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4 part. CINQ PROPOSITIONS POUR RENFORCER L OBSERVANCE DES PRODUITS DE SANTÉ 31

Proposition n°1 déployer des campagnes de santé publique à partir d'un observatoire de suivi et d'évaluation de l'observance

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4part.C I N Q P R O P O S I T I O N S

P O U R R E N F O R C E R L ’ O B S E R V A N C E

D E S P R O D U I T S D E S A N T É

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Il existe donc de nombreuses pistes innovantes pour améliorer

l’observance des patients plutôt que d’imposer brutalement des

décisions à un système de santé français qui ne manquerait pas

de les rejeter. Nous avons donc tenté de dessiner un chemin ren-

dant les changements nécessaires acceptables par l’ensemble

des acteurs de ce système. Ce chemin prend la forme de cinq pro-

positions concrètes déclinées en trois thèmes. Notre première pro-

position vise à faire de l’observance un sujet majeur de santé

publique. Ensuite, nous détaillons deux propositions favorisant un

meilleur suivi de l’observance des patients par les profession-

nels de santé. Enfin, nos deux dernières propositions sont desti-

nées à inciter les industriels de santé au renforcement de

l’observance des patients.

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D É P LOY E R D E S C A M PA G N E S D E S A N T É P U B L I Q U E

À PA R T I R D ’U N O B S E R VAT O I R E D E S U I V I E T D ’É VA LUAT I O N

D E L ’O B S E R VA N C E

Les constats réalisés dans la première partie de cet ouvrage

sont criants : la non-observance des traitements est un phéno-

mène majeur de santé publique, dépassant probablement 20 %

des thérapies prescrites. Pourtant, il n’existe en France aucune

mesure statistique correcte et globale pour la quantifier, alors

même que des outils fiables de recueil existent dans notre pays.

Nous pensons donc qu’il est nécessaire de mettre en place un

observatoire de l’observance pour objectiver l’ampleur du phéno-

mène dans un premier temps et mesurer ensuite précisément les

conséquences du défaut d’observance pour les patients et le sys-

tème de soins. L’élaboration d’une étude nationale objective, pluri-

pathologique et récurrente du suivi des traitements constitue en

effet une étape prioritaire dans l’orientation de notre politique de

santé vers l’amélioration de l’observance. Cet observatoire devrait

cibler en priorité les maladies pour lesquelles le risque de non-

observance est le plus important (pathologies chroniques avec

des traitements complexes notamment).

La mise en œuvre d’un tel observatoire est possible technique-

ment, les bases de données déjà existantes constituant une

source d’informations particulièrement riche. Concernant la pres-

1proposition

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cription par les professionnels de santé, l’informatisation des cabi-

nets et l’utilisation des logiciels d’aide à la prescription ont permis

de développer des bases de données. Celles-ci pourraient être

exploitées au travers de panels pour étudier les pratiques de pres-

cription des professionnels de santé. Pour la délivrance, l’utilisation

des données de panels existants33 permettrait d’analyser les

ventes de médicaments aux patients.

Il n’y a donc que pour l’étape clé de consommation réelle

des produits de santé par les patients (observance secondaire)

que l’absence de données dans les bases existantes pourrait

s’avérer préjudiciable. Aujourd’hui, seuls quelques dispositifs

médicaux bénéficient d’outils de téléobservance permettant de

suivre facilement et automatiquement l’observance réelle des

patients. Mais concernant les médicaments, aucune solution

automatique comparable n’est à ce jour disponible. Pour y

remédier, nous proposons de mener des études sur des

cohortes de patients afin de mesurer l’observance au plus près

de la réalité. Cette mesure pourrait être obtenue soit par ques-

tionnaire auprès des patients, soit au moyen de dispositifs plus

complexes de captation de l’information (comptage rétrospectif

des pilules, pilulier électronique...).

Dans un premier temps, cet observatoire pourrait ainsi être mis

en place en exploitant des données exclusivement privées, pour

un lancement au plus tôt.33 - Par exemple celles du GERS, groupement d’intérêt économique créé par les entreprises de l’indus-trie pharmaceutique

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Cet observatoire pourrait être complété dans un second temps

par une collaboration des autorités publiques, et notamment de

l’assurance maladie.

S’agissant de la délivrance, l’assurance maladie possède avec

le SNIIRAM l’une des plus grandes bases de données au monde :

1,2 milliard de feuilles de soins gérées chaque année, 450 téra

octets de capacité de stockage34. A condition de pouvoir apparier

ces informations avec des données de prescription, l’utilisation du

SNIIRAM pourrait s’avérer d’un intérêt majeur pour le suivi de l’ob-

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O B S E R VAT O I R E D E L ’O B S E R VA N C E

É T U D E S D E S U I V I D E L ’O B S E R VA N C E

É T U D E S É C O N O M I Q U E S

Bases de données logiciels de

prescription

Assurance maladie(SNIIRAM)

& bases de données privées

Etude de cohortes

PRESCRIPTION DÉLIVRANCE CONSOMMATION

Distributeurs logicielsprofessionnels de santé

Représentants industriels

Représentants professionnels de santéet associations patients

34 - CNAMTS, “Chiffres clés du SNIIRAM”. 2014

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servance. Au-delà, l’utilisation des bases de données de l’assu-

rance maladie permettrait de mesurer les impacts de la non-obser-

vance tant en termes de coût que de morbi-mortalité . Plus encore,

il serait possible, au travers de cohortes généralistes conduites par

les pouvoirs publics35, de mieux analyser qualitativement le com-

portement des patients quant à l’observance des traitements.

Une fois le constat réalisé de la dimension du phénomène de

non-observance en France au travers d’un observatoire perma-

nent, la mise en place de campagnes de communication en santé

publique constitue un levier fondamental pour sensibiliser les

patients à l’importance de l’observance. Ce type de campagne a

régulièrement des résultats très positifs sur le comportement des

Français. Ainsi, la campagne nationale sur les antibiotiques autour

du thème “Les antibiotiques, c’est pas automatique”, lancée en

2002 par l’assurance maladie, a obtenu à ce titre, des résultats

indéniables. Avec un objectif initial de baisse de 25 % des prescrip-

tions d’antibiotiques en France en l’espace de cinq ans, la cam-

pagne a dépassé les attentes et enregistré une baisse de 26,5 %

de la consommation hivernale d’antibiotiques, atteignant même —

30,1 % chez les enfants de moins de 6 ans36. Au-delà de ces chif-

fres, les patients se souviennent encore, plusieurs années après

cette campagne, du slogan martelé à travers tous les grands

35 - Par exemple, la cohorte CONSTANCES, regroupant 200 000 adultes et conduite par la CNAMTS etl’INSERM36 - Sabuncu E.,“Significant reduction of antibiotic use in the community after a nationwide campaignin France, 2002–2007”. PLoS Medicine, 2009

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médias de communication. La CNAMTS avait d’ailleurs planifié

dans sa convention d’objectifs et de gestion 2006-2009 la mise en

place de campagnes “concernant l’observance des traitements et

la sensibilisation des assurés à la nécessité d’une éducation du

patient pour les malades atteints de pathologies chroniques”37.

Les campagnes annuelles de prévention routière sont un autre

exemple du pouvoir des opérations nationales de communication

favorisant un changement de comportement des Français. Elles

ont conduit à une diminution drastique des décès liés aux acci-

dents de la route, qui sont passés de 18 000 en 1970 à 3 600

décès en 2012. Pour arriver à ce résultat, un investissement public

conséquent est consenti : l’Etat a ainsi consacré 2,7 milliards d’eu-

ros en 2012 à la réduction du nombre d’accidents de la route à tra-

vers des mesures de prévention, d’information et d’éducation rou-

tières. A la lecture de ces chiffres, le constat d’inaction publique au

sujet de l’observance est d’autant plus frappant. Avec plus de

12 000 décès liés à l’observance, soit près de quatre fois plus que

la mortalité routière38, comment expliquer que les autorités

publiques n’aient toujours pas développé de campagne nationale

de sensibilisation à l’observance ?

Pour qu’une telle campagne ait les effets escomptés sur l’ob-

servance des patients, plusieurs éléments entrent en jeu dans la

conception de la communication institutionnelle. L’exemple de la

37 - CNAMTS, COG Etat/CNAMTS branche maladie 2006-2009, 200638 - Sénat, projet de loi de finances pour 2012 - Notes de présentation - Le programme 207 sécurité etcirculation routières. 2012

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campagne de sensibilisation au respect de l’observance Script

your future campaign, lancée en mai 2011 aux Etats-Unis, en est

l’illustration :

• La campagne a été mise en place à l’initiative d’asso-

ciations de patients, avec la collaboration des acteurs

publics et privés. Cette implication des différentes parties pre-

nantes du secteur de la santé renvoie à une notion d’autorité et

de légitimité de la campagne auprès du patient. En France, le

développement de partenariats entre les pouvoirs publics, les

associations de patients, les établissements, les profession-

nels de santé et les industriels de santé permettra de renforcer

la communication et la notion de légitimité. Des campagnes de

communication de masse pourraient être menées par l’assu-

rance maladie ou l’Institut national de prévention et d’éducation

pour la santé (INPES), à travers les principaux médias d’infor-

mation (spots publicitaires TV, presse, affichage, Internet...).

• La campagne mobilise, c’est-à-dire qu’elle permet au

patient d’être acteur de sa santé, plus particulièrement de son

observance, et qu’elle lui donne l’opportunité de solliciter les

institutions. En effet, le patient non seulement dispose d’outils

pratiques de type check-list pour le suivi de ses traitements,

mais il est également accompagné au quotidien par des

acteurs locaux investis dans la campagne, tels que des étu-

diants en pharmacie ou des bénévoles issus des associations

de patients. En France, le même schéma pourrait être mis en