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RETAIL & SHARING ECONOMY Quelle porte d’entrée pour les géants de la grande distribution ? PROMOTION 2015 EFAP PARIS MBA Marketing - Communiation CAROLE PERASTE SOUS LA DIRECTION DHUBERT KRATIROFF

Retail & Sharing Economy

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Page 1: Retail & Sharing Economy

RETAIL & SHARING ECONOMY

Quelle porte d’entrée pour les géants de la grande distribution ?

PROMOTION 2015

EFAP PARIS MBA Marketing - Communiation

CAROLE PERASTE SOUS LA DIRECTION D’HUBERT KRATIROFF

Page 2: Retail & Sharing Economy

2

Remerciements

J'adresse mes remerciements aux personnes qui m'ont aidé dans la réalisation de

ce mémoire.

En premier lieu, je remercie M. Kratiroff, intervenant à l’EFAP. En tant que Directeur

de mémoire, il m'a aidé à orienter mon travail et m'a fourni les outils de réflexion pour

alimenter ma recherche.

Je tiens également à remercier l’ensemble des intervenants du MBA Marketing

Communication, pour leurs enseignements, la manière dont ils ont pu nous confronter à des

problématiques professionnelles concrètes. C’est à partir de tout ce que j’ai pu apprendre

durant ce cursus que j’ai réussi, il me semble, à me poser les bonnes questions afin de

construire cette étude.

Je remercie aussi M. Palvin, directeur du planning stratégique chez Publicis K4, qui

m'a aidé en me partageant sa vision du retail et en me fournissant des données précises

sur le marché de la grande distribution.

Un grand merci également à Pascal Verwaerde, contributeur du blog Ouishare et

responsable du volet retail, qui m’a accordé du temps pour répondre à mes interrogations

et partager avec moi son expertise et son expérience du milieu.

Je te termine ces remerciements en les adressant à M. Benhaim, directeur des MBA

de l’EFAP Paris qui était présent tout au long de l’année, pour m’orienter et répondre à mes

questions.

Page 3: Retail & Sharing Economy

3

Avant-propos

Mes pratiques individuelles ainsi que mes différentes expériences professionnelles

et personnelles ont attisé ma curiosité sur la place que prend, depuis ces dernières années,

l'économie collaborative en France comme à l'international. J'ai donc décidé de cibler cette

étude sur la Sharing Economy et les bouleversements qui touchent les gros acteurs

économiques et plus particulièrement la grande distribution.

Engagée au sein de diverses associations de plus ou moins grandes envergures, j'ai

toujours eu l'habitude d'adopter la « collaborative attitude ». Solliciter ma communauté

(locale, familiale) afin de répondre aux différents besoins de mon association, mais aussi

échanger mes compétences contre celles des autres, telle est ma manière de fonctionner.

Mais c'est aussi le cas pour de plus en en plus de personnes. Cela a également l'air

d'impacter différents pendants de l'économie.

J'ai trouvé intéressant de saisir le moment où l'économie s'est vue influencée par le

phénomène collaboratif, qui, rappelons-le ne date pas d'aujourd'hui. Et je me suis surtout

posée la question suivante : Est-ce que tous les secteurs de l'économie sont concernés et,

tous, peuvent-ils s'intégrer ou du moins s'adapter à ce phénomène ?

Pour cibler davantage ma recherche, j'ai choisi de prendre le cas des acteurs de la grande

distribution. Il s'agit d'un secteur qui, selon moi, va durer dans le temps et se doit de

s'adapter aux différentes évolutions en termes de consommation mais aussi d'attentes et

de comportements des consommateurs ou devrais-je dire des « consom'acteurs ».

Cette étude couvrira les principales caractéristiques de la Sharing Economy avec un focus

sur le marché de la distribution en France. Elle s'intéressera également aux problématiques

et situations auxquelles les distributeurs et notamment les GSA (Grande Surface

Alimentaire) sont confrontés dans leurs démarches d'intégration ou d'adaptation à l'essor

de l'économie collaborative.

J'y apporterai une dimension aussi bien stratégique qu'organisationnelle, en me basant sur

des données factuelles récentes datant de moins de 4 ans. Je tâcherai d'illustrer mes propos

par des exemples de cas d'entreprises très concrets.

Page 4: Retail & Sharing Economy

4

INTRODUCTION ....................................................................................................... 5

Economie collaborative .......................................................................................... 9

CHAPITRE I .............................................................................................................. 9

2 MODELES DIFFERENTS MAIS PAS ANTAGONISTES ................................................. 9

Retail ................................................................................................................... 28

Synergies possibles ............................................................................................. 36

CHAPITRE II ........................................................................................................... 40

LE CAS CARREFOUR ............................................................................................ 40

HISTORIQUE ...................................................................................................... 40

CARREFOUR France .......................................................................................... 45

CONCURRENCE France .................................................................................... 55

CONCURRENCE MONDIALE ............................................................................. 65

CHAPITRE III .......................................................................................................... 70

ENVISAGER UN MODELE INTERMEDIAIRE : LE CARREFOUR COLLABORATIF

DE DEMAIN ....................................................................................................................... 70

Carrefour de demain ............................................................................................ 77

CONCLUSION ........................................................................................................ 99

ANNEXES ............................................................................................................. 102

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................... 103

INTERVIEWS .................................................................................................... 105

SOMMAIRE

Page 5: Retail & Sharing Economy

5

Sharing Economy versus Retail

La consommation collaborative, aux antipodes du modèle de la grande distribution ?

Aujourd’hui, tout semble opposer l’économie du partage et le système de distribution

français, mais, il faut garder en mémoire que si le premier a fortement pu se développer,

c’est notamment grâce au déclin du second.

La crise économique de 2008 a eu un impact profond sur la société française. Elle

s’est traduite par la disparition de la confiance que les ménages accordaient au système

économique et au gouvernement. 75 % des français déclarent être affectés par les effets

de la crise et 68% d'entre eux sont pessimistes pour leur avenir. De plus, les différentes

crises alimentaires et sanitaires qui ont sévi depuis les années 90, ont eu un effet tout aussi

catastrophique sur la confiance qu’avaient les français envers le système de distribution. La

défiance qui existait vis-à-vis des autorités publiques, s’est mis à concerner le système

industriel.

Le consommateur est devenu suspicieux quant à la provenance et la qualité des

produits de la grande distribution. Il s’est donc mis à rejeter le système alimentaire industriel.

C’est sur la base de ces failles que les initiatives collaboratives ont pu se multiplier,

dans le secteur alimentaire mais également sur la majorité des secteurs d’activité. Elles ont

travaillé à reconstruire une économie qui s’appuie sur la collaboration, le lien social et la

responsabilité à la fois environnementale et sociétale. Ces tentatives portées

majoritairement par des start ups ou des collectives, répondent à une demande réelle de la

part des consommateurs français. Reprenant des concepts existants depuis toujours : le

troc, l’échange, le partage, la location. Ce secteur florissant représente aujourd’hui une

alternative crédible au capitalisme de surconsommation mis à la peine par les crises

économiques et financières.

INTRODUCTION

Page 6: Retail & Sharing Economy

6

L’économie collaborative, un business comme un autre ?

Aujourd’hui, on ne peut plus considérer ces projets collaboratifs comme des initiatives

anecdotiques. A ce jour, la sharing economy représente à travers le monde, plus de 20

milliards d’euros par an, et pourrait représenter 270 milliards d'euros d'ici à 20251. La

considérer comme un circuit alternatif serait minimiser l’impact qu’elle possède sur

l’économie actuelle.

En France, 1 français sur 2 est adepte de la consommation « collaborative ». Près

de la moitié des Français (48%) pratique régulièrement la consommation dite

« collaborative »2. Au total, 8 Français sur 10 pratiquent ou ont l’intention de pratiquer cette

manière de consommer. Certains se disent surtout motivés par le fait de payer moins cher

(63%) ou de faire de bonnes affaires (55%). D’autres sont animés par l’envie de donner une

seconde vie aux objets (38%), ou par le fait que ce modèle de consommation soit meilleur

pour la société (28%). Il faut se rendre compte que compte que 4,9 millions d’internautes

français ont consulté chaque mois entre janvier et mars 2014 l’un des dix sites de e-

commerce collaboratif les plus populaires.

Si l’ébullition de la sharing economy est réelle, cela veut-il dire qu’elle deviendra

l’affaire de tous ?

Alors que les acteurs clés de cette nouvelle économie s’avère être les start ups

débordantes d’idées et de nouveaux services, cela veut-il dire qu’ils ont le monopole sur le

secteur ? Est-ce que tout le monde peut envisager s’y intégrer ? On ne peut s’avancer

aujourd’hui en affirmant que ce modèle est caractéristique d’une typologie d’acteurs…La

sharing economy n’est pas un modèle linéaire et stable. C’est bien ce qu’affirme dans son

livre « l’Age de l’accès », Jeremy Rifkin : «Dans cette économie, la seule constante est le

changement. ».

La grande distribution, un secteur ancré dans son modèle historique

Les acteurs de la grande distribution semblent toujours régner en France, grands,

puissants, stoïques… L’antithèse même de ce qui définit l’économie collaborative.

La grande distribution en France, c’est 30 000 points de vente qui emploient 750 000

salariés. Le secteur pèse près de 200 milliards d’euros de chiffre d’affaires à l’année. Malgré

la crise, les grandes surfaces réalisent encore 60% du commerce de détail alimentaire. 70%

1 Selon une étude PwC novembre 2014.

2 sondage TNS Sofres pour La Poste.

Page 7: Retail & Sharing Economy

7

des Français fréquenteraient chaque semaine les hypermarchés et supermarchés3, on

compte 7804 points de vente en France en 2014. Ces derniers représentent à eux seuls,

68,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2013. L’alimentation reste, l’incontournable du

commerce de détail puisqu’elle constitue le tiers (32.6%) du commerce de détail en France

en 2013, tous produits confondus (65.4% des produits alimentaires et 17.2% des produits

non-alimentaires).

Un secteur dominant mais pas infaillible

Alors que les innovations se multiplient, dans le secteur digital, le marketing point de

vente ou encore la relation client, le secteur de la distribution peine à se renouveler. Les

grands distributeurs sont restés enfermés dans leur modèle initial, datant des débuts des

premiers « grands magasins » français.

Les enseignes doivent pourtant faire face aux conséquences de la crise économique,

et aux changements de comportement qu’opèrent les consommateurs d’aujourd’hui.

Malgré une image quelque peu entachée, une perception client pas que positive, et

des habitudes ancestrales parfois désuètes mais propres au milieu, la grande distribution

domine le marché français, en asphyxiant la majorité des commerçants, en passant par les

plus petits concurrents.

La question se pose donc de savoir si ce secteur qui a le monopole sur l’alimentaire

et le non alimentaire de grande consommation, a réellement besoin de bousculer ses codes

en prenant le risque de ne plus régner sur l’empire qu’il s’est créé. La sécurité nous

amènerait à nous rassurer en nous disant « On ne change pas une équipe qui gagne, n’est-

ce pas ? ».

Cela reste à voir…

L’environnement économique en mouvement et la santé économique de ces deux

milieux m’ont amené à m’interroger sur les enjeux que peut faire peser l’économie

collaborative sur la grande distribution.

L’économie collaborative : Quelle porte d’entrée pour les acteurs de la grande

distribution ?

3 Selon une enquête menée par l’UFC-Que Choisir fin 2014

Page 8: Retail & Sharing Economy

8

Tout au long de cette réflexion, nous serons amenés à déterminer les spécificités de

l’économie collaborative, son évolution, son influence sur la société et sur l’économie, mais

également ce qui caractérise et détermine la grande distribution française.

Nous nous pencherons ensuite sur un cas spécifique : Carrefour (hypermarché).

Nous balaierons l’historique de la marque et ses premières initiatives collaboratives pour

ensuite observer les démarches collaboratives qui ont pu être entreprises de la part des

autres acteurs de la distribution française.

Enfin, dans un troisième temps, nous envisagerons le « Carrefour de demain » en

prenons en compte les spécificités du secteur, les opportunités de l’économie collaborative

et surtout les innovations qui entourent le secteur de la distribution dans le monde.

Page 9: Retail & Sharing Economy

9

Economie collaborative

Définition

Economie collaborative, consommation collaborative, économie contributive… Ces

expressions sont devenues de plus en plus courantes dans le vocabulaire économique mais

également dans les conversations du quotidien.

Google Trends démontre une croissance significative de l’intérêt pour ces recherches

à partir de 2012. C’est donc une forme de curiosité qui s’est développée autour de ces

phénomènes.

CHAPITRE I

2 MODELES DIFFERENTS MAIS PAS

ANTAGONISTES

Page 10: Retail & Sharing Economy

10

Qu’entendons-nous lorsque nous parlons d’économie collaborative ? A ce jour on ne

peut pas affirmer qu’elle soit tout à fait définie ou du moins de façon unanime. Pour autant,

dans les diverses définitions des acteurs de cette économie, nous pouvons y retrouver des

éléments incontournables. Les quatre définitions qui suivent permettent de cerner les piliers

qui déterminent ce que nous pouvons entendre par « économie collaborative ».

Définition 1 :

« Des événements dans lesquels une ou plusieurs personnes consomment des biens

ou des services économiques dans un processus qui consiste à se livrer à des activités

communes », Marcus Felson et Joe L. Spaeth, universitaires américains et inventeurs du

concept en 1978.

Il s’agit là de l’une des premières tentatives de définition de la notion d’économie

collaborative. Ici, les universitaires américains soulignent deux points intéressants, l’emploi

du qualificatif « économique » dans son sens premier : « Ensemble des activités d'une

collectivité humaine relatives à la production, à la distribution et à la consommation des

richesses. » Larousse. Ensuite, l’expression « activités communes » laisse à penser un

fonctionnement collaboratif, ils nous annoncent en quelque sorte la mise en place d’un

système davantage horizontal vs vertical (hiérarchique). L’expression utilisée par Lisa

Gansky , « The mesh 4» illustre bien l’idée d’une organisation basée sur la collaboration.

Définition 2 :

« Modèle économique basé sur l’échange, le partage, la location de biens et services

privilégiant l’usage sur la propriété », Rachel Botsman, auteure du best-seller What’s Mine

is Yours (2010).

Définition 3 :

« L’économie collaborative désigne les pratiques et les modèles économiques

organisés en réseaux ou communautés d’usagers. » Ouishare5 (2012)

C’est à partir de la fin des années 2000, que l’économie collaborative commence à

être considérée réellement comme un modèle économique à proprement parler. Il n’est plus

4 Traduction : le maillage. Egalement l’ouvrage du même nom rédigé par Lisa Gansky.

5 OuiShare est une communauté, un accélérateur d’idées et de projets dédié à l’émergence de la société collaborative

Page 11: Retail & Sharing Economy

11

uniquement question de la consommation mais aussi de production, de conception... Elle

peut désormais être considérée comme un modèle économique viable.

Organisation horizontale vs Schéma traditionnel hiérarchisé

Il s’agit bien d’un modèle de management et de réflexion en dehors du schéma

traditionnel. Jusqu’ici, la fin XIXe, et le début du XXième siècles ont favorisé l’émergence

d’un système hiérarchique, centralisé et vertical. Soit, un système qui propose une

organisation selon laquelle l’ensemble des tâches d’une entreprise est déléguée à des

subordonnés et aux subordonnés de ces subordonnés…

Ainsi, l’économie collaborative peut être perçue comme l’alternative à ce système

vertical. Elle propose une répartition horizontale et décentralisée, basée sur le partage

entre différents acteurs. Cette forme d’économie vise à créer des connections entre des

individus en favorisant l’échange du savoir et la collaboration.

Alternative pour faire face aux questions écologiques et durables

Ce concept de « Sharing economy » ou « mesh economy » résulte également de la

prise de conscience du contexte d’épuisement des ressources et d’accroissement de la

population, décrites notamment dès 1968 par Garret Hardin dans son article « The Tragedy

of the Commons »6

Définition 4 :

« La consommation collaborative est un mouvement de consommation privilégiant

l’usage sur la possession, et dans lequel la technologie permet les échanges entre

particuliers tels que partage, troc, location, don, prêt, commerce, avec une ampleur sans

précédent. »

Ce mouvement de consommation doit être envisagé dans un contexte socio-économique.

En effet, il est nécessaire de comprendre pourquoi une masse d’individus se tournent vers

ce type de consommation. Le consommateur s’adapte à son environnement : Il est

important de mettre en corrélation les questions environnementales (comme expliquées

plus haut), économiques et sociétales.

La crise économique et financière de 2008 a entrainé l’émergence de nouvelles

formes de consommation, plus solidaires et proactives de la part du consommateur, qui

tente de trouver des solutions pour conserver son pouvoir d’achat. On observe une baisse

6 Garrett Hardin, « The Tragedy of the Commons », publié dans le magazine Science le 13 décembre

1968.

Page 12: Retail & Sharing Economy

12

de la consommation, qui concerne 35 % des Français. Cette crise force ces derniers à se

tourner vers la recherche d’alternatives.

Le consommateur, désormais plus soucieux de l’avenir, a été contraint de rechercher

de nouveaux moyens pour faire des économies. Pour cela, il s’est tourné vers de nouvelles

solutions. Le but du consommateur n’est plus d’acheter et d’accumuler sans compter les

objets mais d’optimiser son budget en faisant d’une part plus attention au prix et d’autre part

en faisant attention à ce qu’il achète. Les solutions trouvées à travers la consommation

collaborative via par exemple le troc, l’échange de biens… permettent de répondre à cette

nécessité de faire des économies.

Selon l’étude de l’OBSOCO (l’observatoire des consommations émergentes) de 2012

concernant l’évolution des tendances de consommation, un Français sur deux aspire à

consommer mieux et surtout les consommateur se tournent vers de nouvelles pratiques de

consommation qui échappent pour la plupart aux circuits marchands ordinaires.

Parmi ces nouvelles pratiques, on retrouve l’achat de produits d’occasion. Plus de

60 % des Français ont déjà acheté un produit d’occasion. La vente d’occasion est également

une pratique qui se démocratise. Ainsi 49 % des personnes interrogées ont revendu au

moins un produit au cours des 12 derniers mois. De la même manière, un Français sur deux

est concerné par l’emprunt, en particulier les jeunes. Cela touche surtout les biens culturels

et les matériaux de bricolage mais cela tend à se généraliser à d’autres catégories de

produit, en particulier les moyens de transport. 10 % des personnes interrogées déclarent

ainsi avoir déjà emprunté une voiture.

Une véritable confusion a tendance à s’observer dans l’utilisation des expressions

« économie collaborative » et « consommation collaborative ». Les deux ne peuvent

réellement être confondus puisqu’en fait, c’est l’un qui émane de l’autre. L’économie

collaborative, découle d’abord de l’observation de comportements collaboratifs massifs, par

« comportement » entendons « consommation », « production », « distribution »…

Pascal Verwaerde, responsable du pôle Retail de l’organisation Ouishare, souligne

l’importance d’envisager la consommation collaborative, tel un des piliers de l'économie

collaborative et non pas comme l’unique résumé de cette économie. Les quatre piliers de la

sharing economy (dans le sens transaction et création de valeur) sont :

1/ la consommation collaborative

Page 13: Retail & Sharing Economy

13

2/ le développement, la production collaborative (fab lab7)

3/ le financement collaboratif

4/ opensource des connaissances, des logiciels…

Un cinquième pilier pourrait aussi être ajouté, puisqu’il est observable de plus en plus,

il s’agit du mode de gouvernance participatif (managérial voire parfois politique).

Fondements

L’économie collaborative existe et se développe dans un contexte particulier, et ne

peut fonctionner qu’en s’appuyant sur des éléments fondamentaux :

- Le principe de communauté

- Le principe d’accès

- Le digital et les nouvelles technologies

Ces trois piliers sont intrinsèquement liés.

Principe d'accès

Jeremy Rifkin initie la réflexion sur le principe de l’accès dans son ouvrage L’âge de

l’accès publié en 2005. L’économiste américain observe avec clarté la transition qui

s’annonçait entre le principe de possession qui, jusqu’aux années 80 primait sur celui de

l’accès aux biens et aux services.

« Cette ère nouvelle voit les réseaux prendre la place des marchés et la notion

d’accès se substituer à celle de propriété. Les entreprises et les consommateurs

commencent à perdre contact avec la réalité fondamentale qui caractérisait la vie

économique moderne - celle de l’échange de biens sur un marché de vendeurs et

d’acheteurs […] - caractéristique centrale de l’économie de marché moderne - est remplacé

par un système d’accès à court terme opérant entre des serveurs et des clients organisés

en réseaux. Les marchés classiques subsistent mais leur rôle a de moins en moins

d’importance dans notre existence.8 »

7 Un fab lab (contraction de l'anglais fabrication laboratory, « laboratoire de fabrication ») est un lieu

ouvert au public où il est mis à sa disposition toutes sortes d'outils, notamment des machines-outils pilotées par ordinateur, pour la conception et la réalisation d'objets.(Wikipédia)

8 J. Rifkin, L’âge de l’accès

Page 14: Retail & Sharing Economy

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Le principe d’accès est l’une des conditions initiales de l’économie collaborative dans

le sens où l’humain prime sur le matériel. Avoir accès vs posséder, c’est une évolution qui

s’explique par la perte de valeur des biens physiques, matériels. Le contexte techno-

économique, (la vitesse des innovations, l’obsolescence programmée des produits etc),

engendre une prise de conscience de la part des consommateurs, de la valeur de ce qui,

jusqu’à là, n’étaient pas considérés : les idées, les concepts, la créativité humaine.

Le profil de l’utilisateur remplace progressivement celui du propriétaire. La question

ne se résume plus à la possession d’un produit mais bien à l’utilisation, l’expérience vécue

avec le produit/service. Dans ce contexte, les marchés cèdent la place aux réseaux,

« vendeurs » et « acheteurs » sont désormais remplacés par des « prestataires » et des

« usagers », pratiquement tout se trouve soumis à la logique de l’accès.

Principe de communauté

Toute activité collaborative est possible dès lors où deux ou plusieurs personnes ou

organisations s’associent pour effectuer un travail intellectuel suivant des objectifs

communs. La notion de collaboration entend des méthodes structurées qui encouragent

l'introspection de comportements. Ces méthodes ont pour objectif spécifique l'augmentation

du taux de réussite des équipes quand elles se livrent à la résolution de problèmes en

collaboration9.

L’expression « équipe » s’assimile à l’idée de communauté, dans le sens où l’on

entend un ensemble de personnes unies par des liens d'intérêts, des habitudes communes,

des opinions ou des caractères communs10.

Un animateur de communauté

Un fonctionnement collaboratif, en réseau ou maillage, nécessite l’existence de lien

entre des individus, c’est ce qu’affirme Pascal Verwaerde en soulignant qu’un projet

collaboratif doit rimer avec « communauté » c'est un élément indispensable et cette

communauté doit vivre. Il faut que quelqu'un fédère une communauté autour d'un sujet, d'un

projet, il est important de créer du lien.

Une communauté nécessite d’avoir un animateur de communauté pour qu’une

véritable collaboration soit possible, une activité collective et collaborative ne pouvant

évoluer de façon autonome. On ne parle pas de leader, mais bien d’un animateur, il n’est

9 Définition Wikipédia

10 Larousse

Page 15: Retail & Sharing Economy

15

pas question au sein de ces communautés de fonctionner de manière hiérarchique, versus

ce qui jusque-là prédominait dans les pays occidentaux. L’enjeu pour cette personne est de

stimuler, dynamiser les membres de la communauté de manière à en faire ressortir le

potentiel de la collaboration.

Un espace commun

Associé au rôle important de l’animateur, de dynamiseur, la communauté, pour

générer de manière collective, des activités relatives à la production, à la distribution et à la

consommation des richesses, nécessite un espace où les relations ainsi que les

transactions sont possible.

Yochai Benkler, professeur de droit à Harvard, parle d’un espace commun de

possession. Il emploie pour la première fois en 2002 le terme « commons-based peer

production » (production en réseau à partir d'un espace commun de possession) pour

designer des projets de collaboration tels que les logiciels libres basés sur le partage

d'information.

C’est également l’un des premiers à parler d’ « économie de l’information en réseau

» qu’il envisage comme « système de production, de distribution et de consommation de

l'information caractérisée par une action individuelle décentralisée. »11.

Peer-to-peer

Communément appelé « paire à paire », on parle en fait de relation « paire à paire »,

il s’agit d’une caractéristique de l’économie collaborative. Avant même d’aborder la notion

de réseau ou de communauté à grande échelle, il est d’abord question de relation entre

individus. Cette expression est principalement utilisée dans la sphère digital. La création de

réseau de communication, d’échanges de données, de transfert d’information, a engendré

la mise en relation entre individus n’ayant pour seul lien, la communauté à laquelle ils

appartiennent, à l’intérêt commun qu’ils peuvent avoir autour d’un sujet. Il n’est plus

uniquement question de relation entre individus appartenant à un même cercle émotionnel

(amis, proches, famille).

Michel Bauwens, théoricien et conférencier belge, qualifie ce système d’« une forme

d'organisation basée sur les réseaux, reposant sur la libre participation de partenaires

équipotents engagés dans la production et l'utilisation de ressources communes. Le peer-

11 Yochai Benkler, La richesse des réseaux, 2006. Cet ouvrage analyse la façon dont les technologies

de l’information permettent des formes augmentées de collaboration, qui peuvent transformer l’économie et la société.

Page 16: Retail & Sharing Economy

16

to-peer ne recourt pas aux compensations financières comme motivation principale, et

n'utilise pas les méthodes traditionnelles de commande et contrôle. Il crée un commun plutôt

qu'un marché ou un Etat, et se base sur des relations sociales pour allouer les ressources,

plutôt que sur un mécanisme de prix ou un système hiérarchique »

Pour passer en « mode peer-to-peer », il suffit de se placer dans la perspective où

chacun peut contribuer aux besoins de l'autre. Cet aspect est fondamental dans

l’émergence d’une source d’influence alternative, mise en place de manière spontanée par

des acteurs qui s’organisent en dehors du cadre traditionnel. De là à étendre cette définition

issue du monde immatériel (les réseaux informatiques) au monde matériel, il n’y a qu’un

pas.

Nouvelles technologies

Internet encourage le développement de communautés d’internautes partageant les

mêmes affinités ou les mêmes centres d’intérêts. Grâce à sa multitude de réseaux sociaux,

blogs, messageries, wikis, le Web 2.0 se définit alors comme une immense plate-forme de

travaux collaboratifs conçus par certains comme «l’agrégateur» d’une intelligence collective.

Cette nouvelle façon de partager et de collaborer se caractérise par une transversalité qui

remet en question notre modèle classique de hiérarchie pyramidale. Elle génère des

rapports de flux plutôt que des rapports de force12.

Le phénomène a commencé avec le partage de contenus multimédia rendu possible

grâce à la technologie du peer-to-peer (ou pair-à-pair ou P2P).

Figure 1 Source: Sebsauvage.net

12 Selon Joël de Rosnay, qui qualifie ainsi l’émergence d’une nouvelle société dite fluide. Surfer la vie

: comment sur-vivre dans la société fluide, Ed. Les liens qui libèrent, mai 2012.

Page 17: Retail & Sharing Economy

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Sur Internet, les logiciels ou les applications de partage s’appuyant sur le P2P

permettent à tous les ordinateurs connectés de constituer un réseau, en envoyant et

recevant des données sans passer ni par un site, ni par un serveur central. La diffusion de

fichiers ne relève plus d’un serveur, facilement saturé par un nombre trop important de

connexions et de téléchargement. Avec le P2P tous les ordinateurs connectés se

comportent comme autant de «petits» serveurs, et partagent des fichiers entre eux. Napster,

le premier système apparu en juin 1999, permettait aux utilisateurs de partager des fichiers

musicaux au format MP3. L’apparition des plateformes Edonkey et Emule est venue étendre

le partage aux films, aux vidéos, etc...

Le développement des technologies de l’information a généralisé l’accès aux

contenus, souvent mis à disposition gratuitement au sein d’un espace autorégulé.

Réseaux sociaux

Les réseaux sociaux depuis les débuts de Facebook, avaient pour fonction de créer

des liens, des ponts entre individus, peu importe où dans le monde, la seule condition étant

d’avoir une connexion internet.

L’appropriation de ces réseaux par les internautes d’abord novices puis aguerris, a

fait émerger de nouvelles formes de pratiques sur ces réseaux. Les toiles qui se sont

constituées ne se limitaient plus à relier uniquement des individus, elles se sont mises à

regrouper également des internautes autour de centres d’intérêt. L’ampleur qu’a pu prendre

ces réseaux de personnes, a permis aux internautes 2.0 de solliciter leurs « relations » pour

répondre à leurs besoins respectifs. Il s’agit d’un nouveau type de comportement : aller

chercher ce dont on a besoin auprès d’un réseau, versus auprès des distributeurs, marques,

vers qui jusqu’ici nous nous tournions.

Plateforme collaborative

Les plateformes collaboratives sont la continuation du travail qu’ont amorcé les

réseaux sociaux. Par « plateforme collaborative » il faut entendre : « un lieu où peuvent

entrer en relation des paires, issus d’une communauté autour d’un intérêt commun ». Ces

espaces communs, d’échanges, de transactions entre paires, ou entre groupes d’individus

sont développés majoritairement par des start ups.

Ces mini-entreprises ont permis de créer des places immatérielles où des données

de grande ampleur peuvent être traitées, organisées via des algorithmes. Il s’agit de

Page 18: Retail & Sharing Economy

18

données de plus en plus denses dans la mesure où aujourd’hui, il ne suffit plus de recenser

l’offre détenue par les quelques entreprises pour les consommateurs. L’offre est

démultipliée car ce sont désormais les consommateurs eux-mêmes qui sont à même de

proposer leur service, leur bien. Ainsi, l’échelle de données n’est plus la même.

Marketplace collaborative

Définition de marketplace : « Lieu physique ou virtuel (place de marché électronique

- electronic marketplace, digital marketplace, DMP) permettant la rencontre d'offreurs et de

demandeurs de biens et/ou de services. Elle peut prendre la forme d'une société de services

dont la propriété et la gestion sont partagées entre les principaux utilisateurs. Elles

permettent le placement d'appels d'offres, l'organisation de mises aux enchères(sous de

multiples formes), la constitution de listes de sourcing... »13

Business Modèle

De nombreux business modèles ont émergé sur le marché de l’économie

collaborative.

Principe de monétisation

La commission

Selon, Antonin Léonard de OuiShare.net, l’un des experts français de l’économie

collaborative, explique que le principe fondamental est de prendre un pourcentage sur la

transaction. Il varie de 5% à 40%, soit 5% pour les plateformes d’intermédiation par exemple

et 40% pour la location de voiture entre particulier (l’assurance prenant une part assez

importante.)

Toujours selon Léonard, il s’agit du modèle le plus vertueux puisqu’il permet de se

développer, pour autant, il peut mettre un peu de temps à arriver au point mort…C’est un

business modèle qui peut être très rentable dès qu’on obtient la masse critique nécessaire

et qu’on devient la référence sur le marché en question, parce qu’il y a un effet prime au

leader.14

13 Définition issue du site internet www.e-marketing.fr

14http://www.conseilsmarketing.com/techniques-de-ventes/les-business-modeles-de-la-consommation-collaborative-antonin-leonard

Page 19: Retail & Sharing Economy

19

L’abonnement

Il y a aussi des business modèles d’abonnements pour l’accès à une plateforme,

dans ce cas il s’agira plus d’un type plateforme où on s’aidera mutuellement, on pourra

prêter et de donner (plutôt que de louer ou de payer ou de demander un revenu en

échange)…

Principe de confiance

« La confiance sera la nouvelle monnaie du XXIe siècle » Rachel Botsman.

Alors que le phénomène de défiance devient majeur face aux entreprises et aux

autorités, dans les pays occidentaux et que les individus inclinent à n’accorder leur

confiance qu’à des proches, on observe un nombre de plus en plus important de personnes

accordant leur confiance à de parfaits inconnus rencontrés sur des plateformes

collaboratives. Selon l’enquête Conditions de vie du CREDOC, moins d’une personne sur

quatre pense que le gouvernement peut résoudre les problèmes auxquels est confrontée la

France aujourd’hui, seuls 13% de nos concitoyens ont confiance dans les hommes et

femmes politiques. On observe alors que la confiance s’éloigne des institutions et « se

déplace vers les communautés distribuées et connectées », affirme Rachel Botsman.

La réputation

« Il est préférable d'avoir 100 personnes qui aiment mon produit que d'être connu par

100,000 personnes. »

Page 20: Retail & Sharing Economy

20

Il n’est plus question de publicité à grande échelle, il s’agit désormais d’image et de

réputation. En effet, pour fonctionner, les initiatives collaboratives reposent sur une masse

critique, les communautés et les réseaux doivent attirer suffisamment de personnes. Cet

effet de masse est la conséquence de l’aspect collaboratif. C’est un véritable atout

d’adaptation et cela garantit la diversité.

Antonin Léonard affirme que « la plupart des business modèles s’appuient sur les

communautés existantes. L’enjeu des plateformes entre particuliers est de générer la

confiance entre des inconnus alors qu’au sein de certaines communautés, la confiance est

préexistante (entreprise, université…) ».

Pour que les communautés et réseaux fonctionnent, ils ont besoin de créer une

relation de confiance. En fait, les utilisateurs s'évaluent entre eux et se construisent une

réputation au sein même de leur communauté. Par conséquent, plus la communauté est

grande, plus les évaluations peuvent se recouper ce qui permet d’avoir une réputation

vraiment tangible. La réputation d’un internaute dépend donc de la qualité des échanges

qu’il a lors de ces différentes interactions.

Aujourd’hui la notation s’observe par l’intermédiaire du nombre d’étoiles sur un site

de comparaison de restaurants par exemple, mais aussi les commentaires laissés par les

consommateurs après l’utilisation d’un produit ou l’expérience d’un service. Pour autant,

désormais la réputation ne se joue plus uniquement ici. De nombreux services et sites sont

apparus : où l’on peut obtenir un aperçu fiable d’un profil en associant des datas issues de

leur réputation.

Page 21: Retail & Sharing Economy

21

On peut donc dire que les systèmes de notations entre utilisateurs/consommateurs

semblent évoluer. C’est bien à partir de l’ensemble des évaluations des internautes sur un

profil que sera formée ce qu’on appelle l’ « e-réputation » de ce dernier. Elle est

intrinsèquement liée à la globalité des actions de chacun.

La réputation, importante aujourd’hui, deviendra de plus en plus précieuse.

Pratiques

L'économie du partage englobe les diverses formes de consommation collaborative

(AMAP, couchsurfing, co-voiturage, auto-partage, vélo-partage, cojetage, troc de livres et

de vêtements), les modes de vie collaboratifs (co-working, co-location, habitat collectif,

jardins partagés), le financement collaboratif (crowdfunding, prêt d'argent de pair à pair,

monnaies alternatives), la production contributive (DIY, Fablabs, maker spaces) et la culture

libre en général.

Rachel Botsman15 mais également Eric Luyckx et Delphine Masset s’accordent sur

le fait que les pratiques peuvent être divisées en quatre types de pratiques : la

consommation collaborative, la production collaborative, le financement collaboratif et la «

connaissance » collaborative.

Figure 2 Source: Crowd Companies

15 Co-auteure du livre What's Mine Is Yours: The Rise of Collaborative Consumption

Page 22: Retail & Sharing Economy

22

Co-élaboration

La question de la participation, de l’implication des utilisateurs devient centrale. Les

consommateurs ont désormais un rôle à jouer, on voit éclore la notion de

« consomm’acteur ».En effet, Les citoyens peuvent prendre part à n’importe quelle phase

de l’élaboration d’un projet. Les besoins de ces consommateurs deviennent centraux, les

plateformes de co-conception permettent aux citoyens d’entreprendre un projet, de jouer un

rôle dans le processus de création du bien dont ils ont besoin.

FontYou

Start-up française fondée en janvier 2014, elle édite

une plate-forme de co-création de typographies. Celles-ci

sont vendues aux clients sous forme de licences

d’utilisation, FontYou reversant ensuite des royalties aux

co-créateurs.

« Fort de mon expérience à la fois de créateur-

producteur de polices et d’utilisateur (en agence), j’ai eu

l’idée de positionner les clients/utilisateurs de polices (qui

sont des millions dans le monde) en amont de la chaîne de

valeur de production pour en faire des “co-designers” et de proposer ainsi une créativité

collaborative sans limites. »16

Cette plateforme de co-création, permet, grâce à la communauté et aux outils de

design collaboratifs qu’ils leur proposent, de générer très rapidement une grande collection

de produits inédits, hyper créatifs et très techniques.

Imprimante 3D

Symbole d’une économie collaborative,

l’imprimante 3D incite les utilisateurs à déposer des

prototypes en open-space sur la toile, pour que des

projets ingénieux voient le jour.

La production n’est plus l’œuvre d’une seule

personne, il n’est plus question de propriétaire, ni de

protection par des brevets empêchant un éventuel

16 Interview de Grégori Vincens, cofondateur de FontYou

Figure 3 Source:

http://www.cultureevenement.com/limp

rimante-3d-la-revolution-de-linternet-

des-objets/

Page 23: Retail & Sharing Economy

23

partage. Les personnes peuvent devenir productrices de services, dans ce cas, on parle

alors d’économie distribuée.

Co-financement ou financement participatif

L’association d’un grand nombre de personnes investissant un petit montant permet

aux porteurs de projets de trouver les fonds demandés. Ce mode de financement est

également un moyen de fédérer le plus grand nombre de personnes autour d’un projet. Les

fonds apportés peuvent être alloués sous 4 formes différentes :

- Le don17. Une personne physique ou morale (une entreprise) donne une somme

sans rien attendre en retour c’est un don, généralement cette catégorie de

financement est propre aux actes associatifs ainsi qu’aux projets personnels.

- La récompense18. Une personne physique ou morale (une entreprise) donne une

somme en échange d’une récompense. Le porteur de projet a deux façons de

présenter les récompenses, il peut recourir au pré-achat, c’est à dire qu’il faudra

qu’un certain nombre de personnes achète le produit ou le service pour que ces

derniers soient créés. La deuxième façon que peuvent prendre les récompenses

c’est de donner en échange d’un financement, un cadeau, comme la photo du projet

terminé, t-shirt promotionnel.

- Le prêt19. Une personne physique prête une somme afin de financer un projet. La

somme prêtée doit être rendue avec ou sans intérêts, c’est au porteur de projet d’en

décider.

- L’equity20 ou investissement au capital des entreprises. Une personne physique

ou morale (une entreprise) accepte d’investir dans un projet à condition d’acquérir

des parts dans l’entreprise financée directement ou indirectement.

Co-consommation ou consommation collective

Cette pratique découle naturellement de l’évolution des rapports aux biens et aux

personnes. Elle peut être qualifiée selon deux principes :

17 http://www.goodmorningcrowdfunding.com/definition-du-crowdfunding/

18 Ibid

19 Ibid

20 Ibid

Page 24: Retail & Sharing Economy

24

- La mutualisation. Ce facteur permet la transition de la propriété individuelle à l’usage

ou à la propriété collective. Ce qui importe n’est plus d’avoir un bien mais d’y avoir accès. Il

faut néanmoins un propriétaire qui mutualise ponctuellement l’usage ou un achat mutualisé

dont tous les propriétaires s’accordent entre eux pour la répartition de l’usage, comme une

coopérative de consommation par exemple. ex : covoiturage, autopartage.

- La déconsommation. On passe de la surabondance à la sélection des produits. La

qualité prime sur la quantité. ex : troc.

Open source/ Open knowledge

Ce principe est primordial à l’élaboration d’une société collaborative. Il s’agit de la

démocratisation de l’éducation, de la politique mais aussi de la science, de la culture.

Conséquences et freins

L’économie participative qui tend vers la désintermédiation des circuits de

consommation classique est régulièrement taxée d’économie alternative déloyale. En

cherchant à consommer de manière plus juste et équitable, cette économie vise à supprimer

les intermédiaires inutiles. Cette économie prend la forme d’un circuit court.

Régulation institutionnelle

Jusqu’ici, les activités de l’économie collaborative évoluent dans un cadre assez flou,

amenant de nombreuses revendications de la part des acteurs économiques traditionnels.

Les problématiques deviennent de plus en plus visibles notamment avec des cas tel que

UBER POP qui a mis en lumière les enjeux de l’économie alternative.

Page 25: Retail & Sharing Economy

25

UberPOP versus chauffeurs de taxi

UberPOP est un service de l’américain Uber, qui met en relation via son application

pour téléphone mobile, des particuliers avec des chauffeurs non-professionnels. Pour les

chauffeurs de taxi, UberPOP, a tué le monopole des taxis. En France, 400 000 utilisateurs

en sont déjà adeptes. Ce service par ses prix cassées est fortement critiqué par les

chauffeurs professionnels mais également par les autorités. "UberPOP est en situation

d'illégalité absolue", dénonçait le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve.

Figure 4 Source: http://www.huffingtonpost.fr/2015/06/10/uberpop-taxis-marseillais-

nantais_n_7550218.html

Plusieurs sociétés de véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC) et un syndicat de

taxis reprochent à UberPOP de dépasser la simple mise à disposition d’un véhicule. Par

conséquent ils reprochent le fait qu’il ne respecte pas les dispositions légales applicables

aux VTC.

Uber qui s’est un moment réfugié derrière le «flou absolu» autour de la notion de

transport «à titre onéreux», a été contraint de stopper ses services. En vertu de la loi

Thévenoud votée en octobre 2014, il est interdit de proposer une prestation de transport

routier «à titre onéreux» si l'on n'est pas enregistré comme chauffeur de taxi ou VTC.

De nombreux spécialistes en droit du travail tentent d’apporter des solutions pour

répondre aux problématiques apportées par cette économie « hors-circuit ».

Page 26: Retail & Sharing Economy

26

Point de vue social

Personne

Normalement tout prestataire qui s’inscrit sur une plateforme collaborative pour

rendre un service et qui entend le faire de manière récurrente se doit de se doter d’un statut

juridique.

L’important, si le prestataire de service est déjà salarié d’une entreprise, est qu’il

s’assure que les services qu’il rend n’empiètent pas sur son temps de travail. Il devra

également s’assurer que son contrat de travail ne comporte pas de clause d’exclusivité.

Plateforme collaborative

Les plateformes collaboratives doivent se montrer extrêmement vigilantes parce

qu’elles peuvent rapidement être accusées de travail déguisé. Ainsi, pour contrer le risque

de mise en cause de sa responsabilité, elle se devrait obtenir de ses prestataires que

chacun déclare formellement être à jour dans son immatriculation. La plateforme pour être

en règle devrait faire signer à ses « salariés - prestataires de service », une déclaration

selon laquelle les services qu’ils rendront ne sont pas en contradiction avec les clauses de

son contrat de travail.

Point de vue fiscal

La question se pose de la qualification des revenus produis par les « salariés –

prestataires ». Normalement, la règle est l’imposition des sommes perçues par les

prestataires (que l’activité soit exercée à titre professionnel et lucratif ou non).

Le gouvernement a indiqué, en 2013, dans le « guide pratique de l’autopartage entre

particuliers », que les revenus générés présentent le caractère de remboursement de frais

non imposables lorsqu’ils ne dépassent pas le barème fiscal automobile. De même, en

matière de TVA, si toute prestation de services est, par principe, taxable dès lors qu’elle est

réalisée par un assujetti et qu’elle n’est pas exonérée, l’application ou non de la TVA

suppose que le prestataire agisse en tant qu’assujetti, c’est-à-dire en tant que personne qui

effectue de manière indépendante une activité économique. Du fait de la franchise de TVA

applicable dès lors que le chiffre d’affaires généré ne dépasse pas certains seuils, les

opérateurs concernés ont tout intérêt à se déclarer assujetti...et à appliquer l’exonération.21

21http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/07/08/l-economie-collaborative-rattrapee-par-la-

loi_4675937_3232.html . Patrick Thiébard, Jean-Guillaume Follorou et Pascale Georges, avocats au cabinet Jeantet Associés.

Page 27: Retail & Sharing Economy

27

Assurance et responsabilité

La sociologue Marianne Cooper, professeur à l’université de Stanford avertit du

danger quant au flou lié à la responsabilité juridique. “Le modèle de l’économie collaborative

permet aux entreprises de se dégager de beaucoup de leurs responsabilités sociales envers

leurs employés. L’idéologie sous-jacente est que la part de risque qui incombe normalement

au gouvernement et aux entreprises devienne la responsabilité des particuliers et des

familles. Cette idéologie peut mener à l’insécurité économique.”

En proposant un mode nouveau de consommation, qui privilégie l’usage et le partage

sur la propriété, l’économie collaborative invite également à repenser la manière de

s’assurer. La problématique est désormais d’ordre européenne. 55% des Européens se

déclarent favorables à une consommation durable22. Le Comité économique et social

européen (Cese), association consultative, dans un rapport du 21 janvier 2014, estime que

la « Commission européenne pourrait procéder à l’harmonisation des législations,

concernant d’une part les questions frontalières, et d’autre part les éléments qui apportent

une valeur ajoutée européenne à cette problématique ».

Des sujets restent encore à traiter de manière harmonieuse comme la responsabilité

juridique, les assurances, les droits d’usage, les droits contre l’obsolescence programmée,

les taxes sur la propriété, les normes de qualité, la détermination des droits et devoirs.

22 Observatoire Cetelem 2013

Page 28: Retail & Sharing Economy

28

Retail

Définition

Le commerce de détail est le maillon final de la chaîne de distribution. Il se distingue

ainsi du commerce en gros. L'activité est double :

1. Achat des produits auprès d'un fournisseur, d'un producteur ou d'un importateur, soit

directement ou par l'intermédiaire d'un grossiste.

2. Revente de la marchandise à l'unité ou par petite quantité à un client dans un

magasin, une boutique ou par correspondance à l'aide d'un catalogue ou d'un site

internet.

GSA

GSA est l’acronyme désignant les grandes surfaces alimentaires. Il s’agit dans la

pratique des grandes surfaces à dominante alimentaire. Le commerce de détail alimentaire

est composé de magasins dont un tiers du chiffre affaires est réalisé en produits alimentaires

ce secteur se divise en 2 groupes :

1- les grandes surfaces à dominante alimentaires dit GSA

2- les magasins spécialisés ou non

C’est « un regroupement des hypermarchés, des supermarchés et des magasins

multicommerces (codes NAF rév.2 : 4711D (supermarchés), 4711E (magasins

multicommerces) et 4711F (hypermarchés). »

HYPERMARCHES

Un hypermarché est un établissement de vente au détail en libre-service qui réalise

plus du tiers de ses ventes en alimentation et dont la surface de vente est supérieure ou

égale à 2 500 m² .

SUPERMARCHES

Un supermarché est un établissement de vente au détail en libre-service réalisant

plus des deux tiers de son chiffre d'affaires en alimentation et dont la surface de vente est

comprise entre 400 et 2 500 m2.

Page 29: Retail & Sharing Economy

29

SUPERETTES

Magasins dont la surface de vente est comprise entre 120 et 400 m² et qui réalisent

plus de deux tiers de leur chiffre affaires dans la vente de produits alimentaires.

Marché français

Historique

Les hypermarchés en France sont définis comme les « magasins du commerce de

détail non spécialisés qui réalisent plus d'un tiers de leur chiffre d'affaires dans la vente de

produits alimentaires, et d'une surface de vente égale ou supérieure à 2 500 m2 »23.

La grande distribution contemporaine apparaît en France dans les années 1950 et

1960. Le premier E.Leclerc est ouvert en 1949, Carrefour en 1954, Auchan et Promodès en

1961 et Intermarché en 1970. Les principaux acteurs, 8 groupes dont 2 seulement sont

allemands et les 6 autres demeurent français, doivent s’adapter aux évolutions tant

conjoncturelles que structurelles.

Le modèle des grandes surfaces alimentaires (supermarchés et hypermarchés) est

le modèle de distribution alimentaire dominant en France (plus de 60% des ventes totales

en 2012).

En 2007, la grande distribution alimentaire comptait plusieurs centaines de milliers

d'emplois : 636 200 personnes24 — pour l'année 2008 — selon la Fédération des entreprises

du commerce et de la distribution.

En France les opérateurs d'hypermarchés dominants sont : Auchan, Carrefour, Cora,

E. Leclerc et Géant Casino. On comptait, en 2008, 1 594 hypermarchés pour 8,9 millions

de mètres carrés.

23 Définition de l’Insee

24 Source Insee

Page 30: Retail & Sharing Economy

30

Enseigne Groupe Magasins %

E. Leclerc E. Leclerc 447 37 %

Carrefour Groupe

Carrefour 221 18 %

Intermarché

Hyper

Les

Mousquetaires 193 16 %

Auchan Auchan 126 10 %

Géant Casino Groupe Casino 112 9 %

Cora Groupe Louis

Delhaize 59 5 %

Hyper U Système U 45 4 %

Total 1203 100 %

La conjoncture a en effet plutôt été défavorable depuis 2010 avec le ralentissement

économique et de la consommation des ménages et l’augmentation des prix à la

consommation des produits alimentaires, de ce fait, le chiffre d’affaires de ces magasins a

reculé entre janvier 2010 et août 2013 de 4,1%.25

25 Source Insee

Page 31: Retail & Sharing Economy

31

Evolution de l’indice du CA des GSA de 2004 à août 2013

Selon l’Insee, du fait de ce recul du pouvoir d’achat, en 2012, la dépense de

consommation des ménages baisse en volume (-0,4 % après +0,5 %), malgré le repli de

leur taux d’épargne. C’est la seconde baisse des dépenses de consommation enregistrée

en 60 ans.

Évolution du pouvoir d’achat, de la dépense de consommation des ménages

et du prix de la dépense de consommation des ménages de 2006 à 2012

Globalement on observe une perte de vitesse du format de l’hypermarché, mais

également une transformation des hard discounts et enfin un développement du commerce

à distance et du drive

Les hypermarchés sont concurrences par les magasins de proximité spécialisés dans

l’alimentaire (boucheries, poissonneries, primeurs…)ils sont à la peine. Et ce d’autant que

les mesures mises en place pour leur permettre de reprendre des parts de marché n’ont

pas toujours le succès souhaité. Le groupe Carrefour a par exemple choisi de geler le

Page 32: Retail & Sharing Economy

32

déploiement de son concept Carrefour Planet (vastes hypermarchés avec une large offre

non alimentaire) dès le premier trimestre 2012, faute de résultats concluants26.

Dans le but de se recentrer sur l’alimentaire, les groupes de grandes surfaces

alimentaires multiplient les offensives depuis quelques années. Certains groupes de GSA

font des tentatives pour se renforcer dans le commerce de proximité, qui dispose de belles

perspectives de croissance, à l’image du groupe Casino. Ce dernier a par exemple lancé

Casino Shop et Casino Shopping en 2011, dans le but de rénover son concept historique

de superettes qu’est Petit Casino.

Les groupes de grandes surfaces alimentaires ont suivi les nouvelles tendances de

consommation et rythmes de vies en investissant rapidement dans la vente à distance ces

dernières années (commandes par internet). En effet, le drive alimentaire prend peu à peu

son essor car il est très apprécié par les consommateurs. Ce concept, qui permet de

commander des produits sur Internet et de venir retirer ses achats en magasin, présente de

nombreux atouts pour les acteurs de la grande distribution. Il permet aux grandes surfaces

alimentaires de prendre pied dans le multicanal, tout en fidélisant leur clientèle (prix

attractifs, gain de temps, facilité d’utilisation, etc.). La plupart des groupes du secteur sont

désormais présents dans le drive, à l’image de E. Leclerc (environ 250 drives à fin 2012) ou

Groupe Casino (environ 100 unités). 27

Business modèle

Le BM de la grande distribution consiste à ce que la société achète des produits à

des fournisseurs, fabriquant, grossistes et les revend à des particuliers en prenant au

passage une marge.

Les facteurs clés de succès sont principalement la marge brute (différence entre le

prix d’achat et le prix de vente) c’est à dire que plus les volumes sont important, plus les

économies d’échelle sont possible ; la logistique (stockage et livraison) ; l’emplacement et

la transformation (vente) puis fidélisation.

26http://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgccrf/documentation/dgccrf_eco/dgccrf

_eco25.pdf

27 Source CREDOC

Page 33: Retail & Sharing Economy

33

Le circuit de la marchandise

Le rôle des acteurs de la chaine28

- Le producteur fournit les matières premières et respecte un cahier des charges

strict.

- Le grossiste (éventuellement) réceptionne la marchandise du producteur négocie

les conditions d'achat avec les centrales d'achat des enseignes et livre les entrepôts

et/ou les plates-formes.

- La centrale d'achat négocie les conditions d'achat des marchandises avec le

producteur ou le grossiste et achète les marchandises pour les magasins.

- L'entrepôt / la plate-forme réceptionne la marchandise du producteur ou du

grossiste , stocke les marchandises et prépare les commandes approvisionnent les

magasins.

- Le magasin réceptionne les commandes gère les stocks, met la marchandise en

rayon à disposition du consommateur.

Un marché avec ses spécificités

La grande distribution a comme spécificité de traiter énormément de volume. Tout

son business model repose donc sur ces volumes. De ces derniers, dépendent la

négociation à l’achat, c’est à dire l’objectif d’obtenir des prix attractifs, et donc de susciter

l’intérêt des consommateurs…

28 http://www.fcd.fr/la-distribution/le-secteur

Page 34: Retail & Sharing Economy

34

La logique veut que plus les prix sont bas, plus le nombre de clients est important

ainsi plus il y a de marge de négociation possible et par conséquent plus les prix peuvent

être bas. Pendant ces quarante dernières années, les grandes surfaces ont enregistré de

plus en plus de chiffre d’affaires sur ce fonctionnement. On a pu observer que depuis une

dizaine d’année, ce modèle a atteint son niveau de régulation maximal parce qu’en effet il

devient de plus en plus difficile de réduire les prix et donc d’attirer plus de consommateurs.

Besoin en fond de roulement positif

Ces distributeurs ont constamment un BFR positif car le consommateur paie le

distributeur immédiatement, alors que ce dernier ne paie qu’à 60 jours29. De plus, il a

tendance à demander au fournisseur de compenser le coût de stockage des marchandises

c’est ainsi qu’il bénéficie d’une énorme trésorerie qu’il peut faire fructifier.

Dans ce secteur, il y a plusieurs manières de générer de l’argent à partir de l’argent :

notamment en proposant par exemple des offres de crédit sous forme de cartes de fidélité

qui permettent d’obtenir des rendements qui vont au-delà des 15%… Il faut noter que depuis

quelques années, les ménages qui faisaient les plus appel à ses crédits, rencontrent de plus

en plus de difficultés pour les rembourser, ainsi cette pratique perd son côté attractif…

Secteur de plus en plus diversifié

Les hypermarchés ne se contentent plus de servir d’intermédiaire aux producteurs.

Ils cherchent depuis une décennie, à proposer des services en plus, en complétant leur offre

avec les besoins complémentaires que peuvent avoir les consommateurs. C’est ainsi que

les grands groupes français proposent tous une série de services qui apparaissent

désormais acquis et basiques.

- L’énergie (essence)

- La culture

- Le drive / livraison à domicile

- Parapharmacie

- Voyages

- Événements

29 Il faut savoir qu’avant le délai était beaucoup plus long, ce sont les pouvoirs publics qui ont imposé

les mesures nécessaires pour contrebalancer le pouvoir de négociation des distributeurs

Page 35: Retail & Sharing Economy

35

La grande distribution cherche une offre de produits différenciée et rentable

Le temps de consommation massive prend désormais fin. Le consommateur est

actuellement en quête de différenciation. C’est pourquoi les enseignes ont besoin des PME

pour se différencier et réaliser des marges plus confortables. On constate que les grandes

marques sont moins rentables pour la grande distribution, car Unilever, Danone, Nestlé

Colgate ou Coca-Cola ont un fort pouvoir de négociation. Une véritable guerre des prix bas

sur les produits de marques anime les géants comme Carrefour, Casino, Auchan ou Leclerc

pour attirer les consommateurs sur leur point de vente. En fait," la distribution de masse ne

génère plus de croissance ", analyse Dominique Amirault, président de la Fédération des

entreprises et entrepreneurs de France qui regroupe 700 entreprises indépendantes

fournisseurs de la grande distribution. " Par contre il y a encore plein de poches de

croissance : le besoin de choix du consommateur, son goût pour la qualité...Pour satisfaire

ces nouvelles attentes, les PME sont bien positionnées. Elles peuvent offrir des produits

très variés, authentiques, avec un ancrage dans un territoire...

Page 36: Retail & Sharing Economy

36

Synergies possibles

Des atouts considérables du côté de la grande distribution

Antonin Léonard fait de la prospective : «Les plateformes mettent les gens en

relation. Il faudra des lieux pour accueillir les échanges entre les utilisateurs. Ces "tiers-

lieux" deviendront des centres névralgiques et la grande distribution a un rôle à jouer pour

offrir ces espaces au cœur des centres commerciaux.»

Les magasins de grande distribution ont les outils, les éléments dont les acteurs de

l’économie collaborative ont besoin. Mickaël Palvin, Directeur du planning stratégique chez

Publicis K4 explique que « Les enseignes de grande distribution peuvent répondre aux

freins liés à l'économie collaborative et donc au peer to peer. Les magasins sont la garantie

à la fois d'un véritable SAV, d'une assurance après achat, d'un niveau de qualité… ça c'est

une opportunité pour les distributeurs parce qu'aujourd'hui beaucoup de français restent

frileux à franchir le pas vers la consommation collaborative, même si la démarche leur

semble positive. »

Page 37: Retail & Sharing Economy

37

Mickael Palvin affirme qu’il s’agit d’ « un des enjeux principaux pour entrer dans la

course à la démarche collaborative, très en vogue en ce moment, est certainement la

question de notoriété. Il s'agit d'un enjeu de tendance, de modernité. En s'associant avec

ces start-up portant les innovations collaboratives d'aujourd'hui, les enseignes ont le moyen

de rajeunir leur image mais aussi leur cible, sachant que la sharing economy est très

tendance vis à vis des jeunes. »

Pascal Verwaerde va dans le même sens en assurant que les opportunités sont

possibles pour les géants de la GSA. « La distribution a les moyens de créer ces plateformes

d’échange, elle peut même le faire en physique. C’est l’opportunité pour elle d’exploiter ses

m2 laissés à l’abandon, créer des tiers-lieux comme le disait Antonin Léonard pourquoi pas

y installer des fablab ou encore donner de l’espace pour les producteurs locaux…il y a des

choses à faire. Tout ça permet de recréer du trafic en magasin sachant que les promos ne

sont plus les seuls arguments de vente. La grande distribution doit penser à long terme tout

en agissant dès aujourd’hui, parfois un modèle économique peut basculer rapidement. »

Les grandes surfaces ont les ressources nécessaires avec une base de données

clients hors norme, pour la mise en œuvre d’une place de marché collaborative à grande

échelle. Elles sont en fait un réservoir ayant des millions de clients, des chaînes logistiques

sophistiquées, d’importants réseaux de points de vente physiques, d’énormes entrepôts,

des systèmes informatiques robustes et d’énormes bases de données contenant des

informations sur leurs clients.

Des compétences et un business model propres aux acteurs de l’économie collaborative

Les start up issues de l’économie collaborative ont souvent la particularité d’être un

noyau de passionnés réunis autour d'un projet. Elles ont la capacité à établir un business-

plan rapidement et à tirer parti de l'afflux de capitaux vers les sociétés de l'internet. Elles ont

naturellement une culture d'entreprise et un esprit de coopération mais aussi à repérer les

marchés porteurs (« à chaque rubrique Craiglist, une start up à créer »). Les start up sont

fortes de leur parfaite connaissance d'internet, elle qui demande de la réactivité et de

l'anticipation. La gestion des données clients en masse et l’animation des plateformes

collaboratives sont leurs points forts, contrairement aux grands distributeurs.

Elles peuvent également répondre à la menace qui pèse sur les grandes surfaces,

victimes du phénomène de défiance de la part de consommateur, victime aussi de leur

image de géants hyper- capitalistes. Elles cherchent donc à se donner davantage de sens

Page 38: Retail & Sharing Economy

38

et appuyé leur côté citoyen. « Il est question d'image et de modernité mais aussi d’un enjeu

d'efficacité (dans le sens où les enseignes ont besoin d'être efficace rapidement en allant

chercher les compétences là où elles sont, c'est à dire chez les start-up). Enfin, c'est un

enjeu business, plus j'offre de services telle qu'une plate-forme collaborative plus le client

fréquentera mon magasin (en physique ou on line) et surtout, moins il se verra aller voir

ailleurs, » c’est la thèse que défend Mickael Palvin.

Le raisonnement à éviter

Pascal Verwaerde alerte sur le fait que « les grandes surfaces perçoivent l'économie

collaborative avec leur prisme d’analyse de géant. Concrètement ils se disent « désormais

je vais devoir partager mon gâteau, au lieu de vendre 100 perceuses, je n'en vendrais que

10 et les gens se l'échangeront entre eux, donc je ne suis que perdant dans cette histoire

».

Ce raisonnement reste très limité, ce n'est pas parce que les gens achètent moins

qu'ils consomment moins. Prenons l'exemple des « CD »: avant on en achetait un par mois

aujourd'hui on n'en achète plus certes, mais on en loue plus qu'un par mois. Finalement on

constate une augmentation du budget de consommation parce que les gens ont désormais

accès à plus de choses. Et cela, les gros distributeurs ont encore du mal à l'intégrer. Avant

ils avaient le monopole de la rareté des produits, mais aujourd’hui c'est fini...Aujourd'hui ils

pourraient donc s'adapter à cette nouvelle façon de consommer en faisant en sorte de rester

en contact avec leurs clients en leur donnant la possibilité de louer non un seul mais

plusieurs produits chez eux, des produits qui initialement n'étaient pas forcément dans

l'esprit du consommateur.

L’économie collaborative, un marché comme un autre ?

On est rapidement tenté d’assimiler l’économie collaborative à une économie plus

sociale, solidaire que l’économie de marché . La cofondatrice de Ouishare, Flore Berlingen

met en garde, « l’économie collaborative, comme l’Economie Sociale et Solidaire, reste un

ensemble d’outils, de pratiques ou de formes, dont on peut faire d’excellentes choses et de

moins bonnes. Le critère du modèle économique ou de la forme juridique n’est plus un

critère pertinent pour savoir si un projet ou une entreprise a un impact social positif ou

non »30. Tout comme elle, Eric S. Raymond ou Botsman et Rogers (2012), affirment que la

30 Interview de Flore Berlingen pour le Labo, « L’economie collaborative est-elle aussi sociale et solidaire ?, le 2 decembre

2013 http://www.lelabo-ess.org/?L-economie-collaborative-est-elle

Page 39: Retail & Sharing Economy

39

société collaborative n’a pas à s’appuyer sur un altruisme ou une solidarité particulière et

qu’elle est compatible avec le capitalisme et son postulat de la défense de l’intérêt individuel.

Conclusion

La problématique du collaboratif est d’ampleur sociétale, les clients vont être

influencés par ce phénomène, distributeurs mais également acteurs de l’économie

collaborative doivent s’y préparer. Aujourd'hui plusieurs enseignes ont mis en place des

plateformes de cocréation (Décathlon, Leroy Merlin, Auchan ou encore Casino…) Il faut

garder en tête que à quel point il est très complexe de mettre en place ce style de démarche

au sein d'une entreprise.

Page 40: Retail & Sharing Economy

40

CHAPITRE II

LE CAS CARREFOUR

HISTORIQUE

A Annecy, Marcel Fournier exploite un « grand » magasin issu de la transformation

d’une mercerie fondée en 1822. Dès 1946, à l'occasion de voyages qu'il effectue aux Etats-

Unis pour rendre visite à son frère, observe le développement des supermarchés

américains, de grandes surfaces implantées à la périphérie des villes. De retour en France,

il s’associe à Louis Defforey, un commerçant de l’Ain,

pour créer une petite société de distribution

alimentaire en libre-service. Fournier et Defforey

observent de loin la réussite d'Edouard Leclerc qui

commençait à investir de grands hangars pour

vendre ses produits d’épicerie. Ils décident eux,

d’aller plus loin dans la démarche et se mettent

d’accord pour de créer un supermarché à l'américaine, bien éclairé, donnant envie

d’acheter, et proposant des produits à prix bas.

La première enseigne est ouverte à Annecy en 1960, installé au croisement de cinq

rues, dans le quartier central du Parmelan, d’où l’idée du nom Carrefour. C’est grâce à une

campagne publicitaire et la promesse de cadeaux aux premiers clients mais aussi à

l’implantation sur le parking d’un poste d’essence vendue à prix coûtant, que le succès a

été rapide. C’est en 1963 que le véritable principe d’hypermarché va émerger avec

l’ouverture par Carrefour d'un de ses magasins à Sainte-Geneviève-des-Bois. On ne parle

pas encore d’hypermarché mais de « grand magasin ».

Page 41: Retail & Sharing Economy

41

Ce modèle peu connu et associé au modèle américain est rapidement taxé par les

journalistes d' « usine à distribution » ou d' « usine à vendre ».31

C’est une innovation pour l’époque puisque le magasin propose une surface de 2500

m² de marchandises, 18 caisses automatiques, un parking de 400 places, une pompe à

essence, des files de chariots à roulettes. D’un point de vue marketing, c’est aussi un

véritable pas en avant puisqu’ils marquent le début des actions promotionnelles en grand

nombre comme nous le connaissons aujourd’hui ainsi que la politique des prix bas avec

des prix de 15 à 20% moins chers que les autres distributeurs de l’époque.

Cet hypermarché marque un tournant car pour la première fois, sur un même lieu, on

y trouve, des produits frais, de l’épicerie, du bazar, du textile et de l’électroménager.

Ce regroupement de tous les besoins est spécifique à ce qui deviendra l’hypermarché

« à la française ».

Cet hypermarché de Sainte-Geneviève-des-Bois signe donc le début de la grande

distribution au sens actuel, en France. Cette ouverture a nécessité une phase d’adaptation

puisque les français étaient habitués à leur supermarché et commerce de proximité. La

marque a dû faire face à une masse de critique, le temps que les consommateurs prennent

leur marque et adaptent leurs habitudes de consommation. Le « Grand Magasin »

apparaissait trop grand, trop lumineux, les clients trouvaient cela trop compliqués, puisque

31 http://www.bpi.fr/economie/50-ans-dhistoire-des-hypermarches

Figure 1 Premier hypermarché de France Source: carrefour.fr

Page 42: Retail & Sharing Economy

42

beaucoup d’informations leur étaient données en même. Le qualificatif associé à ce

nouveau magasin était « démesuré ». Pour autant, rapidement, on observe que les clients

viennent en masse, parcourant jusqu'à 40 km en voiture, en admettant apprécier savoir

qu’ils pourront réaliser leurs achats dans un seul magasin et à bon prix. Parallèlement, à ce

constat, on se rend compte que le prix moyen du panier en hypermarché est largement

supérieur à celui du supermarché.

Cela peut s’expliquer par le contexte sociologique de l’époque. En effet, dans les

débuts des années 60, le consommateurs craignent encore le « manque » dans le secteur

alimentaire, ils réagissent donc rapidement et favorablement à la largeur de l’offre, et aux

promotions et aux prix bas.

Une fois ce premier « Grand Magasin » adopté par la majorité, commence alors la

course aux grands espaces et la bataille des mètres carrés. Carrefour s'installe à Vénissieux

en 1966 en proposant aux clients une surface de vente de 9 500 m² et 2 000 places de

parking, proposant 50 caisses alignées et plus de 20 000 produits référencés, pour la

première fois un grand magasin propose une fermeture nocturne, jusqu’à 22h.

Pour faciliter sa montée en puissance, Carrefour crée en 1967 sa propre centrale de

référencement, la Samod32. Le groupe est ensuite introduit en Bourse dès 1970.

D’autres groupes de distribution concurrents décident d’ouvrir leurs propres hypermarchés

en passant des accords de franchise avec le groupe Carrefour, ce qui participent à

l’ascension du distributeur n°1 en France. En effet, c’est en 1969 que le groupe Docks du

Nord-Mielle exploite son premier hypermarché Carrefour à Garges les Gonesse (ce groupe

crée sa propre enseigne, Cora, en 1975). C’est que fait également le groupe Promodès qui

dès 1972, fait prendre à ses hypermarchés l’enseigne Continent.

Les années 1970 et 1980 sont marquées par une très forte progression des implantations

de Carrefour dans la plupart des régions de France.

Quelques chiffres

En 1991, le rachat des hypermarchés Montlaur et Euromarché permet au groupe de

doubler le nombre de ses hypermarchés en France.

32 Société d’Achats Modernes

Page 43: Retail & Sharing Economy

43

En 1997, Carrefour augmente son parc de magasins français via l’OPA33 qu’il lance sur

Promodès34.

On compte en France :

- 124 hypermarchés en 1972

- 1 000 en 1993

- 1 880 hypermarchés, en 2011, soit près de 10 millions de mètres carrés pour 50 000

références de produits

Une expansion à l’étranger

A partir de 1969, Carrefour ouvre ses premiers commerces à l’étranger, d’abord en

Europe :

- 1969 : ouverture d'un hypermarché en Belgique

- 1972 : Italie à Carugate

- 1973 : Espagne à Barcelone avec l’enseigne Pryca, contraction de « Precios y

calidad ». Depuis le rachat à Promodès en 1997 des hypermarchés espagnols «

Continente », tous les hypermarchés espagnols de Carrefour ont repris l’enseigne «

Carrefour » en 2000.

- 1991 : Portugal après le rachat d’Euromarché

- 1997 : République Tchèque

Suite à la fusion avec Promodès en 1999, Carrefour renforce sa présence en

Espagne (avec l’intégration des hypermarchés Continente) et s’implante en Belgique en

2001. L’année 2002 est marquée par le retour de l’enseigne Carrefour en Suisse, puisqu’il

reprend les magasins Jumbo en association avec le groupe Maus.

33 UNE OFFRE PUBLIQUE D'ACHAT OU OPA EST UNE OFFRE D'ACQUISITION PAYABLE AU COMPTANT, A UN PRIX DONNE, DU CAPITAL

D'UNE ENTREPRISE CIBLE.(WIKIPEDIA)

34 http://www.distrijob.fr/enseignes/dictionnaire.asp?enseignes=carrefour

Page 44: Retail & Sharing Economy

44

Figure 2 Implantation de Carrefour dans le monde. Source : carrefour.fr

Puis, hors Europe :

- 1975 : première inauguration d'un hypermarché Carrefour au Brésil

- 1982 : Argentine

- 1989 :ouvertures d’hypermarchés à Taïwan, en Chine et aux Etats-Unis (pays dont

Carrefour se retire dès 1993).

- 1993 : ouverture du premier hypermarché en Turquie.

- 1994 : Carrefour inaugure des hypermarchés au Mexique et en Malaisie.

Dès 1995, la présence du groupe en Asie se renforce avec des implantations à Hong

Kong, en Corée et en Thaïlande dès 1996. En 1997, Carrefour inaugure ses premiers

hypermarchés en Indonésie et au Chili. En 1998, Carrefour s’implante en Colombie. L’an

2000 c’est l’arrivée du groupe au Japon. Enfin, Carrefour développe aussi des implantations

par l’intermédiaire de partenariats et de franchises aux Emirats Arabes Unis, au Qatar, en

Roumanie, en République Dominicaine, en Tunisie, et en Egypte.

Le groupe Carrefour, détient actuellement plus de 15 000 points de vente, tout

concept confondu à travers le monde. C’est ce qui fait de lui le leader européen de la grande

distribution et numéro deux mondial, pour un chiffre d'affaires annuel de plus de 80 milliards

d'euros. Plus de 2 milliards de clients ont franchi le seuil de ses magasins dans le monde

entier. C’est plus de 30 pays d’implantation, près de 400 000 collaborateurs.

Aujourd'hui les hypermarchés Carrefour représentent la majorité du chiffre d'affaires

du Groupe Carrefour, avec plus de 1 450 magasins dans le monde.

Page 45: Retail & Sharing Economy

45

CARREFOUR France

Sur le marché français, Carrefour joue un rôle majeur dans le développement du

modèle de l’hypermarché. Avec son concurrent E.Leclerc, il s’agit de l’une des enseignes

les plus novatrices sur la marché de la grande distribution alimentaire française.

En France, 14 millions de foyers, soit deux sur trois, fréquentent au moins l'un des

2500 magasins du groupe une fois par mois (dont 217 hypermarchés Carrefour).

A partir de maintenant, cette étude portera uniquement sur les hypermarchés

Carrefour.

IMAGE

Depuis ses débuts, Carrefour s’attache à avoir le rôle de précurseur sur son marché.

Être le premier à répondre au mieux aux attentes de ses clients. L’objectif depuis le premier

hypermarché c’est de répondre présent pour tous et pour tous les besoins.

Si Carrefour gagne haut la main au test de la notoriété « top of mind » sur son

marché, c’est notamment grâce à une stratégie de communication particulièrement efficace.

La marque a pris soin de devenir la référence numéro 1 de la grande distribution.

Pour autant, l’enjeu pour cet acteur est d’intervenir également sur son image de

marque. Carrefour a cherché à prendre une position de « partenaire » auprès du client, à

apporter des réponses sociétales. Le slogan « Avec Carrefour, je positive », lancé en 1988,

est significatif de cette réputation que la marque cherche à acquérir.

Depuis le milieu des années 2000, les hypermarchés français ne se cantonnent plus

à ce rôle de distributeurs, ils deviennent des marques à part entière, à

la fois avec l’essor des MDD35 mais également grâce à leur droit

désormais d’utiliser les faveurs des médias et notamment celles de la

télévision. Depuis cette période, Carrefour articule sa communication

autour du thème du "mieux-consommer". Ainsi, la signature « Carrefour, parce qu’on se

construit chaque jour » voit le jour en 1999.

Toujours dans le but de s’écarter quelque peu de son image de grande puissance de

la distribution française, l’enseigne met en place un travail de fond. « L’enjeu pour nous était

35 Marque de distributeur

Page 46: Retail & Sharing Economy

46

de passer du statut d’une entreprise reconnue pour sa puissance et sa performance à celui

d’une entreprise aimée par ses clients, estimée par ses partenaires et dont les salariés

pouvaient être fiers », résume Bernard Buono, Directeur Général de BETC Euro RSCG,

anciennement en charge du compte Carrefour France et Worldwide. « L’objectif était de

donner du sens à notre puissance, en répondant à la question « A quoi sert Carrefour ? »,

puisque l’entreprise se doit d’avoir une utilité dans la vie des gens et dans la société en

général », explique Karine Lagier, directrice du département relation clients de Carrefour de

2006 à 2009.

Carrefour prend donc la décision de communiquer en priorité sur son utilité dans ces

trois domaines : le social, la qualité et le développement économique. « En réalité, on s’est

appuyé sur des choses que le groupe faisait depuis longtemps mais sur lesquelles il ne

communiquait jamais ! La mobilité et l’intégration sociale, l’accessibilité de la qualité, la

contribution au développement économique sont constitutifs de l’ADN de la marque

Carrefour », souligne Karine Lagier. C’est la campagne presse sur le thème « Vous être utile

chaque jour » qui est venue souligner cette volonté de Carrefour.

POSITIONNEMENT

Pour affirmer son image d’acteur social, et partenaire

des français, l’enseigne innove pour apporter de véritables

solutions. En effet, il s’agit de la première enseigne française

à vouloir offrir une alternative aux produits de grandes

marques.

Dès 1976, Carrefour proposent des produits dits

« libres » sans nom de marque et revendique le fait qu’ils

soient «aussi bons mais moins chers ». Carrefour se pose en

défenseur du pouvoir d’achat des consommateurs en « dénommant » une cinquantaine de

PGC36 de toute marque et de tout packaging particulier. Ces produits sont proposés à des

prix très bas, ce qui n’empêche que l’enseigne peut se procurer des marges commerciales

non négligeable.

En 1985, Carrefour est la première enseigne d’hypermarché à signer ses produits,

ajoutant ainsi à son statut de distributeur celui de marque. Carrefour affirme avec cette

36 Produit de Grande Consommation

Page 47: Retail & Sharing Economy

47

gamme "que le prix d'un produit est lié à sa composition, à ses ingrédients, et qu'il ne suffit

pas de donner un nom à un produit pour qu'il soit bon ou sûr". Aujourd’hui, la gamme

Carrefour comporte près de 3000 références en alimentaire et en non-alimentaire,

auxquelles s’ajoutent celles des autres marques développées par l’enseigne telles que : Tex

(textile), First Line (électroménager), Carrefour Bio, Filière Qualité Carrefour, Reflets de

France, Destinations Saveurs, Escapades Gourmandes, et la marque « 1 » pour les

premiers prix.

« Ces produits ont permis d’installer le facteur de préférence pour la marque

distributeur de Carrefour. Aujourd’hui, cette MDD est en effet n°1 sur les items santé,

qualité/fraîcheur et qualité de la marque distributeur », analyse Karine Lagier.

Pour ces produits de MDD, Carrefour a dû pousser son identité de marque, car

jusqu’à présent elle était assez complexe et dispersée. Une nouvelle communication a donc

été mise en place sur ces produits, l’idée étant d’adopter « une approche qui valorise la

qualité et l’innovation », explique Bernard Buono, c’est ainsi que le claim “La qualité pour

tous” est apparu. A cette période, et grâce à Carrefour, les MDD ne sont plus considérées

comme des copies des grandes marques mais bien des produits avec une identité et des

valeurs propres.

La politique de l’enseigne est perpétuée au fil des années, c’est pourquoi il est resté

central pour la grande enseigne d’évoluer avec ses clients en s’adaptant aux nouvelles

problématiques sociales, technologiques et environnementales

MODELE

Pour conserver sa position de n°1 français, Carrefour a su dès la fin des années 70

intervenir de manière stratégique sur le marketing mix de l’entreprise à savoir :

Le produit/service :

En France, chaque point de vente Carrefour dispose d’une offre de produits

semblable, avec environ 100 000 références. Dans le but de faciliter ses

approvisionnements, Carrefour s’est associée à Sears et Oracle pour créer en 2000 le

premier marché mondial d'approvisionnement en ligne de la distribution : la plate-forme

GlobalNetXchange.

L’enseigne depuis ses débuts, cherche constamment à compléter son offre

notamment avec une régulière déclinaison de concepts et services annexes proposés aux

Page 48: Retail & Sharing Economy

48

clients dans l’enceinte même de ses hypermarchés. Cela a commencé dès 1982 lorsque

Carrefour crée sa propre carte de paiement, la carte Pass. Cette logique de développement

de services financiers est renforcée par le lancement, en 1984, des Assurances Carrefour.

Vers la fin des années 1980, Carrefour crée ensuite ses propres stands de bijouterie

Polygone Or, puis ses agences de voyages Vacances Carrefour à partir de 1991. Plus

récemment, Carrefour a investi le créneau de la billetterie via l’ouverture de stands Carrefour

Spectacles.

La distribution :

Carrefour a rapidement pris conscience de jouer la complémentarité dans ses modes

de distribution, les deux enjeux fondamentaux étant : le site e-commerce et le service drive.

Début 2000, Carrefour se lance dans le e-commerce avec Boostore, site de vente de

produits non-alimentaires. Pour se démarquer, le site développe quelques rubriques

supplémentaires mais joue aussi sur la qualité de service en transformant 217

hypermarchés en France en centre service après-vente, en s'engageant à répondre aux

questions des internautes par mail. Début 2007, Carrefour complète son offre en ajoutant

des catégories de vente, comme celle des vêtements ou celle des sections de voyages. Il

développe les liens entre les magasins physiques et virtuels, en laissant ses clients retirer

des produits dans les hypermarchés. Malgré cela, Boostore n'est pas une réussite.

L’enseigne le rebaptise en mars 2008, CarrefourOnline. Grâce à son changement de nom,

le site de ventes en ligne accru son audience et son chiffre d’affaires de 50% depuis février

2008.

Ainsi, l'internaute devait se rendre sur le site Ooshop, site proposant des produits

alimentaires, accessible depuis CarrefourOnLine.fr. En effet, la livraison très rapide ou

même la diversité des produits présents sur le site font d'Ooshop le plus important primeur

sur Internet.

CarrefourOnLine a rapidement lancé de nouvelles catégories comme la bagagerie,

le fitness, la puériculture ou les jouets. Les catégories supplémentaires ont accéléré la

croissance de CarrefourOnLine. Le but étant constamment de faciliter la vie des

consommateurs.

Carrefour fait également un pas dasn le « phygital » puisqu’il est possible depuis

2009 de commander sur le site depuis les magasins : Les clients effectuent une

précommande sur des bornes en rayons.

Page 49: Retail & Sharing Economy

49

Le site internet, un moyen de se différencier

Alors que les concurrents offrent la possibilité de faire leurs courses en ligne au même

prix qu'en magasins, pour attirer le client, et se détacher des concurrents, Carrefour opte

pour une solution qui est de dynamiser les promotions sur le site. En effet, il existe des

promotions spécifiques au web qui ont pour objectif d'attirer du trafic et de dynamiser l'achat.

L'audience et le chiffre d'affaire de Ooshop lors de ses 10 ans, sont en constante

progression de 15 à 20% par an.

On constate que les clients passent commande et viennent la chercher en magasins

ou se font livrer. Commander en ligne s’avère être un véritable gagne-temps pour

consommateur. Aujourd'hui, le e-commerce se traduit principalement par les livraisons à

domicile, mais aussi par le Drive37.

2016, le rachat de Rue du commerce ?

Ce rachat marquera pour l’enseigne un pas davantage vers l'omnicanal. En interne,

le distributeur parle déjà de "Carrefour @ugmenté". Hervé Parizot, le nouveau directeur e-

commerce du groupe, explique l’envie de l’enseigne de rassembler les différentes activités

en ligne de l'enseigne sous une même bannière : drive, Oshoop, voyages, spectacles, etc.

Les bases de données clients, surtout, seront fusionnées et valorisées.

Se rapprocher de ses clients

Carrefour souhaite mieux exploiter sa connaissance des 14 millions de détenteurs de

la carte de fidélité pour avancer sur le commerce en ligne. L’enseigne assure notamment

que les drives accepteront la carte de fidélité de l'enseigne, alors que jusqu’ici elles étaient

refusées..

Plus tard, le cybermarché Ooshop devrait être fusionné avec les drives. Mais le

modèle de livraison à domicile, ciblant une clientèle urbaine, sera conservé et même étendu

à de nouvelles agglomérations. Des recherches seront menées pour rendre la logistique,

coûteuse, plus performante. (http://www.lineaires.com/LA-DISTRIBUTION/Les-actus/La-

nouvelle-strategie-e-commerce-de-Carrefour-46741)

La promotion :

L’enseigne a fait évoluer sa stratégie médias notamment en investissant la télévision

depuis l’autorisation donnée à la distribution de communiquer sur la grande antenne. La

37 http://hypermarches-tpe2012.e-monsite.com/pages/i-les-formats-de-magasins-repondent-aux-nouveaux-

modes-d-achat/b-le-e-commerce-et-le-drive-deux-concepts-concus-pour-faire-gagner-du-temps-au-consommateur.html

Page 50: Retail & Sharing Economy

50

grande évolution réside également dans le fait que la part du budget dédié à l’affichage

urbain a largement diminué, au profit de la publicité digital. La marque concentre depuis

2010 son affichage marque et promotionnelle uniquement sur les parking de ses

hypermarchés. Seuls les marques développées par le groupe ou les partenariat de marque

continuent à être diffusés hors park Carrefour.

Le site web de l’hypermarché prenant une ampleur considérable, l’investissement

pour lui donner de la visibilité est conséquent., le financement se fait donc grâce à

l’économie faite au niveau de l’affichage.

Enfin, la radio et la presse restent les médias les plus utilisés par Carrefour,

notamment par rapport à la puissance que ces médias apportent pour la communication

des offres promotionnelles.

En plus d’utiliser les canaux traditionnels pour communiquer sur ses enseignes,

Carrefour s’attache à attribuer une identité au lieu physique qui est l’hypermarché.

« L’homogénéité de l’image de Carrefour est également due à la forte ressemblance de

chacun de ses hypermarchés en termes d’aménagement. Depuis 1997, la plupart des points

de vente Carrefour sont progressivement réimplantés selon des logiques d’univers de

consommation spécifiques, modèle imité depuis par plusieurs de ses concurrents. L’idée

est de répartir l’offre de produits par univers de consommation, chacun d’entre eux

proposant une théâtralisation poussée, notamment pour les rayons textile, culture,

maison/arts de la table, ainsi que pour les rayons frais. »

RELATION CLIENT

Carrefour a dû, dans sa relation aux consommateurs faire face à la perte d’attractivité

du modèle de la distribution. « Si dans les années 70, la part des hypers dans le budget

consommation des ménages atteignait 60%, celle-ci est descendue aujourd’hui à moins de

40 % », souligne Bernard Buono.

« Au-delà de la montée en puissance de ces nouvelles offres de magasins, les hypers

sont aussi confrontés à l’usure de leur concept originel, celui du “ tout sous le même toit »,

souligne Karine Lagier. Ce concept ne correspond peut-être plus aux attentes des

consommateurs. D’autant que, ceux-ci sont de plus en plus frileux à l’idée de faire 20

minutes de voiture pour s’y rendre… « Dans ce contexte nouveau, Carrefour, en tant que

marque emblématique du secteur, se retrouve particulièrement exposé aux critiques qui

Page 51: Retail & Sharing Economy

51

visent régulièrement la grande distribution. » constate Karine Lagier. D’où l’enjeu de

redéfinir sa relation avec ses clients.

De plus, la fusion du groupe dans les années 2000 avec le groupe Promodès a

également eu un impact fort. « Une forme de distance est apparue entre l’enseigne et ses

clients, explique Bernard Buono. D’où la nécessité pour Carrefour de repenser sa relation

client et sa communication pour gagner en proximité, en s’appuyant sur ses points forts qui

constituent l’ADN de la marque. »

Ces événements ont amené le groupe à élaborer une réflexion stratégique globale

avec un focus sur la problématique de la relation client. Pour cela Carrefour s’est appuyé

sur quatre fondamentaux sur lesquels l’enseigne a reconstruit sa stratégie de relation: la

marque corporate, l’offre MDD, le lancement d’un programme de fidélité et la stratégie

d’enseigne.

L’objectif pour le numéro 1 français était de « passer du respect à l’attachement, de

la fréquentation à la fidélité et de la transaction à la relation, car nous nous adressons à

l’individu et non pas au client », souligne Bernard Buono. Carrefour souhaite alors devenir

une « lovemark 38»

Dans son soucis de construire cette nouvelle relation marque/clients, Carrefour tente

de répondre au mieux aux attentes de ces derniers. En 2004, alors que la crise économique

attaque le moral des français, l’enseigne, en plus de communiquer autour de sa gamme de

produits premier prix du système Ticket Cash Carrefour, lance un nouveau système fidélité.

« des coupons de réduction proposés aux 5 millions de détenteurs de sa carte de fidélité

Carrefour offrant des rabais de 15 à 20 % sur des produits de grande consommation ».

Carrefour prend conscience, que proposer un bon programme fidélité est

l’opportunité de « reconquérir des parts de marché. » explique Karine Lagier. Ce fut un

succès puisque cette mise en place a permis de compter quelque 11 millions de personnes

soit environ 40 % des foyers français.

Générosité & contact direct

Il s’agit des « maître-mots » du programme fidélité Carrefour. « Notre programme de

fidélité est le seul à garantir à tous les porteurs de la carte un niveau de reward aussi

38 Définition : « La lovemark créent une véritable connexion avec le consommateur qui se retrouve dans le

message marketing de l’entreprise et dans le style de vie que véhicule le produit ou le service offert. La lovemark attire sympathie, respect et fidélité, ce sont elles qui définissent les critères et les normes du marché. » L’équipe Déméter

et Kotler

Page 52: Retail & Sharing Economy

52

conséquent, grâce à des réductions valables toute l’année, afin d’offrir une vraie

récompense à leur fidélité », insiste Karine Lagier. Les récompenses pour la fidélité est

accompagnée par un contact direct et régulier, par l’intermédiaire de mailings mensuels et

l’envoi de plus de 2 millions de chèques fidélité par mois. La relation client s’est concrétisée

également avec l’envoi de couponings proposant des offres spécifiques et ciblées, en

fonction des profils.

La segmentation pour mieux répondre aux attentes

L’enseigne a déterminé 13 segments fondés sur des comportements d’achat, à partir

des données recueillies à chaque passage en caisse avec la carte de fidélité. C’est une

richesse pour l’enseigne qui, de cette façon, possède un observatoire de comportement

d’achat. Ceux sont des données qui permettent à Carrefour de répondre au mieux aux

attentes et besoins de ses clients (offres promotionnelles, …)

Stratégie de contenu

Pour conserver le lien avec ses clients, Carrefour adopte une stratégie de contenu,

en instaurant un magazine bimestriel « Styles de vie » offert en mains propres aux 700 000

meilleures clientes du programme, lors de leur passage en caisse. Cela de manière à agir

comme une marque relationnelle et non pas transactionnelle… Cela, l’enseigne l’avait mis

en place dès les années 80, conscient de l’importance d’une communication de proximité.

C’est avec « Le Journal de Carrefour » que débute la stratégie de brand content. Puisque

cette revue fut un succès, l’hypermarché avait édité deux autres journaux d’enseigne

thématiques : les magazines « Junior Club » pour les enfants et « Carrefour Savoirs » pour

les produits culturels.

Toute la stratégie de revalorisation de la marque Carrefour auprès de ses clients s’est

donc construite sur ces trois éléments :

- la marque corporate

- les produits MDD

- la mise en place d’un programme de fidélité

CONCLUSION

Les enjeux pour le numéro 1 de la distribution française est à la fois de faire face aux

conséquences de la crise économique, à la férocité de la concurrence qu’elle soit physique

ou digitale mais aussi aux évolutions sociales, technologiques et environnementales.

Page 53: Retail & Sharing Economy

53

Aujourd’hui, les priorités pour l’enseigne sont de restaurer la crédibilité auprès des

clients, et la confiance en externe avec les consommateurs mais également en interne

auprès des salariés. Pour cela, Carrefour une fois de plus s’appuie sur le contexte ambiant

et tente d’en tirer les facteurs qui peuvent l’aider à assoir sa position de leader de son

marché.

Le géant de la distribution française prend la vague du collaboratif.

La campagne lancée en janvier 2015 « J’optimisme » donne le ton sur les ambitions

de l’enseigne. Ce claim fait suite au « Carrefour, Les prix bas, la confiance en plus ».

L’enseigne souhaite se rapprocher de son client, en tentant en quelque sorte de se mettre

à son niveau.

Ce départ était accompagné du lancement d’une plateforme participative où les

internautes étaient amenés à poster leurs astuces de vie pour « optimismer » pour optimiser

leur vie avec optimisme.

La volonté de Carrefour est forte de centraliser au maximum la place de son client

dans sa relation enseigne/client.

Aujourd’hui, Carrefour fait appel à ses clients et aux internautes pour inventer ce qu’il

appelle l’hypermarché de demain sur son site www.carrefour.fr.

Le café de l’Optimisme : Un appel à l’implication des clients

Sur cette plateforme, ce sont les internautes et donc les clients, qui votent pour choisir

leurs idées préférées. Les idées plébiscitées sur la plateforme, qui reçoivent le plus de vote

en ligne, feront l’objet d’une étude de faisabilité conduite par les équipes Carrefour. Si les

résultats sont positifs, l’idée sera mise en œuvre par l’enseigne.

Les internautes peuvent publier leurs idées sur un espace collaboratif, dans

l’un des six espaces thématiques du site :

- « Bien manger » : comment se faire plaisir avec un petit budget ?

- « L’environnement » : quelles idées pour consommer tout en respectant

l’environnement ?

- « Les enfants » : comment faire des courses un moment privilégié pour les

petits et les plus grands ?

- « Vous faciliter les courses » : quelles innovations et quels services demain

dans les magasins ?

- « Récompenser votre fidélité » : comment mieux remercier la fidélité des

clients ?

- « En ce moment dans votre magasin » : quelles sont les meilleures

promotions ?

Page 54: Retail & Sharing Economy

54

En partageant leurs idées, clients et internautes peuvent ainsi contribuer à écrire une page

de l’histoire du Carrefour de demain.

Ce pied mis dans l’économie collaborative était indispensable selon Mickael Palvin,

Directeur du planning stratégique chez Publicis K4. Il s’agit là d’enjeux à la fois de notoriété

puisqu’ « il s'agit d'un enjeu de tendance, de modernité. En s'associant avec ces start-up

portant les innovations collaboratives d'aujourd'hui, les enseignes ont le moyen de rajeunir

leur image mais aussi leur cible, sachant que la sharing economy est très tendance vis à

vis des jeunes », mais également de business comme le souligne Mickael Palvin « plus

j'offre de services telle qu'une plateforme collaborative plus le client fréquentera mon

magasin (en physique ou on line) et surtout, moins il se verra aller voir ailleurs. »

L’économie du partage, en vogue, est un environnement dans lequel l’hypermarché

a un rôle à jouer, pour autant, elle a ses spécificités qui contraignent les distributeurs

classiques à avancer très doucement, car il est difficile de faire bouger un empire notamment

Brick and Mortar.

Conscient des opportunités qui s’offrent à elle, l’enseigne numéro 1 en France

comprend que si elle ne veut pas se faire devancer, elle se doit de garder les clients captifs,

elle doit donc chercher à agir dans la quotidienneté et à proximité de leurs clients. « L'idée

c'est d'ajouter autre chose que le moment d'achat habituel en donnant la possibilité au client

d'échanger avec d'autres. Pour cela, la clé reste de mixer le physique et le virtuel. Puisqu'au

bout d'un moment il y a bien une rencontre physique. Et c'est à ce moment-là que les

grandes enseignes, qui sont la plupart du temps présents un peu partout sur le territoire,

Page 55: Retail & Sharing Economy

55

ont un véritable avantage : l'association entre la notoriété, les compétences et le suivi... »

souligne Mickael Palvin.

CONCURRENCE France

Aujourd'hui les distributeurs repensent leurs produits/service en mode collaboratif.

Conscients qu’ils ont tendance à être évincés du circuit lors des transactions dites

collaboratives, les distributeurs cherchent des solutions pour s’intégrer et surtout pour

profiter aussi du potentiel de cette économie. C’est ce que souligne la directrice générale

de Castorama, Véronique Laury, à l'occasion du OuiShare Fest 2014. « Le secteur du retail

a raté la révolution Internet, il est donc important de ne pas renouveler l'erreur cette fois-

ci ! » .

Dans cette partie, il est question de mettre en avant l’avancée des principaux

concurrents de la marque dans le domaine de l’économie et de la consommation

collaborative. L’idée est de s’intéresser aux initiatives des enseignes proches du secteur de

Carrefour, à savoir ses concurrents directs tel qu’Auchan mais également les start up qui

interviennent sur le même marché, à savoir :

- la grande distribution alimentaire

- la grande surface spécialisé

- start up spécialisée dans l’alimentaire.

Le secteur du bricolage a rapidement pris le pli du collaboratif. On compte de

nombreuses initiatives telle que la plateforme Troc'heures, qui permet de s'échanger des

compétences en bricolage ou encore des ateliers gratuits organisés par les collaborateurs

de l'enseigne, des MOOCs…

Le collaboratif s’applique aussi avec le principe de location de produits d’occasion.

En effet certaines enseignes de distribution font en sorte que les consommateurs puissent

se mettre à disposition leur produit d’occasion. Le BHV s'est mis aux vide-dressings, mais

Décathlon également avec son Trocathlon. Ils permettent aux consommateurs de faire

profiter de ses biens et en échange, les font repartir avec des cartes cadeaux à utiliser en

magasin. Certaines enseignes se libèrent de la crainte d’autocannibalisation avec ces offres

d’occasion, conscients qu’ils n’ont pas le choix, s’ils souhaitent que les consommateurs

n’aillent pas voir ailleurs.

Page 56: Retail & Sharing Economy

56

Proposer ses options notamment sur le site internet de l’enseigne, c’est à la fois

toucher des cibles plus jeunes mais également booster e-commerce et les parcours web-

to-store.

L’autre option de location réside dans le fait de louer directement ses propres produits

à ses clients. C'est par exemple le cas de Boulanger, avec Lokeo qui propose à la location

longue durée des produits électroménagers et multimédias. On observe un réel dynamisme chez les distributeurs français, puisqu’il existe des

initiatives également en termes de co-création donc de conception collaborative avec la

sollicitation des consommateurs pour la conception de produits, la mise à disposition d’outils

de création…

GSA

AUCHAN

Auchan & l’économie collaborative

Fin 2011, Auchan lançait un concours interne « Creative attitude »39, dont le but était

de proposer aux collaborateurs d’Auchan en Europe d’exprimer leurs idées de nouveaux

projets, et de faire émerger ainsi les innovations potentielles au sein de l’entreprise. Plus de

1000 candidats ont proposé leurs projets. Avec ce concours, Auchan met un premier pas

dans l’économie collaborative.

39 Dossier de presse : Auchan lance le commerce collaboratif avec Quirky. jeudi 6 décembre 2012

Date de création : 6 juillet 1961

CEO : Vianney Mulliez (PDG)

CA : 62.1 milliards d'euros TTC

Bénéfice net : 897 millions d'euros (2013)

Activités : Grande distribution, Banques, Immobiliers, Services de vente à

distance.

Page 57: Retail & Sharing Economy

57

«Quirky by Auchan»

En partenariat avec le programme américain Quirky, le géant de la grande distribution

Auchan propose à ses clients depuis décembre 2012 de plancher sur des produits

innovants, de les développer puis de les commercialiser dans leurs magasins. De cette

manière, Auchan vise à réinventer le processus de création et de mise en vente d’un produit

de consommation en encourageant les clients à proposer leurs idées.

Le crowdsourcing

L’enseigne nordiste a pris une longueur d’avance vis-à-vis de ses concurrents en ce

qui concerne l’implication de ses clients dans ses projets. La mise en place de projets

collaboratif et concret est possible car Auchan, travaille à l’échelle locale.

Auchan va ainsi encore un peu plus loin dans le "crowdsourcing" de son offre. Dans

l’idée de ce que Skanska a fait aux Etats-Unis, avec le site Popularise, pour faire choisir aux

riverains les boutiques d'une nouvelle galerie marchande. Cette initiative permet au

consommateur/acteur de se sentir plus écouté et investi dans la conception des offres qui

lui sont destinées. Enfin « considéré », il est davantage à même de partager son expérience

sur les réseaux sociaux et de contribuer à la réputation des enseignes concernées.

Un cas concret : centre commercial L’Ilo

« Dans le cadre de la réalisation du centre commercial L’Ilo, à Epinay-sur-Seine,

des comités de voisinage ont été créés par Auchan pour sélectionner les produits qui

constitueront l'offre de son magasin local et valider des implantations de rayons au sein

du magasin, rapporte LSA. La ville mêle une centaine de nationalités et de nombreuses

familles de plus de trois enfants, mais à pouvoir d’achat modeste : parmi les choix issus

des recommandations de ces comités de voisinage, on note ainsi le fait que pour

répondre aux besoins des nombreuses fratries de sa zone de chalandise, Auchan a

étoffé l’ensemble des rayons destinés aux plus jeunes (jouets, mais aussi puériculture,

textile, librairie, ouvrages parascolaires ou éducatifs et même gammes d’anniversaire),

de même que les produits du monde et les gammes de beauté ethnique, le tout avec des

"descentes" entières de premiers prix en rayons, cependant que l'assortiment self-

discount (des produits d'épicerie vendus en vrac, de manière plus économique et plus

écologique) a été élargi sur deux allées et un îlot central… »

Page 58: Retail & Sharing Economy

58

3D en magasin

Auchan est le premier hypermarché français à proposer un service d'impression 3D

en magasin.

DISTRIBUTEURS COLLABORATIFS ALIMENTAIRES

LA RUCHE QUI DIT OUI

La Ruche qui dit oui ! c’est une plateforme internet, créée fin 2010 par Guilhem

Chéron et Marc David Choukroun qui met en relation les producteurs locaux et les

consommateurs à la recherche de produits frais (légumes, viandes, produits laitiers,

boulangerie…).

Le processus est plutôt simple, le consommateur s’inscrit dans l’une des 700

« ruches »40 existantes actuellement. Une fois inscrit, il passe sa commande sur internet, et

passe la récupérer dans sa « ruche ».

Cette start up collaborative mêle le virtuel au réel puisque le site internet est capital

pour passer les commandes, gérer les ventes, la facturation, la mise en relation mais la

seconde étape phare reste la rencontre entre le consommateur et d’autres paires ou les

membres de l’association qui gèrent le point physique éphémère.

La distribution collaborative est bien 2.0 mais conserve une dimension sociale, qui

reste chère aux consommateurs, le rapport humain.

40 Lieu éphémère géré et animé soit par une association, soit par un entrepreneur

Date de création : 2010

CEO : Guilhem Chéron et Marc David Choukroun

Activités : Distribution solidaire

Nombre de lieux de distribution : 700 « ruches »

Page 59: Retail & Sharing Economy

59

Un projet soutenu par des acteurs « légitimes »

Cette start up aux revendications sociales et solidaires a, dans un premier temps,

obtenu l’appui de Marc Simoncini, Kima Ventures et Christophe Duhamel, co-fondateur de

marmiton.org avec 115 000€ qui ont permis de financer le lancement du site fin 2010.

Rapidement, l’entreprise monte en flèche, ce qui nécessite une nouvelle levée de fond qui

cette fois fait entrer grâce à XAnge et Solid 1,5 millions d’euros. Avec cette somme le site

collaboratif a pu optimiser davantage, à la fois la plateforme, comme l’explique Guilhem

Chéron : « Nous souhaitons faire évoluer notre plateforme avec des outils de gestion et de

coopération à la portée des producteurs, des animateurs de ruches et des consommateurs

». Mais cela a aussi permis d’améliorer les processus logistiques, la gestion des

responsables de « ruches » et des producteurs locaux ainsi que travailler sur la couverture

du territoire nécessaire pour répondre au mieux à la demande.

Un modèle qui fonctionne

Rodolphe Menegaux, directeur d’investissement chez XAnge Private Equity,

considère la Ruche qui dit oui ! comme un business à la fois inédit et correspondant aux

nouveaux modes de consommation collaborative. « Nous ne pouvions qu’être séduits par

cette nouvelle forme d'accompagnement qui connecte consommateurs et producteurs via

le web sur une place de marché. C’est sans doute l’un des modèles économiques les plus

scalables (ndr : évolutifs) du moment. La montée en puissance est rapide sans que les

investissements ne soient trop élevés . Et pour cause : La Ruche qui dit Oui ! enregistre une

forte croissance avec 200 Ruches en activité sur toute la France (15 à 20 ouvertures par

mois), 60 000 inscrits dont 10 000 acheteurs réguliers. »41

41 http://business.lesechos.fr/entrepreneurs/financer-sa-croissance/10024122-le-deal-de-la-semaine-la-ruche-

qui-dit-oui-leve-1-5-million-d-euros-35355.php?aQuAq0127UBkKxSt.99

Page 60: Retail & Sharing Economy

60

LA LOUVE

L’un amoureux de la cuisine et des bonnes choses, l’autre concerné par l’agriculture,

les potagers urbains, les systèmes coopératifs, une volonté commune : donner accès aux

bonnes choses à tous. Brian Horihan et Tom Boothe, les deux fondateurs, félicitent les

initiatives telles que AMP ou La ruche qui dit oui !, pour autant, ils considèrent que tout le

monde ne peut pas y avoir accès.

Leur projet s’appuie initialement sur une implication importante dans les

problématiques sociétales et environnementales. « la préservation des ressources

planétaires va de pair avec la conservation des héritages culinaires et de la tradition de la

bonne cuisine... surtout en France ! » explique Biren Horihan, co-fondateur de La louve. Ils

se sont beaucoup inspirés de la coopérative alimentaire de Park Slope42 pour importer le

concept en France.

Ils ont créé au printemps 2011 un groupement d’achats et l’association Les Amis de

la Louve, ayant pour objet la création du supermarché collaboratif La Louve. L’initiative a

désormais pris son envol grâce à des meutes denses et organisées, soutenue par des

institutions locales, comme la mairie du 18e arrondissement et la Ville de Paris.

C’est grâce à une campagne de financement participatif sur la plate-forme

KissKissBankBank qu’ils ont pu acheter des équipements, multiplier le nombre de

distribution, étoffer les gammes de produits, embaucher les premiers intervenants, financer

les lieux d’accueil, mais aussi développer le site web de l’entreprise.

Un modèle épuré

42 Coopérative américaine (Brooklyn) qui compte 16 000 adhérents et gère un supermarché de 1 000m², ouvert

de 8 heures à 22 heures 365 jours par an,

Date de création : 2011

CEO : Brian Horihan & Tom Boothe

Activités : Distribution solidaire

Nombre de lieux de distribution : 700 « ruches »

Page 61: Retail & Sharing Economy

61

Leur objectif consiste à proposer un lieu de vente de produits de qualité à prix bas.

Leur solution est de réduire là où ils le peuvent, à savoir, la part de la main d’œuvre dans

les marges (qui représente 75% de l’ensemble).

C’est dans l’organisation du travail de cette coopérative que l’on peut qualifier le

modèle de collaboratif. En effet, chez La Louve, chaque membre doit travailler environ trois

heures toutes les quatre semaines. En échange de cela, et pour impliquer le plus grand

nombre, chaque membre participe au choix des produits qui seront vendus dans le

supermarché.

Economie et collaboration

Pour Tom Boothe, « ce ne sont pas des consommateurs qui viennent dans un

supermarché collaboratif. Il n’y a pas de différence chez nous entre dirigeants et

clients. Chaque membre participe à la gouvernance et on n'a jamais l'impression de

“travailler” au sens le plus entendu du terme ».

GSS ET DISTRIBUTEURS COLLABORATIFS NON ALI

LEROY MERLIN

Un positionnement historique « Vos envies prennent vie »

Depuis longtemps l’enseigne de bricolage tient à cœur d’écouter ses clients et de

répondre au mieux à leurs besoins. Ainsi, elle comptait historiquement de nombreux forums

à succès rassemblant plus de 78 000 contributeurs.

Ces consommateurs investis constituaient et constituent pour l’enseigne une valeur

ajoutée aux services que peut proposer la marque. C’est pourquoi, Leroy Merlin a souhaité

Date de création : 1923

CEO : Thomas Bouret

Groupe Adeo (Groupe Mulliez à 85 %)

CA : 5,5 milliards d'euros (Leroy Merlin France 2012)

Activités : Commerce de détail

Page 62: Retail & Sharing Economy

62

déployer un projet de fond qui intégrerait la richesse communautaire plus profondément

dans les processus de l'entreprise.

L’idée était de permettre la collaboration entre les consommateurs, mais aussi entre

les consommateurs et les salariés de l'entreprise.

Selon Vous

« « Selon vous » c’est un espace participatif pour repérer les innovations attendues

par ses clients », explique Nicolas Fillat, chef de projet e-commerce. Le lancement, en

octobre 2013, de ce lieu virtuel de rencontre des idées, est à l’initiative de Jacques Lorne. Il

s'articule selon 3 aspects : les discussions d'entraide (« Entre vous »), un espace de

suggestion (« Made in vous ») et un espace plus ludique de challenges entre bricoleurs

astucieux (« Défiez-vous »).43

On compte 80.000 membres inscrits sur « Selon vous », soit 8 % du trafic du site

Internet de l’enseigne.

Entre Vous

C’est un forum qui permet à chacun des membres de la communauté de poser sa

question et assure un retour en moins de 1h15. Il couvre l'ensemble des sujets de bricolage.

On constate une certaine implication et une fidélité de certains internautes, qualifiés et

considérés comme « super user » par l’enseigne.

Made in Vous

Les consom’acteurs sont invités à s'exprimer autour de 4 thèmes : les produits, les

services, l'expérience magasin et l'expérience digitale. Ils proposent des idées aux membres

qui, eux, sont invités à voter pour ces idées. Leroy Merlin assure ensuite la qualification, le

suivi et le déploiement. L’enseigne devient la première des grandes surfaces de bricolage

à se lancer à la fois dans la co-conception et dans la co-création.

Défiez-vous

L'enseigne propose sur cette interface des thèmes sur lesquels les internautes présentent

leurs talents. Cet espace invite à la création. Chaque concours s'articule autour du dépôt de

la proposition de création de l'internaute, qui est soumis au vote de la communauté qui

désigne par la suite un gagnant qui voit sa création commercialisée en magasin.

43 http://business.lesechos.fr/directions-numeriques/digital/marketing-digital/0203563869174-leroy-merlin-

connecte-aux-bricoleurs-100930.php?SbH7rAc14LFHef2W.99

Page 63: Retail & Sharing Economy

63

Un fablab à Angers

Toujours dans cette démarche de co-conception de produits, Leroy Merlin a

également ouvert dans son magasin d'Angers un fablab, mis à disposition des particuliers

et professionnels, entrepreneurs, artisans et étudiants. Ce lieu de co-conception a été créé

en partenariat avec TechShop, société américaine à l’initiative des premières créations de

fablabs. Par définition, il s'agit d'un lieu à la fois d'échanges, de formation et de fabrication.

Les personnes peuvent utiliser et/ou louer les équipements tels que : imprimantes 3D,

matériels de découpe, fraiseuses ou encore machines à coudre. Leroy Merlin et TechShop

prévoient trois ouvertures supplémentaires en 2015.44

Ce sont de grands pas, qu’ont effectué Leroy Merlin . En effet, l’enseigne prouve sa

volonté d'innovation et sa prise de positions vis-à-vis de la concurrence quant à la

considération et la prise en compte du pouvoir des communautés au sein même de l'ADN

des marques. C’est un sujet qui aujourd’hui devient crucial pour une marque.

DECATHLON

Trocathlon, la manifestation avant-gardiste

Depuis 1986, Trocathlon permet aux particuliers de vendre ou d’acheter leurs articles

de sport d’occasion. Ce dépôt vente a lieu deux fois par an durant une semaine, la troisième

semaine du mois d’octobre et la troisième semaine du mois de mars. Cet évènement permet

à tout un chacun de se débarrasser de son matériel inutilisé ou très peu, à des prix défiants

toute concurrence.

44 http://www.journaldunet.com/ebusiness/commerce/distribution-sharing-economy.shtml

Date de création : 1976

CEO : Michel Leclercq

CA : 8,2 milliards d’euros (2014)

Activités : Commerce de détail

Page 64: Retail & Sharing Economy

64

Avec cette initiative de Décathlon, il est possible de s’équiper avec du bon matériel,

à moindre coût. C’est la manière trouvée par l’enseigne pour répondre à une problématique

qui lui est chère: « le sport, à la portée de tous. »

Evènement purement offline

Jusqu’ici, il s’agissait de déposer son matériel dans l’une des enseignes Décathlon

participant à l’opération. Sur place, lors du dépôt, une évaluation technique d’un spécialiste

de l’enseigne est prévue et un prix est ensuite fixé et reporté sur un contrat de dépôt vente.

La vente et la transaction sont effectuées par les spécialistes de Décathlon, sans frais de

commission. Une fois la transaction effectuée, des bons de réduction sont remis au

vendeur, lui permettant d’acheter des produits neufs pendant six mois dans les magasins

Décathlon. En cas d’invendu, le matériel est à récupérer le lendemain de la date de clôture

du Trocathlon.45

Trocathlon, 2.0

Décathlon a fait face aux nouveaux comportements d’achat, à savoir :

« Selon une étude de 2012, nous sommes 61% à trouver qu’il existe un large choix

de produits en ligne comparé à l’offre en magasin et 58% des français préfèrent consommer

sur Internet pour gagner du temps, trouver rapidement leurs produits sans être obligés de

courir dans les magasins. »

Face à cela, l’enseigne a décidé de mettre en place un nouveau service pour faciliter

la vie de ses clients. Pour cela, Trocathlon s’est adapté à la révolution technologique en

proposant un service gratuit à ses clients : un site de vente en ligne dédié au Trocathlon.

Il s’agit du même principe mais il est désormais possible de déposer son annonce

sur le site www.trocathlon.fr, puis de bénéficier des conseils d’un expert en magasin et un

contrôle gratuit du produit.

Cette plateforme apporte les informations nécessaires au consommateur, en ce qui

concerne le prix, il propose également un argus en temps réel toujours pour aider le client.

Le Trocathlon garde son côté réel et humain puisque les parties prenantes se

retrouvent dans un lieu neutre, à savoir un magasin Décathlon.

45 http://consocollaborative.com/5346-decathlon-digitalise-le-trocathlon.html

Page 65: Retail & Sharing Economy

65

CONCURRENCE MONDIALE

GSA

WALMART

Le géant mondial de la grande distribution a en tête depuis 2013, lui aussi de rentrer

dans l’économie collaborative.

Livraison assurée le jour même :

Wal-mart propose une offre de livraison le jour même en s'appuyant sur ses propres

clients. Ce dernier incite, en effet, ses clients à assurer la livraison de courses aux

personnes habitant dans leur quartier en échange de promotions. C’est ce qu’on appelle le

delivery crowdsourcing.

Une motivation peu philanthropique

C’est dans une logique win-win que le distributeur souhaite collaborer avec ses

clients. En effet, l’enseigne souhaite appeler ses consommateurs à collaborer les uns les

autres et contribuer à la chaine Wal-mart afin de bénéficier de remises commerciales.

La démarche en plus d’être profitable pour les deux parties, répond à des une

demande qui est réelle. Le consommateur fait de plus en plus face au coût élevé des

livraisons à domicile. Ses habitudes de consommation changent puisque les shoppers

d’aujourd’hui exigent des horaires de livraison de plus en plus tardifs et des délais de plus

en plus courts. A noter que le « e-shopper » l’est particulièrement. Il a pris l'habitude d'un

prix de livraison réduit, voire inexistant, et d'un délai de plus en plus court. C’est ainsi que

l’on peut considérer cette initiative de delivery crowsourcing pertinente et légitime.

Date de création : 1962

CEO : Doug McMillon (CEO), S. Robson Walton, président

CA : 469 milliards $US (2012)

Activités : Grande distribution

Page 66: Retail & Sharing Economy

66

La société ne revendique pas de motivations environnementales (réduction des

émissions de CO2, en limitant les trajets en voiture), ni solidaires mais bien business. Le

but de ce projet est de réduire davantage les frais de transport, et de concurrencer les autres

acteurs du commerce on-line. En effet, l’enseigne de grande distribution doit faire face à

une concurrence accrue, notamment de la part d’Amazon et son service Amazon Fresh.

Cette proposition s’avère également être une manière d’améliorer la rapidité de livraison.

Un premier essai dans la sharing economy

Walmart a lancé une première initiative au début des années 2012. L’objectif à

l’époque était d’inclure ses consommateurs dans le processus de décision et de création.

La chaîne de distribution avait lancé un concours appelé « Get on the Shelf46» en s’inspirant

de l’émission « American Idole » où le public pouvait voter pour le prochain produit star de

l’année. Les participants ont soumis leur vidéos en ligne à la destination du public. Ce

dernier votait pour ses produits préférés : les trois inventions élues ont été commercialisées

sur le site Walmart et la plus populaire en magasin 47.

TESCO

Tesco se lance dans l’open innovation avec Tesco Labs

Dans son dessein de continuer innover et améliorer l’expérience d’achat dans ses

points de vente, Tesco fait un appel à la collaboration.

46 Traduction : être dans les rayons

47 http://www.creads.fr/blog/crowdsourcing-marketing-participatif/walmart-crowdsourcing#sthash.iFpaShyG.dpuf

Date de création : 1919

CEO : Dave Lewis

CA : 80 milliard GBP (2008)

Activités : Grande distribution

Nombre de points de vente : 825

Page 67: Retail & Sharing Economy

67

La mission principale de Tesco Labs est une mission de recherche. L’objectif pour

l’enseigne est de travailler avec leurs fournisseurs : Google, Cisco, Microsoft, mais aussi

Unilever ou Procter&Gamble, de manière à bénéficier de leur capacité à innover.

La seconde mission de Tesco Labs est le développement puisqu’il construira des

prototypes d'applications et de services.

Tesco Labs s'engage surtout aux côtés des start up et des PME avec pour objectif

de partager leurs compétences. Ils organisent des sessions trimestrielles TJam, au cours

desquelles des start-up viennent proposer des idées. Si leur idée intéresse l’enseigne, elle

finance un test, et aide la start-up en question à se développer. Elle investit dans la start-

up, l'acquérir, recruter ses membres.

Les Tesco labs entrent dans un projet global de fond : la culture. L’enseigne incite

ses collaborateurs à eux même innover. Elle tente de convaincre que pour innover, « mieux

vaut demander pardon que demander la permission », comme le disait Grace Hopper.

Le positionnement de l’enseigne part du principe qu’en exprimant, une

problématique, une interrogation, les chances de trouver des éléments de réponse sont

multipliées puisque toute personne entendant la problématique peut potentiellement

apporter une réponse. Tesco souhaite s’entourer et collaborer avec les acteurs qui pourront

l’aider à aller dans la direction qu’il souhaite.

Il s’agit donc d’une démarche globale, puisque l’enseigne se tourne à la fois vers le

potentiel externe et celui qu’elle a conscience de posséder en interne.

Page 68: Retail & Sharing Economy

68

DISTRIBUTEUR ALIMENTAIRE COLLABORATIF

INSTACART

Instacart développe un concept simple : mettre en contact les particuliers afin que

ceux ayant la possibilité, effectuent les courses pour les autres. Cette une start up

américaine qui emploie 55 salariés et compte environ 1000 livreurs indépendants dans 17

villes des Etats-Unis.

Par l’intermédiaire de l’application mobile, le consommateur choisit sa grande surface

et sélectionne les produits qu’il souhaite. La commande est ensuite transmise à d’autres

utilisateurs de la plateforme appelés « personal shopper » qui eux se chargent de faire les

courses à sa place. La « rémunération » est déterminée en fonction du nombre de

commandes effectuées et du nombre d’articles commandés. Les « personal shopper » sont

des utilisateurs comme les autres et non des salariés. Là aussi, il s’agit de delivery

crowdsourcing.

Instacart apporte une dimension collaborative à un marché qui existe déjà. En effet,

la start up n’est pas la seule sur le terrain de la livraison des courses faites en ligne. De

nombreuses entreprises proposaient déjà de faire ses courses en ligne et de les livrer à

domicile. Amazon Fresh et Walmart ou encore Google et son service Google Shopping

Express restent des concurrents majeurs. A ce jour, pour faire face à cette concurrence

féroce, Instacart tente une domination par les coûts. La start-up américaine facture 3,99$ la

livraison ou 99$ l’abonnement annuel. Les autres acteurs proposent des tarifs de

299$ l’année pour Amazon Fresh, 10$ la livraison pour Walmart, et 4,99$ la livraison pour

Google.

Instacart surfe sur la vague de l’« économie collaborative », elle a trouvé une cible

qui cherchait à consommer entre particulier même pour l’alimentation. La start-up de

Date de création : janvier 2012

CEO : Apoorva Mehta

Activités : Livraison de produits alimentaires et frais

Page 69: Retail & Sharing Economy

69

l’économie collaborative fait gagner du temps aux gens en participant à l’amélioration des

échanges humains.

Page 70: Retail & Sharing Economy

70

CHAPITRE III

ENVISAGER UN MODELE INTERMEDIAIRE : LE CARREFOUR COLLABORATIF DE

DEMAIN

Les parties précédentes nous ont permis de balayer les initiatives qui ont été mises

en place par les acteurs de la distribution en France. Toutefois, on constate que leur entrée

dans l’économie dite collaborative reste assez timide et leurs actions plutôt sommaires.

Ceux sont les acteurs de la distribution spécialisée, qui aujourd’hui nous prouvent

qu’ils sont plus à même d’ entrer dans la logique collaborative au sens propre du terme.

Rappelons que la démarche collaborative regroupe à la fois, les aspects économiques avec

la consommation, l’échange, la distribution, la conception mais c’est aussi un mode

d’organisation à la fois sociale et professionnelle (management, organisation, politique

d’entreprise).

La question qui se pose réellement aux distributeurs et notamment aux acteurs de la

grande distribution alimentaire reste : « Pourquoi entrer dans cette économie collaborative,

qu’est-ce que j’y gagne ou qu’est-ce que je perds à ne pas y entrer ?».

Entrer dans cette économie, pourquoi ?

certains distributeurs aujourd’hui n’ont plus pignon sur rue. Alors qu’avant « tout le

monde » allait chez Carrefour, en 2015, les consommateurs se tournent vers d’autres

options. La disparition de la confiance envers les grands groupes de distribution se traduit

par la naissance de modes de consommation alternatifs.

Aujourd’hui, pour devenir le distributeur numéro un français aux yeux des français, il

n’est plus question uniquement de gagner la guerre des prix.

« Le "moins cher" ne fait plus rêver » constate Philippe Moati, cofondateur de

l’Obsoco48. Les consommateurs cherchent désormais à optimiser leur pouvoir d’achat et à

consommer vertueusement avec les moyens ludiques qu’offrent les nouvelles technologies.

48 Observatoire Société et Consommation

Page 71: Retail & Sharing Economy

71

Pour suivre cette demande, les industriels doivent réenchanter l’acte de consommer et

inventer de nouveaux business models.»

Il est fondamental pour les enseignes françaises d’avancer avec les évolutions

sociales et technologiques, en adoptant une stratégie de développement ouverte sur les

opportunités de l’avenir.

On peut noter en France, le retard accumulé par les enseignes de distribution. Cela

peut s’expliquer selon Pascal Verwaerde par le fait que ces derniers ont du mal à se

détacher de leur prisme très classique de géant de la grande distribution. Ils se disent «

désormais je vais devoir partager mon gâteau, au lieu de vendre 100 perceuses, je n'en

vendrais que 10 et les gens se l'échangeront entre eux, donc je ne suis que perdant dans

cette histoire », ce raisonnement reste très limité pour Pascal Verwaerde, « Ce n'est pas

parce que les gens achètent moins qu'ils consomment moins. Prenons l'exemple des « CD

» : avant on en achetait un par mois aujourd'hui on n'en achète plus certes, mais on en loue

plus qu'un par mois. Finalement on constate une augmentation du budget de consommation

parce que les gens ont désormais accès à plus de choses ».

Les grands distributeurs ont encore du mal à intégrer cette évolution. Avant, ils

possédaient le monopole de la rareté des produits, mais aujourd’hui ce n’est plus le cas...

L'économie collaborative donne la possibilité aux distributeurs de renouer du lien

avec le citoyen, qui aujourd'hui s’avère déçu par l’obsolescence programmée des produits.

Elle donne également l'opportunité de regagner la confiance de tous ceux qui se sont

éloignés des GMS. Pascal Verwaerde insiste sur les opportunités à saisir pour Carrefour,

Auchan… « Avant, il y avait changement de relation à partir du moment où le client passait

à la caisse, c'était entre guillemet le moment de la rupture. L'économie collaborative donne

le moyen aujourd'hui à ces distributeurs de garder un contact permanent avec leurs clients

même après le paiement. »

L'économie collaborative a vocation à changer le business model du retail sur le long

terme mais à plus court terme, elle peut surtout influer sur la relation enseigne/client.

Entrer dans cette économie, pour toucher qui ?

- Une nouvelle clientèle qui jusque-là n’utilisait pas voire peu le circuit classique de

la « grande distribution » : (pour les convaincre de leur valeur ajoutée)

Actuellement, les distributeurs ne regardent pas les non-clients, or c’est une cible

pertinente. Il faut savoir que pour le cas AirBnb, la plupart des gens qui l’exploitent sont ceux

Page 72: Retail & Sharing Economy

72

qui n’allaient pas à l’hôtel, avant. Ainsi, il est tout à fait possible de recruter une nouvelle

clientèle.

Qui sont-ils ?

La cible qui adhère à l’économie collaborative est variée. Il n’y a pas « un

consommateur collaboratif type ». Les enseignes doivent prendre en considération que

certains sont animés par une conscience responsable et citoyenne, alors que d’autres le

sont davantage pour des opportunités individuelles leur promettant bons plans , économie…

On ne peut pas dire que ces partisans d’une consommation collaborative rejettent la

société de la consommation et les représentants de ce modèle tels que les distributeurs.

C’est plutôt qu’ils veulent se retrouver vis-à-vis d’eux, obtenir davantage de légitimité et

enfin reprendre le contrôle sur cette société de consommation. Ce sont des consommateurs

qui veulent prendre de la distance vis-à-vis du modèle de consommation le plus répandu. A

ce titre, ils se montrent plus acteurs de leur consommation.

Pour toucher cette cible, il faut donc leur donner un véritable rôle à jouer dans le

fonctionnement, dans la chaine de l’enseigne.

Figure 3 Source IPSOS

Page 73: Retail & Sharing Economy

73

Pratiques collaboratives Portrait Cibles

Échange / Troc Les pratiquants de troc sont

surreprésentés parmi les 18-45 ans,

actifs, employés, salariés du secteur

privé, vivant en couple avec enfants.

Covoiturage Les pratiquants de covoiturage

sont surreprésentés parmi les hommes

de moins de 45 ans, plus spécifiquement

les étudiants et les salariés du secteur

public, ayant un niveau d’études

supérieur et vivant seul ou encore chez

leurs parents, dans l’ouest de la France.

Location de biens Les Français qui louent leurs

propres biens sont surreprésentés parmi

les actifs de 35-55 ans, CSP+, vivant en

couple avec enfants, dans des foyers

comptant plus de 4 personnes.

-

- Les clients perdus (pour les reconquérir)

Ceux qu’on qualifie d’opportuniste de l’économie collaborative, ils se sont tournés

vers ce modèle de façon à trouver davantage leur compte. Ces consommateurs ont le senti

d’être délaissés par leur enseigne, qui ne leur apportent rien de plus, alors que leurs

besoins, et leurs aspirations ont changé avec le temps.

Touchés de plein fouet par la crise économique et déçus par l’image que renvoient

les acteurs de la grande distribution française, ils vont chercher par d’autres moyens de

combler leur manque et répondre à leurs problématiques. Ils aspirent dans leur manière de

consommer d’être gagnant et non pas d’avoir l’impression de « se faire avoir ».

Ils ont été curieux de connaitre les opportunités que proposent les nouvelles

opportunités du collaboratif. De plus en plus accessible grâce notamment aux nouvelles

technologies, internet, smartphone…Ces déçus sont de plus en plus tentés et en mesure

Page 74: Retail & Sharing Economy

74

de changer leurs habitudes. Il y a une véritable prise de conscience de la part de ces

derniers, ils se sont rendus compte qu’il n’y a pas que leur hypermarché qui peut leur

apporter ce dont ils ont besoin, et surtout que finalement ce n’est pas eux qui proposent les

meilleures solutions.

- Les clients actuels (pour les fidéliser)

Qui sont-ils ? Ceux sont des consommateurs qui jusqu’aujourd’hui trouvent leur

compte dans leur relation avec leur enseigne.

Ou encore ceux, qui par habitude perpétuent le mode de consommation qu’ils

connaissent depuis plusieurs années. Les consommateurs conscients de ce qui se passent

autour d’eux attendent de leur enseigne qu’elles puissent répondre à leurs besoins qui

évoluent avec le temps. Ils demandent à ce que leur magasin principal (celui qu’ils

fréquentent), s’adapte naturellement à leurs nouvelles préoccupations. Les « habitués »

réclament une relation durable avec leur partenaire du quotidien, ils attendent souvent

davantage que juste trouver les produits classiques du quotidien.

Entrer dans cette économie, comment ?

Jusqu’ici les enseignes ont su se réinventer, notamment en multipliant leurs services

et en permettant à leurs clients de fréquenter un magasin all-in-one. Pour y arriver, elles ont

dû s’interroger sur les réponses qu’elles pouvaient apporter en plus pour combler le besoin

avéré ou non de ses consommateurs.

Dans le cas de l’économie collaborative, l’idée est d’adopter un raisonnement

similaire. Pour cela, les enseignes doivent tenter de répondre aux problématiques que pose

l’économie collaborative.

1/ Repenser la place des individus dans l’économie, et notamment dans le

fonctionnement d’une entreprise telle que la grande surface. Cela, en leur reconnaissant un

rôle dans leur chaine économique. Pascal Verwaerde assure que le poids de l’individu, la

place qu’il prend vis-à-vis d’une marque, d’une enseigne tend à devenir plus important que

celui du chiffre. « Aujourd'hui on mesure la puissance, l'importance d'une entreprise à son

chiffre d'affaire, demain on pensera en termes de Life Time Value en se posant la question

« combien de temps mon client a-t-il été en lien avec mon enseigne ? » »

2/ Assurer la qualité et la longévité des biens : pour les faire vivre sur un marché

d’occasion et pour que le plus grand nombre puisse en bénéficier. En effet, les distributeurs

doivent se rendre compte de l’importance de donner la possibilité aux usagers d’utiliser, de

Page 75: Retail & Sharing Economy

75

partager des produits de qualité. De ce point de vue là, les enseignes françaises

commencent à réagir grâce à une prise de conscience dès la conception des produits,

« elles savent que les produits qu'elles vendent aux particuliers ont une vie après le passage

en caisse, la durée de vie de leur produit doit changer » explique Pascal Verwaerde.

3/ Adopter un raisonnement SIMPLE&SMART : L’économie collaborative, est

souvent qualifiée d’économie « de la débrouille » cherchant constamment à proposer des

solutions plus responsables mais adopter un comportement faisant preuve de bon sens. La

notion de « responsabilité » reste fondamentale, dans la mesure où elle justifie les initiatives

dites eco-friendly, sociale des démarches collaboratives etc.

Distribution & Collaboration :

Les distributeurs doivent avoir pour objectif de croiser les opportunités de la sharing

economy et les attentes des consommateurs lorsqu’ils consomment. Selon Mickael Palvin

ces attentes sont de quatre ordres :

1/ La sécurité en termes de transactions physiques par exemple mais aussi en

termes de qualité des produits ou services vendus.

Cette sécurité les enseignes de grande distribution peuvent la garantir (avec leurs

techniciens en interne). Les magasins sont la garantie à la fois d'un véritable SAV, d'une

assurance après achat, d'un niveau de qualité… C'est une opportunité pour les distributeurs

parce qu'aujourd'hui beaucoup de français restent frileux à franchir le pas vers la

consommation collaborative à cause de cela. Le nom de l’enseigne peut avoir valeur de

caution vis-à-vis du consommateur.

2/ La transparence, puisqu’il y a un réel besoin de confiance de la part des

consommateurs. Rappelons que la question de la confiance devient de plus en plus centrale

avec l’économie collaborative.

En jouant le rôle du médiateur entre particuliers, l’enseigne peut prouver qu’elle n’a

rien à y gagner, qu’elle n’a pas que des ambitions business de grand distributeur.

Proposer des initiatives de co-conception, intégrer les consommateurs dans des

démarches concrètes, c’est un moyen de répondre à leurs besoins de confiance.

3/ La disponibilité, que ce soit en vitesse de commande, en facilité d’achat.

Les enseignes doivent être au fait des dernières innovations pour être performants,

de plus elles se doivent d’exploiter aux mieux le potentiel qu’elles ont à savoir, des milliers

de clients qui peuvent jouer un rôle les un vis-à-vis des autres.

Page 76: Retail & Sharing Economy

76

4/ La bienveillance, le consommateur souhaite avoir une autre relation avec son

distributeur, voir en lui autre chose qu’un attrape argent. Il cherche une enseigne qui par

exemple lui donne le droit de se tromper. Aujourd’hui la logique des marques consiste à

mettre en place des actions pour les gens aiment leur marque et fasse confiance en la

marque, demain l’objectif pour une marque sera que, elle, fasse confiance à ses clients.

Elles devront démontrer qu’elles font confiance, le prouver…Les clés doivent peu à peu être

données aux clients.

Page 77: Retail & Sharing Economy

77

Carrefour de demain

A partir de maintenant, envisageons l’enseigne Carrefour comme Le distributeur

collaboratif de demain. Nous nous appuierons sur les premières évolutions de l’enseigne,

telle que sa plateforme « Le café de l’Optimisme » ou encore son rachat de

Rueducommerce.

Page 78: Retail & Sharing Economy

78

Stratégie globale

Communication

Notoriété

Comme nous l’évoquions plus haut, Carrefour comme toute grande enseigne

française, se doit d’exploiter sa notoriété. Dans le top of mind de tous les français, l’enseigne

doit à son histoire, son nom, son apport dans l’histoire de la grande distribution française,

une véritable légitimité.

La campagne « J’optimisme » en janvier 2015 a relancé l’enseigne auprès des

français, mais pas forcément de manière positive. Avec des spots à la fois et répétitif

l’enseigne voulait initialement retravailler son image de marque. Avec un message et un

positionnement nouveau Carrefour avait pour objectif de véhiculer pour cette nouvelle

année, son nouveau leitmotiv : « optimismer ». Il s’avère que cela n’a pas eu l’effet souhaité.

En effet, plus que de débattre sur le message de ces spots, les français ont davantage

retenu une démonstration de force avec un discours démagogique dénué de l’aspect positif

souhaité.

C’est là, une caractéristique de la grande distribution qui confond « notoriété » et

« image » et qui surtout exploitent les outils de l’un pour répondre aux objectifs de l’autre.

Alors que l’enseigne a un budget important pour communiquer elle ne l’a pas fait de manière

juste et adéquate. Comme le dit justement Pascal Verwaerde, « Il est préférable d'avoir 100

personnes qui aiment mon produit que d'être connu par 100,000 personnes. »

L’enseigne doit continuer à être présente dans l’esprit des français, mais elle doit

surtout prendre un chemin nouveau, non plus en employant le matraquage via les médias

audiovisuels mais en travaillant sur un levier bien connu de l’économie collaborative : le

« bouche à oreille ».

L’objectif pour évoluer dans le sens de la sharing economy c’est bien de chercher à

faire adhérer, à impliquer sa cible.

Pour convaincre les français que l’enseigne est présente auprès d’eux pour

« optimismer » et donc leur apporter les solutions pour optimiser leur quotidien avec

optimisme, Carrefour doit non pas leur répéter en boucle mais les convaincre par des

actions réelles qu’ils pourront constater et que leurs paires pourront attester.

Page 79: Retail & Sharing Economy

79

Image

Pour s’insérer dans le mouvement collaboratif, Carrefour doit délaisser son image de

multinationale qui ne raisonne que par l’argent et surtout par le profit. Pour travailler son

image l’enseigne devrait investir davantage dans les médias apportant davantage de

légitimité tels que les RP, des médias qui pourront porter un message plus neutre.

L’investissement doit se situer dans le travail de réputation de la marque. Ce qu’il faut

ce sont des preuves, des éléments qui pourront être attestés par des tiers. Rappelons que

les adeptes de la consommation collaborative ont davantage tendance à faire confiance à

des inconnus qu’à des grandes enseignes. Pourquoi ? parce qu’elles se fient à la réputation

de celle-ci. Aujourd’hui, on parlera d’e-réputation. L’idée est que l’enseigne donne la

possibilité à ses clients de s’exprimer à son sujet sur son propre site.

De plus, une des vitrines les plus importantes pour l’hypermarché reste son point de

vente. Carrefour doit donc optimiser au mieux ses points de ventes en proposant les

innovations nécessaires telles que la digitalisation mais également un endroit où les clients

peuvent s’exprimer, tester et finalement rentrer réellement en contact avec la marque.

En effet, il vaut mieux que les consommateurs partagent leur mécontentement sur le

site ou en magasin Carrefour que sur des blogs ou sur les réseaux sociaux extérieurs, qui

pourront entrainer des phénomènes de bashing ou badbuzz. En donnant cette opportunité,

cela donnera la possibilité à l’enseigne d’apporter des réponses et proposer des solutions

à ses clients. Il est important pour l’enseigne de partager un maximum ses éléments de

réponses pour espérer satisfaire les attentes du plus grand nombre. C’est un moyen pour

Carrefour de prouver qu’elle est moderne et qu’elle avance avec son temps.

Le numéro 1 français a lancé sur son site internet « Le café de l’Optimisme » ce qui

va complètement dans le sens de cette démarche. Pour être cohérent et beaucoup plus

impactant il faudrait que ce concept soit mis en place en magasin. Les surfaces n’étant la

plupart du temps pas totalement exploitées, il serait pertinent d’aménager un endroit

« social » où les interactions sont possibles.

Il est intéressant de conserver le focus mis sur les consommateurs pour autant je ne

suis pas sûre que l’enseigne puisse le faire si rapidement, il y a encore ce côté faux.. En

effet en 2015, on peut observer que la marque communique en mettant en avant les français

malgré cela, on note tout de même un manque de transparence et de sincérité.

Page 80: Retail & Sharing Economy

80

Pour convaincre de son image de « Carrefour collaboratif », l’enseigne doit

communiquer sur les faits. A chaque nouvelle initiative collaborative, Carrefour devrait

communiquer sur le produit de manière très simple :

1/ le principe

2/ le bénéfice client

3/ la signature Carrefour

En effet, l’enseigne doit dans un premier temps laisser le client interpréter et qualifier

les innovations qu’elle met en place, sans ajouter de message pro Carrefour.

Pas un Carrefour mais des Carrefour

Il semble évident qu’une enseigne aussi importante ait une image et un message

cohérent à communiquer au global, au national. Pour autant, il est surtout indispensable

qu’elle ne se limite pas une image lointaine et un logo. Ce qui est pertinent c’est d’avoir une

double identité, en proposant un message personnalisé dans chacun de ses 220

hypermarchés en France tout en restant fidèle à l’identité du groupe.

En effet, si l’enseigne veut obtenir de la légitimité auprès de ses clients, elle doit leur

proposer de devenir un « Carrefour à leur image » et non pas un Carrefour national froid et

distant. Pour avoir une image de proximité, l’enseigne doit jouer la carte du « Make it

yours ». Nous reviendrons un peu plus loin sur la stratégie locale que l’enseigne devrait

adopter.

C'est de cette façon qui peuvent aller chercher ceux qui ne venaient pas ou plus en

magasin et finalement disposer d’une image d’enseigne moderne et proche de ses clients.

Business : investir les champs d’intervention de la sharing economy

Il s’agit dans un premier temps de « rattraper » un retard accumulé vis-à-vis des

concurrents.

Page 81: Retail & Sharing Economy

81

Échange de bien

Depuis la rentrée 2015,

Carrefour sur son site internet propose

le Café de l’Optimisme, un espace qui

permet aux consommateurs de faire

profiter ses paires de ses biens. C’est

en fait un espace de troc et d’échange.

C’est un premier pas fait par l’enseigne,

en termes d’action concrète. Il faut

continuer à aller dans ce sens.

Location d’équipement

Pour compléter son offre l’enseigne devrait proposer ce service. Toutefois, il est

important qu’elle attribue une forme de liberté à ses clients. En effet, de nombreuses

enseignes proposent à leurs clients de louer leurs équipements (TV, machine à laver…),

Lokeo par exemple, le client prend donc possession momentanément de sa télévision par

exemple, en s’engageant à verser mensuellement une certaine somme sur une période

donnée. Sur ce principe on s’éloigne de l’aspect souple de la location. Le consommateur se

doit de s’engager sur une période donnée, de plus, la plupart du temps il s’avère que la

somme finale représente près de 40% en plus que le prix de vente du produit. Il faut donc

faire attention à ce genre d’initiative, il ne faut pas que le consommateur se sente trompé.

Crowdsourcing : Fab lab

Installer des laboratoires de fabrication s’avèrent pertinent surtout pour les enseignes

spécialisées tels que les magasins de bricolage par exemple. Pour autant, il est important

pour Carrefour de proposer dans certains de ces hypermarchés ces lieux de réflexions et

de co-conception. Cela peut lui permettre d’affiner son expertise sur les rayons non

alimentaires par exemple. Pour moderniser son image et mobiliser ses clients autour de

thématique du moment, Carrefour pourrait solliciter les consommateurs pour développer

une nouvelle collection Tex par exemple ou Tex Home. L’idée est de puiser la richesse

créative chez ses consommateurs et les récompenser pour cela. Les initiatives de ce type

ne peuvent être que relayées et apprécier par les consommateurs. Amener les clients à

contribuer au processus de création de l’enseigne c’est enrichir l’image de Carrefour auprès

des français, et marquer une véritable différence avec ses concurrents.

Page 82: Retail & Sharing Economy

82

Financement participatif : Crowdfunding

Carrefour a, depuis ses débuts, tenu à apporter son soutien aux associations locales

mais également à soutenir les initiatives innovantes. En 2015 par exemple, aux côtés de

Jamel Debbouze pour la sortie de « Pourquoi j’ai pas mangé mon père » au cinéma,

Carrefour a organisé un concours invitant les associations à présenter et défendre leur

projet et avoir la chance de remporter une aide financière de 20000€ et un accompagnement

tout au long du projet.(« Get up et fais ton truc ! »)

Cette démarche assez commune peut être poussée davantage. Carrefour pourrait

créer son propre système de cagnotte sur le principe de Kisskissbankbank. En effet, elle

pourrait à la fois permettre aux porteurs de projet de gagner en visibilité mais également de

permettre aux tiers d’investir pour ces projets locaux ou non. Carrefour peut se permettre

de prendre cette voie dans la mesure où elle détient les compétences liées notamment au

secteur bancaire.

En effet, la chance que possède Carrefour réside dans le fait qu’avec les années, les

secteurs d’activité se sont multipliés (le secteur de la banque, de l’assurance, du

tourisme…). Depuis les années 70, l’objectif de Carrefour est de répondre pour tous les

types de besoin de ses consommateurs. Après s’être diversifié dans plusieurs secteurs, il

faut à termes que chacun d’eux s’adaptent aux particularités du fonctionnement collaboratif.

Aller plus loin et repenser le principe même de la distribution

J’aborde ici un modèle de fonctionnement global qui pourrait à termes redéfinir le

principe de la distribution.

L’idée pour obtenir un véritable « Carrefour Collaboratif » c’est plus que s’intégrer à

la sharing economy dans ses pratiques les plus connues. Il faudrait que Carrefour puisse

redéfinir les codes de la distribution française, comme il a pu les redéfinir en lançant le

principe des MDD par exemple.

L’économie collaborative pousse les citoyens à faire durer leurs biens, à les exploiter

dans le temps et faire en sorte que le plus grand nombre puisse en jouir. Dans cette logique

Carrefour, peut aller dans ce sens, d’abord en optimisant et en revoyant la qualité de ses

produits, mais aussi en proposant des produits plus adéquats et performants en s’appuyant

sur l’expérience des usagers.

Page 83: Retail & Sharing Economy

83

Le principe de l’économie collaborative c’est aussi de créer à la fois un réseau de

personnes, mais aussi une base de référencement de biens qui pourraient être exploités

par les membres d’une toile, d’une communauté.

Mon raisonnement va dans ce sens. Il faudrait que Carrefour fasse entrer chaque

produit vendu dans une base de données, une sorte d’inventaire. De cette façon chaque

bien serait référencé et identifié par un numéro propre, dans cette logique chaque produit

aurait pour vocation dès sa mise sur le marché à pouvoir être échangé, mis à disposition

sur une plateforme sécurisée Carrefour, une forme de marketplace. Les utilisateurs

pourraient en toute transparence avoir accès aux informations produits (date d’achat,

soumis ou non à garantie, réparations effectuées…) qui potentiellement pourraient être mis

en vente ou en location par l’acheteur initial. Ce lieu virtuel pourrait également comporter

les commentaires des consommateurs. Ainsi, cela donnerait la possibilité d’aider les futurs

clients à prendre leur décision avant achat…

Cet espace aurait pour vocation à long terme à ce que les consommateurs n’aient

plus besoin d‘aller sur des sites d’échange, de troc etc mais directement sur le site de

l’enseigne, où la traçabilité des produits serait beaucoup plus fiable.

Proposer ce service, c’est la possibilité pour le client de profiter d’un produit dont il

connait le parcours, la provenance, c’est également profiter d’un circuit fiable car (garantie

qualité Carrefour). C’est aussi avoir un large choix puisque la marketplace recenserait tout

produit vendu et permettrait également de consulter l’avis des autres sur un bien avant de

prendre la décision d’acheter.

De cette manière Carrefour, donne davantage de clés à ses clients pour les

accompagner dans leur parcours d’achat.

Quels bénéfices pour l’enseigne ?

Sur ce principe, Carrefour serait gagnant car le client devrait apprécier que l’enseigne

ne fasse pas que lui vendre un produit quelconque mais bien l’accompagne dans une

démarche collaborative avec une assurance, de sérieux et de compétences.

Image : Responsable

En proposant une démarche de ce type, Carrefour pourrait prouver qu’elle apporte

des solutions innovantes et responsables. De plus, cela pourrait rassurer les

consommateurs quant à la qualité que l’enseigne lui fournit.

Page 84: Retail & Sharing Economy

84

Réfléchir dès la conception, à un cycle de vie collaboratif pour les produits, c’est une

avancée considérable. De cette manière, Carrefour peut contribuer à une nouvelle manière

de consommer.

Business :

Les bénéfices sont de deux ordres :

- Financier : Pour que cette démarche puisse profiter aussi bien à l’enseigne qu’au

consommateur, on peut envisager qu’à chaque action se déroulant sur cette

plateforme, l’enseigne toucherait une commission, notamment lors d’une transaction

faite entre deux usagers.

- Une nouvelle échelle de valeur : le Life Time Value : un indicateur qui peut permettre

de redorer l'image d'une marque. Il faut envisager la valeur non pas uniquement de

l’argent dépensé par les clients chez Carrefour mais du temps passé avec l’enseigne.

En effet, tout le temps où le consommateur est avec Carrefour, il ne l’est finalement

pas chez les concurrents. En effet, aujourd’hui la question que se pose réellement

les clients reste : « Quelle enseigne est présente pour moi à tout moment et

répondant à mes différents besoins ?» plus que « Quelle est la plus grosse enseigne

de distribution ? »

Distribution : Colivraison / Delivery crowdsourcing

Carrefour détient une des plus grandes bases de données clients en Europe, grâce

aux porteurs de carte de fidélité. Cette carte permet à l’enseigne à la fois d’obtenir ses

informations personnelles de base, nom, adresses… mais aussi fréquence des achats,

typologie des produits achetés…C’est une mine d’informations. Le distributeur possède

donc une bonne base pour proposer un service de livraison opéré par les clients Carrefour.

En croisant les données et en déterminant les quartiers communs entre les clients

Carrefour Drive, Carrefour pourrait suggérer à ses clients de livrer un de leur pair, en leur

assurant qu’ils se trouvent bien dans un rayon proche de son domicile.

Un simple call-to-action, au moment de la commande sur le site Carrefour, permettrait

d’inciter le consommateur, à faire ce geste…en plus. En instaurant ce service, il est pertinent

et important d’envisager une contrepartie pour le « Carrefour driver » comme a pu le faire

Walmart.

Page 85: Retail & Sharing Economy

85

En effet, il faudrait que celui qui livre un pair lors de son chemin retour, bénéficie

d’une remise, soit sur le montant de ses achats au moment de l’achat, ou alors sous forme

de bons d’achat ou de bons de réduction à valoir sur ces prochains achats.

Relation client

Avec l’essor du participatif, et la prise de pouvoir par le consommateur, il y a un

équilibre qui se rétablit du côté du client, d’autant que désormais, les entreprises sont

amenées à se poser la question de l’expérience du client, de savoir s’il est satisfait non pas

seulement par rapport aux fonctionnalités du produit, mais dans l’ensemble : la relation à la

marque, les canaux, le mobile, Internet…

Carrefour a toujours eu conscience de l’importance d’être consumer centric. La

démarche collaborative matérialise le souhait de vouloir se focaliser sur le consommateur.

Elle donne l’opportunité à l’enseigne de rester en contact avec ses clients en leur donnant

la possibilité de ne pas limiter leur relation au seul achat en magasin ou en ligne, avec une

séparation après le passage en caisse.

Les distributeurs se doivent de multiplier leur temps en relation avec le client, en

maintenant le contact. Créer du lien avec le consommateur c’est espérer augmenter le

temps passé entre la marque et ce dernier.

La sharing economy c'est le moyen de pousser la gamification : en rendant le client

acteur de la marque. C'est un moyen de créer de véritables ambassadeurs, et ça, ça a

beaucoup de valeur, si les clients s'expriment positivement. Lorsqu'une enseigne se dote

d'une armée d'avocats, elle pousse à son maximum l'engagement que le client peut avoir

envers elle-même. Et pour cela, les clients ont besoin de récompenses. Les écouter, les

faire participer à l'élaboration des produits, c'est une forme de récompense. Une fois que

les clients sont engagés dans une marque, ils peuvent devenir des vendeurs de notre

marque.

Page 86: Retail & Sharing Economy

86

Carrefour pourrait se donner pour objectif de devenir une lovemark, comme l’est

devenu Walmart aujourd’hui.

Les 5 milestones à franchir pour tenter de devenir une lovemark:

1. Continuer à améliorer l'expérience client que ce soit en physique et sur le net de

manière à lui faciliter la vie et la rendre plus agréable.

2. Construire une véritable histoire autour de la marque qui a plus de 50 ans.

S'appuyer sur des valeurs communes qui peuvent fédérer les clients et la marque. L'objectif

est que le client ait la possibilité de se reconnaitre dans la marque. Carrefour doit chercher

à devenir une véritable source d'inspiration dans le quotidien de ses clients.

3. Faire en sorte que la marque fasse à part entière partie de la vie quotidienne de

ses clients et ne se limite plus au seul moment des courses en ligne et sur internet. Carrefour

doit s'afficher comme un partenaire sur lequel tout le monde peut compter. Dans tous les

moments de la journée, de la vie...(actions, engagements) tenter de devenir un "everyday

Partner"

4. Développer la confiance et la considération de l'enseigne vis-à-vis de ses clients

(intérêt, respect, échange, collaboration) par rapport à ce qu'il peut souhaiter, aspirer,

redouter...

Page 87: Retail & Sharing Economy

87

C’est de cette façon que la marque pourra créer un relation plus affective avec ses

clients, et en faisant disparaître ou du moins atténuer la défiance qui peut exister

aujourd’hui.

Stratégie locale

Communication

Externe

Pour que les consommateurs aient la sensation d’avoir un véritable lien avec leur

enseigne, il faut que chaque magasin ait sa propre identité tout en étant sous le chapeau

de l’enseigne Carrefour au national. Il est important de laisser une personnalisation se faire

dans chaque hypermarché tout en veillant à ce que tous les magasins respectent l’identité

de la marque, que ce soit dans le discours ou dans le positionnement.

Adopter une stratégie locale, c’est le moyen de regagner en proximité, en maillage.

En effet, aujourd'hui il n'est plus suffisant de mettre le paquet sur l'enseigne au national, les

gens s'intéressent à ce qui les concerne directement près d'eux, à côté de chez eux.

Si Carrefour souhaite créer une communauté autour de la marque, il faut d’abord

fédérer les consommateurs autour de leur propre enseigne. Car les clients créent du lien

avec le personnel du magasin (boucher, boulanger…) et prennent leur marque en un lieu

précis. Il est donc plus logique que la communauté se crée autour de cela. C’est lorsque les

clients aimeront et respecteront « leur Carrefour » que l’enseigne en elle-même remontera

dans leur estime.

Il faut donc jouer la carte de l'acteur de proximité, en rappelant que Carrefour met en

relation des gens « près de chez vous » mais que les magasins partout en France restent

également là pour eux.

Interne

Adopter la logique collaborative, n’est pas chose simple d’un point de vue pratique.

En effet, il doit d’agir d’une démarche globale, dans laquelle tous les protagonistes d’une

enseigne doivent participer. Cela pour éviter que des logiques différentes puissent se

confronter.

Si il est positif qu’un magasin fasse appel à la créativité à l’engagement de ses clients,

il est aussi primordial, qu’il en fasse de même de la part de ses collaborateurs. Devenir une

enseigne collaborative c’est raisonner de la même façon. L’implication du personnel est

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88

donc à prioriser avant même de lancer toute initiative. L’important est que chacun des

membres trouve et comprenne le rôle qu’il a à jouer aux côtés de son enseigne.

Prenons l’exemple de la mise en place d’un fab lab. Il est important d’envisager la

coordination entre les agents de l'extérieur (des clients, conso qui viennent apporter leurs

idées) et les agents internes à l'entreprise, tels que des ingénieurs, des designers…C’est

ce que souligne très justement Pascal Verwaerde avec le cas de figure où la création et le

lancement d’un produit conçu de manière collaborative devient un succès. Il a constaté que

des problèmes peuvent se poser. Les employés (pourtant eux aussi impliqués) peuvent se

sentir souvent lésés sachant que pour eux le succès d'un produit ne change rien à leur

situation (il n’y a pas de primes ou autres) alors que les personnes ayant apporté leur

contribution à l'élaboration d'un nouveau produit, s’attendent à une forme de récompense

(gratification ou autres). Ce genre de situation s’avère compliquée à gérer si au préalable

l’enseigne n’a pas « éduqué » ni n’inclus la totalité de ses employés dans cette nouvelle

démarche.

Il faut donc prévoir une période de restructuration et de formation en interne. Le mieux

serait de mettre en place des conférences en interne sur le sujet.

Dispositif marketing

Il est important de s’appuyer sur des outils digitaux mais aussi d’investir dans le point

de vente. Il faut que les consommateurs profitent des initiatives locales en magasin mais

aussi en ligne, en sollicitant une communauté proche de chez eux.

De plus l’objectif est de stimuler le trafic dans les hypermarchés, pour cela il faut

donner des raisons multiples aux consommateurs de venir se déplacer en magasin. Plus de

50 ans plus tard, c’est toujours le même objectif : répondre si possible à tous les besoins

des clients à un seul et même endroit : l’hypermarché (il faut justifier le déplacement, parfois

important). Les besoins des consommateurs d’aujourd’hui, ne sont plus uniquement

matériel, c’est donc là que les choses doivent changer.

L'idée c'est d’ajouter autre chose que le moment d'achat habituel en donnant la

possibilité au client d'échanger avec d'autres. Pour cela, il faut mélanger le physique et le

virtuel, ainsi le lieu de contact logique lors des transactions devient le magasin Carrefour.

Ces points de contact Carrefour, il peut y avoir beaucoup, c’est le « plus » que

possède cette grande enseigne, 220 hypermarchés sur le territoire français.

Page 89: Retail & Sharing Economy

89

Les grands distributeurs s'ils ne veulent pas se faire devancer, se doivent de garder

les clients captifs, ils doivent agir dans la quotidienneté et à proximité de leurs clients.

Les hypermarchés en local doivent exploiter leurs points forts, à savoir l'association

entre la notoriété (au national), les compétences et le suivi...

Plateforme collaborative

Le Café de l’Optimisme mis en place à la rentrée, est l’outil digital pour créer une

communauté non forcément autour de la marque mais bien grâce à la marque. En effet, les

internautes se regroupent se retrouvent pour partager astuces et bons plans. C’est une

bonne chose. Il faudrait que ce Café de l’optimisme fasse des ponts aussi en fonction du

secteur, il faudrait que les contacts virtuels deviennent aussi physique. C’est pourquoi, il me

semble que les sites de chaque hypermarché doivent avoir leur propre Café de l’Optimisme,

c’est une manière de conserver une cohérence et une continuité dans le positionnement de

l’enseigne.

Pour garantir la longévité de la plateforme, il faut veiller à ce qu’elle soit gérée

quotidiennement par un animateur de communauté. En effet, comme les réseaux sociaux,

une plateforme collaborative, ne peut vivre seule, elle doit être animée si la marque souhaite

à long terme faire perdurer les communautés qui se créent. Projet collaboratif doit rimer

avec « communauté » c'est un élément indispensable. Il ne faut pas confondre «

communauté » et « banque de fichiers clients », une communauté doit vivre. Il faut que

quelqu'un fédère une communauté autour d'un sujet, d'un projet, il est important de créer

du lien. Cette dimension a, pour le moment, était complètement ignorée par les grandes

entreprises.

Page 90: Retail & Sharing Economy

90

Pour stimuler les interactions et inciter les internautes à entrer dans le Café de

l’Optimisme, Carrefour devrait faire profiter les contributeurs de récompenses, pécuniaires

ou statutaires (titre, médaille…). En effet, la reconnaissance de la marque pour ses clients

ou les membres de sa communauté, c’est une forme de valeur ajoutée, qui peut transformer

une marque appréciée en lovemark.

De plus, il faut noter que ce nouvel onglet « Café de l’Optimisme » sur le site e-

commerce des enseignes va très logiquement faire augmenter le temps de présence sur la

plateforme et donc sur le site internet. Finalement c’est la chance d’amener les internautes

à passer à l’acte d’achat pour un produit peut-être qu’ils n’avaient pas prévu initialement.

En effet, en venant « troquer » la personne peut en profiter pour acheter quelque chose en

plus ou alors consommer autre chose. Les enseignes peuvent donc s'appuyer sur le

phénomène de « complétude » qui engendrerait une hausse du panier moyen de leur client,

que ce soit en produits neufs ou d'occasion.

Fablab – Thinktank - Coworking

Les plateformes d’échange, peuvent également être physique. C’est l’opportunité

pour Carrefour d’exploiter ses mètres carrés laissés à l’abandon.

Les distributeurs ont la chance de pouvoir se faire rencontrer des individus extérieurs

et internes à l’entreprise en un tiers-lieux où chacun peut apporter sa pierre à l’édifice. C’est

une réelle opportunité.

Intégrer des espaces collaboratifs peut permettre de se rapprocher d’une cible

importante : les jeunes, les entrepreneurs, les start ups dans le besoin. Créer des espaces

de travail, c’est inciter ces cibles à collaborer avec la marque. C’est proposer un projet win-

win. De plus, en s'associant avec ces start-up portant les innovations collaboratives

d'aujourd'hui, les enseignes ont le moyen de rajeunir leur image mais aussi leur cible

actuelle, sachant que la sharing economy est très tendance vis-à-vis des jeunes.

Page 91: Retail & Sharing Economy

91

L’espace nécessaire, Carrefour l’a dans certains de ses magasins. Il serait donc

judicieux d’envisager à la manière du projet Bespoke aux Etats-Unis, un aménagement

spécifique dans les centres commerciaux des hypermarchés. Bespoke a pour vocation à

développer un espace de plus de 3 000 m² au sein du centre commercial de San Francisco

qu'ils ont décidé d'ouvrir aux start-ups de l'univers du retail. Les jeunes entreprises

intéressées louent de petits espaces à l'intérieur du centre et profitent de services associés :

espaces de travail partagé, pop-ups stores, espaces pour organiser des événements ou des

démonstrations...(visite virtuelle de l’aménagement en centre commercial :

https://www.youtube.com/watch?v=ZY4LFf60mck#t=90 )

L'immersion qui est proposée aux start-ups est bénéfique pour tous, jeunes

entreprises du digital comme collaborateurs Carrefour : c'est l'occasion de se connaître, de

partager, de tester ensemble des nouveaux services qui mélangent le on et offline, soit les

deux compétences.

Page 92: Retail & Sharing Economy

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Des actions collaboratives in store

Comme nous l’indiquions plus haut, les enseignes ont de l’espace à exploiter. C’est

bien en magasin que les différents Carrefour peuvent affirmer leur dimension sociale. C’est

un carrefour de rencontre où les clients auront la possibilité de créer un lien avec la marque,

et construire des relations avec des paires. Proposer des actions collaboratives, c’est

l’opportunité de créer une communauté.

Ainsi Carrefour doit continuer ses opérations responsables telles que les reprises de

produits, qui constituent des actions bénéfiques pour l’enseigne et pour les consommateurs.

Ces derniers, se débarrassent et peuvent profiter de bons d’achat, alors que Carrefour

travaille son image, et augmente les intentions d’achat auprès des consommateurs. Il en

est de même pour les espaces de création de produits customisés. Le client repart avec un

produit ayant une réelle valeur ajoutée et par conséquent il repart satisfait.

Espace pour les producteurs locaux…

Proposer un espace pour les producteurs locaux, permettrait à la fois de contribuer

à l’amélioration de la santé économique de ces derniers mais aussi de montrer aux clients

Carrefour, que leur enseigne fonctionne avec les petits producteurs du coin. C’est ce que

les consommateurs cherchent aujourd’hui, savoir que leurs produits viennent d’ici et leur

argent va à leurs pairs.

Carrefour peut prouver sa capacité à se rapprocher des « petits » et répondre aux

problématiques actuelles.

Page 93: Retail & Sharing Economy

93

Espace pour les produits d’occasion

En plus du Café de l’Optimisme, les hypermarchés devront proposer en magasin, un

espace dédié aux produits d’occasion. Ces lieux seront animés par des vendeurs

spécialisés qui répondront aux demandes clients tout comme ils le feraient pour les produits

neufs.

Si Carrefour propose aux vendeurs d’occasion, de disposer leur bien en magasin,

l’enseigne pourra demander une contribution, comme c’est le cas pour la plateforme en

ligne. Il s’agira d’un véritable service rendu et permettra peut-être d’attirer une nouvelle

clientèle. Tout cela permettra de recréer du trafic en magasin sachant qu’aujourd’hui les

promotions et offres commerciales ne sont plus les seuls arguments de vente.

Expérience en magasin

L’expérience en magasin est un enjeu les plus fondamentaux pour les grandes

surfaces si elles ne veulent pas se faire devancer par les pure player. Il est important qu’en

venant sur le point de vente, le consommateur retrouve en quelque sorte l’univers Carrefour

dans son ensemble. L’enseigne doit avoir pour objectif d’apporter autant en magasin voire

même plus à ses consommateurs, que ce qu’elle propose en ligne.

Pour cela, Carrefour doit investir dans la digitalisation de ses points de vente. Cela

de manière à ce que le client puisse vivre son passage en magasin comme un parcours

guidé qui lui permet de répondre au mieux à ses besoins.

Page 94: Retail & Sharing Economy

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Les magasins Carrefour ont intérêt à accompagner leur client et devenir de véritables

aides à la décision. Pour donner toutes les informations au client, sur ce qui est disponible

ou pas, ce qui peut être trouvé de tout aussi proche en version « d’occasion » sur le site, ou

en physique…

Intégrer les outils digitaux en rayon permettra de répondre à la demande du

consommateur sans limite (solution en ligne ou en physique) depuis le magasin. Introduire

la notion d’ « hypermarché connecté » accompagnant les clients avec du mobilier connecté,

(tablettes digitales) du suivi de l’historique des ventes…, permet de réinventer l’expérience

client cross canal, avec une véritable continuité et une expérience différentielle en

magasin…

C. stratégie technique

Carrefour à ce jour, ne possède pas les compétences, et l’avance qu’ont pu acquérir

les start up de l’économie collaborative.

Toutefois, le rachat de l’e-commerçant Rueducommerce, permet à l’enseigne de

s’enrichir en termes de connaissance sur ce terrain. Même si l’enseigne possède déjà son

propre site e-commerce ce distributeur spécialisé en produits high tech pourra enrichir les

collaborateurs Carrefour sur des problématiques purement digitales.

La stratégie que le numéro 1 de la distribution française doit adopter dans un futur

proche est de s’éduquer rapidement aux spécificités techniques qui sont liées à l’économie

collaborative. Ensuite, le véritable pas en avant à envisager est de chercher à exploiter les

techniques digitales actuelles ou avenir pour aller plus loin dans la démarche collaborative.

Page 95: Retail & Sharing Economy

95

NFC : Papier connecté

Catalogue

Le catalogue reste un support particulièrement représentatif de la grande distribution.

Il est temps que lui aussi profite des bénéfices des technologies digitales. L’objectif avec un

catalogue digital serait de se rapprocher des fonctionnalités et options que propose le e-

catalogue, sur le site de l’enseigne à savoir informations produits, téléchargement de bons

de réductions…

Le packaging produit

Le papier connecté utilisé sur le packaging des produits permet d'intégrer du contenu

additionnel aux informations que l’on peut trouver sur le packaging actuel. Que ce soit des

offres associées, des coupons de réduction à télécharger ou simplement des données

nutritionnelles ou des suggestions de recettes…

Ce procédé est plus simple d'utilisation pour le lecteur. En effet, il n'est plus

nécessaire d'installer une application permettant de lire les QR codes puis de les flasher. Il

suffit d'activer la puce NFC de son mobile et de poser celui-ci au contact de l'emplacement

indiqué sur le support. Carrefour pourrait également échanger des informations

personnalisées avec l’utilisateur, ce qui permettrait de proposer des offres pus ciblées et

adéquates.

BLE /Beacons

Les beacons peuvent permettre de promouvoir l’achat, grâce à un système de

navigation sur tablette, lorsqu’un client passe à côté de produits qu’il est susceptible

d’acheter. Carrefour a mis en place cette technologie dans 28 hypermarchés de Roumanie.

Cette démarche est tout à fait transposable en France et doit l’être si l’enseigne souhaite

accompagner le client dans son parcours en point de vente. On peut imaginer que ces

beacons pourraient à la fois rentrer en contact avec la carte fidélité du consommateur et la

Page 96: Retail & Sharing Economy

96

tablette accrochée au caddie. Ainsi Carrefour pourra proposer des listes de courses

personnalisées, des comparatifs de prix, des suggestions d’achat complémentaires, de

bons de réduction ou orienter le consommateur vers des produits d’occasion. Cette

technologie, améliore l’expérience utilisateur, de plus, les technologies comme IBeacon

sont, selon des études, plutôt bien acceptées par la plupart des consommateurs.

Ecrans DOOH : Shopper Cast

Pour optimiser l’expérience en magasin, Médiaperformances & Carrefour Média ont

lancé Shopper Cast en octobre 2015, le 1er réseau digital en exclusivité dans les

hypermarchés Carrefour Médiaperformances : Shopper cast. C’est un écran digital de 55

pouces, qui délivre toutes les 4 secondes, un spot publicitaire pour les marques afin de

toucher les consommateurs dès l'entrée du magasin. D'ici mars 2016, Shopper Cast sera

déployé en exclusivité dans 150 hypermarchés Carrefour.

Ces supports digitaux vont complétement dans l’optique d’orienter les

consommateurs. En effet, selon une étude de l'institut Advantage Shopper Intelligence 68%

des achats se décident en magasin, et 94% des français fréquentent un hypermarché. A ce

jour, on peut considérer que les campagnes publicitaires diffusées sur Shopper Cast

touchent environ 1 million de français par jour. Il faut donc envisager le point de vente

comme un média à part entière.

Page 97: Retail & Sharing Economy

97

A date, ce dispositif d'écrans LCD permet aux annonceurs du PGC et du non-

alimentaire de toucher les consommateurs dès l'entrée du magasin, mais à termes, l’idée

est d’apporter d’autres types de message, tel que des CTA appelant à profiter du « service

de livraison par des paires », ou à visiter l’espace « occasions » pour connaitre les

nouveaux produits en vente, et même les inciter à passer à l’acte...

Livraison par drone

Cette technologie pourrait paraître pertinente pour réaliser des livraisons ou pour

effectuer la surveillance aérienne des magasins, ou encore faciliter les opérations

d’inventaire. C’est justement ce sur quoi se penche Walmart actuellement. En France, il est

pour le moment compliqué d’envisager ce type de service. En effet, leur utilisation dans le

cadre civil est très encadrée avec deux arrêtés datant de 2012. En effet, compte tenu du

type de drone utilisé, du mode de pilotage ou encore des zones dans lesquelles il évolue

(altitude, peuplement des zones survolées…), il doit avoir un équipement particulier. Sans

compter que les entreprises utilisant des drones doivent effectuer une déclaration et

déposer une demande d’autorisation à la préfecture avant chaque vol. En résumé, à ce jour

les contraintes sont encore nombreuses…

En plus de ces éléments contraignants, je ne suis pas sûre que ce soit adéquat dans

notre cas de figure. Cela dans la mesure où, oui Carrefour doit optimiser ses services en

s’appuyant sur les innovations digitales, mais attention. En abordant l’économie

Page 98: Retail & Sharing Economy

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collaborative, il faut adopter et respecter une certaine logique dans ces procédés et actions

notamment, en conservant un aspect relationnel humain à un moment ou à un autre de la

transaction.

C’est pourquoi, dans un futur proche, cela n’apparaît pas forcément pertinent compte

tenu des ambitions de la marque.

Page 99: Retail & Sharing Economy

99

CONCLUSION

La consommation collaborative, aux antipodes du modèle de la grande

distribution ?

L’économie collaborative ou économie de partage est un nouvel aspect de

l’économie occidentale. Sa légitimité n’est désormais plus à prouver. Ainsi, ces dernières

années, tout le monde souhaite obtenir sa part du gâteau.

L’aspect solidaire, responsable et durable ne doit plus suffire à définir la sharing

economy. Dans la Harvard Business Review en 2015, Giana M. Eckhard et Fleura Bardhi

écrivent ainsi que « l’économie du partage n’a rien à voir avec le partage ». Les acteurs

collaboratifs actuels sont à la recherche d’utilité individuelle, et non de valeur sociale. Elles

proposent donc logiquement de substituer à l’expression d’ « économie du partage », celui

d’ « économie de l’accès ».

Ainsi, il est grand temps d’envisager la sharing economy comme l’un des moyens

marketing actuel existant pour aider à faire fructifier un business. Constat posé, le tout pour

les acteurs économiques, reste d’avoir la capacité et la souplesse pour faire correspondre

leur modèle à celui spécifique de l’économie collaborative.

Les entreprises traditionnelles doivent à tout prix éviter le danger du « sharing

washing » en se lançant dans des initiatives collaboratives superficielles. Le risque pour

elles, est d’être taxées d’opportunistes, n’agissant que pour l’appas du gain.

La grande distribution, consciente des évolutions sociétales qui s’opèrent autour

d’elle, a décidé d’aller vers l’avant en tentant le saut dans l’économie collaborative. A ce jour,

nous avons pu observer des initiatives intéressantes, mais souvent ponctuelles et

anecdotiques. Il ne s’agit pas pour le moment de restructurations ou de démarches

intervenants dans une logique globale.

C’est pourquoi la question qui se posait vraiment à nous, était : « Entrer dans la

Sharing economy oui, mais comment prendre le virage de cette économie collaborative sans

être perçu par le consommateur comme un opportuniste ? et surtout comment intégrer cette

démarche dans un business global ?

Page 100: Retail & Sharing Economy

100

Tout au long de cette étude, nous avons pu constater la multitude d’atouts dont

bénéficient les grandes surfaces françaises, les ressources humaines, matérielles,

historiques, l’expertise, les avancées qu’elles dont elles ont été à l’initiative, le principe de

relation client, les bases de données potentielles…A partir de cela, nous étions donc armés

et suffisamment informés pour envisager un grand distributeur, comme Carrefour,

imprégné, dans sa globalité, par la démarché collaborative.

Nous avons pu entrecroiser la diversité des activités collaboratives, avec les

compétences d’une enseigne comme Carrefour. Repérer les points de jonction nous a

permis de déterminer de manière pertinente le point d’entrer dans la logique collaborative.

C’est donc en repensant le rôle que l’enseigne à jouer auprès des français que Carrefour

pouvait proposer un réponse adéquate.

Faire entrer dans le magasin, ce que les français allaient chercher ailleurs : des

espaces d’échanges, de discussion, de troc… Repenser le point de vente pour répondre

aux attentes des consommateurs, en apportant le conseil, les informations, les suggestions

que le client allait chercher en priorité sur internet. Donner l’envie au consommateur de

fréquenter de nouveau son hypermarché, en lui attribuant la reconnaissance dont il a

besoin, en travaillant le lien avec les collaborateurs Carrefour. Ouvrir l’esprit de l’enseigne

aux opportunités de demain, en laissant entrer les porteurs de nouveautés et d’idées.

Proposer de nouveaux espaces de rencontre, créer des partenariats, du soutien

entrepreneurial en redéfinissant même la structure des hypermarchés aujourd’hui.

Ceux sont ces actions qui rendront Carrefour véritablement collaboratif. Et sans

devoir utiliser une communication oppressante, l’enseigne pourra observer que les français

s’en seront rendu compte. (expérience en magasin, bouche-à-oreille, e-reputataion…)

Mon ambition avec cette étude était de donner pour objectif, au numéro 1 de la

distribution française, de devenir une enseigne qui participe au développement de

l’économie collaborative en France. En effet, cela me semblait beaucoup plus pertinent de

procéder de cette manière, en pensant les choses en profondeur et dans la globalité plutôt

que d’envisager uniquement des opérations ponctuelles qui « colleraient » à la thématique

de l’économie collaborative.

Carrefour étant riche de son histoire et de l’influence qu’il a pu avoir dans la définition

de l’hypermarché aujourd’hui, il est selon moi, intéressant d’espérer le voir continuer dans

sa démarche de précurseur, en entrant significativement dans le monde collaboratif de

demain.

Page 101: Retail & Sharing Economy

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C’est en étant au cœur du système de fonctionnement du système particulier de la

distribution, que nous avons pu nous rendre compte des freins et des éléments

fondamentaux nécessaires pour faire fonctionner une telle évolution. Mes échanges avec

des professionnels du secteur et notamment de l’économie collaborative m’ont permis de

comprendre ce qui expliquait aujourd’hui, qu’une initiative fonctionne et l’autre non.

Faire correspondre deux modèles totalement différents par principe, c’est en fait

l’affaire de tous. Faire évoluer Carrefour, c’est solliciter, les enseignes, les collaborateurs

internes, externes, les clients, les prospects. Cette réflexion qui est vrai pour toute évolution

d’entreprise et encore plus indispensable quand il s’agit de sharing economy. C’est une ligne

de conduite qui doit s’observer partout.

Cette étude s’est principalement concentrée sur la mutation possible de l’enseigne

Carrefour, notamment dans sa relation au client, et à la mission de répondre à la

question : « comment permettre à mes clients de répondre à leurs besoins, en sachant eux

aussi veulent profiter des opportunités de l’économie collaborative ? »

Toutefois, il aurait été intéressant d’envisager de manière un peu plus spécifique de

l’adoption d’un mode de gouvernance, de management lui aussi collaboratif au sein de

l’enseigne. Si cela peut paraitre secondaire, il me semble qu’il n’en est rien puisque

normalement une entreprise doit pouvoir en premier lieu s’appuyer sur ses collaborateurs

en interne, avant même de pouvoir s’appuyer sur ses clients.

Toujours dans le même raisonnement, je pense qu’une étude parallèle pourrait être

envisagée sur l’impact de l’économie collaborative sur le trade marketing et donc le BtoB.

En effet, rappelons que dans le modèle initial de la distribution les relations de l’enseigne

ne se limitent pas à celles qu’il a avec ses clients. C’est aussi avec ses fournisseurs que le

distributeur doit collaborer.

Il serait ainsi pertinent de réfléchir à la possible évolution des relations entre

l’enseigne et les marques, ou les producteurs grâce à la sharing economy. Ce raisonnement

me parait logique dans la mesure où plus les particuliers prendront l’habitude de consommer

collaboratif dans leur vie personnelle, plus ils consommeront collaboratif dans leur sphère

professionnelle. De la même façon après avoir, redéfinit les codes de l’enseigne notamment

vis-à-vis de ses consommateurs, la grande distribution devrait envisager de redéfinir

également les codes liés au marché du BtoB. Toujours dans l’optique de faire bénéficier des

atouts de la sharing economy à savoir : simplicité, rapidité, prix, synergies…

Page 102: Retail & Sharing Economy

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ANNEXES

Page 103: Retail & Sharing Economy

103

BIBLIOGRAPHIE

ARTICLES JOURNALISTIQUES

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http://www.liberation.fr/economie/2013/06/09/les-grandes-marques-investissent-l-espace-communautaire_909432

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104

OUVRAGES

Novel, A. S., & Riot, S. (2012). Vive la corévolution!: pour une société collaborative. Alternatives. Gansky, L. The Mesh: Why the Future of Business Is Sharing, Portfolio Penguin, New York, 2010. Na França. Rifkin, J. (2000). L'âge de l'accès: la révolution de la nouvelle économie. Ed. La Découverte. Botsman, R., & Rogers, R. (2010). What's Mine Is Yours: The Rise of Collaborative Consumption. New York, NY: HarperBusiness. Don Tapscott , Anthony D. Williams : Wikinomics: How Mass Collaboration Changes Everything, 2006, Portfolio / en français : Wikinomics : Wikipédia, Linux, YouTube... Comment l'intelligence collaborative bouleverse l'économie , 2007, Pearsons Education France.

SOURCES DIGITALES

T.Strickler - F. Calzada, COLLABORATIF & RETAIL, http://www.slideshare.net/AltaviaWatch/collaboratif-et-retail-altavia-watch-juin14 N. Gorenflo, Et si la grande distribution accélérait la croissance de la consommation collaborative ? http://magazine.ouishare.net/fr/2012/10/grande-distribution-consommation-collaborative/ K. Helminger, Economie de partage ne rime pas forcément avec altruisme, http://www.atelier.net/trends/articles/economie-de-partage-ne-rime-forcement-altruisme_434263 B. de Fontgalland, Comment l’économie collaborative bouscule les business models, http://www.businessmarches.com/comment-economie-collaborative-bouscule-business-models/ J. Owyang, C.Tran et C. Silva, The Collaborative Economy, http://www.slideshare.net/Altimeter/the-collaborative-economy

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INTERVIEWS

Interview Mickael Palvin

Entretien passé chez Publicis K4 le 22 avril 2015 à 18h30

Durée de la conversation : 40 minutes

Parcours de l'interviewé

Depuis 6 ans Directeur du Planning stratégique chez Publicis K4, Mickaël Palvin a

commencé sa carrière en 2001 au sein du groupe BBDO, pendant 8 ans, avant d’exercer

brièvement chez Mc Cann. Il a travaillé sur les problématiques de marques Auchan, Ikea,

Mercedes, Thalys, Sony, Kadeos et Carrefour. Aux commandes du planning stratégique de

K4, cellule dédiée au 2ème distributeur mondial, Carrefour lui doit l’évolution de son

positionnement, notamment en adoptant le claim “J’optimisme” lancé en janvier 2015.

1- Selon vous, quels sont les enjeux liés à la Sharing Economy pour les GSA ? Se

doivent-elles d’intégrer le système collaboratif ? Et Pourquoi?

Si les enseignes veulent faire face au phénomène de désintermédiation qui

accompagne celui de la sharing economy, elles se doivent de travailler la confiance surtout

avec leurs clients mais aussi avec ceux qui ont d’ores et déjà abandonné le circuit dit

traditionnel. Les enseignes de grande distribution peuvent répondre aux freins liés à

l'économie collaborative et donc au peer to peer. Les magasins sont la garantie à la fois

d'un véritable SAV, d'une assurance après achat, d'un niveau de qualité… ça c'est une

opportunité pour les distributeurs parce qu'aujourd'hui beaucoup de français restent frileux

Page 106: Retail & Sharing Economy

106

à franchir le pas vers la consommation collaborative, même si la démarche leur semble

positive.

Mr Bricolage qui a récemment lancé sa plate-forme « Ca dépanne » a tout à fait

compris cela. C'est une plate-forme sur laquelle des paires se rencontrent, s'échangent des

services des biens et qui se sentent rassurés et en confiance dans la mesure où il savent

que Mr Bricolage est derrière. Ils savent qu'ils ont quelqu'un vers qui se tourner en cas de

soucis. Ce magasin joue donc la carte de l'acteur de proximité, en rappelant qu'il met en

relation des gens « près de chez vous » mais que les magasins partout en France restent

également là pour eux.

Un des enjeux principaux pour entrer dans la course à la démarche collaborative,

très en vogue en ce moment, est certainement la question de notoriété. Il s'agit d'un enjeu

de tendance, de modernité. En s'associant avec ces start-up portant les innovations

collaboratives d'aujourd'hui, les enseignes ont le moyen de rajeunir leur image mais aussi

leur cible, sachant que la sharing economy est très tendance vis à vis des jeunes.

Il est aussi question de business forcément. Prenons le cas Amazon, aujourd'hui 60

% de son chiffre d'affaires provient de sa marketplace, sa plate-forme mettant en relation

clients et marques alternatives ou entre individus. Les GMS doivent être conscients que le

trafic pourra toujours se créer ailleurs que sur leurs sites s'ils ne font rien. Il faut donc

ramener ce trafic sur leur site à eux.

Supposons que Carrefour mette en place ce principe de plate-forme, on peut

imaginer que l'enseigne puisse prendre une commission sur les produits échangés, il s'agit

là d'un commerce indirect. En venant « troquer » la personne peut en profiter pour acheter

quelque chose en plus ou alors consommer autre chose. Les enseignes peuvent s'appuyer

sur le phénomène de « complétude » qui engendrerait une hausse du panier moyen de leur

client, que ce soit en produits neufs ou d'occasion.

Pour récapituler il est donc question d'image et de modernité mais aussi d’un enjeu

d'efficacité (dans le sens où les enseignes ont besoin d'être efficace rapidement en allant

chercher les compétences là où elles sont, c'est à dire chez les start-up). Enfin, c'est un

enjeu business, plus j'offre de services telle qu'une plate-forme collaborative plus le client

fréquentera mon magasin (en physique ou on line) et surtout, moins il se verra aller voir

ailleurs.

Page 107: Retail & Sharing Economy

107

2- Le modèle économique propre à la distribution est-il en mesure de s'intégrer dans

cette économie, plus participative? N'est-ce pas une pratique propre aux start-ups comme

nous pourrions le penser (Blablacar, Airbnb)?

A l'époque, « les anciens », les gros distributeurs comme Auchan ou E.Leclerc ont

créé leur propre modèle, ça c'était il y a 50/60 ans. Les plate-formes de sharing, les

nouveaux modèles qui se créent maintenant, ça ils ne savent pas faire, et c'est normal. C'est

l'affaire des start-up ceux sont elles qui en tant que électrons libres qui ont créé ce style

d'initiatives collaboratives. La modernité, l'innovation ne vient pas des anciens. Ce n'est pas

l'inventeur du train qui a créé la voiture. Donc oui les acteurs de la distribution peuvent

s'intégrer mais surtout ils le doivent. Et pour cela, ils ont plus vite fait de s'associer à ces

start up innovantes que de chercher à les créer eux-mêmes. Pourquoi se ralentir à tenter

de créer nos outils alors qu'il en existe déjà qui sont très compétents.

3- Selon vous, jusqu’où un distributeur comme Carrefour, peut-il centrer son activité

sur le consommateur rendre son client acteur de sa marque, comment le rendre «

consom'acteur » ?

Jusqu'où peut-on aller ? Loin, très loin. Les exemples sont multiples, entre ce qui

concerne les projets et initiatives comme My Starbucks Idea qui donne la possibilité aux

clients de partager leurs idées, leurs projets, pour les aider, les mettre en contact avec des

gens qui pourraient les soutenir. Ou encore les actions au niveau des produits, tel que

Mercadona, c'est un concurrent de Carrefour en Espagne, Ils ont crée le concept de « client

tablier », il déguste, teste, note les produits et dans un sens ça leur permet de participer à

l'élaboration des produits. Dans la même démarche, ASDA (filiale de Walmart au UK), a

créé la gamme de produits « Chosen by you », les client participent au processus de création

du produit. On peut tout à fait parler de co-élaboration plus que de collaboration. En effet,

l'avis des clients peut amener un produit à être déréférencé mais surtout d'être retravaillé

pour être amélioré.

L'objectif est de répondre aux attentes des consommateurs, l'objectif reste le même

depuis que le marketing existe. Les nouvelles technologies facilitent largement ces

phénomènes de collaboration. Les enseignes n'ont plus besoin « d'espionner » les

consommateurs, les clients. Aujourd'hui, elles ont la possibilité de communiquer directement

avec eux c'est un gain de temps considérable, ce qui permet plus d'efficacité.

Faire intervenir le client sur le prix par contre ça me semble très compliqué. Je pense

que les enseignes qui aujourd'hui font cette tentative ne peuvent le faire que de manière

Page 108: Retail & Sharing Economy

108

exceptionnelle, pour moi c'est un effet de comm'. Darty l'a fait sur Twitter, l'idée en gros étant

« selon vous, quel devrait être le prix de ce produit pour que vous l’achetiez» ou « choisissez

votre prix », Coldplay aussi a lancé « Pay as you want » pour son dernier album pour moi

tout ça c'est de la démagogie. Il faut être réaliste intervenir sur le prix c'est très compliqué.

Il y a de nombreuses problématiques, notamment la marge, le trade etc, ce n'est pas si

facile. Les limites apparaissent rapidement.

Solliciter le consommateur c'est bien, mais encore faut-il qu'il intervienne sur des

éléments pertinents, sur des secteurs où son avis est important, et où il a un minimum de

compétences, c’est son discours d’usager qui nous intéresse le plus, sur le produit,

packaging... Attention, chacun a son métier. Concrètement 1 % des commentaires et

propositions des clients sont vraiment exploitables. Le prix, là, il est question de

compétences, les clients ne les ont pas, ce n'est pas leur rayon, il n'est pas question de

perception, c'est bien plus pointu.

Après en effet, la sharing economy c'est le moyen de pousser la gamification : en

rendant le client acteur de la marque. C'est un moyen de créer de véritables ambassadeurs,

et ça, ça a beaucoup de valeur, si les clients s'expriment positivement. Lorsqu'une enseigne

se dote d'une armée d'avocats, elle pousse à son maximum l'engagement que le client peut

avoir envers elle-même. Et pour cela, les clients ont besoin de récompenses. Les écouter,

les faire participer à l'élaboration des produits, c'est une forme de récompense. Une fois que

les clients sont engagés dans une marque, ils peuvent devenir des vendeurs de notre

marque.

4- Comment les GSA peuvent se rendre indispensable pour autre chose que pour les

produits de premières nécessités ?

Je pense qu'une enseigne comme Carrefour peut donner l'illusion de créer une

intermédiation finalement au nom de la désintermédiation. Les français s'éloignent des

grandes enseignes, il y a une véritable volonté de s'adresser directement aux producteurs,

ils ne veulent plus passer ses géants distributeurs. L'objectif c'est continuer à jouer le rôle

d'intermédiaire mais différemment. Donc comment rester proche de son client ? En

regagnant en proximité, en maillage. Il est important de se recentrer sur les enseignes en

local, aujourd'hui il n'est plus suffisant de mettre le paquet sur l'enseigne au national, les

gens s'intéressent à ce qui les concerne directement près d'eux, à côté de chez eux.

Je pense que Décathlon a tout compris, avec son Trocathlon, elle garde un lien avec

son client en plus de sa relation initiale. Pour autant, il n'est pas juste question du côté

Page 109: Retail & Sharing Economy

109

solidaire, responsable etc, il faut savoir qu'ils ont mis en place une monnaie d'échange et

c'est ça l'important : le business. Il s'agit de bons d'achat à dépenser dans le magasin. Il est

bien question d'enjeux de proximité , la personne va venir dépenser dans le magasin proche

de chez lui.

Les grands distributeurs s'ils ne veulent pas se faire devancer, se doivent de garder

les clients captifs, ils doivent agir dans la quotidienneté et à proximité de leurs clients. L'idée

c'est d'ajouter autre chose que le moment d'achat habituel en donnant la possibilité au client

d'échanger avec d'autres. Pour cela, la clé reste de mixer le physique et le virtuel. Puisqu'au

bout d'un moment il y a bien une rencontre physique. Et c'est à ce moment là que les

grandes enseignes, qui sont la plupart du temps présents un peu partout sur le territoire,

ont un véritable avantage : l'association entre la notoriété, les compétences et le suivi...

Entrer dans la sharing economy, pour la grande distribution c'est agir défensivement,

pour ne pas se voir doubler par le futur Airbnb de l'alimentaire et du commerce de

proximité…Travailler sa relation client, son positionnement et son image, c'est important.

C'est en fait un raisonnement en termes de Life Time Value, qui peut redorer l'image

d'une marque et non pas uniquement en termes de chiffre. La question que se pose

réellement les clients c’est : « Quelle enseigne est présente pour moi à tout moment et

répondant à mes différents besoins ?» plus que « Quelle est la plus grosse enseigne de

distribution ? » Une enseigne telle que Carrefour qui, finalement est perçue de manière

assez froide (multinationale qui ne cherche que le chiffre) peut, avec la sharing economy

montrer qu'en faisant ça, ils n'ont rien à gagner, qu'il s'agit d'un service gratuit (si on laisse

tomber l'idée de la commission). C'est de cette façon qui peuvent aller chercher ceux qui ne

venaient pas ou plus en magasin et finalement disposer d’une image d’enseigne moderne

et proche de ses clients.

Page 110: Retail & Sharing Economy

110

Citation 1 :

Mr Bricolage qui a récemment lancé sa plate-forme « Ca dépanne » a tout à fait

compris cela.(...) Ce magasin joue donc la carte de l'acteur de proximité, en rappelant qu'il

met en relation des gens « près de chez vous » mais que les magasins partout en France

restent également là pour eux.

Citation 2 :

L'objectif c'est continuer à jouer le rôle d'intermédiaire mais différemment. Donc

comment rester proche de son client ? En regagnant en proximité, en maillage. Il est

important de se recentrer sur les enseignes en local, aujourd'hui il n'est plus suffisant de

mettre le paquet sur l'enseigne au national, les gens s'intéressent à ce qui les concerne

directement près d'eux, à côté de chez eux.

Mon avis :

Dans le discours de Mickael Palvin, l’élément le plus important reste le chiffre

finalement. Certes, il évoque la question d’image, mais il réfléchit en tant que 2ème

distributeur mondial. Je veux dire par là, qu’il n’est pas question de penser à une évolution

en profondeur du modèle propre au retail. Selon lui, c’est acquérir les compétences et faire

en sorte que cela deviennent positif en termes d’images et de chiffre pour son enseigne. Il

s’agit bien de laisser faire ceux qui savent faire, à savoir les start-up, pour lui, c’est donc

acquérir leurs compétences, en faisant en sorte qu’ils travaillent/ collaborent avec une

enseigne.

Je pense que la réflexion “interne” au monde du retail reste assez superficielle. Même

si on sent une volonté de se plonger dans ce phénomène si tendance, il ne s’agit que d’une

stratégie marketing mise en place à un moment donné mais c’est ce que tout le monde fait.

Collaborer oui mais si je suis plus gagnant qu’eux (les clients, consommateurs…)

Page 111: Retail & Sharing Economy

111

Interview Pascal Verwaerde

Entretien téléphonique passé le 08 avril 2015 à 19h30

Durée de la conversation : 54 minutes

Parcours de l'interviewé

C'est en se rapprochant de l'organisaiton Ouishare que P.V s'est intéressé au

phénomène de sharing economy. Il effectue un tour du monde, dans l'objectif de constater

comment les différentes sociétés et entreprises se sont intégrées dans l'économie

collaborative. Il y suit à la fois des TPE voire des start-ups et de plus grosses entreprises.

Cette expérience lui permet d'envisager les ponts possibles entre ces deux échelles.

Aujourd'hui, P.V est devenu responsable du secteur Retail de Ouishare.

1- Le modèle économique propre à la distribution est-il en mesure de s'intégrer dans

cette économie, plus participative?

Aujourd'hui on tend à dire que l'économie collaborative est aux antipodes du modèle

du retail et je suis le premier à le penser, le business model étant très particulier dans la

distribution. En effet, je ne pense pas que la distribution puisse s'intégrer directement au

fonctionnement participatif, pour autant, on ne peut pas nier ou minimiser l'impact qu'à le

phénomène de la sharing economy sur le secteur de la distribution. Aujourd'hui les individus

se substituent aux entreprises, en cela, le modèle économique de ces entreprises se

retrouve impacté. Ces individus, entre eux, se donnent accès mutuellement à des biens des

services, et parfois même fabriquent et donc répondent eux-mêmes à leurs besoins, alors

que les entreprises vendent « uniquement » la propriété d'un bien. Il s'agit en fait d'un

transfert de propriété de l'entreprise à celui qui paie pour avoir le statut de propriétaire. On

a bien deux modèles qui ne vont pas dans le même sens. Là, je parle bien de l'économie

Page 112: Retail & Sharing Economy

112

collaborative dans ce sens là (transactions et créations de valeurs), attention quand on parle

d'économie collaborative on ne parle pas que de la consommation collaborative, ça en fait

partie mais il n'y a pas « que » ça. Je pense important de revenir sur les piliers de l'économie

collaborative :

1/ la consommation collaborative

2/ le développement, la production collaborative (fablab)

3/ le financement collaboratif

4/ opensource des connaissances, des logiciels…

je ne l'inclus pas dans les piliers fondamentaux de l'éco co mais aujourd'hui on parle

aussi d'un mode de gouvernance participatif (managérial voire parfois politique).

Pour revenir à ce que je disais tout à l'heure, en fait je ne dis pas que le modèle de

la distribution ne peut pas s'intégrer à l'économie collaborative mais c'est surtout que ça ne

se fera pas du jour au lendemain, il s'agit d'un très long processus. Mais l'impact réel sur

les entreprises est visible. Il y a de leur part, une prise de conscience dès la conception des

produits, elles savent que les produits qu'elles vendent aux particuliers ont une vie après le

passage en caisse, la durée de vie de leur produit doit changer.

Les distributeurs doivent tenter de l'intégrer à leur manière, comme ils le peuvent.

Aujourd'hui ces initiatives restent assez peu nombreuses parce qu'ils perçoivent l'économie

collaborative avec leur prisme d’analyse de géant. Concrètement ils se disent « désormais

je vais devoir partager mon gâteau, au lieu de vendre 100 perceuses, je n'en vendrais que

10 et les gens se l'échangeront entre eux, donc je ne suis que perdant dans cette histoire »

Ce raisonnement reste très limité selon moi, ce n'est pas parce que les gens achètent

moins qu'ils consomment moins. Prenons l'exemple des « CD »: avant on en achetait un

par mois aujourd'hui on n'en achète plus certes, mais on en loue plus qu'un par mois.

Finalement on constate une augmentation du budget de consommation parce que les gens

ont désormais accès à plus de choses. Et cela, les gros distributeurs ont encore du mal à

l'intégrer. Avant ils avaient le monopole de la rareté des produits, mais aujourd’hui c'est

fini...Aujourd'hui ils pourraient donc s'adapter à cette nouvelle façon de consommer en

faisant en sorte de rester en contact avec leurs clients en leur donnant la possibilité de louer

non un seul mais plusieurs produits chez eux, des produits qui initialement n'étaient pas

forcément dans l'esprit du consommateur.

Page 113: Retail & Sharing Economy

113

Les distributeurs ont besoin de comprendre que l'économie collaborative leur donne

la possibilité de renouer du lien avec le citoyen, qui aujourd'hui est déçu par l’obsolescence

programmée des produits. Elle donne également l'opportunité de regagner la confiance de

tout ceux qui se sont éloignés des GMS. Avant, il y avait changement de relation à partir du

moment où le client passé à la caisse, c'était entre guillemet le moment de la rupture.

L'économie collaborative donne le moyen aujourd'hui à ces distributeurs de garder un

contact permanent avec ses clients même après le paiement.

Je reviendrai dessus mais l'économie collaborative permettrait aussi de pallier la

perte d'argent de ces distributeurs qui paient leur trop plein de m² inutilisés.

L'économie collaborative va peut-être changer le business model du retail au long

terme mais d'un point de vue plus court terme, elle peut surtout influer sur la relation client.

Ce qui change c'est la durée dans le temps. Prenons l'exemple de Trocathlon, par cette

initiative Décathlon prolonge sa relation avec son client, il permet aussi de créer un cycle

permanent avec eux. Les gens achètent, bénéficient d'un SAV pendant leur phase

d'utilisation puis reviennent sur le parking de leur magasin pour troquer leur biens. Tout ce

temps Décathlon reste présent.

Aujourd'hui on mesure la puissance, l'importance d'une entreprise à son chiffre

d'affaire, demain on pensera en termes de Life Time Value en se posant la question «

combien de temps mon client a-t-il été en lien avec mon enseigne ? »

2- Selon vous, les GMS se doivent-elles d’intégrer le système collaboratif ? Comment

? (+/- Quels sont les enjeux selon vous ?)

La PDG de Castorama a dit ceci :« Se réveiller ou mourir ! Le retail a loupé la

révolution Internet. Il ne doit pas rater la suivante »

Comme elle l'affirme oui incontestablement, la distribution doit prendre le virage de

l'économie collaborative. Oui, parce qu'elle prend une ampleur sociétale, les clients vont

être influencés par ce phénomène, ils doivent donc faire face. Aujourd'hui plusieurs

enseignes ont mis en place des plateformes de cocréation (Décathlon, Leroy Merlin, Auchan

ou encore Casino…) Il faut se rendre compte à quel point il est très complexe de mettre en

place ce style de démarche au sein d'une entreprise. Ne serait-ce que d'un point de vue du

fonctionnement interne. Dans le cas d'un fablab, il y a coordination entre des agents de

l'extérieur (des clients, conso qui viennent apporter leurs idées ) et des agents internes à

l'entreprise, tels que des ingénieurs, des designers… et en cas de succès d'un produit, des

problèmes peuvent se poser. Les employés se sentent souvent lésés sachant que pour eux

Page 114: Retail & Sharing Economy

114

le succès d'un produit ne change rien à leur situation( par de primes ou autres) alors que la

personne x ayant apporté sa contribution à l'élaboration d'un nouveau produit, attend

quelque chose en termes de récompense (gratification ou autres). Ce genre de situation est

donc compliqué à gérer et n'a pas l'air d'être envisagé au préalable par les entreprises qui

n’incluent pas la totalité de leurs employés dans cette nouvelle démarche. J'ai pu observer

pas mal d'échec lors de ces tentatives.

Prenons l'exemple de « Troc’heures » la plateforme mise en place par Castorama.

Elle permet un échange d'heure de bricolage entre particuliers (un peu à la manière de

Taskrabbit). Cela a été un échec pour plusieurs raisons: pas d'implication des équipes en

interne (donc aucun intérêt porté à cette initiative). L'application, elle, était parfaite, intuitive

bien designé… mais il n'y avait pas de vie autour de ce nouvel outil. Projet collaboratif doit

rimer avec « communauté » c'est un élément indispensable. Il ne faut pas confondre «

communauté » et « fichier client », une communauté doit vivre. Il faut que quelqu'un fédère

une communauté autour d'un sujet, d'un projet, il est important de créer du lien. C'est cette

dimension qui est complètement ignorée par les grandes entreprises. Dans le cas cité,

Castorama, s'est contenté de créer le lieu physique, et ça ce n'est plus suffisant.

J'aime cette citation, je la trouve tout à fait juste

« Il est préférable d'avoir 100 personnes qui aiment mon produit que d'être connu par

100,000 personnes. » Tout se joue réellement grâce au bouche a oreille et ça, les

distributeurs ne savent pas faire. Quand il est question de notoriété ok mais quand il s'agit

de faire adhérer, d'impliquer là ils ne savent pas faire.

Les distributeurs doivent faire attention à toutes ces plateformes qui émergent autour

d'eux et qui se chargent d'échanger leurs produits entre les particuliers parce qu'en

vérité elles se substituent à la marque, et ceux sont-elles qui capteront le temps et l'attention

de leurs consommateurs, attention. Les distributeurs se doivent de multiplier leur temps en

relation avec le client, en maintenant le contact. Le danger pour eux, serait l'arrivée d'un

AirBnb du retail.

Page 115: Retail & Sharing Economy

115

3- Une étude CREDOC affirme que aujourd’hui, le client tend à prioriser non plus le

prix mais la valeur des services ou des produits qu’il consomme. Partant de ce constat,

selon vous, qu’est-ce qu’un distributeur de produits du quotidien peut-il apporter à son client

en termes de valeurs, de plus-value ?

Ou Selon vous, au-delà d’un bon rapport qualité/prix qu’est-ce qu’un client peut

attendre de son distributeur? Qu’est ce qui l’orientera aujourd’hui vers l’un plutôt que vers

l’autre?

Je pense qu'il s'agit principalement de 4 éléments :

- La sécurité en termes de transactions physiques par exemple, qui restent une

source de sécurité pour les clients. C’est aussi la garantie que peuvent assurer les grandes

enseignes (avec leurs techniciens en interne). Les gens se disent aussi que le lieu neutre

apparaît rassurant (pas chez moi, pas chez un inconnu). La question de la confiance devient

de plus en plus centrale avec l’économie collaborative.

- La transparence, puisqu’il y a un réel besoin de confiance de la part des

consommateurs. Système U avance sur cette voie, il tente de diminuer au maximum la

défiance que peuvent avoir les consommateurs. Platza (Carrefour) expliquait cela dans un

article pour LSA, il y a une réelle prise de conscience.

Malgré ça, on doit avouer qu’il est très difficile de changer la culture de la distribution.

- La disponibilité, que ce soit en vitesse de commande, en facilité d’achat. Bref

le choix se fait aussi sur ce genre de chose.

- La bienveillance, le consommateur souhaite avoir une autre relation avec son

distributeur, voir en lui autre chose qu’un attrape argent. Il cherche une enseigne qui par

exemple lui donne le droit de se tromper.

Aujourd’hui la logique des marques consiste à mettre en place des actions pour les

gens aiment leur marque et fasse confiance en la marque, demain l’objectif pour une

marque sera que, elle, fasse confiance à ses clients. Elles devront démontrer qu’elles font

confiance, le prouver… La confiance, c’est l’huile dans le moteur. Les clés doivent peu à

peu être données aux clients. (Leroy Merlin le fait, en travaillant le pricing avec ses clients,

Auchan aussi en donnant la possibilité aux gens de critiquer le vin sur place en magasin…)

4- Le positionnement “J’optimisme” lancé en janvier 2015, révèle la volonté de

l’enseigne de placer le client au centre de ses préoccupations. Selon vous, jusqu’où un

Page 116: Retail & Sharing Economy

116

distributeur comme Carrefour, peut-il centrer son activité sur le consommateur (customer

centricity) et ses attentes (en termes de valeurs, de qualité, de prix…) ?

C’est bien tout ça mais j’ai l’impression que l’intérêt est davantage porté sur les clients

plutôt que sur les consommateurs en général. Aujourd’hui les distributeurs ne regardent pas

les non-clients, alors que tout est là, il faut aller toucher ces non-clients. Regardez Air Bnb

la plupart des gens sont ceux qui n’allaient pas à l’hôtel. Il faut recréer du lien avec ces

déçus…

5- L’économiste Jeremy Rifkin annonce depuis plusieurs années “le déclin des

marchés au profit des réseaux”. A eux seuls, les grands de la distribution française comme

internationale constituent un des réseaux les plus riches et étendus. Ne pensez-vous pas

qu’à l’image des start-ups de plus en plus nombreuses aujourd’hui, ils seraient possible de

créer des marketplaces aussi important que ceux constitués par Airbnb ou Blablacar?

Attention on ne peut pas vraiment comparer, parce que ce n’est pas le même métier.

Pour la distribution c’est très compliqué de créer une marketplace. Prenons l’exemple de

B&Q du groupe Kingfisher , ils ont créé le FreeClub un outil génial pour autant ça a été un

flop. Les plateformes de ce style vont fleurir en masse mais le soucis c’est que les marques

n’ont pas le raisonnement qui vont avec. Elles font un passage en force, elles créent l’outil

avant les communautés et ça ça ne peut pas fonctionner. C’est la communauté qui crée

l’offre. C’est un système donnant-donnant le consommateur veut bien contribuer, s’il sent

un retour (une preuve que la confiance est là).

N’empêche la distribution a les moyens de créer ces plateformes d’échange, elle peut

même le faire en physique. C’est l’opportunité pour elle d’exploiter ses m2 laissés à

l’abandon, créer des tiers-lieux comme le disait Antonin Léonard pourquoi pas y installer

des fablab ou encore donner de l’espace pour les producteurs locaux…il y a des choses à

faire. Tout ça permet de recréer du trafic en magasin sachant que les promos ne sont plus

les seuls arguments de vente.

La grande distribution doit penser à long terme tout en agissant dès aujourd’hui,

parfois un modèle économique peut basculer rapidement.

Page 117: Retail & Sharing Economy

117

6- Que pensez-vous de l’initiative de Leroy Merlin de créer des fab-labs, initiative

habituellement portée par des start-ups?

Leroy Merlin prend le virage de l’économie collaborative avec son fablab. Dans

l’article « Leroy Merlin se paie les labos citoyens » Michel Forgeon Directeur d’Achat d’Adeo

(groupe de LM) explique le processus qui les a amené à aller dans ce sens. Que les grands

distributeurs se mettent à créer ça, c’est une bonne chose. Ils répondent à la problématique

de développement durable, on répare plutôt que de jeter. On donne également le choix au

client de créer les petites pièces qui lui manquent pour réparer son objet plutôt que d’en

racheter un autre. Il y a un grand pas en avant sachant que toucher à des produits existants

c’est en fait mise à disposition les plans de construction des produits donc en Opensource.

Tout cela permet de créer du trafic en dehors du seul besoin d’aller faire ses courses. Ça

permet de renouer du lien avec des gens qui ne viennent plus et aussi toucher une nouvelle

clientèle.

A Angers, un fablab avait été créé, il a pu perduré dans le temps car un client s’y est

vraiment intéressé et attaché et s’est chargé d’animer la communauté autour de ce fablab.

Il animait l’espace et s’est approprié le rôle d’animateur, c’est ce qui indispensable pour ce

genre de plateforme physique comme digitale.

Les distributeurs ont le chance de pouvoir se faire rencontrer des individus extérieurs

et internes à l’entreprise en un tiers-lieux où chacun peut apporter sa pierre à l’édifice. C’est

une réelle opportunité.

Page 118: Retail & Sharing Economy

118

Citation 1:

Aujourd'hui on mesure la puissance, l'importance d'une entreprise à son chiffre

d'affaire, demain on pensera en termes de Life Time Value en se posant la question «

combien de temps mon client a-t-il été en lien avec mon enseigne ? »

Citation 2:

Projet collaboratif doit rimer avec « communauté » c'est un élément indispensable. Il

ne faut pas confondre « communauté » et « fichier client », une communauté doit vivre.

Mon avis:

Cette interview était très riche et intéressante. Pascal Verwaerde ayant vécu une

partie de sa vie professionnelle au sein d’enseignes de grande distribution ou de distribution

spécialisée, il s’agissait bien d’une perspective de connaisseur. Il a pris soin de soulever,

les possibilités mais aussi les freins du modèle collaboratif en s’arrêtant sur des points qui

jusque-là n’ont pas forcément été évoqué dans les ouvrages traitant de la question.

Cette interview me permet également de poser des questions telles que: “suffit-il de

mettre en place des plateformes collaboratives ?”, “Que signifie réellement collaborer?

S’agit-il seulement de mettre en relation des tiers pour qu’ils puissent collaborer entre eux?

Quel est le rôle les entreprises doivent-elles/ peuvent-elles jouer?”

Page 119: Retail & Sharing Economy

119

Speech de Jeremiah Owyang

Conférence Share

https://www.youtube.com/watch?v=rgf8w2a5YIk

SHARE est une conférence de deux jours présentée par les pairs et SOCAP (Social

Capital Markets) qui sont à même de contribuer et d’accélérer l’essor de l'économie de

partage . Cet événement réunit influenceurs de sociétés, de gouvernements , startups,

comme association à but non lucratif ainsi que des dirigeants de l'économie de partage pour

apprendre, entendre de nouvelles idées, et trouver de nouveaux collaborateurs sur la route

de la nouvelle économie .

Parcours de l'interviewé

Jeremiah est Chief Catalyst et fondateur de Crowd Companies, qui se concentre sur

la façon dont les grandes entreprises exploitent l'économie collaborative, le mouvement de

foule, et la collaboration de la clientèle. Avant, il était un analyste de l'industrie et partenaire

de la stratégie à la clientèle au Altimeter Group. Il se concentre sur comment les

technologies Web telles que les médias sociaux perturbateurs, l'économie collaborative, et

la commercialisation impactent le comportement des sociétés, des clients aujourd'hui et à

l'avenir. Son blog, "Stratégie Web" est l'un des premiers blogs traitant de la façon dont les

entreprises se connectent avec leurs clients en utilisant des technologies digitales.

Page 120: Retail & Sharing Economy

120

Conference leader:

Next up is the man who has an uncanny knack for being ahead of the curve but is

unique in his ability to help companies in industries make sense and how to navigate the

road ahead please join me in welcoming crowd company's founder Jeremiah Owyang

Franklin

Jeremiah Owyang Franklin

I want to take on a tough job I wanted to work with the generals as Lisa pointed out

and hopelessness word who yes not looking okay great so I'm here to give a different

perspective on the peer to Peer and hopeless rethink reimagine in a world where not just

peers are sharing but also when large corporations the generals our part in this movement

I'm the founder of crowd companies

when association that works with the Fortune the largest brands in the world and

we're trying to teach them show them how to share and how to make with us the people.

Let's take a look for them struggling with that the clicker here menu click for me alright the

collaborative honey I'll tell you one o'clock that will be fine the Clavinova economy was quite

Ford is it really peer to peer I and and the question is if this is truly peer to peer how we

sustain for the long term.

Here this is a honeycomb and in nature honeycombs are one of the most resilience

structures that can withstand a great deal away and they're also very efficient there's no

waste there's no gaps every little tiny pieces used and in a honeycomb lots a people can

use it access and activity collaborate the resources right in high-income it's a powerful

structure its my Ford but how do we unlock how we can all work together in this honeycomb

and and one other wonderful things that this organization is done is printed out this honey

Commonwealth walk through it and today's presentation there's two hundred copies down

on the desk which you can take now this isn't incomplete image it doesn't have all the

components in our economy but it has some of the key elements moving forward I like to

thank a number folks who contributed such as the ongoing for Lisa gansky Mike Walsh

Sherman who is about to join me on stage and a number of other folks including doctor

alexander Samuel who's here in the audience now in the center of our economy it's about

the people and what are the challenge.

That's right let your will the people a now one of the interesting things in the council

that we try to do with executives from the largest corporations as they cannot use the word

Page 121: Retail & Sharing Economy

121

“consumer” that's right I don't let corporate executives say “consumer” in the council

instead we have to come up with other words empowered people “makers” “crowd funders”

“hosts partners” people humans so very friendly the way we're thinking about this because

the crowd us the

community are becoming very empowered our own right moving forward here six

different verticals which we're seeing in this new space and a walk to reach them and give

examples button to show how people are using goods they also show how corporations are

also part in this space.

The first one goods now there's a couple things happening here there's use goods

which can be shared and marketplaces like you'll we're also seeing rental models emerge

like play I use play red legos for my daughter and we're even seeing custom made goods

from the maker movement.

Now two examples, the first example course are moving forward is your door endured

allows anybody to share aluminum siding or anything from that on using your house but now

we're also seeing corporations learning how to share products that move forward for

example Patagonia encourages their own customers to buy and sell their own use cuts now

why would you do that well there's three reasons why company would do that one is it shows

that they are committed to their mission on sustainability to chose that they have durable

goods and three indicates they have a thriving community around the brand C corporations

companies they're learning how to share good. the next one is about food, early any food

starts here working on food sharing and that few iraq so we're seeing a lot of things on

shared food or even shared food prep.

Next example, SLE, where people's homes are becoming restaurants now we don't

see any corporations in this space. We're seeing companies like Walgreens partner with the

crowd to deliver consumable items like pharmaceutical goods sourcing corporations partner

with the crowd to extend the promise and the brand delivering things that people need when

they're sick let's take a look at the next example next is services we see two kinds there's

personal services there's business services let's take a look at some examples it's the cart

deliveries grossed groceries when you need it fantastic peer to peer model. Now how

companies are now part in this? you may not have heard this example is relatively new coca-

cola is now encouraging their own customers to be like employees and help participate in

experience work now locally as a new app that Coke has launched and when you have an

I we have midle time and you might be going shopping might be going home depot and you

can open your phone citizen test three DO after you do this you can do this task you can

Page 122: Retail & Sharing Economy

122

see other any shells that have come products that need to be stock to resist in this model

customers an employee start to look the same the redefining exactly the new relationship

Coke has entered the space.

Learning how to share services let's take a look at the next one alright moving around

transportation we see car sharing me see ride sharing is other variants emerging one

example that you might be familiar with moving forward courses left but the corporate

example on the next slide we're seeing a number of them certainly Ford is provided

discounts to over drivers were seeing that BMW has drive now there's a lot right across the

street be sure to check that out but one example that stands above all the others is pure

Joe's meal program and in the new program is actually membership program where you

have access as these against US stocks in up purses ownership over cars CarShare

bicycles scooters even buses things they don't even make a big brand is learning how to do

access over ownership so we can focus on what's important to us getting to your destination

be efficient with resources let's report alright.

And here we have another example here this is space there's personal space and

business space let's take a look at the example we might now airBnB including tree houses

for rent and now we're seeing that corporations are also learning how to share space on the

next example Marriott launched a coworking spot in Seattle redmond and also in Chicago

called work spring and experimenting how people what access over ownership business

space they've redefined lobbies into something different looks like an office space is courting

spot uses him furniture hotels are learning how to share things beyond their beds but also

just their truck lobbies in a different way.

So let's move to the last example money we see peer to peer lending we see

crowdfunding and we're even seeing new forms of crypto currency people are creating your

own currencies to get what they need from each other let's take a look at some examples

as anybody find anything on Kickstarter a few people and what is amazing is the Pebble

watch funded and built by the crowd beat Samsung and Apple to the market just think about

that for a second the crowd be happened to the market for new digital watch and we're

seeing companies this one will blow you away let's move to the last example even

corporations like U Haul are getting into crowdfunding and their name in the crowd to find

different parts of the tracks for the trucks and you get a dividend now why would a company

a corporation tapped the crowd for crowdfunding well a couple reasons one is they can set

the terms that might be Lauren you bypass the bank people and the corporation working

Page 123: Retail & Sharing Economy

123

directly more efficient never till crowdfunding is the highest form above loyalty because you

have shared destiny with those people who invested in your products okay moving forward

at the very top you can see how crowdfunding and custom goods are related that's why

they're strategically position in this document the maker movement is part this collaborative

economy there's many pieces to it but the the overall trend here is that people are getting

what they need from each other let's go forward as anybody read to a recent report the

publisher doctor Alex raise your hand call sharing is a nearby at a few hands we sampled ,

people general population and over and she's not talk about her pal and how they share

and you can see the behaviors here we listen to all of them except for the food aspect and

we found out that aside from good sharing which is dominated even Craigslist the rise in this

market the sharing economy climate of Connie as around single-digit adoption with a very

start as Lisa talked about the first innings in this space and we asked them how we use

these in the next months and we found out that the adoption is gonna double it's rare that

we see such amazing growth.

Let's not look at the next line uncharted the frequency of help companies are learning

how to share and this is the adoption rate by frequency band month and you can see is

startling uptick up into the right companies also want to share and are doing it move forward

so I'd like to offer a definition that is probably not one that everyone will agree about I'm open

to the dialogue let's click for the collaborative economy is a new economic model where

creation ownership access a shared between people and corporations a new type

partnership that we haven't seen before let's go for if you like the slide you can find them on

my blog I just put them up and a close things out with the some final five points let me

summarize looking for number one the core the sharing of the climate economy is always

about people number two but to make it sustain and we'll hear about this throughout the

conference we have to engage governments and regulators and corporations to number

three corporations need to change significantly they must still products that can be shared

and are designed to last not built for obsolescence number four it means they also have to

embrace a market place's amuse goods and services and people in our time as well and

then lastly crowds in companies to work together for new business value a new type a

relationship is starting to come aboard.

Page 124: Retail & Sharing Economy

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Citation 1:

“Crowdfunding is the highest form above loyalty because you have shared destiny with those

people who invested in your products okay moving forward at the very top you can see how

crowdfunding and custom goods are related”

Citation 2:

“There's three reasons why company would do that one is it shows that they are committed

to their mission on sustainability to chose that they have durable goods and three indicates

they have a thriving community around the brand”

Mon avis:

On a ici une description du “terrain” sur lequel peut évoluer l’économie collaborative.

Jeremiah Owyang prend le parti de considérer l’économie collaborative comme viable dès

lors où tous les secteurs intègrent ce modèle. Il ne se limite pas envisager les start ups qui

proposent des initiatives collaboratives mais également, et selon moi c’est ce qui est

important, les grandes entreprises qui cherchent à s’adapter à ce modèle. Pour donner la

possibilité à l’économie collaborative de s’imposer comme un schéma économique viable,

elle ne doit pas rester alternative mais bien bousculer les entreprises existantes.