dépassé le quota initial de 50 personnes inscrites.
Depuis longtemps le jeux est reconnu comme un précieux outil pédagogique, un vecteur
d’apprentissage. Comme cela a été rappelé par Eveline Klinger lors du débat, cela fait
plus de vingt ans que les chercheurs travaillent sur la gamification en santé. En fait, la
première simulation date du 18ieme siècle quand on a utilisé un fétu de paille pour
simuler un nouveau-né dans la formation des sages-femmes.
Le changement récent est la démocratisation des technologies de jeux et de simulation
grâce au numérique. Nous allons voir comment ces technologies interviennent sur la
formation des personnels de santé, sur l’appropriation de sa maladie par le patient et
aussi dans le parcours de soin.
Amélioration de la sécurité des soins
Frédéric Vacher rappelle que depuis les années 80 les simulateurs sont utilisés dans
l’aéronautique pour la formation des pilotes et que les modèles numériques interviennent
dans la conception des avions depuis les années 90. Grâce à cette combinaison, des
équipages mieux formés et des avions de meilleure qualité la fiabilité dans l’aéronautique
a très fortement augmentée
La santé, comme le nucléaire ou l’aviation, sont des domaines où l’exigence de «fiabilité
humaine» est forte car une erreur peut avoir des conséquences dramatiques. Et Morgan
Leguen de rappeler que 70 % des accidents dans les blocs opératoires sont liés à des
problèmes de coordination et de communication. Les progrès en anesthésie ont été
remarquables, entre le début des années 80 et la fin des années 90et entre 2000 et 2010
Le nombre de décès a été divisé par 10 dans chacune de ces ^périodes. Mais ce nombre
reste encore aujourd’hui très important comparé à l’aviation. Antoine nous signale qu’en
santé nous avons l’équivalent d’un crash d’avion tous les jours et que cela correspond à
un surcoût économique de plus de 700 M€ par an.
En santé, la problématique est que la prise en charge d’un patient est multi-
professionnelle et multi-disciplinaire. Il y a donc un enjeu de formation collective qui peut
être résolu avec de la simulation haute définition utilisant un mannequin intelligent et
connecté. En termes de formation Antoine signale que la formation par l’erreur est celle
qui donne les meilleurs résultats.
Les jeux sérieux, un outil indispensable dans la
formation des personnels de santé
Le Dr. Leguen rappelle le principe qui prévaut à la formation : « Jamais la 1ere fois sur
un patient. »
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Pour cela on utilise divers types d’outils :
- simulation procédurale: l'apprenant apprend ou répète une gestuelle soit devant
un écran PC soit par le biais d'outils adaptés dits "basse fidélité": bras isolé pour
une perfusion, une ponction veineuse ou une suture.
- Simulation haute définition sur mannequin : cela permet de faire entrer les
apprenants dans des scénarii. Et quand ils sont dedans de déclencher des
situations de stress.
- Simulation dans un monde virtuel
Ces outils permettent de travailler simultanément sur les compétences techniques et non
techniques. L’apprentissage de la communication et de la maitrise du stress sont aussi
importants que les connaissances techniques.
Le Pr. Antoine Tesniere, insiste sur la grande diversité des nouveaux supports
pédagogiques comme les PC et tablettes, les mannequins et les outils de réalité virtuelle
ou augmentée. Il insiste aussi sur l’importance de l’évaluation multimodale que
permettent ces nouveaux outils. Grâce à un tracking automatisé, il est possible d’évaluer
les compétences acquises et les comportements en situation de stress, faire un retour
aux apprenants mais aussi remettre en cause la méthode pédagogique.
Des jeux pour la prévention et l’éducation des
patients
Jérome Leuleu présente une segmentation du marché des serious games en général :
- Advergaming : Orientation commercial publicitaire
- Edumarket game : Eduquer par rapport à un marché
- Jeux engagés – dimension politique : trouver une résolution à un problème
- Edutainment : à vocation éducative
- Jeux d’entrainement et simulation : recréé ce que l’on vit
En santé, il identifie trois types d’usages :
Prévention / sensibilisation
Exemples : la prévention de l’asthme et la sensibilisation à l’alcoolisme des adolescents
Education thérapeutique & exerce game Apprendre à un enfant à mieux vivre avec le psoriasis et la rééducation d’une personne
âgée après une entorse
Simulation numérique
Simuler la consultation d’une personne atteinte d’une insuffisance cardiaque
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La simulation au cœur du système de soin
La simulation numérique impacte différents domaines de la santé. Elle intervient tout au
long de la chaine du médicament, de la conception aux tests. Les phases de tests et de
certifications sont de plus en plus contraignantes et coûteuses. Les simulations
permettent de détecter les problèmes en amont.
Il en est de même pour les équipements médicaux. La simulation permet d’appréhender
en amont l’interaction avec l’organe. Ainsi il est possible de personnaliser la fabrication
de lunettes mais aussi, avec un scan de l’œil, de produire des lentilles calquées sur la
forme de la rétine.
Plus innovant encore, après avoir scanné en 3D l’organe qu’il faut opérer, la société
Biomodex reconstruit par impression incrémentale 3D l’organe à l’identique. C’est alors
un outil précieux pour prendre des décisions et pour se former avant l’intervention
chirurgicale.
Beaucoup d’autres domaines sont concernés par la simulation, par exemple des centres
de réalité virtuelle permettent de simuler des troubles visuels ou une naissance.
Le débat
La simulation une idée ancienne
Evelyne Klinger, qui dirige des recherches sur la mise en œuvre des techniques de
simulation en santé, ouvre le débat en signalant que la recherche s’intéresse à ces sujets
depuis 20 ans. L’effervescence récente vient du fait que les technologies ne sont plus un
frein, mais elle pense qu’il faut laisser la recherche au centre du sujet.
Tous les CHU doivent s’équiper en simulateur mais ils sont confrontés à un problème de
coût. En plus des investissements, ces techniques nécessitent 2 à 3 formateurs pour un
petit nombre de personnes formées qui doivent elles-mêmes dégager du temps pour la
formation.
Dans les compagnies aériennes, les pilotes passent 10% de leur temps de travail en
simulateur. C’est aujourd’hui inconcevable dans le monde hospitalier en France.
Le modèle économique de la simulation
Les risques de santé sont les mêmes partout.
Aux USA, les centres hospitaliers s’équipent de simulateurs. Ils ont évalué le coût des
erreurs, et sont convaincus du ROI des simulateurs. De plus, les assureurs font des
remises importantes aux centres hospitaliers qui ont des centres de simulation.
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Ilumens est une fondation qui appartient à Sorbonne Paris Cité. Elle a un fonctionnement
autonome avec son propre budget. Elle se finance avec la vente de formation, le
mécénat, les contrats de recherche et des partenariats avec des laboratoires
pharmaceutiques. Dans le cadre des Projets d’Investissements d’avenir, Illumens a été
retenu pour créer un Idex.
De son côté, le centre de simulation de l’hôpital Foch a été financé par la Fondation Foch
et des sponsors. Il vend aussi des formations et répond à des appels à projets.
Une fois démontré l’intérêt de la simulation dans la formation, on peut envisager des
contenus payables en micro-paiement pour les médecins de ville, ou en volume par une
institution.
Mais les politiques publiques doivent prendre en compte la nécessité de la formation du
personnel de santé par la simulation. Cela suppose de débloquer des moyens et du
temps du personnel.
“If you think education is expensive, try ignorance!”2
Le modèle économique des sérious games
Pour les serious games, le modèle économique est différent.Il n’existe pas à ce jour de
modèle économique basé sur un paiement des utilisateurs. Aux USA seul 20% des jeunes
se déclarent être prêt à payer.
Le domaine de la formation semble plus prometteur. Les laboratoires Pharmaceutique
sont les premiers clients. Les centres hospitaliers commencent à se lancer. Les médecins
libéraux ne payeront pas mais le GDPC peut prendre en charge leur formation.
Un médecin prescrira-t-il un jour un serious game?
Il faudrait pour cela une démarche publique et une prise de conscience des médecins.
Cela nécessitera une évolution très forte pour valoriser la prévention. La gamification
devrait permettre de suivre les exercices de prévention, d’aider à la rééducation pour
permettre un retour précoce au travail et de diminuer la consommation de médicament.
Réglementation et validation
Tous les projets de simulateurs sont initiés par des professionnels de santé ou des
sociétés savantes.
La dimension technologique est secondaire. Le plus important est le contenu créé avec
les professionnels de santé.
2 Derek Bok, ancient Présidentb de Harvard University
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A ce jour, il n’existe ni label pour les serious games grand public, ni certification des
environnements virtuels. L’application « Théo et le psoriasis » a un retour très positif des
professionnels mais il n’a pas de label.
En revanche il existe des labels sur les centres de simulation et un guide d’évaluation des
centres. Il semble qu’un groupe néerlandais a fait une tentative de normalisation.
Les applications mobiles peuvent être certifiées CE : Dispositifs Médicaux. Mais dans les faits, il y a une explosion « de tout et n’importe quoi » avec des qualités très diverses.
Les métiers nécessaires pour développer des serious game.
L’implication de médecin et des pharmaciens est essentielle. Deplus Pour assurer la
coordination des projets et l’interface entre le médical et la technique, des coordinateurs
de projet ont un rôle très important.
Ensuite, il faut des games designer, des développeurs 3D et des concepteurs graphiques.
Racheter une société de développement de jeux vidéo n’est généralement pas une bonne
solution. Le profil des développeurs n’est pas le même.
Conclusion
La gamification, va profondément faire évoluer la médecine.
La simulation et les serious games bouleversent la formation du corps médical. En
France, des progrès considérables ont été faits pour baisser le nombre de problèmes
graves entrainant le décès du patient. Dans 70% des cas, ces problèmes sont dus à des
défauts de coordination et de communication en situations de stress. Ces situations sont
très similaires dans l’aviation où l’utilisation intensive des simulateurs a permis
d’atteindre des taux de qualité très supérieurs à ceux constatés aujourd’hui en médecine.
Les serious games dispensent aussi une éducation au patient pour lui permettre de
mieux vivre avec sa maladie. Aujourd’hui ils entrent même dans le parcours de soins. Ce
sont des outils efficaces pour la rééducation.
La simulation, qui permet de concevoir des avions plus fiables, est déjà utilisée par les
laboratoires pharmaceutiques pour tester leurs molécules. Le plus impressionnant est
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certainement l’utilisation de la simulation et de l’impression 3D pour préparer les
interventions chirurgicales non-intrusives.
Mais les vraies bénéfices de la gamification concernent la prévention, que ce soit au
niveau des applications grand public ou dans l’accompagnement des patients pour mieux
vivre avec leurs maladies et éviter les rechutes.
Or le système de santé français ne finance pas aujoud’hui la prévention. Ainsi comme
dans d’autres domaines de la médecine, ces nouvelles technologies sont freinées, en
France, par un manque de modèle économique viable.