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2,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION N O 10052 N O 55 next.liberation.fr pop-culture / mode / lifestyle / idées / récits spécial mode saskia par mondino / nos paris de la rentrée / surf et marques / chez burberry à londres / le secret des hôtels ace récit : baïkonour depuis ma fenêtre, par hugo boris + marie modiano chanteuse étoile , AVEC LIBÉRATION Le Château ambulant. PHOTO 12 . STUDIO GHIBLI MIYAZAKI RANGE SES CRAYONS PAGES 20-21 Liberté, égalité... laïcité La Syrie paralyse le G20 A Saint-Pétersbourg, les sujets économiques ont été éclipsés par le bras de fer entre les Etats-Unis et la Russie sur d’éventuelles frappes contre le régime de Bachar al-Assad. PAGES 6-7 ET PAGE 14 Le ministre de l’Education, Vincent Peillon, dévoilera lundi une Charte de la laïcité qui sera affichée dans chaque école publique. Un geste fort dans un contexte marqué par les polémiques sur la place de la religion. ANALYSE ET INTERVIEWS, PAGES 2-5 «Next» avec ce numéro IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 3€, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats-Unis 5$, Finlande 2,70 €, Grande-Bretagne 2,80 £, Grèce 2,70 €, Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 3€, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays-Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 5 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000 CFA. SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013 WWW.LIBERATION.FR

Liberation Des 07 Et 08.Septembre

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Page 1: Liberation Des 07 Et 08.Septembre

•2,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO10052

ET PLUS DE CINÉMA, MODE, DESIGN, ET MUSIQUE SUR NEXT.LIBERATION.FR

NO 55

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SAMEDI 7 SEPTEMBRE, AVEC LIBÉRATION

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Liberté,égalité...laïcité

La Syrieparalysele G20A Saint-Pétersbourg, les sujetséconomiques ont été éclipsés parle bras de fer entre les Etats-Uniset la Russie sur d’éventuellesfrappes contre le régime deBachar al-Assad.

PAGES 6­7 ET PAGE 14

Le ministre de l’Education, Vincent Peillon,dévoilera lundi une Charte de la laïcité quisera affichée dans chaque école publique.Un geste fort dans un contexte marqué parles polémiques sur la place de la religion.ANALYSE ET INTERVIEWS, PAGES 2­5

«Next» avecce numéro

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 3 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,70 €, Grande­Bretagne 2,80 £, Grèce 2,70 €,Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 3 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays­Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 5 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000 CFA.

SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013 WWW.LIBERATION.FR

Page 2: Liberation Des 07 Et 08.Septembre

Le texte rappelant les principes de l’école laïque devraêtre affiché dans toutes les écoles publiques dès lundi.

Avec Peillon, la laïcitéfait sa rentrée

C’ est son credo. Et VincentPeillon le répète à l’envi :l’école ne sert pas qu’à ins-truire, mais aussi à éduquer

et à transmettre les valeurs de la Répu-blique. Une mission à laquelle elle a tropsouvent renoncé et qu’il faut relancerface à la montée des extrémismes. Fortde cette croyance, le ministre de l’Edu-cation dévoilera lundi en grande pompela Charte de la laïcité –dont le texte fi-nal est tenu secret jusqu’à la dernièreminute – qui devra être affichée danstoutes les écoles publiques de France, de

la maternelle au lycée. Grand connais-seur des penseurs de la laïcité, le minis-tre agrégé de philo veut donner unmaximum de solennité à la cérémonieprévue dans un lycée de la Ferté-sous-Jouarre (Seine-et-Marne), en présencenotamment de Robert Badinter et duprésident PS de l’Assemblée nationale,Claude Bartolone.

DEVISE. Par cet acte symbolique, ils’agit aussi, de marquer la volonté dedéfendre haut et fort des valeurs de to-lérance et du vivre-ensemble, et, dansl’esprit du ministre, de combler un videoù s’engouffrent les ex-

Par VÉRONIQUE SOULÉL’ESSENTIEL

LE CONTEXTEUne charte de la laïcité, quicomporte 15 articles, seraaffichée à partir de lundidans toutes les écoles publiquesde France.

L’ENJEUCe document suffira­t­il à faireà nouveau de la laïcité, un outild’intégration ?

Prochaine étape pour le ministre de l’Education (ici le 7 février): les cours de morale laïque, qui feront leur apparition à l’école en septembre 2015. PHOTO MARC CHAUMEIL

POUR TOUT PUBLICLa Charte de la laïcité, qui expliqueaux élèves la notion et ses implica­tions concrètes, devra être apposéedès cette année dans toutes lesécoles et établissements secondairespublics, en plus des drapeaux fran­çais et européen, de la devise répu­blicaine «Liberté, égalité, fraternité»et de la Déclaration des droits del’homme et du citoyen.

REPÈRES

«Informer ne suffit pas.Il faut transmettre. C’estle rôle des intellectuels, desphilosophes. Mais c’estsurtout la responsabilité del’école.»François Hollande installantl’Observatoire de la laïcité le 8 avril

6C’est le nombre de membresdu groupe de travail qui a rédigé lacharte au ministère de l’Education.PArmi eux, les philosophes Abden­nour Bidar et Laurence Loeffel. Suite page 4

LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 20132 • EVENEMENT

Page 3: Liberation Des 07 Et 08.Septembre

Par ÉRIC DECOUTY

Volonté

La laïcité n’est passérieusement en danger,mais les voix qui semultiplient pour récusercertains de ses principesjustifient un rappel desvaleurs essentielles. Parceque la laïcité resteun fondement de notreRépublique. Mais la chartequi va être affichée lundidans toutes les écoles,les collèges et les lycéespublics de France seravaine si elle n’est passuivie d’une volontépédagogique et d’unedétermination politique àrepenser notre systèmed’intégration. Car lalaïcité, facteur ancien derassemblement, est vécuedans certains quartierscomme un moyen dedivision. Et le respect desreligions, à la conditionqu’elles ne s’immiscentpas dans les affaires del’Etat, est trop souventperçu comme unestigmatisation de l’islam.La laïcité doit êtreexpliquée, justifiée sansdoute aussi.Cette pédagogie serapourtant sans effet si legouffre continue de secreuser entre les écoles desbeaux quartiers et cellesdes cités de banlieue, etsi – comme un rapport dela Cour des comptesl’affirmait l’annéedernière – les inégalitésscolaires amplifientles inégalités sociales.La laïcité doit enfin vivreavec son temps, prendreen compte les diversitéssans renier ses principes,apprendre à «accommoderle pluralisme», commele dit le politologue GillesKeppel.Plus qu’une charte qui faitpeser un poids bien lourdsur les épaules des seulsenseignants, c’est unevolonté politique qui estaujourd’hui nécessaire.Pour que la laïcitén’entretienne plus lesblocages de notre sociétémais redevienne un outild’intégration.

ÉDITORIALNACIRA GUÉNIF­SOUILAMAS SOCIOLOGUE, ANTHROPOLOGUE ET SPÉCIALISTE DES QUESTIONSDE GENRE, DE RACISME ET DES DISCRIMINATIONS, ESTIME QUE LA CHARTE VISE LES MUSULMANS:

«C’est un subterfuge anti-islam»«P ourquoi une charte sur la laïcité? Quel est

le péril? Qui faut-il rassurer? On peut seposer la question. Y a-t-il eu des cas où

des enfants à l’école primaire ont empêché leursenseignants de faire cours en leur opposant desarguments religieux? C’est cela qu’il faudrait éta-blir. J’ai l’impression qu’on met beaucoupd’énergie autour de ces questions de laïcité, éner-gie qui aurait pu être utilisée à des en-jeux plus importants.«Il y a par ailleurs dans cette charte,telle qu’elle a été annoncée par Vincent Peillon,quelque chose qui me gêne beaucoup: c’est l’em-ploi du mot “valeur”. La laïcité n’est pas une va-leur. N’en déplaisent à celles et ceux qui essaientde nous faire croire le contraire, en agitant la peurd’une “valeur” en baisse, ce qui mettrait en périlla démocratie. Oubliant que la laïcité n’est pas unecondition de possibilité de la démocratie. La laïcitéest un principe politique, établi par le droit, et un

instrument de gouvernement qui per-met d’organiser les rapports dans lasociété. La laïcité est d’abord un biencommun et non un étendard que cha-cun peut hisser à tout bout de polémi-que. Cette définition du bien communest intéressante, car elle signifie quetout le monde peut se l’approprier.

«Plusieurs autres éléments me heur-tent dans le contenu annoncé de cettecharte. La laïcité devrait garantir

l’égalité entre les filles et les garçons –ce qui esttrès contradictoire avec les récentes déclarationsde Peillon sur le fait que la théorie du genren’existe pas. A aucun moment, la vraie questionn’est posée: comment lutte-t-on contre toutesles autres inégalités entre les élèves et notammentles inégalités économiques, sociales et ethniques,qui aggravent d’ailleurs l’inégalité entre lessexes ? Comme si l’on reconnaissait implicite-

ment avoir renoncé à ce combat-là.Pourquoi vise-t-on spécifiquementl’inégalité garçons-filles ? C’est unemanière de pointer du doigt, une nou-velle fois, sans les nommer, ces musul-mans supposés hétérosexistes. Outrece poncif désormais bien connu, aprèsavoir fait le lien entre laïcité et fémi-

nisme, la charte proclame que la laïcité est unecondition de la citoyenneté. Tout cela est lourdde sous-entendus. Ce n’est pas anodin aprèsvingt ans de discours de haine, de stigmatisationet de disqualification des musulmans. Cette ini-tiative ne prend pas soin de se démarquer des dis-cours islamophobes. Car le péril, dont le nom esttu, est bien sûr le péril musulman. On utilise lapromotion d’une charte de la laïcité comme sub-terfuge pour contenir une supposée poussée reli-gieuse. Tout cela est problématique.»

Recueilli par ALICE GÉRAUD

MICHEL ONFRAY PHILOSOPHE, CONSIDÈRE QUE LE GOUVERNEMENT NE VA PAS ASSEZ LOIN:

«La République a honte de ses valeurs»«C ette charte s’inscrit dans une

logique d’affichage. Elle illus-tre bien la logique de tout

gouvernement libéral dans notre con-figuration où, la souveraineté ayant étéaliénée à Bruxelles, le pouvoir n’a plusrien d’autre à décider que les effetsd’annonce utiles pour l’image. Mais letexte restera lettre morte quand les problèmessurgiront, politiquement correct oblige…«Pourtant, si l’école ne transmet pas de valeursdans un monde où les parents démissionnentsi souvent, parce qu’ils sont requis par la brutalitéde leur vie quotidienne aliénée, et où les“valeurs” sont celles qu’impose le marché libéralvia les médias en général, la télévision et l’écranen particulier, la publicité, les réseaux, alors quile fera ? La laïcité se pense en France à partird’une loi qui date de 1905 et qui se constitue dans

une configuration particulière. Onparle alors de “la séparation des Egliseset de l’Etat”, mais chacun sait qu’àl’époque, la loi vise le christianisme engénéral et, en particulier, la mainmisedu catholicisme sur l’éducation, lacharité et la santé.«En plus d’un siècle, la sociologie de

la France s’est considérablement modifiée avec,d’une part, une déchristianisation massive quiculmine dans les années d’après Mai 68, etd’autre part, l’apparition d’un islam qui, sur uncertain nombre de sujets de société, confronteses valeurs religieuses et théocratiques auxvaleurs laïques et démocratiques de la Républi-que. Refuser de prendre acte de cette modifica-tion sociologique du paysage français, c’est inter-poser l’idéologie entre son jugement et la réalité.La République a honte de ses valeurs les plus

récentes, dont le féminisme et la laïcité: elle lesaffiche haut et fort, mais elle ne les impose pasquand il le faudrait.«Comme au XXe siècle il a existé, parmi lesintellectuels de gauche, des idiots utiles destotalitarismes au nom de leurs idéologies fantas-ques, il existe aujourd’hui des intellectuelsqui ont moins le souci de ce qui est que de leursfictions de papier. Ceux-là affirment, sanscraindre le paradoxe, que l’athéisme est contre-révolutionnaire et la croyance religieuse révolu-tionnaire! Dans cette configuration d’un renver-sement de front qui fait d’une partie de la gaucheune force contre-révolutionnaire soutenant lesreligions, pourvu qu’elles ne soient pas chrétien-nes, il est bon de réaffirmer que le terreauhistorique de la gauche est, sinon athée, du moinslaïque.»

Recueilli par GUILLAUME GENDRON

L’HISTORIEN ALAIN BERGOUNIOUX EST MEMBRE DE L’OBSERVATOIRE NATIONAL DE LA LAÏCITÉ:

«Plus une société est pluraliste,plus elle a besoin de principes«I l est toujours utile de rappeler les principes

de laïcité. A une époque où les droits et lesdevoirs de chacun suscitent le débat, il est

nécessaire de réaffirmer solennellement que no-tre école publique est laïque, c’est ce qui a permisla construction de la République française.«Depuis les années 80, la société française abeaucoup évolué, elle est beaucoup plus diversi-fiée. Régulièrement des débats de toutes naturesémergent ici où là concernant le port du voile, surla famille –avec les anti-mariage pour tous– oumême sur la fin de vie. Plus une société est plura-liste, plus elle a besoin de principes. Aucune so-ciété n’est à l’abri des communautarismes, c’estdonc un enjeu majeur de rappeler la séparationdes pouvoirs et des religions.«Réaffirmer la laïcité à l’école ce n’est pas inter-

dire telle ou telle chose. C’est permet-tre la liberté de toutes les personnes.La laïcité est une condition pour assu-rer le vivre-ensemble et le dialoguedans la société. En 1937, Jean Zay [alorsministre de l’Education du Front popu-laire, ndlr] avait fait une circulaire quiréaffirmait les principes de la laïcité. Acette époque, c’était les extrémismes politiquesqui étaient en cause. Aujourd’hui, le problème estde garantir le pluralisme des opinions, religieusesou non. C’est la tâche de Vincent Peillon. Il nes’agit certainement pas d’afficher seulement untexte dans les écoles, il faut provoquer une ré-flexion de fond, sur l’éducation à la laïcité. Dèscette année, d’ailleurs, dans les écoles supérieu-res de professorat et de l’éducation [les Espé, qui

forment les enseignants], figurera unmodule de formation à l’enseignementde la laïcité. C’est ce que nous avionspréconisé dans notre rapport sur l’en-seignement laïc de la morale remis augouvernement en 2013. Pour sa tra-duction dans les programmes scolai-res, ce sera le futur Conseil supérieur

des programmes [créé cette année] qui se chargerad’émettre des propositions. La refondation del’école est un grand chantier, qui a de nombreu-ses dimensions, mais affirmer les principes esttout aussi fondamental pour le sens même del’éducation républicaine. Ce n’est pas un mincetravail, c’est un combat continu de génération engénération. Nous sommes à une étape.»

Recueilli par ANNA LECERF

DR

AFP

AFP

VERBATIM

LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013 • 3Think-Geek.net

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trémistes de tousbords, à commencer par le FN de Ma-rine Le Pen. On connaît toutefois lescontours de cette charte qui comporte15 articles rédigés simplement, indi-quant ce que signifie et implique con-crètement le principe de laïcité.Si l’on se réfère au document de travailpublié le 26 juin dans le rapport del’Observatoire de la laïcité, il sera rap-pelé que chaque citoyen est libre de pra-tiquer sa foi dans le respect des convic-tions d’autrui et de l’ordre public.A l’école, la charte réaffirmera qu’unélève ne peut arguer de sa religion pourboycotter un cours, contester le droitd’un enseignant de traiter d’une ques-tion ou le contenu de son enseigne-ment, et que la laïcité signifie aussilutter contre les discriminations, no-tamment à l’encontre des filles. La neu-tralité de l’école et l’interdiction du portde signes religieux «ostentatoires», con-formément à la loi de mai 2004, serontaussi rappelées.«J’assume pleinement le fait que l’écoledoit transmettre les valeurs de la Républi-que, a martelé Vincent Peillon à la ren-trée. L’article 1 de la Constitution stipuleque la République est laïque. Il est impor-tant que les élèves comprennent ce quecela veut dire, et que ce n’est pas dirigécontre certains ni contre une religion enparticulier.» Le ministre a aussi rappeléque conformément à la loi de refonda-tion de l’école, la devise de la Républi-que, le drapeau tricolore et celui del’Europe, ainsi que la Déclaration desdroits de l’homme et du citoyen de-vraient figurer sur les façades (ou dansles locaux) de tous les établissementsscolaires, publics et privés sous contrat.La Charte de la laïcité, qui n’enchantepas l’enseignement catholique (90% duprivé est sous contrat) très attaché à son«caractère propre», sera réservée, elle,au public.

KIT. Qu’apporte cette charte par rapportaux textes déjà parus? Rien. Et ce n’estpas le but. Vincent Peillon ne veut sur-tout pas rallumer de polémiques dont leFront National ferait son miel mais aucontraire «pacifier» la situation. Il aainsi écarté toute nouvelle loi, notam-ment sur les mères voilées accompa-gnant des sorties scolaires.La communauté enseignante, plutôtfavorable, est toutefois perplexe. «Onconstate aujourd’hui une volonté forte desreligions d’avoir leur mot à dire, expliqueChristian Chevalier, le secrétaire géné-ral du syndicat SE-Unsa. Rappeler laneutralité de l’école est indispensable. Demême, rétablir le sujet dans la formationdes enseignants est une bonne chose, maisil ne faudrait pas que le texte finisse jauniau fond d’un tiroir.»«Une charte, aussi bien faite soit-elle, cen’est pas l’essentiel, expliquait à la veillede la rentrée Philippe Tournier, le pa-tron du syndicat majoritaire des provi-seurs (le SNPDEN). Les élèves font bienla distinction entre les mots et les faits.Pour une égalité et une fraternité, il resteencore de gros progrès à faire, avec desécoles de plus en plus ghettoïsées, voirecommunautarisées.»Le ministère, qui se défend de tout affi-chage, promet un kit pédagogique àtous les enseignants, leur donnant deséléments pour parler de la laïcité enclasse. Avant le retour de la morale laï-que annoncé par Vincent Peillon pourla rentrée 2015. •

Suite de la page 2

François Hollande en visite dans une école de Denain (Nord), mardi, pour la rentrée des classes. PHOTO PASCAL ROSSIGNOL.REUTERS

Décrétée vers 1880, la laïcité s’est peu à peu institutionnalisée avantde refaire débat dans les années 1990, raconte l’historien Patrick Cabanel:

«La laïcité est liée à l’idée d’uneécole obligatoire pour tous»E t maintenant une charte. Mais voilà

plus de 130 ans que l’école conjuguela laïcité. Rétrospective avec l’his-

torien (Université Toulouse II-Le Mirail)Patrick Cabanel (1).Comment la laïcité est-elle rentrée à l’école?Si elle ne fait pas partie de la trinité républi-caine «Liberté, égalité, fraternité», la laï-cité est indissociable de l’école et des loisJules Ferry de 1880-1882. C’est en effet à cemoment-là que la célèbre ins-truction religieuse et morale, quiétait alors la première des matiè-res scolaires, a été remplacée par une ins-truction morale et civique. Autrement dit,la République a procédé à une substitutionen remplaçant les Evangiles par Kant, maissans pour autant créer un vide qui auraitété vécu comme une agression par les ca-tholiques, puisque l’instruction morale estrestée. En filigrane, l’idée était bien sûr deformer de futurs citoyens, et non plus deschrétiens. De surcroît, des citoyens qui sonttous allés à l’école. Car la laïcité est intrin-sèquement liée à l’idée d’une école obliga-toire pour tous. L’école ne pouvant êtreobligatoire que si elle peut accueillir tous lesenfants, qu’ils soient catholiques, protes-tants, juifs…La laïcité est alors très anticathos?C’est plus nuancé. Les fondateurs dela IIIe République ne sont pas encore pourune séparation de l’Eglise et de l’Etat, carle Concordat leur permet – en partie – decontrôler l’Eglise, et notamment d’interve-nir dans la nomination des évêques. En-suite, l’idée de créer une instruction obli-gatoire est surtout animée par un esprit derevanche sur la défaite de 1870. On pense

alors que c’est l’instituteur prussien qui afait gagner nos adversaires, alors que laplupart de nos soldats ne savaient pas lire,écrire, déchiffrer une carte… Enfin, l’hom-me-orchestre des lois Jules Ferry, est uncertain Ferdinand Buisson, dont le ministreVincent Peillon est un spécialiste. Ceresponsable de l’enseignement primairede 1879 à 1896, d’origine protestante,est l’artisan de la morale laïque. Et il avait

beaucoup d’ambition pour elle.Pour simplifier, cet adepte duspiritualisme rêvait d’une répu-

blique laïque capable de se poser des ques-tions philosophiques, et de réconcilier dé-mocratie et religion…Qu’a-t-on réellement instillé aux enfants?En fait, les instituteurs ont surtout fait du«tu ne tricheras point, tu ne mentiraspoint…», qui au début du XXe siècle estdevenu un discours de plus en plus hygié-niste sur «bien se laver les mains», etc. Ons’est un peu moins occupé de l’âme au pro-fit du corps.Qu’est-ce qui a changé lors de la séparationde l’Eglise et de l’Etat?Déjà en 1882, des «manuels», comme on ditaujourd’hui avaient été réécrits en catastro-phe et expurgés du religieux. Mais en 1906,le célèbre Tour de la France par deux enfants,paru pour la première fois en 1877 et qui ser-vait à apprendre à lire mais contenait aussides cartes ou des histoires de personnagescélèbres a été sacrément revu. On a alorsdemandé à l’auteure, G. Bruno – en faitAugustine Feuillée–, d’en gommer toutesles références religieuses. Du coup, dans lessaynètes qui mettaient en scène des enfantss’exclamant «Mon Dieu», on a vu apparaître

des «Oh !» et «Ah !». Les salles de classen’ont plus été représentées avec des crucifixau mur. Et on n’a plus parlé du départementdes Landes qui n’était jusque-là mentionnéque pour parler de Saint-Vincent-de-Paul…Fénelon et Bossuet sont aussi tombés en dis-grâce. Dans les années 1910, les premièresassociations catholiques de parents d’élèvesdu public ont alors tenté –en vain– de dé-noncer ces «machines de guerre» contre lecatholicisme.La laïcité est-elle encore longtemps restéeun combat pour l’école?A vrai dire, l’instruction morale et laïquen’a pas résisté aux années 60, qui ont vu deplus en plus d’élèves entrer dans le secon-daire, et vu disparaître la France rurale mo-deste, la France du primaire. L’idée de mo-rale s’est ringardisée et celle de laïcité s’estbanalisée. On a même assez petitement cé-lébré le centenaire des lois Ferry. C’est ceque l’on a appelé «l’affaire du voile», dansun collège de Creil en 1989, qui a rappeléà chacun que l’école peut devenir un lieud’affrontements entre laïcité et religion.Sauf que cette fois, c’est un certain islamqui était en cause. Il a fallu quinze ans pourlégiférer et proscrire les signes ostentatoiresde religion. Il faut dire qu’il est beaucoupplus délicat d’intervenir sur des signes reli-gieux que l’on porte sur soi, que de décro-cher des crucifix du mur. Mais depuis cetteaffaire, la notion de laïcité est redevenued’une totale modernité…

Recueilli parCATHERINE MALLAVAL

(1) Auteur de «les Mots de la laïcité» (Pressesuniversitaires du Mirail, 2004) et de «Histoiredes protestants en France» (Fayard, 2012).

INTERVIEW

LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 20134 • EVENEMENT Think-Geek.net

Page 5: Liberation Des 07 Et 08.Septembre

L’Espagne, l’Allemagne ou les Etats-Unis envisagent plutôt sereinement la question de la religion à l’école.

A l’étranger, une donnée qui souvent va de soiL a laïcité, exception

française ? En Espa­gne, pays de forte tra-

dition catholique où le con-cordat de 1979 est toujoursen vigueur (l’Eglise reçoit4 milliards d’euros de sub-ventions par an), le conceptde laïcité demeure flou. Cer-tes, la Constitution préciseque «l’Etat est aconfession-nel», mais elle ne définit pasclairement les limites decette laicidad. Cette ambi-guïté est mise à profit parl’épiscopat qui, sous l’égidedu cardinal Rouco Varela, sebat pour maintenir le legs etles symboles catholiques :catéchisme dans les écolesconcertadas (semi-privées fi-nancées par l’Etat), crucifixdans les salles de classe…Dans l’esprit de la majoritédes Espagnols (83% se disentcatholiques), la laïcité est as-sociée à un athéisme anti-chrétien. L’actuel gouverne-ment conservateur, dont

plusieurs ministres sontmembres ou proches del’Opus Dei, a d’ailleursl’intention de revenir sur lesréformes «laïcardes» du so-cialiste Zapatero et de réha-biliter l’enseignement reli-gieux dans le public.Par tradition, l’Allemagneaccorde plus d’importance àla liberté religieuse qu’à celledes athées. En Républiquefédérale, l’Etat collecte l’im-pôt pour l’Eglise, les con-ventions de partis politiquesdébutent automatiquementpar un office œcuménique,les salles de classe et les tri-bunaux de Bavière sont ornésd’un crucifix et les enfantssuivent des cours de religionà l’école sans que cela neprovoque le moindre débat.Dans le cadre de concordatsrégionaux, chaque Land dé-finit, avec les communautéscatholiques et protestantes,le contenu des cours de reli-gion. Les élèves qui ne sou-

haitent pas les suivre sevoient proposer des heuresd’éthique, suivis notammentpar la plupart des élèves mu-sulmans. Ces dernières an-nées, les rares cas de conflitentre laïcité et religion sesont tous achevés par unrenforcement des droits descommunautés religieuses, àl’exception de la commu-nauté musulmane. Mais sihuit des seize Lander alle-mands interdisent le port duvoile à l’école, cette mesurene concerne que les ensei-gnantes, pas les élèves.

Vu des Etats­Unis, la laïcitéest une incongruité françaisequi n’a même pas de traduc-tion exacte en anglais. Ce quiest enseigné dans les écolesaméricaines s’appelle la «sé-paration de l’Eglise et del’Etat», une expression for-gée par Thomas Jeffersonen 1802. Par certains as-pects, cette séparation estd’ailleurs plus stricte auxEtats-Unis qu’en France: lesvacances scolaires sont ap-pelées Fall Break ou WinterBreak (vacances d’automneou d’hiver) plutôt que va-

cances de Noël ou vacancesde la Toussaint.Le gouvernement américainne subventionne pas nonplus les écoles religieusesprivées. Intransigeante surcette «séparation de l’Egliseet de l’Etat», la Constitutionaméricaine ne l’est pasmoins en revanche sur la «li-berté d’expression», y com-pris religieuse. Les bâtimentsscolaires ne doivent pas affi-cher de symboles religieuxmais les élèves sont libres devenir en classe avec leur cru-cifix, leur rosaire, leur kippa

ou autres voiles islamiques.Enfin, si la Cour suprême ainterdit en 1987 l’enseigne-ment du «créationnisme»dans les écoles publiques,cela n’empêche pas plusieursEtats comme le Texas, la Ca-roline du Sud ou l’Alabamad’y revenir subrepticementen exigeant que la théorie del’évolution soit enseignée defaçon «critique».

FRANÇOIS MUSSEAU(à Madrid), NATHALIE

VERSIEUX (à Berlin)et LORRAINE MILLOT

(à Washington)

Hormis sur la cantine et les sorties,les tensions sont rares en primaire.

En France, peude hics sur le laïcL’ école primaire n’a jus-

qu’ici jamais été unlieu d’enjeux forts sur

les questions de laïcité. Autournant des années 2000,alors que le secondaire –col-lèges et lycées – se prenaitles pieds dans les premièresaffaires de voile, l’école pri-maire, âge des élèves oblige,a été peu concernée par lesdébats qui aboutiront à la loide 2004 sur l’interdiction dessignes religieux dans les éta-blissements scolaires.Récemment, les combats desdéfenseurs d’une laïcité plusaffirmée se sont déployésdans d’autres champs : lapetite enfance, après l’affairede la crèche Baby-Loup,l’entreprise, et cet été, sansgrand succès, l’université.L’école primaire n’a cepen-dant pas été totalementépargnée, sur deux sujetsprincipalement : la viandehalal dans les cantines, etl’accompagnement de sor-ties scolaires par des mèresd’élèves voilées.La question des cantinesaura fait l’objet de nombreuxdébats et d’un récent rappeldu Défenseur des droits,Dominique Baudis, sur le faitque les collectivités peuvent

tout à fait refuser de se plieraux demandes religieusesdes familles. Cependant,certaines villes, commeLyon, ont trouvé depuislongtemps une solution enproposant deux menus auxélèves: l’un classique, l’autresans viande (mais protéinéaux œufs ou au poisson). Laformule ayant l’avantage derépondre collectivement à lademande des familles mu-sulmanes et des familles jui-ves pratiquantes, des végé-tariens, etc., sans donnerl’impression de plier à unedemande religieuse.La question des mères voi-lées souhaitant participeraux sorties scolaires s’est po-sée de façon beaucoup plusmarginale, la plupart des di-recteurs d’école ne consi-dérant pas ce sujet commeproblématique. Elle est néeen 2011 après l’interdictionfaites à des mères voilées departiciper aux sorties sco-laires, à Montreuil, en Seine-Saint-Denis. En 2012, LucChatel, alors ministre del’Education, avait publié unecirculaire prônant une stricteneutralité des parents parti-cipant aux sorties scolaires.

ALICE GÉRAUD

LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013 EVENEMENT • 5

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ContreAl-Assad,unG20presquevainA Saint-Pétersbourg, les Etats-Unis et laFrance ont fait signer à 11 pays un textea minima pour une «réponse internationaleforte». Qui n’évoque pas explicitementd’intervention militaire.

Par GRÉGOIRE BISEAUEnvoyé spécial à Saint­Pétersbourg

P uisque la préparation de laguerre est aussi une affairede communication, FrançoisHollande avait grand besoin

de ramener à Paris au moins une imagerassurante de ce G20 de Saint-Péters-bourg. Vendredi après midi, alors queVladimir Poutine s’apprêtait à tenir

sa conférence de presse de fin de som-met, un petit convoi de journalistes adonc été invité dans un immense préfa-briqué de luxe posé dans le parc du pa-lais Constantine et conçu pour abriterles entretiens entre chefs d’Etat.Dans l’une des pièces gardées par desmolosses à oreillettes se trouve une ta-ble. De chaque côté, Barack Obama etFrançois Hollande, tous deux entourésde leurs principaux conseillers. Petitspeech de chacun. Obama remercie«François pour son leadership et son par-tenariat». Hollande se félicite que lesdeux pays «soient aujourd’hui liés l’un àl’autre». Poignée de main au-dessus dela table. Sourires. Crépitements desflashs. Et un officiel américain quihurle : «Merci la presse.»Il fallait au moins ça pour les JT des télésfrançaises. Car pour le reste, ce sommet,à l’agenda essentiellement économique(lire page 14), n’aura pas franchementaidé le couple franco-américain. Hol-lande et Obama avaient un besoin ur-gent d’afficher une large coalition poli-tique derrière leur projet de frappes

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contre Damas. Or, après deux joursd’échanges, les lignes entre pro et antiintervention n’ont pas beaucoup bougé.Même si vendredi, Obama et Hollandeont réussi à arracher à 11 pays (mais pasl’Allemagne) une signature en bas d’unedéclaration commune.

DÎNER. Que dit ce texte, distribué en ca-tastrophe à la presse avant que tout lemonde ne plie bagage? Un peu tout etson contraire. Il n’exprime pas de sou-tien à une opération militaire franco-américaine. Mais ne l’exclut pas explici-tement. Il appelle «à une forte réponseinternationale à cette violationgrave des règles et valeurs univer-selles. […] Ceux qui ont perpétréces crimes doivent en rendre compte».Mais les signataires reconnaissent aussi«que le conflit n’a pas de solution mili-taire» et s’engagent à rechercher une«solution politique pacifique». Bref de lagrande diplomatie.Ce G20 avait pourtant très mal com-mencé pour Paris et Washington. Jeudi,avant même de se rendre au dîner offi-

ciel offert par Poutine, les cinq Euro-péens présents au G20 (Italie, Espagne,Allemagne, Grande-Bretagne, France)apparaissent divisés comme jamais surla question syrienne (lire ci-contre).Pour tenter d’harmoniser leur position,un mini-sommet est improvisé dans lebus qui les mène au palais de Peterhof.Au dîner, c’est Ban Ki-moon, le secré-taire général de l’ONU, qui ouvre les dé-bats. Hollande prend la parole une di-zaine de minutes. Tout le monde oupresque parle à la queue leu leu. «Labonne nouvelle, c’est que le dîner n’a pasété une longue confrontation, raconte unchef d’Etat européen à quelques journa-listes. Mais la mauvaise, c’est que chaquepays était préoccupé par ses propres con-sidérations. Et les pays émergents n’ontpas exprimé beaucoup de compassionpour le drame du 21 août [l’attaque chi-mique qui a fait près de 1 500 mortsdans la banlieue de Damas, ndlr].»

LEST. Vendredi, entre chaque séance detravail, Obama se démultiplie pour ten-ter de convaincre les Européens. Conci-liabules avec le Premier ministre italien,Enrico Letta. Puis avec Angela Merkel.Tous deux, pourtant alliés traditionnelsdes Etats-Unis, refusent de soutenir pu-bliquement une opération militaire sansmandat de l’ONU. En privé, la chance-lière allemande confie même «vouloiragir contre le projet d’une action mili-taire». Dans l’entourage de Hollande,on tente de minimiser les désaccordseuropéens et l’isolement franco-améri-cain. «Tout le monde est d’accord sur leprincipe d’une condamnation de l’utilisa-tion des armes chimiques et sur celui desanction, confie dans les allées du G20,un porte-parole de l’Elysée. Mais il y aencore débat en Europe sur les modalitésqu’elle doit prendre.»Obama et Hollande ont dû lâcher unpeu de lest à leurs partenaires euro-péens. Avant d’arriver à Saint-Péters-bourg, le président français n’avait pasl’intention d’attendre les conclusionsdu rapport des inspecteurs de l’ONUpour déclencher d’éventuelles frappes.«Les preuves, on les a», disait son en-tourage. Mais vendredi, en fin d’après-midi, le changement de pied françaisest évident.Durant sa conférence de presse, Fran-çois Hollande annonce que si frappes ily a, elles se feront, bien sûr, après levote du Congrès américain, mais aussià la suite de la publication du rapportdes Nations unies. «Ce sera un élémentd’appréciation», a déclaré Hollande.Puis de préciser que le mieux serait«que le Conseil de sécurité puisse être

dans le cadre de cette condamna-tion. […] Sinon, une large coalitiondevra se former pour rassembler

tous les pays qui n’acceptent pas qu’unrégime puisse utiliser les armes chimi-ques. […] Si nous ne répondons pas, celasignifiera qu’un dictateur qui utilise desarmes chimiques et massacre presque1500 personnes et beaucoup d’enfantsn’est pas puni et donc, qu’en Syrie ouailleurs, les dictateurs peuvent agir entoute impunité.» •

Réunis vendredi et samedi, les Vingt-Huit nesoutiennent pas l’option militaire choisie par Paris.

Face au brasier syrien,l’Union reste frileuseL’ ampleur du défi posé

par la crise syriennedevrait impliquer une

réponse forte et communedes Européens, alors mêmeque la crédibilité occidentaleest en jeu après avoir répétédepuis des mois que l’utilisa-tion des armes chimiquesreprésenterait «une lignerouge». La position desVingt-Huit, dont les minis-tres des Affaires étrangèressont réunis vendredi et sa-medi à Vilnius, risque biend’être, une fois de plus, aminima. Et surtout bien loindu soutien qu’espérait en-core Paris, il y a quelquesjours, à des frappes aériennesvisant à «sanctionner» le ré-gime syrien pour avoir bom-bardé sa propre population,le 21 août, avec des gaz neu-rotoxiques dans la banlieuede Damas.Massacre. Le ministre fran-çais Laurent Fabius, en arri-vant dans la capitale de la Li-tuanie –qui préside l’Unionce semestre –, a déclaré at-tendre de la réunion quel’Europe reconnaisse «auminimum» le massacre àl’arme chimique, ce qui nefait aujourd’hui guère dedoute, ainsi que la responsa-bilité du régime et une con-damnation claire de ce crimecontre l’humanité. Mais ilsera difficile d’aller au-delàdans la position communequ’annoncera samedi Cathe-rine Ashton, la haute repré-sentante de la politique exté-rieure et de sécurité del’Union. «On préférerait quedans l’expression publique dela position de l’UE, il n’y aitpas de référence à un indispen-sable mandat de l’ONU», re-

connaît un diplomate fran-çais, confiant néanmoins surle fait qu’aucun pays de l’UEne condamnerait une offen-sive. Paris reste pourtantbien isolé.Parmi les Vingt-Huit, seuls leDanemark, la Grèce et laCroatie appuient ouverte-ment une intervention.Quelques pays donnent unsoutien politique, comme laGrande-Bretagne, les Pays-Bas, la Roumanie et Chypre.Les autres sont réticentsvoire franchement hostiles.«Il y a beaucoup d’incerti-tudes dans ce dossier et il fautd’abord essayer d’établir aussi

précisément que possible ce quis’est passé», a lancé le mi-nistre belge Didier Reynders.Le président du Conseileuropéen, Herman VanRompuy, avait été encoreplus explicite, affirmant«qu’il n’y a pas de solutionmilitaire au conflit syrien».L’Italie comme l’Espagnetraînent les pieds mais ontsigné au G20 l’appel à une«réponse internationale forte»contre Damas. L’Allemagnes’y est refusée. Angela Mer-kel est consciente des en-jeux, mais, en campagnepour les élections du 22 sep-tembre, elle ne peut pour lemoment défier une opinionpublique massivement oppo-sée à une intervention, et ré-pète qu’il est nécessaired’agir dans le cadre de

l’ONU. Son ministre des Af-faires étrangères, GuidoWesterwelle, qui s’était déjàopposé à toute participationallemande à l’interventionde l’Otan en Libye en 2011,est encore plus hostile. L’Eu-rope s’était déjà divisée lorsde l’intervention américaineen Irak de 2003, refusée parParis et Berlin mais appuyéepar Londres, Rome, Madridet la plupart des nouveauxentrants.«Question». «Beaucoup degens disent “il faut attendre lerapport de l’ONU”, mais il y ades risques d’être déçu», aaffirmé Laurent Fabius à

Vilnius. Tout lemonde reconnaîtqu’il y a eu uneattaque chimiqueaujourd’hui, ycompris Moscouet Pékin, mais lesinspecteurs, a-t-il

souligné, «ne sont pas char-gés d’enquêter sur l’autrequestion déterminante et surlaquelle nous avons despreuves : qui a commis lemassacre ?»Le secrétaire d’Etat améri-cain devrait aussi s’entrete-nir samedi à Vilnius avec seshomologues européens dansune rencontre informelle.Cela pourrait faire bouger leslignes et inciter les Euro-péens à un soutien plus ex-plicite à l’opération. Le mi-nistre français des Affairesétrangères en est convaincu:«S’il n’y a pas de sanction,alors tout est possible. Bacharal-Assad a tué 1 500 person-nes avec des gaz interdits de-puis près de cent ans, alors ilva continuer.»

MARC SEMO

REPÈRES

Le New York Times a mis en ligne unevidéo montrant des rebelles syriens entrain de commettre des exécutionssommaires sur des soldats du régime deDamas. Sept soldats syriens torses nus etagenouillés sur le sol, portant des tracesde coups et de tortures, sont exécutésd’une balle dans la nuque par un com­

mandant rebelle. «Pendant cinquante ans,ils ont été les compagnons de la corrup­tion. Nous jurons sur le Seigneur tout­puis­sant que nous nous vengerons», clame­t­il.La vidéo aurait été sortie en cachette deSyrie, il y a quelques jours, par un ancienrebelle dégoûté de la violence et desmeurtres commis des deux côtés.

«J’ai été élu pour mettrefin aux guerres, pas pourles commencer. Mais le mondene peut pas rester les brasballants.»Barack Obama vendredi, au G20

L’Europe s’était déjà diviséesur l’intervention en Irak,refusée par Paris et Berlinmais appuyée par Londres,Rome et Madrid.

«Nous allons attendre le rapportdes inspecteurs [des Nationsunies] comme nous allonsattendre le vote du Congrès[américain].»François Hollande vendredi, au G20RÉCIT

Vladimir Poutine,François Hollandeet Angela Merkel, vendredi,à Saint­Pétersbourg.PHOTO ERIC FEFERBERG. AFP

LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013 MONDE • 7Think-Geek.net

Page 8: Liberation Des 07 Et 08.Septembre

AlexeïNavalnybraveleKremlinens’attaquantàMoscouCandidat aux municipales qui se tiennent dimanche, le blogueur anticorruptiona grimpé dans les sondages. Sans pour autant inquiéter le candidat du pouvoir.

«C hange la Russie, com-mence par Moscou.»C’est avec ce sloganque l’opposant Alexeï

Navalny a mené sa campa-gne pour la mairie de Mos-cou, l’un des postes admi-nistratifs les plus prestigieux dupays. Dimanche, avec ce premierscrutin municipal direct depuis2004, le juriste-blogueur, devenul’un des principaux détracteursde Vladimir Poutine, défie le mairesortant et apparatchik de haute vo-lée, Sergueï Sobianine.Durant tout l’été, entouré d’uneéquipe dynamique et dévouée de

volontaires, l’avocat a inlassable-ment fait campagne dans les quar-tiers de la capitale, en cultivantle «style américain». Simplementvêtu, sous la pluie et le soleil, en se-maine ou le week-end, Navalny est

venu à la rencontre des électeurs,dans un exercice plutôt inédit enRussie. A la sortie d’un métro oudans un square, une tribune basse,des chaises vaguement alignées :ces meetings ouverts à tous avaientl’air d’amicales réunions de quar-

tier. Et avaient surtout lemérite de trancher avec lespratiques habituelles des

candidats du pouvoir, peu enclinsà la proximité physique avec l’élec-torat, évitant l’improvisation etfuyant le débat.

ATTRACTIVITÉ. Navalny, rompu àl’exercice depuis les grandes mani-festations de 2012, commence tou-jours par une petite harangue sim-pliste mais efficace («Avons-nous

besoin de corrup-tion?»; «Avons-nousbesoin de Sobia-nine ?» ; «Avons-nous besoin d’immi-gration illégale» ?)avant d’ouvrir ledialogue avec l’as-

sistance, en développant ses thè-mes de prédilection: le coût exorbi-tant du logement et des charges, lacorruption dans le secteur du BTP,l’explosion de l’immigration clan-destine, l’opacité du système de

prise de décision du pouvoir. De-puis le début de la contestationcontre Vladimir Poutine, en dé-cembre 2011, l’opposition en géné-ral et Navalny en particulier ontsouvent été accusés de n’avoiraucun projet politique au-delà

d’une «Russie sans Poutine». Lacampagne municipale a été l’occa-sion pour le jeune politicien de for-muler, enfin, un programme autourde six projets de loi: réglementationdu travail des migrants, rapportspublics sur l’activité du pouvoir

municipal, régulation des tarifs desservices publics, publication del’information sur les chantiers et lestravaux de réparation, ainsi que desdonnées sur les biens immobiliersde la capitale et, enfin, élections desjuges de première instance.Navalny se veut aussi le défenseurdes petites et moyennes entrepri-ses, dans une logique de lutte con-tre les groupes monopolistiquescontrôlés par l’Etat. Il entend ac-croître l’attractivité de la capitalepour les investisseurs (selon la Ban-que mondiale, Moscou se trouve ac-tuellement en 30e position parmi lesvilles de Russie, alors qu’elle abrite15% de la population du pays). Enaoût, une quarantaine de chefsd’entreprise du Web ont signé uncontrat social avec Navalny, et ontpubliquement épaulé sa candida-ture. «Il défendra la prééminence dela loi, l’indépendance des tribunauxet la responsabilité des fonctionnairesdevant la société et nous lui accordonsnotre soutien avec nos réputations,nos ressources en termes de finance,d’organisation et autres», ont-ilsécrit dans une lettre ouverte.

INEXPÉRIENCE. La campagne inno-vante d’Alexeï Navalny, fondée surla transparence et la proximité, etportée par des jeunes dont l’en-thousiasme indéfectible a palliéparfois leur manque d’expérienceet de culture politique, peut êtreconsidérée comme réussie. L’oppo-sant n’a cessé de grimper dans lessondages, pour atteindre, à la veilledu scrutin, 18% des intentions devote (selon une enquête du centreLevada). Du reste, on ne saurait direce qui a été le plus efficace: les dis-tributions de tracts dans la rue oules tentatives répétées du pouvoirpour discréditer Navalny (arresta-tion lors de son procès, puis libéra-tion; interpellations éclairs; accu-sation de pratiques de campagneillicites), ou peut-être sa rhétoriquecontre l’immigration illégale quiplaît aux résidents. Et même si 58%des Moscovites prévoient de voterpour Sergueï Sobianine, l’opposantreste convaincu qu’un second tourest inévitable. «Pour le pouvoir, ceserait une catastrophe. Même s’ilspeuvent quand même gagner au se-cond tour, l’idée même [d’avoir à dis-puter un second tour] sape sérieuse-ment les positions de Sobianine», aconfié Nabalny au quotidien Vedo-mosti. Les experts en sont moinssûrs, et les sondages, qu’ils soientmenés par des instituts pro-pouvoirou plus indépendants, révèlent lesmêmes tendances. Certes, Navalnya des chances de devancer les autrescandidats, avec un score à deuxchiffres, mais le maire sortant de-vrait l’emporter haut la main.Pas forcément avec un résultat fia-ble, ajoutent les ONG de sur-veillance des élections, qui dénon-cent une vague de candidaturessuspectes pour contrôler les bu-reaux de votes et enrayer le travaildes observateurs indépendants. Onattend aussi des électeurs fantômes,des bureaux de votes inexistants,des votants multiples et, plus sim-plement, des résultats corrigés lorsdu décompte des voix. •

Par VERONIKA DORMANCorrespondante à Moscou

On ne saurait dire ce qui a été le plusefficace: les distributions de tracts,les tentatives répétées du pouvoir dediscréditer Navalny ou sa rhétoriquecontre l’immigration illégale.

RÉCIT

Un meeting de Navalny dans un parc de Moscou, le 25 août. L’opposant numéro 1 à Poutine a été arrêté juste après la réunion. PHOTO EVGENY FELDMAN. AP

REPÈRES

ALEXEÏ NAVALNYJuriste de 37 ans, blogueuranti­corruption et orateur, il aété condamné en juillet à cinqans de prison pour malversa­tion après un procès qu’il jugeinéquitable. Laissé libre jus­qu’au procès en appel, il s’estlancé dans une campagneignorée par les grands médias.

«Il y a une nouvellegénération deprotestataires.Cela transforme le voteen référendum surVladimir Poutine.»Lilia Chevtsova analyste ducentre Carnegie de Moscou

58%Ce sont les intentions de votedont est crédité Sobianine,contre 18% pour Navalny,selon le dernier sondage ducentre Levada.

SERGUEÏ SOBIANINECe Cosaque de 52 ans a étépropulsé sans vote à la mairiede Moscou par le Kremlin il yà trois ans. Malgré ses effortspour moderniser la capitale,il peine à modifier son imaged’austère homme d’appareil,et sa légitimité est régulière­ment contestée.

LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 20138 • MONDE

Page 9: Liberation Des 07 Et 08.Septembre

L’ écrivaine indienneSushmita Banerjeeavait fait un pari très

dangereux: retourner auprèsde son mari en Afghanistanaprès avoir écrit un best-sel-ler devenu un film à succès,relatant sa vie sous le régimedes talibans et les persécu-tions qu’elle avait alors en-durées avant de réussir às’enfuir. Installée depuis peudans la province pachtounedu Paktika (dans l’est dupays), où elle travaillait dansune clinique, elle a été kid-nappée mercredi soir à sondomicile et assassinée peuaprès. Son corps a été re-trouvé jeudi, criblé d’unevingtaine de balles selon lapolice – qui accuse les tali-bans–, près d’une école co-ranique située à 3 kilomètresde la maison qu’elle occu-pait, dans un compound deKharana.Ligoté. Jaanbaz Khan, hom-me d’affaires et mari deSushmita Banerjee, a racontéà Reuters qu’il avait ouvert saporte à deux assaillants mas-qués qui l’avaient aussitôtfrappé et ligoté avant des’emparer de sa femme. Agéede 49 ans, celle-ci était uneauteure réputée en Inde, no-tamment à Calcutta où ellevivait. Selon le quotidien in-dien Deccan Herald, elle avaitconnu le succès avec un récitautobiographique dans le-quel elle racontait les atroci-tés commises par les talibanset sa fuite romanesque, en1995, du village où elle vivait

avec son mari depuis 1989.Elle y avait fondé un dispen-saire médical qu’elle avait dûfermer à l’arrivée des tali-bans. Dans son livre, A Ka-buliwala’s Bengali Wife, elleracontait sa vie au jour lejour, comment les talibansl’insultaient et comment ils

l’avaient fouettée pour avoirrefusé de porter le tchadri(le grand voile afghan quienveloppe complètement lecorps, ne tolérant qu’unegrille au niveau des yeux).Elle avait également défrayéla chronique en évoquant parle menu sa vie intime avec cemême époux qu’elle avaitrencontré en Inde et pourlequel elle s’était convertieà l’islam. Son livre, paruen 2000, avait été adaptépar Bollywood sous le titreSauvée des talibans.«Ma sœur avait décidé de re-

venir en Afghanistan aprèsque Jaanbaz l’a convaincueque la situation avait changé etqu’aucun mal ne lui serait fait.Nous l’avions mise en gardemais elle était déterminée», adéclaré à l’AFP son frère,Gopal Banerjee. L’auteur in-dien Subodh Sarkar, un pro-che ami, l’avait aussi préve-nue qu’elle risquait d’être lacible des talibans : «Je luiavais dit, lorsqu’elle a expriméson désir de repartir, que lestalibans la tueraient. Elle nenous a pas écoutés. Nousavons perdu une auteurerebelle.»Jaune. Sous le régime destalibans, la petite minoritéhindoue qui vit en Afghanis-

tan depuis desgénérat ionsavait été sé-vèrement per-sécutée, lestemples ayantété fermés etles fidèles obli-

gés de porter des habits decouleur jaune. Même si lestalibans ont nié, vendredi,toute implication dans cemeurtre, il demeure que lesassassinats de personnalitésféminines se multiplienten Afghanistan depuis l’an-nonce du retrait des forcesoccidentales, qui doit s’ache-ver fin 2014. En juillet, c’estune célèbre officier de policede Kandahar qui a été tuée.En août, les insurgés ont éga-lement kidnappé une dépu-tée, Fariba Ahmadi Kakar.

JEAN-PIERRE PERRIN

UneauteureindienneabattueenAfghanistanMEURTRE L’écrivaine était retournée vivre dansle pays d’où les talibans l’avaient chassée en 1995.

Sushmita Banerjee, en 2003, à Calcutta. PHOTO DESHAKALYAN CHOWDHURY. AFP

Par SÉBASTIEN GOBERT

A Ouman, le nouvel anjuif plein à craquer

I ls étaient 30 000 juifsorthodoxes réunis, entremercredi et vendredi,

autour d’un lac de la villed’Ouman, dans le centre del’Ukraine, pour y célébrerRoch Hachana, le nouvel anjuif. «En se lavant symboli-quement, nous nous purifionspour accueillir le changementd’une année nouvelle. Ici,c’est une atmosphère unique»,s’exclame Ruben, venu deParis. Petite ville d’environ85000 habitants, Ouman estle centre du mouvement has-sidique de Bratslav, créé parle rabbin Nahman à la findu XVIIIe siècle. Le pèleri-nage attire des milliers de vi-siteurs, notamment d’Israël,des Etats-Unis et de France.«Le rabbin avait souhaité queles juifs se rendent en pèleri-nage ici pour honorer la mé-moire des morts et se retrouveren communauté», continueRuben.

Alors que la cérémonies’achève, chants, danses,prières résonnent encoredans la rue Pouchkine, artèreprincipale d’un quartier juifimprovisé, entre les syna-gogues et les stands denourriture. Ici, l’hébreu est lalingua franca, même parmiles commerçants ukrainiens

qui vendent produits casheret souvenirs. Des joailliersproposent des «bijoux pourles veuves d’Ouman», le sur-nom donné aux épouses res-tées au pays. Le pèlerinageest quasi exclusivement ré-servé aux hommes.

L’hébergement reste un pro-blème crucial. «De nombreuxpèlerins ont acheté des appar-tements, même s’ils ne vien-nent ici que quelques jours paran. Pour ceux qui louent, lesprix montent jusqu’à 350 dol-lars par semaine pour unsimple lit !» explique IsraëlBarzel. Ce rabbin est encharge d’une association quiprévoit de construire des lo-gements pour 5000 person-nes, et une synagogue pour22000 croyants. Celle-ci de-viendrait ainsi la plus grandedu monde. «Les autorités ontbien compris que c’était un bonbusiness», assure le rabbinMichaël Baron, venu d’unesynagogue du XIXe arron-dissement parisien. Quelque440 policiers, dont 12 venusd’Israël, sont déployés sur lesite. Une telle ambition n’estpas du goût de tout le mondeen Ukraine. Mais les natio-nalistes ne pourront pasdéfiler avant le jeudi 12 sep-tembre. •

VU D’UKRAINE10C’est le nombre d’accusésincarcérés et jugés depuislundi à Ankara dansle procès du coup de forcemilitaire de 1997 enTurquie, qui ont été remisen liberté cette semaine.Vingt­sept suspects, tousdes officiers supérieursà la retraite, sont encoreemprisonnés dans cetteprocédure judiciaire.

Mamnoon Hussain, 73 ans,deviendra lundi présidentdu Pakistan. Elu fin juilletpar un comité composédes députés et des séna­teurs, il remplacera à cettefonction honorifique AsifAli Zardari, veuf de BenazirBhutto, dont le Parti dupeuple (PPP) a été battuaux dernières élections.Aux antipodes de Zardari,un fils de famille aux alluresde play­boy souventaccusé d’être corrompu,Mamnoon Hussain est unhomme d’affaires discret etsouriant, dont l’ancragedans les milieux industrielset commerçants de la pro­vince du Sind (sud) pour­rait être un atout pourrelancer une croissancenationale paralysée par lacrise énergétique. Fidèlede Nawaz Sharif, chef de laLigue musulmane (PML­N)redevenu Premier ministreen juin, Mamnoon Hussaina été président de la cham­bre de commerce de Kara­chi et gouverneur du Sinden 1999. Il occupera unposte devenu symbolique,ce qui convient parfaite­ment au Premier ministrequi l’a choisi. PHOTO AFP

MAMNOONHUSSAIN BIENTÔTPRÉSIDENTDU PAKISTAN

LES GENS

AU CINÉMA LE 11 SEPTEMBRE

«Je lui avais dit, lorsqu’elle avoulu repartir, que les talibansla tueraient. Nous avons perduune auteure rebelle.»Subodh Sarkar auteur indien

A lire: «En Australie,une campagneélectorale très gay».

A voir: La Syrie… etle reste du monde, parle dessinateur Willem.

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Kaboul

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PAKISTAN

TADJ

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IRAN

PAKTIKA

LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013 MONDEXPRESSO • 9

Page 10: Liberation Des 07 Et 08.Septembre

Le maire de Marseille, Jean­Claude Gaudin, en juillet 2012 sur le Vieux­Port. PHOTO ROBERT TERZIAN. DIVERGENCE

Marseille:pactenational,périlélectoralAprès l’appel de Manuel Valls, les élus doivent se réunir pour trouver des solutions à la violence.

A six mois des municipa-les, l’appel au «pacte na-tional» contre le trafic dedrogue à Marseille lancé

jeudi soir par Manuel Valls après unquinzième mort dans un règlementde comptes, est une armeà double tranchant. Envoulant rassembler l’en-semble des élus de la deuxièmeville de France et sortir de la suren-chère et des invectives qui ont pol-lué le débat ces dernières semaines,le ministre de l’Intérieur et le séna-teur-maire (UMP) de Marseille,Jean-Claude Gaudin, s’obligentà afficher très vite des résultatstangibles. Faute de quoi le seul bé-néficiaire de cet élan œcuméniquepourrait être le Front national etson leader marseillais, StéphaneRavier.

ZIZANIE. Crédité de 25% des inten-tions de vote dans un sondage Ifop-UMP publié début juillet, le partilepéniste n’est certes pas en posi-

tion de rafler la deuxième ville deFrance en mars. Il semble en re-vanche en mesure d’envoyer auconseil municipal suffisammentd’élus (entre 8 et 12 selon lesprojections) pour priver de majo-rité aussi bien l’UMP que le Partisocialiste. Dans cette configura-tion, «la ville serait ingouvernable»,

prévient Eugène Caselli,président (PS) de lacommunauté urbaine de

Marseille –institution qu’il cogèreavec la droite depuis 2008, fautejustement d’une majorité suffi-sante, avec seulement un sièged’avance sur l’UMP.Et c’est bien parce que, à l’unissonde ses camarades socialistes, il«mesure le risque FN» à l’approchedes municipales que Caselli expli-que avoir annoncé, le 30 août, sonintention de prendre la tête de listePS dans les XIIIe et XIVe arrondis-sements, où Stéphane Ravier con-duira la liste frontiste. Mais, enprenant de vitesse ses cinq adver-saires à la primaire socialiste(les 13 et 20 octobre), Caselli a aussisemé la zizanie dans son propre

camp, où le partage des territoiresélectoraux devait se négocier col-lectivement après la primaire, enfonction des scores de chacun.La réunion prévue ce samedi matinà la préfecture des Bouches-du-Rhône, en présence des préfets derégion et de police, de Jean-ClaudeGaudin et des parlementaires lo-caux, dont la ministre Marie-Ar-

lette Carlotti, pourrait d’ailleursfaire les frais de ces tensions inter-nes au PS marseillais. ChristopheMasse, l’un des candidats à cetteprimaire, a ainsi appelé jeudi soirà la «suspension pour quelques joursde la campagne, le temps de s’as-seoir et de réfléchir ensemble aux so-lutions qu’il convient d’apporter à laviolence que personne, jusqu’à pré-sent, n’est parvenu à endiguer».L’occasion lui en sera donnée sa-medi matin, mais pas sûr que tous

les participants soient sur la mêmelongueur d’onde.

RAFALES. Le député-maire (PS)des Ier et VIIe arrondissements, Pa-trick Mennucci, assure d’ailleursqu’en ce qui le concerne «il n’yaura d’union sacrée que s’[il] sen[t]une réelle volonté de Jean-ClaudeGaudin d’infléchir la politique qu’il

mène depuis près devingt ans, et qui a ag-gravé le sentimentd’abandon et la misèresociale dans les quar-tiers d’une ville où 30%de la population vit

sous le seuil de pauvreté». BrunoGilles, sénateur-maire (UMP) desIVe et Ve arrondissements, ne sem-ble guère mieux disposé à l’endroitde ce «pacte national».Dans un communiqué diffusé ven-dredi, il «dénonce l’hypocrisie dugouvernement dans la lutte contre ladélinquance à Marseille», qualifiantde «mascarade» la réunion à venir,destinée selon lui à «aider le candi-dat socialiste aux élections municipa-les» plutôt que les Marseillais à re-

trouver le moral entre deux rafales.Et l’élu UMP de dénoncer unenouvelle fois le «sous-effectif criantde forces de police», oubliant depréciser que c’est sous la prési-dence de Nicolas Sarkozy, en-tre 2007 et 2012, que ces mêmeseffectifs avaient fondu le plus vite(moins 400 policiers et gendarmesdans l’intervalle sur la régionmarseillaise), au nom de la politi-que de non-remplacement d’unfonctionnaire sur deux partant à laretraite.Observant à distance la surenchèreverbale à laquelle se livrent les élusdes deux partis que sa formationrenvoie dos à dos, Stéphane Raviercompte les points et se frotte lesmains. «Avec ce pacte national, cen’est pas un mariage en mairie, maisune union en préfecture qu’ils nousproposent, persifle-t-il. En clair,l’officialisation du fait qu’UMP et PSne font qu’un. Ils nous facilitent letravail.» Aujourd’hui, la pressiondu résultat pèse moins sur lesépaules des policiers que sur cellesde Manuel Valls et de Jean-ClaudeGaudin. •

Par HERVÉ VAUDOITCorrespondance à Marseille

Le FN semble en mesure d’envoyerau conseil municipal assez d’éluspour priver de majorité aussibien le PS que l’UMP.

ANALYSE

6C’est le nombre de candidats àla primaire PS, dont Samia Ghali,Eugène Caselli, Patrick Mennucciet Marie­Arlette Carlotti.

De Saint­Pétersbourg, FrançoisHollande a commenté l’actualitéMarseillaise en marge du G20,qualifiant de «bonne démarche»l’appel au «pacte national» lancépar Valls. «C’est bien qu’il y ait cepacte, y compris parce que nous

sommes à la veille d’électionsmunicipales, qu’il y a des concur­rences multiples, y compris àl’intérieur d’un parti et qu’il vautmieux que toutes les personnali­tés aillent dans le même sens»,a indiqué le Président.

REPÈRES «On m’a pris mon fils.Quand je disais que cetteville mange ses enfants,j’avais raison.»

José Anigo le directeur sportifde l’OM, vendredi à l’Express,à propos de son fils abattu la veille

HOLLANDE SALUE UNE «BONNE DÉMARCHE»

LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 201310 • FRANCE

Think-Geek.net

Page 11: Liberation Des 07 Et 08.Septembre

Par PATRICIA TOURANCHEAU

Procès Mazières,l’image du pères’invite au verdict

L a cour d’assises desmineurs de Paris acondamné vendredi

soir Louis (1) Mazières àtreize ans de prison fermepour complicité d’assassinatde son père, Bernard Maziè-res, 60 ans, journaliste poli-tique retraité du Parisien, età vingt ans ferme pour as-sassinat Dany Manfoumbi,son bras armé. Partis délibé-rer vers 18 heures, les jurés,le président Hervé Stéphanet deux magistrats asses-seurs, devaient débattred’une question épineuse ap-parue dans les réquisitions:Louis, 17 ans à l’époque, par-ricide par procuration, est-ilcoupable de coaction dansl’homicide avec prémédita-tion de son père ou plutôt decomplicité de l’assassinat par«aide, assistance et fourniturede moyens» à Dany ?

L’avocate générale, AnneObez-Vosgien, a demandé àla cour de condamner à15 ans pour «complicité» lefils Mazières, cet enfantchoyé qui, en pleine crised’adolescence, a dégoupillécette haine du père et fan-tasmé de l’effacer: «C’étaitlui ou moi», a-t-il dit. Maisl’accusation a requis 20 ans,pour assassinat, contre Man-foumbi, 25 ans au momentdes faits, «fasciné par lamort» et ayant déjà essayéd’égorger un dealer avec unemachette, sans qui le crime

n’aurait peut-être pas existé.Né de père inconnu et demère peu aimante, DanyManfoumbi a été abandonnéchez sa grand-mère pater-nelle, au Gabon, où il a étémaltraité et violé par descousins jusqu’à ses 8 ans.Comme l’ont souligné les ex-perts psy à la barre, ce gar-çon en danger rejetaitl’adulte, à ses yeux maltrai-tant, et a pu exécuter le pro-jet criminel de Louis pourtuer le père qu’il n’a jamaiseu. C’est la dynamique infer-nale de ces deux êtres morti-fères qui les a conduits àmonter ensemble leur plan età acheter chez Mr Bricolagel’arme choisie par Dany: unmarteau «américain» à dou-ble pointe. C’est Louis qui,vers 1 h 30 la veille de Noël2010, donne au tueur la pos-sibilité d’entrer chez sonpère, place Saint-Sulpice,soi-disant pour récupérerson casque audio. Alors,Dany fracasse le crâne deBernard Mazières puisl’achève en l’égorgeant avecun couteau de cuisine.Selon des participants à ceprocès tenu secret, le mobilede ce duo improbable a étépercé au fil des audiences etn’a rien de crapuleux. Cesont bien des ressorts psy-chologiques complexes quiles ont l’un et l’autre poussésà tuer le père. •(1) Le prénom du mineur a étéchangé.

À LA BARRE

T rois mois, désormais,que Didier François etEdouard Elias sont

retenus en otage en Syrie.Vendredi, en fin de journée,sous un ciel menaçant, plusde 200 personnes se sontrassemblées devant l’Hôtelde Ville, à Paris, afin de ré-clamer la libération des deuxjournalistes d’Europe 1, en-levés sur la route d’Alep.Menace. «Les autorités ont lacertitude qu’ils sont vivants»,confie depuis le parvis SergeJuly, coprésident du comitéde soutien. L’ancien direc-teur de Libération, où a officiépendant des années DidierFrançois, en profite pourlever le doute sur les auteursde l’enlèvement : «Il semblese confirmer qu’il s’agit d’ungroupe se réclamant de la ré-sistance.» Et d’ajouter qu’auvu des récentes menaces deBachar al-Assad contre laFrance, ce n’est pas forcé-ment une si mauvaise chose.

A ses côtés, de nombreuxélus parisiens, à l’exceptiondu maire, Bertrand Delanoë.C’est Anne Hidalgo, candi-date à la succession aux mu-nicipales de mars, qui se faitleur porte-voix. «La libertéd’information est le socle desdémocraties, assène-t-elle.Nous ne les lâcherons pas.»Egalement présent, le pre-mier secrétaire du PS, Har-lem Désir. Ce dernier con-naît Didier François depuisles années 70 et les bancs dulycée Claude-Monet, dansle XIIIe arrondissement deParis. Le matin, une brèvecérémonie s’était tenue ausiège du PS.Dans la foule, membres de lafamille, proches, collègues,ou simples curieux se cô-toient, des badges «libérez lesotages» accrochés sur leursvestes. Avec l’arrivée de finesgouttes de pluie, certainssortent leurs parapluies.Lorsqu’on évoque Didier

François, 53 ans, ils dépei-gnent un «homme jovial»,toujours prompt «à rire auxéclats». Un peu plus loin,deux militantes de Reporterssans frontières (RSF) racon-tent avoir connu EdouardElias, jeune photojournalistede 22 ans, «juste avant qu’ilparte pour la Syrie». Desmembres de RSF font d’ail-leurs circuler une pétitionqui a déjà recueilli plusde 7 000 paraphes.Portraits. D’autres mani-festations, auxquelles Libéra-tion s’associe, ont eu lieuà travers la France. A Bor-deaux, Bayeux, Perpignanet Lille, notamment, où lesportraits des journalistes ontété dévoilés devant la mairie.Des mobilisations «pour évi-ter, selon July, que le combatne soit éclipsé par l’actualitéen Syrie», et qui ont vocationà se répéter tous les mois. Lemoins longtemps possible.

THÉO ALLEGREZZA

MobilisationpourlesotagesenSyrieJOURNALISTES Didier François et Edouard Elias,d’Europe 1, ont été enlevés sur la route d’Alep en juin.

MARSEILLE Le quotidienla Provence maintient l’inté-gralité de ses informationsconcernant des faits qui sesont déroulés en août àl’hôpital Nord de Marseille(Bouches-du-Rhône). Dansson édition de jeudi, la Pro-vence qualifiait ces faits de«prise d’otage» et de «sé-questration» du personnelhospitalier par un patientarmé. Ce que plusieurs sour-ces, notamment policières,démentent (Libération du6 septembre).

COUACS Soyez sages, c’esten substance le message queHarlem Désir adresse auxministres. «En cette rentrée,il faut des ministres soudés[…]. Pas de couacs cette an-née!» s’exclame le leader duPS dans une interview à laVoix du Nord.

SANS­ABRI Vingt-quatre fa-milles privées d’héberge-ment depuis lundi àClermont-Ferrand ont saisivendredi la justice pour ob-tenir un lieu où dormir.

L’ouverture de la procréa­tion médicalement assistée(PMA) à tous les couplessemble avoir du plombdans l’aile. «Je ne suis pascertaine que la loi famillesoit le meilleur endroit pour(en) discuter», a affirmé laministre des Affaires socia­les et de la Santé, MarisolTouraine, dans une inter­view publiée vendredi parla Croix. Or, jusqu’ici, ceprojet de loi sur la famille,qui doit être présenté auConseil des ministres avantla fin de l’année, était consi­déré comme le véhiculelégislatif devant comporterles mesures permettantaux couples homosexuelsde recourir à la PMA. Maisaprès la fronde essuyéelors de la loi sur le mariagegay, l’exécutif freine desquatre fers sur cette prati­que honnie par la droite.«La PMA est un sujet qui nedoit pas diviser ni provo­quer de crispations», a ainsifait valoir la ministre de laSanté. La loi famille doitnotamment traiter del’adoption ou de la défini­tion des droits familiaux.PHOTO REUTERS

MARISOLTOURAINEÉLOIGNE LA PMA

LES GENS

2000hectares de forêt ontbrûlé cet été en France,contre une moyenne de30000 par an depuis 1996.La météo très favorable,avec une forte pluviomé­trie en juin et peu de venten juillet, explique ce bilan,selon la Direction généralede la sécurité civile.

«Municipales: ces jeunes députés UMP qui croient àla vague bleue»: six élus de Reims, Tourcoing, Thion­ville, Belfort, Auxerre et Carpentras racontent envidéo leurs ambitions pour les élections de mars.«Activités périscolaires: à Romainville, l’histoire del’art essuie les plâtres», premier volet en vidéo denotre série «A chacun son rythme».

• SUR LIBÉRATION.FR

Sur le parvis de l’Hôtel de Ville, vendredi à Paris. PHOTO SÉBASTIEN CALVET

A nne Hidalgo aura-t-elle lapeau de l’éléphant DanielVaillant ? L’ancien ministre,

député et maire PS du XVIIIe arron-dissement de Paris est cerné. Mais ilrésiste, entouré d’un carré de fidèlesmilitants de son fief. Jeudi soir, aprèsavoir beaucoup tergiversé, le derniercumulard en piste pour les municipa-les parisiennes a annoncé qu’il se re-

présenterait à la mairie du XVIIIe. Etpromis, assure-t-il, «je démissionne del’Assemblée dès que je suis élu».Ses soutiens locaux applaudissent.Mais ni Anne Hidalgo, ni la fédérationPS, dont le patron Rémi Féraud est di-recteur de la campagne, n’en croientun mot. «Les promesses non tenues, ily en a trop eu dans le passé, glisse-t-ondans l’entourage de la candidate PS.

Notre règle, c’est: aucun maire et députéen tête de liste. Daniel ne pourra pas seprésenter.» Un bureau fédéral du PS,qui s’est prolongé tard hier soir, de-vait graver la loi d’Hidalgo dans lemarbre : pas de candidat cumulardaux municipales. «Anne procède endouceur, mais elle est très ferme», pré-cise un jeune loup de l’Hôtel de ville.

PASCALE NIVELLE

A RETOUR SUR LA CANDIDATURE DU MAIRE DU XVIIIE ARRONDISSEMENT DE PARIS

Municipales: rafut de Vaillant, refus d’Hidalgo

LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013 FRANCEXPRESSO • 11

Page 12: Liberation Des 07 Et 08.Septembre

durs, tous en relation avec ce conflit. Il y avaitégalement beaucoup de documents audio. Saadenregistrait quasiment toutes ses conversa-tions», révèle le procureur.«Le conflit avec son frère l’obsédait littérale-ment. Est-ce que vous partez en vacances avec

tout ça? Sans parler de paranoïa, c’était assezobsessionnel», a renchéri le colonel BenoîtVinemann, chef de la section de recherchede la gendarmerie de Chambéry (Savoie).Zaïd al-Hilli, bien que sous contrôle judi-ciaire («on bail» en anglais) en Grande-Bre-

tagne, est toujours «considéré comme un sus-pect», mais «pas le suspect numéro 1» ni«un présumé coupable», a insisté le procureurEric Maillaud. Car, si ce contentieux peutconstituer un mobile pour liquider son frère,il n’existe aucune preuve de l’implicationde Zaïd.La troisième piste est irakienne. Après avoirémigré en Grande-Bretagne, le père de Saadet Zaïd al-Hilli avait conservé des biensimmobiliers et industriels dans son paysd’origine. «La question se pose de savoir siceux qui, en Irak, se trouvent actuellement à latête de ce patrimoine n’avaient pas intérêt à ceque les deux frères Al-Hilli disparaissent», aindiqué Eric Maillaud. D’autant que Saadet Zaïd avaient entrepris, en 2004, de le récu-pérer. Une commission rogatoire internatio-nale, envoyée à Bagdad, n’a «pas été exécutéepar les autorités irakiennes».

«EXPÉRIMENTÉ». Les enquêteurs ont aussiexploré puis écarté d’autres possibilités. «Onn’a pas trouvé de connexion» entre Saad al-Hilli et le cycliste britannique, ancien de laRoyal Air Force, qui a donné l’alerte, ni avecla victime savoyarde, Sylvain Mollier, salariéd’une filiale d’Areva. L’éventualité de l’arri-vée impromptue de la famille Al-Hilli surle lieu d’un trafic n’est plus jugée crédible.L’hypothèse d’un déséquilibré, d’un militaireou d’un chasseur «n’a rien donné» non plus.Les enquêteurs ont refusé de s’exprimer enrevanche sur une éventuelle piste roumaine,Zaïd al-Hilli ayant passé de nombreux appelsvers ce pays avant le meurtre de son frère etde sa famille, et plus du tout par la suite. Unecommission rogatoire internationale (CRI) atoutefois été envoyée à ce pays.Une chose est sûre: le tueur était «très expé-rimenté, ce qui ne veut pas dire professionnel».Il a utilisé, dans un temps très court, troischargeurs, et la quasi-totalité de ses ballesa fait mouche sur des «cibles humaines mou-vantes» : «21 coups de feu ont été tirés, 17 ontatteint leur cible humaine», mais aucun im-pact n’a été retrouvé sur la carrosserie de lavoiture. L’arme du crime, un Luger P06de calibre 7,65 parabellum de fabricationsuisse, reste «intraçable et ne ressort au-jourd’hui dans aucun fichier», précise le pro-cureur de la République.Les quelque 4000 appels passés par télépho-nes portables «ayant déclenché des relais àproximité» du parking continuent d’êtreexploités. Une moto de couleur blanche etun 4×4 de couleur sombre aperçus dans lesparages à l’heure des crimes sont toujoursrecherchés. •

Le 6 septembre 2012, au lendemain du crime. PHOTO DOUG SEEBURG. THE SUN. SIPA

LemystèredelatueriedeChevalinefêtesonpremieranniversaireVengeance familiale, espionnage industriel ou crime crapuleux aux origines irakiennes? Un anaprès, le procureur de la République évoque ces trois pistes dans cette affaire aux quatre meurtres.

T rois pistes principales sont encoreexplorées pour tenter d’éluciderl’énigme du quadruple meurtre quia décimé il y un an, sur un parking

forestier à Chevaline (Haute-Savoie), le cou-ple Al-Hilli, anglais d’origine irakienne, leurbelle-mère et un cycliste français.Eric Maillaud, le procureur de la Républiqued’Annecy, qui a fait le point de l’enquêtevendredi avec les gendarmes français et lespoliciers britanniques au palais de justiced’Annecy, a mis sur le même plan le conflitd’héritage entre les deux frères Al-Hilli, l’hy-pothèse d’ennemis de la famille en Irak, maiségalement la piste de «l’espionnage industrielet du transfert de technologies», soulignéepour la première fois.La société de Saad al-Hilli, un «ingénieurbrillant» qui œuvrait pour une entrepriseanglaise spécialisée dans les satellites civils

(météorologie, surveillances descultures, etc.), travaillait en effet«pour de nombreux Etats étran-

gers» : «Qui dit Etats étrangers et espionnageindustriel peut aussi indiquer l’intervention desservices secrets», suppose le procureur EricMaillaud. En tout cas, Saad al-Hilli «avait ensa possession beaucoup plus de données que sonseul emploi ne justifiait». Même si, «pour l’ins-tant, on nous dit que tout ça n’a pas de véritablevaleur marchande».

POULETS. Au cœur d’un autre volet de l’en-quête, un possible règlement de comptescommandité par Zaïd al-Hilli pour hériterseul de leur père décédé en août 2011, enversSaad, qui «avait peur de son frère». Il nes’agissait pas d’une «fortune colossale», maisle vieil homme a toutefois laissé à ses deuxfils la maison où Saad vivait avec sa familledans le Surrey, à côté de Londres, deux ap-partements également situés en banlieuelondonienne, un pied-à-terre en Espagne,une maison, un terrain et deux usines d’éle-vage de poulets et de fabrication de papier àBagdad, ainsi qu’un compte en Suisse.Soit 3 à 5 millions d’euros, sans compter lesbiens en Irak. Saad était convaincu que Zaïd,qui gérait le patrimoine de son père vieillis-sant et lui avait fait signer un premier testa-ment en son unique faveur, «en avait profitépour détourner de l’argent». Il engrangeait lespreuves, dans la caravane des Al-Hilli, sur uncamping du lac d’Annecy : «On a trouvé unnombre important de documents, de disques

Par CATHERINE COROLLER(envoyée spéciale à Annecy)et PATRICIA TOURANCHEAU

RÉCIT

1300auditions de témoins ont été réaliséesdepuis un an par les gendarmes françaiset les policiers britanniques dans le cadrede l’enquête.

ITAL

SUISSE

SAVOIE

HAUTE-SAVOIE

ChevalineAnnecy

25 km

LES VICTIMESLe quadruple meurtre non élucidé a viséle 5 septembre 2012 Saad al­Hilli (50 ans),son épouse, Iqbal (47 ans), deux Britanni­ques d’origine irakiennne, sa belle­mèreSuhaila al­Allaf (74 ans), et un cycliste ducoin, Sylvain Mollier (45 ans). Leur petitefille Zaïnab al­Hillli, 7 ans, a été blessée.

REPÈRES «Une enquête longue,une enquête complexe,n’est pas une enquête quipiétine. C’est une enquêtedifficile.»Le procureur d’AnnecyEric Maillaud, vendredi

LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 201312 • FRANCE

Page 13: Liberation Des 07 Et 08.Septembre

Street art Le Web court les rues Page VIII

Musique Shenzhen, l’autre révolution culturelle chinoise Page XII

Corées L’écrivain Hwang Sok-yong œuvre à la réunification Page XVI

leMag SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8SEPTEMBRE 2013

www.liberation.fr

Lyon sort de prison

La reconversion de Saint-Josephet Saint-Paul, au cœur de la cité,est lancée. D’anciens détenus,des personnels et des riverainsracontent un univers carcéral révolu.

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Page 14: Liberation Des 07 Et 08.Septembre

LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013II • LE MAG SOMMAIRE

REPORTAGE

Dédé BoironA Lyon, retourà la case prisonL’ex­détenu, le personnelpénitentiaire, les riverainsracontent l’histoire deSaint­Paul et Saint­Josephtout juste démolies.BRUNO AMSELLEM. SIGNATURES

DÉCOUVERTE

Evan RothMi­hacker,mi­tagueurCofondateur du GraffitiResearch Lab, l’Américain,basé à Paris, prône l’uniondes street artistes et desactivistes du Réseau.DR

REPORTAGE

Qin YiL’humanismeen musiqueL’orchestre de Shenzhen seproduira le 21 septembre àParis, lors de la Journéemondiale de la paixorganisée par l’Unesco.ÉRIC DAHAN

ENTRETIEN

Hwang Sok­yongLe Corée graphe

Avec Princesse Bari,l’écrivain coréen de 70 ans,plusieurs fois primé,poursuit son œuvrede réconciliation du Nordet du Sud.PAIK DAHUIM

LA SEMAINE DE L’ÉCRIVAIN

François SureauUn dictateur chezle juge des enfantsL’asile français est à boutde souffle. Sur fond debruit de bottes en Syrie,Poutine le trublion serévèle un maître tacticien.J.­B. MILLOT. GALLIMARD

LE CASTING DU 7 SEPTEMBRE 2013PAGE VIIIPAGE IV PAGE XII PAGE XVI PAGE XVIII

«VU DES ÉTATS­UNIS» SÉLECTIONNÉ PAR PETER KUPER

Underground . Passé demode, le mot désignepourtant toujours unetendance culturelle bienvivante aujourd’hui : celled’une création parallèle,autrefois reléguée à laquasi-clandestinité pours’être tout bêtementdébarrassée del’establishment. Dansles années 80, cette formeartistique extrêmementénergique est sortie de samarginalité, a trouvé unevisibilité sociale en mêmetemps qu’une grandediffusion, passant par descercles de happy few trèsefficaces dans l’exercice dela communication et dumarché. On a vu émergerla culture Beaubourg, celledu Palais de Tokyo, puis duPlateau et maintenant celledu CentQuatre, pour neciter que les hauts lieuxbranchés de la capitale.Entre-temps était né ungeste pictural anonyme,

qui aura de beaux joursdevant lui, le street art,autrement dit ces graffitis,qui ont fleuri sur tous lesmurs des villes, expressionindividuelle d’unegénération hautementsubversive, devenue au fildu temps, mondiale etuniverselle. «Je tague,donc je suis» pourraitrésumer le propos deces artistes des ruesagissant nuitamment,car susceptibles depoursuites pénales : onne «dégradait» pasimpunément les bâtimentsdes villes. Naturellement,ces activités délinquantessont entrées dans lesmœurs… C’en était doncfini du «sous-terre»(traduction littéraled’underground) ? Pas sisimple. L’art urbain estcomme la guérilla, il muteet s’adapte pour conserverun langage bien à lui. Aquand l’insurrection ?

La culture fait le mur

ÉDITO

Par BÉATRICE VALLAEYS

Artiste: EdelRodriguez.«Les Etats­Unispèsent le pour etle contre d’uneaction en Syrie».

REGARDER

Jury dans le pétrinSur M6, du pain,du vain, du bousinAprès Un dîner presqueparfait, Top Chef, M.I.AM, laSix poursuit son entreprisede gavage avec la MeilleureBoulangerie de France.JEAN­BRICE LEMAL. M6

PAGE XXII

Page 15: Liberation Des 07 Et 08.Septembre

LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013 CHRONIQUES LE MAG • III

VOX POPULI

Par MATHIEU LINDON

Bachar, tu vasl’avoir, ta claque

Aujourd’hui, la Syrie est suffisammentdévastée pour que le marché de lareconstruction devienne un élémentde la négociation avec les Russes et

les Chinois. Encore quelques missiles pourfignoler la destruction et on pourra donner letop départ aux entreprises étrangères. «Allez,on efface tout et on reconstruit.» Nedésespérons pas : peut-être que, dans quelquesmois, le pays sera dans le même état que laLibye, ça ira mal mais on n’en parlera plus.D’ailleurs, François Hollande a semblé aussipressé d’aller en découdre en Syrie que NicolasSarkozy autour de Tripoli. Bachar al-Assadaurait-il financé en douce sa campagneélectorale ? Au fond, personne n’aurait riencontre un statu quo en Syrie, que ni le régimeactuel ni les islamistes n’aient les pleinspouvoirs. Si ce n’est que le massacre donne unemauvaise image d’elle-même à la communautéinternationale. Elle a du mal à se regarderdans la glace, à faire de bonnes publicités pourses produits lorsque celles-ci sont diffuséesaprès une longue file de cadavres d’enfants. Çane peut pas durer, c’est mauvais pour le moraldes ménages. Ce n’est pas comme ça que lacroissance reviendra.Il y a des gens pour se demander si c’est bienBachar al-Assad qui est responsable de l’usagedes armes chimiques : ça en dit long sur laconfiance que l’Occident a en l’oppositionsyrienne. On imagine un dessin où on verrait leprésident syrien en boucher, les mains cachéesderrière le dos, avec un hachoir dans l’une etune bombe chimique dans l’autre, du sangpartout, sur son tablier, sur son visage, sur lesmurs, du sol au plafond – et un enquêteur del’ONU (ou Vladimir Poutine lui-même) enSherlock Holmes, une loupe à la main, à larecherche d’un éventuel indice. Tous lesaccusés ne profitent pas autant du bénéfice dudoute que Bachar al-Assad. Avec ses menacescontre la France, celui-ci ne se montre pas sousson profil le plus dominateur, en tant que chefde guerre. C’est comme s’il disait juste :«Attention, si vous nous bombardez, on s’enprendra à vos intérêts.» Dans le droit de laguerre, il y a bien la légitime défense, non ? Aufait, si Bachar al-Assad s’en prend vraiment ànos intérêts, est-ce qu’on aura le droit d’enremettre une couche en Syrie – et ainsi desuite ? Sa claque, bien sûr qu’il la mérite, saufque ce n’est pas une question de mérite. C’estune affaire de justice.C’est un pays sans traîtres, la Syrie ? Bacharal-Assad est si attachant qu’il n’y a personnedans le régime pour le renverser et offrir uneporte de sortie au conflit ? Curieuse guerrecivile, au demeurant, avec conseillers russes,renforts iraniens et libanais et éventuellesfrappes américaines et françaises. Tout lemonde est persuadé que si l’action franco-américaine finit par faire tomber la Syrie dansle giron d’Al-Qaeda, il n’y aura aucunegratitude à attendre de la part de la nébuleusede feu Oussama ben Laden. Et là-dessus,partenaire incontournable, Vladimir Poutinequi ressemble à un assureur auquel ondéclarerait notre sinistre : «Quel incendie ?Non, je ne sens rien. Un dégât des eaux, ça ? Unsimple joint à remplacer.» •

REGARDER VOIR

Par GÉRARD LEFORT

En moustache-cravate

Dans le manuel duparfait dictateur,rien n’exige le portde la mèche plaquée

(façon führer) ni le gros nezen patate (école Staline).L’usage de la moustachesemble par contre récurrent.Notons que, fidèle à cetteobligation, au-dessus de lalèvre supérieure de Bacharal-Assad, la moustache estlà, quoique taillée très ras. Ilest vrai que cette exhibitioncapillaire, censément syn-drome de virilité, est de règledans le pourtour du bassinméditerranéen, pour peuqu’on soit un homme adulte.Or, Bachar al-Assad est sy-

rien et il a largement dépassél’âge de sa première kalach-nikov. Les millions de por-teurs de moustache de cettevaste zone ne sont pas touspour autant dictateurs. Si telétait le cas, plus personne nepourrait l’être, le principe dela dictature, mille fois expé-rimenté, étant qu’un seul araison, quand tous les autresont tort.Cela dit, la statistique «sousla moustache, le tyran»pourrait expliquer que, de-puis l’âge des cavernes, oùdéjà Madame Cro-Magnons’épilait sévère, il y ait si peude femmes dictateurs. Mêmela Mère Ubu, qui œuvre à

convaincre son mari de ren-verser le roi Wenceslas dePologne, ce qui lui permet-

trait, entre autres délices, de«manger fort souvent de l’an-douille», n’est qu’une figurede l’ombre. Certes, elle portela culotte, mais jamais lamoustache. Au fait, que de-vient-elle elle la madameUbu syrienne, cette très belleAsma al-Assad qu’on ditinstruite, humaniste et follede shopping sur Internet? Lediable s’habille-t-il plus quejamais en Prada ? Et le soir,quand son Bachar rentre à lamaison, épuisé par une rudejournée de dictature,qu’est-ce qu’elle lui de-mande : ça gaze ?Le peu qu’on sache de la pre-mière dame se résume à unedéclaration datant du débutde la guerre civile et depuisserinée en boucle : «C’estnous ou les barbus.» Mousta-che contre barbe, façon dos-sier Beauté d’un magazinegay.A part la moustache, cequ’on distingue sur cettephotographie du présidentsyrien, prise à Paris lorsd’une visite officielle à l’in-vite de Sarkozy, le 9 dé-cembre 2010, c’est qu’il fauttoujours se méfier des typesqui portent des cravatesatroces. On note aussi qu’ilest grand, le massacreur deson peuple, interminablemême, au point que sa têteparaît trop petite pour uneaussi longue carcasse. Acroire que dans le ventre dela maman de Bachar, il n’yavait plus assez de cellulespour fabriquer une tête debébé complète, pourvue, parexemple, d’un menton dignede ce nom. En lieu et place,un faux air de dindon égaré.Un rien tête à claques aussi(lire ci-contre).Il fait jeune Bachar al-Assad.De fait, il aura 48 ans mer-credi. On n’ose imaginer lasurboum qui fera rage cejour-là au palais présidentielde Damas. Et surtout le détaildu menu d’anniv. Pouletchasseur? Pommes sautées?Salade de grenades? Bombeglacée ?Donc, Bachar al-Assad, ap-paremment grand couillon,ni beau ni moche, n’auraitpas la tête de son emploi. Onse demande pourtant, siderrière la façade de ce vi-sage sans qualités, figéen 2010, les idées horriblesétaient déjà en train de fer-menter. •

MOMESParis I I

L E P A R I S D E S E N F A N T S D E 0 A 1 2 A N S

MOMESParis I I

L E P A R I S D E S E N F A N T S D E 0 A 1 2 A N S

Supplément gratuit à Libération du 4 septembre 2013. Ne peut être vendu séparément.N°87 septembre 2013. Gratuit. A donner surtout aux parents.

Spécialateliers

Microsoftet Nokiaraccrochentles wagonsInexistant dans la téléphoniemobile, Microsoft rachèteenfin, pour 5,4 milliardsd’euros, le fabricant finlandaismis à mal par l’essor mondialdes smartphones.Objectif : l’Internet mobile.

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Avec ce numéro«Paris-Mômes»

ET LES AUTRES FILMSDE LA SEMAINE,

8 PAGES CENTRALES

ENTRE FELLINIET HERGÉ,JODOROWSKYDANSE AVECLA RÉALITÉ

CINÉMA

FranceLAGUERRE

QUIFRAGMENTELes différentes familles politiques

s’affrontent avant le débat qui se tientaujourd’hui au Parlementsur l’intervention en Syrie.

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Libération du 4 septembre.

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LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013IV • LE MAG ENQUÊTE

Des prisons de Saint-Paulet Saint-Joseph, à Lyon,Bernard Boiron n’a long-temps connu que le par-loir des familles où, del’enfance à l’âge adulte,il est venu visiter sonpère, André, incarcéré

pour des braquages. A l’automne dernier, cethomme aujourd’hui âgé de 47 ans a pu péné-trer pour la première fois au cœur de Saint-Paul, lors des journées portes ouvertes, orga-nisées avant la démolition des deux prisonsPerrache. «C’était une question de curiosité parrapport à ce que mon père avait vécu durant desannées, raconte-t-il. Je n’arrivais pas à imagi-ner les lieux derrière ces murs, j’ai essayé devisualiser des images, mais je ne voyais pas.Alors j’ai voulu me rendre compte par moi-même.»Début 2013, les bulldozers sont entrés en ac-tion. Aujourd’hui, des deux maisons d’arrêt,ne restent que les portails d’entrée, les cha-pelles, une partie des murs d’enceinte… Cesquelques éléments patrimoniaux seront inté-grés aux nouveaux bâtiments. Saint-Josephaccueillera le campus de l’Université catholi-que de Lyon qui devrait être inauguré à larentrée 2015. Saint-Paul sera composé d’unensemble de logements, de bureaux et decommerces qui verra le jour fin 2014. Pour lesLyonnais et ceux qui ont été amenés à fré-quenter ces établissements, c’est une longuepage d’histoire qui se tourne.Désormais, les prisons de Perrache n’exis-tent plus que dans la mémoire de ceux qui yfurent détenus, de leurs familles, du person-nel pénitentiaire, médical ou éducatif qui ytravailla, des avocats, aumôniers, interve-nants de toutes sortes, et des riverains. Leurssouvenirs varient en fonction de la fréquen-tation qu’ils ont eue de ces établissements.Certains ont connu les tréfonds de Saint-Paul et Saint-Joseph, d’autres les seules zo-

Par CATHERINE COROLLERCorrespondante à LyonPhotos BRUNO AMSELLEM.SIGNATURES

Saint-Joseph et Saint-Paul,bâties au cœur de la citéau XIXe siècle, sont en coursde reconversion. D’anciensdétenus, des surveillants, desriverains racontent l’époqueoù la ville partageait ses quartiersavec les deux prisons.Lyon

appelé au parloir

André Boiron, détenu durant trente­cinq ans, notamment à Saint­Paul et Saint­Joseph, a été libéré l’an dernier.

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LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013 ENQUÊTE LE MAG • V

on faisait des signes à mon père.» En théorie,les parloirs sauvages sont interdits. «On es-sayait d’expliquer aux familles que s’il y avaitune ronde de police, elles pouvaient être ramas-sées, que ça dérangeait tout le quartier. Maisquand on a deux parloirs autorisés de trois-quarts d’heure par semaine, on n’a qu’une en-vie, c’est de discuter encore», soulignent AnneVanbremeersch et Isabelle Vanuxem, prési-dentes de l’association San Marco,chargée de l’accueil des familles dedétenus, dont le local se trouvait

en pleine ville, dans un quartier d’habitation,«certaines cellules donnaient sur des apparte-ments», rappelle Paul Rabeaud, un riverain.Pour les détenus, «c’était sympa, ça leur per-mettait d’être au contact de la vie». Pour lesoccupants de ces appartements, ça l’étaitsans doute moins. Par ailleurs, une prison,c’est tout sauf silencieux. «De l’extérieur, onentendait beaucoup de bruits, confie Paul Ra-beaud. La prison est un milieu angoissant, sur-tout le soir, il arrivait que des détenus ouvrentleur fenêtre et crient un bon coup.»

Qui dit prison, dit aussi parloirs sauvages.«C’est l’image qu’on conserve tous ici, pour-suit le riverain. Les copains et les copines desdétenus se postaient sur le trottoir et les inter-pellaient.» Dédé Boiron était incarcéré dansle bâtiment H de Saint-Paul, séparé de la gareSNCF de Perrache par une rue étroite. «Desquais, on voyait à l’intérieur de la prison et descellules, se rappelle-t-il. Mon fils montait à lagare avec sa sœur pour me faire des petits cou-cous.» «Je devais avoir 8 ans, confirme Ber-nard Boiron. On se mettait au bord du quai et

nes où ils étaient autorisés à se rendre,d’autres encore n’en ont jamais franchi lesportes. Leurs récits sont tragiques, comi-ques, parfois nostalgiques.

Au bord du quai pour fairedes petits coucous

Prenez les riverains. On pourrait penser quel’impact de ces prisons sur leur vie se limitaità la vision des hauts murs noirs surmontés debarbelés qui les entouraient. Que nenni.Saint-Paul et Saint-Joseph étant construites

Les deux prisons, conçues pour une surveillance optimale et avec de nouvelles normes d’hygiène du XIXe, étaient tombées dans une extrême vétustée. Elles ont été fermées en 2009.

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LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013VI • LE MAG ENQUÊTE

l’administration pénitentiaire avait déjà en têteque les prisons de Lyon allaient être fermées etque ça n’était pas la peine d’engager des som-mes importantes».La psychologue Elisabeth Clavairoly y a faittoute sa carrière. Pour elle aussi, lesconditions de travail étaient difficiles. «Nos

bureaux avaient été amé-nagés dans d’anciennescellules. Au bâtiment F,j’avais de la chance,j’avais une fenêtre. Après,on est passés au bâti-ment B. J’ai compris ceque voulaient dire les déte-nus. J’étais dans un espacede 9 mètres carrés avec unplafond très haut, j’avais

l’impression d’être dans un trou. Au point quequand on sortait, on se disait: “Tiens, il y a dusoleil.” Au fil des années, je le supportais demoins en moins.»L’état des bâtiments incitait-il l’administra-tion pénitentiaire à faire preuve de plusd’humanité? «Comme c’était délabré, les sur-veillants étaient plus souples, affirme l’anciencadre sup. Pendant une courte période, j’ai étéincarcéré à Villefranche qui était considéréecomme une prison moderne [elle date de 1990,

face à la porte d’entrée de Saint-Paul. Selon Paul Rabeaud, l’attitudedu voisinage oscillait entre volonté

d’ignorer les prisons, curiosité pour ce quis’y passait et franche hostilité: «L’adminis-tration pénitentiaire avait envisagé de suppri-mer la rue Delandine [séparant les deux éta-blissements, ndlr], je ne sais plus en quelleannée. Ils voulaient élargir les cours de prome-nade. Les gens du quartier ont manifesté pours’y opposer. J’avais été scandalisé qu’on refusequelques mètres carrés de plus aux détenus.»Résultat, quand Saint-Paul et Saint-Josephont fermé, en 2009, «des détenus ont regrettéde partir, les voisins beaucoup moins», ironi-sent Anne Vanbremeersch et Isabelle Va-nuxem. A l’exception de commerçants, no-tamment les fleuristes, auxquels desprisonniers commandaient de gros bouquetsde roses pour leur mère à Noël.Jusqu’en 1981, le voisinage pouvait égalementvoir la longue file des familles des détenus at-tendant devant Saint-Paul et Saint-Josephque l’administration pénitentiaire leur ouvreles portes pour les visites, parfois pendant desheures et par tous les temps. Choquée decette situation, l’Association nationale des vi-siteurs de prison (ANVP) a alors acheté unepizzeria située en face de l’entrée de Saint-Paul. Le nom San Marco vient de là, et nond’un quelconque patronage catholique.L’ANVP a ensuite mis ce lieu à la dispositionde l’association San Marco. Une première enFrance, qui a depuis fait école. «Au début,c’était juste un abri, puis ça s’est développé,témoignent les responsables de l’accueil.Quand quelqu’un est incarcéré, rien n’est dit àses proches. Or, l’imaginaire des gens sur la vieen prison, c’est du cinéma américain. Il faut lesdésangoisser. Et répondre concrètement à leursquestions: Où va-t-il aller après son incarcéra-tion ? Avec qui va-t-il se retrouver en cellule ?Comment récupérer les clés qu’il a gardées, luienvoyer de l’argent, lui faire parvenir du linge,obtenir un permis de visite ?»

Klaus Barbie, le gangdes Lyonnais, Action directe…

Saint-Paul et Saint-Joseph étant des maisonsd’arrêt pour hommes, Anne Vanbremeerschet Isabelle Vanuxem ont essentiellement vupasser dans leur local des épouses de déte-nus, des parents, des sœurs et quelques frè-res. «Ils sont de toutes nationalités et de tousles milieux sociaux, car la prison touche tout lemonde.» Beaucoup de ces femmes étaient«dans une très très grande pauvreté», quel-ques-unes «à l’abri du besoin», comme lescompagnes des braqueurs du gang des Lyon-nais. Isabelle Vanuxem rit encore «de cellequi avait fait la cavale pendant seize ans avecson époux. Elle avait un super manteau de four-rure, des talons aiguilles, des grands ongles, etson fils faisait son droit. On se serait cru dansun film».La sociologie carcérale de Saint-Paul etSaint-Joseph était celle de toutes les prisonsfrançaises, avec quelques spécificités lyon-naises. Surveillant et délégué du syndicat na-tional pénitentiaire Force ouvrière, ChristianLavagna a gardé «la branche lyonnaise d’Ac-tion directe [organisation armée d’extrêmegauche, auteure d’attentats entre 1979et 1987, ndlr], Pierre Botton, le gendre de Mi-chel Noir [ancien maire de Lyon, tous deuxcondamnés pour abus de biens sociaux]…»Après sa condamnation pour crime contrel’humanité en 1987, Klaus Barbie a été incar-céré à Saint-Paul. «Je l’ai gardé deux ou troisfois, se rappelle Christian Lavagna. Il occupait

un étage qu’on a ensuite appelé VIP. Il avait sacellule avec sa sonnette d’appel, sa douche, sabibliothèque personnelle. C’est le premier àavoir eu un téléviseur. Quand il allait en prome-nade, il fallait enfermer tout le monde pour qu’iln’y ait pas un seul détenu aux alentours, etmarcher avec lui.» Les autorités françaisescraignaient qu’il soit assassiné.

Des rats gros comme des chatsDans la mémoire des détenus et du personnelpénitentiaire, Saint-Paul et Saint-Joseph ontlaissé des souvenirs ambivalents. Les condi-tions de détention y étaient indignes. L’avo-cat Sylvain Cormier se souvient d’un détenuenfermé dans une cellule de 4 mètres carrés.«Il ne pouvait pas bouger, son corps s’atro-phiait.» Un ancien cadre supérieur con-damné pour trafic de drogue ne s’est jamaisremis de son passage dans les prisons de Per-rache. Non seulement par le fait d’avoir étécondamné et incarcéré, mais aussi à causedes conditions de cette incarcération: «Onétait trois, voire quatre ou cinq, dans 7,8 m2. Lecabinet d’aisance était séparé du reste de la cel-lule par une couverture attachée avec une ficelle.L’odeur se propageait dans toute la pièce.»«Quand on ouvrait la porte de certaines cellules,une puanteur vraiment infecte s’en dégageait»,

confirme Sylvain Cormier. D’ailleurs, toutela prison empestait: «C’était infernal. Ça sen-tait le vomi, la pisse, la crasse», poursuit l’an-cien cadre sup. Conséquence de cette saleté:une prolifération de rats. «Ils vous passaiententre les jambes dans les cours de promenade»,confie-t-il encore. «Ils se nourrissaient des

détritus que les détenus jetaient par les fenêtres.Ils étaient aussi gros que des chats», témoignele surveillant Christian Lavagna.En 1995, lors de sa première visite à Saint-Paul et Saint-Joseph, après sa nominationcomme directeur des prisons de Lyon, PierreDuflot a eu «un choc». «Avant, j’avais tra-vaillé pendant quinze ans dans des établisse-ments neufs. J’ai été frappé par l’extrême vé-tusté des lieux.» Pour lui, «c’était un héritagede l’histoire, mais ça venait aussi du fait que

«Les prisons modernes sont conçuesde la même façon. A Saint-Paul, il y avaitdes fausses cours à l’abri du regard del’administration. C’était compliqué pourle personnel, mais cela constituait des espacesde liberté pour les détenus.»Pierre Duflot ancien directeur des prisons de Perrache

Le chantier de Saint­Joseph, qui accueillera un campus à la rentrée 2015, et de Saint­Paul reconverti en logements, bureaux et commerces.

LYON APPELÉAU PARLOIR

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LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013 ENQUÊTE LE MAG • VII

Des deux prisons, la plus ancienne,Saint­Joseph, est entrée en service en 1831.Au XIXe siècle, une réflexion sur lesystème pénitentiaire s’attache à améliorerla condition des détenus. Héritier desLumières, son architecte, Louis­PierreBaltard (père de Victor, dont le nom est

associé aux pavillonsdes anciennes Hallesde Paris), adopte «unmaillage orthogonal:les pavillons disposésen peigne sont isoléspar des cours prenanten compte desconsidérationsde salubritéqui annoncentl’hygiénisme», rappellela chercheuseVéronique Belledans l’ouvragePrisons de Lyon.A peine inaugurée,

Saint­Joseph est déjà saturée. Dès 1847,la décision est prise de construire uneautre prison sur un terrain voisin. Conçuepar Antoine Louvier, inaugurée en 1865,Saint­Paul est construite sur un planpanoptique: de la rotonde centrale–cœur stratégique permettant unesurveillance optimale des prisonniers touten limitant le personnel– partent sixbâtiments en étoile. Les détenus y sontdivisés en «sept quartiers, signaleVéronique Belle: un pour la pistole ou lespayants, un pour les jeunes détenus detoutes catégories, un pour les détenuspolitiques, un pour les prévenus récidivistesou dangereux, un pour les prévenus dedélits peu importants, un pour les détenuspour dettes». Séparées par une rue étroite,les prisons sont reliées par un tunnel. Au fildes années, leur état se dégrade. En 2002,le ministère de la Justice décide laconstruction d’une nouvelle maison d’arrêtà Corbas, no man’s land de la banlieuelyonnaise. En 2009, les détenus de Saint­Joseph et Saint­Paul y sont transférés, etles deux prisons désaffectées.

DES PRISONS MODÈLESAU XIXE SIÈCLE

fini.» D’autres détenus optaient pour unmoyen d’évasion plus radical, le suicide. «Ily en a eu pas mal, souligne Elisabeth Clavai-roly. Un malade se mettait souvent à côté de moiau groupe de parole pour me dire : “Madame,c’est terrible, il faut m’aider.” Il s’est tué.»Vincent Feroldi se souvient, lui, d’un «étran-ger dont on avait demandé l’extradition. Ilm’avait dit : “Jamais, je ne retournerai dansmon pays.” La veille de son départ, il a mis finà ses jours».Comme bien d’autres prisons, Saint-Paul etSaint-Joseph ont également été secouées pardes émeutes. «Je conserve l’image de différen-tes révoltes, rappelle le riverain Paul Rabeaud.En 1973, dans un moment de grande surpopula-tion, les types étaient montés sur les toits et ba-lançaient des trucs. En bas, on était un petitgroupe de voisins et de militants du quartier,plutôt en sympathie avec le mouvement. La po-lice nous a chargés sans sommation.»Après trente-cinq années de prison, dontune partie seulement à Perrache, Dédé Boi-ron a été libéré, l’an dernier, à l’âge de69 ans. En septembre, il a accompagné sonfils aux journées portes ouvertes pour luimontrer sa cellule. Bernard Boiron a enfin puvoir les quatre murs entre lesquels son pèrea passé des années. •

ndlr]. Mais les détenus préfé-raient Saint-Paul et Saint-Jo-seph, c’était moins imperson-nel, i l y avait moinsd’électronique, il y avait plusd’humain dans l’inhumain.»«A Perrache, il y avait une li-berté de déplacements qu’onne retrouve pas dans les nou-velles prisons. Entre détenus,surveillants, intervenants, on se croisait cons-tamment dans les escaliers, les coursives, lescellules, et tous ces mouvements permettaientplus de rencontres, explique l’aumônier ca-tholique Vincent Feroldi. Ce qui est finalementle plus difficile à la prison de Lyon-Corbas [oùont été transférés les détenus de Perrache],c’est l’hyper sécurisation des lieux. On y perçoitplus l’enfermement. Entre l’entrée et la cellulela plus éloignée, il faut passer 19 portes. Aumoindre incident, tout est bloqué.»Lorsque Bettina Sacepe, alors militante auGenepi (groupement étudiant d’enseigne-ment aux personnes incarcérées), est venuedonner son premier cours à Saint-Paul,aucun gardien ne l’a escortée. «Je me suisperdue et me suis retrouvée dans une salle rondeavec plein d’entrées [en fait le poste de con-trôle central, au rez-de-chaussée de la ro-

tonde, ndlr]. Du monde quicirculait dans tous les sens.Des gens rigolaient : “Vousêtes perdue ?” J’ai demandémon chemin et me suis dé-brouillée pour arriver seule à lasalle des activités.»Pour Pierre Duflot, l’archi-tecture des prisons de Perra-che a pu contribuer, dans

une certaine mesure, à rendre l’incarcérationmoins pénible pour les prisonniers. «Dansles établissements modernes, tous les bâtimentssont conçus de la même façon. A Saint-Paul, ily avait des fausses cours à l’abri du regard del’administration. C’était compliqué pour le per-sonnel mais cela constituait des espaces de li-berté pour les détenus.»

Des évasions et des suicidesAutre avantage: Saint-Paul et Saint-Josephétaient implantées en plein centre-ville. Età côté d’une gare, ce qui facilitait les visitesdes familles et rythmait la vie des hommesincarcérés. «A Saint-Paul, on entendait lesannonces des départs et d’arrivées des trains,confie Dédé Boiron. Et à Saint-Joseph, commeon donnait sur l’autoroute, on parvenait à voirles voitures, et les départs des gens en vacan-

ces. On vivait un peu avec l’extérieur. Dans lesnouvelles prisons, à part la plaine, il n’y a rienà voir.»Pourtant, à Perrache comme dans n’importequelle prison, les prisonniers cherchaient àéchapper à la détention. Le récit de certainesévasions peut faire sourire: «Un jour, je passedevant Saint-Paul et je vois un drap qui pend,la belle classique, comme au cinéma», plai-sante Isabelle Vanuxem. Dédé Boiron assureavoir aidé un certain nombre de détenus àse faire la malle : «Comme je suis grand, unEspagnol m’avait demandé de lui faire la courteéchelle. Je me suis mis dans un angle de la courdes sports, il est monté sur moi –le mur devaitfaire 2,20 mètres–, il a sauté sur le deuxièmemur et, pof, il s’est tiré.» «Mais, poursuit-il,cet abruti m’a envoyé une carte postale :“Dédé, je te remercie et patati et patata.” Ledirecteur m’a fait appeler : “Pourquoi il vousremercie ?” Il voulait me faire porter le cha-peau. J’ai fait le con, j’ai dit : “C’est normalqu’il me remercie, avec toute la Ricorée et lespaquets de cigarettes que je lui ai passés et qu’ilm’a pas remboursés.”»Pour la peine, Dédé Boiron a fait trois joursde mitard, la cellule de punition. Mais pour-quoi ne s’est-il pas évadé avec son cama-rade? «J’étais en fin de peine, j’avais presque

AIN

ISÈRE

LOIRE

SAÔNE-ET-LOIRE

Lyon

20 km

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Le plan panoptique de Saint­Paul, ici en 2006: une rotonde centrale, cœur de la surveillance, et six bâtiments disposés en étoile.

PRISONSDE LYONsous la directionde BERNARDBOLZEEditions Lieux­Dits, 224 pp., 32 €.

Page 20: Liberation Des 07 Et 08.Septembre

LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013VIII • LE MAG DÉCOUVERTE

L’artiste urbain parisienInvader est sans doutel’un des premiers à avoirextrait un élément de jeuvidéo pour le disséminerdans l’espace public. Sespetits vaisseaux carrelés àl’effigie du mythique jeu

vidéo Space Invaders (1978) prolifèrent auxangles des rues, sous les ponts et sur les trot-toirs, de Paris à New York, de Katmandou àSão Paulo. Le 20 août 2012, il a même envoyél’une de ses créatures en mosaïque dans lastratosphère, accrochée à un ballon. «Toutmon programme se résume dans ces deux mots:envahisseurs de l’espace ou d’espace», expli-quait à Libération l’artiste né en 1969, qui serevendique «enfant du computer» plutôt quede la télévision. Ses vaisseaux reproduisentl’esthétique des aliens en gros pixels inspirédu jeu de tir japonais Taito, l’un des premiershits sur borne d’arcade. Mais contrairementà leurs homologues électroniques, ceux d’In-vader sont faits de matériaux basiques, desmosaïques de salle de bain préassembléesprêtes à être collées avec une glu faite mai-son. Des objets futuristes réalisés selon unetechnique archaïque, comme un pied de nezà la technologie et à la rapidité.La jeune génération baigne, elle, depuis tou-jours dans la marmite technologique et leWeb est sa deuxième maison. Les pratiquesonline et offline ont désormais tendance àconverger, à se répondre ou à se compléterl’une l’autre, à mesure qu’Internet quittel’écran pour le cloud et que la ville elle-mêmedevient l’interface. Le street art partage uncertain nombre de points communs avec lescontre-cultures du Net : revendication del’espace public, critique de sa privatisation,pratique à la frontière de la légalité, rejet dudroit d’auteur, gratuité, anonymat, facilitéde création et de partage.

Du graffiti au «GIF­iti»Pour les artistes urbains, la Toile est devenueun showroom permanent, permettant d’ex-poser leurs éphémères faits d’armes à uneaudience planétaire, au point que la traceélectronique devient aussi importante que legraffiti in situ. Face à ce constat un peu dé-primant, Insa, graffiti artiste londonien, a ra-dicalisé la tendance en inventant un graffitifait pour être vu exclusivement sur le Websous la forme d’un GIF animé. Il le baptise le«GIF-iti», contraction de GIF –format féti-che du folklore digital– et de graffiti. Emboî-tant le pas de Blu (le grapheur italien auteurde somptueuses animations peintes patiem-ment sur les murs des villes), Insa peint etrepeint les façades avec de légères modifica-tions. Puis les photographie, image parimage, avant d’en faire une boucle animéequ’il poste sur son site. Il a passé ainsi unesemaine à suer sous le soleil de Los Angelespour repeindre un bâtiment de fond en com-bles plusieurs fois d’affilée. Un travail tita-nesque qui finit systématiquement en un GIFanimé de 600 pixels de large.C’était le cas de l’un de ses récents projets, encollaboration avec Stanley Donwood, auteurde la pochette d’Atoms for Peace (le nouveau

groupe de Thom Yorke). Insa anime les scènesen noir et blanc dépeignant la destructiond’Hollywood sous une pluie de météorites surles façades de XL Recordings à Los Angeles.Les gigantesques peintures murales ne pren-nent vie que lorsqu’elles sont mises en ligne.Un effort qui paraît disproportionné, mais«l’œuvre sera vue par des centaines de milliersd’internautes, et pas seulement les quelque mil-liers de promeneurs qui longent le mur avantqu’il ne soit repeint», dit-il dans une interview

au blog The Creators Project. Pour l’artistebritannique, qui faisait du graffiti avant l’èreBanksy, c’est aussi une manière de protestercontre la marchandisation du street art qui amigré des murs lépreux de la ville à ceux im-maculés des galeries. «Le graffiti était uneforme artistique libre dont tout le monde pouvaitprofiter, mais il a été transformé en bien de con-sommation, vendu au plus offrant. Mes GIF-itisne peuvent être accrochés au mur d’une galerie.Une fois téléchargés, ils sont libres de voyageret d’être vus par le plus grand nombre.»

D’autres artistes réalisent le même genred’hybridation, mais à rebours cette fois, dé-versant le Web dans la rue. Ils téléchargentl’online vers l’offline, recodent les universnumériques en dur. A New York, Jilly Ballis-tic appose des messages d’erreur informati-que sur les publicités pour les ridiculiser. Ma-thieu Tremblin, artiste urbain français, joue,lui, avec l’analogie entre les tags physiques,ces signatures griffonnées sur les murs, et lestags virtuels, ces mots-clés associés à des

images, et remplace les calli-graphies anonymes par desnuages de mots-clés («TagClouds»). Ou décline le prin-cipe de l’hyperlien en «Hyper-tag», un tag qui mène à unautre qui mène à un autre, etc.,transposant la serendipité (1)

du Net dans son équivalent urbain, la dérive.Quant au Berlinois Aram Bartholl (2), dansAre You Human, il dissémine au milieu destags de la ville des Captcha, ces suites de let-tres et chiffres aléatoires générées automati-quement et difficiles à déchiffrer, utiliséessur le Web pour vérifier que vous êtes un hu-main et non un script automatique. Commeles Captcha, les tags sont une forme de lan-gage codé, compréhensible par les seuls ini-tiés. Issu des arts numériques, Bartholl s’em-ploie à rematérialiser les bits en atomes, en

faisant migrer par exemple des signes fami-liers du Web dans l’espace physique des vil-les, comme planter en leur centre le mar-queur géant de Google Maps. Une manière dequestionner les frictions entre espace infor-mationnel numérique et espace public, à uneépoque où la perception de la ville est de plusen plus influencée par les services de géo-localisation.La ville elle-même est désormais recouvertede multiples couches d’informations invisi-bles auxquelles on se connecte via son smart-phone. N’importe qui peut, à l’aide d’une ap-plication adéquate, «taguer» descommentaires sur un restaurant, épingler unmot à l’endroit d’un premier baiser, unephoto souvenir ou une vidéo… Au XIXe siècledéjà, les hobos, travailleurs migrants auxEtats-Unis, laissaient sur le pavé des messa-ges dessinés à la craie ou au charbon, desti-nés à ceux qui suivraient leurs pas. Ils avaientdéveloppé leurs propres hiéroglyphes codés,pour signaler une gentille dame, un chienméchant ou un endroit peu sûr. L’artiste nu-mérique Golan Levin a réactualisé cette si-gnalétique à l’ère du nomadisme 2.0 en met-tant au point une série de pochoirspermettant de dessiner des QR codes (codes-barres en 2D) indiquant toutes sortes d’infor-mations pratiques décryptables à l’aide den’importe quel téléphone portable: un pro-priétaire désagréable, des caméras de sur-veillance ou encore un bon café.Les œuvres du Berlinois Sweza se dissimulentégalement derrière des QR codes. Avec lui,le street art devient interactif et nécessite unsmartphone pour y jouer. Ainsi de son cime-tière des graffitis, Graffyard. Sweza les pho-tographie avant leur disparition, puis colleun QR code à l’endroit exact où ils se trou-vaient afin que le promeneur qui flashe lecode puisse voir le graffiti effacé, comme unvoyage dans le temps. Ces codes, qui sontcensés fournir des suppléments d’informa-tions aux consommateurs, pullulent sur lespublicités que Sweza s’amuse à hacker, subs-tituant aux codes commerciaux ses proprescodes humoristiques. Intéressé par ces signesabstraits qui permettent de lier espaces vir-tuel et réel, il les a également intégrés dansun autre symbole de la culture hip-hop, leghetto-blaster («QRadio»), où le QR coderenvoie vers une cassette diffusant sa playlist.

Une déesse virtuelle de ladémocratie place Tiananmen

Mais ces QR codes sont déjà un peu old schoolface à la réalité augmentée, qui est, elle, tota-lement invisible à l’œil nu. A moins d’êtrepourvu des Googles Glasses ou, à défaut, d’unsmartphone géolocalisé doté d’une applica-tion spécifique (genre Layar), impossible delire ces données subliminales disposées dansvotre périmètre, surimposées dans l’espacephysique. Un collectif international d’artis-tes, Manifest.AR, a choisi d’occuper cet en-tre-deux, cette «substratosphère» entre on-line et offline ainsi qu’il la qualifie, posant desimages fantomatiques ou déployant des ar-chitectures imaginaires sur le monde réel. Ces«tagueurs d’espaces» ont ainsi installé surla place Tiananmen une version vir-tuelle de la statue de la déesse de ladémocratie érigée par les étudiants

«[Mon] œuvre sera vue par des centainesde milliers d’internautes, et pas seulementles quelque milliers de promeneurs quilongent le mur avant qu’il ne soit repeint.»Insa graffiti artiste londonien

Par MARIE LECHNER

La frontière s’estompe entre artistesurbains et numériques, dont les pratiquesse complètent et se répondent de plus enplus. Un dialogue fructueux entre deux

contre-cultures qui partagent une mêmerevendication de l’espace public.

Street

en étroiteconnexion

art etWeb

Think-Geek.net

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LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013 DÉCOUVERTE LE MAG • IX

«Tag Clouds», à Rennes. L’artiste Mathieu Tremblin joue de l’analogie entre tags physiques et virtuels. PHOTOS MATHIEU TREMBLIN

«QRadio» du street artiste berlinois Sweza. PHOTOS SWEZA

«LaserTag» du Graffiti Research Lab, à New York. PHOTOS GRAFFITI RESEARCH LAB

Think-Geek.net

Page 22: Liberation Des 07 Et 08.Septembre

LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013X • LE MAG DÉCOUVERTE

révoltés en 1989. La statue de la dé-mocratie a également été implantée

place Tahrir au Caire. A Paris, ce sont des fûtsde déchets toxiques que John Craig Freemana entassés près de Beaubourg, de la tour Eiffelet du Louvre, déversant sa décharge dans lespays carburant à l’atome. A Lausanne, Lalie.S.Pascual a elle installé une station de métrofantôme qui permet de se téléporter dans uneautre ville, et Mark Swarek a invité les gensà une «occupation augmentée» du district fi-nancier de New York.Ces actions sont limitées techniquement àdes images statiques s’alignant avec la topo-graphie urbaine, pas vraiment de quoi soule-ver les foules. Mais le médium laisse entre-voir, d’après leurs promoteurs, de nouvellesmanières d’infester et de remodeler la réalitéqui nous entoure. «L’art AR [réalité augmen-tée] défie la gravité, il est caché et doit êtretrouvé. Il est instable et inconstant. Il est et de-vient réel et immatériel», écrivent les artistesdans leur manifeste.De la même manière que les graffitis visentà modifier notre regard blasé sur l’environne-ment urbain, ces interventions sont une ma-nière de «réclamer les rues» («Reclaim theStreets») des villes, mais aussi de «réclamerles écrans» («Reclaim the Screens»). L’espacepublic se recouvre d’écrans publicitaires nu-mériques, et il devient difficile de rivaliseravec ces enseignes lumineuses. Dans ce com-bat de David contre Goliath, le collectif VR/Urban fourbit les armes avec son «SMSling-shot», un lance-pierre qui permet d’écla-bousser les murs de la ville de SMS. Les mes-sages peuvent être tapés sur le miniclavier quiéquipe la fronde en bois. Une fois le messagerédigé, il suffit de viser l’endroit où l’on veut

l’envoyer, de tirer bien fort sur l’élastique etle texte apparaîtra dans une tache colorée.Une arme qu’ils ont mise entre les mains despassants, notamment ceux de la place Tahrir.Les éphémères éclaboussures de lumière, aumême titre que les tags en réalité augmentée,ne salissent pas les murs, et sont par consé-quent plus faciles à accepter que les dégueulisde peinture, ce qui amoindrit la radicalité vé-hiculée par ce geste frondeur.Il n’empêche, la figure du writer et du hac-ker, du vandale et du pirate, de l’artiste ur-bain et de l’activiste du Réseau ont tendanceà converger. Comme au sein du Graffiti Re-search Lab, fondé à New York en 2005 par lesartistes James Powderly et Evan Roth, ce der-nier vivant désormais à Paris. Pull à capuche,cheveux roux coupés ras et visage criblé detaches de rousseur, Roth, 35 ans, n’est pas unpro de la bombe, comme il l’admet volon-tiers, mais plutôt du clavier. Après des étudesd’architecture, suivies d’une thèse sur«Graffiti et Technologie» à Parsons, l’écolenew-yorkaise de design, il lance le GraffitiResearch Lab, qui va renouveler cet art ur-bain en l’hybridant avec les technologies«pour faire des graff toujours plus hauts, tou-jours plus grands». Parmi ses inventions, lesThrowies, loupiotes LED couplées à desaimants et à des piles, qu’on jette et qui se

collent sur le mobilier urbain, ou le Laser Tag,qui permet des graffitis monumentaux au la-ser dans l’espace public.«Ce que je préfère dans le graffiti, c’est le tag.C’est la forme la plus pure de graffiti, la plusabondante, mais aussi la plus mal-aimée», ditl’artiste hacker américain qui se passionnepour ces calligraphies, signatures expressgriffonnées sur les murs. Et plus précisémentpour ce qu’on ne voit pas, c’est-à-dire legeste furtif du tagueur qu’il s’est mis en têtede capturer. Evan Roth développe la premièreversion de «Graffiti Analysis», son analyseurde mouvements, en 2004. Il repère des tagsfamiliers sur ses trajets et demande aux graf-feurs de reproduire leur signature avec unmarqueur surmonté d’une lumière, traquéepar une caméra. Un logiciel de son cru récu-père, analyse et enregistre les données demouvement, archivées dans une base libre etouverte à tous. Les graffeurs sont invités àpartager leur style manuel, ce qu’ont déjà faitplusieurs stars comme Seen, Twist, Amazeet JonOne. Lors d’événements ou d’opéra-tions guérilla avec groupe électrogène et pro-jecteur, ces tags lumineux géants s’écriventsur les murs entourés d’une nuée de particu-les qui pulsent en fonction des sons environ-nants et de l’architecture des façades.

La prophétie de WarholDans un guide pour aider les gens à réaliserleur propre Graffiti Research Lab, dont le con-cept s’est propagé puisqu’il existe désormaisdes cellules à São Paulo, Vienne ouParis (3), Roth, qui s’en est depuis désengagé,invite hackers et tagueurs à s’unir. «Les rueset le Net regorgent d’opportunités pour lespetites gens d’altérer le cours des systèmes

dominants. Les hackers ont assemblél’Internet en partageant les idées, et leswriters ont hacké un système de trans-port de milliards de dollars pour fairevoyager leur art autour de la ville gra-tuitement.» Désobéissance créative,open source, partage des connais-sances sont invoqués, ce qu’il résumedans la formule: «Pas de brevet, pas

de copyright, pas de propriété… Juste la gloire.»En 1986, interrogé sur le rôle que l’ordinateurpourrait jouer comme outil artistique par lemagazine Amiga World, Andy Warhol, quiavait déjà prophétisé que chacun aurait sonpetit quart d’heure de célébrité (une banalitéà l’ère de YouTube et des réseaux sociaux),déclarait alors: «Lorsque la machine sera assezrapide, les kids du graffiti s’en empareront sansaucun doute.» Les liens entre culture geek etgraffiti sont en réalité plus anciens. Les pre-miers «graffitis numériques», on les trouvesur les disquettes piratées de jeux vidéo.Au début des années 80 sont apparus lesgroupes de cracking, qui rivalisaient à qui pi-raterait et ferait circuler le plus rapidementles nouveaux jeux vidéo. Ceux qui avaient faitsauter les verrous faisaient précéder le jeud’une petite introduction où s’affichait leurpseudo, appelée cracktro ou crack intro, poursigner leur exploit. Tout comme le tagueurqui signe son nom à des endroits inaccessi-bles pour épater la galerie, le cracktro devaitavoir de l’allure pour impressionner lesjoueurs, mais aussi les pairs. Les simplesnoms du début sont devenus des animationsde plus en plus complexes, graffitis numéri-ques laissés à l’intérieur du trafic des produitsélectroniques. Ces prouesses de codeurs, re-poussant sans cesse les limites de la machine,

«Quand vous n’endommagez rien,vous intéressez un public beaucoupplus large. Vous parvenez à capterl’attention des gens qui sont contrele vandalisme.»Evan Roth cofondateur du Graffiti Research Lab

Un «GIF­iti» duLondonien Insa,un graffiti réalisé surles murs pour finiren GIF animé surle Web. PHOTO INSA

La street artiste de Brooklyn Jilly Ballisticappose des messages d’erreur sur les affichespublicitaires. PHOTOS JILLY BALLISTIC

«LSD» deBenjamin Gaulon

transforme lessignaux lumineux

en sons. PHOTOBENJAMIN GAULON

«SMSlingshot» ducollectif VR/Urbanpermet de projeter

des messageslumineux avec un

lance­pierres.PHOTOS VR/URBAN

STREET ART ET WEBEN ÉTROITE CONNEXION

Aram Bartholl fait migrer des signes du Webdans le monde réel. Ici, le symbole de GoogleMaps à Taipei (Taiwan). PHOTO ARAM BARTHOLL

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LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013 DÉCOUVERTE LE MAG • XI

ont fini par devenir un art en soi: les démos.Le graffiti s’est développé de manière simi-laire, du tag (où le nom de l’artiste devientun logo qui colonise la ville) aux calligraphiesartistiques, fresques en 3D, jusqu’aux graffi-tis électroniques contemporains, où arts nu-mérique et de rue s’imbriquent à l’image duWater Light Graffiti d’Antonin Fourneau, unmur constellé de LED sur lequel on peint avecdes bombes à eau.On peut néanmoins se demander si l’électro-graffiti conserve le pouvoir de subversion deson illustre prédécesseur, lui-même large-ment récupéré par la publicité et entaché parsa compromission avec le marché. «Quandvous n’endommagez rien, vous intéressez unpublic beaucoup plus large. Vous parvenez àcapter l’attention des gens qui sont contre levandalisme. […] Notre travail consiste à fabri-quer des outils qui permettront aux citoyensd’avoir une voix face aux annonceurs», estimeRoth, qui présente son travail en ce momentà la galerie de l’école Parsons à Paris, quivient d’ouvrir ses portes (4).Membre de l’antenne française du GraffitiResearch Lab, Benjamin Gaulon fait lui aussipartie de ces «bricodeurs» qui électrisentl’art urbain. Parmi ses créations, le PrintBall,robot grapheur armé d’un fusil de paintballqui mitraille les lettres dégoulinantes sur lesmurs ou encore un Pong géant projeté sur desfaçades et dont les balles ricochent avec lesaspérités de l’architecture. Gaulon transmetson savoir-faire lors d’ateliers où l’on ap-prend à souder les composantes de LSD(Light to Sound Device). Ce graffiti sonore,grillon électronique strident plaqué sur lesenseignes lumineuses, transforme la lumièreen son et les écrans publicitaires ubiquitairesen symphonie bruitiste.A l’occasion du festival Mal au pixel, en no-vembre 2012 à Paris, Gaulon, armé d’un ré-cepteur vidéo tel un sourcier des temps mo-dernes, tentait d’intercepter les images descaméras de surveillance sans fil (2,4 GHz),produit électronique bon marché utilisé parles échoppes ou les particuliers. Sur le moni-teur s’affiche une image neigeuse, qui de-vient plus nette à mesure qu’il se rapprochedu signal: un intérieur d’appartement avecdes hommes en train de repasser. Plus loin,c’est un couloir désert qui se dessine… Via cepetit jeu de passe-muraille, consistant à re-garder ce que regardent les caméras, Gaulontente de sensibiliser le public en organisantdes promenades à la recherche de ces si-gnaux. «La plupart des gens qui les utilisentpensent sécuriser leur domicile, ils ne se rendentpas compte qu’ils diffusent leur signal dans larue. N’importe qui à l’extérieur peut le recevoir.Ce n’est pas très différent de Facebook, où lesgens déballent leur vie en ligne.» Gaulon carto-graphie leurs emplacements, il réalise desboîtiers, qu’il fixe dans la rue pour révéler laprésence de ces caméras et en exposer lesvues au public.

Clés USB cimentéesdans les murs

Caméra, géolocalisation, capteurs, recon-naissance faciale… Le passant devient aussitraçable dans la ville que sur la Toile. Dernierbastion de liberté, le Web est comme les vil-les en voie de privatisation et sous haute sur-veillance. En réaction, Aram Bartholl aconçu le projet «Dead Drops», un réseaupeer to peer de partage de fichiers, mais aulieu de se déployer en ligne, il se manifesteen dur dans l’espace public sous la forme declés USB cimentées dans les murs où chacunpeut déposer ou télécharger des fichiers entout anonymat, en y branchant simplementson ordinateur portable. Depuis, des DeadDrops ont poussé dans les murs des villes dumonde entier, se propageant comme une

mauvaise herbe. A Toulouse, le collectif laMoustacherie a utilisé le dispositif pour y or-ganiser une exposition de rue.Avec «Street Ghosts», Paolo Cirio s’inquiète,lui, de la mise en données du monde par Goo-gle, notamment par son service de cartogra-phie panoptique Street View. Le hacker ita-lien a choisi 80 silhouettes de par le monde,au hasard de Google Street View, pour en fairedes répliques à taille réelle sur des postersqu’il colle sur les murs des villes à l’endroitexact où l’objectif de la voiture Google les asaisies, silhouettes fantomatiques interro-geant la frontière entre privé et public et l’ap-propriation abusive d’informations privéespar les mastodontes du Net, les quatre cheva-liers de l'infocalypse, Apple, Google, Face-book et Amazon. «Etre sur Street View est bienpire que d’être sur un poster dans la rue, quin’est pas permanent et peut toujours être retiré,estime l’artiste.Alors que nos fantômes vonthanter pour toujours les serveurs de Facebook,Google ou Twitter, toute l’info que nous laissonssur le Net est stockée et commercialisée.»

En exfiltrant ces silhouettes et en les dé-virtualisant, il remet ces questions déran-geantes sur la place publique. «La notion dece qui est public a beaucoup changé, les gens nese préoccupent plus tellement de l’espace physi-que. Tous ont les yeux braqués sur les écrans deleur smartphone quand ils marchent dans lesrues, déclarait Paolo Cirio à Libération. Monprojet est devenu populaire et provocant, nonparce que j’ai mis ces images dans les rues, oùon les remarque à peine, mais parce que lesimages des interventions publiques ont été re-postées online.» •(1) La serendipité est «l’art de trouver ce que l’on necherche pas en cherchant ce que l’on ne trouve pas».(2) Aram Bartholl expose actuellement enAllemagne. «Hello World!», jusqu’au 10 octobre.Kasseler Kunstverein, Cassel.Rens.: http://www.kasselerkunstverein.de/(3) Conférence du GRL France à la Gaîté lyrique, le24 septembre à 19h30, pour découvrir lesimprimantes à graffiti.(4) «Evan Roth: New York to Paris»,jusqu’au 27 septembre, Galerie Parsons de Paris,45, rue Saint­Roch (75001). Rens.:http://paris.parsons.edu/

Aram Bartholl fait migrer des signes du Webdans le monde réel. Ici, le symbole de GoogleMaps à Taipei (Taiwan). PHOTO ARAM BARTHOLL

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LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013XII • LE MAG REPORTAGE

La métropole chinoisefut la première du paysà se doter, il y a 30 ans,d’une phalangeorchestrale. Rencontreavec ses musiciensà l’occasion de leurvenue à l’Unesco pourla Journée mondiale dela paix, le 21 septembre.

Shenzhen vaut bien une symphonieMONGOLIE

INDE

MONGOLIE

CHINE

RUSSIE

1 000 km

Pékin

GUANGDONG

Shenzhen

Ci­dessus, le Shenzhen Concert Hall, d’une capacité de 1600 places, dessiné par l’architecte japonais, Arata Isozaki. En haut, la tour Diwang, deuxième plus haut bâtiment de la ville.

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LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013 REPORTAGE LE MAG • XIII

son, on profite de la pause pour faire con-naissance avec ses musiciens. Wang Bing-chen, le deuxième bassoniste, âgé de 27 ans,a intégré l’orchestre il y a trois ans. Pour lui,«le plus difficile, c’est le travail de groupe». Unproblème qui tend néanmoins à se résorber

du fait que «de plus en plus demusiciens chinois vont se for-mer ou se perfectionner àl’étranger». On lui demanded’où vient cet individua-lisme qui pose problème, ets’il s’agit d’une conséquencede la politique de l’enfantunique et il répond: «Non, je

ne crois pas. C’est surtout parce que la musiquetraditionnelle chinoise n’implique pas de travailcollectif.»

Esprit de compétitionPour l’altiste Yibo Zhang, qui a rejoint l’or-chestre il y a huit ans, la seule façon de pro-gresser, c’est de «travailler avec des chefsétrangers qui peuvent nous enseigner les diffé-rents styles des compositeurs». Nombre de so-listes permanents de la formation ont déjàtravaillé à l’extérieur de la Chine. C’est no-tamment le cas de Sophie Chen, violoncel-liste solo. Forte de neuf ans d’expérience ausein de l’Orchestre symphonique de SanDiego en Californie, elle pointe les mêmescarences dans l’enseignement de la musiqueen Chine : «Beaucoup de jeunes sor-tant de conservatoires n’ont, contraire-ment à leurs homologues européens ou

La voiture file au milieu descollines bordant les Nou-veaux Territoires. A droite,on reconnaît Kowloon, tan-dis qu’au loin se profile unbarrage de contrôle. Hong-kong a beau avoir été rétro-cédée à la Chine en 1997, elle

conserve son autonomie juridique, politiqueet financière, et il faut traverser deux postes-frontières avant de pénétrer dans Shenzhen.Difficile de croire qu’il y a un peu plus detrente ans, cette métropole plantée de gratte-ciel – deuxième place financière en Chinecontinentale après Shanghai–, était un vil-lage de pêcheurs. Ils sont désormais près de15 millions à vivre dans cette Zone économi-que spéciale (comme Zhuhai, Shantou etXiamen) créée par Deng Xiaoping pour atti-rer les investisseurs et qui a prospéré au-delàdes espérances : l’aéroport de Shenzhen,inauguré en 2004, est le quatrième du paysavec 20 millions de passagers en 2008, et sonport se classe au quatrième rang mondial envolume de containers.Comme nombre de villes nouvelles, Shen-zhen est à la fois sinistre et charmante, selonque l’on regarde ses parcs sous le soleil ou sesdortoirs de béton sous la pluie. Si Shenzhenfusionnait avec la région administrative spé-ciale de Hongkong, ce qui pourrait arriverlorsque le métro reliera les deux villes, elle

rivaliserait avec Londres et New York. Certes,Shenzhen n’a clairement pas le charme deHongkong mais, contrairement à ce quepourrait laisser penser Window of the World–un parc de loisirs de 48 hectares reprodui-sant nombre de sites touristiques mondiaux,de la tour Eiffel au Taj Mahal–, elle n’est pastotalement privée d’histoire.

La France en exempleEntre autres vestiges de son passé, on peutvisiter la forteresse de Dapeng, construite en1394 pour protéger la ville des invasions parla mer, le temple Chiwan Tianhou et les mau-solées de l’amiral Lai et de l’empereurShaodi. Mais ce qui impressionne le plus, cesont ses infrastructures culturelles. Notam-ment la salle de concert n’ayant rien à envierà la Philharmonie de Berlin et la grande bi-bliothèque et médiathèque, qui se partagentle cœur du quartier de Futian.«Nous avons pris exemple sur la France», ex-plique Ding Zhongyuan, le directeur adjointdu service des relations internationales de lamunicipalité. Il affirme cela avec un tel en-thousiasme que l’on n’ose lui apprendre quele gouvernement français est actuellementen train de réduire le budget de la culture. Ilajoute: «Entre la croissance à deux chiffres duPIB, celle du commerce extérieur, et le niveaurecord pour la Chine des revenus par habitant,les citoyens de Shenzhen étaient en droit d’at-tendre qu’on leur offre des équipements et desmanifestations culturelles qui donnent un sensà leur vie.» Si l’orchestre symphonique a été

créé dès 1982, la politique d’investissementdans la culture et l’environnement est uneconséquence du boom industriel de la région.Sans ses musées, salles de spectacles et espa-ces verts, Shenzhen serait devenu propre-ment invivable.

A peine installé dans la ville, on sillonne sesarrondissements, dont sept sont équipésd’une bibliothèque et d’un centre culturel.Nanshan abrite les plus importants musées.Le Shenzhen Grand Theater se trouve, lui, àLuohu. Les arts de la scène, à savoir musique,théâtre et danse, ont leurs temples à Futian,qui compte également la plus grande biblio-thèque (50 000 m2 accueillant 12 000 visi-teurs par jour) et les musées d’art ancien etmoderne. Signé par l’architecte japonais,Arata Isozaki, le Shenzhen Music Hall auxmurs et toit de verre, se signale par la lumièredorée qu’il projette à la tombée du soir.C’est là que l’on se rend dès le lendemainmatin pour assister à une répétition de l’or-chestre symphonique, le premier à avoir étécréé en Chine, peu après que Deng Xiao Pinga lancé la transformation de Shenzhen. Aquelques heures du dernier concert de la sai-

Texte et photos ÉRIC DAHANEnvoyé spécial à Shenzhen

Shenzhen vaut bien une symphonie

De gauche à droite: Deng Fei, flûtiste. Wang Bingchen, bassoniste. Sophie Chen, violoncelliste solo.

«Beaucoup de jeunes sortant deconservatoires n’ont, contrairement à leurshomologues européens ou américains,aucune expérience de l’orchestre.»Sophie Chen violoncelliste solo de l’orchestre symphoniquede Shenzen

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LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013XIV • LE MAG REPORTAGE

américains, aucune expérience del’orchestre.» Pour en avoir discuté

avec nombre de pianistes chinois, deLang Lang à Yuja Wang, on sait que l’espritde compétition des étudiants en musique dupays n’a rien à envier à celui des sportifs. «Jene sais pas s’ils veulent devenir des superstars,mais je pense que tout cela est en train de chan-ger», ajoute Sophie Chen. Originaire de Tai-pei et membre permanent du Philharmoni-que de Munich, la violoniste Ching-TingChang fait une vacation d’une semaineà Shenzhen. Son diagnostic est sans appel :«Il y a de bons musiciens dans l’orchestre, maisils n’ont pas cette culture allemande de la disci-pline. Ils font illusion dans la musique romanti-que, où il faut avant tout un jeu passionné, maisdans le répertoire classique qui demande préci-sion et délicatesse, ils ont beaucoup de mal.»En attendant le concert, on décide d’allerrendre visite aux créateurs de Juooo, une so-ciété de production et de marketing de spec-tacles qui a commencé en 2007 comme unsimple service de billetterie, équivalent duTicketmaster américain. En 2011, Cai Wu, leministre de la Culture chinois, annonçait queles industries culturelles du pays avaient rap-porté en douze mois, rien moins que130 milliards d’euros. Huliangzi, vice-prési-dent de Juooo, nous montre sur une cartel’étendue du réseau qu’il a mis en place et quienglobe désormais vingt-cinq villes chinoi-ses, dont Shanghaï, Pékin et Canton, maiségalement le Japon, la Corée, quelques payseuropéens et les Etats-Unis, où il est en trainde s’implanter. D’ici 2016, il compte contrô-ler l’industrie du spectacle dans 200 villeschinoises.Que la compagnie ait été créée à Shenzhenn’est pas anecdotique, puisque l’industrieculturelle est la quatrième en ordre d’impor-tance après les hautes technologies, la fi-

nance et la logistique. Entre 2007 et 2011,l’offre de spectacles à Shenzhen est passée de100 à 450 propositions par an et, depuis 2011,la municipalité alloue un crédit annuel de61 millions d’euros à la seule promotion desindustries culturelles.

«Shéhérazade» rutilantde mille couleurs

Trois tasses de thé plus tard, il est l’heure dese changer et de rallier la salle de concerts.Bicentenaire de la naissance de Wagneroblige, l’orchestre se lance dans un préludede Lohengrin ni fait ni à faire. Il faut préciserqu’il n’est pas aidé par la gestique totalementsuperficielle du chef qui ne lui indique pascomment nourrir le registre grave et créertension et mouvement dans les écarts dyna-miques. Suit un Concerto pour clarinette deMozart proprement calamiteux, où orchestreet soliste invité cumulent décalages et fauxdéparts; puis, c’est l’entracte. Vingt minutesplus tard, l’orchestre livre une Shéhérazadede Rimski-Korsakov rutilant de mille cou-leurs et portée par un vrai souffle; occasionde découvrir l’excellent niveau des solistes(basson, hautbois, trombone, trompette…)sollicités par la partition.La proximité géographique, le caractère pic-tural et les motifs orientalisants de ce poèmesymphonique expliquent-ils que les musi-ciens chinois comprennent mieux la musiquerusse qu’allemande? On en discute en cou-lisses avec Qin Yi, qui a étudié au conserva-toire de Kiev en Ukraine, et qui joue dansl’orchestre depuis cinq ans. «Il est évident quenous sommes meilleurs dans Tchaïkovski ouChostakovitch que dans Mozart, et que le publicde Shenzhen préfère les œuvres dansantes et co-lorées à l’abstraction des symphonies deBeethoven», ajoute-t-elle en rangeant sonviolon dans son étui.

Jiang Bo, qui joue du trombone basse et quia été formé au conservatoire de Shanghaï,confirme : «Rien n’est plus éloigné de notretradition que la musique classique, c’est-à-direMozart, Haydn et Beethoven. Mais il faut recon-naître que l’orchestre a beaucoup évolué en seizeans. Grâce au chef Zhang Guo Yong, la musiquerusse est enfin dans nos cordes, même si l’on atoujours du mal avec les rythmes irréguliers duSacre du Printemps. Le maestro Yu Feng nous

a ensuite initiés à Brahms et Mahler, quin’étaient pas non plus évidents à comprendrepour nous.»Huang Guang Qiang, directeur administratifde l’orchestre nous invite à dîner dans unrestaurant servant des visages de volatilescuits et autres pattes de crocodiles en sauce.Voyant notre début de panique à la lecture dumenu abondamment illustré, son assistanteconfie : «La province de Canton est réputéepour le fait que ses habitants mangent tout cequi marche, sauf les humains, et tout ce quivole, sauf les avions.»Né à Shanghaï de parents cantonais, et forméau Conservatoire de Pékin, Huang GuangQiang a intégré l’orchestre symphonique deMacao comme contrebassiste, avant d’en de-venir le vice-directeur. Il évoque les missionsde l’orchestre symphonique de Shenzhen,dont il est actuellement le directeur. Dansl’ordre: «La promotion des compositeurs chi-nois vivants, la diffusion de la musique classiqueauprès du public et la pédagogie dans les éco-les». Avec 70% de financement public, un

taux inférieur à celui des orchestres de Shan-ghaï et Pékin, l’orchestre doit redoubler d’ef-forts. «En plus des trente concerts annuels,auxquels s’ajoutent autant de soirées de musi-que de chambre données par les solistes, l’or-chestre tourne dans toute la Chine et joue égale-ment en fosse à l’Opéra de Canton, comme il lefera, encore cette année, en assurant les repré-sentations de la Traviata et de Turandot.» Unecontrainte bénéfique puisque Madame But-

terfly, donné par l’Opéra deCanton avec l’orchestresymphonique de Shenzhen,a été récompensé «spectaclede l’année» par un jury deprofessionnels. Bien que lepublic chinois soit plus ré-ceptif aux tubes – Boléro de

Ravel, Concertos pour piano n°2 et n°3 de Ra-chmaninov, symphonie «pathétique» deTchaïkovski –, Huang Guang Qiang ne re-nonce pas à faire jouer Schubert, Schumann,Brahms et même Britten: «Pour le centenairede sa naissance, en novembre, on donnera saSimple Symphony et son concerto pour vio-lon.»

Bienveillance et droitureEn attendant, Huang Guang Qiang est impa-tient de faire entendre son orchestre à Paris.Ce sera le 21 septembre, à l’Unesco, dans lecadre de la Journée mondiale de la paix (1).Au programme: une symphonie chorale deWang Ning intitulée Ode To Virtue, traductionapproximative du chinois à laquelle HanWang Xi, coauteur des textes, préfère celled’Eloge de l’humanisme. Ce dernier n’est passimplement poète ou écrivain, il est aussi di-recteur du bureau d’information du gouver-nement municipal de Shenzhen qui a passécommande de l’œuvre à Wang Ning il y asix ans. Eloge de l’humanisme a été créée le

A gauche et à droite: Yang Hong Wei, chef du chœur et Huang Guang Qiang, directeur de l’orchestre de Shenzen. Au centre, Ching­Ting Chang, violoniste solo invitée pour Shéhérazade.

«Il n’y a pas de tradition chorale, commeen Europe. N’oubliez pas que le chœur,pour nous, n’est pas lié à l’art mais à lapolitique, aux chants de l’armée Rouge.»Yang Hong Wei chef du chœur

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LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013 REPORTAGE LE MAG • XV

16 mai au Shenzhen Concert Hall, lors duconcert d’ouverture de ICIF 2013 (ladeuxième foire internationale des industriesculturelles de Shenzhen) par le ShenzhenSymphony Orchestra et son chœur, augmen-tés des Shenzhen Senior High School Choiret Lily Children’s Choir.Peu connu en Occident, le compositeur, néen 1954, enseigne et dirige le département decomposition du Conservatoire de Pékin. Il apourtant livré des opéras, des symphonies,des concertos, des pièces pour orchestre dechambre, pour le chœur et pour la voix, ainsique des œuvres de musique éléctro-acousti-que. Son langage est tonal et syncrétique, ausens où, comme Qigang Chen et Tan Dun, ilmêle éléments de musique traditionnelle chi-noise et de musique occidentale. Cela s’en-tend dans son roboratif Eloge de l’humanité,ultramélodique et tissé d’harmonies richeset complexes.Han Wang Xi tient à nous «expliquer le mes-sage» de l’œuvre et on le retrouve le lende-main midi. Il nous raconte que le texte chantépar le chœur est le «programme d’un nouvelhumanisme» en accord «avec les valeurs dé-fendues par l’Unesco». Chacun des cinq mou-vements de cette symphonie reprend, selonlui, un concept cardinal de la philosophieconfucéenne et l’illustre. «L’idée qu’il fauttrouver l’harmonie dans la diversité est aussidans la Bible qui nous dit : “Si tu veux que lesgens soient bonxs avec toi, il faut que tu sois bonavec eux.”» Les concepts –«bienveillance»,«droiture ou justice», «respect de l’individu»,«sagesse», «fidélité»– reflètent «la véritableidentité du peuple chinois», même si, «aucours de l’histoire», ces notions ont été«oubliées ou bafouées». Fait-il allusion à laRévolution culturelle comme apparemmentle suggèrent les notes de programme évo-quant une œuvre qui cherche à «édifier le

peuple chinois dans son désir de contribuer aurêve d’une renaissance nationale»? Un porte-parole répond à sa place: «Avec le développe-ment économique et industriel, les Chinois seposent des questions existentielles et réfléchis-sent à leur passé. Comment faire, quelle est lavéritable morale chinoise par-delà la Révolutionculturelle? La plupart des Chinois sont d’accordpour reconnaître que cette révolution fut injuste.Même le gouvernement réalise que cela fut unecatastrophe et a retardé de vingt ans le dévelop-pement de la Chine.»

10000 animaux sauvagesEloge de l’humanisme étant une symphoniechorale, on demande à rencontrer Yang HongWei, chef du chœur de l’orchestre de Shen-zhen, fondé en 2007 et qui compte actuelle-ment 80 personnes. Elle nous explique qu’ilne s’agit pas d’un chœur professionnel, sesmembres ayant tous d’autres activités. L’andernier, à Noël, le chœur qui possède déjà unvaste répertoire allant du Requiem de Mozartau Carmina Burana de Carl Orff, a interprétéle Messie de Haendel. En décembre, sesmembres célébreront l’année Verdi en chan-tant les grands chœurs de Aïda, Nabucco etla Traviata. Certains suivent un apprentissagemusical, car le niveau du chœur ne cesse demonter : «Désormais, nous chantons en an-glais, allemand, italien, mais pas encore enfrançais», dit Yang Hong Wei. Elle ajoute :«En Chine, il n’y a pas de tradition chorale,comme chez vous en Europe, où grâce à la reli-gion, on chante en chœur depuis des siècles.Pour les Chinois, le chant choral est une nou-veauté et peu de compositeurs nationaux écri-vent pour le chœur par crainte d’être incompris.N’oubliez pas que le chœur, pour nous, n’estpas lié à l’art mais à la politique, aux chants del’armée Rouge.»A peine quitté Yang Hong Wei, on repart

sillonner la ville tentaculaire. Avec plus de1 500 établissements, le parc hôtelier deShenzhen rappelle à qui en douterait que l’onne vient pas seulement ici pour affaires maiségalement pour le tourisme. Beaucoup deChinois visitent Shenzhen en raison de Win-dow of the World et Splendid of China, unparc qui reproduit, lui, 80 lieux touristiquesnationaux en miniatures, car ils ne pourronts’offrir un tour de la Chine, de l’Europe ou dumonde.Une même logique a présidé à la constructionde Safari Park, qui recèle 10 000 animauxsauvages de 300 espèces différentes, ainsique celle de Waterlands Resort, au bord d’unemer de Chine que beaucoup n’ont vue qu’àla télévision et sur Internet. Ce qui expliqueque même par mauvais temps, la plage deDameisha, où l’on se rend, soit pleine de va-canciers. Les touristes que l’on croise n’arri-vent pas exclusivement de la Chine rurale :nombre d’habitants de Hongkong et Cantonviennent également dévaliser les centrescommerciaux ultramodernes de Shenzhen,où l’on trouve vêtements, bijoux ou électro-nique à prix réduits. De fait, ce sont plus de180 millions de personnes qui franchissent,tous les ans, la frontière qui sépare Shenzhende Hongkong pour rejoindre leur poste detravail, leur domicile, effectuer des achats ousimplement changer d’air.

«Ni ostracisme ni snobisme»Au quatrième jour passé dans la ville, on estsaisi par sa douceur de vivre. Une jeune étu-diante nous explique : «Il n’y a pas d’ostra-cisme ou snobisme ici, comme c’est le cas à Pé-kin ou Shanghaï. Pour la simple raison, quepersonne, hormis une infime minorité de la po-pulation, n’est originaire de Shenzhen. On peutparler aussi bien cantonais que mandarin, celane dérange personne.» On invite cette étu-

diante à boire un verre. Elle nous proposed’aller au OCT Contemporary Art Terminaland Loft Area, le quartier design de la ville,abritant boutiques, cafés et restaurants quin’attendent que d’être photographiés pourillustrer des magazines branchés. Le soirvenu, le quartier de Nanshan, avec sa placegigantesque et ses enseignes lumineuses,rassemble autochtones et touristes.Le lendemain midi, avant de rentrer à Hong-kong, on visite la Shenzhen Arts School oùont été formés les pianistes Xue Xiao-Qiu etYundi Li, le plus jeune lauréat du ConcoursChopin de Varsovie qu’il remporta, en 2000,à 18 ans. Situé dans le district de Futian, celycée artistique abrite des salles de classe, desstudios de musique, de danse et peinture, etdes résidences pour les étudiants. Les parentschinois aimant couver leurs petits prodiges,le prix des loyers dans le quartier a été multi-plié par quatre. Pour accompagner l’explo-sion démographique, et accueillir plus d’étu-diants à la Shenzhen Arts School, lamunicipalité a été contrainte de lancer laconstruction d’un deuxième bâtiment dansle quartier de Nan Shan, qui ouvrira ses por-tes fin 2013. Sur le pont enjambant la rivièrede Shenzhen et qui relie la ville à Hongkong,on se demande à quoi ressemblera l’agglo-mération dans cinq ans. En une heure detrain à grande vitesse, Shenzhen sera con-nectée à Canton et le delta de la rivière desPerles rassemblera 50 millions d’habitants.Si le déclin de la productivité et le recul de lacroissance se confirment, le soutien de laculture et le respect des valeurs confucéen-nes, chères à monsieur Han Wang Xi, seront-ils toujours des priorités ? •

ELOGE DE L’HUMANISME le 21 septembre,à 20 heures, à l’Unesco, 125, avenue de Suffren,75007. Rens.: www.unesco.org

Le Citizen’s Center, dans le quartier de Futian, qui abrite l’hôtel de ville de Shenzhen.

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LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013XVI • LE MAG ENTRETIEN

Petit homme sec à la pa-role vive, Hwang Sok-yong a connu l’exil et laprison, la guerre etl’oppression. A 70 ans, ilest l’une des grandesvoix de la littératured’Asie et le plus réputé

des écrivains coréens, plusieurs fois primépour une œuvre qui sonde les tourmentset les déchirures de la péninsule coréenne,comme dans l’Invité et Monsieur Han. Dansl’Ombre des armes, il racontait son enrôle-ment lors de la guerre du Vietnam. Avecle Vieux Jardin, il s’est intéressé à sa géné-ration, qui a lutté pour le retour de la dé-mocratie en Corée du Sud dans les an-nées 70-80 en en payant le prix fort. Dansce beau roman autobiographique, il cam-pait le portrait de Han Yunhi, une femmeéprise d’un dissident emprisonné pour sesidées. Comme Hwang Sok-yong, incar-céré entre 1993 et 1998 pour s’être renduau Nord quelques années plus tôt. En août,il a publié Princesse Bari (Picquier), romaninitiatique sur le destin d’une jeune trans-

fuge du Nord contrainte à l’exil. L’histoirede la péninsule reste au cœur de l’œuvrede cet écrivain passionné par la chose pu-blique et la politique, qui reçoit à Séouldans les volutes de ses fines cigarettesbrunes.Comment l’écrivain Hwang Sok-yong a-t-il regardé la commémoration, par lesdeux Corées, du 60e anniversaire de la finde la guerre, le 27 juillet?Je suis en train de préparer une anthologiedes 100 meilleures nouvelles de Corée [ungenre très prisé dans la péninsule, ndlr]. J’aimesuré combien ces écrivains ont souffertde la guerre, mais également bien après lalibération. Aucun d’eux n’a été libre de sesmouvements. Certains ont vu leur familledéchirée puis divisée à vie entre le Nord etle Sud, comme tant d’autres dans la pé-ninsule. Il existe un vrai traumatisme dansla littérature coréenne. Mon rôle, finale-ment, est peut-être de faire le lien entrecette génération victime de la guerre etcelle d’aujourd’hui. J’aimerais bien au-jourd’hui assumer ce rôle de passeur.Pourquoi, depuis Monsieur Han en 1970, laCorée du Nord est-elle présente dans pres-que tous vos romans?Il faut continuer à parler des problèmes de

la Corée du Nord, des violations des droitsde l’homme. Quand on regarde de près leXXe siècle, il y a eu l’époque coloniale avecl’occupation japonaise, puis la partition dela péninsule. Les Coréens ont oublié quenous sommes techniquement en guerre.On a signé un cessez-le-feu il y asoixante ans, le 27 juillet, mais ce n’estqu’un cessez-le-feu. Demain, il peut setransformer en guerre. Cet état de sépara-tion nous définit, on ne peut pas oublier

ce fait. La Corée du Nord est le dernierbastion du communisme. La Corée restele seul pays du monde à vivre séparé endeux. Peut-être que les jeunes généra-tions, notamment chez les écrivains, esti-ment que ce thème est ennuyeux maistous nos problèmes sociaux et politiques

découlent de cette séparation qui dure.Parce qu’il y a le Nord en face, le Sud con-serve sa loi de sécurité nationale qui nousréprime, empêche une totale liberté d’ex-pression et de pensée.Comment expliquer que cette loi sur la sé-curité nationale, instaurée en 1948 pourlutter contre la diffusion des idées commu-nistes et qui prévoit jusqu’à sept ans de pri-son, soit toujours en vigueur?Il y a vingt ans, les Nations unies nous ontdéjà demandé de l’abolir. Mais les autori-tés du Sud font valoir que la péninsule estdivisée et que cette loi doit demeurer. Laclasse politique, majoritairement conser-vatrice, et une grande partie de la presse,dans la main de la droite, s’opposent à toutchangement.Heureusement, l’application de cette loiconnaît des assouplissements. C’est

comme un tigre qui a perduses dents. Sur Internet, desgens m’attaquent et metraitent d’espion nord-co-réen, de communiste. Or,avant, de telles remarquesdéclenchaient une enquête,une arrestation. Ce n’estplus le cas aujourd’hui. Laséparation entre les deuxCorées ressemble à deux

miroirs qui se reflètent l’un dans l’autre,comme une sorte de mimesis, un espacevirtuel qui se reproduit à l’infini. Ce n’estrien d’autre que cela. Si la Corée du Nordest un socialisme malsain, la Corée du Sudest un capitalisme malsain.Avez-vous le sentiment d’être de plus en

«La Corée reste le seul pays du mondeà vivre séparé en deux. Peut-être queles jeunes générations, notamment chezles écrivains, estiment que ce thèmeest ennuyeux mais tous nos problèmessociaux et politiques découlent de cetteséparation qui dure.»

Recueilli par ARNAUD VAULERINEnvoyé spécial à Séoul

Hwang Sok-yong, auteur sud-coréen du «VieuxJardin» et de «Princesse Bari», milite pourune réunification des deux Corées, qui lui apparaîtde plus en plus complexe à envisager.

«Les Coréensont oublié quenous sommestechniquementen guerre»

PAIK

DA

HU

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Des vétérans sud­coréens venus célébrer,

le 27 juillet à Séoul,le 60e anniversaire ducessez­le­feu qui a mis

fin à la guerre de Corée,en 1953. PHOTO REUTERS

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LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013 ENTRETIEN LE MAG • XVII

plus isolé, minoritaire, quand vous parlezde rapprochement avec le Nord, de réuni-fication, comme vous le faites depuistrente ans?Je ne pense pas être isolé. Lors de la der-nière présidentielle, en décembre, 48%des votants ont soutenu le candidat del’opposition favorable à la réunification.Les relations intercoréennes intéressent lapopulation car les choses changent dansle bon sens.Cette année, tout de même, la crise n’a-t-elle pas atteint un très haut niveau de ten-sion avec des tirs de missile, un troisièmeessai nucléaire, des menaces de guerre ré-pétées?Ce n’était pas une crise grave. Nous avonsvécu des moments bien plus tendus avecle Nord quand ils ont envoyé à Séoul descommandos pour assassiner le présidentPark Chung-hee en 1974. En 1994 surtout,nous avons vraiment été à deux doigtsd’une guerre lors de la première crise nu-cléaire. Le gouvernement Clinton étaitprêt à frapper les installations de Yong-byon (au nord de Pyongyang). Il y a tou-jours eu des petites crises, des momentsde tension, comme lors du bombardementde l’île sudiste de Yeonpyeong en novem-bre 2010 et lors du torpillage de la corvetteCheonan en mars de la même année [qui acoûté la vie à 46 marins du Sud]. Mais toutcela est cyclique, nous y sommes habitués.Les deux sociétés coréennes ne sont-ellespas chaque année en train de s’éloigner deplus en plus, minant la perspective de laréunification?Oui, les deux sociétés s’éloignent en effet

l’une de l’autre. Mais je reste persuadé quel’on peut surmonter cette partition pourtransformer cet état de guerre en paix du-rable. Le changement de régime au Norddépend du développement de la démocra-tie au Sud. Tout est étroitement lié. Si,cette dernière année, nous avons eu cestensions, c’est parce que le gouvernementsud-coréen ne sait pasbien gérer les risques.Le Nord demande deuxchoses très claires : quel’on reconnaisse officielle-ment son régime et sonEtat. Se sentant menacé, ila développé la technologienucléaire. Pour sortir decette impasse, il faudraitque les quatre pays con-cernés par la guerre de Corée (Chine,Etats-Unis, les deux Corées) discutentautour d’une table. Les présidents sud-co-réens Kim Dae-jung et Roh Moo-hyun yétaient presque parvenus, dans le cadre dela politique du Rayon de soleil. L’un en si-gnant avec Kim Jong-il la déclarationcommune le 15 juin 2000, l’autre en para-phant en octobre 2007 le texte commun oùle Sud et le Nord s’engagent à promouvoirla paix et la prospérité économique.La récente proposition du Nord d’un dialo-gue à haut niveau avec le Sud, puis la maintendue de la Corée du Nord aux Etats-Unisamorcent-elles un tournant?C’est le genre de gestes que la Corée duNord a souvent faits par le passé, notam-ment après des essais nucléaires. Ce ré-gime est comme un gamin qui cherche à

attirer l’attention des parents en chialantpour obtenir des choses et sortir de l’iso-lement. La Corée du Sud devrait aider leNord à quitter cette posture, mais le gou-vernement précédent de Lee Myung-baka tout fait pour empêcher la discussionentre Pyongyang et Washington. L’offrede dialogue avec le Sud est un geste im-

portant, c’est le signaldonné pour reprendre lespourparlers à six [discus-sion entre les Corées, lesEtats-Unis, la Russie, leJapon et la Chine sur la dé-nucléarisation en échangede la reconnaissance inter-nationale et de la paix].En Asie du Nord-Est, tousles gouvernements ont

changé de chef d’Etat depuis six mois.C’est le bon moment pour ouvrir de nou-velles discussions.Le cas de l’Allemagne peut-il servir decomparaison?Il y a de nombreuses différences entre lesdeux situations. Au XXe siècle, on a réuni-fié de deux façons: par la guerre, commeau Vietnam qui a chassé la puissanceétrangère, et par absorption, comme enAllemagne, où l’Ouest a englobé l’Est.Mais aucune des deux Corées ne veut enentendre parler. Quand je m’étais renduau Nord avec des pasteurs, nous avionsrencontré Kim Il-sung [le père fondateur dela Corée du Nord mort en 1994] pour évo-quer la réunification. La Corée du Nordparlait alors d’une sorte de fédération et,au Sud, on évoquait une union de deux

Etats. L’idée de Kim Dae-jung était de faireun Etat mais avec deux systèmes. D’abord,on instaure une paix réelle et durable, en-suite on organise des échanges économi-ques et puis, avec le temps, on peut envi-sager des rapprochements politiques.C’était le sens de la déclaration communedu 15 juin 2000. Récemment, le Nord et leSud ont rappelé leurs attachements à cetengagement. L’espoir n’est donc pas com-plètement perdu.Vous qui avez participé aux luttes pour leretour de la démocratie dans les années 80,que vous inspire aujourd’hui cette sociétésud-coréenne?L’une des questions cruciales est le sort ré-servé aux très nombreux travailleurs pré-caires, sans emploi garanti. Les grosses so-ciétés n’assurent plus un emploi stable. Legéant Hyundai, le constructeur Ssangyongou encore Samsung traitent très mal leurstravailleurs et leurs employés. La Corée fi-gure parmi les quinze plus grandes puis-sances de la planète, mais la protection so-ciale y est très en retard par rapport auxstandards européens. Ces entreprises ontdes capitaux et un pouvoir considérablescontre lesquels la bataille est dure et serréepour les employés. Face à ces chaebols[conglomérats très puissants en Corée duSud], le pouvoir politique a perdu la maindepuis que la démocratie est revenue dansce pays. En dix ans, on a vu grandir l’écartentre les employés et les employeurs, entreles riches et les pauvres. Chez Ssangyong,28 employés se sont suicidés récemmentpour exprimer leur désespoir d’être licen-ciés et cela me rend infiniment triste. •

CHINE

Séoul

CORÉEDUNORD

CORÉEDUSUD

150 km

MerJaune

Mer duJaponPyongyang

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LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013XVIII • LE MAG LIRE

Week-end

Mon premier est un chêne robuste quifait la fierté d’un village basque.Mon second est un bombardementd’une barbarie inédite, opéré par

des avions allemands. Mon troisième est unpeintre célébrissime pour son talent im-mense. Mon quatrième est un tableau illus-tre. Mon tout est l’histoire de ce tableau ma-gnifique, ou plus exactement son histoiresecrète et nombre de péripéties pas vraimentglorieuses, dont on sort secoué par ce qu’ilfaut bien appeler la bassesse humaine. AvecGuernica, histoire secrète d’un tableau, Ger-main Latour, avocat, écrivain et historiennon académique, a écrit là un livre très docu-menté, mais surtout captivant, même pourceux qui ont suivi le parcours chaotique decette œuvre historique et universelle.Outre que Latour s’est obstiné à trouver denouvelles révélations, qu’il s’est heurté à desfins de non-recevoir à certaines demandesde consultations d’archives privées, il a sudonner à son récit une manière d’intrigue,

où peu à peu se démêlent les fils d’un éche-veau inattendu.Bref, son Guernica n’est pas une histoire li-néaire dans l’Histoire, mais une forme de faitdivers politico-marchand quimontre ses prota-gonistes sous unjour peu reluisant.En particulier,l’artiste Pablo Pi-casso, qui se ré-vèle d’un cynismeabsolu vis-à-visde ses compatrio-tes espagnols, auxquels il prétend apporterson soutien «bénévole». Au fil des pages et del’histoire de son tableau, peint entre le 1er maiet le 4 juin 1937 –juste après que Guernica aété rasé le 26 avril 1937–, alors qu’il est «exilévolontaire en France» depuis 1904, on com-prend assez vite que Picasso, déjà reconnu etfortuné, «ne semble guère ébranlé outre me-

sure» par ce qui se déroule outre-Pyrénées.Alors que sont levées des Brigades internatio-nales, que des artistes, tels Paul Eluard, LouisAragon (et tant d’autres), manifestent leur

soutien au camprépublicain, «laRépublique espa-gnole attend de Pi-casso un soutienpublic […]. Mais niau cours de l’an-née 1936 ni del’année 1937, iln’existe de tracesd’une protestation,

d’une intervention, d’un appel solennel de PabloPicasso». Jusqu’au crime de guerre commiscontre Guernica… et une «soudaine» inspi-ration. Commence alors la légende qui révèlel’absolu cynisme de cet homme, à l’œuvrejusqu’à sa mort, en 1973, deux ans avant celledu dictateur Franco. Egal cynisme chez sonavocat Roland Dumas, dans son énergie à re-

tarder le plus possible la restitution de cetteœuvre symbolique à l’Espagne. Cynisme duMoMa à New York, où Guernica séjourna àpartir de 1937 et que le musée entendait gar-der, tant il lui était rentable par le nombre deses visiteurs. Manœuvres et faux-semblantschez les héritiers de Picasso, qui contribuè-rent aussi à la «bataille de Guernica» contreson retour en Espagne. «La longue marche»se termine, après bien des démêlés diploma-tico-juridiques: depuis le 10 septembre 1981,Guernica est à Madrid. C’est bien là sa place,mais à quel prix ? •

pris, Vélez est de la race despionniers, en l’occurrencede ceux qui, sans dédaignerle béton armé ni l’acier, uti-lisent des productions loca-les, non exportables, ni dé-localisables. S’il prône une«architecture végétarienne»,il refuse pourtant d’êtrerangé dans les dogmatiquesde l’écologie avec cette for-mule paradoxale: «Je ne suispas là pour sauver la planète.»Car toute son œuvre consistebel et bien à construire avecce que produit la nature et enrespectant «un écosystème ausein duquel l’humain, le culti-vateur et l’usager jouent unrôle essentiel». Les très nom-breux bâtiments dont lesphotos illustrent le proposmontrent enfin un aspectnon négligeable: c’est beaucomme un rêve d’Eden…

B.V.

VÉLEZ, ARCHITECTEVÉGÉTARIENUn portrait captivant du maître colombien du bambou.

«J e suis un architecte detoits.» Simón Vélezaime à répéter cette

formule pour caractériserson art et sa manière. «Il aréalisé ce joli paradoxe quebeaucoup ont seulement rêvéd’accomplir : construire unédifice en commençant par letoit», explique Pierre Frey,auteur d’un livre consacré aumaître du bambou.L’architecte colombien est eneffet un amoureux de ce vé-gétal, qui pousse comme duchiendent et qui constituel’élément essentiel de sesconstructions. «Sur la pla-nète, il y a 90 genres de bam-bous, subdivisés en 1 100 es-pèces, dont une bonne moitiévit en Amérique, dans unezone comprise entre le sud-estdes Etats-Unis et le Chili»,poursuit Frey, qui s’attardesur l’espèce de prédilectionde Vélez: les bambous Gua-dua. Lesquels possèdentbien des qualités, en particu-lier, s’agissant de bâti, celled’une résistance à touteépreuve. A condition quel’on sache s’en servir, ce queSimon Vélez a appris tout pe-tit, chez lui.Mais le Guadua a d’autresvertus que Frey résumeainsi: «On prend un matériaunaturel, disponible sur place,à faible coût et qui présente, enplus d’un excellent bilan envi-ronnemental, des performan-ces dignes des matériauxhigh-tech». On l’aura com-Typologie des liaisons observées dans les constructions en bambou. PHOTO INSITUT FÜR LEICHTE FLÄCHENTRAGWERKE. STUTTGART. 1985

SIMÓN VÉLEZARCHITECTE// LAMAÎTRISE DU BAMBOUde PIERRE FREY et DEIDIVON SCHAENWENActe Sud, 250 pp., 39 €.

GUERNICA,HISTOIRE SECRÈTED’UN TABLEAUde GERMAIN LATOURA paraître au Seuil,le 26 septembre, 240 pp., 21 €.

Picasso et les rusesde «Guernica»

Par BÉATRICE VALLAEYS

LA CITÉ DES LIVRES

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LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013 LIRE LE MAG • XIX

DICOLES CHAMPSEXPLIQUÉS

Le Dictionnaire historique, architecturalet culturel des Champs-Elysées est le pre-mier tome de la nouvelle histoire deParis lancée par les éditions Ledico, quirevisite les rues de la capitale. La plusbelle avenue du monde méritait biend’inaugurer cette collection. Lesauteurs, Pascal Payen-Appenzeller etBrice Payen, en dévoilent les secrets,d’hier et d’aujourd’hui, qui se cachententre immeubles et jardins, de la placede la Concorde à la celle de l’Etoile, enremontant évidemment par l’avenuedes Champs-Elysées. Difficile d’imagi-ner qu’au XVIIIe siècle, la colline deChaillot, située en haut de l’actuelleavenue, était l’un des greniers du Parismédiéval grâce à ses cultures, souli-gnent les deux historiens. Son tracé, del’Etoile jusqu’au château des Tuileries,dont elle prend d’abord le nom, est réa-lisé par Le Nôtre, à la demande deLouis XIV. Une allée royale bis.Il faut attendre 1763 pour qu’elle setransforme en Champs-Elysées, commesur le plan établi par Debarne. Pourquoice nom? Une référence à Homère et sonOdyssée, suggèrent les auteurs. «Al’image des champs homériques, peut-être que les promeneurs des deux cours seconsidéraient comme des héros séjournantdans les jardins d’un roi comparable auxdivinités antiques et, notamment, au sageet lumineux Apollon?» poursuivent-ils.Outre ce tableau historique, de la mo-narchie à la République, des fêtes révo-lutionnaires –que commémorera Jean-Paul Goude– à l’Occupation, l’ouvrageretrace l’histoire, maison par maison,du numéro 1 jusqu’au 154, de la célèbreavenue et ses transformations, ainsi queses nombreux jardins. Deux autres cha-pitres sont consacrés à la place de laConcorde et à l’Etoile. Cette somme–640 pages– richement illustrée est unbon guide pour remonter les Champs.

DOMINIQUE POIRET

CHAMPS­ELYSÉES,DICTIONNAIRE HISTORIQUE,ARCHITECTURAL ET CULTURELde PASCAL PAYEN­APPENZELLERET BRICE PAYEN, Ledico, 92€.

FRANÇOISSUREAUNé en 1957 àParis, FrançoisSureau a publiénotammentl’Infortune (grandprix du roman del’Académiefrançaise),L’Obéissance etInigo, chezGallimard. Ilpublie le Chemindes morts, récitsur l’aventured’un juge del’asile qui envoiemalgré lui unréfugié à la mort.Membre duConseil d’Etat,il en démissionneet devient, en1995, avocat àla cour d’appelde Paris. Il vientde quittercet ordre pourdevenir avocatau Conseil d’Etatet à la cour deCassation. Ilanime le réseaud’avocats del’associationPierre Claver,chargéed’apporter uneassistancejuridique gratuiteaux demandeursd’asile.

LA SEMAINE DE… FRANÇOIS SUREAU

SAMEDI SARKOZYSME JUDICIAIRELe gouvernement a pris une position définitive sur laréforme du droit pénal, position conforme à celle ducandidat qu’était François Hollande. Le sarkozysme ju-diciaire n’était pas blâmable parce qu’il préférait la sé-vérité au laxisme. Il l’était parce qu’il se fondait surl’idée centrale que l’homme n’est pas libre et qu’il nepeut s’amender. D’où l’insistance mise sur la récidive,les peines planchers, la rétention de sûreté, la limitationdu pouvoir d’appréciation des juges. Mise en œuvre,cette idée nous aurait fait passer d’une société à uneautre, sans d’ailleurs, au passage, que la sécurité de touss’en trouve améliorée. Ce que tous les bons auteurs ontvu depuis le XVIIIe, les architectes de cette conceptionorganiciste l’ignoraient, pour avoir été inattentifs enclasse de terminale: que si l’on n’assigne pas à la libertéde chacun la place centrale, on créée une société où per-sonne n’est libre parce que l’Etat y méprise la liberté.Et dans cette société d’esclaves, les méchants ne sontpas davantage punis.

DIMANCHE GOUVERNANTS ACÉPHALESLa semaine commence par un bruit de bottes. C’est laSyrie. La France veut y porter le flambeau de cette«agence des grands principes et de la légalité internatio-nale» qu’est devenue l’Europe, comme le disait PierreManent dans un livre remarquable, la Raison des nations.Mais que signifie punir le dictateur syrien? Quel est celangage de juge pour enfants? Sur nos intérêts, sur nosalliés locaux s’il en existe, sur nos buts politiques en casd’intervention, rien. L’expédition de Chine, en 1900,n’en finit pas de mourir dans les têtes acéphales quinous gouvernent. Nous nous en remettons au générald’armée aérienne Tartemolle, et ce zouave pontificalpostmoderne fera, on n’en doute pas, prévaloir la mo-rale universelle en lâchant de loin quelques roquettesavant de s’en retourner au bar de l’escadrille arroser sesdécorations nouvelles. On n’est pas plus idéaliste.Quant à la morale, peut-on vraiment réprimer un crimede guerre en en commettant un autre, c’est-à-dire enengageant une «action de force», comme dit le ministredes Affaires étrangères en employant l’euphémismepropre à celui qui n’a jamais entendu siffler une balle,sans y avoir été autorisé par le Conseil de sécurité? Onnous dit qu’il est certain que ce conseil n’autoriserarien. Peut-on vraiment, au nom du droit, s’affranchirde tout droit parce qu’une institution ne fonctionne pascomme il nous plaît? Et surtout a-t-on pris, notammentà l’égard de la Russie, les moyens que l’Etat opposé noussuive, ou est-on vraiment prêt à saborder l’ONU, don-nant aux Etats toute licence de mépriser ses règles puis-que nous l’aurions fait ?

LUNDI INCOHÉRENCES LOGIQUESL’affaire syrienne se poursuit par la diffusion d’une notedes services secrets. C’est donc bien de procès qu’ils’agit et non de politique ou d’histoire. Et l’on montreses preuves. Mais si on les montre, il faut accepter qu’onles critique. Il y a matière. Ce document est approxima-tif, mélange les preuves de fait et les preuves de déduc-tion, comporte plusieurs incohérences logiques. Maissurtout, il révèle ce qu’on savait, qui est que la sourceest américaine et américaine seulement. Si l’on étaitdevant une cour américaine, précisément, je rappelle-rais le triste historique de la fabrication de preuves parle gouvernement américain.J’apprends que Seamus Heaney est mort samedi. J’ail’impression que cette mort est passée presque inaper-çue chez nous. Il avait lui aussi vécu au milieu de laguerre, en avait tiré une poésie de la vanité du mondedont la beauté se compare à celle de T.S. Eliot dans AshWednesday. En ce moment, c’est mercredi des cendrestous les jours.

MARDI RAPPORT DOUTEUXIl faut souhaiter que le Parlement français délibère etmême qu’il vote. La Constitution n’y oblige pas, maisne l’interdit pas. S’il s’agit de précédent, le précédentconsistant à laisser le congrès des Etats-Unis et son allié–le président de la République française assisté de sestrois conseillers– décider de notre entrée en guerre meparaît bien plus dangereux. Et s’il s’agit de légalité in-ternationale, s’engager sans le rapport des inspecteursde l’ONU me semble également douteux. C’est là, aumoins dans cette circonstance particulière, que lesdroits du Parlement prennent leur sens, bien plus quepour transposer des directives européennes ou fusion-ner les établissements publics du rail.

MERCREDI SCRIBE POLICIEROn apprend que le manuscrit de Vie et destin de Gross-mann a été rendu par le KGB aux archives de l’Etatrusse. Le KGB conservait aussi le journal de Boulgakov,sur lequel un scribe policier avait écrit, paraît-il, «àconserver pour l’éternité», et cet étrange hommage invo-lontaire manifestait tout ensemble un bel optimisme surl’Union soviétique, la littérature et Boulgakov. Pourmoi, le plus beau livre de Grossmann reste Tout passe,son livre testament, écrit précisément après la confisca-tion de son manuscrit, récit d’un ancien «zek» trahi parses amis, qui revient et ne peut même haïr ceux qui l’ontdénoncé, tant la liberté a été abolie en eux.

JEUDI FORMULE ELLIPTIQUEJe pensais encore à Grossmann en recevant un de mesclients, ex-député de l’AKP –proche du dictateur Erdo-gan, s’étant éloigné de lui– condamné dans ce nouveauprocès de Moscou qu’est le procès Ergenekon et qui sol-licite l’asile en France. Il est digne et triste, parle de l’Is-tanbul de sa jeunesse, la ville du Musée de l’innocence,d’Orhan Pamuk. On ne sait pas combien il est difficileà un homme, même persécuté par son gouvernement,de venir dire du mal de son pays devant des juges étran-gers. Toute une loyauté se brise, s’émiette. Il lui sembledisparaître. C’est une expérience que font, je crois, tousles réfugiés, riches et pauvres, anciens ministres turcs,étudiants iraniens, bergers d’Afghanistan. Chaque jour,je lis par devoir le Journal officiel. Un avis mentionne laparution d’un décret sur un «retrait de l’allégeancefrançaise». Seule la version papier est disponible, pourdes raisons de confidentialité. Je ne connais pas cetteprocédure. S’agit-il de retrait de la nationalité? La for-mule prête à rêver. Un exilé fiscal? Des motifs plus pro-fonds? Un homme qui se serait aperçu que la France necorrespond plus à celle qu’il avait imaginée, et qui ensortirait comme d’une enfance. Et pour aller où ?

VENDREDI MAÎTRE TACTICIENAu G20, la réalité rentre par la fenêtre: Poutine, qu’onfeignait de considérer comme un simple trublion, appa-raît comme un maître tacticien. L’«Europe de la dé-fense» –dont chaque ministre de la Défense nous rebat-tait les oreilles depuis vingt ans avec l’insistance d’unperroquet– est enterrée par ce phénix de Van Rompuy.L’affaire de Clermont-Ferrand montre que le systèmede l’asile français est à bout de souffle. La France, con-trairement à ses obligations légales et conventionnelles,ne loge qu’un tiers des demandeurs. Les autres sont dansla rue. Il faut parfois deux ans pour obtenir une réponsedéfinitive quant au statut de réfugié. Cette situation estcontraire à l’humanité et dangereuse pour l’ordre pu-blic. Les solutions sont connues de tout le monde et ontété données en dernier lieu par le rapport de ThierryTuot. Il suffirait de l’appliquer. A la place, on a confiéune mission à deux parlementaires. Combien de dramesauront-ils lieu jusqu’à ce qu’ils aient rendu leur rapport,jusqu’à ce que le Parlement ait enfin statué? •

L’escadrille du général Tartemolle

J.B.

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LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013XX • LE MAG LIRE

L es dirigeants du Mossad l’avaientsurnommé «l’Ange». C’était lameilleure source dont disposait au

début des années 70 l’agence de rensei-gnement israélienne dans un paysarabe. Ashraf Marwan n’était rienmoins que… le gendre de Nasser, devenuaprès la mort de ce dernier un procheconseiller du président El-Sadate. Il aurafallu des années pour que l’identité et lerôle de cet informateur, mort à Londresle 27 juin 2007 –tombé du balcon de sonappartement–, soient révélés. Lors deses funérailles au Caire, Moubarak salua«un patriote», affirmant que «les tempsne sont pas encore mûrs pour révéler sonrôle» lors de la guerre du Kippour, en1973. Cet affairiste et grand viveur, quiavait contacté lui-même en 1969 à Lon-dres l’ambassade israélienne pour offrirses services contre de très consistantesrémunérations, était-il un agent double,voire triple?

LA GUERREDU KIPPOURN’AURA PAS LIEUde MARIUSSCHATTNERet FRÉDÉRIQUESCHILLOAndré Versailleéditeur, 316 pp. 21,90 €.

GUERRE DU KIPPOUR:L’EMPREINTE DE «L’ANGE»Un journaliste et une historienne revisitent le conflit israélo-arabe, en s’intéressant au rôle de l’espion égyptien Marwan.

Pendant plusieurs années, il avait fournides infos en béton, notamment sur unprojet d’attentat à Rome contre unavion d’El-Al, mais, en 1973, jusqu’audernier moment, il ne dit rien des pré-paratifs de l’offensive égypto-syriennedu 6 octobre. Il n’avertira le Mossad quequelques heures avant. Le silence decette source en or –ou cette intox déli-bérée?– n’a en tout cas pas peu contri-bué à l’impréparation des Israéliens qui,jusqu’au bout, ont refusé de croire àcette attaque, malgré les nombreux si-gnaux.Travaillant à partir d’archives récem-ment déclassifiées, Marius Schattner,journaliste à l’AFP et auparavant à Libé-ration, et Frédérique Schillo, histo-rienne, jettent une lumière nouvelle surle fiasco politico-militaire de 1973.«Qu’Israël soit parvenu à éviter une dé-faite majeure et ait réussi finalement à re-tourner la situation en sa faveur sur le ter-rain témoigne davantage des facultésd’adaptation de son armée, du courage descombattants et des faiblesses du camp en-nemi que des capacités de la direction dupays plongée dans le désarroi dans les pre-miers jours de cette guerre sur deuxfronts», notent les auteurs, qui ontchoisi ce titre provocateur pour illustrerle total aveuglement des Israéliens, prispar l’hubris de la victoire de 1967, etconvaincus que jamais Le Caire et Da-mas n’oseraient se lancer dans une nou-velle aventure. Non seulement les géné-raux n’avaient rien vu venir, maisTsahal se trouvait prise à contre-piedpar la combativité d’adversaires long-temps méprisés. La victoire obtenue aubout de dix-huit jours fut chèrementpayée et, dans la conscience israélienne,la guerre du Kippour évoque désormaisavant tout une «faillite».«L’Ange» fut indirectement identifiégrâce à une maladresse du chef du ren-seignement militaire, le général EliZeïra, qui, pour se justifier, racontaen 1999 dans ses mémoires comment leMossad –l’agence concurrente– avaitété intoxiqué par une source haut pla-cée au Caire. Les dirigeants du Mossads’indignèrent, clamant que cet infor-mateur avait malgré tout permis d’évi-ter le pire en donnant l’alerte, même audernier moment. Son assassinat paraîtavoir été mené par les services égyp-tiens, mais le mystère reste entier.«Marwan n’aurait été loyal qu’à lui-même, écrivent les auteurs, jouissant deson rôle d’homme de l’ombre écouté parles plus hauts dirigeants des deux camps,maestro d’un double jeu lucratif et terri-blement risqué où en fin de compte il s’estbrûlé les ailes.»

MARC SEMO

RÉMINISCENCESLIGNES DETRANCHÉESAvant d’être submergé d’ouvrages historiquespour le centenaire de 14-18, l’historien et conser-vateur de bibliothèque Benjamin Gilles propose unchemin de traverse pour mieux appréhender laGrande Guerre. Il n’est question ici ni de diploma-tie ni de stratégie militaire mais d’une histoire for-cément intime, puisqu’elle raconte la lecture surle front.On apprend ainsi que c’est une nation de lecteursqui bascule dans une guerre d’une violence inouïe.Contrairement aux idées reçues, au début duXXe siècle, le taux d’analphabétisme est deux foismoins important qu’aujourd’hui ; on diffuse dix

millions de journaux parjour pour une populationadulte de vingt millions depersonnes.Des quotidiens ou hebdo-madaires que l’on retrouvedans les tranchées, enmême temps que la soupeet que l’on dévore avec lemême appétit, en dépit dela censure qui se met trèsvite en place. Car la guerres’installe.Il faut imaginer des bara-quements, des ateliers, descoopératives, des voies decommunication ou mêmedes petites imprimeries defortune (pour sortir l’Echo

des gourbis, par exemple)… De quoi tenir durantquatre ans et demi.Bref, lire pour ne pas devenir fou, pour s’évaderdu froid, de la boue et de la mort. Pour tenter decomprendre cette folie aussi. Des lectures qui per-mettent de combler les interminables attentes en-tre deux offensives. Car, en ces temps où l’on tra-vaille dix heures par jour, six jours sur sept, vingtans avant l’invention des congés payés, les hom-mes ne connaissent pas la société des loisirs. Etpour la plupart d’entre eux, c’est la première foisqu’ils ont… du temps à tuer.

CATHERINE CALVET

MÉMENTO

LES CHOIXDU CAHIER LIVRESIl était une fois le far west: le merveilleux westernde Céline Minard, Faillir être flingué (Rivages).Il était une fois l’«homo sovieticus»: dernier voletde la gigantesque fresque de la Biélorusse SvetlanaAlexievitch, la Fin de l’homme rouge ou letemps du désenchantement (Actes Sud). Jean-Philippe Toussaint clôt l’élégantissime cycle roma-nesque de «Marie Madeleine Marguerite de Mon-talte» avec Nue (Minuit). Le romancier PaulBeatty imagine un leader noir d’un genre nou-veau : American Prophet(Passage du Nord-Ouest). David di Nota redéfinit les codes amou-reux: Ta femme me trompe (Gallimard «L’in-fini»). Les requins de la finance En bande organi­sée: un thriller politico-financier de Flore Vasseur(Editions des Equateurs). De l’influence du marchésur les passions: la Société des affects, du phi-losophe Frédéric Lordon (Seuil).

LECTURESDE POILUSde BENJAMINGILLESEd. Autrement,330 pp., 23 €.

Le mariage d’Ashraf Marwan et Mona, la fille de Nasser, en 1966 au Caire. PHOTO AFP

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LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013 LIRE LE MAG • XXI

FRICTIONS«ACH», CES VOISINSGERMAINS!Georges Valance, auteur de cette Petite Histoire dela germanophobie, débute son ouvrage par sessouvenirs d’enfant menaçant avec un fusil de boisles prisonniers de guerre allemands internés en1945 dans les Vosges. Né une génération plus tarddans une famille ardennaise, on se souvient que

le pont de Rethel enjam-bant l’Aisne s’appelaitPassage des invasions(1411, 1543, 1650, 1814,1870, 1914, 1940), avantd’être platement rebaptiséil y a une dizaine d’annéespont de l’Europe.Deux anecdotes, quipourraient être complé-tées par des milliersd’autres, tant les rapportsentre Français et Ger-mains ne sont qu’une lon-gue suite de frictions, cli-chés, réconciliations etméfiance partagée; ravi-vés à chaque rebondisse-ment de l’actualité écono-mique ou footballistique.

De Bouvines –qui vit s’affronter, en 1214, la finefleur de la chevalerie française et les troupes del’empereur Othon IV, allié aux Flamands et auxAnglais, coalition qu’on retrouvera à Waterloo –jusqu’aux tirades germanophobes des ministresjaloux de la croissance de notre puissant voisin, lelivre recense ces siècles d’inimitiés franco-alle-mandes. «Ach, la guerre entre peuples, gross mal-heur !»

FABRICE DROUZY

PETITE HISTOIREDE LA GERMA­NOPHOBIEde GEORGESVALANCEFlammarion,244 pp., 18 €.

MANUELLE LIT À LA ROMAINEUne vestale, Rhéa Sylvia, engrossée à son insu parun dieu. Une louve, nourricière des jumeaux Re-mus et Romulus abandonnés sur les eaux du Tibre.La femme d’un berger, prostituée à ses heures,

mère adoptive des deux en-fants. Le rapt des Sabines,comme acte fondateur de laville éternelle… L’histoirede la naissance de Rome ade fortes connotationsérotiques. Et la femme– qu’elle soit mère, louve,victime ou putain– y appa-raît comme une figure cen-trale dans un univers pour-tant régi par la violence deshommes. Quels rapportsentre la matrone respectéeet l’esclave dispensatrice deplaisirs? Comment les Ro-mains concevaient-ils leursexualité ? C’est le sujet del’étude de Virginie Girod,historienne et universitaire,

qui s’attache à la condition de la femme dans laRome antique. Manuel cru et clinique pour dé-tailler les actes, traité sociologique pour compren-dre les rôles. Un tour d’horizon réussi.

F.D.

LES FEMMESET LE SEXEDANS LA ROMEANTIQUE deVIRGINIE GIRODTallandier,352 pp., 23,90 €.

LA RETRAITE, VERTIGEOU RENAISSANCEAvant, après… un livre témoignage sur l’ultime départ.

L a retraite commencepar un pot. «On ne dis-paraît pas en douce,

écrit Danièle Laufer, on nes’éclipse pas du jour au len-demain, on convie tous les col-lègues anciens et actuels,clients, patrons, associés etamis – et même parfois enne-mis – à venir boire quelquesbulles et marquer ce nouveaudépart que beaucoup envienttout en le redoutant.» Mais làs’arrête le rite de transition.Ceux qui abordent «la pre-mière année du reste de leurvie» sont priés de se dé-brouiller pour la suite.C’est cette suite, plus préci-sément la première année deretraite, que la journalisteDanièle Laufer a choisi d’ex-plorer en interviewant lon-guement un peu plus d’unevingtaine de personnes par-tout en France et dans diversmilieux. Sans prétendre àl’exhaustivité, la méthodemet en lumière ce paradoxe:alors que l’on ne parle qued’elle, la retraite est penséecomme une fin en soi, qui nepose question ni pour l’avantni pour l’après. Pourtant, cen’est pas si simple.Tout le monde n’est pas égalface au «vertige» de cette vieoù l’on est «seul maître àbord». L’auteure pensait queses interviewés allaient luiparler de leur première an-née de retraite: ils ont com-mencé par leur dernière detravail, «la plus étrange».«Collègues épuisés et envieux,jeunes gens ambitieux, dansdes entreprises à bout de souf-fle qui essorent les seniors,c’est comme un bruit de fond:“Tu as encore combien detemps à tenir ?”» La sortien’est pas toujours rose: évic-tion des projets, métiers quichangent. Pour ceux qui di-rigeaient et s’abrutissaientde travail, la chute est rude.«Les entreprises, constateDanièle Laufer, ne se préoc-cupent pas d’organiser letemps de la séparation endouceur.» Elles pourraient,plaide l’auteure, imaginer un«bilan de retraite», à l’imagedu bilan de compétences.Elle cite Marc, ancien diri-geant: «La retraite du jour aulendemain, c’est une âneriepour tout le monde.»

Ces nouveaux retraités, etsurtout cette génération is-sue du baby-boom, prennentdans la figure tout à la fois lejeunisme de l’époque, quileur fait craindre «la vieillessesociale», la perte d’identitéet la culpabilité. Au fil desrencontres, Danièle Laufer arelevé une constante : «Lesretraités se sentent toujoursprivilégiés et culpabilisés del’être.» Les unes de magazi-nes, les travaux de cher-cheurs sur la guerre des gé-nérations laissent des tracesdans les têtes. Ceux qui ne sebattent plus sur le marché dutravail «se sentent visiblementen dette alors qu’ils ont cotisétoute leur vie pour leur re-traite». Pas simple, en outre,

de se sentir à l’abri «quandles enfants galèrent».A petites touches, et avecune bonne dose d’empathie,Danièle Laufer dresse le por-trait de gens qui tâtonnentpour retrouver leur équilibre,«renaître» tel le Phénix. Maiselle sait bien que ces em-ployés, ces cadres moyens ousupérieurs, ces indépendantsqu’elle a rencontrés, ne sontpas la majorité. Il seraittemps de s’occuper desautres, de ceux «qui n’ontpas les ressources intérieuresnécessaires pour affrontercette première année». Afinde ne plus résumer leur dé-part à un solde de toutcompte.

SIBYLLE VINCENDON

L’ANNÉE DU PHÉNIX.LA PREMIÈRE ANNÉEDE LA RETRAITEde DANIÈLE LAUFERLes liens qui libèrent,205 pp., 16,50 €.

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LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013XXII • LE MAG REGARDER

DEGRÂCEAurons-nous daubé sur Jean-Marc Mo-morandini, ses scoops en bois, ses infosexclusives piquées à tout le monde et sesautocélébrations permanentes, le toutdistillé dans une orthographe inéditedont les plus grands linguistes et pho-néticiens n’arrivent toujours pas à per-cer le secret. Eh bien, il nous faut battrenotre coulpe violemment, nous recou-vrir de cendres brûlantes et aller à Ca-nossa à cloche-pied, car vendredi,Jean-Mamarc avait une vraie info enbéton sur son site: «NRJ12 décide de dé-programmer l’émission #Morandini àpartir du lundi 9 septembre.»

NOPARDONÇa y est, nous tenons notre nouveaupunk, celui dont les crachats répétés àla gueule de l’intelligentsia médiatiqueferont le digne successeur de Christo-phe Hondelatte : c’est Stéphane Bern.Après avoir bravement dénoncé les«idioties» de Nabilla et ses congénères«qui n’ont rien fait à part dire des c… ense promenant en string» (les points desuspension sont d’origine), Bern s’enest pris, dans C à vous (France 5) à Pas-cale Clark. «Il y a des noms qui me fontm’étouffer», a-t-il bouilli. «Je n’aimepas les donneuses de leçons», a-t-il voci-féré». «Je me fais insulter en permanencesur France Inter par Pascale Clark», a-t-il hurlé. Wow, rewow et rerewow.

PASLAPEINELa Parenthèse inattendue, l’émission deFrance 2 où, face aux confessions ré-gressives de vedettes, Frédéric Lopezhoche la tête comme le petit chien surla plage arrière des voitures, connaîtraau moment des fêtes de Noël une spé-ciale diffusée à 20h45. «Quand j’ai pro-posé le concept de l’émission la Paren-thèse inattendue à France 2, expliqueLopez à Téléstar, le directeur des pro-grammes voulait la programmer en prime.Je n’étais pas emballé par l’idée. Là, je lefais exceptionnellement.» Tu sais, Fred,faut pas te forcer, hein.

BONNENOUVELLEDaniel Bilalian. directeur des sports deFrance Télévisions, n’est, indique-t-ilà TV Mag, «ni de droite, ni de gauche».Et ni de gauche.

INSTANTS TÉLÉ

PHIL

IPPE

LERO

UX

Un pain dans la tronche de M6

BOURRE­PAF

Par RAPHAËL GARRIGOS et ISABELLE ROBERTS

Gontran et Bruno, le jury de la mie qui vous veut du bien. PHOTO JULIEN KNAUB. M6

Trop de tout. Trop de tensions en Sy-rie, trop de kalachnikovs à tous lescoins de rue de Marseille, trop d’in-vectives aux crachoirs radiopho-

nico-politiques, trop de violence quoi, quiréduit déjà le maigre bénéfice des vacancesà peau de string dentelle. Et trop aussi decette guerre entre frères humains de la télé-vision où, en cette rentrée, la case horairede l’access prime time a été transformée enune impitoyable et vaine boucherie où lesDe Caunes, les Hanouna, les Lapix et autresMorandini se disputent férocement lemoindre bout de barbaque de téléspecta-teurs. Nous, on veut un truc gentil. Quelquechose de simple, de vrai, d’authentique ouplutôt, comme le dirait un candidat méri-dional de Secret Story, d’authentchique. Dupain. Voilà, on veut du pain.

Le pétrin de l’accessNon, on n’allait pas vous lâcher comme çasur cette bizarre envie de pain. Car il setrouve qu’à peine exprimée, notre brusquefringale a déjà trouvé son exutoire télévi-suel. Et c’est bien sûr M6, la chaîne des ob-sessions ordinaires (trouver un apparte-ment, devenir beau, faire garder lesmioches, redécorer la baraque), qui nouscomble. Depuis le 26 août, chaque jour à17h35 et cinquante-deux minutes durant,on se fait notre fix de pain, notre sniff delevain, notre shoot de croûte devant laMeilleure Boulangerie de France. Et oui, M6continue d’essorer jusqu’à plus soif son fi-lon culinaire, exploité de Oui chef! en Dînerpresque parfait, Top Chef, le Meilleur Pâtis-sier, M.I.AM ou encore Norbert et Jean : ledéfi. La Meilleure Boulangerie de France,c’est l’habituelle mayonnaise : trois bou-langers, trois épreuves, un jury, une finalechaque semaine et, dans deux mois, lagrande finale. Idée à la con, vous écriez-vous, et pourtant : le concours panetierrassemble en moyenne plus de 1 million detéléspectateurs pour 13% de partsd’audience, mieux que le Dîner presque par-fait qu’il suit et 100% Mag qu’il précède. Dequoi, peut-être, sortir M6 du pétrin où sta-gne son access prime time et, juré, ce serala seule blague de boulanger que nous nousautoriserons dans cet article.

Le bâtard de Pernaut«Un concours incroyable est en marche,croustille la voix off sucrée comme unechouquette, certains vont réussir, d’autresvont défaillir.» Oui, ça rime, mais c’estainsi, la Meilleure Boulangerie de France,c’est de la poésie. Celle des images d’abord,toutes de vieilles pierres, de fournils culot-tés par les siècles et de plans champêtressur nos belles campagnes (laissant entre-voir, bientôt sur la Six, un remix, L’amourest dans le pain, où des boulangers trompéschercheront une compagne mais ons’égare). La poésie des patelins, ensuite.Car, pour l’heure, point de boulangeriesurbaines: du sud-ouest et du sud-est visi-tés pendant les deux premières semaines,M6 a pris soin d’éviter les grandes villespour se consacrer uniquement à des bleds,

et tous au nom chantant. Ah, Mur-de-Bar-rez, Burlats, La Flotte en Ré, Le Tallud,Saint-Pons-de-Thomières… La techniqueest connue, piquée non pas à Groland, maisà Jean-Pierre Pernaut, à qui cette MeilleureBoulangerie de France est un vibrant hom-mage posthume. Salut l’artiste.

La ficelle de la transmissionEt c’est dans la même veine pernautienneque sont choisis les boulangeries candida-tes: non pas désignées par quelques intel-lectuels parisiens de M6 (y en a pas) pasplus que par un quarteron de technocratesbruxellois, mais par les clients eux-mêmes,tente de nous faire avaler la voix off. Ceuxqui, serine l’émission, sont «fiers de leurboulangerie». Ah parce que vous n’êtes pasfiers de votre boulange, vous ? Et quellesboulanges… On y cultive systématiquement«la transmission», pratiquée, souvent à larude parce que c’est mieux comme ça, parle maître des lieux, entouré de ses mitronsqu’on imagine sortis de l’enfer de la droguepar la grâce de la farine, celle qu’on ne sefourre pas dans le pif. Systématique aussi,le sourire, corvée évidemment dévolue à laboulangère pendant que son gindre de maris’active dans l’arrière-boutique. Crucialenfin, le slogan que la prod fait déclamer àchaque team baguette façon Fort Boyard :«Ça, c’est de la tarte!», «Maison Marchetti,on va tout donner !», «Au Baiser du mitron,tous au charbon !» Et notre préf : «Avec laboulangerie Rostain, fini le train-train !»

Les miches du juryMais bien sûr, la loi du genre l’exige, c’estle jury qui dédéise l’émission (du verbe dé-déiser: «rendre intéressant un truc fadasse

grâce à un juré de type Dédé Manoukian»).Voilà nos deux nouveaux amis: Bruno Cor-merais et Gontran Cherrier, genres de Gon-court de la mie, de Prix Nobel du quignon.C’est eux qui visitent les boulangeries, ad-mirent les lieux (Bruno, poète: «On diraitune bijouterie à gâteaux» ; Gontran, bon-heur: «La boulangerie correspond complète-ment à l’endroit où elle se trouve»), avant deles mettre à l’épreuve. Aux trois épreuvesen fait. Pour la première, Bruno et Gontranchoisissent un produit à l’étal. Pour la se-conde, ils dégustent la spécialité maison aunom piqué cette fois chez Groland sinonc’est pas possible : la Coupétade (sur la-quelle Gontran casse sa cuillère), le Gibas-sier et la magnifique Pompe à l’huiled’olive. Pour la troisième, c’est le jury quidécide d’une recette. Chacun des trois actesa son acmé: la dégustation. Silence. Zoomsur les maxillaires des jurés. On monte leson de la mastication scrounch-scrounch.Musique de la peur. Contrechamp sur leboulanger livide guettant l’approbation surles lèvres décisives de Bruno et Gontran.Enfin, ils vont parler. Et nous qui pensions,de Masterchef en Top Chef, avoir tout en-tendu en matière de «croquant», d’«enga-gement», de «volume»… Ils sentent,d’abord: «C’est généreux en termes d’odeurde pain.» Merci Gontran. Ils écoutent, en-suite : «Le pain qui chante», se délecteBruno. Ils goûtent, enfin: «On a vraimentune mâche régulière», diagnostique Gon-tran, toujours pénétré. «On a une vraie mâ-che», confirme Bruno. «Le goulu-gour-mand», se pâme Gontran. Bruno s’affole:«On vient se caresser le palais avec ça.»Gontran, torride: «C’est presque humide».C’était bien la peine de ressortir Lui. •

Think-Geek.net

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L’AVENIRESTENTREVOSMAINS.Un nouveau site Libé le 9 septembre.Un nouveau Libé du week-end le 14 septembre.

Page 36: Liberation Des 07 Et 08.Septembre

LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013XXIV • LE MAG

définit le mieux Libé : la curiosité, ladistance et l’engagement, un pas decôté et un autre en avant.Alors, à quoi ressemblera ce Libé week-end que l’on déclinera aussi sous forme

numérique et qui succède au Mag

que vous avez entre les mains ? Il serad’un seul tenant, pour devenir un jour-nal plus dense, de 64 pages. Il se dé-ploiera sur un papier d’une blancheurimmaculée qui rendra encore plus écla-tant notre amour pour le graphisme, la

typographie, la titraille et le photo-

journalisme. Surtout il vous offriraquatre univers distincts, entre actu,idées, culture et modes de vie. Autantde «portes d’entrée» dont nous espé-rons qu’elles correspondent aussi à vosattentes du week-end, pour une lectureplus approfondie, plus attentive, maisplus ludique aussi.

Le traitement de l’actualitémondiale, française, économi-que, sportive, intellectuelle,culturelle sera rythmé par unealternance d’articles classiqueset de «grands formats», repor-tages, enquêtes, interviews autrès long cours. L’ambition :ouvrir le spectre, regarder lemonde à 360°, prendre le tempsd’aller au-delà de l’écume desjours. Libé week-end vous entraî-nera sur la piste de la réflexion,avec de nouveaux chroniqueurs,et renouera avec sa tradition d’unguide culturel, le sien, décalé etsalé à point. A l’image de sa nou-velle chronique «food» ou de sespages «voyages».Un nouveau Libé week-end donc,pour réaffirmer fortement notredouble attachement à la moder-nité extrême de ce vieil objetqu’est un journal et notre foi en cespratiques pleines d’avenir quesont l’écriture et la lecture.Ce journalisme-là a un prix :2,50 euros. •

S amedi prochain, entre vos mainset sous vos yeux, un nouveauLibé qui vous accompagneradésormais tous les week-

ends pour vous informer, évidem-ment, mais aussi vous surprendre,vous étonner, vous divertir, vousdonner à penser et, nous en som-mes certains, vous faire réagir,voire vous agacer.Ce nouveau Libé est le fruit d’undésir, celui de tout le journal quia entièrement pensé cet objetinédit dans le paysage de lapresse écrite: un «quotidien ma-gazine», faisant harmonieuse-ment cohabiter la chaleur del’actualité et la profondeur del’analyse. Le décryptage desévénements qui surgissent àl’instant T et la volonté d’allervoir ailleurs, dans les marges,les lisières et les espaces quiéchappent trop souvent au ra-dar de «l’actualité». Les for-mats les plus brefs et les autres,beaucoup plus amples. Ensomme, tous les outils dujournalisme de qualité mobili-sés par une équipe qui ad’abord fait parler le principede plaisir et l’envie de parta-ger avec vous ce qui, au fond,

AC

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•SommaireMonde Pages 10­15France Pages 16­23Economie Pages 24­25Sports Pages 26­28

FRANCE RÉCIT PAS DE SORTIESSCOLAIRES POUR LES MÈRES ENFOULARD p.18

FRANCEENQUÊTEPEUT­ONDISSOUDRELES FACHOS?p.16­17

MONDEDÉCRYPTAGESYRIE: BACHARA­T­IL GAGNÉ LAGUERRE?p.10­11

FRANCEGRANDFORMATp.20­23

D es sangliers labourentvotre gazon, videntl’écuelle du chien, se

baignent dans votre piscine,bloquent votre train ou dé-truisent vos cultures demaïs? Ne cherchez plus: Xa-vier Crêté est l’homme qu’ilvous faut. «On m’appelle,j’interviens. Je suis spécialisédans les trucs infernaux. J’en-voie les chiens, je fais sortir lesgus de la pièce de maïs. Si le gdans la Somme qui l’a vu naî-tre. Il a tué luiétasez-moi, jeviens de dépecer quatre bê-tes.» La cheminée prus-sienne crépite. «J’ai tué monpremier à 17 ans, le secondà 35 : il n’y en avait pas àl’époque.» Désormais, ilspullulent. Il dit qu’il en atué«200 ou 220» en trente-sept saisons de chasse.

A feu et àsangliers

LIBÉRATION SAMEDI 30 ET DIMANCHE 1ER NOVEMBRE 2013 • 9

Par NICOLAS DEMORANDet FABRICE ROUSSELOT

«Libé week-end»,rendez-vous samedi prochain

•2,60 EUROS. PREMIÈRE ÉDITION NO10125 SAMEDI 30 ET DIMANCHE 1ER DÉCEMBRE 2013 WWW.LIBERATION.FR

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Tour2013Cycle

infernalNOTRE DOSSIER, PAGES 2­8

Business, dopage… l’épreuvereine du cyclisme, qui part deCorse ce week-end pour sa100e, concentre tous les excès dusport. Tout en restant populaire.

ACTU. P9­28DISSOUDRELES FACHOS?/ROUTEMORTELLE ENBOLIVIE

IDÉES. P29­38ŒUF À LACOQUE/ENTRETIENAVEC MICHELSERRES

CULTURE.P39­54 BOWIE,ROCK’NROBE/LA BDS’EXPOSE ÀSAINT­OUEN

NEXT. P55­63GUÉTHARY,PERLE DUSURF/JARDINSÀ L’ANCIENNEÀ VERSAILLES

CRÉ

DIT

WEEK­END

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,70 €, Grande­Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €,

Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays­Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

Michel Serres«L’écolier,l’étudianted’aujourd’hui,vivent untsunami tant lemonde changeautour d’eux.»

SommaireEntretien Pages 30­31Images Pages 32­33Data Page 34Chroniques Pages 35­38

IDÉE

S

À ISTANBUL,L’ICÔNE À LAROBE ROUGE•

REGARDER VOIR PAR GÉRARD LEFORT p.35

TEMPS PRÉSENTENTRETIEN p.30­31

«Ce jour-là, Sa Bonté sublime aurait euune vision: un projet de monument à lagloire du radis inconnu.»

L’IMAGE DE LASEMAINE p.32­33

SE JETER SUR LESOL ET GROGNER

LA CHRONIQUE DEPHILIPPE DJIAN p.36

LIBÉRATION SAMEDI 30 ET DIMANCHE 1ER NOVEMBRE 2013 • 29

CU

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SommaireCulture Pages 40­41Grand format Pages 42­45Guide Pages 46­51Ecrans­Médias Page 53

• INTÉRIEUROU EXTÉRIEUR?

NOS CHOIXPOUR VOTRE

WEEK­ENDCULTUREL

LIVRES, CD, THÉÂTRE,EXPOS, DANSE, JEUX…

GUIDE SÉLECTION p.46­51

BDREPORTAGELA TRAITE DESPLANCHES ÀSAINT­OUENp.40

ROCKENQUÊTE

LA STARBRITANNIQUEÀ L’HONNEUR

AU MUSÉEVICTORIA ET

ALBERT DELONDRES

p.42­45

L’ annonce, il y a un an, duprojet d’une grande ex-position consacrée à Da-

vid Bowie par le musée Victoriaet Albert de Londres ne nousavait pas enchanté. Certes, plusque tout autre artiste de la mu-sique populaire, l’auteur-com-positeur de Ziggy Stardust etStation to Station méritait un teltraitement, tant son œuvre et sapersonne ont influencé lach a n s o n e t l a m o d ed’aujourd’hui. Mais l’idéed’une exposition nous semblaitmorbide, réduisant l’artiste àdes fétiches à contempnouveléchaque jour de performancesscéniques et musicales inédites,mises en ligne par des fans etpermettant d’entendre ouréentendre, voir ou revoir,l’artiste à son meilleur,vivant pour l’éternité.On imaginait déjàcomment cequi fut avanttout du roc

Bowie,rock’n’robe

LIBÉRATION SAMEDI 30 ET DIMANCHE 1ER NOVEMBRE 2013 • 39

NEX

T

SommaireStyles Pages 56­58Food Page 59Voyage Pages 60­61Grand format Pages 62­63

FOODENQUÊTELA RUE SAINTE­MARTHE, ONY PREND GOÛTp.59

JARDINSGRANDFORMATVERSAILLESRESSUSCITELOUIS XIVAU JARDINp.62­63

SURF REPORTAGE p.62­63

A Paris déjà, on entendaitparler de Guéthary de-puis des mois. A la ter-

rasse du Progrès ou des DeuxAmis, les bons souvenirs decette petite ville du Pays bas-que, cachée depuis des lustresentre Biarritz et Saint-Jean-de-Luz, donnaient envie. Mais l’af-flux de Parisiens faisait craindreune invasion à la normande. Larumeur grondait que les hips-ters, surf en main, se retrou-vaient là-bas, sur la côte bas-que, et que d’autres y avaienttrouvé la terre d’accueil

Guéthary,spot secret

LIBÉRATION SAMEDI 30 ET DIMANCHE 1ER NOVEMBRE 2013 • 55

Page 37: Liberation Des 07 Et 08.Septembre

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LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013 ANNONCES • 13

Page 38: Liberation Des 07 Et 08.Septembre

Evasionfiscale:prisedepositionéchangisteàSaint-PétersbourgLes membres du G20 ont promis la mise en place d’une transmissionautomatique d’informations sur les contribuables à partir de 2015.

E n matière de lutte contrel’évasion fiscale, les pro-messes faites lors de som-mets internationaux ont si

souvent été oubliées qu’on a, apriori, du mal à prendre au sérieuxles proclamations martiales faitespar les dirigeants du G20, vendredi,à Saint-Pétersbourg en parallèle desdiscussions sur la Syrie (lire aussipages 6-7). «Nous devons lutter con-tre l’évasion fiscale, lespratiques dommageables etles planifications fiscalesagressives», écrivent les leadersdes 19 pays les plus riches de la pla-nète (plus l’UE). Mais vu les réac-tions des ONG, peut-être que cette

fois-ci on a tort de ne pas y croire.«On ne peut nier l’avancée majeuredu G20 sur la lutte contre l’évasionfiscale», lance Guillaume Grosso,directeur de One France. «Ce som-met permet un pas de plus contrel’évasion fiscale des entreprises au ni-veau mondial», renchérit SébastienFourmy, d’Oxfam France.

LUTTE. Pourquoi un tel enthou-siasme d’organisations d’habitudecritiques? Pour une fois, une politi-que concrète de lutte contre l’éva-sion fiscale a été adoptée et un ca-

lendrier est fixé pour samise en application. Ils’agit de l’échange auto-

matique d’informations, c’est-à-dire le fait, pour les administrationsfiscales, d’échanger de manièresystématique, à intervalles régu-

liers, des renseignements relatifsaux revenus touchés dans un payspar des personnes dont la résidencefiscale se trouve dans un autre pays.Exemple : si un tel système étaitadopté, le fisc luxembourgeoiscommuniqueraittous les ans à Parisles dividendestouchés par unrésident françaispropriétaire d’uneholding luxem-bourgeoise. Ainsi, l’administrationfrançaise pourrait vérifier immé-diatement si la déclaration d’uncontribuable est complète. Ce quiserait un sacré changement par rap-port à la situation actuelle, où c’estseulement quand l’administrationa un doute qu’elle demande à unfisc étranger des informations.

Eh bien, si l’on en croit les paysdu G20, ce cauchemar pour lesfraudeurs fiscaux sera la réalitédans deux ans ! «Nous nous enga-geons à ce que l’échange automatiqued’informations soit le nouveau stan-

dard mondial, est-il écrit dans lecommuniqué. Nous soutenons plei-nement le travail de l’OCDE visant àprésenter d’ici à février 2014 unenouvelle norme mondiale unique et àfinaliser les modalités techniques d’icià la mi-2014. En parallèle, nous pré-voyons de commencer à échangerautomatiquement des informations

entre les membres du G20 à la finde 2015.»Un tel succès était loin d’être as-suré, vu les réticences de la Chineet Singapour. Mais, comme le con-fie un négociateur français, «il y aune pression collective qui a fonc-tionné. C’est un mouvement engagéau G8 dont il est difficile de s’ex-traire». Le ministre français del’Economie, Pierre Moscovici, parled’un «effet boule de neige», tout enn’hésitant pas à se pousser du col:«C’était une revendication de laFrance, soutenue depuis le début parl’Allemagne et les Etats-Unis, quinous ont beaucoup aidés.»

FAILLES. Autre raison d’être opti-miste : les multinationales quipratiquent l’optimisation fiscale àgrande échelle, comme Googleou Amazon, sont clairement poin-tées du doigt. «Nous devons luttercontre les planifications fiscalesagressives, écrivent les leaders duG20. Les bénéfices devraient êtretaxés là où ils sont réalisés et où lavaleur est créée. La croissance del’économie numérique pose égale-ment des défis en matière de fiscalitéinternationale.» Sur ce sujet, le G20s’en remet au plan d’action menépar l’OCDE – intitulé BEPS, pourBase Erosion and Profit Shifting(«érosion de la base d’impositionet transfert de bénéfices») –, quivise à redéfinir complètement ledroit fiscal international d’ici àdeux ans. Son objectif est de sup-primer les failles légales permettantaux entreprises de faire disparaîtreleur bénéfice via des sociétésécrans dans des paradis fiscaux.Pour autant, il serait prématuré dedéclarer, comme l’avait fait NicolasSarkozy en 2009, que «les paradisfiscaux, le secret bancaire, c’est fini».Il peut se passer beaucoup de cho-ses d’ici à 2015, et les paradis fis-caux ont montré, par le passé, qu’ilsétaient capables de signer des texteset de les appliquer au minimum.Ainsi, comme le G20 ne définit pasprécisément ce qui doit rentrer dansl’échange automatique de données,on peut s’attendre à ce que certainspays cherchent à limiter les infor-mations transmises.Enfin, le monde est vaste et latransparence fiscale promise parle G20 s’arrête à ses portes. «Aucunengagement n’a été pris pour impli-quer les pays en développement dansle processus de négociation de nou-velles règles fiscales», regrette Ox-fam. C’est pourtant là que le pro-blème est le plus aigu. En Afrique,l’évasion fiscale due aux multina-tionales via le mécanisme des prixde transfert représente 2% du PIB,note l’ONG. Soit la moitié des bud-gets publics consacrés par les gou-vernements africains à la santé.•

Par NICOLAS CORIet GRÉGOIRE BISEAU(envoyé spécial à Saint­Pétersbourg)

«Nul engagement n’a été pris pourimpliquer les pays en développementdans le processus de négociation.»Oxfam

ANALYSE

17000milliards d’euros, c’est lemontant des avoirs financierscachés dans les paradis fiscaux,selon le Fonds monétaire inter­national et la Banque mondiale.

w Mars 2009 Le G20 de Londresdemande à l’OCDE de dresserdes listes de paradis fiscaux.w Avril 2011 Au G20 de Cannes,les listes sont vides, les paradisfiscaux ayant signé des accordsde coopération.

w Février 2013 La Suisse et lesEtats­Unis signent l’accord Fatca,qui prévoit un échange d’infor­mations fiscales.w Juillet 2013 L’OCDE adoptele projet BEPS sur la fiscalitédes multinationales.

REPÈRES «Il s’agit du pas le plusimportant en cent ansvers une plus grandecoopération fiscalede nos pays.»Vladimir Poutine à proposdu plan d’action de l’OCDE

LA LUTTE CONTRE LES FRAUDEURS

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LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 201314 • ECONOMIE

Page 39: Liberation Des 07 Et 08.Septembre

«Comme les effortssont encore devantnous, les décisionsdifficiles sont encoredevant nous.»Le patron d’Alcatel­Lucent,Michel Combes annonçant,vendredi sur BFM­Business,de nouvelles réductionsde coûts «à l’automne» ausein de l’équipementiertélécom en difficulté

Le site d’Aulnay­sous­Bois, en avril, dont la fermeture est prévue en 2014. PHOTO AFP

PÉTROLE La compagnie bri-tannique Shell va présenterune nouvelle campagne deforages au large de la Guyane,a-t-elle annoncé vendredi.La première, qui doit s’ache-ver au mois de décembre,s’est révélée décevante. Lequatrième forage, qui s’étaitarrêté début août, n’avait eneffet pas révélé la présence depétrole.

VOITURES Le marché auto-mobile européen a «quasi-ment atteint un point bas»après plusieurs années decrise aiguë, a déclaré ven-dredi à Berlin le patron deFord, Alan Mulally. Il s’est ditconfiant dans le redémarragedu marché, mais estime qu’ily a «encore des surcapacitésen Europe». Comprendre,trop d’usines.

325suppressions d’emploi (viades départs volontaires)ont été annoncées parle voyagiste TUI Franceaux syndicats vendredi.Un plan de départs de550 salariés sur 1500 avaitdéjà été lancé fin 2011.TUI France, qui regroupeNouvelles Frontières, Mar­mara, Aventuria et la com­pagnie aérienne Corsair,est lourdement déficitairedepuis deux ans.

Par CHRISTOPHE ALIX

Budget 2014:les ménages sollicités,les sociétés ménagées

A J-18 de la présenta-tion du budget 2014en Conseil des minis-

tres, le gouvernement peau-fine son projet de loi le plusimportant de l’année. A larecherche de nouvelles res-sources pour boucler le voletrecettes, il va encore deman-der un effort aux ménages,en ciblant surtout les plusaisés. Tandis que les entre-prises seront épargnées,conformément à l’engage-ment du ministre de l’Eco-nomie, Pierre Moscovici, dene pas augmenter leurs pré-lèvements.

Quelles sont les nichesrabotées ou supprimées?Le gouvernement avait tran-ché avant l’été pour undeuxième rabot d’enverguredu quotient familial (1 mil-liard d’euros d’économies) etla baisse de prestations fami-liales comme la prestationd’accueil jeune enfant (Paje).Il a également acté la sup-pression de réductions d’im-pôts pour frais de scolaritédans le secondaire (61 eurospar collégien et 153 euros parlycéen) bénéficiant à2,2 millions de ménages.Cette mesure sera élargie au1,15 million de contribuablesparents d’étudiants qui bé-néficiaient d’une ristournede 183 euros par enfant sco-

larisé dans le supérieur. Soitune économie de 455 mil-lions au total. Et, selon lesEchos, les 13 millions de sala-riés qui bénéficient d’unecomplémentaire santé vialeur entreprise, soit la majo-rité d’entre eux, pourraientvoir leur avantage fiscal ro-gné. La suppression de l’exo-nération sur la part payée parl’employeur rapporteraitprès de 1 milliard d’euros.

Quels changementspour les entreprises ?Consultées en amont, à ladifférence de l’an dernier,celles-ci verraient leur tauxd’imposition facial sur lesbénéfices ramené de 33,33%à 30%. Les deux taxes assisessur le chiffre d’affaires serontau moins partiellement sup-primées. Le gouvernementplanche sur un nouvel impôtplus représentatif de l’acti-vité réelle des entreprises.Assis sur une ponction(autour de 3%) de l’excédentbrut d’exploitation, il doitdégager quelques milliardssupplémentaires. Il s’agit decompenser à la fois les mesu-res fiscales votées l’an der-nier qui disparaissent, cellesdont le rendement décroît etla baisse de l’impôt sur lessociétés. Le tout sans aug-menter le niveau d’imposi-tion globale. Une gageure.•

DÉCRYPTAGE

L e ton est monté d’uncran du côté syndicaldans les négociations

avec la direction de PSA Peu-geot-Citroën (91000 salariésen France, dont 76000 dansla division automobile). Leconstructeur, en grande dif-ficulté financière, veut fairesigner aux syndicats un ac-cord de compétitivité à basede rabotage des acquis so-ciaux, comme l’a déjà faitRenault. Jeudi, le neuvièmeround de discussions aabordé le volet ultrasensiblelié aux «solutions pour re-dresser le groupe et maintenirdes bases industrielles fortesen France», 41% de la pro-duction étant hexagonale.Fin juillet, le président dudirectoire, Philippe Varin,avait évoqué «une modérationsalariale et une adaptationde la durée de travailhebdomadaire».Gel. Sur la table, il y a dé-sormais l’annualisation dutemps de travail. Et, surtout,les demandes aux salariés enterme de rémunération. Legel des salaires et des aug-mentations individuelles,déjà de rigueur pour 2013,serait reconduit pour 2014.Voire pour plus longtemps,sur 2015 et 2016, en fonctionde l’évolution de la situationdu groupe. Mais c’est l’amé-nagement, voire la suppres-sion, de diverses primes is-sues d’accords internes àPSA qui exaspèrent les orga-nisations syndicales. On de-mande aux salariés de faireleur deuil d’avantages mai-

son, supérieurs aux minimade la convention collectivede la métallurgie.Ainsi, selon les syndicats,sont envisagés la suppressionde la prime d’anciennetépour les salariés ayant plusde vingt ans dans l’entre-prise (7,5%), celle de la ma-joration du samedi de 45%qui existe depuis 1999, et labaisse des bonus horairespour les équipes de nuit(de 18% à 15%). «Ces troispoints ne sont pas discutables.On ne peut pas jouer avec larémunération comme ça», es-time Christian Lafaye, délé-gué central FO PSA, qui sedit par ailleurs convaincu

qu’il y a «des choses à concé-der pour remettre l’entreprisesur les rails».Si la CFE-CGC prend bonnenote que le salaire de base etle treizième mois pour lesouvriers et les techniciens etagents de maîtrise (TAM)sont maintenus, elle affirmequ’elle s’opposera à la sup-pression de la prime de ren-trée (187,20 euros en 2013).«Voici deux ans que, chezPSA, le pouvoir d’achat n’estplus maintenu, pas question depasser de la modération à labaisse», ajoute le syndicatqui demande des «contre-parties en terme d’investisse-ments et d’emplois pérennes».

Car, à ce stade, aucune préci-sion n’a été donnée aux syn-dicats sur les contreparties àd’éventuels aménagementssalariaux. Ceux-ci réclamentla garantie du maintien dessites et des volumes fabriquésen France. Mais aussi, une«limitation dans le temps desefforts demandés», autant deconditions prévues dans la loisur la sécurisation de l’em-ploi, en vigueur depuisle 1er juillet.«Tract». Dès vendredi après-midi, la CGT tenait réunion àMontreuil et fomentait un«plan de bataille» contre«une attaque en règle contreles salariés». «La direction de

PSA prétend éco-nomiser 100 mil-lions sur leur dosalors qu’elle n’apas hésité à voter,lors de l’assembléegénérale des ac-

tionnaires d’avril 2013, uneopération en Bourse de rachatsuivi d’annulation d’actions de340 millions d’euros !» s’in-surge-t-elle dans un com-muniqué. «Nous allons distri-buer des tracts dès lundi matindans tous les sites», expliqueJean-Pierre Mercier, déléguécentral CGT, «pour appeler àmanifester dans la rue notreopposition mardi», date dela journée d’action sur les re-traites organisée par la CGT,FO, Solidaires et la FSU. Le11 septembre, la prochaineréunion de négociation dunouveau contrat social à PSApromet d’être tendue.

FRÉDÉRIQUE ROUSSEL

«Voici deux ans que, chezPSA, le pouvoir d’achatn’est plus maintenu.»Le syndicat CFE­CGC

PSA: lesaccordsinternessoustensionsAUTOMOBILE Le constructeur veut adopter un pactede compétitivité qui inquiète les syndicats.

+1,06 % / 4 049,19 PTS1 434 301 040€ -45,03%

CAP GEMINIEDFLAFARGE

Les 3 plus fortesGEMALTOVEOLIA ENVIRON.MICHELIN

Les 3 plus basses

+0,22 %14 970,21+0,21 %3 666,60+0,23 %6 547,33-1,45 %13 860,81

Parfois, les dessins endisent plus que les écrits.Dans le Bonheur autravail?, choix a été faitd’alterner dessins depresse et textes d’experts,autour de thèmes commele recrutement, la paritéhommes­femmes, la diver­sité, le management, ouencore les restructura­tions… De l’orientationprofessionnelle jusqu’à laretraite, le livre retraceles étapes d’un parcoursde vie au travail. La viede l’entreprise tout enhumour, parfois grinçant,entrecoupée de signaturescomme celles de DanièleLinhart, François Vatin,Serge Volkoff, Yves Clot,Philippe Askenazy… Avec,pour chaque thème, unpetit résumé, en chiffres,du sujet abordé. Instructifet amusant.«Le bonheur au travail?»éditions le Cherche midi,176pp., 17euros.

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LE LIVRE

LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013 ECONOMIEXPRESSO • 15

Page 40: Liberation Des 07 Et 08.Septembre

Cinquanteansdanslesjantespourl’écurieMcLaren

Le prestigieux constructeur de F1 fête dimanche, à Monza, son demi-siècled’existence, mais peine à retrouver sa gloire de la fin des années 80.

A Monza, théâtre du der-nier Grand Prix euro-péen de la saison, et pourcommémorer le 50e an-

niversaire de l’équipe McLaren,une spectaculaire fresque a étépeinte sur la structure d’accueil dela formation britannique. Tous lespilotes sacrés champions du monde

au volant d’une mono-place du constructeury figurent. S’y côtoient

donc, sous le regard du Néo-Zélandais Bruce McLaren, créateurde la marque, le Brésilien EmersonFittipaldi, le Britannique JamesHunt, l’Autrichien Niki Lauda, leFrançais Alain Prost, le BrésilienAyrton Senna, le Finlandais MikaHäkkinen et l’Anglais Lewis Ha-milton. Manquent toutefois les45 autres pilotes qui ont eu le privi-lège de participer à au moins unGrand Prix au volant d’un bolide del’équipe la plus prestigieuse et aussila plus capée après Ferrari.La formation anglaise totalise en

effet 182 victoires pour 734 GrandPrix disputés depuis 1966, annéede ses débuts dans le championnatdu monde de Formule 1. Autant desuccès agrémentés de huit titresconstructeurs, et surtout de douzetitres pilotes, ceux qui font la re-nommée d’une équipe de F1.

FÉMURS. L’histoire de McLaren sedivise en trois chapitres. Le premiera donc été écrit par Bruce McLaren,né à Auckland, qui se rêvait joueurde rugby, mais qu’une décalcifica-tion des têtes des fémurs condamnaà passer plusieurs semaines à l’hô-

pital. Il y organisa des courses dechaises roulantes. Adolescent,McLaren fit de brillantes étudesd’ingénieur en mécanique en at-tendant de pouvoir passer son per-mis de conduire.

C’est en 1958, à l’occasion d’unecourse annexe lors d’un Grand Prixen Nouvelle-Zélande, que Bruce sefit remarquer par l’Australien JackBrabham, le champion australienqui allait devenir son mentor. Unefois en F1, dès 1959, le jeune McLa-ren ne fut jamais satisfait de con-duire une voiture dont il n’avait passupervisé la construction. Très vite,il décide de créer une équipe decompétition qui porte son nom, leMcLaren Motor Racing, qui voit lejour en 1963. Il faut attendre 1966pour découvrir la première McLa-ren de F1. Avec sa couleur orange

–attribuée à la Nouvel-le-Zélande dans le sportautomobile –, elle estreconnaissable entretoutes.Au cours de l’été 1968,en Belgique, le Néo-Zélandais remporte sa

quatrième et dernière victoire enGrand Prix. Mais ce succès sur letoboggan de Spa vaut tous lesautres. Il rejoint ainsi dans les livresd’histoire Jack Brabham, qui s’étaitlui aussi imposé sur une machine

portant son nom. Pas grisé par cesuccès, Bruce McLaren songe à seconsacrer à plein temps à son rôlede patron d’équipe. Mais il se tue auvolant de l’une de ses voitures àGoodwood (Angleterre), au mois dejuin 1970, à l’âge de 33 ans.S’ouvre alors dans la douleur ledeuxième chapitre, lorsque TeddyMayer, qui avait participé à la créa-tion de l’écurie, décide de poursui-vre l’aventure. Mayer se montre

convaincant dans le domainecommercial et dans la chasse auxsponsors, ayant eu la sagesse delaisser la partie technique à desspécialistes. Sous sa férule, deuxpilotes McLaren sont sacrés, Emer-son Fittipaldi en 1974 et James Hunten 1976.

DUEL. C’est pourtant le troisièmechapitre qui reste à ce jour le plusglorieux. En 1980, Teddy Mayer estécarté et remplacé par l’ancien mé-canicien Ron Dennis. Cet Anglaisaustère et paranoïaque imposediscipline et rigueur à tous les ni-veaux. Il démontre que, pour réus-sir dans la F1 moderne, l’aspectmarketing est au moins aussi im-portant que la technique. Il engageles meilleurs ingénieurs et techni-ciens, les meilleurs commerciauxet, surtout, les meilleurs pilotes.Niki Lauda et Alain Prost sont cou-ronnés en 1984, 1985 et 1986 surdes McLaren-Porsche, avant queRon Dennis s’unisse au motoristeHonda et ose associer le FrançaisAlain Prost à l’ambitieux BrésilienAyrton Senna. Ce sera le duel le plusextrême qu’ait donné à voir la F1avec, à son apogée, 15 victoiressur 16 Grand Prix en 1988, quatretitres mondiaux d’affilée pourSenna et Prost entre 1988 et 1991, etaussi une rivalité que la brève asso-ciation opposant Fernando Alonsoà Lewis Hamilton remettra au goûtdu jour en 2007.Ce millésime est toutefois restécomme une «annus horribilis»pour le team McLaren, celui-ciayant été convaincu d’espionnageet condamné à payer une amenderecord de 100 millions de dollars,sans oublier son exclusion duchampionnat des construc-teurs 2007. Sur le strict plan spor-tif, l’année 2013 s’annonce toutaussi douloureuse. Pour l’instant,les McLaren-Mercedes de l’AnglaisJenson Button et du Mexicain Ser-gio Perez n’ont pas remporté lamoindre course. Et il faut remonterà 2006 pour trouver un champion-nat vierge de victoire pour l’écurieMcLaren. L’espoir d’en obtenir unelors des huit courses restant à dis-puter cette année est faible.Concernant le chapitre suivant, ilfaudra attendre 2015 et la nouvelleassociation de McLaren et Honda.Difficile de prédire s’il sera aussifructueux que le précédent et per-mettra d’ajouter le nom d’un nou-veau champion du monde à la listedes glorieux aînés. •

Par LIONEL FROISSARTEnvoyé spécial à Monza (Italie)

L’année 2013 s’annoncedouloureuse. Pour l’instant,l’Anglais Jenson Button etle Mexicain Sergio Perez n’ontpas remporté la moindre course.

RÉCIT

GP D’ITALIECircuit de MonzaDimanche, 14 heures

Sour

ce :

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LONGUEURTOUR

NOMBREDETOURS

COURSE

VAINQUEUR

5,793 km

53

306,72 km

Lewis Hamilton(McLaren-Mercedes)

REPÈRES

Bruce McLaren (première monoplace), fondateur de l’écurie, le 9 juin 1968 à Spa, en Belgique. PHOTO RAINER SCHLEGELMILCH. GETTY IMAGES

LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 201316 • SPORTSThink-Geek.net

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520,9millions d’euros, c’est le chiffre d’affaires annoncépar le Real Madrid pour l’exercice 2012­2013, restantà être soumis à son assemblée générale. Pour ladeuxième année consécutive, le club espagnol dépassela barre des 500 millions, qu’il est le seul à avoir franchisur la planète football.

CYCLISME Sandy Casar,34 ans, a décidé de mettre unterme à sa carrière pro. Lecoureur de la FDJ.fr aura no-tamment gagné trois étapesdu Tour de France. PHOTO AFP

FOOTBALL Le Mans FC a étérelégué en CFA par la com-

mission d’appel de la Direc-tion nationale du contrôle degestion. Le club sarthois, en-detté à hauteur de 14,4 mil-lions d’euros, a égalementété placé en redressementjudiciaire.

RUGBY Avec trois défaites enquatre rencontres de Top 14,Biarritz doit se réveiller. LesBasques n’auront pas la tâchefacile dimanche face à Toulonet sa pléiade de stars.La 5e journée de Top 14Dimanche, 15 h 30 : Mont-pellier-Toulouse. 18 heures:Oyonnax-Castres, Racing-Métro-Perpignan, Biarritz-Toulon, Brive-Bayonne, Gre-noble-Bordeaux-Bègles ;21 heures : Stade Français-Clermont.

Sous le mandat du sélectionneur du XV de France PhilippeSaint­André, l’avenir de François Trinh­Duc s’est assombri.Le demi d’ouverture de Montpellier, 26 ans et 48 capes aucompteur, n’a pas été retenu dans la liste des 30 joueursqui participeront au stage de préparation à la tournéed’automne (Nouvelle­Zélande, Tonga, Afrique du Sud auprogramme). Encore utilisé fin 2012 et lors du Tournoi dessix nations, il semble que le staff tricolore ne comptedésormais plus sur lui. Patrice Lagisquet, entraîneur desarrières: «Ce n’est pas tant la question des performancesdu joueur. On a plus misé sur la continuité du travail avecdes gens comme Camille Lopez [Perpignan, ndlr] et RémiTalès [Castres], qui ont été intéressants pendant la tournéeen juin.» Durant les test­matchs en Nouvelle­Zélande, Trinh­Duc avait été mis au repos. Et durablement rétrogradédans la hiérarchie nationale. PHOTO AFP

FRANÇOIS TRINH­DUC PASSEÀ LA TRAPPE DU XV DE FRANCE

LES GENS

«Le discours du FC Barcelone a été difficileà comprendre. En affirmant que mondépart était un choix professionnel, il a misle doute aux autres clubs. Ce n’était mêmepas une histoire d’argent. Tous les mois oùj’étais malade [greffe du foie au printemps2012, ndlr], le Barça ne m’a pas payé.»Eric Abidal défenseur de l’AS Monaco, à l’Equipe

Plus personne n’arrêteStanislas Wawrinka àl’US Open. Après s’êtredébarrassé du tennismantchèque Tomas Berdych(numéro 5 mondial) en hui­tième de finale, le Suissen’a fait qu’une bouchée duBritannique tenant du titre,Andy Murray. Le numéro 3mondial n’a pas vu uneseule fois la lumière durantla rencontre et s’est inclinéen trois sets secs (6­4, 6­3,6­2). C’est la première foisde sa carrière que Stanis­las Wawrinka atteint lesdemi­finales d’un tournoidu Grand Chelem.Emmené par un magnifi­que revers, le natif deLausanne peut encorefaire des dégâts.Le numéro 1 mondial,Novak Djokovic devra doncfaire attention. PHOTO AFP

WAWRINKA,L’AUTRE SUISSEDU TENNIS

LA PERF

Vent de panique pour l’undes grands du basketeuropéen. A l’Euro, enSlovénie, l’équipe nationaleturque se retrouve déjàau pied du mur aprèsdeux défaites inauguraleset inattendues, face à lamodeste Finlande, puiscontre une formationitalienne diminuée par lesabsences. Une surprisetotale concernant lesvices­champions du monde(en 2010), arrivés au bordde l’Adriatique avec leurtrio de stars estampilléesNBA, Hidayet Turkoglu,Ersan Ilyasova (photo) etOmer Asik. Si la Turquie nes’impose pas lors de sestrois prochains matchs(Grèce samedi soir, Suède,puis Russie… autant direque la tâche s’avère peuaisée), elle ne verra pasle Mondial espagnol de l’anprochain. Un mini­séisme.PHOTO AFP

LE BASKETTURC DANS UNEMAUVAISE PASSE

LE BIDE

Encore un nul pour les Bleus. Vendredi, à Tbilissi, l’équipe de France a été accrochée(0­0) par une valeureuse formation géorgienne menée par le capitaine Jaba Kankava(qui évolue en club au FC Dnipro Dnipropetrovsk) pour les qualifications en vue de laCoupe du monde 2014, qui se tiendra au Brésil. Mais la sélection hexagonale reste tou­jours seconde de son groupe, derrière l’Espagne, championne du monde (et d’Europe)en titre. C’est le cinquième match sans victoire pour les hommes de Didier Deschamps,c’est la 1218e minute de jeu en bleu de l’attaquant Karim Benzema sans marquer. Mardi,c’est à Gomel –contre les Biélorusses– que les Tricolores joueront. PHOTO AFP

FOOTBALL LA FRANCE, STÉRILE EN GÉORGIE

Madrid,IstanbulouTokyo?FaitesvosJeuxJO Le CIO désignera la ville hôte de 2020 samedi.

A la veille du vote duComité internationalolympique (CIO), ce

samedi, pour désigner laville hôte des Jeux de 2020,c’est l’heure des ultimestractations dans les couloirsde l’hôtel Hilton de Bue-nos Aires. Les pronosticspour les trois villes encore enlice, divulgués par les socié-tés de paris britanniques,donnaient Tokyo favori– malgré les nouvelles in-quiétantes venues de la cen-trale de Fukushima–, devantMadrid et Istanbul, tousdeux un peu derrière (1,66contre 3,75 et 4,00).Cette cote laissait cependantles médias japonais per-plexes, puisque le souvenirdes défaites face à Lon-dres 2012 puis Rio 2016 estencore très présent. Le quo-tidien Yomiuri Shimbun arappelé que par le passé,Paris et Chicago, pourtantdonnés largement favoris,avaient été éliminés au pre-mier tour… Le Yukan Fujiparlant même de «malédic-tion».Robot. Les Japonais ontmisé sur l’innovation high-tech, expédiant un robot àBuenos Aires et invitantle comité olympique à«découvrir demain». La mé-galopole japonaise, qui pos-sède l’avantage d’avoir déjàorganisé les JO en 1964, affi-che des partenaires de renom

et des finances conséquen-tes, puisque 3,4 milliardsd’euros ont déjà été placéspour financer l’organisation.Cela pourrait rassurer quel-que peu le CIO qui com-mence à s’inquiéter pour lebon déroulement des Jeuxde 2016 à Rio de Janeiro, àcause du retard pris dans lestravaux de construction dessites. Tokyo prévoit aussi deréutiliser une partie des in-frastructures qui avaientservi en 1964 pour n’en bâtirque la moitié sur le front demer, en espérant que la na-ture laisse un peu de répit àun pays en pleine restrictionbudgétaire depuis la catas-trophe de Fukushima.Derrière la candidature japo-naise, Madrid a effectué ré-cemment un retour dans lacourse à l’Olympe. La villeespagnole, qui a reçu le sou-tien du pilote de F1 FernandoAlonso, mais aussi celui dufootballeur Lionel Messi, seprésente pour la troisièmefois. La crise n’a pas aidé et lepays tout entier s’est serréles coudes pour présenter unprojet viable et modeste. Levrai moteur de Madrid resteles incroyables résultats dusport espagnol depuis unedizaine d’années.La troisième ville candidatepourrait créer la surprise. Etreprésenterait un grand parisur la stabilité de toute unerégion dans sept ans. Dési-

gner Istanbul serait l’occa-sion de donner l’organisationdes JO pour la première fois àun pays peuplé majoritaire-ment de musulmans, une dé-cision qui intervient en pleinconflit syrien et, surtout,après le grand mouvement decontestation sociale qu’avécu la Turquie avant l’été.La violence de la répressionpourrait influencer le CIO. Ilest clair qu’une victoire decette candidature à chevalentre l’Europe et l’Asie seraitune énorme victoire pour lePremier ministre turc, RecepTayyip Erdogan.Coût. Mercredi lors de saconférence de presse, le pré-sident du comité olympique,Jacques Rogge, s’est biengardé d’émettre tout com-mentaire. Mais le Belge, quicédera son poste mardi, a ce-pendant rappelé qu’il fallait«garder à l’esprit que la déci-sion n’est pas basée sur la si-tuation d’aujourd’hui mais surce qu’elle pourra être danssept ans». Côté coût, la can-didature de Madrid est deloin la moins onéreuse(3,9 milliards d’euros envi-ron), contre 6,3 milliardspour Tokyo et 16,9 milliardspour Istanbul.Dans chacune de ces troisvilles, des festivités ontété organisées. Le résultatdevrait être connu vers22 heures samedi.

DINO DI MEO (avec AFP)

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CalmePeu agitée

AgitéeAverses Pluie

Éclaircies

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LLEE MMAATTIINN Temps perturbé des Pyrénéesau golfe du Lion en remontant vers lenord-est avec des pluies localementorageuses.

LL’’AAPPRRÈÈSS--MMIIDDII Reprise de l'instabilité ora-geuse du golfe du Lion au Massif centraljusqu'au nord-est. Plus calme au nord-ouest et en PACA.

-10°/0° 1°/5° 6°/10° 11°/15° 16°/20° 21°/25° 26°/30° 31°/35° 36°/40°

FRANCE MIN/MAX

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FRANCE MIN/MAX

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SAMEDI

Axe orageux marqué sur la façade est,risque d'intempéries en Méditerranée.Mieux vers la Bretagne.

DIMANCHE Petite accalmie entre deux pertur-bations. Ciel variable, encore un risqueorageux sur l'extrême sud-est.

LUNDI

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LIBÉRATIONwww.liberation.fr11, rue Béranger 75154 Pariscedex 03 Tél. : 01 42 76 17 89 Edité par la SARLLibération SARL au capital de 8726182 €.11, rue Béranger, 75003 ParisRCS Paris : 382.028.199Durée : 50 ans à compter du 3 juin 1991. CogérantsNicolas DemorandPhilippe Nicolas Associée unique SA Investissements Presseau capital de 18 098 355 €.

Directoire Nicolas DemorandPhilippe Nicolas Directeur de la publication Nicolas Demorand Directeur de la rédactionFabrice Rousselot

Directeurs adjoints de la rédactionStéphanie AubertSylvain BourmeauEric DecoutyFrançois SergentAlexandra SchwartzbrodDirectrice adjointede la rédaction,chargée du magazineBéatrice VallaeysRédacteurs en chefChristophe Boulard(technique) Gérard LefortFrançoise-Marie Santucci(Next)Directeurs artistiques Alain BlaiseMartin Le ChevallierRédacteurs en chefadjoints Michel Becquembois(édition)Jacky Durand (société)Olivier Costemalle et Richard Poirot(éditions électroniques)Jean-Christophe Féraud (éco-futur)Luc Peillon (économie)Nathalie Raulin (politique)

Mina Rouabah (photo)Marc Semo (monde)Bayon (culture)Sibylle Vincendon etFabrice Drouzy (spéciaux)Pascal Virot (politique)Directeur administratif et financierChloé NicolasDirectrice de lacommunication Elisabeth LabordeDirecteur commercial Philippe [email protected] dudéveloppement Pierre Hivernat

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LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 201318 • JEUX­METEO

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A LA TELE SAMEDI20h50. Muriel Robinfait son show.Spectacle présenté parNikos Aliagas.23h20. Les experts :Manhattan.Série américaine :Toilettes funèbres,Madame X,Les empreintes dupassé.Avec Gary Sinise,Mélina Kanakaredes.1h50. L’empreinte ducrime.

20h45. Le plus grandcabaret du monde.Divertissementprésenté par Patrick Sébastien.22h55. On n’est pascouché.Divertissementprésenté par Laurent Ruquier.1h55. Météo.2h00. Concert unique :Jean-Louis Aubert.Spectacle.3h20. Thé ou café.

20h45. Enquêtesréservées.Série française :Cœur sanglant,Mauvaise rencontre.Avec Jérôme Anger,Yvon Back.22h50. La nouvelleMaud.Téléfilm français :L’été des rumeurs(1 & 2/6).Avec Emma Colberti.0h35. Appassionata.Spectacle.

20h55. Jason Bourne :l’héritage.Film d’aventuresaméricain de TonyGilroy, 135mn, 2012.Avec Jeremy Renner,Rachel Weisz.23h05. À poil... mais stylé.Documentaire.23h55. Du hard et du cochon. Magazine.0h00. Le journal du hard.

20h50. Les chars despharaons.Une révolution duNouvel Empire.Documentaire.21h40. Les énigmes du sphinx.Documentaire.22h45. T-shirt stories.Cotton, art & fun.Documentaire.23h45. Tracks.Magazine.0h35. Au coeur de lanuit.

20h50. FBI : Duo très spécial.Série américaine :Décrocher la Lune,Faussaire contrefaussaire,Le secret de l’empireState Building,Le combat final,À l’école des voleurs,Vengeance ou justice.Avec Matthew Bomer.1h45. Supernatural.Le pénitent.Série.

20h45. Teen wolf.Série américaine :Meute contre meute,L’art de la guerre,Sous contrôle,L’imagination et lesavoir,La lune des vers.Avec Adam Fristoe,Daniel Sharman.0h05. Doctor Who.Londres 2012.Série.0h50. Le printemps deBourges 2012.

20h35. Échappéesbelles.Québec, le chant de lanature.Magazine présenté parJérôme Pitorin.22h05. Entre terre et ciel.Au pays berbère.Documentaire.23h00. À vous de voir.En haut du mur .Documentaire.23h25. Dr CAC.23h55. Nus & culottés.

20h40. La revue depresse.Le meilleur de LaurentGerra.Divertissementprésenté par Jérôme De Verdiere.22h45. Elie Semoun etses amis.Spectacle.0h50. Paris dernière.Best of sexy.Magazine.1h40. Paris dernière.Magazine.

20h50. FlorenceLarrieu, le juge est une femme.Téléfilm français :Danse avec la mort.Avec Florence Pernel,Frédéric Diefenthal.22h40. Alice Nevers, le juge est une femme.Mort en salle,Mort d’une fille modèle.téléfilm.3h10. Poker.Jeu.

20h45. New Yorksection criminelle.Série américaine :Tout pour elle,Jouer n’est pas tuer,Secret de famille.Avec Vincent D'Onofrio.23h25. 90’ Enquêtes.Alcool, vitesse,accidents : quand lesautomobilistesprennent tous lesrisques. Magazine.1h05. 90’ Enquêtes.

20h50. Les Simpson.Touche pas à mon rein,Homer garde du corps,La graisse antique,La dernière inventiond’homer,Lézards populaires,Simpson Horror ShowIX.Série.23h20. Relookingextrême.3 épisodes.Divertissement.1h55. Météo.

20h45. Fort Boyard.Jeu présenté parOlivier Minne.22h35. Fort Boyard.Jeu présenté parOlivier Minne.0h25. Les Parent.Fric, frasques, troc,Dehors novembre.Série.1h15. Les Parent.2 épisodes.Série.2h00. Tendresagneaux.

20h50. Femmes de loi.Téléfilm français :Une occasion en or.Avec Natacha Amal,Noemie Elbaz.22h30. Femmes de loi.Crime passionel.Téléfilm.0h15. Femmes de loi.2 épisodes.Téléfilm.2h00. Touche pas àmon poste !Divertissement.

20h45. L’affaire Van Aken.Téléfilm américain.Avec Steven Seagal,Max Ryan.22h25.Le roi scorpion 3- Combat pour larédemption.Téléfilm de Roel Reiné.Avec Billy Zane, Ron Perlman.0h10. Man vs Wild :seul face à la nature.Documentaire.

20h50.Le zap Direct Star.Divertissement.22h20.Le zap.Divertissement.23h50. Star story.Tout le monde il est B.O.Documentaire.0h50. Top rock.Musique.1h50. Nuit live.

DIMANCHE20h50. Déjà vu.Thriller de Tony Scott,126mn, 2006.Avec DenzelWashington, Paula Patton.23h10. Les experts.Série américaine :Recette pour unmeurtre,À vue d’oeil,Tous coupables.Avec William Petersen.1h35. Dexter.Série.

20h45. Le premier jourdu reste de ta vie.Comédie dramatiquefrançaise de RemiBezancon, 114mn, 2008.Avec Jacques Gamblin,Zabou Breitman.22h35. Faites entrerl’accusé.Robert Le Dinh, le « Saint élu » et sesadeptes.Magazine.0h10. Météo Outre-mer.

20h45. CommissaireMontalbano.Série italienne :Une voix dans la nuit,La danse de la mouette.Avec Katharina Böhm,Peppino Mazzotta.23h55. Météo.0h00. Soir 3.0h25. L’assassin sansvisage.Film.1h25. Appassionata.La source.Musique.

21h00. Rugby : Stade Français / ASM Clermont.5e journée duTop 14.Sport.23h00. Jour de rugby.Sport présenté parIsabelle Ithurburu.23h45. Journal desjeux vidéo.0h05. Le guetteur.Film.1h30. Une éducationnorvégienne.Film.

20h45. Tess.Drame de RomanPolanski, 165mn, 1979.Avec Nastassja Kinski,Leigh Lawson.23h30. Un espion à Pékin.Documentaire.0h25. La fintagiardiniera.W. a. Mozart.Spectacle.3h15. Philosophie.Surhomme.Magazine.

20h50. Capital.Des produits toujoursmoins chers :révélations sur leurssecrets de fabrication.Magazine présenté parThomas Sotto.23h00. Enquêteexclusive.Chef de guerre,djihadiste, hommed'affaires : des françaisau cœur de la guerresyrienne.Magazine.

20h45. Total recall.Film fantastiqueaméricain de PaulVerhoeven, 110mn, 1990.Avec ArnoldSchwarzenegger,Sharon Stone.22h30. Fight club.Drame américain deDavid Fincher, 135mn,1999.Avec Brad Pitt, EdwardNorton.0h45. Le fantôme demon ex.

20h35. Les travers du porc.Documentaire.21h30. écho-logis.Les échos de l’eau.Documentaire.22h00. Le sauvetagedes enfants juifs 1938-1945.Documentaire.22h55. La grandelibrairie.Magazine.23h55. Fourchette &sac à dos.

20h40. La véritablehistoire de Jackl’éventreur.Téléfilm de DavidWickes :1 & 2/2.Avec Michael Caine,Jane Seymour.0h10. Jack l’éventreur :portrait d’un tueur.Documentaire.1h05. Paris dernière.Magazine.1h50. Programmes denuit.

20h50. Apparences.Thriller américain deRobert Zemeckis,130mn, 2000.Avec Harrison Ford,Michelle Pfeiffer.23h10. Half light.Thriller de CraigRosenberg, 110mn,2005.Avec Demi Moore,Henry Ian Cusick.1h15. Tellement Vrai.Magazine.

20h45. New Yorkpolice judiciaire.Série américaine :Mis au secret,La mauvaise graine.Avec Sam Waterston,Jesse L. Martin.22h25. New York police judiciaire.Le négociateur.Série.23h15. Coucou c’est nous !Les moments cultes.Divertissement.

20h50. Lie to me.Série américaine :Casino Royale,La bombe humaine,La quête de la vérité.Avec Tim Roth, Kelli Williams.23h15.Lie to me.Raison d’État,Casino Royale.Série.1h05. Météo.1h10. Programmes denuit.

20h45. Diabolomenthe.Comédie dramatiquefrançaise de DianeKurys, 97mn, 1977.Avec ÉléonoreKlarwein, Odile Michel.22h20. L’instit.Téléfilm français :A quoi ça sertd’apprendre ?Avec Gérard Klein.23h55. Ma sorcièreBien aimée.Série.

20h50. InspecteurLavardin.Policier français deClaude Chabrol,100mn, 1986.Avec Jean Poiret.22h40. En quêted’actualité.Soleil, plages etcombines : la facecachée de la Corse.Documentaire.0h20. Langue de boiss’abstenir.

20h45. Confessionsintimes.Magazine présenté parChristophe Beaugrand.22h35. Confessionsintimes. Magazine0h05. Mini-Miss, quisera la plus belle ?Documentaire.1h45. Les nouvellesfilles d’à côté.2 épisodes.Série.

20h50. Les justiciers.Série américaine :Le coup de SanLorenzo,Le coup du camp debase,Le coup du polar.Avec Christian Kane,Gina Bellman.23h20. Échange tabou.Téléfilm.1h00. Nuit live.Musique.

TF1

ARTE M6 FRANCE 4 FRANCE 5

GULLIW9TMCPARIS 1ERE

NRJ12 D8 NT1 D17

FRANCE 2 FRANCE 3 CANAL +TF1

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GULLIW9TMCPARIS 1ERE

NRJ12 D8 NT1 D17

FRANCE 2 FRANCE 3 CANAL +

ZygomatiqueFrance 5, 20h35Notre combat contre lestitres nazes des docus deFrance 5 porte ses fruitsavec les Travers du porc,et en plus le docu est bien.

ZyeutezNuméro 23, 22h35Certes, ça date et c’estde la redif, mais la sérieThe Killing, dans sa versionoriginale danoise, c’estde la balle atomique.

ZarzuelaArte, 23h30Amusant, ce doc sur le vraiM. Butterfly, un Françaisdevenu Espion à Pekin paramour pour une femmequi était en fait un homme.

LES CHOIX

Zzzz… Zzzz…Numéro 23, 9 heuresPasser l’excellente sérieCommunity (saison 3)à 9 heures du mat et en VF,simple, c’est une incitationau téléchargement.

ZigotosM6, 17h25Il faut bien qu’on l’avoue,Norbert et Jean: le défiavec les deux zigotos exde Top Chef, ça nous fait unpeu rire. Surtout Norbert.

ZazFrance 2, 22h55On va essayer de prendredes précautions pour vousl’annoncer, asseyez­vous:pour sa rentrée, On n’estpas couché a invité Zaz.

LES CHOIX

LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013 ECRANS&MEDIAS • 19

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Bon vent,

L a cérémonie desadieux pour le trésornational vivant,Hayao Miyazaki,

s’est déroulée dans le cadrepas très sexy, ni particulière-ment noble, d’une salle deconférence de presse à Tokyoavec micro et bouteilles d’eauminérale. Donc, c’est dit,juré, craché, vendredi matin(en France) devant un par-terre de journalistes: le maî-tre de l’animation prend belet bien sa retraite et range lescrayons, à l’âge de 72 ans. Laprimeur de cette annonceavait été accordée dimanchedepuis la Mostra de Venise, àl’actuel président du StudioGhibli, Koji Hoshino, lors dela projection du dernierchef-d’œuvre de Miyazaki encompétition officielle, Le ventse lève (qui sort en France le15 janvier). Immédiatement,les fans du monde entier sesont émus d’une telle déci-sion sur les réseaux sociaux,qui surprend de la part dequelqu’un qui semblait partipour plutôt se tuer à la tâcheet mourir arc-bouté sur laplanche à dessin.

ORAGEUX. On sait que lemaître n’a jamais voulu lâ-cher d’un iota son contrôleobsessionnel du moindre dé-tail de ses films, dessinantpersonnages, décors, et affi-nant lui-même les effets tou-jours plus éblouissants de sesmises en scène. On dit quepour Princesse Mononoké, ilaurait dessiné lui-mêmejusqu’à 144 000 plans. Etdans un making-of sur laproduction du Vent se lève,on le voit fulminant dans uninvraisemblable bordel decroquis qu’il trace et jette à lapoubelle. Il était question,depuis longtemps déjà, desdouleurs qu’il a dans lesmains, un genre d’arthroserendant sa tâche toujoursplus difficile et torturante ;question aussi des rapportsorageux avec ses collabora-teurs qu’il épuise et brise.Son plus évident fils spiri-tuel, Mamoru Hosoda (Sum-mer Wars, les Enfants loups)se souvient de son bref pas-sage à Ghibli comme d’unecuisante expérience. Appelépour réaliser le Château am-bulant, sur un scénario deMiyazaki, il finira par claquerla porte et quand, en 2012nous l’interrogions sur ses

Princesse Mononoké (2000) et Mon Voisin Totoro (ci­dessous, 1999). PHOTOS THE KOBAL COLLECTION, DENTSU, NIPPON TV ET TOKUMA ENTERPRISES

TRÉSOR Usé pardes années delabeur, le démiurgede l’animationjaponaise se retire,devenant ainsi,de son vivant,un grand classique.

Le Château ambulant (2005). PHOTO STUDIO GHIBLI

Par DIDIER PÉRON

Miyazaki!

SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 201320 •

CULTURE

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affinités avec le maître, ilnous répondait en éclatant derire: «Je suis exactement l’op-posé de Miyazaki ! Pendanttrois ans de production, je neme suis jamais mis en colère etje n’ai eu besoin de hurler surpersonne.» Goro Miyazaki, lefils, le vrai, a eu le courage oul’audace de se mettre à l’éla-boration de dessins animés,très fidèle pourtant à la ligned’un certain classicisme Ghi-bli (tel le mélancolique laColline aux coquelicots) et il arécolté en récompense descommentaires très désobli-geants de son paternel, quiest passé dans son dos pourredessiner des personnages:«Etre réalisateur n’est pas à laportée de tous, il y a un mondeentre vouloir et pouvoir.»Inutile de dire que dans untel contexte, la question de lasuccession de Miyazaki resteouverte, même si la sortieen 2010 d’Arrietty, signé Hi-romasa Yonebayashi, ouvraitsoudain une voie de prolon-gement du style maison,mais en passant outre les né-vroses familiales du leader etcofondateur du studio, lancéen 1985 avec le compagnonde route (et très discret) IsaoTakahata.Il reste à ce jour difficile dedéchiffrer les véritables rai-

sons de cette suspensiond’activités de la part de quel-qu’un qui a signé onze longsmétrages fabuleux, qui figu-rent pour la plupart au rangdes films les plus rentables dubox-office nippon (le Voyagede Chihiro a été vu en salle par23 millions de Japonais).En 2006, le magazine Timedésignait Hayao Miyazaki

comme l’une des person-nalités asiatiques les plusinfluentes des soixante der-nières années.

MICMAC. Or, le deal de dis-tribution internationale avecla maison Disney date seule-ment de 1996, soit dix ansplus tôt. Une décennie aurasuffi à porter Miyazaki aucœur renouvelé de la culturepopulaire et comme uncinéaste de toute premièreimportance aux yeux de lacritique occidentale et amé-ricaine qui ne l’avait, dans samajorité, pas vue émerger, àla fin des années 80, derrièrel’écran de fumée enfantin etle micmac encombré des

mangas. En 2005 MarcoMüller, alors à la tête de laMostra, avait remis à Miya-zaki un lion d’honneur pourl’ensemble de sa carrière, ledésignant comme un «grandcinéaste politique».On ne pouvait être plus justetant sa filmographie aura an-ticipé le désastre écologiquecontemporain (les spores

toxiques dans Nau-sicaä de la vallée duvent, les dieux ani-maux en colèrecontre la déforesta-tion dans PrincesseMononoké) et tra-

vaillé une complexe matièremorale, où rien ne subsistedes trop évidentes opposi-tions entre le bien et du mal.La profondeur mythologiquedes récits et leur actualisa-tion enivrantes dans le rendude l’eau, du vent, des nua-ges, de l’envol, de l’heurebleue des grandes journéesremplies d’aventures, dansl’énergie têtue de ses héros etsurtout de ses héroïnes (plusféministe que Hayao Miya-zaki, non, on ne voit pas !),voilà autant de choses qui,déliées et moelleuses commeune phrase de Proust, nousmettait à chaque fois la têteà l’envers. Une révolution àlui tout seul. •

Miyazaki ne s’est jamais départi d’une cer-taine ironie, vendredi, pour parler de sa fa-tigue, de ses problèmes de vue, de sa lenteurqui retarde le studio dans son planning deproduction: «La vérité est que, d’année enannée, ma concentration diminue – et je lesens.» A 72 ans (il est né en janvier 1941), il

a déclaré qu’il lui avait fallu cinqans pour réaliser Le vent se lève,sorti fin juillet au Japon, et qui aconnu un succès immédiat. «Sije devais penser à un prochain film,il me faudrait six ou sept ans pourl’achever, alors que dans quelquesmois je vais avoir 73 ans. J’enaurais donc 80 à la fin. […] Si je di-

sais que je veux faire [un long métrage], çasonnerait comme un vieil homme qui dit deschoses insensées.» «Etre réalisateur, cela nem’a jamais rendu heureux, mais j’ai été comblétrès souvent quand je créais des dessins ani-més. Etre capable de rendre parfaitement ceque sont l’eau et le vent, cela vous rend heureuxpendant des jours… Mais comme réalisateur,là, il faut donner son avis sur tout. Ce n’est pasbon pour mon estomac.» La nouvelle n’a passuscité de commentaires au Japon, sauf chezles plus sceptiques qui envisagent déjà, dansdeux ou trois ans, un come-back fracassanten forme de surprise du chef!

De notre correspondant à KyotoARNAUD VAULERIN

A un moment de la conférence depresse à Tokyo devant 600 journa-listes, vendredi, il a ôté ses lunettes,

incliné son buste, presqu’au point de collerson visage sur le bureau devant lui: c’étaitpour montrer comment il dessine mainte-nant, les yeux près de la table à dessin. «Cen’est plus pratique. Je préfère meconsacrer à d’autres choses dansles années à venir. Je serai libre.»Après avoir annoncé sa retraite àplusieurs reprises ces dernièresannées, il a insisté pour dire que«cette fois», il était «tout à faitsérieux», qu’une telle conférencede presse «ne se reproduira plusjamais». Puis le préretraité Miyazaki a pré-cisé sa pensée, non sans coquetterie: «Maistant que je pourrai prendre ma voiture pour al-ler au studio, j’irai. Ce que je voudrai faire, jele ferai.» Autrement dit, la tisane et le jardi-nage, ce n’est pas pour demain: «Je voudraisœuvrer au moins dix ans de plus, mais je penseque faire des longs métrages n’est plus montravail. Le repos pour moi ressemble à du tra-vail pour d’autres personnes.» Entre autres,il envisage de travailler sur son Musée Ghi-bli, où il dit que les expositions ont besoind’être rafraîchies: «Je pourrais même devenirune exposition moi-même.»Chemise noire rayée de gris, veste blanche,barbe soignée et cheveux blancs, Hayao

AP

Lors une conférence de presse, vendredi à Tokyo,le cinéaste pince-sans-rire a expliqué sa décision:

«Ma concentration diminue»

Immédiatement aprèsl’annonce, les fans dumonde entier se sont émussur les réseaux sociaux.

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22 • CULTURE

Bongeziwe Mabandlaen juin à Johannesbourg.PHOTO SUZY BERNSTEIN

N’ importe où ailleurs, lascène prêterait au sar-casme, tant elle semblerenvoyer aux pires

clichés du sauvage qu’on exhibepour divertir la galerie. Mais là,dans cette sorte de salle des fêtes deSoweto chauffée à blanc, l’authen-ticité du spectacle ne souffreaucune équivoque: en ce dimancheensoleillé de printemps, une foulebon enfant se presse pour ovation-ner Thomas Chauke, le «roi de latsonga music» qui, de fait, va ravirson auditoire, affublé d’une peau debête et entouré de cinq avenanteschoristes (ses Chaukettes ?) auxaccoutrements non moins bigarrés.Pour qui (mettons 99,9999999% dela population terrestre) ignoreraitce qu’est la «tsonga music», on diraque c’est l’air hymnique du Lim-popo: une variété entraînante où,entre basse, batterie et claviers, laguitare occupe une place de choix.Et pour qui (99,9999999% etc.) nesaurait où situer sur une carte leLimpopo, on précisera qu’il s’agitd’une province de l’extrême nord-est de l’Afrique du Sud, quasi ex-clusivement noire, qui compte plusde 5 millions d’habitants.

SÉQUELLES. Donc, dans son péri-mètre, Thomas Chauke est un ca-dor: trente-deux années d’activité,scandées par autant d’albums or ouplatine en Afrique australe. Maisailleurs, le moghol de l’aubadeshangaan n’existe tellement pasqu’il n’a même jamais pris la peinede sortir de ses frontières. Jusqu’às’accommoder d’un fonctionne-ment autarcique proprement dé-concertant quand, en toute ingé-nuité, il s’enquiert de savoir si «laFrance et le Japon sont deux pays voi-sins» Or, voilà Thomas Chaukeprogrammé en exclusivité interga-lactique dimanche au Festival d’Ile-de-France, dans le cadre d’un pa-norama «Voix d’Afrique du Sud»qui aura l’immense mérite d’éclai-rer le pays au-delà de la vision mu-sicale à laquelle on s’est habitué cesdernières années (grosso modo, unaxe electro-hip-hop autour denoms comme Die Antwoord,Skip&Die, Tumi and the Volume,BLK JKS, Spoek Mathambo…).Découvrir Thomas Chauke àSoweto constitue aussi un raccourciassez saisissant de l’évolution dupays. Le quartier où il folâtre, dansle plus emblématique township dupays, est une vitrine résidentielle (àproximité de la maison qu’habitajadis Nelson Mandela) où une mi-norité noire désormais cossue cir-cule en 4 ×4, tandis que, sur les150 km2 que couvre cette

ARC­EN­CIEL Dimanche dans le Val-d’Oise, un plateau d’artistes presque tous inconnusen France illustrera, entre folk, world et jazz, l’éclectisme de la scène actuelle.

L’Afrique du Sud en bonnes voixPar GILLES RENAULTEnvoyé spécial à Johannesburg

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CULTURE • 23

banlieue de Johannesburg, ilexiste toujours un Soweto périlleuxoù mieux vaut ne pas s’aventurer.Quant à la star du Limpopo (là-bas,on l’appelle «prophète»), si elle n’a

jamais voyagé, c’est sans douteaussi parce qu’une bonne partie desa carrière s’est faite sous le régimede l’apartheid où, ayant grandi«dans une famille modeste sans édu-cation», l’espoir d’une reconnais-sance autre que communautaireéquivalait à epsilon.

CACHE­CACHE. Thomas Chaukerelate volontiers son itinéraire,mais quand on lui parle du présent,il préfère s’enferrer dans un déniqui trahit les séquelles du passé.«Aujourd’hui, notre société va trèsbien !» affirme-t-il. Malgré l’insé-curité? La corruption? Le sida? Lesinégalités sociales? Le manque detravail ? Les violences sexistes ?«Oui, oui, tout va bien. La preuve, jesuis noir et en train de discuter libre-ment avec vous, dans un restaurant…Et de toute façon, ma musique n’aaucune vocation politique, elle veutjuste rendre les gens heureux et les in-citer à danser.»

Egalement annoncé ce week-endaux portes de Paris, Ray Phiri in-carne une trajectoire opposée, nonmoins représentative des soubre-sauts vécus par l’Afrique du Sud au

cours des décenniesécoulées. Symbolede la contestation, lemusicien a été detoutes les luttes,jouant longtemps àcache-cache avec lesautorités, avant que

Paul Simon ne lui offre un bon desortie inespéré en le sollicitanten 1985 pour l’album Graceland quiallait tant faire pour la promotionde la scène sud-africaine si long-temps confinée… et aussi pour l’ex-partenaire d’Art Garkunkel ainsirelancé.Mais un quart de siècle plus tard, leconte de fée a son revers et le dyna-mique sexagénaire continue deruminer la mélodie de Crazy Love,une berceuse que lui avait appriseson père et qu’il avait transmise auchanteur américain… qui s’en estapproprié les crédits. Lorsque Gra-celand a été réédité, rien n’a étérectifié et, aux explications deman-dées par Ray Phiri, le spoliateuraurait répliqué: «Qui es-tu? Je suisPaul Simon. Qui te croira ?»Guitariste doué, apôtre (avecd’autres, comme Mhlatini & TheMahotella Queens) du mbaqanga,Ray Phiri symbolise alors ces rêvesdissipés d’essor international, à

l’instar de tant de congénères, es-poirs d’une «world music» pres-sentie par l’industrie du disquecomme un nouvel eldorado ayantfait long feu. En activité depuis plusde trente ans, son groupe Stimelademeure une institution nationalequi, en zoulou, malawi ou anglais,continue de proroger un mot d’or-dre lucide et positif. «Depuis monpremier tube politique, Island Drif-ter, en 1974, je suis là pour transmet-tre, explique Ray Phiri entre deuxrépétitions aux Downtown Studiosde Johannesburg. J’ai longtemps

voulu donner de l’espoir quand il n’yen avait guère et aujourd’hui, faceaux maux de la société, je reste per-suadé que la musique est source debienfaits et qu’elle peut aider à trou-ver des solutions.»

«AMBITIONS». Ce que chercheaussi, à un niveau pragmatique, soncompatriote Bongeziwe Mabandla,dans un pays où, avec un quart dela population active au chômage,favoriser les vocations artistiquesn’est clairement pas une priorité.«On ne sait jamais trop où jouer,

beaucoup de théâtres ferment», ex-plique le chanteur qui a quitté saprovince du Cap-Oriental pour ve-nir tenter sa chance à Johannesburgoù, dans le quartier pourtant bran-ché de Braamfontein, on en estaujourd’hui à saluer l’ouvertured’une boutique d’articles de sportou d’un hôtel low-cost, comme dessignes tangibles de normalisationsuccédant au pandémonium de cesdernières années.A 28 ans, Bongeziwe Mabandlaestime pourtant avoir encore l’âgede «nourrir de grandes ambitions»,et le folk allègre et racé qu’il inter-prète en xhosa peut effectivementlui donner de légitimes espoirs.Pour lui, en tout cas, l’apartheidn’est plus une herse. Mais il n’enreste pas moins bien des obstaclesà franchir : «Ici, les radios ont uneprogrammation très mainstreamet c’est compliqué de trouver desrelais pour se faire entendre. Seulel’Alliance française m’a permis à cejour de tourner un peu. Si la divisionNoir-Blanc s’estompe, du moins dansle secteur culturel, le clivage riche-pauvre, lui, demeure une réalité bientangible.» •

VOIX D’AFRIQUE DU SUDDix concerts dans le cadre du Festivald’Ile­de­France, Domaine deVillarceaux, espaces pique­nique,Chaussy (95). Dimanche, à partirde 12h30. Rens.: 01 58 71 01 01ou www.festival­idf.fr

Soigneuse institution régionale, le Festival d’Ile­de­France est néil y a trente­six ans. Chaque année, au sortir des vacances d’été,il propose de prolonger l’évasion en faisant «coïncider découvertemusicale et découverte du patrimoine, spectacles et lieux(châteaux, églises, théâtres, anciennes usines…) étant choisisen étroite relation, de sorte que contenu et contenant s’apportentmutuellement sens et émotion». Planifiée jusqu’au 13 octobre,la 37e édition annonce 32 concerts dans 26 endroits différents.Outre la délégation sud­africaine, divers temps forts scanderontl’événement, parmi lesquels le Chant de l’extase tel qu’incarnépar Alim Qasimov, emblème du mugham d’Azerbaïdjan, dans lagrange aux dîmes de l’abbaye de Maubuisson (95) le 15 septembre;un gros plateau transgénérationnel de fado au Cirque d’hiver,les 27, 28 et 29 septembre, une rencontre entre la légende dela techno Jeff Mills et la danseuse Emmanuelle Huynh à laGaîté lyrique le 2 octobre; ou les chants en arabe et en allemandd’Abed Azrié et Jan Kobow revisitant la Perse du XIVe siècledu poète Hafez et l’Allemagne du XIXe siècle de Goethe,au Théâtre de l’Atelier, le 7 octobre.

UNE PROGRAMMATION TOUS AZIMUTS

«Face aux maux de la société,je reste persuadé que la musiqueest source de bienfaits et qu’ellepeut aider à trouver des solutions.»Ray Phiri artiste engagé des années apartheid

INNOCENCES

20132014

www.operanationaldurhin.eu

Opéra

DE LA MAISON DES MORTS Janácek LA CENERENTOLA Rossini

RIGOLETTO Verdi

ALADIN ET LA LAMPE MERVEILLEUSE Rota

DER FLIEGENDE HOLLÄNDER Wagner LE ROI ARTHUS Chausson

LA COLOMBE Gounod / LE PAUVRE MATELOT Milhaud

DOCTOR ATOMIC Adams

PLATÉE Rameau

DanseLE SANG DES ÉTOILES Malandain

PINOCCHIO Cavallari

DIE SCHÖPFUNG (LA CRÉATION) Scholz GENESIS Jeunes chorégraphes

Récitals Christoph Prégardien / Mojca Erdmann Angelika Kirchschlager / Albert Dohmen Stéphane Degout / Sophie Koch

Pho

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Strasbourg Mulhouse Colmar

OUVERTURE DE LA BILLETTERIE Pour l’ensemble des représentations

Mulhouse: 3 sept Strasbourg: 9 septColmar: 16 sept

Olivier Delsalle, directeur du Festival d’Ile-de-France:

«La musique resteun vecteur d’émancipation»

O livier Delsalle, à latête du Festival d’Ile-de-France, explique

comment il a procédé pouraborder le pan sud-africain– très original – de sa pro-grammation 2013.L’Afrique du Sud est présentepartout en France cette an-née. Or, vous proposez unplateau d’artistes méconnus,voire inconnus. Comments’est opérée la sélection?Notre thématique de saisonabordant la notion de l’alté-rité et du vivre ensemble,il m’a semblé intéressantd’évoquer une société multi-culturelle où la musique estun élément identitaire fort etreflète la diversité et la ri-chesse de la population sud-africaine. Ensuite, le travails’est fait à partir de diversessources documentaires :écoute de nombreux enregis-trements, lecture d’ouvrageset d’articles, tant généralistesque sur l’histoire musicale dupays, consultation de sitesweb spécialisés, écoute desradios et lecture de la pressesud-africaines –chroniquesd’albums, comptes rendus deconcerts, etc.

Tout cela m’a permis dedresser un premier pano-rama, que j’ai ensuite pu affi-ner en lien avec divers inter-locuteurs locaux, avantd’aller moi-même sur placeeffectuer des repérages. Oùj’ai notamment été sensibleaux initiatives menées parles musiciens dans lestownships, à l’image de cellede la fanfare Big Time, cetteenvie de transmettre, decréer du lien, de lutter contrel’exclusion. Arme de combatau temps de l’apartheid, lamusique reste un vecteurd’émancipation.Certains genres sont complè-tement absents du plateau,comme l’electro ou le hip-hop. Est-ce délibéré?En construisant cette pro-grammation, j’ai tenucompte, d’une part, de l’es-prit du lieu dans lequel cesmusiques allaient être enten-dues et je me suis, d’autrepart, attaché à trouver unecertaine cohérence en pré-sentant des esthétiques pro-ches des musiques tradition-nelles et du monde. La danseurbaine est cependant pré-sente à travers la scène con-

sacrée au Pantsula. La housesur laquelle les danseurs seproduisent est aussi un échoà une réalité des townshipsd’aujourd’hui.Peut-on, selon vous, dégagerdes traits d’union entre cesartistes aux parcours fort dis-semblables, avec parfois30 ou 40 ans d’écart?La Nation arc-en-ciel se tra-duit de fait par une pluralitéde styles. Par-delà l’impor-tance accordée à la voix età la guitare, très présentesdans l’ensemble des groupesinvités, le trait d’unionpourrait être la manière donttous ces styles se sontconstruits, mutuellementinfluencés et continuentd’évoluer : Bongeziwe Ma-bandla revisite les traditionsxhosa pour créer un folk ur-bain, Madala Kunene créeson propre style fortementinfluencé par la traditionzouloue du Maskanda, Tho-mas Chauke renouvelle lalangue tsonga… Jusqu’à BigTime qui mâtine le jazz duCap et les traditions du car-naval, des couleurs de la mu-sette française !

Recueilli par G.R.

LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013

Page 48: Liberation Des 07 Et 08.Septembre

PORTRAIT KILIAN JORNET

Mieux vaut donc ne pas emboîter le pas du Bolt des sommets.En montagne, Kilian Jornet est agile comme un chamois etheureux comme un enfant dans un magasin de jouets, la têtedans les nuages, toujours émerveillé. Il se désaltère en puisantl’eau des torrents, se nourrit de baies sauvages. En montée,il semble aspiré par les cimes. En descente, il déboule les brasen l’air comme un funambule, dévale pente et glaciers surles fesses quand la neige le permet.Avec la précocité de ceux dont la passion s’enracine depuisl’enfance, ce jeune homme pressé va vite et haut. Partout oùil pose les pieds, à skis ou en baskets, il pulvérise des records.L’hiver, il enchaîne les compétitions de ski alpinisme, est déjàtriple champion du monde de la discipline. L’été, il survoleles compétitions de trail running, ultramarathon de monta-gne ou kilomètre vertical, cette montée sèche qui laisse ungoût de sang dans la bouche. Entre-temps, avec l’aide de sonprincipal sponsor, l’équipementier Salomon, l’athlète donneforme à ses rêves d’enfant, consignés dans une petite liste:la traversée de la Corse du nord au sud en 32h54 pour 200 kmet 17000 m de dénivelé, celle des Pyrénées d’ouest en est unesemaine, l’ascension du Kilimandjaro…En 2012, il a tout coché sur la liste. Pour réveiller désir etadrénaline, le mutant puise dans un imaginaire forgé par les

récits des alpinistes Walter Bonatti ou Reinhold Messner etle poster du Cervin dans sa chambre d’enfant. Il bâtit un nou-veau projet, «Summits of my life», qui guidera sa vie jus-qu’en 2015. Quatre ans pour «monter et descendre le plus rapi-dement possible les sommets les plus spectaculaires» de laplanète, avec en objectif final l’Everest. Dans quelques jours,il s’envole pour la Russie et le mont Elbrouz (5642 m), l’anprochain ce sera l’Aconcagua et le McKinley. «Partir du vil-lage, monter au sommet et redescendre le plus vite possible, avecle minimum de matériel.» Pas de «show» en montagne, insis-te-t-il, mais une aventure placée sous le signe de la sobriétéet réalisée avec une équipe d’amis. Pas de sponsors, pouréviter toute pression, mais un financement coopératif. Il afinancé la première année grâce à ses revenus d’athlète pro-fessionnel, le reste proviendra de la vente du DVD du film AFine Line qui relate les premiers épisodes de la saga et de ceuxqui seront réalisés au fil des expéditions. Son aura est telledans le monde de l’outdoor que ça marche.Kilian Jornet n’est déjà plus un skieur, ni même un coureur.En pionnier, il hybride les disciplines et invente une voie en-tre alpinisme, ski et course. «Si l’on n’essaie pas, si les rêvesrestent des rêves, on ne saura jamais qui on est vraiment», répè-te-t-il comme un mantra. Sacollection de records n’a enrien entamé sa simplicité.«C’est important quand tu esdans le truc. Mais après, c’estcomme en course: une fois quetu as franchi la ligne, tuoublies.» Les coureurs quil’ont accompagné un bout dechemin restent sous lecharme de cet ultra-terrestresouriant, s’excusant d’un «jevais y aller», avant de remet-tre le turbo. A ceux qui à Cha-monix désapprouvent la mé-diatisation de ses ascensions du mont Blanc en baskets,redoutant les «plagiaires», il répond simplement: «A chacunde prendre ses responsabilités.»Les physiologistes du sport peinent aussi à suivre cet athlètehors normes. En 2008, lorsqu’il remporte l’ultratrail du Mont-Blanc, il n’a que 20 ans. Jusqu’alors, on croyait ces coursesultralongues réservées à des quadragénaires. Il gagne la coursede nouveau en 2009 et 2011. Son extraordinaire résistancemusculaire, sa V02 max (aptitude à consommer beaucoupd’oxygène en un temps restreint) exceptionnelle, ont été for-gées durant son enfance. Jusqu’à l’âge de 13 ans et son entréedans la filière ski alpinisme de Font-Romeu, Kilian Jornet avécu à près de 2000 mètres d’altitude en Cerdagne, où sonpère guide de haute montagne gardait le refuge de cap del Rec.Sa mère Nuria, institutrice, skieuse, raconte «un enfant jamaisfatigué qui cherchait toujours jusqu’où il pouvait aller». A 5 ans,il gravit le sommet le plus élevé d’Espagne, à 3400 mètresd’altitude. A 6 ans, il grimpe à 4000 m. «L’hiver, pour allerà l’école, avec ma sœur Naila, on faisait quinze kilomètres en skide fond. Le soir, ma mère nous emmenait marcher sans lampedans la forêt. Elle nous a fait comprendre qu’on fait partie de lanature, qu’on est animal parmi les animaux.» Il en a gardé uneosmose avec l’environnement montagnard et une parfaiteconnaissance du risque. «La montagne, ce n’est pas que dusoleil, des champs verts, des fleurs et des vaches. C’est aussi desroches, des orages, de la neige… On peut y mourir.»En juin 2012, alors qu’il réalisait la première étape de son pro-jet, la traversée du Mont-Blanc en deux jours, Kilian Jorneta vu son mentor et ami, Stéphane Brosse, 40 ans, triplechampion du monde de ski alpinisme, chuter, mourir. «Aprèsl’accident, j’ai douté. Je me demandais si ça valait le coup decontinuer le projet. C’est plus difficile d’accepter que ce soitl’autre qui tombe.» Il est reparti seul au Mont-Blanc pourtrancher. «La montagne, c’est chez moi. Me l’interdire, c’étaitaussi perdre une partie de moi.» En septembre, il reprenait sonprojet avec une vertigineuse et véloce traversée du massif parl’arête de l’Innominata.Ce nomade qui parle cinq langues s’est posé à Chamonix, «laville la plus grande que j’ai jamais habitée et que j’habiterai ja-mais», et s’initie désormais au suédois avec sa douce, blondeétoile du trail running et du ski alpinisme. Il se donne encorequelques années avant d’arrêter la compétition, aspire à neplus être «exposé, dans la lumière». Mais il vivra toujours enmontagne : c’est là qu’il porte sa vie à incandescence. •

Par ÉLIANE PATRIARCAPhoto MONICA DALMASSO

EN 7 DATES

27 octobre 1987 Naissanceà Sabadell (Espagne).2000 Débuts en skialpinisme.2008 Gagne l’ultratrail duMont­Blanc. 2009 Idem.2011 Publie Courir oumourir (ed. Outdoor).2012 Traversées du massifdu Mont­Blanc.2013 Records aumont Blanc, au Cervin.

K ilian est de ces garçons qu’on vous déconseille desuivre. Sous peine de perdre votre souffle. Fin août,dans les rues de Chamonix, il arrive comme uneflèche, en baskets rouges et short gris, et s’em-

presse de s’excuser de son retard. Kilian Jornet, 26 ans, estmonté s’entraîner avec des amis au sommet de l’aiguille del’M, la descente a été plus lente que prévue, explique-il d’unevoix douce, avec une pointe d’accent espagnol dans un fran-çais parfait. On compatit avec les amis: cavaler jusqu’à cettecime à 2 844 mètres d’altitude, n’a rien d’un jogging desanté! Sauf pour ce gringalet à l’allure adolescente. Ce poidsplume, 56 kilos pour 1,71 mètre, au visage fin et aux cheveuxnoir jais, a accompli, le 21 août, un aller-retour express ausommet du Cervin, l’un des «4000 mètres» mythiques del’alpinisme. La fusée en baskets a gravi et dévalé la pyramideen seulement 2 heures 52, explosant le record établi en 1995.Un mois plus tôt, même scénario à bout de souffle, entre Cha-monix et le sommet du mont Blanc. En moins de cinq heures,quand la plupart des alpinistes mettent au minimum deuxjours, avec une nuit en refuge, pour gravir le toit de l’Europe.

Souriantet discret, ce

Catalanpoids plume

de 26 ansimpressionne

lesmontagnards

au-delà deses records

en ultratrail.

Le Bolt des sommets

LIBÉRATION SAMEDI 7 ET DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013