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AFP Le Parti de gauche fait monter la cote d’Eva Joly Draguée par le mouvement de Mélenchon, l’ex-candidate EE-LV à la présidentielle en profite pour s’assurer une place de choix sur les listes écologistes aux européennes de 2014. PAGE 8 Usain Bolt, le sprint en tête Le Jamaïcain a remporté, hier aux Mondiaux de Moscou et sous la pluie, un nouveau titre sur 100m, en 9”77. PP. 16-17 7 2002 ET SI RAËL AVAIT RÉUSSI LE CLONAGE HUMAIN TOUT L’ÉTÉ, «LIBÉ» RÉINVENTE 40 ANS D’ACTUALITÉ CAHIER CENTRAL Syrie L’horreur à huis clos Rébellion éclatée, jihadistes omniprésents, patrimoine dévasté, témoins étrangers écartés… Al-Assad poursuit son massacre. PAGES 2-5 A la morgue de Raqqa, samedi, dans le nord de la Syrie. PHOTO ALICE MARTINS. AFP 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION N O 10029 LUNDI 12 AOÛT 2013 WWW.LIBERATION.FR IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats-Unis 5$, Finlande 2,70 €, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €, Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays-Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

Liberation . Syrie

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Page 1: Liberation . Syrie

AFP

Le Parti de gauchefait monterla cote d’Eva JolyDraguée par le mouvementde Mélenchon, l’ex-candidateEE-LV à la présidentielle enprofite pour s’assurer une placede choix sur les listes écologistesaux européennes de 2014.

PAGE 8

Usain Bolt,le sprint en têteLe Jamaïcain aremporté, hieraux Mondiauxde Moscou etsous la pluie,un nouveau titresur 100m,en 9”77.PP. 16­17

72002ET SI RAËL AVAIT RÉUSSILE CLONAGE HUMAINTOUT L’ÉTÉ, «LIBÉ» RÉINVENTE 40 ANS D’ACTUALITÉCAHIER CENTRAL

SyrieL’horreuràhuisclos

Rébellion éclatée, jihadistesomniprésents, patrimoine dévasté,

témoins étrangers écartés…Al-Assad poursuit son massacre.

PAGES 2­5

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• 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO10029 LUNDI 12 AOÛT 2013 WWW.LIBERATION.FR

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,70 €, Grande­Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €,Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays­Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

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Ni l’armée ni les rebelles ne parviennent à prendre un avantage militairedécisif dans le conflit. Sur le plan diplomatique, la situation est gelée.

La longue agoniedu peuple de Syrie

Par ALEXANDRASCHWARTZBROD

TémoinDans une guerre civile,le personnage clé, c’estle témoin. Lui seul peutraconter l’horreur sansêtre soupçonné departialité. Lui seul peutempêcher de laisser direun jour à ceux qui auraientpu intervenir : «Nous nesavions pas.» En faisantrégner la terreur,en libérant dès le début dela rébellion des jihadistesprêts à tout, en laissantproliférer des groupescriminels qui ont fait del’enlèvement une industrieprospère, le régime deDamas est parvenu à sesfins: tarir le flot de tousceux qui voulaientapporter de l’aide(humanitaires,diplomates) ou témoigner(journalistes), couper laSyrie du monde afin derégler le problème seul,sous le regard bienveillantd’un Poutine ragaillardipar cette occasioninespérée de peserà nouveau sur le(dés)équilibre de laplanète. A force d’êtrevidés de tout bruit et detoute lumière, de résonnerdans le vide et de tomberdans l’oubli à peineprononcés, les mots, surce conflit, ne veulent plusrien dire. «En Syrie,il se commet un crimecontre l’humanité et lespuissances occidentalesy ont une grande part deresponsabilité [car] la non-assistance à un peuple endanger est un crime», nousdisait en avril le chercheurGilbert Achcar. Quel chefd’Etat, de l’ONU ou de laCommission européenne,s’est levé depuis, pour direqu’il n’acceptait plusl’intolérable? Personne.Le pire serait pourtant dese résigner. C’est pourquoinous avons choisi dedonner la meilleure placeau témoignage accablantde Donatella Rovera.

ÉDITORIAL

A Rakka, dans l’est du pays, samedi. La seule grosse ville entièrement contrôlée par les rebelles a été bombardée par les avions de l’armée loyaliste. PHOTO NOUR FOURAT.

100000C’est, au minimum selon l’ONU,le nombre de personnes tuées enSyrie depuis le début de la révoltecontre le régime, en mars 2011, avecune contestation pacifique qui s’estvite transformée en guerre civile.

LA VILLE DE RAKAA BOMBARDÉEAu moins 13 civils, dont sept enfants, ont péri samedidans un raid aérien sur la ville de Rakka, seule capitaleprovinciale aux mains des rebelles, selon l’Observatoiresyrien des droits de l’homme. Libérée en mars, la ville estdominée par l’Etat islamique en Irak et au Levant, affilié àAl­Qaeda. Un jésuite italien critique du régime, le pèrePaolo Dall’Oglio, y est porté disparu depuis début août.

REPÈRES «Sergueï Lavrov et moi ne sommespas toujours d’accord sur la Syrie,mais nos deux pays sont d’accordpour une solution politiquenégociée via Genève 2.»John Kerry secrétaire d’Etat américain, aprèsavoir rencontré son homologue russe, vendredi

LIBÉRATION LUNDI 12 AOÛT 20132 • EVENEMENT

Page 3: Liberation . Syrie

Par HALA KODMANI

L’ESSENTIEL

LE CONTEXTELa situation ne cesse de sedégrader en Syrie, tant au planhumanitaire que sécuritaire,affirme Donatella Rovera,d’Amnesty International. Etjusqu’au patrimoine architectural,peu à peu emporté par la guerre.

L’ENJEUL’objectif du régime est en passed’être atteint : empêcher l’entréede tout témoin étranger etcouper la Syrie du monde pourmieux maintenir son emprise.

Pour Donatella Rovera, d’Amnesty International,la situation sur le terrain empire mois après mois:

«Peu de zones sont horsde portée des canons»P arfaite arabophone, Donatella Rovera,

d’Amnesty International, vient de pas-ser un mois en Syrie dans les zones te-

nues par la rébellion.Quelle est la situation sur place ?J’ai été très frappée de la dégradation très ra-pide des choses par rapport à mon précédentvoyage, il y a trois mois. C’est vrai sur le planhumanitaire et encore plus en matière sécu-ritaire. Les enlèvements sont quotidiens,même si l’on n’en entend pas parler à l’exté-rieur, sauf quand il s’agit d’étran-gers. Ils sont aussi bien le fait degroupes criminels qui font sem-blant d’être politiques que degroupes politiques se finançantpar des activités criminelles. Desgroupes de miliciens liés au régimepénètrent aussi en zone rebellepour de telles opérations. On sent, en outre,une présence de plus en plus forte des grou-pes islamistes radicaux et les affrontementsentre eux et d’autres formations de l’opposi-tion, notamment les Kurdes, deviennent tou-jours plus fréquents. A cela s’ajoutent desbombardements quotidiens des forces du ré-gime. L’aviation et les hélicoptères opèrentmoins souvent, mais les tirs d’artillerie s’in-tensifient. Il y a très peu de zones hors deportée des canons et des missiles Grad.Que se passe-t-il à Alep ?La situation alimentaire et sanitaire y est trèsdifficile. Il n’y a pas d’eau et très peu d’élec-tricité. L’essence qui permet de faire tournerles générateurs est de plus en pluschère et j’ai vu son prix augmenterde 50% en dix jours. La ville esttoujours divisée en deux. Même s’il est im-possible d’avoir une estimation précise, il ya environ 800000 ou un million de person-nes côté rebelle, et un peu plus du côté gou-vernemental, qui ne subissent pas des bom-bardements. Mais cette zone est désormaistotalement encerclée et ceux qui y vivent nepeuvent plus se ravitailler que chez les rebel-les, ce qui entraîne une envolée des prix caril y a encore maintenant beaucoup plus d’ar-gent côté gouvernemental. Pour limiter laspéculation, les autorités rebelles ont fixé desquotas pour les produits de première néces-sité et elles interdisent de faire passer les mé-dicaments et le lait en zone gouvernemen-tale, mais les moyens de contournementssont nombreux. C’est en fait dans les territoi-res contrôlés par l’opposition que la situation

humanitaire est de loin la plus mauvaise.Beaucoup de gens venus d’ailleurs se sont ré-fugiés là. Ils sont totalement démunis. Il y aun immense désespoir de la population et lestrafics d’une économie de guerre prospèrent.Des structures politiques et administrativesont-elles été mises en place par l’opposition?Les conseils municipaux ou les conseils dequartier sont de plus en plus nombreux mais,souvent, ils ne représentent qu’eux-mêmes.Ces structures fonctionnent en parallèle de

celles mises sur pied par les diversgroupes combattants, qui ont cha-cun leur fief. C’est particulière-ment évident pour les groupes is-lamistes radicaux, le Frontal-Nusra ou l’Etat islamique enIrak et ou Levant (EIIL), qui, audébut, étaient discrets mais, dé-

sormais, sont de plus en plus visibles. Il y aainsi deux tribunaux, une cour unifiée et unecour islamique. La seconde a beaucoup plusde pouvoir car elle dispose d’un véritable brasarmé et a les moyens de mettre en applicationses décisions alors que l’autre ne le peut pas.Qu’avez-vous vu à Deir el-Zor, dans l’est?Cette ville isolée, en plein désert, où il est trèsdifficile d’arriver et encore plus d’y entrercar la partie tenue par les rebelles, où ne vi-vent plus qu’une dizaine de milliers d’habi-tants, est encerclée, avec un seul accès tou-jours sous le feu des snipers. Mais toutes leszones rurales autour sont contrôlées par larébellion. Dans la ville voisine de Hatlah, il y

a eu, mi-juillet, des affrontementsavec la population chiite.40 000 personnes ont fui en zone

gouvernementale. Le Front Al-Nusra a faitsauter leurs mosquées et maisons pour biensignifier qu’il n’y aura pas de retour.Vous avez enquêté sur les crimes commis. Oùen est-on ?Les forces du régime continuent leurs bom-bardements indiscriminés sur les populationsciviles. Il est important, dans chaque cas, devoir s’il y avait des objectifs militaires quipouvaient justifier de telles frappes, maisdans un tel chaos, il n’est pas simple de me-ner des investigations. Jusqu’ici, nousn’avons pas non plus réussi à trouver despreuves formelles de l’emploi d’armes chi-miques. Les forces gouvernementales conti-nuent par ailleurs de pratiquer des exécu-tions sommaires, aussi bien de civils – ycompris des familles entières– que de com-battants rebelles. Les forces de l’oppositionpratiquent elles aussi de telles exécutions,mais à l’encontre d’ officiers, soldats ou mili-ciens capturés, sans s’en prendre aux civils.Mais certains groupes, notamment les jiha-distes, se montrent de pire en pire.

Recueilli par MARC SEMO

AP

A vec 4 400 morts, le mois deramadan qui s’est achevéjeudi aura été l’un des plussanglants depuis le début du

conflit en Syrie, au printemps 2011. Latuerie banalisée se déroule dans le huis-clos toujours souhaité par le régime deDamas, bien aidé par les groupes jiha-distes. A coup d’enlèvements de journa-listes et de menaces contre les tra-vailleurs humanitaires, ceux-ci ontréussi à éloigner les témoins étrangers,en particulier dans le nord.Tout au long du mois, le régime et l’op-position ont marqué tour à tour despoints ou encaissé des coups, remportédes victoires ou subit des revers sur leterrain. Tous provisoires, dans cetteguerre d’usure asymétrique installéedans la durée. L’épisode final aura étél’attaque au mortier du convoi de Ba-char al-Assad, en plein Damas, alorsqu’il se rendait à la mosquée pour la

prière de l’Aïd. L’opération, démentiejeudi par le gouvernement, a provoquéla panique dans la capitale, où les habi-tants ont fêté la fin du mois sacré au sondu canon et des armes automatiques.Dernier pied de nez de l’opposition: lechef de la Coalition nationale a pu fairetranquillement sa prière dans une mos-quée de Deraa, après avoir franchi clan-destinement la frontière jordanienne.

EMBUSCADE. Bachar al-Assad avaitpourtant des accents triomphants, finjuillet, en félicitant ses troupes qui ve-naient de reprendre la plus grande par-tie de Homs, près de la frontière liba-naise. Trois jours après, les brigadesrebelles du nord exultaient après laconquête de la base aérienne de Min-nigh, près d’Alep : l’aboutissementd’une bataille menée depuis huit moiscontre l’aéroport, d’où partaient lesavions qui pilonnaient toute la région.Le lendemain, l’opposition était acca-blée quand plus de soixante de ses com-battants sont tombés dans une embus-cade tendue par l’armée régulière dansles environs de Damas.Ces derniers jours, l’offensive lancéepar les rebelles contre le bastion alaouitede la région côtière de Lattaquié, appro-chant Qardaha, village natal des Al-As-sad, marque une escalade aussi provo-cante que dangereuse. L’opération nefait pas l’unanimité, même parmi lesopposants, qui craignent des massacresde villageois alaouites par les extrémis-tes sunnites. «Son objectif est au con-traire de briser le plan de partition du payspar l’établissement d’un Etat alaouite, se-lon Abou Ibrahim, nom de guerre d’unchef de brigade rebelle

LIBAN

JORDANIE

IRAK

TURQUIE

SYRIE

Deraa

Palmyre

Deir el-ZorHama

RakkaIdlib

LaaquiéQardaha

Homs

Ras al-Aïn

Al-Qoussayr

Damas

50 km

Alep

loyaliste

zones disputéeskurderebelle

Territoire sous contrôle

«Nous mettrons en œuvretoutes ses capacités pourdéfendre les Kurdesinnocents menacés de mortet de terrorisme en Syrie.»Massoud Barzani président de larégion autonome kurde irakienne

Des raids aériens sur la villede Salma, dans la province deLattaquié, bastion alaouite, onttué au moins 20 personnes hieralors que l’armée syrienne a lancédepuis trois jours une vaste contre­offensive pour reprendre le contrôlede villages alaouites conquis cesderniers jours par les rebelles.

LES ARMES RUSSESLa Russie a fabriqué une partie des missilessol­air S­300 destinés à la Syrie, mais lalivraison a été reportée à 2014 malgré unacompte versé par Damas. Le 4 juin,Poutine affirmait que Moscou n’avait pas«pour l’instant» livré de S­300 pour ne pas«rompre l’équilibre des forces».

Suite page 4

INTERVIEW

L’offensive rebelle contre le bastionalaouite de la région côtière deLattaquié marque une escaladeaussi provocante que dangereuse.

REUTERS

LIBÉRATION LUNDI 12 AOÛT 2013 • 3

Page 4: Liberation . Syrie

L’Unesco a placé la totalité des monuments classés sur la listedes sites en péril et assiste, impuissante, à leur dévastation.

Le patrimoine syrienrongé par les bombes

et les pillages

L e mausolée de Khaledben al-Walid n’estqu’une victime de plus

du conflit syrien. Le22 juillet, des tirs d’obus onttotalement détruit ce hautlieu de pèlerinage sunnite,situé au plein cœur de Homs.Construit au IXe siècle par lesseljoukides, le monumenthonorait un compagnon etle principal chef militairede Mahomet. Vraisemblable-ment bombardé par l’arméesyrienne, le mausolée vients’ajouter à la longue liste deschefs-d’œuvre architectu-raux emportés par la guerre.

locale, joint parSkype. Il ne s’agit pas, pour nous, deconquérir la zone, mais de perturber le dé-ploiement de l’armée pour qu’elle dégar-nisse ses positions dans le nord.»La division de facto du territoire syrienentre une région centrale et côtière sousle contrôle du régime, tandis que lenord, l’est et une partie du sud du payssont dominés par les rebelles, est loind’être figée. Les lignes de front sontmouvantes et chacun des deux campsgarde l’ambition de contrôler l’ensem-ble du pays, tout comme leurs alliés in-ternationaux et, surtout, régionaux.

PORTEFEUILLE. Car dans ce conflit oùse joue bien plus que l’avenir d’un sys-tème politique en Syrie, les grandespuissances occidentales ont sous-traitéle dossier aux acteurs régionaux. Orl’Iran poursuit une stratégie de domina-tion de tout le «croissant chiite» –entreTéhéran et Beyrouth–, auquel s’oppo-sent les pays sunnites, Turquie, Qatar etArabie Saoudite en tête. Cette dernièrea repris l’initiative depuis plusieurs se-maines. D’abord en prenant le contrôle,à la place du Qatar, sur la Coalition na-tionale des forces de l’opposition sy-rienne, élargie pour affaiblir la prépon-dérance des Frères musulmans en sonsein et désormais présidée par AhmadAssi Jarba, membre de la grande tribudes Chammar aux ramifications saou-dienne et syrienne. Riyad s’est lancéégalement dans un soutien militairesubstantiel au commandement centralde l’Armée syrienne libre, avec l’aval deWashington et poursuit sa diplomatie duportefeuille jusqu’en Russie. Le chef desrenseignements saoudiens, Bandar benSultan, s’est rendu chez Vladimir Pou-tine à Moscou pour l’inviter à lâcher Al-Assad en échange de contrats d’arme-ment de 15 milliards de dollars et de ga-ranties pour le marché du gaz russe end’un plus grand rôle dans la région. Of-fre rejetée par Moscou, d’autant moinsprêt à abattre sa carte Al-Assad, qu’ilcroit sa victoire possible.Diplomatiquement, les dernières ten-sions entre Russes et Américains avecl’affaire Snowden (Libération de ceweek-end) vont aussi peser sur le dos-sier syrien déjà bien négligé. L’annoncepar les ministres des Affaires étrangèresdes deux pays, vendredi à Washington,de leur accord pour réunir une confé-rence dite de «Genève 2», apparaîtcomme un simple rappel qu’une solu-tion politique n’est pas exclue. Encorefaut-il amener les belligérants syriensà la table des négociations. Or Al-Assadaffiche sa détermination d’en finir parles armes avec les «terroristes», tandisque l’opposition, qui exige son départcomme préalable à toute discussion, n’ajamais su convaincre qu’elle pouvait of-frir une alternative. Ses divisions et l’in-compétence de ses principaux repré-sentants ont servi de prétexte légitimeà ses alliés occidentaux, tout aussi divi-sés et hésitants, pour mesurer leur sou-tien, notamment militaire.«Les positions du régime comme de l’op-position rendent toute solution militaire oupolitique illusoire», conclut le rapport del’International Crisis Group, publié finjuin, et pointant les «métastases du con-flit». «Les alliés de chacune des partiesdonnent assez pour les faire tenir, maispas assez pour s’imposer, faisant durer laguerre par procuration aux dépens desSyriens.» •

Images satellitaires du quartier Ard al­Hamra, dans le nord d’Alep, avant et deux jours après une double frappe de missiles de l’armée syrienne, dans la

A Alep, la mosquée de Khaled ben al­Walid, endommagée par des bombardements aériens. PHOTOS LENS YOUNG HOMSI. AP;ANADOLU AGENCY. AFP

La mosquée des Omeyyades d’Alep, photographiée le 16 avril et le 20 juin 2013. Le 24 avril, le minaret s’est effondré. PHOTOS DIMITAR DILKOFF. AFP

Suite de la page 3

LIBÉRATION LUNDI 12 AOÛT 20134 • EVENEMENT

Page 5: Liberation . Syrie

sur place. A ce désastre cul-turel, il faut ajouter le fléaudes pillages et du trafic d’ob-jets, qui se sont intensifiés

ces derniersmois. «On saitque des objetsprovenant de si-tes syriens ontété saisis au Li-ban et d’autrescirculent sur In-

ternet, explique Karim Hen-dili. On a l’exemple récentde l’Irak, où des pièces quiavaient disparu n’ont jamaisété retrouvées. Nous mobili-sons le marché de l’art afin

qu’il ne se rende pas complice,même de manière involontaire,de ce trafic.»La sauvegarde des sites, tou-jours inaccessibles à causedes combats, est l’autre dif-ficulté à laquelle est confron-tée l’organisation. Un fondsd’urgence a bien été créé,mais il ne sera utilisablequ’une fois «le conflit ter-miné», ou quand l’Unescoaura «une fenêtre pour inter-venir».Incendie. Il y a pourtanturgence. En septembre, levieux souk d’Alep, inscrit auPatrimoine mondial de l’hu-

manité, a été détruit dans unincendie. En avril, dans lamême ville, c’est le minaretde la mosquée des Omey-yades, joyau historiquedu nord de la Syrie, qui n’apas résisté aux combats.L’Unesco peine même à setenir informée de l’état dessites protégés. «Nous sommesen contact sur place avec laDirection générale des antiqui-tés et des musées de Syrie, dé-taille Karim Hendili. C’esttrès compliqué de mesurerl’ampleur des destructions eton s’est rendu compte, au Malinotamment, que nous avions

sous-estimé les dégâts. Cepourrait être la même choseici.» Avec six sites classés auPatrimoine mondial del’Unesco – les vieilles villesde Damas et Alep, la cité ro-maine de Bosra (sud), le siteantique de Palmyre, les châ-teaux du Krak des chevalierset de la forteresse de Saladin,et une quarantaine de villa-ges antiques du nord-ouestdu pays–, la Syrie fait figurede perle historique auMoyen-Orient. «Il y avaitune centaine de missions ar-chéologiques sur place avantla guerre», explique KarimHendili. Mi-juillet, le Krakdes chevaliers, un des bijouxhistoriques syriens, cons-truit pendant les croisadesentre le XIe et le XIIIe siècle,a lui aussi été endommagé.Depuis le début du mois eneffet, l’armée a intensifié sapuissance de feu pour re-prendre plusieurs positionsrebelles, une stratégie quis’avère catastrophique pourl’Unesco, qui voudrait met-tre en place des cordons desécurité autour des princi-paux sites afin de prévenirdes pillages. En février, desreliques appartenant selon latradition au prophète Maho-met (trois cheveux et unfragment de dent) ont étédérobées dans la grandemosquée d’Alep.Inventaires. «On veut inciterles pays frontaliers à renforcerla sécurité aux frontières enprenant des mesures fortespour empêcher ces objets dequitter le pays», poursuit Ka-rim Hendili, qui ajoute quel’Unesco travaille main dansla main avec Interpol et l’Or-ganisation mondiale desdouanes. La mission s’avèreplus que complexe puisquedans la majorité des cas, lesinventaires imposés par laconvention de l’Unescode 1970 manquent de préci-sion. Impossible de fait dedéterminer les pertes exactesdans beaucoup de cas. «Nousfaisons face à un réseau detrafic d’objets culturels trèsorganisé, n’hésitant pas à pro-fiter de la détresse des habi-tants qui se rendent parfoiscomplices du trafic pour desraisons de survie», rajouteKarim Hendili.La communauté internatio-nale ne semble pas plus dé-terminée à agir sur ce pointque sur le reste, dans ce con-flit qui a déjà fait plus de100 000 morts. «Notre mis-sion est de mobiliser au maxi-mum, conclut Karim Hendili.Le patrimoine est une partieessentielle de l’identité des ci-toyens. On a vu en Irak que ladestruction ou le pillage des si-tes affectait énormément lespopulations. Les gens surplace ont besoin de se sentirsoutenus.»

THOMAS LIABOT

«Détruire l’héritage du passé[…] ne fait qu’accentuer laspirale de la haine et du déses-poir», lançait mi-juillet IrinaBokova, la directrice géné-rale de l’Unesco, qui tente demobiliser la communautéinternationale. Le 20 juin,l’organisation a ainsi placé latotalité du Patrimoine mon-dial syrien sur la liste des si-tes en péril, «comme une re-connaissance de la menace àlaquelle ils font face», com-mente Karim Hendili, spé-cialiste du monde arabe ausein de l’Unesco.En un peu plus de deux ans

de combats, les dommagescausés aux sites historiquesdu pays sont considérables.La Syrie est pourtant signa-

taire de la convention deLa Haye de 1954 pour la pro-tection des biens culturels encas de conflit armé. Un argu-ment qui semble bien minceface aux enjeux politiques

Le Krak des chevaliers (province de Homs), inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco, a été touché lors d’un raid aérien selon l’opposition. PHOTOS ABD RABBO. SIPA; AFP

Le souk de la vieille ville d’Alep, au cœur des combats rapprochés entre rebelles et loyalistes depuis le début du conflit. PHOTOS HEMIS. AFP; ABD RABBO AMMAR. ABACA

«On sait que des objetsprovenant de sites syriens ontété saisis au Liban et d’autrescirculent sur Internet.»Karim Hendili de l’Unesco

soirée du 22 février 2013, ayant fait au moins 117 morts selon Amnesty International. PHOTOS 2013 DIGITAL GLOBE; ATRIUM

LIBÉRATION LUNDI 12 AOÛT 2013 EVENEMENT • 5

Page 6: Liberation . Syrie

Transparence: lapromesseincomplètedeBarackObamaLe Président veut rassurer les Américains, échaudés par l’affaire Snowden,mais reste silencieux à propos de l’espionnage des Etats-Unis à l’étranger.

L’ Union européenne est no-tée «3» sur la liste des«priorités» de l’espionnageaméricain, révèle

aujourd’hui le magazineallemand Der Spiegel, qui apu accéder à un nouveau documentvolé par l’ancien agent EdwardSnowden. Sur ce dossier datéd’avril, la National Security Agency(NSA), chargée du renseignementélectronique des Etats-Unis, classesur une échelle de 1 (l’intérêt maxi-mal) à 5 (faible intérêt) ses prioritésd’espionnage. La France y figurecomme une priorité moyenne, aumême plan que l’Allemagne ou leJapon, mais avant l’Italie ou l’Espa-gne. L’Union européenne (UE) ap-paraît aussi comme une cible, avecune priorité «3» accordée à ses«objectifs de politique étrangère»,son «commerce international» ou sa«stabilité économique», mais la notede 5 seulement en matière de «nou-velles technologies», «sécuritéénergétique» ou «questions alimen-taires». La révélation tombe à pic,au moment où l’UE entame les né-

gociations avec Washington sur untraité de libre-échange. D’autresdocuments fournis par EdwardSnowden fin juin avaient déjà mon-tré que la NSA écoutait les bureauxde l’Union européenne à Washing-

ton, à l’ONU ou même àBruxelles. L’«indignation»alors exprimée par plusieurs

dirigeants européens, surtout alle-mands, fut discrète et embarrassée.Ce que Barack Obama n’a mêmepas abordé en évoquant, lors de saconférence de presse, les réactionsà l’affaire Snowden.

INNOCUITÉ. Juste avant de s’auto-riser une petite semaine de

vacances, le Président a énoncéquatre propositions pour rassurerles Américains de l’innocuité desprogrammes de surveillance qui les

visent. Pas un mot n’a été dit desprogrammes ciblant les «alliés»européens ou les usagers non amé-ricains des compagnies commeFacebook, Google, etc., dont lesdonnées sont passées au crible dela NSA. «Les Européens devraient

parler plus fort pour être entendus àWashington, observe Marc Roten-berg, président de l’Electronic Pri-vacy Information Center (Epic).

Obama n’ignore pas lespréoccupations des di-rigeants européens,avec qui il parle enprivé, mais son soucipremier, vendredi, étaitde répondre aux énor-

mes inquiétudes du public améri-cain.» L’espionnage américain estdéjà bien contrôlé et il «évite lesabus», a assuré vendredi BarackObama, soulignant lui-même queles mesures qu’il propose ne visentqu’à rendre les Américains «plus à

l’aise» avec ces programmes. «Si jedis à Michelle que j’ai lavé la vaisselle[…] et qu’elle est un peu sceptique,peut-être ai-je besoin de lui montrerles assiettes, même si j’aimerais bienqu’elle me croie», a expliqué le Pré-sident. Une métaphore particuliè-rement triviale, qui lui a aussitôtvalu les railleries de la presse. Leprésident américain a proposé de«réformer» la section 215 du PatriotAct, qui permet de collecter les re-levés téléphoniques de pratique-ment tous les citoyens américains.Sans remettre ce droit en question,il a invité le Congrès à «travailler»avec lui pour mettre en place «uneplus grande surveillance, une plusgrande transparence, et des limites àl’usage de cette autorité». Obama aaussi proposé d’ajouter un repré-sentant indépendant à la Fisc, lacour secrète chargée d’autoriser lesécoutes qui, jusqu’à présent, n’en-tend que les arguments du gouver-nement. Il a promis la nominationà la NSA d’un officier chargé durespect de la vie privée, la créationd’un site web où les services derenseignement publieront des do-cuments jusqu’alors classés secrets,et aussi la nomination d’un groupe«d’experts extérieurs» chargés deproposer d’autres réformes.

CADRE. Toutes ces mesures vontdans le bon sens mais restent trèsinsuffisantes, selon les défenseursdes libertés. «Ces propositions nesont pas sans importance, mais ellesne vont pas assez loin, résume MarcRotenberg. Ce qu’il faut, c’est mettrefin au programme actuel de collectedes relevés téléphoniques des Améri-cains, qui est illégal.» Pour ce qui estde l’espionnage à l’étranger, et ce-lui des Européens en particulier,des changements sont aussi pos-sibles, même si le problème est làplus diplomatique que juridique,explique cet expert: «Actuellement,le droit américain ne reconnaît pas ledroit à la vie privée des citoyens non-américains.» «Espionner des non-Américains à l’étranger soulève desquestions diplomatiques et politiquescompliquées mais moins de problèmesau regard de la loi américaine, puis-qu’[ils] ne sont pas protégés par lequatrième amendement [de la Cons-titution américaine, qui permet dese prémunir contre des perquisi-tions et saisies non motivées,ndlr]», observe Stephen Vladeck,professeur à l’American University.Sur ce point aussi, la réflexion apourtant commencé, rapporteMarc Rotenberg, invité la semainedernière à la Maison Blanche à uneréunion où le besoin de protéger lesdonnées privées au niveau interna-tional a été évoqué. «Il faudrait uncadre international faisant du respectde la vie privée un droit de l’hommefondamental, comme la commissaireViviane Reding a commencé à le de-mander, côté européen», plaide leprésident d’Epic à Washington.Voilà qui pourrait aussi fournir untrès bon sujet de campagne à l’UE:une occasion enfin positive demontrer que les Européens peuventtenir tête aux Etats-Unis et sortird’un scandale en obtenant de nou-velles avancées du droit. •

Par LORRAINE MILLOTCorrespondante à Washington

«Les Européens devraient parlerplus fort pour être entendusà Washington.»Marc Rotenberg expert en droit de la vie privée

RÉCIT

Obama à la Maison Blanche, vendredi. Le chef de l’Etat s’est engagé à réformer le programme de surveillance de la NSA. PHOTO PABLO MARTINEZ. AP

LE CAS SNOWDENLe père d’Edward Snowden aannoncé hier avoir un visa pourvisiter «très prochainement» sonfils. «En tant que père, j’aimeraisqu’il revienne à la maison à lacondition qu’il ait droit, en tantqu’Américain, à l’application justede la justice», a­t­il déclaré.

REPÈRES

«Nous avons déjàdéclassifié un nombred’informationsà propos de la NSAsans précédent. Maisnous pouvons allerplus loin.»Barack Obama vendredi

«Des réformes sedessinent, pour cela, lePrésident et le peupleaméricains ainsi que lemonde sont redevablesà Edward Snowden.»Julian Assange fondateurde WikiLeaks, samedi

LIBÉRATION LUNDI 12 AOÛT 20136 • MONDE

Page 7: Liberation . Syrie

Les Maliens se sont rendus aux urnesdans le calme, hier, pour élire leurnouveau président. Ils devaient choi-sir entre Ibrahim Boubacar Keïta,donné largement favori avec 39,7%des voix au premier tour, et SoumaïlaCissé (19,7%), pour sortir leur pays dedix-huit mois de chaos. Les deux can-didats, vétérans de la vie politiquemalienne, ont appelé au «calme et à

la sérénité» après avoir voté à Bamako,où le scrutin a été perturbé dans lamatinée par de fortes pluies. Dans lesgrandes villes et régions administrati-ves du nord du pays (Gao, Tombouc-tou et Kidal), le vote s’est apparem-ment déroulé sans incident.Deux semaines après un premier tourréussi le 28 juillet, le second tour dela présidentielle doit rétablir l’ordre

constitutionnel interrompu par uncoup d’Etat militaire le 22 mars 2012,précipitant la prise du nord du payspar des groupes islamistes armés liésà Al-Qaeda. Le scrutin est surveillépar plusieurs centaines d’observa-teurs nationaux et internationaux etsa sécurité assurée par l’armée ma-lienne, les Casques bleus de la Mi-nusma et les forces françaises.

C BONNE NOUVELLE LES CITOYENS DOIVENT DÉPARTAGER «IBK» ET CISSÉ

Présidentielle: le Mali vote dans le calme

Sur le lieu d’un attentat à Kerbala (au sud de Bagdad), hier. PHOTO M. MUSHTAQ. REUTERS

D e nouveaux attentatsont fait plus de60 morts et des cen-

taines de blessés samedi enIrak, visant notamment descafés et des marchés à Bag-dad, alors que la populationfêtait la fin du ramadan, leplus meurtrier depuis cinqans. Les violences quoti-diennes se sont intensifiéeset font craindre une nouvelleguerre civile, alors que descentaines de prisonniers,dont des hauts responsablesd’Al-Qaeda, se sont évadésen juillet grâce à un coup demain du réseau. En tout,16 voitures piégées et des at-taques ont tué 61 personneset blessé près de 300 autres àtravers le pays samedi.A Bagdad, des attentatscoordonnés à la voiture pié-gée ont fait 37 morts danshuit quartiers, selon dessources policières et médica-les. Les Etats-Unis ont quali-fié d’«ennemis de l’islam» les

auteurs de ces attaques «lâ-ches […] dirigées contre desfamilles qui célébraient l’Aïd-el-Fitr» marquant la fin duramadan. Le départementd’Etat américain a rappeléqu’une prime de 10 millionsde dollars (près de 7,5 mil-lions d’euros)était offertepour «toute information quiaiderait les autorités à tuer oucapturer Abou Bakr al-Ba-ghdadi», le chef d’Al-Qaedaen Irak. Selon les Nationsunies, plus de 1000 person-nes sont mortes en juillet, lebilan mensuel le plus élevédans le pays depuis cinq ans.Le gouvernement attribuecette augmentation desattaques au conflit qui faitrage en Syrie voisine, et ac-cuse régulièrement des paysétrangers d’encourager cesviolences. Mais la crise poli-tique qui oppose notammentla majorité chiite aux sun-nites, qui tenaient le haut dupavé sous Saddam Hussein,

a également servi les intérêtsdes extrémistes. Les sunni-tes, qui accusent les autoritésde chercher à les marginali-ser politiquement, orga-nisent des manifestationsdepuis la fin décembre, dé-nonçant notamment des ar-restations arbitraires. Les at-tentats à grande échelle ontrepris à partir d’avril, aprèsque les autorités ont abattudes dizaines de manifestantssunnites à Hawija.Par ailleurs, le gouverne-ment se montre incapable defournir des services de base,en particulier un approvi-sionnement stable en élec-tricité, et très peu de lois ontété adoptées depuis les légis-latives de 2010. Le Premierministre Nouri al-Maliki(chiite) est souvent accusé dechercher à monopoliser tousles pouvoirs, et blâme poursa part ses opposants d’êtreà la solde de l’étranger.

S.Etr.

EnIrak, l’ombred’unenouvelleguerrecivileTERRORISME Des attaques ont fait des dizainesde morts samedi, concluant un ramadan meurtrier.

Par STÉPHANIE DE SILGUY Intérim

Les Britanniquesmontrent les crocs contreles chiens méchants

D e la prison à vie pourles propriétaires dechiens «dangereux et

hors de contrôle» ? Dans uneconsultation publique lancéecet été par le gouvernementbritannique, les citoyenssont appelés à donner leuravis sur la répression enversles molosses. Instauréen 1991, le Dangerous DogAct réprime les attaques dechiens dans les lieux publicsde deux ans de prison etde 5 000 livres (environ5800 euros) d’amende. Unepeine rarement appliquéedans sa totalité. Rien n’est,en outre, prévu pour lesagressions dans les jardinsprivés comme celle survenueen mars près de Manchester.Une adolescente avait ététuée par des Bullmastiffschez une amie. Les proprié-taires n’ont jamais été pour-suivis. Depuis 2005, 16 per-sonnes sont mortes agresséespar un chien.

Avec 210000 attaques recen-sées chaque année et6 000 hospitalisations pourmorsure, le gouvernement adécidé de sévir. Parmi lesquestions de l’enquête :«Combien d’années de prisonfaut-il instaurer pour le pro-priétaire d’un chien qui ablessé une personne ou qui atué un chien guide d’aveu-gle ?» L’internaute peutchoisir entre des peines detrois, cinq, sept ou dix ans.Dans l’hypothèse où la vic-time décède, la détentionvarie de sept ou quatorze ansà la prison à vie… Des propo-sitions qui semblent con-vaincre les employés qui sont

quotidiennement en contactavec ces bêtes hargneuses.Postiers, électriciens doiventsouvent ruser pour éviter at-taques, morsures, pouvantentraîner la perte d’une mainou d’un bras. Selon le syndi-cat des télécommunications,23000 postiers ont été atta-qués par des chiens ces cinqdernières années. «Les pro-priétaires ont au mieux étécondamnés à de la prison avecsursis. Les autres, à payer despeines d’amende de 100 li-vres», se lamente Dave Joyce,l’un de ses représentants.

Autre phénomène, lespitbulls s’attaquent aussi auxchiens guides d’aveugle. Lerapport publié en juin parl’association Guide Dogs ré-vèle qu’il y a plus de dixagressions par jour. Son pré-sident lance un cri d’alarme:«Il faut que le gouvernementcomprenne les répercussionsque cela entraîne sur les mal-voyants. Un chien guided’aveugle représente deux ansde travail et un investissementde plus de 50000 euros.» Pourla RSPCA, l’association bri-tannique de protection ani-male, le gouvernement de-vrait aller encore plus loin.«Acheter un chien n’est passeulement un droit. Il faut res-ponsabiliser les propriétaires enles obligeant à suivre des courspour éduquer leur animal etdonner le pouvoir aux forces depolice de les contrôler. Il fautavant tout prévenir les atta-ques», insiste David Bowles,son porte-parole. Les inter-nautes britanniques ont jus-qu’au 1er septembre pour ré-pondre au questionnaire.•

VU DE LONDRES

L’ancienne caserne mili­taire de Targoviste, danslaquelle Nicolae Ceau­sescu, l’ancien dictateurroumain, et sa femme,Elena, ont été exécutésen décembre 1989, seraouverte au public dès sep­tembre. «Les visiteurs pour­ront voir le mur où ont étéfusillés les époux Ceau­sescu», a indiqué le direc­teur du complexe muséalde Targoviste, Ovidiu Cars­tina, affirmant que «l’inté­rieur du bâtiment a étérepeint dans les mêmescouleurs que celles de 1989et le mobilier sera égale­ment identique». Le muséeest en train d’aménager lapièce où a été improvisé leprocès, mais aussi la cham­bre où les Ceausescu ontpassé leur dernière nuit.L’ouverture au public decette ancienne caserne aété décidée à la suite dedemandes de groupes detouristes étrangers. Aprèsavoir fui Bucarest le22 décembre 1989, lesépoux Ceausescu ont étéarrêtés par l’armée (passéedu côté des protestataires)à près de 100 km de lacapitale, et conduits dansune caserne militaire où ilsfurent fusillés trois joursplus tard, après un procèssommaire, et tout celasous l’œil des caméras.

LA MORT DESCEAUSESCU,COMME SIVOUS Y ÉTIEZ

L’HISTOIRE

«On combat mieuxles préjugés enparticipant, plutôtqu’en boycottantles Jeux olympiquesd’hiver de Sotchi.»David CameronPremier ministrebritannique, qui affirmait,sur Twitter samedi matin,son inquiétude sur lesviolations des droitsdes homosexuels en Russie,

1187C’est le nombre de nouveaux logements (793 à Jérusa­lem­Est et 394 en Cisjordanie) pour lesquels le gouver­nement israélien lance un appel d’offres. Les Palestiniensdénoncent cette mesure alors que les négociationsde paix sont censées reprendre mercredi.

SOUDAN Des combats oppo-saient toujours deux tribusarabes hier au Darfour, aulendemain d’affrontementsayant fait au moins 100 mortsdans cette région, où les ri-valités tribales alimentent unregain de tensions après dixans de violences.

ÉGYPTE Les partisans duprésident islamiste destituéMohamed Morsi ont appeléhier à de nouvelles manifes-tations alors qu’expire unultimatum de fait et que lesautorités s’apprêtent à dis-perser de force leurs sit-insur deux places du Caire.

LIBÉRATION LUNDI 12 AOÛT 2013 MONDEXPRESSO • 7

Page 8: Liberation . Syrie

8 • FRANCE

L’ex­candidate à la présidentielle a été invitée à la rentrée du Front de gauche, fin août. PHOTO FRANCK TOMPS

EvaJolyfaitdel’effetàMélenchon

Les proches du présidentdu Parti de gauche tentent unrapprochement avec l’eurodéputéeEurope Ecologie-les Verts.Leurs alliés communistes s’agacent.

L a drague continue. Jean-Luc Mélenchon et les sienscourtisent toujours EvaJoly, alors qu’elle avait

marché à leurs côtés le 5 mai en fa-veur d’une VIe République.Dernière preuve d’amour: leParti de gauche (PG) lui a en-voyé avant l’été une invitation àparticiper à la rentrée politique duFront de gauche, fin août à Greno-ble. La proposition est pour l’ins-tant restée sans réponse. Et l’en-tourage d’Eva Joly fait mine de nepas être au courant… «Si Eva étaitinvitée, elle pourrait tout à fait y al-ler», assure pourtant un de ses pro-ches. Qui fixe les conditions: «Parexemple pour parler réforme des re-traites. Mais si c’est pour faire un pasvers les européennes avec eux, Evan’en sera pas.»

RUMEUR. Alexis Corbière, lieute-nant de Mélenchon, confirme l’ini-tiative: «On aurait bien aimé qu’elley soit, elle est la bienvenue. Mais ceserait un signe fort qu’elle n’a peut-être pas envie de donner.» D’autantplus fort qu’Europe Ecologie-lesVerts (EE-LV) fera sa rentrée aumême moment, à Marseille. Ses di-rigeants enrageraient de voir lescaméras se braquer sur Grenoble.Quant à Joly, elle ne souhaite pasrelancer les rumeurs, nées en mai,d’un départ vers le Front de gau-che. Dans la foulée de sa participa-tion – contre les consignesd’EE-LV – à la marche pour unchangement de République, cer-tains l’annonçaient déjà sur uneliste commune avec Mélenchon auxeuropéennes. Avant que l’ex-ma-gistrate ne riposte : «Je suis écolo-giste, je suis une des fondatricesd’Europe Ecologie, j’y suis, j’y reste.Et je compte bien y peser.»Mais la rumeur persiste et, ausiège du Parti communiste fran-

çais (PCF), on reste convaincu queMélenchon tente d’attirer l’ex-ma-gistrate sur la liste Front de gau-che (FG) en Ile-de-France. Manièrede prouver son attractivité avec unebelle prise. «C’est du pipeau», sou-tient-on chez Joly. «Je n’ai jamais

discuté des européennes avec[son] entourage», jure de soncôté Eric Coquerel, négocia-

teur en chef du PG. Reste qu’au seindu Front de gauche, les communis-tes s’agacent du gringue fait parleur allié à Joly l’écologiste. Avecd’autres composantes du Front degauche, ils ont clairement dit nietà une proposition faite avant l’étépar François Delapierre (PG) : queJoly et Mélenchon donnent chacunune «conférence» lors des estivalesdu mouvement. «En dehors des lea-ders du Front de gauche, on ne pou-vait pas avoir seulement Eva Joly,justifie Marie-Pierre Vieu (PCF). Etpuis à un moment, il va falloir qu’elleénonce comment et où elle poursuitson parcours.» La camarade Joly estpriée de choisir son camp.Sujet de débat au Front de gauche,la candidate écolo de la dernièreprésidentielle continue de ne pasfaire l’unanimité à EE-LV. Parmi les

dirigeants, ils seraient même nom-breux à se féliciter de la voir quitterle navire. «Comme pendant la prési-dentielle, elle continue de courir der-rière Mélenchon, alors que ce n’estpas la ligne qu’attendent nos élec-teurs», tacle Denis Baupin, vice-président (EE-LV) de l’Assembléenationale. «Eva considère que si ongouverne avec les socialistes, ce n’estpas infamant de discuter avec le Frontde gauche», rétorque son entou-rage. Depuis le 5 mai, les deux an-

ciens concurrents de 2012 sont res-tés «en bons termes» et «encontact» par textos. Pas suffisanttoutefois pour concrétiser l’hypo-thèse d’un transfert. L’an dernierdans Libération, Joly avait jugé Mé-lenchon «terriblement séduisant»,avant de souligner que EE-LV «pro-pose davantage qu’une protestation».Au finale, ce jeu de séduction ren-force surtout le souhait de Joly deverrouiller sa place sur une listeEE-LV aux européennes. Elle aprévu d’annoncer lors des journéesd’été qu’elle briguera un deuxièmemandat d’eurodéputée. «Sa placeest garantie», a déjà fait savoir

Jean-Vincent Placé,qui ne fait pas partiede ses fans. Car, mal-gré ses 2% à la prési-dentielle, Joly bénéfi-cie toujours d’uneaura certaine auprès

des militants. Ses critiques chroni-ques contre le gouvernement et lessocialistes restent appréciées d’unebase désabusée. Or, à quelquesmois d’un congrès où le numéro 1du mouvement, Pascal Durand, etla ministre Cécile Duflot veulentrassembler le plus large possible,personne ne compte écarter unepersonnalité sur qui pourraient secristalliser les mécontentementsinternes. «Si tu sors Eva, tu fous leboxon», convient Yannick Jadot,

son camarade à Strasbourg. MêmeDaniel Cohn-Bendit –critique aveccelle qu’il était allé chercheren 2009 – y est allé de sa mise engarde : «Arrêtez vos conneries. SiEva veut y aller, elle est dans le dis-positif.» En vue des européennes,l’entourage de Duflot aurait préférévoir Joly libérer sa deuxième placeen Ile-de-France pour placer entête de liste une Italienne franco-phone: Monica Frassoni, coprési-dente du Parti vert européen et ex-patronne du groupe écologiste àStrasbourg avec Cohn-Bendit.

DÎNER. Joly tient bon. Son club po-litique lancé l’an dernier (#Engage-ment) est certes au point mort,mais elle débarquera à Marseilleavec un petit livre dans son carta-ble. Titre de travail : «l’Europe,l’écologie, notre combat conti-nue». Elle doit intervenir sur lesquestions méditerranéennes enouverture, le 22 août, puis répondrele lendemain à l’invitation de JulienBayou et sa Nouvelle Ecole écolo-giste, pour faire le bilan de la parti-cipation verte au gouvernement.Son équipe prépare aussi, pour larentrée, un dîner avec des repré-sentants de la gauche du PS. His-toire de montrer qu’elle ne discutepas qu’avec Mélenchon. Et qu’ellecompte bien occuper toute sa place,à la gauche des Verts. •

Par LILIAN ALEMAGNA

«Je suis écologiste, je suisune des fondatrices d’EuropeEcologie, j’y suis, j’y reste.»Eva Joly au mois de mai

RÉCIT

L’ÉTÉ À GAUCHEw EE­LV Journées d’étédu 22 au 24 août à Marseille.w Parti de gauche Remue­méninges du 22 au 24 aoûtà Grenoble.w Front de gauche Estivalesles 25 et 26 août à Grenoble.w Parti socialiste Universitéd’été à La Rochelle du 23 au25 août.

REPÈRES

«[Mélenchon]est allié au Particommuniste [qui]est pronucléaire,proproductiviste etpro-infrastructures.»Eva Joly le 12 avril 2012à Rue 89

«Je ne vais pasattendre que cegouvernement coureà l’échec, je veuxqu’il change.»Eva Joly le 9 mai

LIBÉRATION LUNDI 12 AOÛT 2013

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10 • FRANCE

AParis, lesbains-douchesdeplusenpluspopulaires

Gratuitsdepuis 2000,

les thermespublics sont

utilisés parplus d’un

million deParisiens:SDF, mais

aussiretraités,

étudiants,salariés…

Par JUSTINE RIGHOPhotos RENAUD BOUCHEZ

O n les croyait disparus outransformés en mythiqueboîte de nuit, les bains-dou-ches parisiens tournent à

plein régime. Avec plus d’un million depassages, ils arrivent à saturation etsont confrontés à l’affluence de nou-

veaux précaires.«Ils sont étudiants,retraités et même sa-

lariés», explique un employé municipal.A l’instar de Karim. «Je connais tous leshoraires des bains-douches de la ville.Dans ma sacoche, j’ai du shampooing, dugel douche, une brosse à dent, un rasoir etdu dentifrice», explique ce travailleurqui se douche quatre fois par semainedans un établissement de sa rue.

MOUSSE. Créés à la fin du XIXe sièclepour faciliter l’accès à l’hygiène, lesbains-douches se multiplient dans lesannées 30. C’est le cas de ceux de Bu-zenval (XXe), construits en 1927 dansun quartier populaire. A cette période,la ville implante des salles de bainscommunes pour permettre aux Pari-siens de se laver. Après-guerre, les dou-ches municipales se vident progressive-ment avec l’amélioration de l’habitatpour décliner à 300000 entrées à la findes années 90. En mars 2000, la mairie

de Paris décide d’en rendre l’accès gra-tuit, notamment pour améliorer l’hy-giène des plus démunis. Trois ans plustard, le cap du million de douches estfranchi. Et la tendance perdure.Un vendredi après-midi, Paris Ve. Aquelques mètres des terrasses bondéesde la place de la Contrescarpe, ils sontnombreux à converger au 50, rueLacépède, un sac plastique à la maincontenant une serviette et du savon. «Jeviens aux bains-douches trois fois par se-maine», indique Henri, 48 ans, installédevant l’un des quatre lavabos, un ra-

soir à la main. En arrivant, il a posé sesaffaires dans la cabine numéro 13. Il l’anettoyée à l’aide d’un jet à forte pres-sion, puis a sorti sa mousse à raser.«J’aime venir ici, c’est comme un culte,une église, cela m’aide. Et puis moi j’aimeles gens !» clame d’une voix grave cegrand gaillard. Chez lui, à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), il n’a pas d’eauchaude, car «cela coûte trop cher».Après s’être lavé, Danana (1), 36 ans,glane quelques renseignements. «C’estla première fois que je viens», annonce-t-il, souriant. Arrivé de Lyon pour

signer un CDD de six mois, ce maître-nageur s’est retrouvé subitement sanslogement. «Je devais récupérer l’appar-tement d’un ami, mais cela ne s’est pasfait. En attendant, je dors dans ma voi-ture. […] Je ne suis pas désocialisé, doncmentalement c’est facile à avaler.» Cartede l’Ile-de-France en mains, il grimpesur son vélo pour rejoindre sa voiture,à 14 kilomètres de là.Un samedi midi, dans le XIXe arrondis-sement. «Inch’Allah! Un jour peut-être,j’aurais une douche chez moi», espèreHalima, après s’être lavée dans l’unedes 49 douches de la rue de Meaux.«Cela fait onze ans que je viens ici.»Construit dans les années 70, en pé-riode d’immigration, cet établissementaccueille plus de 100000 visiteurs cha-que année, dont 10% à 15% de femmes.Sous le numéro de cabine, un large boutde scotch permet à l’agent d’inscrire àla craie l’heure d’entrée. «Normalement,c’est vingt minutes. Mais quand on peut,on leur laisse plus de temps», indiqueMarc Albéri. Agent rue de Meaux depuissix ans, il constate que la fréquentationdes migrants évolue en fonction de la«proximité des conflits. Au moment duprintemps arabe, il y avait plus de Tuni-siens. Et aujourd’hui, il y a davantage deMaliens».

SQUAT. Un dimanche matin, dans leXXe arrondissement. Aux magnifiquesbains-douches des Haies à la façadeclassée, un groupe de cinq Maliens finitde se préparer. Devant la glace depuisdix bonnes minutes, la tête sous le sé-choir, un peigne à la main, Oumar,20 ans, se coiffe avec application.

Autour de son poignet, unbracelet aux couleurs del’Italie, d’où il vient d’arri-ver. Pour l’heure, il dort àMontry (Seine-et-Marne),dans un squat «sans eau ets a n s é l e c t r i c i té » ,

avec 80 personnes. «J’ai honte et ne saispas quoi faire pour m’en sortir», s’in-quiète celui qui a quitté ses études àcause des troubles dans son pays. «Jeveux apprendre le français», jure-t-ildans un italien impeccable. A la sortie,ses colocataires ne l’ont pas attendu. Ilest midi. Les grilles se ferment derrièrelui. «Je dois aller à Pyrénées, indique lechef d’établissement à l’un de sesagents. Ils ont cassé la vitre de la ported’entrée, car on ne les a pas laissés sedoucher.» •(1) Son prénom a été modifié à sa demande.

«J’aime venir ici, c’est commeun culte, une église, cela m’aide.Et puis, moi, j’aime les gens!»Henri 48 ans

REPORTAGE

LIBÉRATION LUNDI 12 AOÛT 2013

Page 11: Liberation . Syrie

FRANCE • 11

Aux bains­douchesde la rue des Haies, dansle XXe arrondissementde Paris, en mai.L’établissement a étéconstruit en 1927.Il accueille aujourd’huiaussi bien des habituésque des migrants fuyantdes conflits.

REPÈRES

17C’est le nombre de bains­douches quecompte la ville de Paris. A la fin de l’année,la mairie devrait rouvrir un établissementrue Rocher, dans le VIIIe arrondissement.

«Nous avons un ancien militairequi continue de venir alors qu’ila une salle de bains. Il a toujoursété habitué aux bains-doucheset préfère voir du mondeque d’être seul.»Marc Albéri agent aux bains­douches de la ruede Meaux à Paris (XIXe arrondissement)

1 km

PARIS IerIIe

IIIe

IVe

VeVIe

VIIe

VIIIeIXe Xe

XIe

XIIe

XIIIeXIVe

XVe

XVIe

XVIIeXVIIIe

XIXe

XXe

Bains-douches de Paris

Créées à la fin du XIXe avec le mouve­ment hygiéniste, les douches municipalessont un service public venant s’ajouter auxfontaines publiques et aux vespasiennes.Payantes, elles se généralisent dans lesannées 1920­1930, sont modernisées dansles années 50, et ont tendance à fermerdans les années 80, mais sont encore unservice public dans des communes commeParis, Nantes, Rouen ou Clermont­Ferrand.

LIBÉRATION LUNDI 12 AOÛT 2013

Page 12: Liberation . Syrie

12 • FRANCEXPRESSO

U n militaire de 23 ans, «prochedes idées de l’extrême droite ra-dicale», selon le ministère de

l’Intérieur, a été déféré hier devant lasection antiterroriste du parquet deParis après quatre jours de garde à vuedans les locaux de la Direction cen-trale du renseignement intérieur(DCRI). Interpellé sur la base aériennede Lyon-Mont Verdun le suspect

«avait projeté de tirer à l’arme à feucontre une mosquée de la région lyon-naise», indique le communiqué de laPlace Beauvau. Selon des sources pro-ches de l’enquête, ce jeune soldataurait lancé, l’année dernière, uncocktail Molotov sur la porte d’unemosquée près de Bordeaux, ne faisantque peu de dégâts et pas de victime.Le ministre de l’Intérieur, Manuel

Valls, a félicité les agents de la DCRIpour avoir «permis de mettre [le sus-pect] préventivement à la disposition dela justice et hors d’état de nuire». Et ila réitéré «son engagement le plus résoluà lutter contre toutes les violences s’ins-pirant des idéologies les plus extrémistes[…] qui ont pour seul objectif de propa-ger un climat de haine. Aucune tolérancene sera admise.»

G À CHAUD LE SUSPECT A ÉTÉ DÉFÉRÉ HIER DEVANT LES JUGES ANTITERRORISTES

Un soldat aurait ciblé une mosquée à Lyon

Le procureur de Marseille, Jean­Jacques Fagni, devant la presse hier. PHOTO BORIS HORVAT.AFP

L’ émotion était grandehier en fin de journéedans le centre de Mar-

seille, sur les lieux où unhomme de 22 ans a été poi-gnardé vendredi. Une tren-taine d’habitants et d’étu-diants de la même école(Euromed) que la victime sesont recueillis dans le silenceen présence de Patrick Men-nucci, le maire (PS) du sec-teur. Le matin, Jérémie, ori-ginaire des Vosges et venu envacances chez des amis, avaitsuccombé au coup de cou-teau qu’il avait reçu la veilleen allant chercher une amieà la gare Saint-Charles.Samedi soir, un individud’une quarantaine d’années,qui semble correspondre aususpect repéré sur les imagesdes caméras de surveillance,a été interpellé. D’après lespremiers éléments, il s’agi-rait d’un SDF, connu desservices de police pour volset violences. Et souffrantde troubles psychiatriques.

Dans un communiqué, leministre de l’Intérieur, Ma-nuel Valls, évoque un indi-vidu «manifestement et gra-vement déséquilibré, qui feral’objet de soins psychiatriquessans consentement».L’auteur présumé de l’agres-sion, qui se trouve dans unétat «très délirant», a étéexaminé par un expert psy-chiatre qui a ordonné son in-ternement. L’arrestation dece marginal, qui s’est faitesans difficulté, a été renduepossible grâce aux recoupe-ments faits entre l’enquêtede voisinage effectuée par lespoliciers et les images devidéosurveillance.L’agression de l’étudiant a eulieu vendredi soir, aux alen-tours de 23 heures. Grave-ment blessé à la gorge, il serend dans un bar situé boule-vard d’Athènes et explique àla gérante avoir été agressé,avant de s’effondrer. Sontéléphone portable n’ayantpas été retrouvé sur les lieux

de l’agression, les enquêteursn’ont pas écarté, dans unpremier temps, l’hypothèsed’une rixe provoquée par levol du téléphone. Selon unesource proche de l’enquête,l’homme interpellé, «qui nesemble pas avoir pris cons-cience de ses actes», est «biensûr» le suspect numéro 1,«même s’il n’a pas pu être en-tendu», en raison de son état.A Marseille, la droite s’estemparée de ce drame pourrelancer la polémique surl’insécurité dans la cité pho-céenne. Pour le maire (UMP)de Marseille, Jean-ClaudeGaudin, «cet acte de violence[…] démontre la nécessité ab-solue pour l’Etat d’augmenterles effectifs et la présence poli-cière dans les rues de ladeuxième ville de France». Leministre de l’Intérieur a, lui,appelé tous les responsablespublics à la retenue, «afind’éviter les surenchères etpolémiques déplacées».

G.Li (avec AFP)

EtudianttuéàMarseille:unsuspectinternéMEURTRE L’agresseur présumé de Jérémie, 22 ans,serait un SDF déséquilibré connu de la police.

L a riposte du ministre dela Défense, Jean-YvesLe Drian, à l’enquête

consacrée par Libération le9 août au Bugaled Breizh nes’est pas fait attendre. Danssa missive, le patron des mi-litaires affirme que «tout aété fait depuis l’ouverture del’enquête judiciaire pour faireémerger la vérité dans cetteaffaire tragique».

Le 15 janvier 2004, le chalu-tier finistérien sombrait aveccinq marins à son bord, pro-bablement crocheté par unsous-marin militaire partici-pant à un exercice de l’Otan.Mais, après presque dix ansd’enquête, la justice s’apprê-terait à rendre un non-lieu,ce qui fait dire aux famillesdes victimes que «les autori-tés ont sciemment fait entraveà la manifestation de lavérité». Sur ce point, Jean-Yves Le Drian précise «qu’àchaque demande par la justicede déclassification de docu-ments classés “secret défense”ou “confidentiel défense”, leministre se doit de solliciterl’avis de la commissionconsultative du secret de la dé-fense nationale. Cette commis-sion a émis à six reprises un

avis favorable à la déclassifica-tion des documents réclaméspar les juges. Avis que nousavons systématiquement sui-vis», fait-il valoir. Mais cettemise au point ne convaincpas Dominique Tricaud, l’undes avocats des parties civi-les: «Il est aujourd’hui établique l’armée française a mentien niant les manœuvres sous-marines à proximité du lieu dunaufrage, en ne montrant auxfamilles qu’un côté de l’épavedu “Bugaled Breizh” [celui oùl’on ne voit pas l’implosionde la cale, ndlr], et en inven-tant la fable d’un cargo voyoureprise en chœur par les gou-vernements successifs.»

A ce jour, le ministère n’a pasaccédé à la demande des par-ties civiles qui réclament ladéclassification des journauxde bord de certains bâti-ments en manœuvre au mo-ment du naufrage, commel’aviso Commandant Blaisonou la frégate Primauguet. Or,ces journaux consignent tousles mouvements observés aucours de la navigation, que cesoit en veille visuelle, radarde surface ou en surveillancesous-marine. D’où leur im-portance cruciale. •

PROFANATION La façaded’une petite salle de prièremusulmane de Lesparre-Médoc (Gironde) a de nou-veau été dégradée dans lanuit de vendredi par des tagsde croix gammées. Elle avaitdéjà fait l’objet, mardi, d’undébut d’incendie et d’ins-criptions similaires.

ACCIDENT Un passager ducar, dont l’accident a faitdeux morts et une trentainede blessés, hier dans l’Aude,a avoué avoir fait donner unbrusque coup de volant auchauffeur. Pour une raisonindéterminée, cet Ukrainiensouhaitait qu’il s’arrête. Cinqautres personnes sont mortessur la route, samedi près deCarcassonne.

ÉCHANGES Matignon serale théâtre mercredi d’une«conversation entre [le phi-losophe] Marcel Gauchetet le Premier ministre, en-touré de ses conseillers», ontannoncé samedi les servicesde Jean-Marc Ayrault.Aujourd’hui, une autre «con-versation» est prévue, avecune dizaine d’enfants.

ROUGE L’automobiliste dé-cédée après une collisionavec un TGV, samedi soir surun passage à niveau en Sa-voie, s’était engagée alorsque le feu de signalisationétait rouge. La femme d’unetrentaine d’années auraitcalé sur le passage à niveauavant que les demi-barrièresne se rabattent.

53%des Français sont oppo­sés aux restrictionsà l’accès à la propriété surl’Ile de Beauté proposéespar Paul Giacobbi, prési­dent du Conseil exécutifde Corse, d’après unsondage Ifop pour le JDD,réalisé les 8 et 9 août.

«Je le dis à tout le monde:il y a un Premier ministre,la succession n’est pasouverte.» L’adresse estvenue hier dans le Journaldu dimanche de FrançoisRebsamen, le présidenthollandais des sénateurssocialistes. Le messagevaut pour le ministre duRedressement productif,Arnaud Montebourg, et leprésident de l’Assemblée,Claude Bartolone –qui seretrouveront le 18 à Fran­gy­en­Bresse (Saône­et­Loire)–, mais aussi pour lelocataire de la place Beau­vau, Manuel Valls. Ce der­nier «sait être au service desa popularité», uneméthode qui «lui réussitplutôt bien», juge le mairede Dijon, qui se serait bienvu premier flic de France.Sur l’exercice du pouvoir,Rebsamen a regretté qu’il yait «par moments une ges­tion trop technocratique»,appelant l’exécutif às’appuyer davantage surles parlementaires. Etenjoint les ministres et lePS à faire la pédagogie del’action engagée, soutenantque le chef de l’Etat, lui, «afait ce devoir d’explica­tion». PHOTO REUTERS

REBSAMENDÉFEND AYRAULTET TACLE VALLS

LES GENS«C’est une information bidon.[…] Visiblement, certains n’ont pasattendu le 15 août pour terminer la trêve,certaines petites manœuvresmesquines commencent.»Julien Dray vice­président du conseil général d’Ile­de­France, réfutant sur le site Lelab.europe1.fr que FrançoisHollande lui ait proposé d’être tête de liste aux européennes,comme l’affirmait hier le Journal du dimanche

Par WILLY LE DEVIN

«Bugaled Breizh»:juste une mise au point

DROIT DE SUITE

LIBÉRATION LUNDI 12 AOÛT 2013

Page 13: Liberation . Syrie

AprèslacatastrophedeDacca,lacasseouvrièrecontinueDepuis l’effondrement au Bangladesh de l’immeuble du Rana Plaza, l’absencede prise en charge des employés rescapés est dénoncée dans un rapport.

S elon un think tank bangla-dais indépendant, 750 em-ployés du Rana Plaza n’onttoujours pas reçu d’indem-

nisation, plus de cent jours aprèsl’effondrement de cet immeubledans la banlieue de Dacca qui a fait1 131 morts le 24 avril.«Ils n’ont plus de travail, pas d’ar-gent. Ils sont dans une situation mi-sérable», dénonce Kalpona Akhter,une activiste. Pire: le syndicat despatrons du textile, le BGMEA (1),est incapable d’identifier les em-ployés présents le jour du drame. Il

parle de 2760 person-nes. En réalité, il s’agi-rait plutôt de 3900. En

publiant ces données dans un rap-port du 3 août, le Centre pour undialogue politique (CPD) a fustigéle «manque de stratégie» du gou-vernement et du patronat.La situation est grave : certainsblessés ne peuvent pas payer leurtraitement médical, des famillessont sans ressources car elles n’ontpas retrouvé d’emploi. Les em-ployeurs n’ont pas réglé l’intégra-lité des salaires, ni des heures sup-plémentaires (pour 60 heures detravail par semaine, payées 30 à80 euros par mois), ni les indemni-tés de licenciement ou les assuran-ces décès (1000 euros par mort). Ettous les ouvriers ne bénéficiaientpas d’assurances…

CERCLE VICIEUX. La confédérationsyndicale IndustriALL chiffre lesbesoins d’indemnisation à 54 mil-lions d’euros, bien plus que ce quele textile bangladais est prêt àpayer. Syndicats et ONG tententdonc d’impliquer les marques occi-dentales qui s’approvisionnent auBangladesh. Mais peu d’entre ellesont accepté. Une réunion est pré-vue en septembre à Genève pour lesinciter à participer.En juillet, les groupes occidentauxont passé deux accords séparés(80 européens d’un côté, plus le ja-ponais Uniqlo depuis jeudi, et17 nord-américains de l’autre) pouraméliorer la sécurité dans les usinesbangladaises qui les fournissent etfinancer des travaux de rénova-tion. Mais l’accord américain restenon contraignant.Et comment répertorier des usinesqui bourgeonnent sans aucun con-trôle ? Comment les superviseravec seulement 51 inspecteurs pour6000 entreprises (200 supplémen-taires doivent être embauchés d’icila fin de l’année)? Comment s’as-surer que les travaux sont réalisés?Autre problème: à chaque accident,le pays annonce des mesures quin’entrent jamais en vigueur, fautede contrôles. Comment sortir du

cercle vicieux ? Le CPD réclame«un plan concret, des responsabilitésbien établies, un échéancier précis»,ainsi que de la transparence, uncode de conduite et des organes in-dépendants de contrôle.Mais rien de tel n’existe dans cepays gangrené par la corruption.

Mêmes inquiétudes pour le statutdes syndicats. Sur 5 000, seulesquelques dizaines d’usines textilesen ont. La loi a légèrement changémi-juillet. Jusqu’ici, le patron étaitprévenu quand un employé se syn-diquait: le harcèlement commen-

çait alors, jusqu’au licenciement.Cette clause a été supprimée mais,selon la militante Kalpona Akhter,«ça ne signifie pas que les tra-vailleurs vont rejoindre les syndicats.Dès qu’ils commencent à s’organiser,les patrons les en empêchent. Il fau-drait une protection des délégués.»

Le problème est plusprofond, déplore leprésident du CPD, Re-hman Sobhan : «Pourque nous soyons com-pétitifs, il faut que lesemployés n’aient aucun

droit, qu’on puisse les licencier sansproblème. C’est la flexibilité qui nouspermet d’être compétitifs.» Le RanaPlaza a tragiquement illustré lesconséquences d’un manque desyndicats. «Au matin de la tragédie,déclare Sobhan, la pression a été

mise sur les travailleurs qui refusaientd’entrer [l’immeuble présentait desfissures, ndlr] : “Si vous n’y allezpas, vous perdrez votre job.” “Quelchoix avais-je? ont dit les employés.Si je n’entre pas, qui va nourrir mesenfants, qui va payer leurs études?”Si ces ouvriers avaient fait partie d’unsyndicat, aucun employeur n’auraitpu les obliger à risquer leurs vies.»

«SERMONS». Kalpona Akhter notenéanmoins que «l’on voit main-tenant certains employés refuserd’entrer dans leur usine tant que lasécurité n’est pas améliorée». Unpetit progrès…Mais pour Sobhan, la tragédie per-pétuelle du Bangladesh tient à cette«relation inégale de travail» entreemployeurs et ouvriers: «C’est unproblème systémique. Il n’y a pas de

gouvernance dans ce pays capable deréguler la situation. La seule régula-tion, c’est le marché.» Et l’enjeun’est pas circonscrit au Bangla-desh, ajoute Sobhan. «On va avoirdes sermons de nos partenaires :“Vous devez faire ceci et cela.” Maiscomme la concurrence va se poursui-vre, Wal-Mart et les autres cherche-ront toujours les fournisseurs lesmoins chers car les clients occiden-taux regardent surtout le prix.»Le tee-shirt acheté 5 dollars auBangladesh «sera toujours vendu 25à New York». Il faut donc, selon lui,«exiger des grandes marques qu’ellesrendent des comptes sur les richessesque créent nos productions». Cen’est pas gagné. •(1) Bangladesh GarmentManufacturers and ExportersAssociation.

Par MICHEL HENRY

«Il n’y a pas de gouvernancecapable de réguler la situation. Laseule régulation, c’est le marché.»Rehman Sobhan président du think tank CPD

RÉCIT

Akhi, une ouvrière du Rana Plaza, faisait toujours partie des portés disparus le 24 mai, un mois après l’écroulement du bâtiment. PHOTO TASLIMA AKHTER

2000C’est le nombre de personnesmortes au Bangladesh dans desincendies ayant frappé des usi­nes textiles depuis dix ans, selonle rapport du think tank CPD.

BANGLADESH

Golfe du BengaleBIRMANIE

INDE

INDE

100 km

Dacca

REPÈRES «Un grand nombred’usines textilesfonctionnent en dehorsdes lois et en touteimpunité.»Le think tank CPDdans son rapport du 3 août

332victimes du Rana Plaza sonttoujours portées manquantes.On a enterré 234 cadavresnon identifiés. Des tests ADNsont en cours.

LIBÉRATION LUNDI 12 AOÛT 2013

ECONOMIE • 13

Page 14: Liberation . Syrie

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N on, Pierre Moscovicin’a pas revu à labaisse, a-t-il martelé

hier sur RTL, la prévision decroissance pour 2013. Oui, leministre de Finances a bienassuré, la veille dans Nice-Matin, que la «croissance serafaible, voire étale, entre - 0,1et + 0,1». Or, jusque-là, legouvernement Ayrault ta-blait sur un mini-rebondde 0,1% du PIB.Le locataire de Bercy laissedonc entendre que cetteprévision, qui sera affinéele 25 septembre lors de laprésentation de la loi de fi-nance, tient de la fourchettehaute. Et que le rebond es-péré a plus des allures dewishful thinking – vœupieux– que de réalité écono-mique. A force de vanter lessignes de convalescence, cen’est plus de l’équilibrismeauquel se livrent les autoritésfrançaises, c’est du funam-bulisme. «Il y a au moins unconsensus pour dire que tout

cela ne sera pas terrible, noteun économiste. Moins 0,1 ou+ 0,1, cela ne change pasgrand-chose à l’arrivée : celareste pathétiquement mau-vais».Mais ne pas terminer l’annéesur une note récessive tient,pour l’exécutif, de l’impéra-tif. «Il y a quelque chose qui sepasse», avait ainsi martelémardi François Hollande,dans la foulée de son allocu-tion du 14 Juillet, où il avaittablé sur la «reprise» del’économie. Ce volontarismeavait pris de court Moscoviciqui avait dû assurer, dans lafoulée, que la France était«sortie de récession».Sortie de la récession, peut-être (après avoir reculé audernier trimestre 2012 et aupremier trimestre 2013) : lePIB devrait croître à nouveauau troisième trimestre, selonla Banque de France. Mais delà à claironner le retour de lacroissance, il y a de la marge.Ou de l’incantation.

Reste l’aveu, par le locatairede Bercy, de l’augmentationde 0,3% des prélèvementsobligatoires pour le bud-get 2014. «Une hausse limitée,toujours dans la justice so-ciale», plaide Pierre Mosco-vici. «Une erreur majeure,s’étrangle Gilles Carrez, pré-sident de la commission desfinances de l’Assemblée na-tionale. Comment voulez-vousque la consommation repartesi le pouvoir d’achat des mé-nages, en particulier des clas-ses moyennes, est encore altérépar une hausse de CSG pour lefinancement de la réforme desretraites ?»Samedi, François Bayrou,président du Modem, avaitrappelé que la chute dela production industrielle(-1,4% en juin par rapport àmai) et la hausse du déficitde l’Etat (+ 2,6 milliards finjuin sur un an) démentaient«l’optimiste affiché par lepouvoir».

CHRISTIAN LOSSON

«Sortiederécession»:l’œilde«Mosco»CROISSANCE Les prévisions du ministre des Finances,fluctuantes, tiennent de la méthode Coué.

L’Agence internationale de l’énergie(AIE) réduit légèrement ses prévisionsde croissance de la demande mon-diale de pétrole pour cette année etla suivante. Pour 2013, l’AIE tabledésormais sur une hausse de895000 barils par jour de la demandeplanétaire d’or noir, à 90,8 millions,alors qu’elle prévoyait une augmenta-tion de 930000 en juillet, détaille-t-

elle dans son rapport mensuel sur lemarché pétrolier. Et pour 2014, ellecontinue à tabler sur une accélérationde la demande, qui devrait toujoursatteindre un nouveau sommet à92 millions de barils par jour, mais unpeu moins forte qu’auparavant. Elleestime désormais la croissance de laconsommation de brut à 1,1 million debarils par jour en moyenne, contre

1,2 million précédemment. L’agencea justifié ce léger abaissement par larévision à la baisse des prévisions deconjoncture du Fonds monétaire in-ternational (FMI). Cette année, le FMIne prévoit plus qu’une croissance del’économie mondiale de 3,1% (ali-mentée par les pays émergents), con-tre 3,3% en avril, et de 3,8% en 2014,au lieu de 4%.

G À CHAUD LES PRÉVISIONS DE DEMANDE DE PÉTROLE SONT À LA BAISSE

La planète moins gourmande en or noirPar PHILIPPE BROCHEN

Des produits Samsungboutés hors des Etats-Unis

L a guerre des brevets en-tre Apple et Samsung,les deux leaders mon-

diaux des smartphones et ta-blettes, ne connaît pas detrêve estivale. La marque à lapomme a obtenu vendredil’interdiction de vente auxEtats-Unis d’appareils mobi-les de son rival sud-coréen,qu’il accuse de violer ses bre-vets. La décision a été prisepar la Commission améri-caine du commerce interna-tional (USITC). Il y a une se-maine, la Maison Blancheavait cassé une décision si-milaire prise par l’USITC à lademande de Samsung contreles iPhone 3GS, 4, 4S et cer-tains iPad.

Que reproche Appleà Samsung ?La firme de Cupertino avaitdéposé plainte contre lafirme sud-coréenne enaoût 2011, car elle estimaitque certains smartphones ettablettes de son concurrentcopiaient des fonctionnalitésde ses iPhone et iPad.L’USITC a jugé des violationsavérées pour deux brevets.Elles portent sur des techno-logies liées aux écrans tacti-les et à la détection d’acces-soires comme les écouteurs.Apple n’a toutefois pas gagnésur toute la ligne : l’USITC arejeté ses accusations contreSamsung pour quatre autres

brevets. Deux portaient surla forme des appareils, et no-tamment les coins arrondisqui caractérisent les iPhoneet les iPad.

Quelles conséquencespour le sud­coréen ?Samsung Electronics Ame-rica et Samsung Telecommu-nications America sont inter-dits «de continuer à importer,vendre et distribuer des articlesqui enfreignent» ces deuxbrevets. La décision n’indi-que toutefois pas quels sontles appareils concernés. Maisselon des sites américains,les produits en cause seraientses produits phares: les Ga-laxy S4G, Fascinate, Capti-vate, Galaxy Tab et GalaxyTab 10.1, ainsi que des smart-phones et tablettes commer-cialisés en 2010 et 2011. Legroupe sud-coréen a laisséentendre que la portée decette décision serait limitée.

Les produits cesseront­ilsd’être vendus ?La décision de l’USITC neprendra effet qu’après l’ex-piration d’un délai de deuxmois durant lequel Obamapeut opposer son veto.Washington y a eu recours lasemaine dernière pour lapremière fois depuis 1987 enfaveur d’Apple. Une décisioninterprétée comme du pro-tectionnisme par Séoul. •

DÉCRYPTAGE

La banque centraleallemande l’assurerait:la Grèce aura besoindébut 2014 d’un nouveausoutien financier, selonDer Spiegel hier, citantun document de laBundesbank. Une fuite quipourrait relancer le débatsur l’attitude de la chance­lière Angela Merkel, notam­ment soupçonnée par PeerSteinbrück, leader du partisocial­démocrate, de mini­miser la situation financièrede la Grèce pour ne pascompromettre ses chancesde remporter les électionsdu 22 septembre. Athènesa déjà utilisé 90% des240 milliards d’eurosd’aides promises…

QUERELLEOUTRE­RHINSUR LA GRÈCE

L’HISTOIRE

NUCLÉAIRE Tepco, qui ex-ploite la centrale deFukushima, a commencé àpomper de l’eau souterraineradioactive pour tenter deréduire les rejets dansl’océan Pacifique.

ALIMENTATION Les produc-teurs d’œufs bretons sus-pendent leurs actions dansl’attente d’une réunion avecle préfet. Ils avaient détruitdes œufs pour protester con-tre la faiblesse des cours.

«Thor a soumisune offre à plusde 1,18 milliard dedollars [885 millionsd’euros, ndlr]à Empire StateBuilding Associates.»Jason Meister du fondsd’investissementen immobilier

LIBÉRATION LUNDI 12 AOÛT 201314 • ECONOMIEXPRESSO

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LIBÉRATION Lundi 12 août 2013 www.liberation.fr

ET SI RAËL AVAIT RÉUSSILA PHOTOCOPIE HUMAINE

Un tas declones rit

REWIND Cet été, «Libération» transforme l’Histoire en fictions.Reportage en 2047 au grand raout des clones de France. C omme chaque année, le

Clone Fest pose aujourd’huises quartiers au parc natureldu Gâtinais français

(Essonne). Le rendez-vous, instauréen 2020, rassemble ceux qui se ressem-blent, nés depuis 2002 grâce aux

200271973 2013

L’ÉTÉ DES 40 ANS

Par ÉRIC LORET et GUILLAUME TIONEnvoyés spéciaux au parc du Gâtinais (Essonne)

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II • 20027

LIBÉRATION Lundi 12 août 2013 www.liberation.fr

efforts de la société Clonaid. Troisjours de partage en partenariat avec lesassociations 130 Millions d’Amis et Telquel, mais aussi de débat, car tous nesont pas amoureux de l’uniforme: quel-ques associations de dissidents, on lesait, souhaitent «rétablir les différen-ces». Pour mieux connaître leur quoti-dien, nous avons interrogé cinq clonesde Francis, 65 ans, retraité de la marine.Ils ont entre 21 et 44 ans, sont ensei-gnant ou sociologue et ont traversé lavie dans l’ombre de leur modèle ou,comme ils disent, leur «numéro 1».

«J’étais un peuleur maman»

Fransix 44 ans, gardien de prison«Dans les cloneries [fratries de clones,

ndlr], ce qui est primordial, c’est le ran-gement. Sans ça, on n’arrive à rien. Parexemple, 20 personnes qui cherchentleur deuxième chaussette dans le mêmedortoir, c’est pas possible. C’est un mo-tif d’éradication. Pour la première cam-pagne de clonage de Francis, on étaitapparus une douzaine. Dès 3 ans, cha-cun avait son rôle, par exemple, pourFrancys, c’était les organes (lire ci-après) ; pour Francisse les actes admi-nistratifs ; pour moi c’était l’inten-dance. Je devais m’occuper des onzeautres. J’étais un peu leur maman, etavec moi, c’était carré.«J’ai eu une enfance plutôt agréable caron ne me demandait pas d’être bon enclasse ou de servir d’esclave sexuel. Tantque j’arrivais à finir mes lessives, monrepassage, mon ménage et les courses,

après avoir préparé le repas, mis la tableet l’avoir débarrassée, fait un peu devaisselle et rangé la maison, j’étais tran-quille jusqu’au petit déj du lendemain.J’avais pas à me plaindre.«Ensuite, je me suis occupé des clonesdes onze autres campagnes. Mais c’étaitpas pareil, on avait des problèmes deplace, on a dû s’entasser dans des gar-de-meubles. J’avais comme une im-pression de déjà-vu. Et puis on étaittrop différents. En âge, je veux dire.Autant j’étais proche de mes premiersfrères, que je pouvais reconnaître àl’odeur, autant ceux-là, j’étais infoutude retenir ne serait-ce que leur prénom.Il y a eu des moments difficiles, c’estvrai, mais comme dans toutes les fa-milles de 145 personnes. Le pire, jecrois, c’est le jour de l’anniversaire, ou

celui du départ en vacances. L’impor-tant dans ces cas-là, c’est de rester uni,soudé. Une équipe.»

«Putes à volonté, buffetgratuit soir et midi»Francys 28 ans, enseignant

«Vous savez, on s’habitue. ChaqueClone Fest, c’est peut-être le dernier.On est une trentaine, je crois, à servirde réservoir d’organes pour Francis. EtFrancis, son truc, c’est la picole. Il y ades gens qui clopent, bon, on peut leurchanger un poumon et même avec unseul poumon, son clone survit. Ouun seul rein. Mais le foie, une fois qu’onme l’aura enlevé pour l’autogrefferà Francis, à la poubelle le Francys.C’est le progrès : Francis va mourir

Depuis 2020,le Clone Festrassemble ceuxqui seressemblentgrâce aux effortsde la sociétéClonaid. PHOTOJULIE GUICHES.PICTURETANK

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• III20027

LIBÉRATION Lundi 12 août 2013 www.liberation.fr

POUR DE VRAI

1997 Messager des Elohim («noscréateurs») depuis 1973, ClaudeVorilhon dit Raël fonde Clonaid,société promeuvant l’éternitépar le clonage.2000 Raël abandonne ladirection de Clonaid à BrigitteBoisselier, ex­chimiste àAir Liquide et guide­évêqueraélienne.26 décembre 2002 Naissanceannoncée, depuis la Floride, parBrigitte Boisselier, d’Eve, premierbébé cloné par sa société.Janvier 2003 Après avoirannoncé des preuves ADN duclonage d’Eve (que personne n’ajamais vue), Boisselier expliqueque les parents du bébé ne sontplus très chauds pour le testgénétique.13 janvier 2003 Le tribunal deFort Lauderdale en Florideentame une procédure judiciairecontre Thomas Kaenzig, vice­président de la société Clonaid.2013 Le clonage humainreproductif n’a toujours pas étéréalisé.

beurré comme un Petit Lu sans jamaisavoir frôlé la cirrhose. Moi, en re-vanche…«Bon, il y a des compensations. Putesà volonté, buffet gratuit soir et midi.J’ai de la chance, pour les filles, Francisa passé un deal avec une boîte russe,c’est de la qualité. Des clones de lamême fille tous les week-ends, pour

la sentimentalité, et des produits dif-férents tous les soirs de semaine.Côté bouffe, rien que du bio et dudiététique, afin d’éviter qu’on meured’obésité avant d’avoir livré nosorganes.«Comme tous les CPM [clones précoce-ment mortels, ndlr], j’ai eu à choisir unmétier en rapport avec mon savoir in-time de la mortalité. Les pompes funè-bres ou légiste, ça ne me disait troprien. J’ai fait dans la facilité. Prof dephilo. Apprendre à mourir, la révolte,l’être, tout ça. Mais cette année, je pré-pare des Immortels aux grandes écolesde communication. C’est la premièrefois, ça me plaît bien. Je leur fais lesœuvres complètes d’Alan Harringtonet Michel Houellebecq en extraits. Là,j’en suis au développement créatifcomme passe-temps pour l’éternité, çaa l’air d’accrocher. Ils ont une disserta-tion à rendre pour l’an prochain :“Peut-on créer continûment sans deve-nir Dieu?” J’espère ne pas passer par lacase morgue avant d’avoir fini le pro-gramme…»

«Même les vachesont des taches»

Phrancis 21 ans, sans emploi«Je suis là mais en fait je ne suis pas là.J’ai pas le droit d’être là. S’ils me trou-vent ici, ils me rectifient d’emblée, s’ilvous plaît notez que je ne suis pas là…[A la demande de Phrancis, son prénoma été modifié, ndlr.] Tout petit, j’ai com-mencé à me demander pourquoi onétait autant à se ressembler. Quel inté-rêt de recouvrir la planète de personnesidentiques, sans signe distinctif. C’estvrai, ça, même les vaches ont des ta-ches. Et puis j’ai compris.«Revenez dans deux cents ans, et vousne trouverez plus qu’une dizaine de fa-milles qui peupleront la Terre. Le clo-nage thérapeutique, c’est du flan. Parceque le but, c’est pas de soigner, c’est desélectionner les élus qui feront partie dugrand shebaz, le voyage cosmique pourretrouver nos ancêtres Elohim. C’est çala vérité, c’est aussi pour ça que le CloneFest est organisé, pour qu’on ne seperde pas de vue. Les affiches du conseilgénéral de l’Essonne, le barbecue à14 heures, je veux bien, mais c’est unecouverture. L’essentiel, c’est les yeux,regardez… Je te vois, tu me vois, on secomprend. Tu vois ?«Raël, pour moi, c’est le seul qui peutnous sauver, il va briser le miroir. J’aiun contact avec lui. Tous les jours,il vient me voir, avec son manteaublanc il entre dans ma chambre, me de-mande si je vais bien, il prend soin demoi. Je sais qu’il sait que nous savons

qu’ils savent. C’est pour ça que les cho-ses vont changer, ça va être différent,avec des différences. (Il crie) Des diffé-rences ! Après le barbecue, vousverrez… (Il est soudain ceinturé par desmembres de la sécurité.)»

«On veut un enfantnon né»

Francisse 39 ans, employé«C’est en visitant la mère de Francisque j’ai rencontré Polyne. Une fillesympa. Je ne peux pas me plaindre.D’ailleurs, Francis est plutôt cool avecmoi. Je fais la queue à la poste, aux As-sédic, aux expos du Grand Palais, c’estmoi qui cause aux garçons de café, évi-demment je travaille à sa place, breftout le sale boulot, mais Francis aimebien se garder quelques activités. Parexemple, il bosse en été, pour mater lesfilles en jupettes et sandales. Pendant cetemps, je me repose. Là, c’est un peupareil. Je vais voir sa mère tous les di-manches à sa place, mais Francis ne ditrien, rapport à mon histoire avec Po-lyne ; tant que je fais la conversationavec sa daronne, que je lui apporte deschocolats, que je supporte ses chanta-ges au suicide… Polyne, c’est le clone 78de la mère de Francis. Elle a 33 ans, elleest coiffeuse. On l’a fabriquée à l’épo-que où l’on croyait que Pauline, sa nu-méro 1, avait un don de divination etque ça pourrait servir d’en avoir plu-sieurs en cas de guerre, de canicule, depénurie de lolcats… On s’est aperçu troptard que Pauline n’avait aucun don. Ellese contentait d’écouter les voisins à tra-vers la cloison et de leur prédire cequ’elle avait entendu.«Avec Polyne, je crois qu’on s’aimevraiment. On envisage de déposer unedemande de stérilisation, afin d’êtresûrs que notre enfant sera unique puis-que non né. Vous savez, être clone, c’estparfois dur. Je vois mon pote Rayanne,que son numéro 1 utilise pour pratiquerl’autofellation, c’est pas top glamour.»

«Un moyen efficace des’épanouir en société»

Francyx 41 ans, sociologue«Dès 2005, le clonage a d’abord été unepréoccupation des couples homo-sexuels, qui y voyaient un moyen sim-ple d’avoir des enfants, avant les lois surl’adoption ou la PMA. Il y a eu les dé-bordements que l’on sait dans les cou-ples gays, chacun des partenaires setrouvant plus beau que l’autre et insis-tant pour que leur fils soit à son image.Chez les lesbiennes, à l’inverse, cha-cune voulait que la fille du couple soitle clone de sa partenaire. Assez vite,beaucoup de couples d’hommes se sont

séparés. Chacun trouvait plus avanta-geux de vivre avec son seul clone que desupporter les humeurs d’un partenairequi n’était, de fait, qu’une copie impar-faite de lui-même.«Mais la fracture décisive dans l’évolu-tion du clonage remonte à l’affaire desGrotowsky [en 2021, Boris Grotowksky aépousé le clone, alors âgé de 17 ans, de samère, clone qui a ensuite voulu se marieravec le clone d’un des jumeaux qu’elleavait eus avec Grotowsky, ndlr], qui, bienque ressortissant davantage à la psy-chiatrie, a eu des conséquences juridi-ques énormes, notamment la loi de dé-cembre 2024 sur l’encadrement maritaldes clones, qui deviendra deux ans plustard la loi sur l’encadrement sexuel.«Aujourd’hui, le clonage reste unmoyen efficace pour s’épanouir en so-ciété, c’est-à-dire en restant chez soipendant que vos clones vous représen-tent au dehors. Il n’a plus, de par sonencadrement juridique –et même, nenous voilons pas la face, par une cer-taine lassitude de ses plus fervents sup-porteurs – cet attrait de l’interdit gé-mellaire et de la quête sexuelleinfra-identitaire qu’il a pu générer jadis.Aujourd’hui, le “droit à la ressem-blance”, c’est un truc de vieux.» •Demain: Le rock n’est pas revenuà la mode.

Sur France Info jusqu’au 24 août

avec40 ANS

40 jours pour revivre 40 années !Du lundi au vendredi à 9h15, le samedi à 8h15 et à réécouter sur franceinfo.fr

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VOUS PERMETTEZ ?

Concept stores,du vide au bideUne robe Alaïa, en jersey,encolure carrée,à 2600 euros, en ventechez Colette? OK, onajoute au panier. Notrepetite entreprise neconnaît pas la crise. Desboucles d’oreilles «ailes»en or blanc 18 carats, sertisde diamants blancs etdiamants noirs, Elise Drayà 11025 euros? Elles sontnécessaires pour écrire, onles fera passer en notes defrais, tant pis pour les clipsqui pincent. La créatrice aun «instinct artistique»,«une énergie positive», elles’inspire de «son amourpour les animaux», et «sesidées bouillonnent», dit laprésentation. Tout commenous. Est-ce une chance ouun pléonasme, d’êtreornée de son reflet? Et ledoudou? Doit-ilressembler à l’enfant,comme le chien à sonmaître? Une marqueaméricaine de poupéess’est posé cette question etc’est une vision d’horreurque de voir des milliers depetites filles, Frankensteinen goguette, choisir etcomposer la poupée quileur ressemble le plus,dans un espace rose,immense, et sonore,accompagnées d’un doubleplus âgé toujours féminin,et d’autant plus doublequ’il y a des miroirs. Al’opposé, le concept storeColette cultive la pièceunique, la rareté, et, avecelle, le manque. Conceptstore? Et pourquoi pas«marchand de couleurs»,ou «tout à 10000 euros»?En 2002, dans le sillage deColette, le concept store batson plein, et les boutiquesqui vendent du flan, «uneambiance», et un peu desoleil dans l’eau tiède,

prolifèrent. Déjà, unedizaine d’années avant,lors de la publicationde Qu’est-ce que laphilosophie? coécrit avecGuattari, Deleuzes’insurgeait que despublicitaires s’octroient leconcept de concept, propreà l’activité philosophique.«C’est quoi le concept de tarobe?» nous demande-t-on, tandis qu’on boit del’eau dans le water bar deColette, après avoir huméle luxe dans l’espoir et lacrainte d’être contaminée:«un grand momentd’émotion» comme disentles rédactrices de modeaprès les défilés. Les clientsde Colette «viennent detoutes les provenancessociales», c’est lacofondatrice et directriceartistique de la boutiquequi l’assure au magazineStratégie. En 2002,cependant, coincées entrel’éclatement de la bulleboursière et le11 Septembre, le luxe apeur. Les ardeurs de laconsommation et le désirde se distinguers’écrouleront-ils à leurtour? Mais non. Tel JamesBond 007, ils ont été lespremiers à reprendre dupoil de la bête. Dans leNouveau Luxe, à paraîtreen septembre chez Stock,Yves Michaud explique:«Entre 1995 et 2012, lemarché mondial du luxe estpassé de 77 milliardsd’euros à 212 milliards. Lesprévisions du cabinet Bainand Co, spécialisé dansl’analyse de ce marché,tablent sur 230 milliardsd’euros en 2014.» Qui plusest, il est devenuimmatériel. Acheter duvent n’est plus à la portéede toutes les bourses. •

Par ANNE DIATKINE La rubrique deschiens nécrosésÇA VA ÇA VIENT L’Amibox promet un accueil éternelà nos animaux domestiques.

J acques Dambron estde la race des inven-teurs foudroyants.Dès qu’un problème

débarque, il se creuse lesméninges et hop, eurêka,coup de génie.Par exemple: un jour de cielgris, en 2002, son chien Biloumeurt. Un cocker. Triste his-toire. Jacques Dambron vou-lait enterrer Bilou mais rienne faisait l’affaire. «Je n’aipas trouvé de réceptacle, je l’aienveloppé dans son plaid.C’était triste», expliquait-il àLibé après le drame. Avecl’énergie de l’endeuillé, illance l’Amibox : le cercueilpour animaux.Brevet. Le principe est sim-ple, c’est comme pour leshumains sauf que la boîte estplus petite (à voir pour lescadavres de Saint-Bernard)et qu’elle évite le chêne etl’acajou. Onze ans après lelancement, l’inventeur sesouvient: «Je commercialisaisdes boîtes pour pièces anato-miques à l’époque, des boîtespour recueillir les membresamputés, un bras, une jambe.J’ai appelé ça l’Anatbox. Jem’en suis inspiré pour le cer-cueil. J’ai déposé le brevet et

tout de suite j’ai été appelé pardes Anglais. Ils sont férus depetits animaux là-bas, les sou-ris et tout, ils sont fous de ça!»A quoi ressemble une Ami-box ? Imaginez un cercueilIkea, à assembler entre deuxsanglots sur le tapis du salon.Ni clou ni vis, les quatreplanches s’emboîtent. En-suite, à moins de vouloircreuser dans le potager la sé-pulture de Riri, Fifi ou Lou-lou, il vous faut un cimetière.Pourquoi pas Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine)? As-nières pour un chien, c’est lePère-Lachaise pour un fan deJim Morrison, sauf que la starici s’appelle Rintintin. Dansles allées, gravés sur des stè-les marbrées, on croise lesnoms de feu les fidèles com-pagnons : Mémère, Titinemais aussi Roro, Hulk et lesurprenant Robespierre, quirâle au fond de son trou.C’est qu’il y a du monde audortoir d’Asnières, deschiens, des oiseaux, des la-pins nains ou pas, des hams-ters morts de fatigue, épuisésd’avoir trop couru, des pois-sons rouges, des lions, dessinges… Ils sont plusieurs di-zaines de milliers à garnir les

allées du premier cimetièreanimalier au monde, inau-guré en 1899. Alors cetteAmibox, une arnaque? L’in-vention d’un truc vieux decent quinze ans? La nuanceest dans le prix : JacquesDambron a pensé à celui quin’a pas 3540 euros à claquerpour réserver 1 m2 de pelousesur vingt ans. Voilà le but del’Amibox : permettre, pourun peu plus de 30 euros,d’enterrer son furet domes-tiqué «dans la dignité». Pro-blème, les planches de peu-plier n’ont pas percé.Jouet. On aurait dû en trou-ver au supermarché, entre lejouet qui couine et la laisse àgrelot. Jacques Dambron es-pérait en écouler 5 000 parmois, il se voyait précurseurd’un secteur que la crise nepouvait pas plomber puisqueles chiens continueraient àmourir, quoi qu’il arrive.«Mais en France, le maître vachez le véto quand il sent la finvenir. L’animal est euthanasiépuis congelé jusqu’à ce qu’uneentreprise vienne le chercherpour la crémation. Ça se passecomme ça dans 90% des cas.Après, bien sûr, il reste desgens qui creusent leur jardin,mais encore faut-il en avoirun !»Du coup, Jacques Dambron aquitté la France. Commed’autres patrons. Enfin, luivit toujours en Alsace maisson Amibox a traversé laManche. Les Anglais sont lesderniers à lui trouver uneutilité. Désormais, à Ribeau-villé, l’inventeur se consacreà Transhygiène, sa boîte deboîtes pour membres ampu-tés: «Je vends dans 350 hôpi-taux et cliniques sur toute laFrance. Ça marche bien.»

MATHIEU PALAIN

ETAU

SSI

CHAUD BIZ Tous ceux qu’on «M»

A u Maroc, mariage royal.Rien à voir avec une versionraï de Fred Astaire, mais de

vraies épousailles entre Moham-med VI, monarque de droit divin, etSalma Bennani, jeune informati-

cienne originaire de Fès (pas de bla-gues, svp). Elizabeth II est tristou-nette, elle perd sa mère, la biennommée «reine mère» et sa sœurMargaret la même année. Chez lesroturiers, Macaulay Culkin, qui avait

été élu «l’enfant le plus mignon dumonde» en 1994 (par un jury quin’était pas uniquement composé deMichael Jackson), sort avec Mila Ku-nis (toujours pas de blague, svp). Ilsresteront ensemble jusqu’en 2010.

SURP

RISE

Ni clou ni vis, les quatre planches s’emboîtent. PHOTO DR

IV • 20027

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D’un côté les bars à ginjinha où les anciens trempent leur moustache, de l’autre, la jeunesse et ses hangars discothèques au bord du Tage. PHOTO ALPH.B.SENY.DIVERGENCE

Lisbonne commedu bon painÇA A EU LIEU Destination prisée, la ville est alorsconvoitée pour sa capacité à mêler le neuf et l’ancien.

L es villes ont leurtemps et leurs mo-des. Un peu avantBerlin et après Bar-celone, Lisbonne est

l’une des destinations françai-ses branchées autour de 2000.Au point qu’en 2002, la nou-velle bande dessinée la célèbreen carnets de voyage. Il y a Du-puy et Berberian, aux éditionsCornélius, qui croquent l’acti-vité flegmatique de la capitale:silhouettes au téléphone, envoiture, sur des bancs, commedétachés des décors baroquesde la cité. A chaque page, Lis-bonne apparaît comme unspectacle dont les deux dessi-nateurs chercheraient à com-prendre la mise en scène. Peuaprès, Nicolas de Crécy livrechez Casterman son Lisbonne,voyage imaginaire, une quaran-

taine d’aquarelles obsédées parles enchevêtrements de rails,lignes électrifiées de tram,tremblement au loin d’unecoupole blanche. Côté texte,Raphael Meltz (future revue R,de réel) raconte la ville sansl’avoir visitée, d’où l’«imagi-naire» du titre.

Pourquoi Lisbonne à ce mo-ment-là ? Les visiteurs del’époque ont ce sentiment, quicaractérise toute ville exci-tante, que l’ancien et le neufs’y fertilisent mutuellementsous leurs yeux. D’un côté,azulejos et vieux bars à ginjinha(liqueur de griottes) où les an-

ciens trempent leur moustachedès 9 heures du mat, et del’autre, une jeunesse qui car-bure à la Sagres dans des han-gars démesurés au bord duTage, friches industrielles de-venues temples postmodernes,certains ressemblant à GothamCity autant que les christs en

cire des églises ressemblent ici,avec leurs perruques de crin, àdes épouvantails divins.L’économie portugaise s’estfortement développée dansles années 80, et depuis 1994l’Union européenne distribueau titre du développement «ré-gional» 3 milliards d’euroschaque année au pays, soit 3%à 4% de son PIB. L’embellie deLisbonne est alors fulgurante,boostée en particulier par l’Ex-position internationale de 1998qui pousse à la rénovation deses infrastructures (le gigan-tesque pont Vasco-de-Gama enest l’exemple phare), décrasseles façades du quartier popu-laire de l’Alfama et déchaînel’urbanisme sur les docks. Maispeu après 2002, la mannecommence à s’épuiser.

ÉRIC LORET

ÇA PASSE OU ÇA CLASSEMickaëlT on prénom n’est pas anodin: il fait entrer

la société française dans l’ère de l’inven-tivité à tout crin, de la créativité bon mar-

ché dans les maternités. En particulier, les or-thographes multiples sont prisées. Exemple pourtoi : Michael, Mickaël, Michæl, et ses dérivés,

Mika, Michal, Michelhouellebecq… A part avecce dernier, tu as peu de chance de finir DG ou DAd’une entreprise. La faute aux Michael (Jackson,Jordan) dont le nom a été francisé avec l’accent.Tu es le grand frère CSP- de tous les pauvres garsà venir : Kevin, Logan, Brandon, Ryan…

Tout l’été, coupez, collezet reconstituez le

dessin de StéphaneBlanquet sur une page

de Libé (du 9 juillet).Les puzzles complets

gagneront une surprise.

PUZZLE

• V20027

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Vous affirmez apprécier surtout lesfilms qui se font descendre dans lapresse.Honnêtement, je pense que les jour-nalistes ont naturellement tendanceà préférer les sujets sombres, com-pliqués, et ça n’est pas dans ce typede cinéma que je me retrouve. Jepréfère les choses légères, romanti-ques, drôles, qui donnent une visionplus positive de la vie. Mes films fa-voris sont Pretty Woman, Risky Busi-ness, Titanic, entre autres.[…] La célébrité ne vous a-t-elle pasvolé une partie de votre enfance?Honnêtement, non. J’ai vécu uneenfance merveilleuse, et ce quim’arrive aujourd’hui correspond à

ce que j’ai toujours désiré, ce pourquoi je me suis le plus employée. Jecrois fermement au destin: certai-nes personnes sont faites pour vivrecertaines choses. Nous avons tousdes prédispositions naturelles, queDieu nous a offertes. Dans mon cas,j’ai toujours aimé chanter et danser.C’est juste devenu quelque choseque je partage désormais avec lemonde entier.Vous chantez: «Je ne suis pas encoreune femme.» A quel moment saurez-vous que le cap est franchi ?Honnêtement, ça n’est pas tant liéà un fait précis, qu’au sentiment degrandir un peu plus chaque jour. Lesdegrés d’interprétation diffèrent se-

lon chacun. En ce qui me concerne,quand je chante «je ne suis plus unegamine, pas encore une femme», celasignifie que je demande à ce qu’onme prenne comme je suis, aussi biensur le plan artistique qu’humain.Vous dites : «L’Amérique est sansdoute le meilleur pays au monde.»C’est là où je suis née, où j’ai tou-jours vécu, et c’est vrai que j’ai unsentiment patriotique très déve-loppé. J’essaye de rentrer à la mai-son environ toutes les deux semai-nes, j’y mène une vie on ne peutplus banale. Je me brosse les dents,traîne dans la salle de bains, me re-pose. J’aime les Etats-Unis de toutmon cœur, de toute mon âme. C’estun pays adapté à tout, où on peuttrouver les vêtements qu’on veut,faire ses courses, s’amuser, rencon-trer des gens délicieux.Et la peine de mort?Honnêtement. Quelqu’un qui acommis des atrocités mérite unepunition à la hauteur de ses actes. Ilretiendra ainsi la leçon pour la foissuivante [sic].Que pensez-vous de Bush?C’est un grand président, mais je nefais pas de politique.Vous dites souvent «honnêtement».Avez-vous peur qu’on mette endoute votre authenticité ?Non, c’est juste un tic de langage,que j’ai depuis l’enfance, comme forreal. Il ne mérite pas qu’on l’inter-prète.[…] Quel confort trouvez-vous dansla religion?Petite, j’allais à l’église tous les di-manches. Ça n’est plus possiblemaintenant, mais cela ne m’empê-che pas de prier chaque jour. J’écrisaussi un journal intime tous lessoirs… La foi fait partie de moi et jecrois que rien n’arrive par hasard.Alors, pour quelle raison êtes-voussi célèbre aujourd’hui?Ça, je l’ignore, c’est sans doute cequi était prévu pour moi.Quels sont vos rêves?Faire d’autres films, améliorer monjeu de comédienne, avoir un enfant,un beau mari.[…] Les trois premiers noms de per-sonnalités françaises qui vous vien-nent à l’esprit ?(Après réflexion.) Désolée, mais jen’en connais aucune, absolumentpersonne.Honnêtement ?Oui.

Recueilli par GILLES RENAULT(paru le 2 avril 2002)

L’interviewé de samedi­dimancheétait James Ellroy.

«Je croisfermementau destin»QUI VA LÀ? Quelle chanteuse etactrice répondait cette année­làà nos questions?

Téléphone,mon amour

QUIZ Une journée sansportable? Si, si, c’estpossible.

1 En 2002, à quelle date est organiséela deuxième Journée mondiale sans

téléphone portable?A. Le 1er janvier.B. Le 6 février.C. Le 14 février.D. Le 1er avril.

2 Quel événement avait limitéla médiatisation, en 2001, de la

première Journée mondiale sansportable?

A. La sortie de La Vérité si je mens ! 2.B. Le retour du groupe Texas avecInner Smile.C. La suspension d’un arrêtantimendicité à Royan.D. L’arrivée d’Alfred Sirven à Roissyaprès quatre ans de cavale.

3 Après avoir inventé la journée sansportable, Phil Marso a publié le

premier livre entièrement en langageSMS. Quel est son titre?

A. Pa Sage a taBa vo SMS.B.La font’N j’M !C. 6’lens! On m’Errrrrrrrr !D. Le d’Rnyé jr d’1 kondané.

4 Combien y a-t-il d’antennes relaisde téléphonie mobile en

France en 2012?A. 38 000.B. 99 000.C. 157 000.D. 192 000.

5 Que veut dire GSM?A. Groupe spécial mobile.

B. Grattement sans motif.C. Granularité supra moyenne.D. Grandes sinusoïdales modérées.

Réponses:1.b.Le6février,parcequec’estlaSaint­Gaston(«yaletéléfonquison…»);2.d.Coïncidence:ladeuxièmejournéesansportableaété,elle,éclipséeparl’arrivéedeDidierSchulleràRoissyaprèssixansdecavale;3.a.PaSageataBaestparuen2004.LesautrestitressontaussidePhilMarso,maisplusrécents;4.c.ChiffreétabliselonlesautorisationsfigurantsurCartoradio;5.a.

D’A

PRÈS

A.P

ETAU

SSI

QUI TWEETE?

Je suis passé par bien des angoisses,bien des enfers. J’ai connu la peur et laterrible solitude. #mode#adieu#bravo

Réponse:YvesSaintLaurentfaisantsesadieuxàlacouture.

Variation géopolitique sur le principe bêta de l’analogie.Ou comment mettre en scène la guerre, la lutte des clas-ses, quand on est un chanteur «engagé» –un temps quali-fié par Libé de «faux comme les blés (qu’il ramasse)». Duode voix franco-belge, et de mèches blondes et rousses.

Réponse:Manhattan­KabouldeRenaudetAxelleRed.

BANDE­SON, MAIS C’EST BIEN SÛR!

Par DAVID CHRISTOFFEL

REU

TERS

VI • 20027

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A fghanistan, Yougoslavie, Liban,Tchétchénie, Rwanda… Luc Dela­haye a photographié les grands con-

flits. Son travail, souvent récompensé, reçoitnotamment le prix Niepce cette année-là.Son approche se radicalise à partir de 2001,quand il cesse sa collaboration avec la presse.Delahaye met à distance sa perception physi-que et mentale des situations qu’il choisitde photographier. A l’écart du temps réel del’information, ses images s’inscrivent encreux par rapport à celles des médias: elles

sont travaillées en de grands formats qui im-priment un ordre à la réalité du monde. Lesterritoires aux contours meurtris que photo-graphie Delahaye sont saisis dans une formedocumentaire sous tension. Ses images–ta-bleaux destinés aux musées, aux galeries –se distinguent par un lyrisme froid. Explo-rant la frontière entre réalité et imaginaire,œuvres et documents de l’histoire immé-diate, elles interrogent les relations entre art,histoire et information.

SERVICE PHOTO

PHOTOSCOPIE

Cadresde guerres

Le Camp de réfugiés de Jénine, 2002 (239x111 cm). PHOTOS LUC DELAHAYE COURTESY GALERIE NATHALIE OBADIA, PARIS

«Taliban», 2001 (237x111 cm).

• VII20027

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VIII • 20027

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Affaire Rose bonbon. Ce roman deNicolas Jones­Gorlin (Gallimard),qui met en scène un pédophile,s’attire les foudres de l’Enfant bleu etde la Fondation pour l’enfance. Leministère de l’Intérieur s’en mêle,mais le ministre, Nicolas Sarkozy,finalement n’interdit pas le livre. Enaoût, l’ouvrage portait le bandeau«Amours mineures.» En septembreil est vendu sous cellophane avec unavertissement.Polémique en Allemagne. Lenouveau roman de Martin Walser,Tod eines Kritikers (Mort d’uncritique) est-il antisémite ? C’est entout cas ce que pense MarcelReich­Ranicki, critique influent,d’origine juive polonaise,directement visé par le livre.Mort de l’éditeur Siegfried Unseld(Suhrkamp), de Chaim Potok,Jean­Toussaint Desanti,

Etiemble, Timothy Findley,Astrid Lindgren, PierreBourdieu. Atteinte d’un cancer,Gabrielle Wittkop se suicide,comme elle l’a annoncé à son éditeurBernard Wallet (Verticales) : «Jevais mourir comme j’ai vécu : enhomme libre.» Auteur d’Etre sansdestin, le Hongrois Imre Kertésza le prix Nobel, Pascal Quignardle Goncourt pour les Ombres errantes(Grasset), Philip Roth le Médicisétranger pour la Tache (Gallimard).Début du premier roman de SoazigAaron, le Non de Klara (éditionsMaurice Nadeau). «Klara estrevenue. Voilà, c’est écrit. Il faut queje l’écrive pour que ce soit plus vrai etpour y croire. Depuis trois jours, je nesuis certaine de rien. Klara estrevenue. Ce cahier au mauvais papierest providentiel… sinon, tout vacouler, je vais couler.» •

Par CLAIRE DEVARRIEUX

LE CARNET LIVRES

Gabrielle Wittkopmeurt «en homme libre»

J ean-Marie Messier, «J2M»,ou plutôt «J6M», Jean-Ma-rie Messier Moi-Même Maî-

tre du Monde, voulait devenir unempereur des médias, et le faisaitsavoir. Il est à la tête de la vieilleCompagnie générale des eaux, re-baptisée Vivendi en 1998. Aprèsune série d’acquisitions, le groupequitte son secteur d’activité histo-rique, l’eau et les déchets, pourinvestir massivement dans lesnouvelles technologies et les mé-dias, plus risqués, mais autrementplus glamours. Une analyse desdiscours de l’époque des patronsdu CAC 40 montre que J2M est ce-lui qui emploie le plus le «je» lors-que les nouvelles économiquessont bonnes et le «nous» quandc’est négatif. Il se comportecomme une star, multiplie les

couvertures de magazines et se faitloger par Vivendi dans un apparte-ment à New York d’une valeur de17 millions de dollars. Ah, l’Amé-rique…Hélas, tous les actionnaires ne sontpas séduits, et J2M découvre qu’ilest presque un employé comme lesautres. Après la révélation d’énor-mes pertes pour 2001 (13,6 mil-liards d’euros, un record pour laFrance), l’icône du capitalisme estacculé à la démission le 1er juillet2002. En 2011, il est condamné àtrois mois de prison avec sursis et150 000 euros d’amende pour«abus de bien social» lié à son pa-rachute doré de 20,5 millionsd’euros et «diffusion d’informationsfausses ou trompeuses» sur la santéfinancière de Vivendi.

QUENTIN GIRARD

L’empire Messierprend l’eauBOULET L’ex­Vivendi a pris les pépettesmais se retrouve devant les juges.

Par MACHINE BIDULE

CASE MÉMOIRE Par HUGUES MICOL

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LIBÉRATION LUNDI 12 AOÛT 2013 ANNONCES • 15

Page 24: Liberation . Syrie

Le sprinteur jamaïcaina remporté son deuxième

titre mondialsur 100 mètres, hier,

sous la pluie moscovite.

Par ALAIN MERCIEREnvoyé spécial à Moscou

de sortir un parapluie. Mais un soufflea parcouru le public. La foudre dans lescieux, la foudre sur la piste. Un éclairmoins fugace, habillé de jaune et sur-nommé «Lightning Bolt».

Le reste se raconte en peu demots, d’une traite, sans ponc-tuation. Usain Bolt glisse sa sil-

houette dans le cinquième couloir. Aucentre de la piste. A sa place. Fidèle àson image, il laisse sa concentration se

cacher sous un manteau d’exubérance.Les autres finalistes roulent des méca-niques, sauf Christophe Lemaitre, leseul Français de la course, moins at-tendu que Jimmy Vicaut (éliminé en de-mie), mais un chouïa plus consistant.

FREIN À MAIN. Le Savoyard ne bougepas d’un cil. Les yeux fermés, il respireun grand coup, comme pour s’impré-gner de l’odeur d’une soirée où il n’était

Bolt l’éponge

Usain Bolt (9’’77) a devancé l’Américain Justin Gatlin (9’’85) et le Jamaïcain Nesta Carter (9’’95). PHOTO KAI PFAFFENBACH. REUTERS

C urieux présage. A Moscou, hiersoir, un éclair a déchiré le cielau-dessus du stadeLoujniki, quelques mi-

nutes seulement avant la finaledu 100 m masculin. Les sprinteursl’ont-ils vu? Usain Bolt oui qui, dans lesstarts, en toute décontraction, fit mine

RÉCIT

LIBÉRATION LUNDI 12 AOÛT 201316 • SPORTS

Page 25: Liberation . Syrie

La Néo-Zélandaise de 1,93 mètre est l’archifavorited’une épreuve qu’elle domine de la tête et des épaules.

Valerie Adams avanceà poids de géantE conome, Valerie Adams.

En gestes. Et plus encoreen temps. Hier matin, elle

n’a pas passé plus d’une heuredans le stade Loujniki pour lesqualifications du lancer dupoids. Un échauffement soigné,puis un jet solide, mesuré à19,89 mètres. Sans un regard surle reste du concours, la Néo-Zélandaise de 28 ans, véritablegéante d’un sport qu’elle écrasesans partage depuis une demi-douzaine d’années, a ensuiterangé ses chaussures de lanceuseau fond de son sac. Puis, elle aquitté le terrain. En zone mixte,elle a répondu d’un regard detueuse aux quelques audacieuxayant osé lui réclamer un com-mentaire, avant de s’engouffrersans un mot dans le minibus laramenant à l’hôtel.Pétanque. Il faudra attendrela finale d’aujourd’hui (18 h 25)pour en savoir un peu plus longsur le fond de sa pensée. Elleétait déjà en route que ses rivalesbataillaient encore avec leur en-gin pour en finir de ces qualifi-cations. Sa stratégie ne fait pasdans la nuance : «Tout déchirerd’entrée.» Tuer le concours aupremier essai. Puis attendrela suite. Ces six dernières an-nées, la méthode a payé. ValerieAdams a décroché trois titresmondiaux (2007, 2009 et 2011),plus deux médailles d’or olym-piques (2008 et 2012). Sa série devictoires consécutives vient dedépasser la ligne des quarante.«Parfois, il m’arrive de regretterde ne pas être un peu plus pousséepar la concurrence, concède-t-

elle. Je pourrais peut-être lancerun peu plus loin.»La dernière adversaire à s’êtrerisquée à bousculer sa belle assu-rance, la Biélorusse Nadzeya Os-tapchuk, purge une peine desuspension pour un contrôle po-sitif à la méténolone, un stéroïdeanabolisant. A l’observer roulerson poids de 4 kilosdans la paume de samain, comme s’ils’agissait d’une vul-gaire boule de pétan-que, on la croirait fa-cilement née pourêtre lanceuse. ValerieAdams mesure 1,93m. «L’héré-dité», résume-t-elle. Sa mère,originaire des Tonga, aujourd’huidisparue, avouait 1,82 m. Sonpère, un Anglais, culmine lui à2,08m. Son poids? Les dernierseffrontés à l’avoir interrogée surla question ne s’y risquerontplus. Sa fiche précise 122kg. Maisson coach, le Suisse Jean-PierreEgger, raconte : «Quand elle aquitté la Nouvelle-Zélande pourvenir s’entraîner avec moi, à Ma-colin, elle sortait d’une période dif-ficile. Elle s’était un peu laissée al-ler, jusqu’à atteindre 135 kg. Samasse grasse étouffait son explosi-vité.» Le lancer du poids occupetoute sa vie. Elle n’en fait pasmystère, avouant d’une voixlisse avoir construit toute sonexistence autour de cette disci-pline.Depuis deux ans, elle passe leplus clair de son temps enSuisse, loin de sa famille. Elle yhabite un appartement austèreet s’y connaît peu d’amis. «Je

mange, je dors, je lance», dit-elle. Un sacerdoce.Conquêtes. Mais la jeunefemme s’en contente. Et expli-que : «Je sais le prix des choses.La vie s’est chargée de me l’ap-prendre.» Valerie Adams a grandiavec sa mère, Lilika, dans unquartier difficile d’Auckland.

Son père, un ancienmilitaire, les a aban-données très tôt pourpoursuivre ses con-quêtes. «J’ai vingtfrères et sœurs»,abrège-t-elle. L’undeux, Steven, a été

drafté en juin pour faire carrièreen NBA (le championnat nord-américain de basket), sous lescouleurs d’Oklahoma City.A la mort de sa mère, en sep-tembre 2000, l’adolescente secherche un toit et un sens à don-ner à son existence. Elle habiteun temps dans un centre pourorphelins. Puis découvre l’ath-létisme, par hasard, à la suited’une rencontre avec une an-cienne lanceuse néo-zélandaisedevenue entraîneur. Trois ansplus tard, elle comprend qu’ellea trouvé sa voie en montant surle podium pour recevoir la mé-daille d’or des championnats dumonde cadets. En se posant àMoscou, la semaine passée, Va-lerie Adams a avoué à la pressede son pays que son statut degrandissime favorite lui pesaitun peu sur les épaules. «Je res-sens une certaine pression», a-t-elle glissé. Ses rivales n’en ontpas cru un mot.

A.M. (à Moscou)

La Française de 34 ans apporte aux Bleus leur première médaille.

Avec Mélanie Robert-Michon,le disque dureL’ attente n’altère pas l’émotion. Elle lui donne

un surplus d’épaisseur. La Française MélinaRobert-Michon a noyé sous les larmes, hier

soir, sa médaille d’argent du lancer du disque. Unsanglot de débutante pour une athlète dont le nomavait fini, avec le temps, par quitter les rangs descandidats à la lumière.La Lyonnaise a fêté ses 34 ans le mois dernier.En 2009, elle a mis son maillot au clou pour donnernaissance à une fille, Elyssa. Elle ne regarde plustrop vers l’avenir, de peur de ne pas s’y trouver.Jusqu’à hier soir, elle appartenait au passé. Maisun concours de rêve a brisé les idées toutes faites.A son troisième essai, un jet à 65,13 m a glissé laFrançaise presque par effraction à la deuxièmeplace provisoire. A son 6e et dernier, elle a enfoncéle clou: 66,28m, nouveau record de France. Sandra

Perkovic, la Croate, une «gamine» de 23 ans, a faitmain basse sur l’or. Robert-Michon a saisi la mé-daille d’argent avec des gestes mal assurés. Fauted’habitude. «Quand je parlais d’un podium, tout lemonde rigolait», glisse-t-elle à sa sortie du terrain.Sa longévité,l’athlète l’explique avec des motssimples. «J’ai la chance d’être bien entourée, par desentraîneurs et un préparateur physique qui m’ontamenée où j’en suis sans être arrêtée par les blessures.Et la naissance de ma fille m’a permis de souffler.Sans elle, je n’en serais pas là.» A attendre de voirson nom enfin appelé pour une cérémonie de po-dium, elle a appris à déjouer les pièges des con-cours. «Je ne panique plus après un premier essairaté, dit-elle, je sais qu’il en reste au moins deuxautres.» La patience a payé. Il était temps.

A.M. (à Moscou)

pas vraiment invité. Au moment desprésentations, une couleur domine. Lejaune. Sur les huit finalistes, quatreportent le maillot de la Jamaïque: UsainBolt, Nesta Carter, Kemar Bailey-Cole,Nickel Ashmeade. Et le tenant du titre,Yohan Blake, Jamaïcain lui aussi, n’apas fait le voyage pour cause de bles-sure. Le sprint n’est plus tout à faituniversel.Départ. Bolt se relève. Trois foulées,puis cinq. La course se lance à peine :elle est terminée. A sa gauche, l’Améri-cain Justin Gatlin s’accroche comme undamné à l’illusion d’un miracle. Il ré-siste. S’obstine. A 30 mètres de la ligne,le stade ne sait plus trop si Gatlin s’estmis en surrégime ou si Bolt a oublié lefrein à main. Le doute ne dure pas. LeJamaïcain pousse un peu plus fort surles bras. L’Américain cède. Normal.En 9’’77, Usain Bolt reprend un titremondial du 100 mètres qu’il avait laisséfilé deux ans plus tôt, à Daegu, par unelourde soirée sud-coréenne, à caused’un faux départ aussi stupide qu’inat-tendu. Personne n’y trouve à redire, nisur la piste ni plus haut, dans des tribu-nes trop mal remplies. Le 100 mètres estsa chose.

MIMIQUES. Et le Jamaïcain aime l’expli-quer avec des airs studieux : «L’am-biance des grands championnats metranscende. Quand j’entre dans le stade,je me sens dans un état différent, prêt àaller vraiment vite.» La victoire l’ac-cueille sans surprise. Elle vient enrichirune collection où s’entassent désormaissix médailles d’or olympiques et autantaux championnats du monde. Mais lechrono le laisse amer. «Même si je suisheureux, je voulais faire mieux, concède-t-il. Après la demi-finale, mes jambesétaient un peu dures. Je ne sais pas pour-quoi, mais c’est ainsi. Ce soir, le record dumonde n’était pas de la partie. Mais je mesuis battu pour aller chercher la victoire.En Jamaïque, les gens n’attendent rien demoins, ils veulent que je domine. Je nepouvais pas les décevoir.» Puis, Bolt a re-pris ses mimiques de clown et entreprisde divertir l’assistance. «Une revanchesur Daegu? Non, pourquoi? Daegu, je n’ypenserais plus si vous n’étiez pas tout letemps en train de me parler de mon fauxdépart! C’est sûr, le temps aurait pu êtremeilleur. Mais avec cette pluie, c’était dif-ficile. Ce soir, ce n’était pas Chantonssous la pluie, mais plutôt “Courons sousla pluie !”»Dans son ombre, Justin Gatlin ébaucheun sourire. L’Américain ne se plaint pasde sa médaille d’argent. Il en appréciela valeur, certain de n’avoir tout bête-ment pas les jambes, le talent et l’aurapour la changer en or. «Je crois quej’étais un peu trop nerveux, dit-il. Ducoup, je me suis laissé gagner par un tropplein d’excitation. Et j’ai raté ma coursesur les 30 derniers mètres.»Christophe Lemaitre n’a pas eu letemps de se demander si sa 7e place, en10’’06, marquait son retour en grâceaprès une saison chaotique, ou plustristement l’évidence d’un recul dansla hiérarchie planétaire. Le Français aquitté le stade Loujniki sur une civière,avant d’être emmené vers son hôtelen ambulance. En cause, une violentedouleur ressentie à la jambe droite sitôtl’arrivée franchie. Pierre Carraz, soncoach, n’en faisait pas mystère hiersoir: «Il ne faut pas rêver, c’est cuit pourla suite des championnats.» •

LES PODIUMSFemmesw 10000m 1. Dibaba (ETH),2. Cherono (KEN), 3. Oljira (ETH)w Marathon 1. Kiplagat (KEN),2. Straneo (ITA), 3. Fukushi (JAP)w Disque 1. Perkovic (CRO),2. Robert­Michon (FRA),3. Barrios (CUB)w Longueur 1. Reese (É.­U.),2. Okagbaré (NIG),3. Spanovic (SER)Hommesw 100m 1. Bolt (JAM),2. Gatlin (É.­U.), 3. Carter (JAM)w 10000m 1. Farah (G­B),2. Jellan (ÉTH), 3. Tanui (KEN)w Décathlon 1. Eaton (É.­U.),2. Schrader (ALL),3. Warner (CAN)w 20km marche 1. Ivanov (RUS),2. Chen (CHI), 3. Lopez (ESP)

REPÈRES

4eC’est le classement dudécathlonien français KevinMayer (21 ans), plombé par unconcours de poids raté samedi,avant de signer une secondejournée de feu hier, en battantquatre (!) records personnels.

AP

MO FARAHCHAMPION DU 10000Le Britannique d’origine soma­lienne Mo Farah a remportésamedi le titre qui lui manquait,celui de champion du mondedu 10000 mètres, en 27’21’’71,aux dépens de l’EthiopienIbrahim Jeilan (27’22”23) et duKényan Paul Tanui (27’22”61).Contrairement à ses deuxcourses remportées l’an passésur 5000m et 10000maux JO de Londres, Farah n’apas tout écrasé, manœuvrantdurant une course lenteà l’issue de laquelle il fit parlerune pointe de vitesse incompa­rable sur la distance: il détientle record d’Europe du 1500m,avec 3’28’’81. Pas de quoi fairetaire cependant les doutessur ses spectaculaires progrès.

AFP

LES FINALES DU JOURw 110 mètres haies hommes19h30.w Perche hommes 17 heures.w Marteau hommes 18h30.w 100 mètres femmes 19h50.w 400 mètres femmes 19h15.w Poids femmes 18h25.w Heptathlon (1re journée).

LIBÉRATION LUNDI 12 AOÛT 2013 • 17

Page 26: Liberation . Syrie

ESCRIME Les Français ont raté leur compétition en individuel,se rattrapant un peu lors des épreuves collectives.

LamesenpeinedesBleusauxMondiauxdeBudapest

L es championnats dumonde d’escrime deBudapest s’achève-

ront aujourd’hui avec deuxépreuves par équipe ; lefleuret homme et le sabrefemme. Bilan d’étape.

Les BleusLa compétition par

équipe à la rescousseIncapable de placer le moin-dre escrimeur dans un quartde finale, quelle que soitl’arme, le camp tricolores’est refait dans les compéti-tions par équipe. Les filles dufleuret ont ouvert la voie sa-medi: si Corinne Maitrejean,Anita Blaze, Astrid Guyart etYsaora Thibus n’ont pasexisté en finale contre les in-vincibles Italiennes (18-45),la victoire contre les Russesen demie (45-42) fut lemeilleur moment de la se-maine tricolore. Logiqueaussi : cinq finales en Coupedu monde (dont une vic-toire) et une deuxième placeaux championnats d’Europeen juin. La Française CorinneMaitrejean se réjouit: «Vice-championnes du monde, on nel’avait jamais fait. Ça resteextraordinaire», surtout der-rière des Italiennes hors-concours. Dans l’Equipe, ledirecteur technique natio-

nal de l’escrime, ChristianPeeters, y a vu «la premièrepierre d’une reconstruction»ou la conclusion heureused’une saison «chaotique oùtout était focalisé sur les élec-tions fédérales».Hier, Ulrich Robeiri, Alexan-dre Blaszyck, Ivan Trevejo etDaniel Jérent ont décroché lamédaille de bronze à l’épéeen s’imposant face à la Polo-gne (45-35). Celle-là a ungoût particulier, l’écho loin-tain d’une gloire passée,comme la lumière d’uneétoile morte qui continue àbriller dans l’espace: les frè-res Fabrice et Jérôme Jeannetont longtemps régné sur ladiscipline, le titre mondialayant été la possession ducamp français entre 2005et 2011.

L’hommeChristian Bauer

Encore lui ! Viré en 2001 parla direction technique natio-nale française, ChristianBauer a été, depuis, l’hommelige de bon nombre de succèsolympiques ou mondiaux desabreurs de tous horizons.Un banco pour les Russesà Budapest : or (VeniaminReshetnikov) et argent (Ni-colay Kovalev) chez les gar-çons, argent (Ekaterina Diat-

chenko) chez les filles et l’orpar équipe dans la compéti-tion masculine. Bauer a prisla Russie en main en 2010 :treize médailles olympiquesou mondiales plus tard, il faitfigure d’homme providen-tiel. Avant ça, le coach stras-bourgeois avait déjà connula consécration avec l’Italieet la Chine : l’or au sabrepour Aldo Montano aux Jeuxd’Athènes en 2004 et pourZhong Man lors des JO dePékin en 2008.Des succès à répétition quiavaient permis à Bauer d’ac-cumuler de plein droit lescritiques sur les choix de lafédération française au fil del’effondrement des tricoloreslors des grands champion-nats. Il n’y a en principeaucune chance que Bauer neprenne le chemin du retour:on explique en France qu’ilest désormais «trop cher» etqu’il est bien là où il est, pro-longeant même sa collabo-ration avec la Russie jus-qu’en 2017.

L’histoireRazzia estonienne

sur l’épéeJeudi restera comme le jourde gloire du sport estonienavec un doublé historique àl’épée, une gageure pour

un pays de 1,3 milliond’habitants. Passe encorepour l’immense – il mesure1,91m– Nikolay Novosjolovchez les hommes, vainqueuren finale (15-7) du Vénézué-lien Ruben Limardo Gascon,champion olympique en titreet symbole de la mondialisa-tion galopante de l’escrime:tout de même numéro 5 auclassement international,Novosjolov a eu à Budapestun de ces états de grâce dontrêvent les escrimeurs à l’ap-proche des grandes compéti-tions, «gardant toujours untemps d’avance tactique surses adversaires», selon sonentraîneur.C’est la victoire une demi-heure plus tard de sa compa-triote Julia Beljajeva qui asurpris : encore junior l’anpassé (elle n’a que 21 ans) etsans référence avant cesMondiaux, la native de Tartu,64e mondiale, a sorti les nu-méros 1 et 2 mondiales à Bu-dapest, s’imposant d’unetouche (15-14) lors d’une fi-nale à suspense. «Elle a faitce qu’elle devait faire avectranquillité, a déclaré soncoach. Elle n’a pas toujoursété brillante mais elle a attenduson heure. Elle ne craint per-sonne. Elle est dure.»

STÉPHANIE ROSCOP

Hier, à Budapest, la France a décroché le bronze à l’épée en s’imposant face à la Pologne (45­35). PHOTO IMRE FOLDI. AP

VendrediMontpellier­Paris­SG: 1­1Pour Montpellier : Cabella (10e)Pour Paris­SG: Maxwell (60e)SamediEvian TG­Sochaux: 1­1Pour Evian TG: Ehret (4e).Pour Sochaux: Contout (54e)Lille­Lorient: 1­0Pour Lille: Origi (13e)Valenciennes­Toulouse: 3­0Pour Valenciennes: Melikson (37e s.p.),Saez (52e), Pujol (93e)Nantes­Bastia: 2­0Pour Nantes: Fjordjevic (23e),Palmieri (91e c.s.c.)Bordeaux­Monaco: 0­2Pour Monaco: Rivière (82e), Falcao (87e)Lyon­Nice: 4­0Pour Lyon: Lacazette (13e, 69e),

Grenier (55e), Gourcuff (92e)Rennes­Reims: 2­1Pour Rennes: Pajot (9e), Erding (84e)Pour Reims: Krychowiak (45e+1)DimancheAjaccio­Saint­Etienne: 0­1Pour Saint­Etienne: Brandao (34e)Guingamp­Marseille: non parvenu

Programme de la 2e journéeVendredi 16 août.A 20h30: Sochaux­Lyon.Samedi 17 août. A 17 heures:Marseille­Evian TG. A 20 heures:Nice­Rennes, Toulouse­Bordeaux,Saint­Etienne­Guingamp, Reims­Lille,Bastia­Valenciennes.Dimanche 18 août. A 14 heures: Mo­naco­Montpellier. A 17 heures: Lorient­Nantes. A 21 heures: Paris­SG­Ajaccio.

LA 1re JOURNÉE DE L1

Le classement 1/38 journéesPOINTS JOUÉS GAGNÉS NULS PERDUS MARQ. ENC. DIFF.

1 Lyon 3 1 1 0 0 4 0 42 Valenciennes 3 1 1 0 0 3 0 33 Monaco 3 1 1 0 0 2 0 24 Nantes 3 1 1 0 0 2 0 25 Rennes 3 1 1 0 0 2 1 16 Lille 3 1 1 0 0 1 0 17 Saint­Etienne 3 1 1 0 0 1 0 18 Evian TG 1 1 0 1 0 1 1 09 Paris­SG 1 1 0 1 0 1 1 010 Sochaux 1 1 0 1 0 1 1 011 Montpellier 1 1 0 1 0 1 1 012 Guingamp 0 0 0 0 0 0 0 013 Marseille 0 0 0 0 0 0 0 014 Reims 0 1 0 0 1 1 2 ­ 115 Ajaccio 0 1 0 0 1 0 1 ­ 116 Lorient 0 1 0 0 1 0 1 ­ 117 Bordeaux 0 1 0 0 1 0 2 ­ 218 Bastia 0 1 0 0 1 0 2 ­ 219 Toulouse 0 1 0 0 1 0 3 ­ 320 Nice 0 1 0 0 1 0 4 ­ 4

On a suffisamment vu des joueurs formés en Ligue 1 par­tir s’enterrer sportivement contre d’énormes salaires poursaluer la démarche de l’ex­Stéphanois Pierre­EmerickAubameyang, attaquant, 24 ans et 19 buts avec les Vertsl’an passé. Non content de signer en juin à Dortmund,vice­champion d’Europe où l’on imagine la concurrenceinterne sauvage, le Franco­Gabonais a marqué trois butssamedi lors de la victoire (4­0) de son équipe à Augs­bourg pour le compte de la 1re journée du championnatallemand. Et il a parlé plaisir dans l’Equipe : «Les ballonsarrivent tout le temps, avec une énorme densité dans lejeu, c’est vraiment un autre rythme qu’en L1…» PHOTO AP

L’ANCIEN STÉPHANOISAUBAMEYANG FLAMBEEN ALLEMAGNE

LES GENS

VOILE Le défi italienLuna Rossa s’est qualifiépour la finale de la CoupeLouis-Vuitton en battant Ar-temis Racing, le défi suédois,samedi à San Francisco. Lafinale aura lieu du 17 au 30août face à Emirates TeamNew Zealand, le vainqueurdisputant la Coupe del’America contre Oracle àpartir du 7 septembre.

FOOT Manchester United aremporté (2-0) contre Wiganle Community Shield, matchopposant rituellement endébut de saison le vainqueurdu championnat anglais pré-cédent à celui de la Cup. Faceà une équipe de Wigan relé-gué en L2 la saison passée,MU n’a pas brillé, devant sonsalut à deux buts du Néerlan-dais Robin Van Persie.

«En raison du renforcement d’équipescomme le Racing Métro, Toulonou le Stade français, ce sera plus tendupour nous. On est outsider. Ce n’est pasplus mal qu’on soit plus dans l’anonymat.»Jean­Baptiste Elissalde entraîneur des arrières du Stadetoulousain. Le Top 14 reprend vendredi

LIBÉRATION LUNDI 12 AOÛT 201318 • SPORTS

Page 27: Liberation . Syrie

JEUX-METEO LIBÉRATION, LUNDI 12 AOÛT 2013 ECRAN&MEDIAS 19

LIBÉRATIONwww.liberation.fr11, rue Béranger 75154 Pariscedex 03 Tél. : 01 42 76 17 89 Edité par la SARLLibération SARL au capital de 8726182 €.11, rue Béranger, 75003 ParisRCS Paris : 382.028.199Durée : 50 ans à compter du 3 juin 1991. CogérantsNicolas DemorandPhilippe Nicolas Associée unique SA Investissements Presseau capital de 18 098 355 €.

Directoire Nicolas DemorandPhilippe Nicolas Directeur de la publication Nicolas Demorand Directeur de la rédactionFabrice Rousselot

Directeurs adjoints de la rédactionStéphanie AubertSylvain BourmeauEric DecoutyFrançois SergentAlexandra SchwartzbrodDirectrice adjointede la rédaction,chargée du magazineBéatrice VallaeysRédacteurs en chefChristophe Boulard(technique) Gérard LefortFrançoise-Marie Santucci(Next)Directeurs artistiques Alain BlaiseMartin Le ChevallierRédacteurs en chef adjoints Michel Becquembois(édition)Jacky Durand (société)Olivier Costemalle et Richard Poirot(éditions électroniques)Jean-Christophe Féraud (éco-futur)Luc Peillon (économie)Nathalie Raulin (politique)Mina Rouabah (photo)Marc Semo (monde)Bayon (culture)Sibylle Vincendon etFabrice Drouzy (spéciaux)Pascal Virot (politique)Directeur administratif et financierChloé NicolasDirectrice de lacommunication Elisabeth LabordeDirecteur commercial Philippe [email protected] dudéveloppement Pierre HivernatABONNEMENTSMarie-Pierre Lamotte03 44 62 52 [email protected] abonnement 1 anFrance métropolitaine : 371€.PuBLICITÉ Directeur général deLibération MédiasJean-Michel LopesTél. : 01 44 78 30 18 Libération Medias. 11, rueBéranger, 75003 Paris. Tél. : 01 44 78 30 68Amaury médias25, avenue Michelet93405 Saint-Ouen CedexTél.01 40 10 53 [email protected] annonces.Carnet.

IMPRESSIONCila (Héric)Cimp (Escalquens)Midi-print (Gallargues)Nancy Print (Nancy)POP (La Courneuve), Imprimé en France Tirage du 10/08/13:148 977 exemplaires. Membre de OJD-Diffusion

Contrôle. CPPP: 1115C80064. ISSN 0335-1793.

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Peintre portugais du roi Alphonse V.

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AgitéeAverses Pluie

Éclaircies

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LLEE MMAATTIINN Des passages nuageux sontprésents sur la moitié nord du pays enle traversant d’ouest en est. Un soleiltoujours présent sur le sud.

LL’’AAPPRRÈÈSS--MMIIDDII Temps agréable, avecune chaleur sans excès et de raresorages en montagne. Températures desaison.

-10°/0° 1°/5° 6°/10° 11°/15° 16°/20° 21°/25° 26°/30° 31°/35° 36°/40°

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Peu d'évolution, journée calme et assezensoleillée. Quelques orages possiblessur les régions méridionales en soirée.

MARDI Conditions anticycloniques favorisantun temps généralement parfaitementbien ensoleillé.

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A LA TELE CE SOIR20h50.Les experts :Miami.Série américaine :Une vérité édulcorée,La maison des secrets,Le contrat,Transfert à haut risque.Avec David Caruso,Emily Procter.23h55. Forgotten.Le Réseau-Identité,À pile ou face.Série.1h45. Reportages.Magazine.

20h45. Meurtres au paradis.Série américaine :Relooking extrême,Le secret du pirate,Faux semblants.Avec Ben Miller, SaraMartins.23h40. Privatepractice.L’enfant roi,Quelque chose doitchanger.Série.1h10. Au clair de la lune.

20h45. Mademoiselle.Comédie dramatiquefrançaise de PhilippeLioret, 85mn, 2000.Avec SandrineBonnaire, Jacques Gamblin.22h05. Soir 3.22h30.La dilettante.Comédie française dePascal Thomas, 118mn,1998.Avec Catherine Frot.0h30. Quatre idolesdans le vent.

20h55. Engrenages.Série française :Épisodes 9 & 10.Avec Caroline Proust,Gregory Fitoussi.22h40. Spécialinvestigation.Vous reprendrez biendu clone ?Documentaireprésenté par Stéphane Haumant.23h30. L’œil de links.0h00. La clinique del’amour.

20h50.La menace.Drame franco-cananadien d’AlainCorneau, 110mn, 1977Avec Yves Montand,Carole Laure.22h30.Les parapluiesde Cherbourg.Comédie musicale deJacques Demy, 91mn,1964.Avec CatherineDeneuve, NinoCastelnuovo.0h35. Médée miracle.

20h50.L’amour est dans le pré.Télé-réalité présentépar Karine LeMarchand.23h10. Nouveau lookpour une nouvelle vie.Spécial mariage :Jérémy et Jessica /Virginie et Élodie.Documentaireprésenté par Cristina Cordula.1h45. The unit :commando d’élite.

20h45. Simple.Téléfilm d’IvanCalbérac.Avec Bastien Bouillon,Julien Drion.22h15. Pas de panique.Téléfilm de DenisRabaglia.Avec FrédéricDiefenthal, RolandGiraud.23h45. Les chevaliersdu Fiel.Repas de famille.Spectacle.

20h40. Sale tempspour la planète.RépubliqueDominicaine - Le spectre haïtien.Documentaire.21h30. Vu sur terre.Rajasthan.Documentaire.22h25. C dans l’air.Magazine.23h30. Avis de sorties.23h40.Superstructures SOS.Documentaire.

20h40. Cadfael.Téléfilm britannique :L’apprenti du diable,Trafic de reliques,Le moineau dusanctuaire.Avec Derek Jacobi,Sean Pertwee.0h35. Bruce Lee : l’épopée du dragon.Documentaire.2h05. Programmes de nuit.

20h50.Ultimeconvoyeur.Canada,Mongolie,Australie - Parties 1 & 2.Documentaire.0h15. Strike back - Le projet Aurore.Budapest - Parties 1 & 2.Série.2h00. Poker night.Jeu.3h15. Programmes denuit.

20h45. La maisonassassinée.Drame français deGeorges Lautner,110mn, 1987.Avec Patrick Bruel,Anne Brochet.22h25. Le pacha.Policier français deGeorges Lautner,90mn, 1969Avec Jean Gabin, Dany Carrel.23h55. Mado la niçoise.Spectacle.

20h50.Astérix et les indiens.Film d’animationfrançais de GerhardHahn, 85mn, 1995.22h15. Les douzetravaux d’astérix.Film d’animationfranco-belge de RenéGoscinny, AlbertUderzo, Henri Gruel etPierre Watrin, 82mn,1976.23h50. Medium.Série.

20h45. Fabien Cosma.Téléfilm français :Grain de sable.Avec Louis-KarimNébati, Pierre Vaneck.22h25. Fabien Cosma.Sans raison apparente.Téléfilm.23h55. Les Parent.Cash-Cash, C’est pas toujours ducadeau.Série.0h45. Ils sont fous ceshumains.

20h50.En quêted’actualité.Business et fiesta : la folie de la Côted’Azur.Documentaire.22h25. En quêted’actualité.Soleil, fun et bigbusiness : ils misenttout sur l’été.Documentaire.0h25. Quartiergénéral.

20h45. Une femme si parfaite.Téléfilm de BernardUzan.Avec VéroniqueGenest, PhilippeCaroit.22h20. Obèses : pertede poids extrême.Mélissa.Documentaire.23h55. Skins party :quand la fête n’a plusde limites.

20h50.CommissaireMoulin.Téléfilm français :Passage protégéAvec Yves Rénier,Clément Michu.22h30. CommissaireMoulin.36 quai des Ombres.Téléfilm.0h05. Star story.Reggay pride, âge d’or,héritage et révolution.Documentaire.

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A LA TELE CE SOIR20h50.Les experts :Miami.Série américaine :Une vérité édulcorée,La maison des secrets,Le contrat,Transfert à haut risque.Avec David Caruso,Emily Procter.23h55. Forgotten.Le Réseau-Identité,À pile ou face.Série.1h45. Reportages.Magazine.

20h45. Meurtres au paradis.Série américaine :Relooking extrême,Le secret du pirate,Faux semblants.Avec Ben Miller, SaraMartins.23h40. Privatepractice.L’enfant roi,Quelque chose doitchanger.Série.1h10. Au clair de la lune.

20h45. Mademoiselle.Comédie dramatiquefrançaise de PhilippeLioret, 85mn, 2000.Avec SandrineBonnaire, Jacques Gamblin.22h05. Soir 3.22h30.La dilettante.Comédie française dePascal Thomas, 118mn,1998.Avec Catherine Frot.0h30. Quatre idolesdans le vent.

20h55. Engrenages.Série française :Épisodes 9 & 10.Avec Caroline Proust,Gregory Fitoussi.22h40. Spécialinvestigation.Vous reprendrez biendu clone ?Documentaireprésenté par Stéphane Haumant.23h30. L’œil de links.0h00. La clinique del’amour.

20h50.La menace.Drame franco-cananadien d’AlainCorneau, 110mn, 1977Avec Yves Montand,Carole Laure.22h30.Les parapluiesde Cherbourg.Comédie musicale deJacques Demy, 91mn,1964.Avec CatherineDeneuve, NinoCastelnuovo.0h35. Médée miracle.

20h50.L’amour est dans le pré.Télé-réalité présentépar Karine LeMarchand.23h10. Nouveau lookpour une nouvelle vie.Spécial mariage :Jérémy et Jessica /Virginie et Élodie.Documentaireprésenté par Cristina Cordula.1h45. The unit :commando d’élite.

20h45. Simple.Téléfilm d’IvanCalbérac.Avec Bastien Bouillon,Julien Drion.22h15. Pas de panique.Téléfilm de DenisRabaglia.Avec FrédéricDiefenthal, RolandGiraud.23h45. Les chevaliersdu Fiel.Repas de famille.Spectacle.

20h40. Sale tempspour la planète.RépubliqueDominicaine - Le spectre haïtien.Documentaire.21h30. Vu sur terre.Rajasthan.Documentaire.22h25. C dans l’air.Magazine.23h30. Avis de sorties.23h40.Superstructures SOS.Documentaire.

20h40. Cadfael.Téléfilm britannique :L’apprenti du diable,Trafic de reliques,Le moineau dusanctuaire.Avec Derek Jacobi,Sean Pertwee.0h35. Bruce Lee : l’épopée du dragon.Documentaire.2h05. Programmes de nuit.

20h50.Ultimeconvoyeur.Canada,Mongolie,Australie - Parties 1 & 2.Documentaire.0h15. Strike back - Le projet Aurore.Budapest - Parties 1 & 2.Série.2h00. Poker night.Jeu.3h15. Programmes denuit.

20h45. La maisonassassinée.Drame français deGeorges Lautner,110mn, 1987.Avec Patrick Bruel,Anne Brochet.22h25. Le pacha.Policier français deGeorges Lautner,90mn, 1969Avec Jean Gabin, Dany Carrel.23h55. Mado la niçoise.Spectacle.

20h50.Astérix et les indiens.Film d’animationfrançais de GerhardHahn, 85mn, 1995.22h15. Les douzetravaux d’astérix.Film d’animationfranco-belge de RenéGoscinny, AlbertUderzo, Henri Gruel etPierre Watrin, 82mn,1976.23h50. Medium.Série.

20h45. Fabien Cosma.Téléfilm français :Grain de sable.Avec Louis-KarimNébati, Pierre Vaneck.22h25. Fabien Cosma.Sans raison apparente.Téléfilm.23h55. Les Parent.Cash-Cash, C’est pas toujours ducadeau.Série.0h45. Ils sont fous ceshumains.

20h50.En quêted’actualité.Business et fiesta : la folie de la Côted’Azur.Documentaire.22h25. En quêted’actualité.Soleil, fun et bigbusiness : ils misenttout sur l’été.Documentaire.0h25. Quartiergénéral.

20h45. Une femme si parfaite.Téléfilm de BernardUzan.Avec VéroniqueGenest, PhilippeCaroit.22h20. Obèses : pertede poids extrême.Mélissa.Documentaire.23h55. Skins party :quand la fête n’a plusde limites.

20h50.CommissaireMoulin.Téléfilm français :Passage protégéAvec Yves Rénier,Clément Michu.22h30. CommissaireMoulin.36 quai des Ombres.Téléfilm.0h05. Star story.Reggay pride, âge d’or,héritage et révolution.Documentaire.

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meteo du 12:LIBE09 11/08/13 12:22 Page1

Page 28: Liberation . Syrie

J’avais 6 ans lorsque je suisallée pour la première foisdans un aéroport pour yaccueillir un oncle quirevenait à Saigon aprèsdeux ans d’études supé-rieures en Iowa. A cette

époque, les passagers se rendaient àl’aérogare en marchant directement surle tarmac. Nous devions être une tren-taine de la famille à le regarder descen-dre de l’avion en enfant prodige avecses pantalons aux rebords retenuspar des dizaines d’agrafes qui brillaientsous le soleil, le rendant presquemagique.En 2012, près de 95,5 millions de pas-sagers ont transité par les couloirs del’aéroport Hartsfield-Jackson à Atlantaaux Etats-Unis. Beijing arrive audeuxième rang en ayant accueilliles milliards de pas de ses 85 millions devoyageurs dans sa structure gigantesqueen forme de dragon au toit aérodyna-mique. A Copenhague, du bois francrecouvre le plancher de l’aérogaredepuis une cinquantaine d’années etdes tableaux ornent les murs, rem-plaçant les panneaux publicitaires,annonçant ainsi les rues bondées debicyclettes et les eaux dépolluéesdes ports pour la baignade des citadins.Sur le Web, des vidéos montrent un ter-rain de golf au milieu de deux pistes

d’atterrissageà Bangkok enThaïlande, ves-tige d’une autreépoque et pro-bablement l’il-lustration d’une

culture où on ne questionne pas les ac-commodements et les compromis exi-gés par la cohabitation.Chaque aéroport porte et raconte unehistoire qui lui est propre. Cependant,puisque leur rôle premier consiste à être

parfaitement fonctionnels et efficaces,ils finissent par se ressembler commeles gouttes d’eau d’une même rivière.Peu importe le continent sur lequel nousnous trouvons, peu importe la languenationale de ces lieux, les haut-parleursprojettent les mêmes sons en bruit defond dans un jargon particulier que nousqualifions d’international. Les annoncespubliques traversent l’espace sans ac-crocher les oreilles des passagers,qu’ils soient solitaires ou accompagnés.De même, sur les tableaux, nous cher-

chons des codes, des séries de sym-boles : «AF389 10 : 40 45 T2» quenous avons appris à saisir commele morse. Alors, malgré la beauté gran-diose des lattes de bois qui tapissentl’immense plafond du terminal 2E deRoissy-Charles-de-Gaulle, malgré lasculpture géante en métal rouillé de Ri-chard Serra dans l’aire d’attente duPearson à Toronto, malgré les dix milleplantes qui adoucissent le mur de14 mètres de haut par 300 mètres delong à l’aéroport de Singapour, nousmarchons presque tous à la mêmevitesse en tirant une valise sans obser-ver l’environnement qui nous entoure.Ces longs et larges couloirs qui ne tolè-rent pas l’errance hypnotisent et aveu-glent les voyageurs par leur effet directifet labyrinthique. Même les boutiquesqui longent les murs ne réussissent pastoujours à nous distraire puisque d’unaéroport à l’autre, nous passons devant

les mêmes enseignes, les mêmes pro-duits et étrangement, les mêmes ven-deurs. Ils arborent le même sourire des-siné pour nous asperger de gouttelettesde parfum et nous vendre des tee-shirtscousus par des mains dénuées de désirsdans des manufactures qui ne suppor-tent pas toujours le poids du travail ano-nyme. Ces morceaux de vêtements, affi-chant fièrement et clairement l’identiténationale du pays visité, jouent pourtantle rôle premier des souvenirs.Ces espaces standardisés, impersonnelset de taille surhumaine nous permet-tent d’y être sans exister et dans moncas, de redevenir invisible, presquesourde et muette comme la petite fillede 10 ans que j’étais à l’aéroport deKuala Lumpur où je revoyais la lumièrepour la première fois, après quatre moispassés dans un camp de réfugiés sansélectricité. Dans ces zones interstices,je retrouve mon identité d’apatride

Ces espaces impersonnelsnous permettent d’y être sansexister et dans mon cas,de redevenir invisible…

Par KIM THÚYEcrivainequébécoised’originevietnamienne. Ellequitte le Vietnamavec les boatpeople à 10 ans.Vit à Montréal, et,après avoir ététraductriceinterprète,avocate,restauratrice…elle se consacreà l’écriture depuis2009.

«Dans lesaéroports,je redeviensl’apatride»

Céline Boyer,artistephotographe,a invité despersonnesd’originesdifférentesà témoigner surleurs ancêtres,leurs racines.Avec le tracécartographiquede leurs originesprojeté au creuxde la main.Diogène, 26 ans,Rwanda:«En 1994, à 10 ans,j’ai vécule génocide, j’aiperdu la majoritéde ma famille etde mes proches.Depuis ce jour­là,j’ai commencél’exode, d’uncamp de réfugiésau Zaïre (devenuRDC) jusqu’à monarrivée en Franceen 2004. Là,j’ai repris l’écolecar je ne savaispas parlerle français.Fin 2009, j’airéalisé monpremier courtmétrage intitulé“Coup 2 cœurs”.»EMPREINTES,ÉDITIONSPARENTHÈSES, 2009.RÉALISÉ ÀBESANÇON, AVEC LESOUTIEN DU CONSEILGÉNÉRAL DU DOUBS

D’OÙ ÉCRIVEZ­VOUS? (11/16)

C’est une forme d’indiscrétion doublée d’ungrand respect. Demander à ceux qui commet­tent fictions ou essais, écrivains, philosophesou chercheurs, «d’où ils écrivent». Le lieu géo­graphique bien sûr, les petits rituels d’auteur

UN ÉTÉ AUX SOURCES DE L’ÉCRITUREmais aussi l’histoire personnelle quiinfuse jusqu’au bout de la plume.Une manière d’approcher l’alchimiede l’écriture qui, toujours, intrigue etsubjugue.

LIBÉRATION LUNDI 12 AOÛT 201320 • REBONDS

Page 29: Liberation . Syrie

d’alors, celle qui obéit, attend et nequestionne pas.Aujourd’hui, possédant un passeportvalide, je pourrais demander pourquoile hasard m’a choisie pour passer dansle scanner qui me dénude sans me dés-habiller, pourquoi deux avions à moitiévides partent presque à la même heurevers la même destination ou pourquoipersonne ne répond à la vieille dameassise dans une chaise roulante garée àcôté de la fontaine d’eau. Mais, je pré-fère me taire, car le silence transformeces lieux en isoloirs. J’entre dans cesbulles détachées du quotidien, de la li-gne du temps pour créer de toutes piècesdes univers qui me permettent de joueravec les gestes que j’ai volés en catiminiau coin des rues et les frissons éphé-mères qui ont secoué le réel. Au rythmedes décollages, les mots émergent dessillons de la mémoire pour donner unsens aux objets que je chéris, commecette roche ramassée dans l’eau couleurjade de la Baie d’Along qui s’assoit detout son poids sur la pile de feuilles pourles empêcher de s’envoler et du mêmesouffle, de faire disparaître dans le ventsouvenirs et tremblements.En phase avec la patience des voyageursqui avancent sagement en serpentinentre les cordons de sécurité, les motss’alignent pour former des phrases quivoguent et s’acheminent jusqu’au cœuren faisant des détours et par moments,des manœuvres inattendues et dange-reuses. Parfois, certaines phrases fontperdre un battement de cils et certainesautres en ajoutent ou referment les pau-pières jusqu’au départ de l’avion… Oujusqu’à ce que les yeux cessent de brû-ler. Je peux me permettre d’attendrela fin des vagues à l’âme ou de ne pasrésister aux séismes émotifs puisque,assise au milieu de ces innombrablesrangées de sièges, je ne suis jamaisdéchirée entre les rôles de mère, d’amie,d’épouse, d’enfant, de citoyenne, defemme… Dans l’uniformité de la scènedes avions garés dans l’aérodrome der-rière les vitres, je flotte dans l’apesan-teur de ceux qui ne sont pas attendus.Je prolonge parfois cet état de détache-ment en m’attardant près des carrouselsà l’arrivée pour donner le temps àune phrase de clore une idée.Je franchis toujours la porte de sortieavec appréhension parce que la maréede gens qui attendent impatiemmentderrière les vitres givrées l’apparitionde la silhouette de leurs proches redé-marre instantanément les aiguilles dela montre. Si j’étais à Saigon, il y auraitaussi des chauffeurs de taxi qui guettentles touristes étourdis et mal avisés. Parréflexe, mes jambes recommencent dèslors à courir, à suivre le pouls de Stock-holm, de Belgrade, de Varsovie, de Lon-dres, de Bucarest tout en oubliant lemien et celui des mots. Or, parfois, seu-lement parfois, les portes s’ouvrent surdes bras qui m’attrapent au vol, mesoulèvent et me transportent directe-ment dans une autre bulle, celle où leslèvres scellées par un baiser arrêtent letemps de nouveau.Derniers ouvrages parus: «A toi», avecPascal Janovjak; «Mãn», aux éditions LianaLevi, 2011 et 2013.Demain: Joël Pommerat

Le crépuscule de Mme Merkel

Reste-t-il encore quel-ques billets d’opéra pour«le Crépuscule deMme Merkel» ? La règle

d’or en politique étant quetoute bonne action doit êtresanctionnée, le rejet tant euro-péen que mondial de la merkel-économie doit être blessant pourune chancelière qui aura servisa nation tout aussi bien que sesprédécesseurs de la CDU.A l’instar de Konrad Adenauerou Helmut Kohl, Mme Merkel estsusceptible de remporterun troisième mandat fédéralen septembre, mais à la diffé-rence des deux premiers et deMargaret Thatcher, l’autregrande dame de la politiqueeuropéenne, elle aura le bongoût de quitter la chancellerieau moment de son choix plutôtque d’être éjectée par son pro-pre parti ou par les électeurs.Avec elle s’en ira aussi la visionétroite d’une orthodoxie éco-nomique soutenue par une Eu-rope en croissance zéro depuisle crash bancaire de 2008. Il estde bon ton de mettre la respon-sabilité du crash sur le dos desbanquiers américains avides etdes traders sans foi ni loi dela City. Les deux accusationssont vraies mais beaucoup debanques allemandes, suisses,françaises et toutes les banquesde l’Union européenne ontpataugé dans les mêmes eauxtroubles, tirant d’avantageuxprofits des produits dérivés,fonds spéculatifs et autres ins-truments financiers douteux ducapitalisme casino.On ne peut pas accuserMme Merkel d’avoir corrompules finances publiques de quel-ques pays d’Europe du Sud,d’être responsable des bullesimmobilières irlandaise ouespagnole ou du refus des gou-vernements grecs, de droitecomme de gauche, de fairepayer leurs contribuables.Elle ne préside pas non plusl’archipel des paradis fiscauxéchappant au contrôle britan-nique et ce n’est pas non plusla faute de Mme Merkel si l’Alle-magne a des voisins commela Suisse, le Luxembourg etle Liechtenstein susceptibles dedonner des conseils d’optimi-sation fiscale à Al Capone.C’est que Mme Merkel a eu dela chance; toute la sale besognede nettoyage et de remise àflots de l’économie allemandeayant été faite par son prédé-cesseur Gerhard Schröder –et

comme l’affirme le sagace Pre-mier ministre du Luxembourg,Jean-Claude Juncker: «Si tousles leaders européens savent cequ’il faut faire, aucun d’entre euxne sait comment être réélu aprèsl’avoir fait.» Monsieur Schröderen est l’exemple type, celui quia gelé le salaire des travailleurspendant une demi-décade et acréé des emplois sous payés…le capitalisme industriel alle-mand a été sauvé mais pasM. Schröder, éjecté par sonélectorat de base.Certes, Mme Merkel n’a pas faitde mal à l’économie allemande.

Mais de façon plus large,elle n’a pas fait de bien à l’éco-nomie européenne ; aprèscinq années de merkeléconomie,la moitié de l’Union euro-péenne est en récession tandisque l’autre a une croissancenulle ou faible. De plus,son style de managementa minima pousse irrémédia-blement l’Allemagne versla croissance zéro.

En conséquence, elle doit à pré-sent faire face à un mouvementpopuliste antieuropéen sem-blable aux Nigel Farage britan-nique, Geert Wilders hollan-dais, Beppe Grillo en Italie,Marine Le Pen ou Jean-Luc Mé-lenchon en France. Le parti an-ti-euro allemand n’a pas encoretrouvé son porte-parole, mais sila croissance continue de bais-ser, cela ne saurait tarder.La merkeléconomie est tropmoralisatrice pour être expor-table. Bien entendu, les autresEtats de l’Union européennepourront apprendre de l’Alle-

magne que lesréformes dumarché du tra-vail et l’équili-bre des dépen-ses sont lespiliers indis-pensables du

nouveau paradigme économi-que. En dépit des attaques stu-pides de quelques socialistesfrançais contre Mme Merkel, ilsemblerait que le présidentHollande se merkélise à vued’œil. N’a-t-il pas annoncé descoupes majeures dans les dé-penses publiques, l’augmenta-tion de l’âge de la retraite et desexonérations fiscales pourles entreprises privées… tout

Par DENIS MACSHANEAncien ministre des Affaireseuropéennes du gouvernementde Tony Blair

comme son «non» au gaz deschiste en écho au rejet dunucléaire de Mme Merkel, quimontre bien comment le votevert est un point centraldes politiques franco-germa-niques.Les gestes en matière d’énergiene sauraient en aucun cas sesubstituer aux exigencesde croissance et d’emploi.L’Europe a besoin d’une nou-velle pensée économique,une «Economie sociale demarché» à la Erhard. Et quoiqu’il en soit, l’imagination,la vision et les risques poli-tiques sont des notions qu’onpeut difficilement associer avecMme Merkel.S’il est faux de la rendreresponsable de tous les pro-blèmes européens, on est endroit de se demander si la mer-keléconomie est la bonneréponse. Cette femme, qui afait ce qu’elle a pu, est à pré-sent un obstacle au progrès.Toutes les étoiles politiquesfinissent par pâlir et tandisqu’elle regarde Berlin depuisles fenêtres de son grandbureau de la chancellerie,elle semble souveraine. En réa-lité, le crépuscule d’AngelaMerkel a déjà commencé.Traduction de Florence Illouz

Angela Merkel aura le bon goûtde quitter la chancellerie aumoment de son choix plutôt qued’être éjectée par son propre partiou par les électeurs.

L'ŒIL DE WILLEM

LIBÉRATION LUNDI 12 AOÛT 2013 REBONDS • 21

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CULTUREARTS A Edimbourg, l’exposition «No Foreign Lands»mêle grands formats et petits dessins du peintre écossais,dont une toile s’est vendue en 2007 plus de 8 millions d’euros.

à sucre de Lam. Mais il les reprend dans ununivers propre, où l’autoportrait n’est jamaisloin.Conservateur d’art contemporain à Mon-tréal, Stéphane Aquin fait observer le chan-gement radical de contexte entre une telleapproche et l’arrivée d’un Delacroix à la courdu sultan à Tanger en 1832. Doig place desfigures énigmatiques devant un mur du soukou sur une plage caribéenne avec un goûtappuyé pour les valeurs franches, mais iln’est pas Matisse enchanté par le Maroc. NiKlee, clamant «je suis peintre» enivré par lesoleil de Tunisie. Ni Gauguin, en quête mal-heureuse d’une Océanie mythique.Né de parents britanniques qui ont beaucoupdéménagé, Doig peint là où il se trouve, oùses vies familiale, professionnelle et senti-mentale le conduisent. L’exotisme est bienmort, lui. Le peintre s’accroche à la réalitéqui l’entoure, dans les lambeaux d’un empire

britannique défait, non dans l’imaginaired’un ailleurs rêvé. D’où le titre de l’exposi-tion, «No Foreign Lands» («Nul territoireétranger»). Et plus exactement, entend pré-ciser Stéphane Aquin: «Nul territoire étrangerà la peinture.» «Jamais, note-t-il, Peter Doigne s’est montré autant en prise avec le réel et enmême temps aussi abstrait.»Un manifeste qui ne doit pas déplaire à l’ar-tiste. En s’entretenant avec lui, on ne peutqu’être saisi de ses constantes référencesadmiratives à l’abstraction. Mais uneabstraction qu’il prend tout en tension, enrupture impossible, au bord toujours. Doigs’inspire généralement d’une scène vue, par-fois appuyée par une photographie, laissantreposer cette image dans son esprit avant dela retriturer sur la toile, le cas échéant en col-lision avec une autre image. Il part d’un frag-ment de tableau de Bacon, d’une représenta-

tion du débarquement de ChristopheColomb, d’un homme saoul qui s’accrocheà un arbre, dont le chapeau de paille se trans-forme progressivement en halo, d’un plon-geur sur un canot, transfiguré en Neptune auvisage étrangement féminin. Lui-même, sesenfants, ses amis, sa compagne paraissentrégulièrement dans des scènes d’autonarra-tion, sur un mode assez viril. L’artiste est ungrand sportif, passionné de ski et de hockey,ou d’autres exercices comme le cricket, dontil reprend les figures de style.

HARPON. Dans ses meilleurs moments, ilinstille le doute, le temps ou le geste sus-pendu, l’inattendu. Ce joueur de ping-pongabsurde, sans adversaire. Comme il n’a pasde balle, de toute manière… Doig avouerecourir par endroits à l’anamorphose,nichée dans l’ombre d’une montagne ou lerepli d’une vague. Parfois, l’évocation lui

échappe… Il peut accoler deuxvues dissemblables, un vieuxhippie au manteau de cuircroisé sur un parking auCanada, replacé devant uneboutique aveugle de Vienne. Iltravaille très longuement sur

ses œuvres, revenant des années sur la toile,en multipliant les études à partir de plusieurspoints de vue. Dans ses différentes versionsd’un pêcheur au harpon marchant sur fondde forêt tropicale (Pelican), la plus déran-geante est celle qui fait disparaître la plage,donnant la sensation d’un homme qui évoluesur l’eau, ou sur le ciel, dans des coulures debleu de toute beauté.Le grand apport de cette exposition, compa-rée à des manifestations antérieures, tellecelle, plus classique, du musée d’Art mo-derne de la Ville de Paris, il y a cinq ans, estde décomposer le travail de l’artiste, depuisses grands formats jusqu’à des études plusresserrées, qu’il réalise même a posteriori.Lui-même attire l’attention sur un petit des-sin, fait des années plus tard, qui «donne toutson sens» à la grande paire de tableaux bapti-sée Pelican. Animal qui, soit dit en passant,

incarne dans la tradition populaire du MoyenAge le père absolu, l’équivalent du Christ.L’inquiétude se glisse ainsi dans ces paysages,tel le corbeau qui plane à proximité de la têtede l’artiste. •

NO FOREIGN LANDSde PETER DOIG Museum on the Mound,Scottish National Gallery, Edimbourg.Jusqu’au 3 novembre.Rens.: www.nationalgalleries.org

Peter Doig,strass et paletteL es colonnes massives du temple pal-

ladien abritant l’exposition au cœurd’Edimbourg se sont parées de purestonalités de bleu, de rouge ou de vert

pour le retour de l’enfant prodigue. Parta-geant sa vie entre New York et Trinidad, PeterDoig est revenu dans sa ville natale présenterle travail en grande part inédit de ces douzedernières années, dans une expositionvibrante qui sera présentée en 2014 au Muséedes beaux-arts de Montréal, coproducteur del’événement.Par ombres découpées et vagues chromati-ques, Peter Doig projette son propre voyageintérieur sur les paysages qu’il a traversés, deLondres à Toronto. En 2007, provenant de lacollection Saatchi, son White Canoe a étéadjugé pour plus de 8 millions d’euros chezSotheby’s à Londres, un prix jamais atteintpar un artiste européen vivant. Mais, impres-sionnant par sa stature autant que par sonmental, l’homme a voulu conserver la forcede son propos. Refusant de se «laisser dis-traire» par la célébrité, pour citer un artistequi avoue «l’angoisse ressentie devant chaquetoile» à l’idée de ne plus se renouveler.

LAMBEAUX. «A maintes reprises, la peinturea été déclarée morte», note l’introduction ducatalogue. Peter Doig est resté sourd à cetavis de décès, expérimentant la peinturecomme risque, continuant d’affirmer «lasensualité de la couleur, les harmonies formelleset le maniement expressif exaltés par tant degrands artistes comme Munch, Gauguin, Ma-tisse et Bonnard à l’orée du modernisme». Laliste n’est pas innocente, à commencer parMatisse, l’auteur de la Danse, tant sembleintense le regard porté par le peintre sur sonchromatisme, ses arabesques ou sa découpedes formes… Le nombre de créateurs dont iltire inspiration, d’une toile à l’autre, est dureste impressionnant: des étagements silen-cieux de Hopper à un personnage hésitant deDaumier en passant par des tiges de canne

Par VINCENT NOCEEnvoyé spécial à Edimbourg

Il peut accoler deux vues dissemblables,un vieux hippie au manteau de cuir croisésur un parking au Canada, replacé devantune boutique aveugle de Vienne.

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Pour sa dixième édition, le festival accueille durant un moissculpteurs, peintres, photographes, musiciens et comédiens.

A Edimbourg, les artsse côtoient et festoientL’ ouverture de l’exposition de

Peter Doig a donné le coupd’envoi du Festival des arts à

Edimbourg. Pendant tout le moisd’août, plus de 250000 visiteurs sepressent dans une atmosphère bonenfant dans les rues au décorgothique, surplombées par l’impo-sante forteresse royale. La villedevient alors la capitale mondialedes festivals, mêlant les arts plasti-ques, la musique, la danse et lethéâtre.Des constructions de Krijn deKoning aux délicates formes métal-liques de Sara Barker, cette édition

est la dixième du Festival des arts.Le musée national tente de cernerla personnalité de Marie Stuart,venue de France pour régner surl’Ecosse, égarée entre amants ethaines religieuses. La galerie deportraits expose les photographiesde Picasso, Dalí ou Kiki par ManRay. La rencontre de la collectioncontemporaine Daskalopoulos avecle fonds du musée d’Art moderneest particulièrement réussie. Uneexposition sur la sorcellerie depuisle XVIIe est plus confuse.Le festival international de musi-que, lui, accueille une brochette de

talents dont Marc Minkowski et sesMusiciens du Louvre venus inter-préter les symphonies de Schubert.Le festival off Fringe, plus littéraire,inonde théâtres, boutiques et ruesde ses versifications: il compte plusde 3 000 propositions. Ces deuxdernieres manifestations ont étécréées en 1947. Chaque année, lacité en accueille une douzaine,d’art de la rue, de films, de jazz, descience ou de contes, qui luirapportent plus de 300 millionsd’euros en revenus touristiques.Trente-cinq fois la mise investie…

V. N. (à Edimbourg)

Pelican (Stag),2003. PHOTOCOURTESY. MICHAELWERNER GALLERY

francemusique.fr

Daniel Barenboim dirigeBeethoven, Wagner & BergCe soir à 21h en direct du Festival international de piano de La Roque d'AnthéronWest-Eastern Divan Orchestra

House of Pictures, 2000­2002. PHOTO COURTESY. MICHAEL WERNER GALLERY

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Capleton, patriarche du dancehall et récidiviste en matière d’anathèmes contre les homosexuels. PHOTO DR

«Mais vu le caractère sporadique desinjures, une telle décision relèveraitforcément de l’interprétation, porte-rait atteinte à la présomption d’inno-cence et deviendrait une prise de po-sition politique.»Capleton est attendu le 16 août pourun concert à Berlin. Son tourneurallemand, Frank Stephan, invoque,lui, la prescription des faits: «Lors-que j’écoute ses chansons de ces dixdernières années, je n’entends riend’homophobe. C’est un professionnel,qui ne prendrait pas le risque d’êtreblacklisté en Europe, comme a pul’être Sizzla», interdit de concertdans plusieurs pays l’an dernier.Même son de cloche pour MichelJovanovic, son tourneur français etorganisteur du festival No Logo àFraisans (Jura) où l’artiste jouera le

POLÉMIQUE Malgré leurs promesses, plusieurs stars du raggaeusent encore de paroles homophobes dans leurs chansons.

Dancehall: les gaystoujours pas à la fête

D ans quelques jours, le Roto-tom Sunsplash de Benicas-sim, en Espagne, plus grand

rendez-vous reggae d’Europe, suc-cédera au Geel Festival belge qui aréuni, il y a huit jours, 65000 spec-tateurs, 10000 de plus qu’en 2012.En France, après le Garance Festival(fin juillet) et le Reggae Sun Ska(début août), le saint graal de l’ap-prenti rasta est incarné par la tour-née de Capleton, star du ragga dan-cehall, penchant turbulent dureggae jamaïcain. S’il attire de plusen plus d’adeptes, le reggae ne faitpas toujours consensus, mêmeparmi ses fidèles. La semaine der-nière, le groupe Tryo dénonçait cer-tains artistes de la scène reggae,dans la Dépêche: «On trouve des ar-tistes dans les festivals en Europe quiprônent [la] violence, les homosexuelsau bûcher… Dans le reggae, une mu-sique prétendument tolérante, se ca-chent aussi parfois des messages dehaine.» Si le reggae au sens large(roots reggae, rocksteady, earlyreggae, etc.) porte généralement unmessage de paix, le dancehall, lui,glorifie volontiers la violence, no-tamment homophobe.En 1988 déjà, Buju Banton sortaitBoom Bye Bye («Tirez une balle dansla tête des gays […] brûlez-les commede vieux pneus»), bien avant queCapleton n’appelle à «brûler les pé-dés, saigner les pédés» en 2001,dans Burn Out Di Chi Chi : deuxhymnes pour les actuels fans dedancehall. A tel point que la diffu-sion massive de ces chansons con-tribuerait aux violences anti-gaysen Jamaïque, pays décrit en 2006par le Time comme «l’endroit le plushomophobe de la planète», où lecode pénal condamne toujoursl’homosexualité. Selon le maga-zine, «les activistes des droits deshomosexuels attribuent la flambéed’homophobie en Jamaïque essentiel-lement à une scène musicale reggaede plus en plus brutale».«Bourru». Bien qu’il ait déjà reniéle Reggae Compassionate Act (lireci-contre) plusieurs fois lors de sestournées 2011 et 2013 à l’étranger,Capleton continue de faire figurede patriarche du dancehall. «Légi-férer dans ce genre de cas relève ducasse-tête, explique Me MathieuDavy, avocat spécialisé en pro-priété intellectuelle. On est dans unflou juridique entre le droit à la li-berté d’expression artistique et l’at-teinte aux dignité et intégrité detiers. La justice civile et pénale fran-çaise ne peut pas se saisir du pro-blème, car les incitations à la hainen’ont pas été commises en France.»Seule la justice administrative peutinvoquer le trouble à l’ordre pu-blic, en amont. L’avocat ajoute :

15 août : «C’est de l’histoire an-cienne, il s’est déjà expliqué de seserreurs. Capleton est bourru maisc’est un homme de parole. Il fautcroire qu’il est plus facile de détruireune réputation que de la recons-truire.» Et pour cause : il y a deuxmois, un militant de la cause gays’en est pris physiquement à la star,sur la scène du festival californienReggae in the Hills.Un tourneur peut être poursuivipour complicité si un concert dégé-nère. Mais il faut pour cela prouverqu’il avait la certitude que des pro-pos injurieux seraient tenus. Cedont se défend Michel Jovanovic :«Forcément, il y a toujours un risque.Mais depuis huit ans et une vingtainede concerts, on n’a rien à signaler. Laprobabilité que Capleton dérape est

tellement faible… S’il contrevenait àla loi, il serait condamné, et on ne lesoutiendrait évidemment pas.» Fon-dateur de Tjenbé Rèd, l’associationqui coordonnait l’action Stop Mur-der Music en France, David Auer-bach Chiffrin va plus loin : «Lestourneurs, salles et organisateurs sefoutent de la portée homophobe desparoles. Ils font souvent semblant dene pas être au courant, ce qui est im-possible tant il s’agit d’un tout petitmilieu. On a bien vu récemment quela société française avait une grandemarge de tolérance à l’expression ho-mophobe.»«Patois». La musique dancehalln’en finit plus de faire des émulesà travers le monde. Loin des con-troverses, on compte le prince del’electro, Diplo, Snoop Dog (entre-

temps converti à la religion rasta-fari, et rebaptisé Snoop Lion), oumême le rappeur Pusha T parmi sesrécents adeptes. Toujours plus pré-gnant, le dancehall s’est révélé in-dispensable en soirée, comme l’ex-plique Julien Guichard, ex dumagazine Têtu et organisateur dessoirées «polysexuelles» Street Life:«C’est un son qui marche, et qui estprogrammé. Même si nous sommesparfois amenés à filtrer pour éviter lesmorceaux homophobes. C’est surtoutune question de principe, car le patoisjamaïcain est dur à comprendre !»D’autant que «pour qu’une injuresoit répréhensible, il faut qu’elle soitcompréhensible», selon Me Davy.Les associations homosexuellesn’ont qu’un seul recours : fairepression sur les organisateurs. Uneaction semblable avait été menéeen mai 2008 par seize organisationsde «défense des droits humains»,dont Tjenbé Rèd faisait partie. Ellesavaient écrit une lettre ouverte auxmaires et aux responsables des sal-les qui programmaient Sizzla, afinde les informer des propos tenuspar le chanteur. Il faudrait alorsjustifier, a priori, d’une atteinte àl’ordre public qui n’a pas encore eulieu. Mais cette interprétation, pourl’avocat, «pourrait être apparentéeà une forme violente de censure».

DAVID DE ARAUJO

En signant en 2007 le ReggaeCompassionate Act (RCA), desreggaemen comme Beenie Man,Sizzla et Capleton s’engageaient àrayer de leur répertoire leschansons homophobes. On estimeque le boycott mené par desorganisations homosexuelles leuraurait coûté environ 1,88 milliond’euros. Peter Tatchell, activistele plus célèbre de la causehomosexuelle au Royaume­Uni etinstigateur du RCA, est aussil’inventeur de Stop Murder Music,mouvement qui a fait interdire, dès2005, de nombreux concertsd’artistes susceptibles d’attiser lahaine contre la communauté LGBT.«Capleton a beau avoir signé leRCA, il a rompu l’accord à plusieursreprises, affirme Tatchell. On nepeut pas lui faire confiance.»Récemment de passage au festivalbelge Kokopelli pour sa tournée2013, l’artiste a joué Slew Dem,ouvertement homophobe. EnFrance, l’incitation à la haine n’estpas un crime mais un délit passiblede dix ans de prison maximum.Quant au RCA, il a une valeursymbolique et contextuelle. Maisen aucun cas juridique. D.d.A.

PAROLES, PAROLES…

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LIBÉRATION LUNDI 12 AOÛT 201324 • CULTURE

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Taïgué Ahmed (au premier plan) à Moula, au Tchad, en mai 2012. PHOTO PHILIPPE GUIONIE

D epuis 2007, le choré-graphe et danseurtchadien Taïgué Ah-

med, très actif dans sonpays, mène parallèlement àses propres créations desateliers de danse dans lescamps de réfugiés, notam-ment à Moula et à Yaroun-gou (Libération du 25 mai2012). Une telle opérationtransethnique, réparatrice,sociale et artistique ne pou-vait échapper à l’African Ar-tists for Development(AAD), fonds de dotationfrançais qui met en relationles artistes et les populationslocales (1).En 2011, l’AAD lance sonprogramme Refugees on theMove, apportant son soutienà Taïgué Ahmed. La méthodeque celui-ci a mise au pointdans le cadre strict descamps du Haut Commissa-riat des Nations unies pourles réfugiés (HCR), sertaujourd’hui de modèle pourd’autres chorégraphes afri-cains, dans des situations si-milaires. Les ateliers gagnentd’autres pays, le HCR esti-mant à 10,4 millions le nom-bre de réfugiés sur le conti-nent en 2011.Conteur. Aujourd’hui, endépit d’un contexte politi-que instable, un atelier sedéroule en Centrafrique,dans le camp de Batalimo,situé à l’est de Bangui, quiaccueille 8 000 réfugiéscongolais venus de la pro-vince de l’Equateur, aunord-est de la républiquedémocratique du Congo. Bo-niface Watanga, chorégra-

phe centrafricain, est lecoordinateur du programmequi a aussi pour but d’inté-grer les réfugiés dans la vielocale. Ne concevant pas sonart sans engagement social,notamment auprès de lajeunesse africaine, ceconteur, chorégraphe etcomédien de 38 ans passepar l’exercice des dansestraditionnelles mais aussihip-hop et contemporaines,afin que chacun des partici-pants retrouve son espace etses repères.

Le programme se déplaceraà nouveau, sur le mêmeprincipe: un artiste du paysen relation avec les réfugiés.Actuellement en «forma-tion» à Batalimo avec Boni-face Watanga, les danseurs,chorégraphes et professeursde danse Ciza Muhirwa (Bu-rundi) et Aloyce Makonde(Tanzanie) s’apprêtent àprendre le relais dans leurspays respectifs dès septem-bre. Suivront huit autreschorégraphes africains, dontle Burkinabé Salia Sanou,bien connu en France, co-fondateur de la Termitière,centre de danse contempo-raine à Ouagadougou.Grâce à ce travail de terrain,un ballet transethniquepourrait à terme voir le jour.Le spectacle Where Are We ?

que Taïgué Ahmed a présentéen décembre, lors du festivalSouar Souar, qu’il coanimeà N’Djamena avec l’aide del’Institut français, était aussiune première qui devraitse renouveler dans d’autrespays. Les réfugiés y avaientoccupé la scène comme lecentre-ville.Hygiène. Lors des premiersateliers, certains arrivaientavec des machettes, ne sa-chant pas ce qui les attendait.«Il a fallu déposer les armes,rire, se prendre par la main, se

souvient TaïguéAhmed. D’autresavaient l’habitudede fréquenter lesmaquis et arri-vaient saouls.» Cesont les mêmesque l’on a retrou-

vés dans le spectacle dévoilé,avec seaux en plastique etfoulards voltigeant pour toutdécor, et qui furent large-ment applaudis.Outre leur enseignement dela discipline, les chorégra-phes diffusent aussi desmessages de préventioncontre le sida, de mise engarde contre les mariagesprécoces et sur la nécessitéde la scolarisation, de l’hy-giène, n’hésitant pas nonplus à débattre sur des sujetstabous comme l’excision oula polygamie.«La danse est une arme, ditencore Taïgué Ahmed. Ellepermet à chacun de reprendrepossession de son corps et,par là, de son espace vital.»MARIE-CHRISTINE VERNAY

(1) Rens.: www.aad­fund.org

INITIATIVE Depuis six ans, des chorégraphes africainsforment des exilés à leur art d’un pays à l’autre.

Danse des réfugiés,l’effet papillon

Grâce à ce travail de terrainlancé en 2007 au Tchad parTaïgué Ahmed, un ballettransethnique pourraità terme voir le jour.

Déjà auteur en 2006 d’undocumentaire sur DiegoMaradona, Emir Kusturicava en réaliser un autre,cette fois sur le présidenturuguayen José Mujica,l’homme qui reverse 87%de son salaire aux pauvres,continue, malgré son job,à vivre dans un quartierpopulaire de Montevideoet veut légaliser l’usage ducannabis dans son pays. Lecinéaste serbe, par ailleurstitulaire de deux palmesd’or cannoises (Papa est envoyage d’affaires, 1985, etUnderground, 1995), s’estproduit en concert lors dupremier week­end d’aoûtvêtu d’un maillot de lasélection nationale uru­guayenne de foot. PHOTO AP

EMIR KUSTURICA,EN AVANTMUJICA !

LES GENS 239,8millionsde dollars (180 millions d’euros), c'est le montant totaldes œuvres de la peintre américaine Joan Mitchell(1925­1992) vendues aux enchères depuis 1985, soit646 œuvres, d'après une étude réalisée par Bloombergpour Arnet sur la place des femmes dans le marchéde l'art. Désormais très prisée par les collectionneurs,l’artiste devance ainsi sa compatriote Mary Cassatt(1098 œuvres pour 136,5 millions de dollars) et laJaponaise pop Yayoi Kusama (127,7 millions de dollars).

Les Celtes tiennent bonEn dix jours, 700000 spectateurs ont assisté à la 43e éditiondu Festival interceltique de Lorient (FIL) qui s’est achevé hier,soit «une des meilleures éditions des dernières années», mêmesi l’équilibre financier est précaire. La vocation du FIL est derassembler les cultures celtiques contemporaines. La pro-chaine, du 1er au 10 août 2014, sera dédiée à l’Irlande.

«Le Complexe d’Icare» a 40 ansC’est en 1973 qu’est paru le roman d’Erica Jong bientôt tra-duit dans une quarantaine de langues et vendu à 20 millionsd’exemplaires. Le Complexe d’Icare allait populariser dans lemonde un érotisme féministe, inventant l’expression «ziplessfuck», qui permettait à l’Américaine de faire comprendresimplement que convaincre l’autre de baiser n’est pas forcé-ment une entreprise si ardue.

Mort d’Eduardo FalùLe compositeur et guitariste s’est éteint à 90 ans. Figure dela musique populaire argentine, Eduardo Falù a joué partoutet s’est produit avec Atahualpa Yupanqui et Mercedes Sosa.

LE 14 AOÛT

les apachesAZIZ EL HADDACHI HAMZA MEZIANI JOSEPH EBRARD FRANÇOIS-JOSEPH CULIOLI MARYNE CAYON

UN FILM DE THIERRY DE PERETTI

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IELIBÉRATION LUNDI 12 AOÛT 2013

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Mâle occidental contemporain

En librairie à partirdu 30 octobre.

A suivre...

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RÉSUMÉ DESÉPISODESPRÉCÉDENTSLe héros de cettebande dessinée,un dragueurobstiné, peine àtrouver unepartenaire. Sesentreprises sontinfructueuses.Une fois de plus,il se retrouvedans unesituation gênante:le petit copainde sa voisinenymphomaneet trèsindépendanteest mis à la porte.

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Derviche crooner

PORTRAIT DE NUIT (7/9)

Barman ! Une autre ! D’un trait. Et ses yeux qui crient bra-guette… Il faut toujours suivre les lignes, nos repères, lesmots gravés dans la poussière. La ligne de basse me suit, elleme traque. Et la sueur sur mon front… et ses gémissementsétouffés par les basses dans les toilettes au carrelage blanc…salissure… crasse… La poésie et la blancheur… La chasse esttirée. L’ennui du vice. Barman ! Une autre ! D’un traitUne autre! D’un trait. Quoi? 60 euros s’il te plaît. Et la bassequi lancine, ondule, me remplit, je déborde. 60 euros s’ilte plaît ! Hé connard ! Ça t’écorcherait la gueule de m’enoffrir une ? Spirale de couleurs et de cris… et la basse quidéverse. Flash ! Averses de gestes ! Mains velues ! Bombersgonflés! Thorax bombé! Onomatopées! Coups! Claquementsec et sourd! Et soudain, plus rien. La lourde porte blindéedu club qui se referme, et plus rien. Juste le chuintement dela ville, mon froc froissé et du sang pâteux sur mes gencives.Tout est rouge. Rouge et brillant. Il fait froid. Sèchement.L’ennui du vice… tout est rouge et brillant. L’émail rosé demes dents et le sang sucré dans ma bouche. Le feu repasseau vert.Bastille. Je marche. Bout de viande errant le long d’une bro-chette de rue… défilés de noms célèbres à chaque angled’avenue. Tiens! En haut, à gauche, une baie vitrée éclairée…qui vit là ? Un type qui part trimer ? Un couple en train debaiser ? Un insomniaque qui ressasse ? Une mère au foyerneurasthénique? Le type de ma petite brune, jaloux, inquiet,qui l’attend. Un destin parmi tant d’autres. L’ennui du vice.J’avance.Boulevard Rochechouart. Dans un renfoncement, une espècede rat musqué croisé chien gît devant deux exclus vautrés,anonymes en fin de droit. Tout est brillant. Et le nom lustrédes rues. «Hé ! T’aurais pas une clope ?» Ma bouche émetun son négatif. Court silence. Puis crachats de mots. Glaviotsde bruits et fautes de frappes. C’est soudain. Bruyant et misé-rable. La politesse est une arme redoutable. Bien qu’inef-ficace contre un troupeau de punks. Je prie… que les pigeonsdéversent leur amour-propre sur toi, ton clebs et la femelle

serpillière qui te sert de faire-valoir. Pffff… je marche.Je continue, le pas lent. Je m’allume une clope, l’ennui duvice. Pigalle. Encore deux minutes et j’appelle un taxi…deux minutes, 16 clignotements de peep-show, 7 prostituées,3 berlines noires immatriculées en Russie, 2 éboueurs au loin.Des poubelles, des épaves, des vies détruites… l’ennui du viceet moi. Deux minutes… taxi ! Encore raté.Mon caleçon me rentre dans le cul. Le bout de mes doigtsgercés sent le tabac. L’ennui du vice. Combien d’enfants sontnés le temps que je pose la question ? Et combien sontmorts… et là, mainte-nant? Une prostituée quipasse. Très peu vêtue,rimmel ambré. Com-bien ? Des seins massifs,fermes, dégueulant ducorset. Pourquoi payer ?Parce que j’ai assez…combien tu dis ?30 euros ? Je me grattel’arrière du crâne. Ré-flexion. Un taxi s’arrête.La vitre se baisse, propreet fumée. «Vous allezoù ?» Le temps tueles histoires d’amour.Adieu ma belle… la portese ferme. Claque !Et les mamelles disparaissent… rembobinage. Agacé.«Vous allez où? — Chez ta mère, lui faire des bisous…» Un taxi,on lui demande d’avoir son permis, une borne, pour ce quiest de l’humour, c’est comme les sièges en cuir. C’est enoption. La portière claque et la voiture s’enfuit. Il aurait pudescendre. Il m’aurait amoché. Je me serais senti vivant…Froid sec et craquant. Doigts gercés. Boulevard Stalingrad.Tout est rouge. Et tout ce que je sais, c’est que je suis là, iciet maintenant. Je suis là. Seul.Six heures du mat. Et Paris qui rutile. Et moi qui suis là.A tourner en derviche autour de la nuit, intoxiqué de toutesparts, défiguré de fatigue. Je ne suis qu’une pauvre tache surle drap blanc des cieux… et vous aussi d’ailleurs.Le jour se lève, ponctuel. Tout est rouge. Tout est brillant.Et l’ennui du vice. L’ennui du vice, l’ennui du vice. •

Par ROMAN ROMANIllustration ALEXANDRE LUU

UN AUTRE REGARD

Depuis cinq ans, Libérationet l’Association pour l’aideaux jeunes auteurs (Apaj)organisent un concoursréservé aux moinsde 30 ans, parrainépar Erik Orsenna.Le thème de l’année était«Portraits de nuit»,une approche personnelleet originale d’un lieuou d’un personnage,avec une forte dimensionnocturne.

C inq heures du mat, l’ennui du vice. Tout est brillant.Brillant et rouge. Une infinité de rues rectilignes.Et des bancs, verts, écaillés, vieillis, fatigués qui secontentent d’être là, je marche. Un feu, rouge aussi.

Stoïque, imprévisible, rouge. Le mugissement de l’hiver quijoue de l’harmonica et le vent vicieux qui s’immisce sousmon tee-shirt, comme une lettre dans une enveloppe,une lettre d’amour à la poubelle. Passage clouté, je traverse.Désert d’avenues qui se déversent le long du vent. Dunes degrisaille. Texture poisseuse des trottoirs. Ciel dégagé.Sans étoile, sans espoir, j’avance. Le feu passe au vert, l’ennuidu vice. Je marche depuis Bastille. Le matin guette mais lanuit n’en finit pas. Je marche toujours. Un kebab ferme, uneClio rouge passe, le trottoir inégal et la lumière blanche desAbribus. Une odeur de vinaigre. Merde! Un chewing-gumsous ma semelle… Un tas de carton moisi; ça pue, ça suinte!Un être humain dessus. Un ronflement par-dessus. Je passemon chemin, une traînée de pisse vaincue pendue aux nari-nes. Bastille. Comment ça Bastille ? Ça fait trois fois que jerepasse devant? L’ennui du vice. Où est mon paquet d’clo-pes? Rrrrrrrr… je tremble. C’est sûrement pas l’alcool, j’enai bu plein. Va falloir se redresser, le béton est froid ce soir.Je stagne. Le feu passe à l’orange. Mon iPod n’a plus de batte-rie. Mon portable non plus. Plus de pile dans le dictaphoneet carence d’endorphine.Bastille. Le feu passe au rouge. Il fait froid et j’ai dû perdremon âme en boîte. L’ennui du vice. Open bar. Vodkasgivrées! Lamelles de citrons et le vice est versé… Deep houseen boucle… et le rythme binaire qui s’engouffre à traversmes membres… Des langues, partout ! Visqueuses ! Qui sefrôlent… et qui mentent et qui bavent et qui lèchent! Cock-tail de salives et la fumée bleue des cigarettes… Barman !Une autre ! D’un trait. Belle petite brune au bar… la chasseest ouverte. Cheveux fins. Doigts graciles, peau de pêche…

LIBÉRATION LUNDI 12 AOÛT 2013