40
LE PREMIER «LIBÉ» EN FAC-SIMILÉ FOOT COMMENT TRUQUER UN MATCH Dans la capitale indienne, traumatisée par le meurtre d’une étudiante en décembre, les femmes crient leur ras-le-bol. PAGES 6-7 A New Delhi, ville où le viol reste impuni Achat de l’arbitre, des joueurs, des électriciens du stade: tous les moyens sont bons pour les mafias des paris sportifs pour magouiller des centaines de rencontres, selon Europol. Taubira fait l’unanimité chez les députés Sur le mariage pour tous, la garde des Sceaux a défendu de main de maître le dossier et dominé les débats. Et emporté l’adhésion de tout le Palais-Bourbon. PAGE 10 1973 2013 «LIBÉ» A 40 ANS ET TOUTES SES DENTS PAGES 2-4 PHOTO JUSTIN METZ.IKON IMAGES.GETTY IMAGES 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION N O 9870 MARDI 5 FÉVRIER 2013 WWW.LIBERATION.FR IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats-Unis 5$, Finlande 2,70 €, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €, Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays-Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

Liberation 20130205

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Liberation 20130205

Citation preview

Page 1: Liberation 20130205

LE PREMIER «LIBÉ» EN FAC­SIMILÉ

FOOTCOMMENTTRUQUERUNMATCH

Dans la capitale indienne,traumatisée par le meurtred’une étudiante en décembre,les femmes crient leurras-le-bol.

PAGES 6­7

A New Delhi,ville oùle viol resteimpuni

Achat de l’arbitre,des joueurs, des électriciensdu stade: tous les moyenssont bons pour les mafiasdes paris sportifs pourmagouiller des centaines derencontres, selon Europol.

Taubira faitl’unanimitéchez les députésSur le mariage pour tous,la garde des Sceaux a défendude main de maître le dossieret dominé les débats.Et emporté l’adhésionde tout le Palais-Bourbon.

PAGE 10

19732013

«LIBÉ»A 40 ANSET TOUTESSES DENTS

PAGES 2­4

PHO

TOJU

STIN

MET

Z.IK

ON

IMAG

ES.G

ETTY

IMAG

ES

• 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9870 MARDI 5 FÉVRIER 2013 WWW.LIBERATION.FR

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,70 €, Grande­Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €,Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays­Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

Page 2: Liberation 20130205

Par ÉRIC DECOUTY

Cible

E t soudain, le cauchemar se matérialisasous la forme d’un chiffre, annoncéhier lors d’une conférence d’Europol àLa Haye (Pays-Bas) : 680. Autant

de matchs de foot vérolés de par le monde en-tre 2008 et 2011 (lire ci-contre). Près de 700 ren-contres du sport-roi au résultat aussi crédibleque l’issue d’une «élection» dans une républi-que bananière. Plus d’un demi-millier de par-ties dont certains joueurs ou arbitres n’étaienten fait que des marionnettes aux mains de ma-fiosi de seconde zone ou de parrains de syndi-

cats du crime asiatique.Ce n’est plus du foot, c’estle salon des arts ménagers

où les matchs ne sont que des lessiveuses à ar-gent sale servant à blanchir le pognon des tria-des chinoises ou des familles balkaniques, quiont organisé des paris truqués sur des rencon-tres dont elles se sont préalablement assuré lerésultat avec l’arsenal classique du milieu: inti-midation, corruption, menaces…Pour spectaculaires qu’elles soient, les annon-ces faites par Europol ne surprendront pas lesinstances sportives internationales pour les-quelles les risques liés aux paris (vieux commele sport ou presque, mais démultipliés avec In-ternet) sont bien plus dangereux que le dopage.Parce que, comme le résume Jean-François Vi-lotte, président de l’Autorité (française) de ré-gulation des jeux en ligne, «il est plus faciled’accepter de l’argent pour perdre que de prendreun produit pour gagner» (lire page 4). Parce quepartout et tout le temps, on peut parier sur toutet n’importe quoi: le score à la mi-temps d’unmatch de handball en France (cf. l’affaire deMontpellier), qui obtiendra la première touchedans un match de foot de troisième divisiontchétchène, du basket universitaire américain,ou une compétition de fléchettes en Ecosse.Parce que les alertes quand des sommes anor-malement élevées sont misées dans un réseaulégal (Française des jeux, ou opérateurs en li-gnes agréés) n’y changent rien. Parce qu’on ne

parle pas là de professeurs Nimbus mettant aupoint la molécule miracle pour avaler le 100men moins de 9”5 ou fanfaronner «même pasfatigué» au sommet du Ventoux. Mais d’un bu-siness aux mains de la criminalité organisée,pour laquelle, explique Sarah Lacarrière, co-auteure du livre blanc Paris sportifs et corrup-tion, publié l’an dernier par l’Institut de rela-tions internationales et stratégiques (Iris), «lacorruption sportive est une activité sans risque.Le sport bénéficie d’une certaine impunité, c’estmoins dangereux que le trafic de drogues ou d’ar-mes dans lequel existent déjà des outils de lutte etdes conventions internationales».L’étendue du phénomène? «C’est encore trèsdifficile, car on n’a pas de données agrégées surle sujet et c’est tout l’enjeu de la mise en place parle mouvement sportif d’un observatoire qui cen-tralise ces données, expliquait Sarah Lacarrièreà Libération. L’institut Sportadar estime que300 rencontres professionnelles de foot, domesti-ques ou internationales (soit 1% du total), sontpotentiellement truquées chaque année en Europe.Et là, on ne parle que du périmètre que cette so-ciété peut surveiller, ce qui exclut toute l’offre illé-gale de paris en Asie. Les cas qui sortent ne repré-sentent que la partie émergée de l’iceberg.» EnFrance, les paris en ligne pesaient 705 millionsd’euros en 2012 (dont 59% sur le foot). «Les

paris illégaux représentent un marché annuel[mondial] de l’ordre de plusieurs centaines de mil-liards d’euros», expliquait la semaine dernièreà l’Equipe Ronald K. Noble, secrétaire générald’Interpol. Pour une affaire qui émerge commecelle de Bochum ou celle du Calcioscommeseen Italie (lire page 4), combien ne seront jamaismises au jour? D’autant que l’imagination despourrisseurs de matchs tient parfois de l’art,comme le montrent le livre blanc de l’Iris oul’ouvrage du journaliste canadien Declan Hill,Comment truquer un match de foot ? paru en2008. Florilège.

WILSON RAJ PERUMAL,ORGANISATEUR DE MATCHS FANTÔMES«L’éventail des techniques de corruption à dispo-sition des criminels est presque sans limite, puis-qu’il apparaît depuis peu que des matchs amicauxfantômes ont été organisés par des organisationsfrauduleuses dans le seul but de tromper le marchédes paris», lit-on dans le rapport de l’Iris.Ainsi, d’improbables rencontres de foot Letto-nie-Bolivie et Estonie-Bulgarie se déroulèrent-elles en février 2011 en Turquie, à l’initiatived’un Singapourien qui se chargeait de tout, no-tamment de recruter les arbitres. Résultats desmatchs : 2-1 et 2-2 ; ça tombe bien, en Asie,plusieurs millions d’euros furent misés sur lefait qu’au moins trois pions seraient inscritspar match. Précision, ces sept buts furent ins-crits sur penalty (dont un raté et donné à reti-rer) sifflés par les arbitres recrutés via la sociétébidon qui avait monté le cirque.Quelques mois plus tôt, Wilson Raj Perumal,autre singapourien, avait goupillé unBahreïn-Togo que les joueurs de l’émirat rem-portèrent (3-0) contre des adversaires dont lafaiblesse avait sidéré l’entraîneur des vain-queurs. Et pour cause: en guise d’équipe na-tionale du Togo, Perumal avait aligné des ama-teurs recrutés pour l’occasion. Perumal a aussi«organisé» des matchs fantômes sur lesquelsles paris étaient réels. On appréciera égalementl’imagination de ces Asiatiques qui, en 1997,soudoyèrent les préposés à

Il faut aimer jusqu’àl’aveuglement pourse pâmer d’aise devantles grandes compétitionssportives. Il faut aimerjusqu’à la surdité pourn’entendre que les crisenthousiastes descommentateurs quand desvoix murmurent leursréserves sur la sincéritéde ces exploits. Déjàprofondément abîmé parle dopage, le sport de hautniveau le sera plus encorepar les affaires decorruption – semblables àcelles mises au jour hierpar Europol – si aucunedécision politique n’estprise rapidement.Car il est acquis que lesparis, en ligne mais passeulement, composanteessentielle du sport, sontun formidable outil deblanchiment, moinsdangereux que les activitéscriminelles traditionnelles,drogue ou trafic d’armes,et peut-être même pluslucratif. Surtout,les mafias d’un nouveaugenre implantées enChine, dans les Balkansou ailleurs bénéficientd’une impunité quasitotale. Cible principale,l’Europe ne disposeaujourd’hui d’aucune règlecommune sur les parisillégaux. Elle ne s’esttoujours pas dotée demoyens de contrôle etd’investigation efficaces,pas plus que d’unvéritable arsenaljuridique. Devant ceconstat, la communicationd’Europol avait pourobjectif de réveillerles consciences et mettreles pouvoirs publicseuropéens et lesfédérations sportivesdevant leursresponsabilités. Carc’est également auxdirigeants du sportmondial de convaincre del’urgence de la situation.

ÉDITORIAL Après la mise au jour par Europol d’un réseau de corruptionportant sur des centaines de matchs de foot, revue des outilsutilisés pour tordre à l’envi l’issue des rencontres.

Paris sportifs,par ici les mafias

Par GILLES DHERSL’ESSENTIEL

LE CONTEXTESelon Europol, des centaines de matchsont été truqués à travers le mondedepuis 2008, dont des rencontres deLigue des champions, tous liés à desparis sportifs.

L’ENJEUCette enquête met en jeu l’intégrité dumonde du football au temps de lamondialisation des paris.

3milliardsde dollars (2,2 milliards d’euros), c’estle volume placé chaque jour sur des parissportifs, selon Europol. La plus grande par­tie est misée en Asie sur des matchs de foot.

L’AFFAIRE VA­OMLe cas de corruption le plus fameuxen France n’a rien à voir avec les paris:le 20 mai 1993, l’Olympique de Marseillecorrompt trois joueurs valenciennoispour qu’ils lèvent le pied par l’entremisedu directeur sportif Jean­Pierre Bernès etdu joueur Jean­Jacques Eydelie.

REPÈRES LA CORRUPTION SPORTIVELa «corruption sportive» appartient au codepénal depuis février 2012. Elle est passiblede cinq ans de prison et 75000 eurosd’amende. Sont punissables le corrupteurcomme le sportif qui «modifie, par un acteou une abstention, le déroulement normalet équitable d’une manifestation sportive».

DÉCRPTAGE

Suite page 4

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 20132 • EVENEMENT

Page 3: Liberation 20130205

Triades chinoises, mafias des Balkans, 680 matchs dans 15 pays… le réseau de paris truqués est gigantesque.

La coupe d’Europol est pleineE uropol a décidé de se faire

entendre. Hier, l’organismeeuropéen de lutte contre la

criminalité, par la voix de son pré-sident, Rob Wainwright, a fait unpoint public – ce qui est rare – surl’enquête ouverte en 2009 par leparquet de Bochum (Allemagne)concernant la tenue de matchs defoot truqués d’abord en Allemagne,puis en Suisse et en Turquie.A l’origine, l’enquête ne portait passur le sport mais sur la drogue et laprostitution: c’est parce que le mot«football» revenait toutes les troisphrases lors des écoutes téléphoni-ques que la police s’est intéresséeaux paris truqués…Hier, Europol a revu l’étendue de lacorruption à la hausse: Wainwrightparle désormais de 380 matchsdans 15 pays d’Europe, alors quel’organisme n’évoquait jusqu’ici

que 270 matchs et 9 pays. «On a despreuves pour 150 de ces matchs-là, aajouté Friedhelm Althans, chef dela police de Bochum. Les opérationsétaient diligentées depuis Singapour.Des sommes allant jusqu’à100 000 euros par match ont étépayées en liquide.» L’enquête a étémenée par les polices allemande,finlandaise, hongroise, slovène etautrichienne.Mondial 2010. On savait déjà,qu’en 2011, neuf membres d’uneassociation criminelle balkaniqueavaient été condamnés dans cetteaffaire: Europol communique dé-sormais sur un chiffre de 14 con-damnations – pour un total detrente-neuf années de prison –alors qu’une centaine de personnesdoivent encore comparaître et quequelque 300 autres matchs fontl’objet d’enquêtes. Arguant des

dossiers en cours, Europol n’a paslivré le moindre nom : ni joueur, niclub, ni les quinze pays concernés,même si des matchs éliminatoirespour le Mondial 2010 et des ren-contres de tour préliminaires de Li-gue des champions sont évoquésdepuis longtemps. L’intérêt estdonc comptable ou mécanique.Mécanique, quand Wainwright ex-plique «qu’un seul match truqué peutimpliquer jusqu’à cinquante suspectsdans dix pays de plusieurs conti-nents»; comptable, quand il af-firme avoir identifié environ450 corrompus ou corrupteurs :personnes occupant des fonctionsd’encadrement, agents, arbitres,joueurs et bien entendu mafieux.Reste à remplir les blancs. L’affairede Bochum a sa star: le Singapou-rien Wilson Raj Perumal, aujour-d’hui en résidence surveillée en

Hongrie après avoir passé un an enprison en Finlande à la suite d’unedénonciation et qui a décrit, avecforce détails, sa propre méthode decorruption (lire ci-contre). Perumalaffirme que derrière lui, il y a soncompatriote Dan Tan, chef d’unsyndicat et cerveau présumé duscandale du Calcioscommesse (lirepage 4), lequel l’aurait dénoncé.Etoiles. Les enseignements de l’af-faire sont déjà considérables. Le faitque des mafias impliquées dansd’autres secteurs (drogues, ar-mes…) s’intéressent aux paristruqués montre l’importance del’aspect blanchiment. Ensuite, per-sonne ne saurait jamais faire la dif-férence entre un contrôle manquéexprès par un joueur et une mala-dresse: le terrain lui-même est in-sondable, ce qui explique l’attraitcroissant des mafias pour la cor-

ruption des joueurs eux-mêmes–via les agents ou les entraîneurs–aux dépens de la corruption d’arbi-tre, plus voyante et renvoyée à cetitre à une sorte de préhistoire.Puisque le terrain est illisible, lalutte contre les matchs truqués doitdonc passer par des moyens d’en-quête: écoutes, perquisitions, té-moignages. Le Croate Ante Sapinaet sa bande, protagonistes dansl’affaire de Bochum, ciblaient lesjoueurs vulnérables: âgés, en fin decontrat, endettés… Ils établissaientensuite un barème : une étoilequand un joueur seulement étaitcorrompu et jusqu’à cinq étoilespour les matchs où les deux équipesétaient achetées(!). Les policiers ontaussi mis au jour que Sapina avaitune complicité à l’UEFA, qui offi-ciait à la désignation des arbitres.

GRÉGORY SCHNEIDER

«Je n’ai pas le pouvoir d’interdireles paris sportifs, et le risque zéro n’est paspossible à partir du moment où on parie.Mais il faut une uniformité européenneet mondiale car des choses sont permisesdans certains pays et non dans d’autres.»Didier Deschamps sélectionneur des Bleus, hier

«L’UEFA a pris connaissance desdéclarations d’Europol sur de présumésmatchs arrangés et s’attend à recevoir plusd’informations. Comme acteur de la luttecontre ce fléau, l’UEFA coopère déjà avecles autorités sur ces questions.»L’Union européenne de foot dans un communiqué, hier

«C’est certain, il y aura davantagede matchs truqués à l’avenir si le mondesportif ferme les yeux et si nousn’avons pas de bons contacts avec lessociétés de paris et les gouvernements.»Jacques Rogge président du Comité internationalolympique en mars 2011

Ci­dessus, la conférence de presse d’Europol, hier à La Haye. En haut, au centre: le Singapourien Wilson Raj Perumal, qui a notamment aligné une fausse équipe du Togo. PHOTOS AFP ET AP

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 2013 • 3

Page 4: Liberation 20130205

Le scandale des paristruqués, dévoilé cetété, dure toujours.

En Italie,le calciogangrené

I l a retrouvé le banc de touche dela prestigieuse Juventus de Turinà la fin de l’année dernière. Après

avoir été suspendu quatre mois parla Fédération italienne de football(pour avoir omis de dénoncer descombines autour du match dedeuxième division Novara-Sienne en2011 lorsqu’il était entraîneur del’équipe toscane), l’ancien milieu deterrain international Antonio Conteest sorti de son bref purgatoire avecle soutien indéfectible des suppor-teurs et des dirigeants turinois.Mais le nouveau scandale de paristruqués qui empoisonne depuis juinle championnat italien est loin d’êtreachevé. Selon le parquet de Crémone(Lombardie), qui instruit l’affaire,Almir Gegic, l’un des protagonistesde l’escroquerie en prison depuistrois mois, aurait commencé à ba-lancer des noms. De quoi mettre enémoi toutes les équipes profession-nelles de la péninsule. Les clubs depremière division de Sienne, de laSampdoria de Gênes et du Torino ontdéjà été pénalisés en début de saison.L’Atalanta de Bergame s’est égale-ment vu retirer deux points pour nepas avoir contrôlé son avant-centreCristiano Doni, lequel avait venduplusieurs matchs et écopé en consé-quence de plus de cinq ans de sus-pension. Mais les magistrats restentconvaincus que nombre de diri-geants étaient impliqués et poursui-vent leurs investigations. Bien quedécouvert, Doni a continué à être ré-munéré par l’Atalanta jusqu’à la finde son contrat. De quoi l’inciter à te-nir sa langue?L’enquête avait débuté à la veille del’Euro 2012. Pour faire perdre sonclub de la Cremonese, une petite for-mation de troisième division, le gar-dien local, corrompu, aurait versédes somnifères à ses coéquipiers à lami-temps. A partir de cet épisode,le juge Guido Salvini a remonté touteune filière dévoilant, à travers desmilliers d’écoutes, l’implication dedizaines de joueurs jusqu’en Série A.A l’époque, la police avait même faitune descente dans le centre d’en-traînement de l’équipe nationale, etle défenseur Domenico Criscito, citécomme témoin assisté, avait dû re-noncer à l’Euro. Pour l’heure,32 personnes sont concernées parl’enquête, dont Stefano Mauri, le ca-pitaine de la Lazio de Rome, soup-çonné de fraude et de paris clandes-tins. Rien que pour la saison2010-1011, plus de 800 matchs sontpassés au crible. Le volume des parissur ces rencontres aurait étévingt fois supérieur à la moyenne…

De notre correspondant à RomeÉRIC JOZSEF

Jean-François Vilotte, président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne:

«La corruption est encoreplus déstabilisatrice que le dopage»P résident de l’Arjel, l’Autorité française de

régulation des jeux en ligne, née avecl’ouverture du secteur à la concurrence

en mai 2010, Jean-François Vilotte est l’auteurd’un livre blanc sur la prévention de la corrup-tion dans le sport en lien avec les jeux d’argent.Etes-vous surpris par l’ampleur de cette nou-velle affaire?Chaque nouveau scandale semble plus impor-tant que le précédent… On n’en reste pasmoins dans des schémas qui semblent prochesdes paris clandestins chinois sur les champion-nats belges, ou encore des affairesitaliennes et allemandes. Un savantdosage de corruption active et pas-sive.Il semble que cette fois-ci, on a af-faire à un réseau particulièrementramifié.Grâce à Internet, la nouvelle écono-mie du crime s’est mondialisée. Avecquelques traits communs que l’on retrouve par-tout: fort éloignement entre le lieu de la prisede paris et celui des matchs, flux d’argent enhausse constante et ciblage de structures sou-vent peu organisées.Le sport est-il une proie facile?Il n’a en tout cas pas réagi à la hauteur de cesnouvelles menaces de blanchiment et de cor-

ruption qui peuvent rapidement le tuer,comme en témoigne le championnat chinois,qui n’a jamais décollé en dépit de gros investis-sements. La nouveauté, c’est que le monde dusport, qui a longtemps défendu bec et onglesson autonomie, appelle maintenant les Etatsà la rescousse, parce qu’ils ont des pouvoirs depolice et d’investigation. Le fait pour ces der-niers de se préoccuper de sincérité des résul-tats avec la création de délits de «fraude spor-tive» est un vrai changement.La France semble moins touchée. Est-elle à

l’abri?En aucun cas, contrairement à ceque croient parfois certains respon-sables de fédérations peu conscientsdes dangers. Aucun sport, aucun ni-veau de compétition, aucun paysn’est à l’abri, pas plus la Francequ’un autre. Et je m’inscris en fauxcontre ceux qui expliquent que les

corrupteurs ciblent souvent des compétitionsde second ordre, réputées moins visibles etplus sensibles aux sirènes de l’argent. Cette af-faire est la preuve que les plus grands matchs,comme des éliminatoires de Coupe du monde,sont concernés.Voussoutenezquelacorruptionestplusgravequele dopage. Il y aurait une échelle de graduation?

Je dis cela pour faire comprendre que la cor-ruption est encore plus déstabilisatrice, puis-qu’elle revient à faire gagner les perdants alorsque l’on se dope pour gagner. La corruption estsurtout plus dangereuse parce que plus difficileà prouver. Elle nécessite une collaboration in-ternationale très poussée si on veut s’y atta-quer, comme le prouve l’enquête exemplaired’Europol.Justement, comment sortir de la spirale?Ce sera long. Mais les remèdes existent. Il fautd’abord sortir des dénis de réalité et arrêter decroire que la prohibition des paris en ligne peutêtre la solution. Les pays qui les prohibent,comme l’Allemagne ou les Etats-Unis, ne sontpas épargnés, c’est une illusion. Puisque ces ré-seaux criminels sont très ramifiés et à un niveaumondial, il est ensuite absolument vital de sedoter de normes communes de prévention, dé-tection et répression, comme on a commencéà le faire pour le dopage. Peut-on imaginer queceux qui les refusent continuent d’accueillir desmanifestations sportives de premier ordre ?Voilà le genre de moyens de pression que pour-rait mettre dans la balance le mouvement spor-tif afin de contraindre tous les pays de faire dela lutte anticorruption une nouvelle priorité, aumême titre que la lutte antidopage.

Recueilli par CHRISTOPHE ALIX

l’éclairage d’un stade an-glais pour qu’ils éteignent les projecteurs (in-terrompant définitivement le match) quandétait atteint le score sur lequel ils avaient misé.

ZEHYUN YE, LE PATRON QUI AIMEQUE SES JOUEURS PERDENTL’homme d’affaires chinois a raccourci le che-min entre corrupteurs et corrompu. Plus be-soin d’intermédiaires, il pourrissait les matchsd’équipes dont il était actionnaire ou proprié-taire en Finlande et en Belgique. Quitte à orga-niser un flux de joueurs belges vers le club fin-landais de l’AC Allianssi qui salopa notammentdans les grandes largeurs (0-8) un match con-tre le FC Haka, en juillet 2005. «Zehyun Yeaurait offert jusqu’à 100000 euros à des joueursbelges pour lever le pied. Les autorités belges fu-rent alertées par le site de paris en ligne Betfairqui détecta des mises anormalement élevées surles rencontres Saint-Trond - La Louvière et Cer-cles de Bruges - Saint-Trond», relate l’Iris quis’offusque: «La facilité avec laquelle cet entre-preneur mafieux a pu intégrer le milieu du footballbelge est inquiétante.» A la fin de l’année,35 personnes doivent comparaître en Belgique.Mais pas «le Chinois», interpellé mais libéréà la suite d’un cafouillage juridico-policier etqui coulerait des jours paisibles en Chine.

ANTE SAPINA, LE RÉCIDIVISTEGrand architecte de l’affaire de Bochum (lirepage 3), le Croate Ante Sapina s’était échaufféquelques années auparavant. En 2005, il avaitavec ses deux frères corrompu deux arbitresallemands, dont l’un, Robert Hoyzer, avaitpalpé près de 70000 euros. Sapina aurait em-poché environ 2 millions d’euros en pariant sur23 matchs «de deuxième et troisième divisionsallemandes, un match de Coupe d’Allemagne etun match du championnat turc entre avril et sep-tembre 2004», répertorie l’Iris.

MONDIAL : LES GHANÉENS SE SONT­ILSTIRÉS DES BALLONS DANS LE PIED ?C’est le journaliste Declan Hill qui raconte lascène dans son bouquin. En 2006, quelquesmois avant la Coupe du monde, il assiste dansun KFC de Bangkok à la rencontre entre unponte asiatique des paris et un ancien interna-tional ghanéen. Au premier tour du Mondial,les Black Stars dominent les Tchèques et lesAméricains mais perdent contre l’Italie surdeux buts stupides qui font cependant le bon-heur du parieur asiatique; il avait misé sur une

victoire 2-0 des Transalpins. Les Ghanéens sequalifient néanmoins pour les 8ede finale, maisexplosent contre le Brésil : 3-0, sur des buts«dont même une équipe junior aurait eu honte»,écrit Hill. Et notre parieur asiatique? Ben tiens,il avait pronostiqué le bon score. Plus tard,l’auteur retrouvera à Accra le Ghanéen du KFCde Bangkok, en feuilletant un journal dans le-quel il est question de truandage d’un matchlocal; sous sa photo, ce titre: «Je suis innocent,je le jure.»

CRICKET, Y A DES BATTES QUI SE PERDENTLe cricket aussi ? Oui, le cricket aussi. Qui,avec ses matchs sur trois jours, ses pausessandwichs au concombre et son système dedécompte des points inaccessible à celui quin’est pas tombé dedans bébé n’est pas que l’in-carnation d’un certain art de vivre british. Audébut des années 2000, le capitaine de l’Afri-que du Sud, Hansie Cronje, mouillé dans des

écoutes téléphoniques où il négocie avec unparieur clandestin indien, se met à table: oui,il était en relation avec des mafieux indiens,oui, il a reçu 140 000 dollars pour tenter decorrompre des coéquipiers, oui il a vendu desinformations stratégiques, oui il a balancé unemanche d’un match contre l’Angleterre. Sus-pendu à vie, il mourra deux ans plus tard dansun accident d’avion qui nourrit les fantasmessur la possible implication du crime organisé.Plus récemment, trois joueurs pakistanais ontété convaincus de corruption: contre argent,

ils avaient foiré lors de matchs con-tre l’Angleterre des actions quemême un môme de 6 ans auraitréussies: l’équivalent du footballeurqui rate la cage tout seul à un mètredu but. C’est également dans unsport de battes que le livre blanc del’Iris discerne la première affaire decorruption du sport moderne :

en 1919, huit joueurs de l’équipe de base-balldes White Sox de Chicago balancèrent lesWorld Series (la finale du championnat) contre10 000 dollars par tête.

ET ENCORELe tennisman serait particulièrement corrup-tible : il est seul sur le terrain, peut facilementdonner (enfin vendre) un match, d’autant ques’il pointe dans les profondeurs du classement,il peut être quasiment plus lucratif pour lui deperdre. Si aucun scandale majeur n’a écla-boussé ce sport, deux sans-grade du circuit ontété exclus à vie pour avoir tenté de truquer desmatchs, et de nombreux joueurs ont révéléavoir été approchés. Sinon, le handball alle-mand a connu de gros pataquès. Et même JohnHiggins aurait accepté de perdre quelques par-ties contre 300000 euros. Quoi vous ne con-naissez pas John Higgins ? Il est quadruplechampion du monde… de billard. •

On appréciera l’imagination de parieursasiatiques qui, en 1997, soudoyèrentles préposés à l’éclairage d’un stade defoot anglais pour qu’ils éteignent lesprojecteurs quand était atteint le scoresur lequel ils avaient misé.

AFP

Suite de la page 2

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 20134 • EVENEMENT

Page 5: Liberation 20130205
Page 6: Liberation 20130205

«Commentenleverlapeurquenousavonstoutesennous?»Plus de deux mois après le viol et le meurtre d’une jeune femme à New Delhi,étudiantes et militantes dénoncent les atteintes dont sont victimes les Indiennes.Par CÉLIA MERCIEREnvoyée spéciale à New Delhi

E lle ne cache pas sa peur.«Je neprends jamais le bus seule la nuit, jefais bien plus attention», soupireShika, 32 ans, qui a été très cho-

quée par l’affaire du viol collectif d’uneétudiante, le 16 décembre à New Delhi.Mais tous les matins, cette cuisinière doitemprunter les bus bondés de la ville pourse rendre chez ses différents employeurs.«Les hommes profitent du fait que noussoyons entassés pour se frotter contre lesfemmes et les tripoter. Quand cela m’arrive,je me mets à crier, c’est vraiment obscène !Je ne peux pas l’accepter», selamente une femme originaired’un village de l’est de l’Inde,arrivée dans la capitale il y a seize ans avecson mari. «Il faudrait qu’il y ait des policiersdans tous les bus, les femmes se sentiraientplus à l’aise», confie-t-elle.Nombre d’habitantes de New Delhi subis-sent ce harcèlement dans les transportspublics et dans les rues de la ville. Beau-coup, honteuses, n’osent pas se plaindremais enragent intérieurement. Le ras-le-bol de cette humiliation quotidienne s’estégalement exprimé lors des manifestationsqui ont submergé la capitale en décembre.«Il m’est arrivé qu’un homme se colle contremoi dans un bus, et lorsque j’ai élevé la voix,mes voisins m’ont répondu: “Mais pourquoivous faites autant d’histoires ?”» racontel’une des manifestantes, affirmant que «demanière générale, on ne se sent pas en sécu-rité dans cette ville, et pour ce qui est desviols, c’est la pire».

CAMPUS. A Indraprastha, une prestigieuseuniversité pour jeunes filles de New Delhi,Mansha, la déléguée des élèves, a donnédes consignes à ses camarades : «Il fautqu’elles aient toujours sur elles des aérosolsde gaz poivré, au cas où.» Des coursd’autodéfense vont également être bientôtdispensés aux élèves. Cette université, quiaccueille 2 400 filles, a été créée en 1924par une féministe britannique, partisanede l’indépendance de l’Inde. «C’est la plusancienne université pour femmes de NewDelhi», explique fièrement Mansha.S’identifiant avec la victime du bus, lesétudiants de la capitale, qui ont été lespremiers à manifester, ont protesté massi-vement dans les rues.Sur le campus, les jeunes filles participentà une conférence sur les droits des fem-mes. «Dans ce pays, nous ne sommes pasfières d’être des filles. Comment enlever lapeur que nous avons toutes en nous?» lance

une d’elles. Une autre interpelle l’assem-blée: «Comment me jugerez-vous si moi, unjour, je me fais violer ? Vous vous direz “ilvaudrait mieux qu’elle meure car elle sera re-jetée par la société” ? Ou bien est-ce quevous m’accepterez ?» Tonnerre d’applau-dissements.Au tour de la principale de l’établisse-ment, Babli Moitra Saraf, longs cheveuxvaporeux et regard bleu, de passer sur legril. Depuis l’agression du 16 décembre,elle a imposé de nouvelles règles: les élè-ves doivent être de retour dans leur rési-dence à 21h30, soit une heure plus tôt qued’habitude.«Pourquoi c’est nous qui som-mes punies ? Ce n’est pas nous qui errons

dans les rues à la recherche dequelqu’un à violer ?» interrogel’une d’elle. La principale tente

de se dépêtrer de la situation. «Nous som-mes pris entre une société conservatrice, ré-primée sexuellement, et notre désir de voirnos élèves être des femmes libres ! Je suisd’accord pour dire que ces restrictions nesont pas justes, mais si on ne les imposaitpas, les parents ne mettraient pas leurs fillesdans notre école. En fin de compte, ce sonteux qui décident», explique-t-elle. Elle serevendique d’ailleurs progressiste : «Mapropre fille travaille dans la province dange-reuse du Cachemire, elle vit seule, et je nem’y suis jamais opposée !»«Mes parents sont ouverts d’esprit, mais ilssont tout de même inquiets, confie Mansha,

la déléguée des étudiants. Jusqu’à présent,on ne nous a pas interdit de sortir, je ne peuxpas imaginer que cela se produise. Je penseque certains hommes doivent changer dementalité. Les agresseurs du bus, ce n’étaitpas des hommes, mais des bêtes sauvages.»Avec ses camarades, elle est allée manifes-ter devant la maison du gouverneur deDelhi. «Nous avons réclamé une présencepolicière dans notre station de métro du ma-tin au soir, ainsi que devant l’établissement.Nous avons demandé que les rues sombressoient dorénavant éclairées. Et que la vented’acide soit interdite. Le gouverneur nous arépondu immédiatement, la police a déjàcommencé à patrouiller», explique l’étu-diante, citant le Mahatma Gandhi, le«Père de la nation» indienne : «Nousn’obtiendrons une réelle liberté que lors-qu’une femme seule pourra marcher libre-ment n’importe où dans notre pays au milieude la nuit.»

BOUGIES. A Jantar Mantar, le lieu symboledes manifestations de New Delhi, le nom-bre de protestataires a diminué de manièredrastique en cette fin janvier. Mais cer-tains tentent de garder vivant l’espritdu mouvement, et bravent le froid glacéde la nuit dans une atmosphère derecueillement. Un groupe de jeunes gar-çons s’est assis autour de bougies. Nirmaltravaille dans une ONG qui défend les tra-vailleurs esclaves. «Nous sommes souvent

confrontés aux cas de viols. Moi, je viens tousles soirs sur cette place. Je veux qu’il y aitune justice pour les victimes. Elles pourraientêtre nos sœurs, nos mères. Il faut que celas’arrête», explique-t-il. Dilip, assis à côtéde lui, ajoute: «Le problème, c’est que notresociété est dominée par les hommes. Les vio-leurs ne sont souvent même pas conscientsqu’ils commettent un crime, ils sont insensi-bles.» «Les gens viennent ici, mais est-cequ’ils font vraiment quelque chose chez euxpour que les femmes de leur famille aient desdroits ?» renchérit Nirmal.Plus loin, une tente a été érigée sur la place.A l’intérieur, sur un tas de couvertures,une femme est en grève de la faim. Elle estvenue de son Pendjab natal pour obtenirjustice. «J’ai été violée par un haut gradé dela police, clame-t-elle. Et personne n’a voulum’aider, je n’ai pas pu déposer une plainte.»

MANTEAU. Si le mouvement de protesta-tion a suscité un espoir pour les femmes enInde, il a aussi provoqué un florilège deréactions incongrues de la part de politi-ciens et de leaders religieux. Un gourou,Asiram Bapu, a ainsi déclaré: «La victime[du 16 décembre] aurait dû tomber aux piedsde ses agresseurs, les supplier et les appeler“mes frères”, et ils ne l’auraient pas agres-sée.» D’après lui, elle était aussi coupableque les violeurs.Vibha Rao, responsable d’une commissionrégionale pour les femmes a, quant à elle,expliqué qu’elles sont responsables desagressions, car, sous l’influence de laculture occidentale, elles portent des vête-ments trop révélateurs. A Pondichéry, legouvernement local a dû faire volte-faceaprès avoir proposé que les étudiantes por-tent un manteau pour cacher leurs formes.Quant au fils du président, AbhijitMukherjee, il s’est moqué des manifestan-tes, qui, «défilent la journée et vont en boîtede nuit le soir». Dans cette atmosphère sur-réaliste, l’avocat d’un des violeurs, dont leprocès s’est ouvert (lire ci-contre), a été jus-qu’à insinuer que la victime du 16 décem-bre était une prostituée.Activiste de la All India Democratic Wo-men Association, Sudha Sundararamans’insurge contre cette culpabilisation gé-nérale des femmes. «Certains ont dit queles filles ne devraient pas utiliser de portablesou porter des jeans, clame-t-elle. Dans no-tre société, la victime de viol est humiliée,on lui fait penser que c’est de sa faute.Cela peut même la conduire au suicide.En réalité, ce problème de viol révèle un véri-table échec des institutions : la police et lajustice ne fonctionnent pas correctementdans notre pays.» •

REPORTAGE

REPÈRES

LE DRAME DU 16 DÉCEMBREw Le 16 décembre, une étudiantede 23 ans rentre du cinéma en busavec son compagnon. Elle est violéeà plusieurs reprises et agresséesexuellement avec une barre de ferpar six hommes avant d’être jetéehors du véhicule. Elle décéderatreize jours plus tard.w De nombreuses manifestations deprotestation se sont déroulées dans

les semaines qui ont suivi le viol.w Le procès de cinq des prévenus,âgés de 19 à 35 ans, s’est ouvertle 21 janvier devant un tribunal spé­cial. Les accusés plaident non coupa­bles. Répondant des accusations deviol, meurtre, enlèvement et vol,ils encourent la peine de mort.Le sixième auteur présumé compa­raît devant un tribunal pour mineurs.

«L’âme de ma fillene sera en paix quelorsque la justice aura punices hommes.»Le père de l’étudiante décédéeen décembre après avoir été violéepar six hommes dans un bus,à New Delhi (Nord)

50,6%C’est l’augmentation en dix ans dunombre de viols commis en Inde,selon les chiffres des autorités.Il est passé de 16075 en 2001,à 24206 en 2011

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 20136 • MONDE

Page 7: Liberation 20130205

«Désolée, je nevais désormaispas rester tard[au bureau]».Une salariéed’une agencede publicitéde la région deDelhi dans unmessage destinéà ses collègues,le 11 janvier. PHOTOMANSI THAPLIYAL.REUTERS

Accusés du viol du 16 décembre, les agresseurs plaident non coupables. Le gouvernement,lui, légifère en urgence pour répondre à la pression populaire.

Une loi a minima en réponse à l’émoiN on coupables. C’est ce qu’ont

plaidé samedi cinq des agres-seurs présumés de l’étudiante

violée dans un bus puis agressée sexuel-lement avec une barre de fer en décem-bre à New Delhi. Un sixième accusé, quiserait âgé de 17 ans, sera jugé devant untribunal pour enfant. La jeune femmeétait morte de ses blessures treize joursaprès l’agression, tandis que cette af-faire sordide a provoqué des manifesta-tions dans tout le pays.Des traces d’ADN et le témoignage ducompagnon de la victime devraienttoutefois les confondre. Les accusésmajeurs risquent la pendaison au termede ce procès très médiatisé, qui se dé-roule devant une nouvelle «cour de jus-tice rapide», avec des procédures accé-lérées pour les cas de viol dans un paysoù la justice est submergée.Le jugement de cette affaire se déroulesous la pression de l’opinion publique,

qui réclame la peine capitale. Mais sera-t-il équitable? Le juge a imposé le huisclos, ce qui est requis en matière de viol,et a ordonné aux avocats de ne pascommuniquer avec les journalistes. Leverdict est attendu dans les prochainessemaines.Suggestions. Fin décembre, le gouver-nement, dépassé par les manifestationsspontanées qui ont suivi le martyre dela jeune femme, avait chargé en urgenceun comité d’experts deplancher sur des recom-mandations pour amélio-rer les lois sur les agres-sions sexuelles. Le comitéavait reçu 80000 sugges-tions du public, et pro-posé une réforme très vaste des lois cri-minelles. Il préconisait notamment desmesures révolutionnaires, comme la re-connaissance du viol conjugal, et lasanction des viols commis par les forces

armées, qui sont actuellement proté-gées par un statut spécial leur conférantune forme d’immunité (un problèmegrave dans les régions militariséescomme le Cachemire).Au final, les recommandations du co-mité n’auront été suivies que partielle-ment. La nouvelle loi, ratifiée hier parle président de la République, prévoitainsi le doublement des peines en cas deviol collectif, de viol sur mineur ou

commis par un policier (soit vingt ansde prison au lieu de sept à dix actuelle-ment). Allant au-delà de l’avis desexperts, la peine de mort est même pré-vue si la victime décède ou se trouve

plongée dans un état végétatif.Le voyeurisme, le harcèlement, les at-taques à l’acide ont également été cri-minalisés. La loi est entrée immédiate-ment en vigueur, et doit être ratifiéeplus tard par le Parlement.«Politiciens». Mais pour Poarkodi Na-tarajan, activiste de l’association All In-dia Progressive Women, «beaucoup demesures ont été ignorées. Ainsi, le violconjugal est passé sous silence, cela veutdire que l’épouse est toujours considéréecomme la propriété de son mari. Les mili-taires coupables de viol, qui ne seront pastraduits devant une cour civile, bénéficienttoujours d’une impunité. Des politiciensmis en cause ont toujours le droit de seprésenter aux élections…»Des organisations de femmes ont à nou-veau protesté hier après-midi à NewDelhi, pour dénoncer les failles de cettenouvelle loi.

C.M. (à New Delhi)

«Le viol conjugal est passé soussilence et il y a toujours l’impunitépour les militaires coupables de viol.»Poarkodi Natarajan Activiste féministe

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 2013 MONDE • 7

Page 8: Liberation 20130205

ÉGYPTE Le ministre égyp-tien de la Culture, MohamedSaber Arab, a démissionnéhier. Il entend protester con-tre les brutalités policières,après la diffusion d’une vi-

déo (photo) montrant un ma-nifestant dénudé battu par lapolice, vendredi soir, devantle palais présidentiel. Desimages qui ont choqué l’opi-nion publique. PHOTO AP

PIRATERIE Un pétrolier fran-çais a été détourné dimancheau large de la Côte-d’Ivoire.Dix-neuf membres d’équi-page togolais sont à bord.

IRAK Un attentat-suicide afait 23 morts, hier, près deBagdad. Il visait les Sahwa,une milice irakienne en luttecontre Al-Qaeda. La veille,plus de 30 personnes étaientmortes dans un attentat à lavoiture piégée contre le com-missariat de Kirkouk (nord).

«Aujourd’hui, vouspouvez voir que jesuis vivante. Je peuxparler, je peux vousvoir, je peux voirtout le monde et jevais mieux de jouren jour.»La jeune PakistanaiseMalala Yousafzai rescapéed’un attentat talibanen octobre et toujourshospitalisée, dans une vidéodiffusée hier

364interpellations arbitrairespour des motifs politiquesont été enregistréesà Cuba en janvier, selonun groupe d’opposition.C’est le nombre le plus basconstaté depuis treizemois. Les harcèlementsdes opposants se seraient,en revanche, notablementaccrus.

L es femmes de Tom-bouctou ont pousséhier un «ouf» de sou-

lagement en apprenantl’arrestation d’Ahmed Mo-hamed Mossa. Considérécomme le numéro 3 d’Ansared-Dine, il était leur bêtenoire, l’homme qui pénétraitjusque dans les maisons de lacité du désert pour vérifierqu’elles portaient une tenuejugée conforme à la charia.Ce natif de la région de Tom-bouctou aurait été interceptéà l’extrême nord du Mali parun groupe armé, sans plus deprécisions. «Qu’on l’amèneici, nous allons nous occuperde lui !» clamait hier Aïcha,une habitante de la «cité des333 saints». Pendant desmois, cette mère de famillene se risquait plus à mettre lenez dehors, sauf quand il n’yavait plus rien à manger.«Pour aller au marché, il fal-lait se couvrir de la tête au piedpour ne pas avoir de problème.Dès qu’elles reconnaissaient lavoiture rouge de Mossa, toutesles femmes s’enfuyaient encourant», raconte-t-elle.A la tête du «Centre de re-commandation du convena-ble et d’interdiction du blâ-mable», Ahmed MohamedMossa faisait régner la ter-reur dans les rues sablon-neuses, n’hésitant pas à ad-ministrer lui-même lescoups de fouet aux femmesjugées provocantes. Il suffi-sait de porter un vêtementjugé trop ample ou pas assezopaque pour être emmenéesans autre forme de procès

dans la «prison des femmes»,sise dans une agence de laBanque malienne de solida-rité. La minuscule pièce oùse trouvait le distributeurautomatique avait été recon-vertie en cellule. Une dizainede femmes y ont été parfoisentassées durant des heures,sans eau ni nourriture, etsans pouvoir se soulager.Membre du Comité de crise,qui a fait l’interface durantneuf mois entre la popula-tion et ceux qu’il appelle«les occupants», DiadiéMaïga a eu plusieurs fois af-

faire au numéro 3 d’Ansared-Dine. «C’était un hommeimplacable, il indisposaitbeaucoup les femmes, racon-te-t-il. Nous avons dit auxchefs islamistes ce que la po-pulation lui reprochait. Au dé-but, ils ont rejeté ces doléan-ces, affirmant que celui-ciavait toute leur confiance,qu’il maîtrisait bien le Coran.»Le Comité de crise rassemblealors des témoignages acca-blants contre le tortionnaireavant de les présenter auxislamistes: «Lors d’une nou-velle audience, nous leur avonsdemandé “comment quelqu’unqui se dit religieux peut-ilprendre la femme d’autruisans raison et la maltraiter,l’enfermer et ainsi l’empêcher

de prier ?”» Ce notable localassure avoir été entendu :peu après cette réunion,Mossa a été appelé à d’autresfonctions.Abou Zeid, le chef d’Al-Qaeda au Maghreb islamique(Aqmi), a également beau-coup impressionné DiadiéMaïga : «C’est un petit bon-homme d’un calme olympien,simplement vêtu, toujoursmuni de sa kalachnikov. Il étaitouvert à la discussion mais trèsdéterminé dans ses décisions.»Mahi Touré, l’un des respon-sables de la station locale Ra-

dio Bouctou, sesouvient d’unindividu nepayant pas demine, passantinaperçu sur samoto dans lesrues de la ville.

«Il était interdit de le prendreen photo», souligne-t-il.C’est l’un des activistes lesplus recherchés par Paris. Ildétiendrait les quatre hom-mes d’Areva et de Vinci en-levés par un commando àArlit, au Niger, en septem-bre 2010. A Tombouctou,plusieurs habitants affirmentavoir aperçu les otages justeavant la prise de la ville parles soldats de l’opération«Serval». Les yeux bandés,ils auraient été embarquésdans un convoi de 4×4 partiplus au nord, peut-être endirection de Kidal. Des té-moignages impossibles à vé-rifier en l’état.

Envoyé spécial à TombouctouTHOMAS HOFNUNG

LebourreaudesTombouctiennesarrêtéMALI Ahmed Mohamed Mossa, numéro 3 d’Ansared-Dine, emprisonnait les femmes à tour de bras.

A priori, aucun lien n’existeentre Oussama ben Laden,l’assaut américain danslequel il fut tué, le tou­risme et un parc d’attrac­tions. Bientôt, pourtant,les Pakistanais pourronts’offrir zoo et parapenteà l’endroit même où le chefd’Al­Qaeda a été débus­qué et tué par les Améri­cains, le 2 mai 2011. Un parcd’attractions de 200 hec­tares va voir le jour àAbbottabad (dans le norddu pays, à une cinquan­taine de kilomètres de lacapitale, Islamabad),la ville où Ben Laden et safamille avaient élu domicilependant cinq ans. Auprogramme: expositionshistoriques, zoo, clubsd’aventure et parcours dejogging. Rien à voir, assurele gouvernement, avec unevolonté de redorer l’imagede la région, qui avaitcaché pendant plusieursannées le terroriste le plusrecherché du monde. Il estvrai qu’Abbottabad et sesalentours sont depuis tou­jours un lieu de villégiaturepakistanaise. Nul doute,cependant, qu’effacerle souvenir du chef d’Al­Qaeda ne déplairait pasvraiment aux autoritéslocales.

ZOO ETPARAPENTEDANS LA VILLADE BEN LADEN

L’HISTOIRE

A Tombouctou vendredi. Les femmes étaient contrôlées partout. PHOTO F. DUFOUR. AFP

Par SONIA DELESALLE­STOLPER

Richard III, le vrai corpsdu roi après cinq siècles

S hakespeare avait doncpresque raison. Dans sapièce Richard III, le roi

s’écrie dans les dernièresminutes de la bataille qui luisera fatale: «Un cheval, monroyaume pour un cheval!» Cedernier souverain de la li-gnée des Plantagenêts estbien mort pied à terre, le22 août 1485 à la bataille deBosworth, contre Henri Tu-dor, défait dans un sauvagecorps à corps par un vicieuxcoup de hallebarde sur lecrâne. La preuve formellevient d’en être apportée parles archéologues de l’univer-sité de Leicester (centre del’Angleterre).

Ces derniers ont annoncé of-ficiellement hier avoir iden-tifié les ossements retrouvésen 2012 enfouis… sous le par-king de logements sociauxde la ville. Il s’agit, «au-delàdu doute raisonnable, du roiRichardIII», a déclaré solen-nellement Richard Buckley,chef du département d’ar-chéologie. En revanche,Shakespeare a totalementinventé le bras atrophié dusouverain, lequel souffraitcependant d’une scolioseprononcée.

De Leicester, les chercheursont dû gagner le Canada pourretrouver Michael Ibsen, unfabricant de meubles, des-cendant de la dix-septièmegénération issue de la sœurde Richard III. Combiné àl’ADN d’un autre descendantqui a préféré rester anonyme,l’ADN de Michael Ibsen apermis d’établir une conver-gence avec celui prélevé surles ossements. Des récits de

moines avaient permis de sa-voir que le corps du roi avaitété enfoui dans le sol d’uneparoisse dont la trace s’étaitperdue au cours des siècles.En 2012, les archéologuesde l’université de Leicesteridentifient finalement le lieu,un parking. Et, au cours de lapremière heure du premierjour des fouilles, un squeletteparfaitement conservé estmis à jour.

Les os ont parlé et révéléune mort violente, au cœurd’une bataille. Le squeletteportait les traces de dix bles-sures, dont huit à la tête.Certaines blessures pour-raient avoir été infligées postmortem, lors d’un rituel«d’humiliation». Les ma-nuscrits historiques ont re-laté comment le vainqueur,Henri Tudor, futur Henri VII,avait paradé, le corps dénudéde son ennemi en travers deson cheval, avant de l’aban-donner pour qu’il soit som-mairement enterré.

Le règne de Richard III, mortà 32 ans et dont la dépouilleretrouvée sera à nouveau in-humée dans la cathédrale deLeicester, reste pour partiemystérieux. Il a été accusépar certains, dont Shakes-peare, d’avoir été un mons-tre sanguinaire, meurtriernotamment de ses deux jeu-nes neveux, pour prendreleur place sur le trône. Maisil a plus sûrement, au coursde ses deux courtes annéesde règne, procédé à d’im-portantes réformes libérales,notamment en matière dejustice, dont certaines onttoujours cours. •

VU DE LONDRES

«Dès qu’elles reconnaissaientla voiture rouge de Mossa,toutes les femmes s’enfuyaienten courant.»Une Tombouctienne

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 20138 • MONDEXPRESSO

Page 9: Liberation 20130205

U LE COMMERCE QUI PROFITE À TOUS

Pour plus d’informations sur ce produit.

1,79€LA BARQUETTE DE LARDONS

FUMÉS U BIO DE 150 G*

T.V.A. : 0,09€CHARGES ET RÉMUNÉRATION

DU MAGASIN U : 0,59€TRANSPORT, EMBALLAGE, CONDITIONNEMENT... : 0,48€

RÉMUNÉRATION DES ÉLEVEURS DE L’ASSOCIATION «LES PORCS BIO DE FRANCE» : 0,63€

* La barquette sécable de 2 x 75 g soit 150 g Soit le kg : 11,94€

ORIGINE FRANCE

P O U R V O T R E S A N T É , É V I T E Z D E G R I G N O T E R E N T R E L E S R E P A S . W W W . M A N G E R B O U G E R . F R

SY

STE

ME

U C

EN

TRA

LE N

ATIO

NA

LE -

RC

S C

réte

il n°

B30

4 60

2 95

6 -

Pho

to n

on c

ontr

actu

elle

- A

nnée

201

3.

Page 10: Liberation 20130205

«SimoneVeil»,«Badinter»et...ChristianeTaubiraSi ce n’est sur le fond, la ministre emporte l’adhésion des députés sur la forme.

I l y a une Taubira Pride. Depuisle début de l’examen du projetde loi ouvrant le mariage etl’adoption aux couples de

même sexe, mardi dernier, le Pa-lais-Bourbon bruisse d’admirationpour la garde des Sceaux. «C’est unerock star chez les députés PS»,constate un habitué de l’hé-micycle. «Elle est plus quecela, complète Matthias Fekl, jeuneélu PS. Elle incarne le sens de l’enga-gement.» «Elle reste calme, mais dé-gage une rare passion. On a l’impres-sion qu’on fait quelque chose d’utile,de fort. Ça n’arrive pas tous les jours,et elle y est pour beaucoup», dit aussiBarbara Romagnan. Comme beau-coup d’élus, cette députée socialisteest «hyperemballée». Claude Barto-

lone, président de l’Assemblée, leconfirme: «Il y a aussi une recon-naissance de ce qu’elle représente, sonparcours, son profil, ses origines. Onme dit “Simone Veil”, “Badinter” etelle. Elle est dans le top 10.»Christiane Taubira parle sans notes.Un phrasé bien scandé. Un débitmaîtrisé. Son discours inaugural a

duré près de trois quartsd’heure et a impressionné lepublic. Elle y a retracé l’évo-

lution de l’institution matrimonialequi «porte fortement la marque de lalaïcité, de l’égalité et de la liberté».«Aujourd’hui, nous parachevonsl’égalité», a-t-elle conclu. Et, àl’adresse de la droite: «Vous pouvezgarder le regard obstinément tournévers le passé […]. Nous sommes fiersde ce que nous faisons.» «On me ditqu’elle est hypermnésique ou qu’elle

a appris par cœur son discours, maisce qu’elle dit, elle l’a dans la tête,rapporte une conseillère. Elle estimprégnée.» Ses services de com-munication n’ont jamais sonspeech à l’avance. Pendant la dis-cussion, ses collaborateurs lui glis-sent des fiches. «Elle n’y touche pas,rapporte Jean-Jacques Urvoas, pré-sident de la commission des lois,son voisin dans l’hémicycle. Quandquelqu’un lit un papier, on a tendanceà se dire que ce n’est pas lui qui l’aécrit. Elle emporte l’adhésion. Quandil y a des applaudissements, ce n’estpas par solidarité obligée, c’est parenthousiasme.»

«LOUFOQUE». Elle siège tous lesjours, week-ends compris. Souventenveloppée dans une étole ou sonmanteau jeté sur ses genoux, elle

écoute attentivement les interven-tions, des plus sérieuses aux plusloufoques. Christiane Taubira ritquand c’en est trop. Au micro, ellecite René Char, Léon-Gontran Da-mas, Paul Ricœur. Elle répond demémoire sur le moindre alinéa den’importe quel amendement. Onne peut pas la prendre en défaut. Ilfaut dire qu’elle s’est préparée à cemarathon.Depuis le mois de juin, elle a tra-vaillé chaque aspect technique dela réforme. Toutes les pistes ont étéenvisagées, avant de définir le pé-rimètre du texte. Elle a beaucouplu : du droit, de l’ethnologie…Moins de littérature et de poésieque d’habitude, elle qui dévorenormalement quatre à cinq livrespar semaine. Elle a rencontré desintellectuels, juristes, psys, univer-

sitaires, avec des positions diffé-rentes. Des habitudes de chercheur.«Elle a le background, l’aisance etl’appétit», glisse un membre de soncabinet. «Elle ne se laisse pas dé-monter, observe le député PS Oli-vier Faure. Elue de Guyane pour lapremière fois en 1993, elle est rompueà la mécanique parlementaire. Elleaime ça.» «Elle est patiente, elleaurait pu avoir la volonté de passer lerelais après la discussion générale.Mais non, elle est là, pédagogique»,relève Claude Bartolone arrimé àson perchoir. Et elle se répète qua-tre, cinq, six fois, quand il faut dé-tailler sa circulaire qui demande ladélivrance de papiers d’identitéfrançais à des enfants, même s’ilssont nés par gestation pour autrui(GPA). Une consigne qui a mis lefeu à l’hémicycle et galvanisé l’op-position. A gauche, on y voit une«erreur». Vite pardonnée.

«COMITÉ D’ACCUEIL». En séance,elle reçoit des petits mots des parle-mentaires. A l’oral, on lui rendhommage, au-delà des politesseshabituelles. Plusieurs députés luiont souhaité son anniversaire enplein débat. Elle a eu les félicita-tions d’un opposant lors d’une in-terruption de séance sur l’une deses réponses sur la mémoire de l’es-clavage. «Je n’étais d’accord avecrien, mais c’était un très beau dis-cours, je le lui ai dit.» Difficile detrouver quelqu’un qui dise sur elledes choses négatives. Mais ce nesont pas seulement des paroles degroupies. Si les députés PS parlentde «fierté», c’est aussi parce qu’ellearrive à les souder.«Le groupe PS asu se reconnaître en elle, analyseMatthias Fekl, elle qui était la can-didate radicale de gauche face àLionel Jospin en 2002. Il y a du cou-rage en elle, et pas de technocratie.Avec elle, on a le sentiment de porterune réforme emblématique.»Taubira a pourtant dû faire face àun «comité d’accueil machiste etaussi un peu raciste», se souvient undéputé. Déjà, à peine nommée, laministre a été la cible de violentesattaques de la droite sur son passéindépendantiste ou son supposélaxisme envers les mineurs délin-quants. Aujourd’hui, elle force lerespect, y compris dans l’opposi-tion. L’UMP Jean-Frédéric Poisson,en pointe dans le débat, a du «res-pect pour la combattante». Et re-connaît «une forme d’estime pourson talent». Et ils aiment l’affron-ter. «Ça nous stimule, confie Phi-lippe Gosselin (UMP), ardent op-posant au mariage homo. Avec elle,il y a du répondant, le débat est plusviril. Elle regarde l’opposition, elleaffronte l’adversité, elle aime la joute.Elle aime séduire et convaincre. Pourgagner.» •

Par CHARLOTTE ROTMAN

RÉCIT

La ministre de la Justice, mardi dernier, premier jour de l’examen par l’Assemblée du projet de loi sur le mariage pour tous. PHOTO SÉBASTIEN CALVET

Les 14 et 15 février, la gardedes Sceaux réunit la Conférencede consensus sur la préventionde la récidive, qui alimentera safuture réforme pénale. Puis vien­dra, au printemps, la révisionconstitutionnelle où seront abor­

dées les réformes du Conseilsupérieur de la magistrature etdu statut pénal du chef de l’Etat,avec un vote prévu avant l’été.En 2013, devrait également êtreadoptée une loi sur la justicedes mineurs.

REPÈRES TAUBIRA EN 4 DATESw 2 février 1952 Naissanceà Cayenne (Guyane).w Jusqu’en 1981 Militanteindépendantiste.w 1993­2012 Députée de Guyane.w 2002 Candidate du Parti radicalde gauche à la présidentielle.

A lire Le récit de la séancede la nuit dernière dans notredossier «Demain, le mariagepour tous?»

• SUR LIBÉ.FRLES DOSSIERS DE LA GARDE DES SCEAUX

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 201310 • FRANCE

Page 11: Liberation 20130205

Au siège de l’UMP à Paris, le 15 janvier. PHOTO LAURENT TROUDE

E n général, Jean-Fran-çois Copé est assez fierde ses initiatives. Il se

charge souvent d’en assurerlui-même la promotion. Teln’est pas le cas de la consti-tution de l’équipe dirigeantede l’UMP. C’est en catimini,presque honteusement, queles nominations ont été révé-lées sur le site internet duparti, dimanche soir vers23 heures.Il est vrai que le résultat ducompromis négocié entre leprésident proclamé de l’UMPet François Fillon a de quoifaire sourire. Au total, prèsde 150 postes ont été distri-bués dans les cinq instancescensées piloter le parti (vice-présidence, secrétariat géné-ral et diverses commissions).

Copéistes et fillonistes separtagent l’essentiel à partségales (sans trop se soucierde parité: sur 20 vice-prési-dents, une seule femme, Ra-chida Dati). Quelques stra-pontins ont été réservés auxreprésentants des «mo-tions», notamment aux ani-mateurs de la Droite forte,Guillaume Peltier et GeoffroyDidier, propriétaires du label«génération sarkozyste».Dès aujourd’hui, la droitedevrait pouvoir juger de l’ef-ficacité de l’armée mexicainequi doit la piloter pendanthuit mois, jusqu’à la nouvelleélection en septembre. Cematin, au siège de l’UMP,un comité politique de34 membres se réunit pour lapremière fois. Autour des an-

ciens Premiers ministres, ex-dirigeants du parti, prési-dents de chambres et degroupes parlementaires ettous les «barons» du parti,ce «petit-déjeuner du mardimatin» doit, en principe,fixer la ligne et dégager descompromis. Sans doute de-vra-t-il réaffirmer qu’unenouvelle élection à la prési-dence de l’UMP aura bienlieu en septembre, commeprévu par l’accord signéle 17 décembre par les deuxrivaux.Hier encore, Copé assuraitqu’il entendait le respecter.Mais certains de ses amiss’interrogent publiquementsur l’utilité d’un nouveauscrutin.

ALAIN AUFFRAY

Al’UMP,Fillon,Copéetleurs150amisDROITE Tout juste nommée, la direction pléthoriquedoit fixer, en théorie dès aujourd’hui, la ligne du parti.

La ministre des Droits desfemmes et porte­parole dugouvernement, Najat Val­laud­Belkacem, a annoncéhier qu’elle démissionnaitde ses mandats deconseillère municipale deLyon et de conseillèrecommunautaire au GrandLyon. Elle demeurera con­seillère générale de Mont­chat, un quartier lyonnais,afin de «garder un lien avecles habitants». La ministre,qui exerçait ces mandatsdepuis 2008, assure vouloir«anticiper… la création dela métropole européenne»,un projet de transforma­tion de la communautéurbaine de Lyon. Et surtoutune façon de respecter«l’esprit» de la future loi surle cumul des mandats.«Pour porter plus aisémentcette réforme à laquelle jecrois beaucoup et dans laclarté la plus grande, c’étaitbien à moi­même de clari­fier les choses», a­t­elleajouté. PHOTO REUTERS

VALLAUD­BELKACEMANTICIPE LEMANDAT UNIQUE

LES GENS

«[Il] est plus facilede se faire applaudirà Bamako quede se faire applaudirà Florangeou à Aulnay.»Hervé Morin président duNouveau Centre, évoquant,hier, la visite au Mali duprésident de la République

TOULOUSE La députée euro-péenne Christine de Veyrac(UDI) s’est déclarée hiercandidate à la mairie de Tou-louse en 2014. La concur-rence à droite s’annoncerude pour tenter de délogerle sortant PS, Pierre Cohen.

TOURNÉE Le premier secré-taire du Parti socialiste, Har-lem Désir, débutera mardiune «tournée européenne»qui l’emmènera à Stras-bourg, Turin, Berlin et Ma-drid, «pour préparer les élec-tions européennes».

QUESTIONS ÀNATHALIE KOSCIUSKO­MORIZET

«Une abstentionmilitante et engagée surle mariage pour tous»

La députée UMP de l’Essonne ne suivrapas la consigne de son groupe sur le ma-riage gay. La candidate putative de ladroite pour Paris a décidé de s’abstenir.w Pourquoi vous abstiendrez-vous lorsdu vote sur le mariage pour tous?Ce n’est pas un refus de choisir, maisune abstention militante et engagée. A

la fois mon accord pour l’union de deux personnes du mêmesexe, et ma détermination contre la porte ouverte à la GPA[gestation pour autrui, ndlr] et la PMA [procréation médicale-ment assistée]. J’estime que la reconnaissance doit être iden-tique pour les couples homosexuels et hétérosexuels. S’il nes’était agi que de cela, j’aurais d’ailleurs voté oui. Mais le gou-vernement a volontairement pollué le débat avec la GPA.François Hollande et Christiane Taubira jouent au plus malinsur ce sujet, qui exige de l’honnêteté et une grande réflexion.Je refuse d’être prisonnière d’une alternative qui ne me con-vient pas: entre approuver une loi qui entraînera PMA et GPA,et refuser une loi contre l’union de deux personnes de mêmesexe, je m’abstiens.w Ce sont les débats à l’Assemblée qui vous ont convaincue?Ma position est connue, je l’ai écrite sur mon blog en octobre.Et j’ai présenté un amendement sur l’alliance civile dans cesens. Mais vendredi, je n’ai eu qu’une minute et demie pourle défendre, c’est de l’abattage, pas du débat! J’attendais da-vantage d’échanges, des éclaircissements, des argumenta-tions, mais les occasions de faire des propositions n’ont pasreçu d’écoute. Tout ce qui est apparu cette semaine, c’estcombien ce gouvernement est obscur sur le sujet de la GPAet un malaise des deux côtés, à droite comme à gauche. Celaprouve à mes yeux que l’hémicycle n’est pas le lieu pour detels débats de société. Ce type de discussion doit être préparéen amont, à l’exemple de la loi Leonetti [loi de bioéthique].wVotre position est-elle en rapport avec votre probable candi-dature à la mairie de Paris?Mes positions ne sont pas corrigées en fonction des donnéessaisonnières ou électorales. J’ai trouvé toutes les injonctionssur le sujet du mariage détestables, dans un sens ou dansl’autre.

Recueilli par PASCALE NIVELLE

AP

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 2013 FRANCEXPRESSO • 11

Page 12: Liberation 20130205

Port-Royal:soupçonssurunematernitédepointe

Trois enquêtes ont été ouvertes aprèsla mort in utero d’un bébé, vendredi.Une deuxième femme s’apprête à porterplainte pour «homicide involontaire».

Par ALICE GÉRAUDet CATHERINE MALLAVALDessin MICHEL GALVIN

P ourquoi un bébé est-il mort dans leventre de sa mère dans la nuit dejeudi à vendredi à Paris? Une tripleenquête, médicale, administrative et

judiciaire, est menée pour éclaircir les cir-constances de ce décès in utérin. Les parents,Deborah et Stéphane, qui incriminent la sa-turation de la maternité de Port-Royal oùl’accouchement devait avoir lieu, ont-ils rai-son ? Le parquet de Paris a ouvert une en-quête préliminaire et la ministre de la Santé,Marisol Touraine, a de son côté appelé à «uneenquête exceptionnelle», administrative etmédicale, pour «faire toute la lumière» surcette affaire.Hier, dans l’attente d’explications tangibles,une autre femme décidait de porter plaintepour «homicide involontaire» contre la mater-nité de Port-Royal, comme lerévélait hier après-midi Libéra-tion.fr. Son bébé est égalementdécédé in utero en novembre 2011 alorsqu’elle était à terme. Ayant eu un premier ac-couchement difficile avec une césarienne dé-clenchée en urgence, elle avait demandé uneopération similaire, programmée à J+4 parrapport à la date prévue pour son deuxièmeenfant. Mais, à J + 1, prise de contractions,elle avait été admise. Lors du monitoring, lecœur du bébé est soudain devenu inaudible.«On m’a dit que l’appareil avait dû perdre lebattement, parce que j’avais de la graisse surle ventre. Ils ont mis vingt-cinq minutes avantde constater que le cœur était effectivement ar-rêté», raconte la jeune femme. Contrairementà Deborah, dont l’enfant est mort la semainedernière, Yamina n’avait pas été renvoyéechez elle faute de place. Mais elle dénonceaussi le «manque d’attention» accordée selonelle aux patientes. «J’ai eu l’impression que

énormément inquiétés. Cela montre bien quetout n’est pas très cadré», explique Me Gold-mann. Vers 1 heure du matin, Deborah nesent plus son bébé bouger, elle retourne auxurgences. Le monitoring ne décèle plusaucune activité cardiaque. Le bébé est mort.Dimanche, le couple porte plainte pour ho-micide involontaire.

DES ERREURS ONT­ELLES ÉTÉ COMMISES?C’est ce que devront préciser les trois enquê-tes ouvertes. Selon le parquet de Paris, «à cestade, on n’en est pas encore à déterminer desresponsabilités». L’autopsie qui doit être réali-sée aujourd’hui pourrait donner des premierséléments sur les causes du décès. L’enjeu estde savoir si un déclenchement d’accouche-ment plus rapide aurait pu sauver le bébé. Lesinvestigations devront déterminer si des er-reurs de diagnostic ont été commises, et si la

saturation du service a eu des conséquencesfatales. L’AP-HP a indiqué hier soir que lespremiers éléments de l’enquête montrent quela prise en charge de la patiente n’a pas étéjugée médicalement nécessaire. Les effectifssoignants et les lits disponibles étaient ennombre suffisant, a précisé le communiqué.

PORT­ROYAL EST­ELLE UNE USINE À BÉBÉS?Plus de 33000 mètres carrés, 5000 naissan-ces en 2012, 105 lits d’obstétrique: la «nou-velle» maternité de Port-Royal, inaugurée ily a un an, est le résultat du regroupement,engagé depuis dix ans, de trois établisse-ments : Baudelocque, Port-Royal et Saint-Vincent-de-Paul. Bilan? La plus grande ma-ternité d’Ile-de-France est accusée d’être un«mastodonte», une «usine à bébés»… Selonun ancien chef de service de Port-Royal, «enFrance, on sait gérer des maternités de

tout le monde était débordé, ça courait dans tousles sens. Tout est à la chaîne.» Elle dit avoirtrouvé la force de porter plainte en décou-vrant l’histoire de ce nouveau décès in utérince week-end. Au-delà de ces affaires, affleu-rent des questions sur les maternités françai-ses elles-mêmes. Certaines, comme Port-Royal, sont-elles devenues d’ingérables éta-blissements au gré des regroupements? Autreproblème de fond: pourquoi la mortalité in-fantile en France stagne-t-elle quand elle ré-gresse dans d’autres pays européens ?

QUE S’EST­IL PASSÉ LA SEMAINE DERNIÈRE?Mardi dernier, Deborah, arrivée au terme desa grossesse, était inquiète. Cette jeunefemme âgée d’une trentaine d’années avaitdes contractions et l’impression de moinssentir son bébé bouger. Neuf ans plus tôt, elleavait eu une première grossesse difficile. Se-lon Me Ariel Goldmann, l’avocat du couple,elle était en «menace d’accouchement préma-

turé», ce qui justifiait son suividans une maternité de type III.Elle était alitée depuis octobre.

Lors des examens pratiqués le mardi 29 jan-vier, elle a des contractions et le col com-mence à se dilater. Selon son avocat, «elleaurait pu être admise pour accoucher à ce mo-ment-là, mais faute de place, on lui a proposéun déclenchement le jeudi matin». Et d’appelerpréalablement pour vérifier la disponibilitédu service. Stéphane, son compagnon, jointla maternité une première fois, à 7 heures.Pas de place. Une deuxième fois à 11 heures,même réponse. Après avoir insisté, la jeunefemme est admise aux urgences de l’hôpitalà 13h30 pour de nouveaux examens (moni-toring, examen du col de l’utérus…). Puisrenvoyée chez elle à 15 h 30, malgré sa de-mande d’être réorientée vers une autre ma-ternité. Dix minutes plus tard, la sage-femme des urgences rappelle le couple poursavoir si le bébé bouge bien. «Cet appel les a

DÉCRYPTAGE

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 201312 • FRANCE

Page 13: Liberation 20130205

M E R C R E D I 6 F E V R I E R AV E C L I B E R A T I O N

Le magazine de la culture et des loisirspour les petits et pour les grands

- -

Dans ce numéro, notre concours «Invente la couverture de ton livre» en partenariat avec le Salon du Livre de Paris.

REPÈRES

Type IIIC’est le classement dont bénéficie lamaternité de Port­Royal qui disposed’unités d’obstétriques, de néonatolo­gie et réanimation néonatale. Il existeaussi des maternités de type I et II.

5000C’est le nombre de naissancesqui ont eu lieu à la maternitéde Port­Royal, en 2012.

3000 naissances, mais pas de 5000 ou plus».«Ce qui vient de se passer est le résultat d’unepolitique de restructuration réalisée dans un seulobjectif de rentabilité, explique Jean-LucLe Quernec-Bosson, secrétaire général SUDSanté Solidaires à Cochin. Les personnels ontle sentiment de travailler à l’abattage. On ne fait

plus que du soin technique, de moins en moinsde relationnel avec les patients.» Cet automne,les syndicats ont à plusieurs reprises alertéla direction de l’AP-HP sur le manque d’ef-fectifs. Selon la CGT, la maternité fonction-nerait avec «30% de sous-effectif», toutes ca-tégories de personnels confondues. A

l’automne, les sages-femmes de Port-Royals’étaient mobilisées, évoquant un «sentimentd’insécurité» quant aux conditions d’exercicede leur travail.

PEUT­ON PARLER D’ENGORGEMENT ?La France, on le sait, est, derrière l’Irlande,une championne en matière de naissances(plus de 800000 par an). Joli score. Mais lesmaternités peuvent-elles faire face à tous cesaccouchements ? «Le problème, c’est quel’obstétrique n’est pas une discipline linéaire.Il y a des pics et des creux. Heureusement, nousn’en sommes pas à programmer tous les accou-chements, avec césarienne à la clé. Avant, nousavions un taux de remplissage de 80% des lits.Désormais, sous l’effet de la pression de renta-bilité mise sur l’hôpital, ce taux est passéà 95%. Résultat : quand beaucoup de femmesaccouchent en même temps, nous n’avons plusde marge de manœuvre», explique SophieGuillaume du Collège national des sages-femmes de France (CNSF). «Le vrai souci,pointe de son côté Marc-Alain Rozan, prési-dent honoraire du Syndicat national des gy-nécologues obstétriciens, c’est le classementde nos maternités en trois types (I, II, III). Lestypes III, normalement dédiés aux grossessesà hauts risques ont, notamment, un service dé-dié de réanimation des bébés. Tout le mondeveut accoucher dans ce genre d’hôpitaux, alorsque 80% des grossesses ne posent pas de souci.A l’arrivée, on observe une déstabilisation com-plète de l’offre de soins.»

Y A­T­IL UN PROBLÈME DE PÉRINATALITÉEN FRANCE ?Il y a urgence à «remobiliser» sur la périodequi précède et suit immédiatement la nais-sance, alertait la Cour des comptes dans unrapport de 2012. A l’appui, des chiffres in-quiétants: depuis 2005, la mortalité infantilestagne en France, avec un taux global d’en-viron 3,8 décès pour 1000 naissances vivan-tes. Et ce, alors que ce taux poursuit sa baissedans d’autres pays européens. La cour dé-nonce au passage des «causes insuffisammentanalysées», demandant d’aller plus loin queles arguments habituellement invoqués :augmentation de l’âge des mères, hausse desgrossesses multiples, précarité…Autre constat préoccupant: après une fortebaisse – transitoire – observée en 2005, letaux déclaré de décès maternels atteignaitenviron 8 morts pour 100000 naissances surla période 2006-2008, soit un peu moins de70 morts par an. Selon les experts, 90% desdécès consécutifs à une hémorragie auraientpu être évités, si des soins appropriésavaient été prodigués à temps. Dans les pays(Royaume-Uni, Finlande, Suède) ayant unepolitique forte de prévention en ce domaine,souligne la Cour des comptes, les hémor-ragies n’arrivent qu’au deuxième rangdes causes de décès. Ce qui montre, conclutle rapport, que des marges de progressionexistent. •

«Nous demandons non pasune enquête administrative,il y en a plein les tiroirs,mais il faut une enquêteparlementaire.»Patrick Pelloux présidentde l’Association des médecinsurgentistes de France

«Nous voulons savoir cequi s’est passé. Nous avonsla volonté de savoir […].On va être très très prudent,il peut y avoir des causesmédicales, il faut restertrès prudent.»Patrick Houssel directeur du groupehospitalier Cochin­Port­Royal, dont «lespremières pensées vont à la famille»

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 2013 FRANCE • 13

Page 14: Liberation 20130205

Par ÉRIC FAVEREAU

Des malades privésd’office de liberté

I l y en a des corrects,d’autres dont on ne saitpas grand-chose. Dans

ces unités, les règles sontclaires: on y séjourne contresa volonté. Jusqu’en 2008, ily en avait quatre, mainte-nant elles sont 10. Ces lieux,appelés unités pour maladesdifficiles (UMD), accueillentautour de 530 patients dont40 femmes. Tous sont là pardécision de l’Etat, hier nom-mée hospitalisation d’office.Endroits à part, entourés demurs et de chambres fer-mées. Parfois, il y a desgrands fous, hospitalisés làaprès avoir commis des cri-mes insensés, et déclarés de-puis irresponsables. Dansd’autres cas, ce sont des pa-tients agités, ou perçuscomme tels dans le servicede psychiatrie où ils étaient.Exemple : la sœur de San-drine Bonnaire a séjournéplusieurs mois dans uneUMD parce qu’elle résistaitaux traitements.

Jean-Marie Delarue, contrô-leur général des lieux de pri-vation de liberté, est alléavec ses enquêteurs y jeterun coup d’œil. Son constatest sévère et, surtout, agacé:il rappelle, non sans perti-nence, que «le droit fonda-mental selon lequel nul ne peutêtre arbitrairement privé de li-berté s’applique évidemmentaux personnes souffrant demaladie mentale». Celles-cine pouvant être privées de li-berté qu’à trois conditionscumulatives: la maladie doitêtre indiscutable, le troubleest tel qu’il nécessite un in-ternement et, enfin, il doit seprolonger pour justifier cemaintien.

Dans la pratique, qu’a-t-ilvu? Le contrôleur ne s’inter-roge pas sur la pertinence dela décision – ce n’est pas desa compétence –, mais surles conditions de sortie. Il aconstaté que des patientsétaient maintenus en UMD«malgré l’avis de la commis-sion du suivi médical, et no-nobstant l’avis du préfet qui aprononcé sa sortie». Il cite lecas d’un homme retenu de-puis deux ans et demi dansune unités pour malades dif-ficiles, alors que rien ne lejustifie. Les raisons ? Ellessont toutes bêtes: bien sou-vent, l’établissement d’oùvient le malade refuse de lereprendre. D’autres fois, lepatient ayant erré d’hôpitauxen hôpitaux, l’UMD ne saitplus où le renvoyer. Ces per-sonnes restent donc empri-sonnées des semaines, voiredes mois, alors que leur étatne le justifie pas.

Juste un dysfonctionnementtemporaire ? Le contrôleurs’en inquiète: en quatre ans,il a été saisi près de 80 foissur des questions similairespar des patients ou des psy-chiatres. Il a alerté cinq foisle ministère sur ces problè-mes. Aucune réponse. D’où,aujourd’hui, via cet avis pu-blié au Journal officiel, la de-mande formelle de l’envoid’une circulaire préfecto-rale, rappelant l’obligationde trouver une place pour unmalade dont le maintien enUMD n’est plus justifié, nid’un point de vue médical nipour l’ordre public. L’avis adéjà été adressé à la chan-cellerie et au ministère de laSanté. Pas de réponse, là nonplus. •

CARNET DE SANTÉ

JUSTICE Yvan Colonna, con-damné à perpétuité pour lemeurtre du préfet Erignac, asaisi la Cour européenne desdroits de l’homme pour at-teinte au procès équitable.Son pourvoi en cassationavait été rejeté en juillet.

IVRESSE Le maire (PS) de Di-jon, François Rebsamen, ademandé à son adjoint à laculture de s’excuser auprèsde la police pour avoir tenusamedi des «propos dépla-cés», après un conflit avec unmanifestant antimariage gay.

Les associations humanitai­res ne sont pas épargnéespar la crise économique.Avec la montée du chô­mage et le climat anxiogènecréé par les plans sociaux àrépétition, les dons ren­trent plus difficilement.Alors pour sensibiliser lepublic à la nécessité decontinuer à apporter sonaide, Médecins sans fron­tières (MSF) organise pen­dant huit mois uneexposition photo itinérantedans une trentaine de villes.Ça commence par Mar­seille, Antibes et Aix­en­Provence en février, et çase finit à Cholet, Sartrou­ville (Yvelines) et Lorient enoctobre. Intitulée «Terred’urgences», elle montre letravail des équipes MSF,notamment en matière dechirurgie d’urgence et demédecine d’urgence dansles pays touchés par lesconflits armés ou les catas­trophes naturelles. L’expoprésente ainsi des photosd’Haïti, de Côte­d’Ivoire, oudu Congo… Mais MSFintervient aussi dans lespays où sévit la famine oule sida. «Terre d’urgence»,c’est un tour de planète ensouffrance. T.S.

MSF METL’URGENCEEN PHOTOS

L’HISTOIRE

«On a été dépassés.On n’a pas demandéà qui que ce soitd’arrêter le TGV.»

Zam, le producteur du clipde rap dont le tournageaurait dégénéré samediet entraîné l’immobilisationd’un TGV par des dizainesde jeunes à Marseille

68%des Français estiment quele tabac est la premièrecause du cancer contre81% des Marocains, selonune enquête de la Liguecontre le cancer réaliséepar Harris Interactive enFrance et au Maroc.

Marc Machin, avec son avocat Louis Balling, en décembre. PHOTO PIERRE VERDY. AFP

I l dit quelques mots… ets’effondre en larmes, levisage rouge. Marc Ma-

chin n’a pas de barrière à sesémotions. Dans le box du tri-bunal correctionnel de Paris,il pleure, quelques heuresplus tôt, dans sa cellule degarde à vue, il s’est explosé lepoing contre le mur, de ragecontre lui-même. Sa dégainede costaud, mâchoire carrée,gros pectoraux, est devenuele symbole d’une des plusspectaculaires erreurs judi-ciaires, condamné à tort etemprisonné presque sept anspour un crime qu’il n’a pascommis. Et c’est pour unesordide affaire de vol de por-table qu’il devait être jugéhier, en comparution immé-diate, à Paris. Un mois etdemi à peine après avoir étédéfinitivement innocenté dumeurtre du pont de Neuilly.Fête. Le tribunal a finale-ment décidé de renvoyer ledossier, certains éléments deprocédure faisant défaut.Marc Machin sera jugé le12 mars. En attendant, il estplacé sous contrôle judi-ciaire. «J’aurais préféré qu’on

en finisse ce soir, bouillonneLouis Balling, son avocat.J’aurais surtout préféré ne ja-mais le revoir dans un box.»Mais, depuis le début de leurlong compagnonnage, le pé-naliste a eu de nombreusesoccasions de le constater :Marc Machin joue toujourscontre son camp. Dans cetteaffaire à nouveau, commedans beaucoup d’autres.Comme si l’ex-enfant placé,violenté, devenu à son tourdélinquant, avait encore àtout prix besoin de se faireremarquer.Les faits ressemblent auxautres de ces histoires quel’on voit défiler devant la23e chambre correctionnelle.Vendredi soir, Marc Machinparticipait à une fête. Lesvoisins se plaignent du bruit,un groupe s’étant formé surle trottoir. Ils appellent lapolice. Voyant arriver lesuniformes, Marc Machinjette un téléphone sous uncamion. Les policiers, quin’auraient jamais eu l’idée des’intéresser à cet appareil s’ilétait resté dans sa poche, lerécupèrent. Comprenant

qu’il est volé, ils font les re-cherches pour retrouver sonpropriétaire.«Lavabo». Ce dernier expli-que qu’il a été agressé à sondomicile par Marc Machin etl’un de ses amis, Fayçal Z.Les trois hommes ont été dé-tenus ensemble à Fresnes parle passé et ont contracté àcette époque un «différend».A la barre, Marc Machin re-connaît qu’il a «voulu donnerune claque» à la victime.«C’est quelqu’un de très mai-gre, très léger, poursuit-il ens’enfonçant encore. On s’estbousculés tous les trois et mal-heureusement il s’est retrouvéprojeté sur le lavabo.» La vic-time a une côte fêlée.Quant au vol de portable,c’est l’autre prévenu,Fayçal Z., qui reconnaît enêtre l’initiateur. Il a ensuitedemandé à Marc Machin deconserver l’appareil. L’en-quêteur de personnalité quia recueilli les propos de MarcMachin en garde à vue l’atrouvé «cordial, respectueuxet coopératif. C’est quelqu’unqui voudrait s’en sortir».

ONDINE MILLOT

MarcMachinderetourdansleboxdesaccusésTRIBUNAL Le célèbre condamné à tort pour meurtreest jugé pour une affaire de vol de portable.

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 201314 • FRANCEXPRESSO

Page 15: Liberation 20130205

EnCoréeduSud, lessyndicatsvictimesdelahaussedescoupsIntimidations, humiliations, violences: les prestataires spécialisés dansla casse des luttes sociales font florès en toute légalité.

I ls étaient chercheurs chez Va-leo Mando, la filiale coréennede l’équipementier automobilefrançais. Jusqu’au jour où ils

ont résisté à la campagne anti-syndicale orchestrée par l’entre-prise, avec l’aide de l’officineChangjo Consulting. Sur des pho-

tos, on voit désormaisces ingénieurs net-toyer le sol de toilettes

et couper des mauvaises herbes.«Ils ont refusé de quitter la fédérationsyndicale malgré les pressions. Pourles humilier, on leur donne des tâchesqui n’ont rien à voir avec leurs com-pétences ou on les isole», déploreJung Yeon-jae, syndicaliste.En Corée du Sud, l’affaire ChangjoConsulting fait scandale. Officiel-lement, ce cabinet œuvrait auprèsdes entreprises pour améliorer lesrelations avec les salariés. Dans lesfaits, son rôle était de conseiller sesclients sur la meilleure manière delaminer les syndicats. ChangjoConsulting touchait même desbonus financiers si le nombre desyndiqués diminuait.Depuis 2005, l’officine aurait été

impliquée dans le démantèlementde quatorze sections syndicales.Avec des méthodes musclées, à based’intimidations et d’espionnage dessalariés récalcitrants. Après en-quête, le ministère de l’Emploi etdu Travail a jugé que ces pratiquesétaient illégales. Et a annulé la li-cence de Changjo.

«PRESSION». La plupart des clientsde l’officine étaient des équipe-mentiers automobiles. Mais Chan-gjo conseillait aussi d’autres entre-prises, et même des hôpitaux. Aucentre médical de l’université deYeongam (sud-ouest), le nombrede syndiqués serait passé de plus demille à seulement une quarantaine.«Sur les conseils de Changjo, la di-

rection a intentionnellement fait ca-poter les négociations avec notresyndicat et a dissuadé les infirmièresde participer à notre grève», raconte

Lim Mi-kyung, présidente du syn-dicat à l’hôpital de l’université fé-minine d’Ewha, à Séoul, où Chan-gjo Consulting officiaitdepuis 2005. L’hôpital se défend detoute pratique antisyndicale, mais

a tout de même rompu son contratavec l’officine.Eun Soo-mi, députée du principalparti d’opposition, le PDU, a rendu

publics des docu-ments secrets sur lespratiques de Changjo.Elle explique que lescénario est toujoursle même: «Quand dessyndiqués démarrent unmouvement, la directionleur répond en fermantmomentanément l’en-

treprise. Elle crée alors un nouveausyndicat, qui lui est plus favorable, etsuggère fortement d’y adhérer. Etpour augmenter la pression sur lesemployés, elle embauche une compa-gnie de sécurité privée.»

Début septembre, Contactus, l’unede ces entreprises de sécurité, met-tait la clé sous la porte après avoirdéfrayé la chronique. Fin juillet, àAnsan, au sud de Séoul, 200 hom-mes armés de matraques ont dis-persé de façon musclée les grévistesoccupant une usine de l’équipe-mentier SJM. L’attaque a fait unetrentaine de blessés. Même lesjournaux conservateurs ont dé-noncé les pratiques de cette sociétéqui vantait le travail de ses gros braset ses équipements militaires –cas-ques, boucliers, canons à eau antié-meute. «Des policiers étaient là. Onleur a demandé de l’aide, mais ilssont restés les bras croisés», raconteCho Ho-joon, porte-parole du syn-dicat de SJM.

«CONSPIRATION». Ces affaires il-lustrent l’ampleur de la guerre an-tisyndicale en Corée du Sud. EunSoo-mi estime à 3000 le nombre decompagnies telle Contactus, et àune dizaine les cabinets de conseilde la taille de Changjo.Depuis 2007 et l’élection duconservateur Lee Myung-bak à laprésidence, leur utilisation s’estfaite plus radicale et systématique.«C’est une conspiration entre le gou-vernement et Changjo», s’insurgeun représentant syndical. «Ces in-cidents ne se seraient pas produitssous un autre gouvernement, analyseBae Kyu-shi, chercheur à l’Institutcoréen du travail. Lee Myung-baks’était clairement rangé du côté dupatronat. En autorisant le pluralismesyndical dans les entreprises et enlimitant le nombre de syndicalistes àtemps plein, il les a volontairementaffaiblis.»Réprimés par les régimes militairesjusqu’en 1987, les syndicats avaientfleuri avec la démocratisation dupays, avant de perdre en puissancelors de la crise financière asiatiquede 1997 et l’aggravation des inéga-lités. En 1989, le taux de syndicali-sation était de près de 20%, contre9,7% aujourd’hui, et les syndicatsrestent interdits au sein d’un sym-bole de la réussite économiquecomme Samsung.La donne changera-t-elle avec lanouvelle présidente, Park Geun-hye, élue en décembre? Peu proba-ble, si l’on considère que l’ex-pa-tronne du parti conservateur estréputée plutôt proche des chaebols,les puissants conglomérats co-réens. Peu après son élection, ellea malgré tout lancé un avertisse-ment surprenant aux grands pa-trons, leur demandant de «chan-ger» et de jouer la transparence.Reste à voir si son discours seraaussi clair après sa prise de fonc-tion, le 25 février. •

Par EVA JOHNCorrespondante à Séoul

Fin juillet, 200 hommes armésde matraques ont dispersé de façonmusclée les grévistes occupantune usine de l’équipementier SJMà Ansan. L’attaque a faitune trentaine de blessés.RÉCIT

Lors d’unemanifestation dela Confédérationdes syndicats,le 11 novembreà Séoul. PHOTO KIMHONG­JI. REUTERS

9,7%des salariés sont syndiquésen Corée du Sud soit deuxfois moins qu’en 1989. Laliberté syndicale et le droitde grève datent de 1987.

MerJaune

Merdu Japon

CORÉEDU SUD

100 kmJAPONJAPON

CORÉECORÉEDU�NORDDU�NORD

CORÉEDU�NORD

CHINECHINECHINE

JAPON

Séoul

Yeongam

REPÈRES

«La Corée du Sud estsortie de la dictature,mais n’a pas établila démocratie dansle monde du travail.»Eun Soo­mi députée du PDUla principale force d’opposition

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 2013

ECONOMIE • 15

Page 16: Liberation 20130205

LES CARNETS DE L'ÉCONOMIECoordonnés par Vincent Lemerre17h55-18h / du lundi 4 au jeudi 7 févrierPeut-on (vraiment) réguler la finance ? avec Thierry Philipponnat, secrétaire général de Finance Watch franceculture.fr

en partenariat avec

ARGENTINE Le gouverne-ment argentin a annoncél’adoption d’une nouvelleméthode de calcul pour me-surer son inflation après lesmenaces d’exclusion et ladéclaration de censureadoptés par le Fonds moné-taire international à l’encon-tre du pays, accusé demanipuler ses statistiques.

ESPAGNE Le chômage estreparti à la hausse au mois dejanvier –avec 4,98 millionsde demandeurs d’emploi–,après une légère baisse lemois précédent, a annoncéhier le ministère de l’Emploi,alors que le pays est plongédans la récession et soumis àun effort de rigueur sansprécédent.

52%C’est la hausse du salaireminimum accordéepar le gouvernementsud­africain aux ouvriersagricoles, dont les protes­tations agitaient l’arrière­pays du Cap depuisnovembre. Le salaire quoti­dien sera fixé à 105 rands(8,75 euros). Les grévistesréclamaient 150 rands(12,50 euros).

A lors que le Parlementfrançais commencedemain à débattre du

projet de loi très mou sur laréforme bancaire (Libérationde jeudi), l’exemple britan-nique risque de faire tache.Le gouvernement conserva-teur présente au même mo-ment un texte beaucoup plussévère qui prévoit une sépa-ration claire et nette des acti-vités de marché et de détail:des filiales distinctes seraientcréées au sein d’un mêmegroupe.«Cupidité». «Nous n’allonspas répéter les mêmes erreursque par le passé, a promis lechancelier de l’Echiquier,George Osborne, en présen-tant le projet. Aux Etats-Uniset ailleurs, les banques onttrouvé des manières de con-tourner les lois. La cupidité apris le pas sur la bonne gou-vernance. Pour ne pas voir ça,nous allons nous armer enavance. Et nous allons électri-fier la clôture [entre les activi-tés de dépôt et de marché].»Ce discours très martial est latraduction de l’exaspération

croissante de l’opinion pu-blique britannique vis-à-visde son secteur financier.Malgré l’importance de laCity dans l’économie duRoyaume-Uni, le pays a étéscandalisé par la faillite deNorthern Rock, la nationali-sation de Royal Bank of Scot-land et, plus récemment, parle «Liborgate». Et les pou-voirs publics ont d’aborddonné l’impression de tem-poriser.En septembre 2011, le rap-port Vickers, fruit de qua-torze mois de travail, propo-sait ni plus ni moins la fin dumodèle de banque univer-selle à l’horizon 2019. Maisces conclusions sont restéesdans un tiroir pendant desmois. Puis le scandale du Li-bor est passé par là, et lesconservateurs ont comprisqu’il fallait agir. Le Parle-ment a conduit à la fin 2012une commission d’informa-tion sur les «normes bancai-res» qui a proposé de mus-cler le rapport Vickers, enparlant d’«électrifier la clô-ture». C’est-à-dire de don-

ner le pouvoir au gouverne-ment de séparer totalementles activités des banques quine jouent pas le jeu. Une idéeaujourd’hui reprise par legouvernement.«Exemple». «Les Anglaisdonnent l’exemple de ce quepeut faire une vraie démocra-tie, commente Olivier Ber-ruyer, actuaire et militantd’une séparation des activi-tés bancaires. Malgré le poidsde la City, le Parlement britan-nique a fait un vrai travail, enauditionnant 185 personnes. Acôté, la commission des finan-ces de l’Assemblée nationalen’a invité que 9 personnes.C’est ridicule.»Interpellée sur Twitter, Ka-rine Berger, rapporteure so-cialiste du projet de loi, dé-fend le texte français enassurant que le «Royaume-Uni appliquera peut-être cetteséparation en 2020», alorsque la majorité va «voter letexte avant cet été pour appli-cation en 2015». Mais qui ditrapidité veut-il forcémentdire efficacité ?

NICOLAS CORI

LeRoyaume-UniprêtàscinderlaCityBANQUES Le gouvernement britannique envisageune séparation des activités de marché et de détail.

Le comité de surveillanceinterne de l’Unioneuropéenne a absous, hier,le président de la Banquecentrale européenne(BCE), Mario Draghi, detout soupçon de conflitd’intérêts en raison de sonappartenance auGroupe des Trente (G30),un forum international quiregroupe des dirigeantsdu secteur financier publicet privé. Le médiateureuropéen, NikiforosDiamandouros, avaitouvert une enquête àl’encontre de Mario Draghien juillet à la suite d’uneplainte de l’Observatoireeuropéen des entreprises(CEO), une ONG soute­nant que le Groupe desTrente est un «instrumentde lobbying» visant àpromouvoir des intérêtsfinanciers privés.Selon l’Observatoireeuropéen des entreprises,le G30 fait la promotiondes intérêts du secteurfinancier privé et donnel’opportunité aux ban­quiers de faire du lobbyingauprès des représentantsdu secteur public, tels quele président de la BCE.PHOTO REUTERS

PAS DE CONFLITD’INTÉRÊTS POURMARIO DRAGHI

LES GENS

Le chancelier de l’Echiquier, George Osborne, lors de son discours, hier. S. WERMUTH. REUTERSLa Grèce «a atteint ses objectifs budgétaires pour 2012»,avec un déficit à 6,6% du PIB (selon de premières estima­tions), a déclaré lundi le ministre adjoint aux Finances,Christos Staïkouras. Selon ces données provisoires, ren­dues publiques par le ministère, le déficit général s’estcontracté pour atteindre 12,882 milliards d’euros, contre19,69 milliards en 2011, soit l’objectif que s’était fixé Athè­nes en adoptant le budget 2013 en décembre. La Grècetiendrait ainsi ses objectifs de réduction de déficit pour lapremière fois depuis son recours, en 2010, à l’aide de l’UEet du FMI. Cette performance, alors que le payss’enfonce dans la dépression économique depuis 2008,est à comparer avec le déficit de 2011, qui atteignait 9,4%du PIB, selon Christos Staïkouras.

ATHÈNES TIENT SES OBJECTIFSDE RÉDUCTION DE DÉFICIT

PERF

L’Allemagne reste insuffisamment tournée vers le recru­tement de main­d’œuvre étrangère non diplômée, pourcompenser l’impact d’une population vieillissante sur sonmarché du travail, montre une étude de l’OCDE publiéehier. Si «l’Allemagne est l’un des pays de l’OCDE avec lemoins de barrières à l’immigration de travailleurs haute­ment qualifiés», celle «de travailleurs sans diplôme univer­sitaire est difficile», explique l’étude. «Or, le bien­être dupays dépend de sa capacité à maintenir son niveau decompétitivité malgré sa population vieillissante», ajoutel’organisation. L’Allemagne a l’une des fécondités les plusfaibles au monde et sa population est déjà la plus vieillederrière celle du Japon, ce qui lui pose régulièrement desproblèmes de manque de main­d’œuvre.

BERLIN MANQUE DE MAIN­D’ŒUVREÉTRANGÈRE

CONTRE­PERF

-3,01 % / 3 659,91 PTS3 360 921 726€ +20,34%

GEMALTO

La plus fortesCREDIT AGRICOLESOCIETE GENERALEVINCI

Les 3 plus basses

-0,92 %13 881,31-1,21 %3 140,49

-1,58 %6 246,84+0,62 %11 260,35

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 201316 • ECONOMIEXPRESSO

Page 17: Liberation 20130205

DesBleussansheavymentalLa défaite de dimanche face à l’Italie a mis en lumière les carences du XV de France.

H ier matin, on balayait lescotillons dans les rues deRome. N’en déduisez pasque les Italiens avaient

fêté comme des dingosla victoire de dimanche(23-18) contre les Fran-çais en ouverture du Tournoi des sixnations : c’est juste le carnaval.Mais l’événement reste d’impor-tance. La Gazzetta dello Sport en aviré le foot de ses premières pages,pour causer ovale avec notammentun article titré «“Merde”: le tweetde Chabal dit tout.» Le tee-shirt del’ouvreur français, Frédéric Micha-lak, hier matin, disait autre chose:«Weakness is not an option» («Onn’accepte aucune faiblesse»). Unnouveau slogan pour les Bleus? Ondirait. Le sélectionneur PhilippeSaint-André (PSA) veut «une féro-cité collective à relever la tête, de lapassion, de la colère». «Il va falloir20% ou 30% de plus dans tout : leplacage, la touche, la mêlée, le con-test, les zones de ruck, l’envie de col-

lectivement finir les actions. Il faut dupétillant, mettre le casque à pointe, lebleu de chauffe», martelait-il hier.Tout en refusant de plaider le man-que de fraîcheur physique dû à uncalendrier trop chargé : «La fraî-cheur est aussi dans le bulbe.» A ce

niveau, le casse-têtereste entier pour lestaff. On ne voit plus

que l’aspirine, ou une bonne beu-verie à l’ancienne, pour s’en sortir.

UNE ÉQUIPE DE FRANCEQUI S’EST VUE TROP BELLE ?La claque infligée par l’Italie amèneà relativiser les succès français auxtests automnaux, notamment lalarge victoire (33-6) contre uneAustralie très moyenne. Or, PSA aconstruit son ossature avec ces troismatchs, et le fragile édifice menacede s’écrouler. PSA: «C’est dans lesmoments difficiles que je découvremon groupe.» Et ses manques. Cer-tes, les Bleus espèrent se refairela cerise dès samedi au Stade deFrance contre le pays de Galles, quireste sur huit défaites de rang. Maisensuite, il y a l’Angleterre à Twic-

kenham. Saint-André n’accablepas ses joueurs : ils ont suffisam-ment «mouillé le maillot», maisoublié de jouer collectif, chacunvoulant «sauver la patrie» tout seul.Surtout, ils n’ont pas réagi à laperte des ballons, prenant deux es-sais sur turnovers, alors que cetautomne, ils avaient bien géré cessituations. Et ils ont sous-estimé lesItaliens. «Ce match, on l’avait enmains, regrette PSA. A part la tou-che, tous les voyants étaient au vert.Mais on lâche par manque de lucidité.Quand la bête est fatiguée, il faut sa-voir l’achever.»

UNE ABSENCE DE LEADERS ?On n’a pas vu dimanche de grandegueule capable de remettre l’équipedans le sens de la marche. De taperdes coups de pied pour gagner enoccupation, de choisir des ballonsportés plutôt que de stériles échap-pées au large, et de gérer la dernièrephase du match à 15 contre 14 à4 mètres de la ligne. PSA pestaithier contre ces ultimes secondes,quand les Français se sont fait sortiren touche comme… des bleus alors

qu’un essai était possible. Des tron-ches, il y en avait, mais côté italien:Martin Castrogiovanni, Sergio Pa-risse, Luciano Orquera. Cela ne vapas s’arranger avec le forfait poursamedi de Pascal Papé. Le nouveaucapitaine nommé par PSA a jouésoixante minutes dimanche avantde sortir, victime d’une lomboscia-tique. Après avoir publiquementannoncé le matin qu’il attendrait lafin de semaine pour nommer soncapitaine, Saint-André a confortéDusautoir, qui a pris le brassardaprès l’heure de jeu dimanche. Dé-tail amusant: quand Papé est sorti,l’arbitre gallois a désigné Dusautoircapitaine (avant la décision ducamp français), ajoutant à l’inten-tion du Toulousain: «A moins que tune veuilles pas l’être ?»

FAUT­IL CHANGER LA CHARNIÈRE?C’est toujours la solution la plus fa-cile. A la mêlée, Maxime Mache-naud (24 ans, 5 sélections) manqued’expérience. Bon en novembre, ila foiré son entrée dans le tournoi.PSA pouvait aisément lui préférerMorgan Parra, 24 ans, plus expéri-

menté (46 sélections) et en pleinebourre avec Clermont. Il pouvaitaussi remplacer Frédéric Michalak,hors du coup dimanche, par Fran-çois Trinh-Duc. Hier soir, PSA a re-conduit le même groupe, JocelinoSuta remplaçant juste Papé blessé.

C’EST GRAVE, DOCTEUR ?Il y a quand même des points de sa-tisfaction : la mêlée par exemple.«Dimanche, on m’a dit : “Vous avezperdu le tournoi”, remarque PSA.Mais au match Irlande-Angleterre, ily en a bien un qui va perdre, non?» Ilreste de l’espoir. Mais maigre…

ET LES ITALIENS ?Le tournoi a tout à gagner à leurmontée en puissance. S’ils battentl’Ecosse samedi à Murrayfield, ilsauront franchi un palier. Ils ontdéjà aligné deux victoires lors dutournoi 2007, mais ils font preuve,depuis plusieurs matchs, d’unemaîtrise inédite. L’effet JacquesBrunel, sélectionneur depuis 2011?Peut-être. Mais aussi le résultatd’une lente maturation des hom-mes et des structures. •

Par MICHEL HENRYEnvoyé spécial à Rome

DÉCRYPTAGE

A Rome dimanche, le deuxième ligne Romain Taofifénua (à gauche) et le troisième ligne Thierry Dusautoir, qui sera capitaine face au pays de Galles, samedi. PHOTO A. BIANCHI. REUTERS

Samedi 9

18 heures

16 heures

15 h 30

Dimanche 10

DEUXIÈME�JOURNÉE111444

Points Diff.J G N P p. c.Angleterre

Irlande

Italie

France

Pays de Galles

Écosse

Écosse Italie

222000

111111

111000

000000

000111

383023182218

182218233038

+20+8+5-5-8-20

France Pays de Galles

Irlande Angleterre

LES SIX NATIONS

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 2013

SPORTS • 17

Page 18: Liberation 20130205

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 2013

uarante balais : la force del’âge pour Libé. Et un ca-

deau pour vous, lec-teurs: le fac-similé dutout premier numérode ce journal qui neressemblera jamaisà aucun autre. En1973, le logo n’est

certes pas celui des-siné par Claude Mag-

giori en 1981 et qui reste,aujourd’hui encore, l’image

vivante, vibrante d’un quotidienet d’un journalisme différents. Relireces quatre pages quarante ans aprèssuscite le vertige propre au choc de

temporalités mais aussi à la permanence dequestions, qui traversent tout média de qualité.S’y proclame la nécessité d’une presse libre, quiose, qui veut aller y voir, faire de l’enquête, des«révélations», donner la parole à ceux qui nel’ont pas mais sans se contenter du récit de ce qui«grogne» et «rogne». Une presse qui pense «quela mobilisation de l’opinion publique est une armeessentielle pour la démocratie totale et pour la li-berté»… tout en ménageant une place aux «con-seils pratiques» et aux «questions qui se posentdans la vie de tous les jours : quels produits sontmauvais, dangereux, trop chers ? Quels médica-ments ne servent à rien?» Comprendre: commentéviter de se faire duper par les slogans aguicheursde la réclame et de la société de consommation?En 1973, Libé ne pouvait parler qu’au futur. En2013 également. Car le meilleur reste à venir,même si nous sommes fiers de notre histoire, denos combats, de nos valeurs, même si nous sa-

vons qu’ensemble, ils constituent un patrimoineà manier avec précaution, car il nous oblige, età défendre avec vigueur, parce qu’il le mérite.Mais les journalistes ne sont pas des antiquaires,pas plus que les journaux des vaches sacrées.Surtout pas Libé, dont l’identité radicalementouverte demeurera toujours à conquérir. Ce quo-tidien qui nous préexiste et nous survivra appar-tient à chacune des générations qui l’ont fait vi-vre et l’ont lu. Après la magie de la fondation, quiouvre la voie, lance l’histoire et l’aventure, la joiede la refondation: pour que ceux qui nous succé-deront aient la chance infinie de travailler unjour à Libé ; pour que ceux qui nous liront,qu’importe le support, éprouvent le lien si parti-culier que seul ce journal suscite. Nous pouvonsregarder l’avenir avec envie : l’histoire de cejournal souligne sa vitesse, sa capacité à faireface à des crises parfois redoutables. Bref, à tou-jours rester mobile pour répondre aux défis éco-nomiques ou technologiques de son époque. En2013, ils seront nombreux.Comme rien n’est jamais simple à Libé, nousavons deux dates de naissance : février et dé-cembre 1973. Plutôt que de trancher une disputa-tio qui oppose les «libologues» les plus érudits,nous avons choisi de vous offrir une fête d’anni-versaire de quarante semaines.Au menu: sur le site, parole aux lecteurs –célè-bres ou anonymes– pour que vous nous racon-tiez votre Libé; republication de quelques-unesdes archives marquantes de l’histoire du quoti-dien ; les clés du journal données à une équipede futurs confrères et consœurs, à charge poureux de réaliser, de A à Z, leur Libé; un beau livreà la rentrée d’octobre aux éditions Flammarionet mille autres événements encore. Sans oublierl’essentiel, tous les jours, en kiosque ou sur ta-blette : un vrai beau journal. •

POUR «LIBÉ»,LE MEILLEURRESTE À VENIR

1973­2013«Déjà 37 fois inculpés, ils veulent liquidertrois grands magasins. Une énormespéculation foncière dévoilée.» Le titre sur lesagissements «crapuleux» des frères Willot,propriétaires du Bon Marché, de la BelleJardinière et d’Esders claque en une, enénormes caractères à côté de l’articleannonçant la naissance du titre. Et le sujet faitl’objet de la quasi­totalité des pages 2 et 3.Un choix expliqué dans l’édito de page 4:«La presse bénéficie d’importants ordrespublicitaires venant des grands magasins etminimise systématiquement tous lesmouvements sociaux qui peuvent s’yproduire…» D’où ce dossier, composé d’unesérie de reportages sur le terrain, de photos,d’un portrait des quatre industrielsroubaisiens, de témoignages de travailleurs àla veille d’un plan social censé supprimer3000 postes et permettre une juteuseopération immobilière. Et les preuves sont là:le dessin d’une tour d’une cinquantained’étages bâtie à l’emplacement du Bon Marchéest présenté comme la «photo exclusivedes projets».Qu’en retenir aujourd’hui? Le Bon Marchén’a pas disparu, même s’il a fait l’objet denombreuses réductions d’effectifs, commetous les grands magasins parisiens. Quantaux «quatre bandits», ils seront en effetcondamnés à plusieurs reprises pour leurgestion. Leur empire –comprenant le groupede textile Boussac, Conforama, Dior…–s’écroulera d’ailleurs au début des années 80après une énième malversation. Aprèssubventions, une partie sera confiée par legouvernement de Laurent Fabius à un jeunepolytechnicien prometteur: un certainBernard Arnault. F.D.

5FÉVRIER1973LEPREMIERNUMÉRO

Par NICOLAS DEMORAND

Page 19: Liberation 20130205
Page 20: Liberation 20130205
Page 21: Liberation 20130205
Page 22: Liberation 20130205
Page 23: Liberation 20130205

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 201320131973­2013«D epuis que la nouvelle de la création

d’un quotidien libre a commencé àcirculer, début janvier, un espoir apris forme dans le pays. Nous avons

tous rêvé d’un quotidien libre […]. Aujourd’hui,5 février 1973, Libération a commencé à vivre…»Un ton léger, quatre pages impri-mées en vert et noir, des récits deluttes de classes, de patrons voyouset un article surréaliste sur les…produits surgelés, voilà à quoi res-semblait le désormais mythiquetout premier numéro de Libération–que nous reproduisons ici en fac-similé.Libé, en 1973, c’est de l’enthou-siasme, des convictions et de lajeunesse sous le regard bienveillantde Jean-Paul Sartre. Et une paru-tion «quotidienne» encore chao-tique : deux numéros en février, àpeine plus en mars et avril. Il fau-dra attendre le mois de novembrepour que le quotidien démarre vraiment.La France d’alors est riche et s’enrichit encore.Pompidou gonfle à vue d’œil, mais il est officiel-lement en pleine forme. Le salaire des ouvriersa doublé en cinq ans et Renault vient de lancersa R5 pour 10960 francs. Il y a bience petit nuage du côté de l’emploi:près de 370 000 chômeurs… Lafaute aux femmes, dit-on, qui sontde plus en plus nombreuses à tra-vailler. Mais rien de grave, estimentles économistes. Et puis le pétroleest si bon marché… Il faudrait êtrefou –ou gauchiste– pour s’insurgercontre la société de consommationet ses valeurs.Maoïsme. Et pourtant, ce 5 fé-vrier 1973, Libération est dans leskiosques. Chacun des membres dela tribu a abandonné ses projetspersonnels pour se consacrer entiè-rement à celui-là. Cette utopie, directement ins-pirée des espoirs de Mai 1968, émanation d’uneagence de presse –l’Agence de presse Libération(APL) créée en 1971 par quelques militantsmaoïstes et des journalistes professionnels–, estle rêve d’une presse libre. Pour 1 franc symboli-que, la famille d’Emmanuel d’Astier de La Vigerie(créateur du quotidien Libération, né en 1941 dansla Résistance et disparu en 1964) cède le titre dujournal.L’existence de ce «quotidien libre» reste cepen-dant aléatoire pendant de longs mois. Jean-PaulSartre en est le directeur de la publication: sans

cette figure tutélaire, le journal n’aurait sansaucun doute pas pu persévérer. «Aujourd’hui, ànouveau, la France d’en bas a besoin de s’exprimer.C’est à ce besoin que répond Libé. En cela, nouspensons continuer une tradition née avec la Résis-tance», explique le journal daté du 25 mai 1973.

Un quotidien sans publicité quisollicite directement ses lecteurspour se financer (même si dessommes très importantes ont étéapportées, confidentiellement, pardes héritiers de grandes fortunes).L’équipe, alors installée dans deslocaux spartiates rue de Lorraine(XIXe arrondissement de Paris),compte une cinquantaine de per-sonnes, très jeunes : en 1975, lamoyenne d’âge dessalariés de Libérationtourne autour de24 ans. Quant auxsalaires, ils sont ri-diculement bas…

quand ils sont versés. Ils sontsurtout identiques pour tous, du«patron», Serge July (qui n’a pasce titre officiel, car l’idée d’unehiérarchie est bannie), à l’homme

de ménage tunisien,Mazouzi. Un journallibre et très politi-quement engagé àl’extrême gauche.Les maoïstes qui peuvent en reven-diquer la paternité laissent finale-ment la place à d’autres courantsde pensée, dont des trotskistes et,surtout, des libertaires qui se quali-fient eux-mêmes d’«anar-cho-désirants».«Anti-autoritaire» reste cepen-dant le terme le mieux appropriépour qualifier l’approche et lescentres d’intérêt du quotidien, qui

réussit son pari : Libération est en effet un pavédans la mare médiatique de l’époque. Le nombrede ses lecteurs est dérisoire comparé à celui desautres journaux français, mais ses terrains d’in-vestigation et son nouveau journalisme à la fran-çaise (très inspiré de journaux américains commeRolling Stones) vont peu à peu servir d’exemplesà ses concurrents. L’aventure commence…10 mai 1981: après plus de deux décennies d’op-position, la gauche revient au pouvoir. 12 mai1981: après plus de deux mois d’arrêt, Libérationreparaît dans les kiosques. La suspension du titreavait été demandée par Serge July, qui avait ob-

tenu les pleins pouvoirs pour fonder une nouvelleéquipe, plus professionnelle, autrement ditmoins militante et moins gauchiste. Pari réussiavec la nouvelle formule ornée du losange rougequi nous accompagne toujours, et le début d’unâge d’or qui verra le titre vendre chaque jour plusde 200 000 exemplaires en 1988. Le quotidien,désormais installé rue Béranger (près de la placede la République), a imposé son style avec sesunes affiche, ses titres insolents et décalés et sesgrandes enquêtes. Libé surfe avec succès sur lavague du Minitel, multiplie les cahiers thémati-ques, lance une édition régionale à Lyon… Tou-jours à gauche, il entend garder ses distancesavec le pouvoir. C’est l’âge d’or du titre.«Libé 3». Les années 80 avaient commencé enfanfare. Les années 90 seront moins glorieuses…

La guerre du Golfe a ralenti l’éco-nomie mondiale et asséché le mar-ché publicitaire, la montée enpuissance des gratuits et d’Inter-net fragilise la presse tradition-nelle, le journal manque de fondset de partenaires. La réponse deLibération sera un échec: baptisée«Libé 3», la nouvelle formule de80 pages, malgré quelques bellesinnovations (les pages Vous, leportrait de Der, un hebdo, un ca-hier multimédia…), est un gouffrefinancier. Le début d’une série decrises et de plans sociaux épui-sants, qui s’achèveront en 2005

avec l’arrivée d’Edouard de Rothschild, nouvelactionnaire du quotidien, et le départ de SergeJuly, un an plus tard. La fin d’une époque.Laurent Joffrin, puis Nicolas Demorand ont reprisles rênes d’un Libé qui, à côté du quotidien pa-pier, décline désormais ses reportages et analyses

sur mobiles, tablettes et ordinateurs; tandis quedes forums sollicitent régulièrement le public surtous les grands sujets de société. «Nous voulonstisser à travers la France la toile d’araignée de l’in-formation libre. La source d’information, c’est lepeuple…» écrivait Libé en 1973 en conclusion deson premier édito. Quarante ans plus tard, le tonet les supports ont changé. Mais les convictionssont toujours là.

FABRICE DROUZY et BÉATRICE VALLAEYS

LESQUARANTEGLORIEUSESDes années 70 au «Libé» d’aujourd’hui, en passant par le «journaltotal» des années 90, retour sur une aventure quotidienne.

L’existence de ce «quotidien libre» seraaléatoire pendant de longs mois. Jean-PaulSartre en est le directeur de la publication:sans cette figure tutélaire, le journal n’auraitsans aucun doute pas pu persévérer.

Enju

illet

2011.

PHO

TOPE

TESO

UZA

.WH

ITE

HO

USE

.NEW

SPI

CTU

RES

YES!Barack Obama a été rééluprésident des Etats-Unis.

ÉDITION SPÉCIALE• 1,50 EURO. NO9795 MERCREDI 7 NOVEMBRE 2012 WWW.LIBERATION.FR

Le 22 avril 2002,barrage à Le Pen. DR

Le 7 novembre 2012,Obama est réélu. DR

«Libé» du 17 avril 1980,Sartre disparaît. DR

Page 24: Liberation 20130205

20 • SPORTS

1105994ALTENOR

SAS au capital de 148 000 €Siège social : 03 rue Chauveau Lagarde

75008 Paris448 284 687 RCS de Paris

Aux termes de l’AG du 26/11/2012, il a été décidé de transférer le siège social au 55 rue de Châteaudun – 75009 Paris à compter du 17/12/2012.Les statuts ont été modifiés en consé-quence.Mention en sera faite au RCS de Paris.

1105966

PILBS SARL au capital de 1000 €

Siège social : 26 rue Piat - 75020 ParisRCS : 538 954 322 de Paris

L’AGE du 30 janvier 2013 a décidé d’étendre l’objet social comme suit : - Conseil en relations publiques et communication - Conception, réalisation et production de films multimedias, conception, réalisation et production d’outils de communication- Conception, organisation et production d’événements- Conception, organisation et conduite de sessions de formation Les statuts sont modifiés en conséquences.Mention faite au RCS de Paris.

1105940Rectificatif à l’annonce parue le 27/12/2012 concernant la société RAPHAEL GES-TION, il convenait de lire « Siège social : 114 rue de Charenton – 75012 PARIS » au lieu de « 31 rue Ballu 75009 PARIS ».

Libération est habilité aux annonces légales et judiciaires pour le département 75 en vertu

de l’arrêté préfectoral n° 2011361-0007

RÉPUBLIQUE FRANÇAISEPREFECTURE DE LA REGION D'ILE-DE-FRANCE,

PREFECTURE DE PARISDIRECTION REGIONALE ET INTERDEPARTEMENTALE

DE L'EQUIPEMENT ET DE L'AMENAGEMENTUnité territoriale de Paris

AVIS D'ENQUÊTE PUBLIQUEEnquête parcellaire relative au projet d'acquisition

du lot 36 dépendant de l'immeuble situé 22 rue Basfroi à Paris 11ème arrondissement

En exécution d'un arrêté de M. le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, l’enquête parcellaire relative au projet d'acquisition du lot 36 dépendant de l'immeuble situé 22 rue Basfroi à Paris 11ème

du lundi 18 février au mercredi 6 mars 2013 inclusà la mairie du 11ème arrondissement.

Les différents documents composant le dossier d'enquête seront mis à la disposition du public qui pourra en prendre connaissance et produire, s'il y a lieu, ses observations à la mairie du 11ème arrondissement de Paris, place Léon Blum, les lundis, mardis, mercredis, vendredis de 8 h 30 à 17 h et les jeudis de 8 h 30 à 19 h 30.

Les observations seront consignées ou annexées au registre d'enquête ouvert à cet effet. Elles pourront également être adressées, par écrit, à l'attention de Madame Isabelle LESENS, consultante, chargée des fonctions de commissaire enquêteur, à la mairie du 11ème arrondissement – place Léon Blum – 75011 Paris.

Le commissaire enquêteur se tiendra à la disposition du public à la mairie du 11ème arrondissement les :

18 2013 10 h 00 à 13 h 00,28 2013 16 h 00 à 19 h 00,6 mars 2013 14 h 00 à 17 h 00.

Le commissaire enquêteur devra donner son avis dans un délai d’un mois après la clôture de l’enquête.EP 13-015

APPEL D’OFFRES - AVIS D’ENQUÊTE01.49.04.01.85 - [email protected]

Par LIONEL FROISSART

Mondiaux de Schladming:ski-va-là?

L’Autriche accueille leschampionnats dumonde de ski alpin

pour la neuvième fois. Cettenation, où ce sport est élevéau rang de religion détientle record du nombre de mé-dailles obtenues dans cettecompétition. Avec 261 bre-loques, elle devance la Suisse(180 médailles) et la France(119). Cette dernière esttalonnée par l’Allemagne(104). Mais depuis le début dela saison, les représentant(e)sde huit autres nations (Ca-nada, Slovénie, Etats-Unis,Suède, Norvège, Croatie,Finlande, Italie) ont démon-tré être des candidat(e)s sé-rieux (ses) aux honneurs surles pentes de Schladming.

Tina Maze contre le restedu mondeChez les filles, qui ouvrentla compétition aujourd’huiavec le super-G, Tina Mazeest la seule skieuse suscepti-ble de monter sur les po-diums de toutes les discipli-nes. Quasi intouchable enGéant, la Slovène a annoncéla couleur. Celle de l’or. Elleest à Schladming pour dé-crocher cette médaille danschacune des cinq disciplines.Ses espoirs de grand chelempourraient toutefois êtredouchés dès ce matin par sagrande rivale, l’AméricaineLindsey Vonn, qui n’est pasvenue pour enfiler des perles

et reste la reine de la vitesse.Et, en cas de défaillance, ellepeut toujours être supplééepar ses compatriotes StaceyCook et Julia Mancuso. Cequi ne laisse pas une énormemarge de manœuvre auxskieuses autrichiennes lesplus polyvalentes : KathrinZettel et Anna Fenninger.

Qui peut battre Hirscher?Si le leader autrichien de laCoupe du monde, diaboliqueen slalom mais dangereuxdans toutes les catégories(sauf la descente), s’écroulesous le poids de ses respon-sabilités, alors une bonnedemi-douzaine de candidatsaux honneurs surgiront duportillon. Dont l’Italien Do-minik Paris et le NorvégienAksel Lund Svindal en vi-tesse et l’Autrichien FelixNeureuther en slalom.

Pinturault en chef de fileIl a 21 ans. C’est jeune pourporter les espoirs d’une na-tion. Mais le Français AlexisPinturault est prêt à releverle défi. Hormis en descente,il peut briller dans toutes lesépreuves. Hier, l’équipe deFrance a déploré un forfaitmajeur. Johan Clarey, 32 ans,le plus performant cette sai-son dans les épreuves de vi-tesse, a renoncé aux Mon-diaux à la suite d’une chute àpied survenue samedi, chezlui, à Tignes. •

DÉCRYPTAGE

Le Français Jean­Pierre Dick à son arrivée en Vendée, hier. PHOTO JEAN­SÉBASTIEN EVRARD.AFP

J ean-Pierre Dick (Vi-brac-Paprec3) a boucléson tour du monde hieraprès-midi en 86 jours,

3 heures et 3 minutes, maissurtout après avoir réussil’exploit de naviguer depuisle 22 janvier, soit les derniers2600 milles de course, sanssa quille. Un record périlleux.Le skippeur niçois a été ac-cueilli à marée basse aux Sa-bles-d’Olonne par plusieursdizaines de milliers de per-sonnes. Il raconte.

La victoire de la ténacité«C’est ma troisième parti-cipation au Vendée Globe,et j’étais parti pour gagnerou terminer sur le podium.Mais tout a basculé. Cette ar-rivée, marquée par ma fiertéd’avoir ramené le bateausur la ligne en 4e position,valorise l’aspect d’aventurede la course. J’ai passé deuxmois et demi à régler mesproblèmes techniques. Celaa surtout tenu du travaild’équilibriste. Tout d’abord,j’ai perdu mon gennaker, quiétait ma voile clé, alors quej’étais en tête dans l’océanIndien. Ensuite c’est un étaiqui a cassé dans le Pacifiqueet qui m’a fait passer deuxjours à l’envers et perdre150 milles. J’ai perdu beau-coup de temps pour sécuri-ser cet étai, mais au moins,après, on en sort renforcé.On prend confiance en soicar il faut se sortir les tripes.J’ai passé huit ans de ma vieà préparer cette course. C’estce qui me donne une envieincroyable de me battre.»

Un choix cornélien«Lorsque j’ai perdu maquille, j’ai eu la chance deme trouver près du winch degrand-voile. Le bateau étaità 50-60 degrés de gîte [à 70,c’est trop tard, ndlr]. Pourstabiliser le bateau, j’ai alorsrempli les 8 tonnes de bal-last. Sur les 3,8 tonnes quepèse la quille, il ne resteque 15 kg. J’ai eu la chancede ne pas m’être retourné,comme c’est arrivé à “Bubi”[Javier Sansó, hélitreuillé sainet sauf lundi matin]. Alorscomment rejoindre les Sablessans me retourner ? Com-ment ramener le bateau auport ? J’ai fait ma petite en-quête auprès de Marc Guille-mot et de Roland Jourdainqui avaient une certaine ex-périence de la navigationsans quille. Il fallait éviter lesvents de 25 nœuds et les va-gues déferlantes.»

Trois jours à l’abri«En passant le cap Finis-terre, j’ai croisé des cargos,des pêcheurs, la houle étaitde côté, il y avait de labrume et de la pluie… On nedort quasiment pas. Il fallaitéviter le mauvais temps an-noncé. Je savais que j’allaisperdre ma troisième place auprofit d’Alex Thomson. Jesavais aussi qu’en me met-tant à l’abri pendantsoixante-douze heures jen’allais pas perdre la4e place. Pour un 60 pieds,aller au mouillage et se rap-procher de la terre est plusdangereux que de rester enmer. J’ai alors choisi un port

qui me semblait safe. J’aicherché un coffre pour m’yamarrer, mais il était occupépar un remorqueur. J’ai doncopté pour une bouée. Je suisarrivé dans des vents de35-40 nœuds. Il était impos-sible de se fier à l’ancre. Surles 60 pieds, elles sont à la li-mite du dérapage. La direc-tion portuaire m’a dit de meméfier, car souvent, sur cegenre de bouée, la chaîne estcourte. Alors j’ai plongépour vérifier. La chaîne étaitassez solide et j’ai doncpassé trois jours dans cemouillage pour éviter lecoup de vent.»

Voir le bateau autrement«A bord, on peut dormirsans quille uniquementsi la gîte ne dépasse pasles 20 degrés et si on a biensécurisé son bateau. Le pro-blème, c’est qu’on aimequand ça va vite. Quand jesuis reparti, il a fallu que jemodifie mes réflexes, quej’imagine autrement l’utili-sation du bateau. J’avais toutpréparé au cas où je me seraisretourné. J’avais fermé lespanneaux, préparé tout lematériel nécessaire à la sur-vie, le téléphone, etc. En casde pépin, il fallait avoir lebon réflexe pour aller pren-dre ce qu’il fallait. Et j’airéussi à ramener mon ba-teau. Pour moi c’est une finde course glorifiante. Monrêve était de gagner cetteépreuve. Mais un proverbechinois dit: “Le but n’est pasle but. Le but est le chemin.”»

Recueilli par DINO DI MEO

«Cettearrivéevalorisel’aspectd’aventure»VOILE Jean-Pierre Dick a franchi la ligne d’arrivéedu Vendée Globe en quatrième position et sans quille.

36milliards d’euros ont déjàété engloutis pour per­mettre à la Russie d’orga­niser les Jeux olympiquesd’hiver en 2014, à Sotchi.La moitié de cette sommeprovient du secteur privé.

Ce n’est pas une surprise.Après sept mois d’absence,l’Espagnol Rafael Nadal achoisi de faire son retoursur sa surface de prédilec­tion: la terre. Celle dutournoi de Viña del Marau Chili. Nadal va ainsireprendre en douceur parun double aux côtés deson ami argentin JuanMonaco. Demain, il jouerason premier simple aprèsla plus longue pause de sacarrière. La faute à songenou gauche affecté parle syndrome de Hoffa, uneinflammation de la boulegraisseuse derrière letendon rotulien. Actuel5e mondial, Nadal a biensûr comme repère la datedu 26 mai, celle du débutde Roland­Garros. Il ne faitpas mystère qu’il a pourambition de remporter sontournoi fétiche une 8e fois.PHOTO AFP

RAFAEL NADAL,RETOUR SURTERRE

LES GENS

LIBÉRATION MARDI 5 ET MERCREDI 6 FÉVRIER 2013

Page 25: Liberation 20130205

Nous étions au Bourgetle 22 janvier 2012.Comme des millionsd’autres ce soir-là –nousne sommes ni malenten-dant ni mal compre-nant –, nous avons en-

tendu ceci : «Mon véritable adversairen’a pas de nom, pas de visage, pasde parti. Il ne présentera jamais sa candi-dature. Il ne sera donc pas élu et pourtant,il gouverne. Cet adversaire, c’est le mondede la finance.» François Hollande, dansce qui fut pour beaucoup un discoursfondateur, ajoutait : «Maîtriser la fi-nance commencera ici par le vote d’une loisur les banques qui les obligera à séparerleurs activités de crédit de leurs opérationsspéculatives.» Cette proposition est en7e position dans son programme. Et elleest vigoureuse.Une année s’est écoulée et le projet deloi sur la séparation des banques seradiscuté en février au Parlement. Pour-tant, cette promesse symbolique nesera pas tenue. Le texte de loi présentén’est pas à la hauteur. Loin de là. Ni surle contenu ni sur les méthodes em-ployées pour l’élaborer. La vigueurs’est transformée en rachitisme. Il nefaut pas montrer ses muscles quandon n’a que la peau sur les os.Le contenu d’abord. Rien dans ceprojet de loi présenté en Conseil des

ministres avant Noël n’oblige en effetles banques à séparer leurs activités. Ilpropose tout juste de filialiser les ban-ques de dépôts et les banques d’affai-res. Et seulement 1% des activités fi-nancières seront cantonnées dans unefiliale de l’aveu même de FrédéricOudéa, PDG de la Société générale,auditionné le 30 janvier devant la com-mission des finances de l’Assembléenationale. 99% des activités les plusdangereuses continueront d’être cou-vertes par l’Etat en cas de défaillanceet donc de menacer les dépôts desFrançais et notre économie. Nous som-mes loin du Bourget.La filialisation ne règle rien, elle n’em-pêche pas une maison mère d’être miseen difficulté par la faillite d’une de sesfiliales, un étudiant en première annéed’économie sait cela. L’exemple d’AIGen 2008 en a fait la démonstration :116000 employés d’un côté, coulés parune microfiliale (350 employés) quiavait accumulé suffisamment de risques(1 600 milliards de dollars) pour fairechuter l’ensemble du groupe. Le pre-mier assureur mondial a été sauvéin extremis par le gouvernement améri-cain –c’est-à-dire le contribuable– afind’éviter l’effondrement du système toutentier. Chez nous, les quatre banquesuniverselles françaises –BNP–Paribas,Société générale, Crédit agricole et

Natixis – vantent leurs solidités avecun argument aussi hypocrite que :«Nous sommes trop grosses pour nous ef-fondrer!» (too big to fail). C’est vrai, maisau prix d’un chantage perfide : si ons’effondre, tout s’effondre, donc… on nepeut pas s’effondrer. Comprenez: vousn’avez pas intérêt à nous laisser tombersinon, les contribuables vont perdretoutes leurs économies.Autre chantage: «Si vous séparez les ac-tivités, nous fermerons des agences, il yaura des chômeurs en plus.» Ah bon ?L’activité des banques de dépôt vaaugmenter et vous allez fermer desagences ? Nous pensons au contrairequ’il faudra embaucher des banquierspour booster l’activité de crédit auxPME, aux ménages, étudier les dossiers,

les faire avancer, grandir, les refuseraussi parfois, bref: faire un vrai travailutile, visible, critiquable ou admirable.Pourquoi ce choix de filialiser plutôt quede séparer alors que de très nombreuxéconomistes et dirigeants de premiersplans – de Joseph Stiglitz à ChristineLagarde, en passant par Michel Rocard,Nicolas Baverez, Jean Peyvelerade ouencore Warren Buffett– se sont pronon-cés en faveur d’un cloisonnement strictentre les activités commerciales et lesactivités de marché? Pourquoi le projetfrançais est-il le plus timide, le moinsambitieux, le plus frileux de tous ceuxenvisagés actuellement sur la planète:Volker aux Etats-Unis, Vickers auRoyaume-Uni et Liikanen au sein del’Union européenne? Pourquoi refuserde mettre le système bancaire françaisà l’abri? Pourquoi protéger une poignéede banquiers et de traders, (il y a en tout9 018 traders qui travaillent pour cesquatre banques) ? Pourquoi les laissercontinuer à prendre des risques incon-sidérés sur les marchés en se servant del’argent des contribuables commed’une assurance tous risques ?La méthode d’élaboration de la loidonne des réponses. Le projet dugouvernement, prévu initialement pourles premiers mois du quinquennat, a étéreporté au début de l’année 2013 sousla pression du lobby banquier, le tempsde vider la promesse de toute sa subs-tance. Seuls les principaux dirigeantsdes quatre grandes banques françaisesont été auditionnés par les rapporteursdu projet en séance plénière. Les éco-nomistes indépendants et soucieuxd’obtenir une séparation stricte desbanques n’ont quant à eux été reçus quepar une seule personne et dans des con-ditions indignes de la République. Pasétonnant dès lors que le projet Mosco-vici fasse consensus chez les banquierset qu’il aille, de l’aveu même du minis-tre, «dans l’intérêt de la finance», cetadversaire invisible que dénonçait Hol-lande il y a un an. C’est un peu comme

si la loi de séparation de l’Eglise et del’Etat avait été rédigée par les évêques.Cette loi, si elle est adoptée en l’état, neservira donc que 9018 traders et qua-tre PDG. Le salaire fixe des traders variede 6000 à 9000 euros par mois. Les bo-nus octroyés le portent à 50000, 70000voire 90000 euros mensuels. On com-prend que le lobbying orchestré ait étéfarouche. Ce qu’on ne comprend pas,c’est pourquoi Pierre Moscovici s’y estlaissé prendre. Un moment de fai-blesse ? Sûrement. Aidons-le à se re-prendre. Séparer les activités bancairesutiles à l’investissement et à l’emploi decelles purement spéculatives n’empê-cherait pas les traders de «jouer», maisils ne seraient pas couverts par l’Etat encas de dérive. Quand on perd au casino,

on ne demande pas à l’Etat decouvrir notre mise pour jouerencore et encore… jusqu’à cequ’on gagne de nouveau.Il faut remettre les banques àleur place : au service des

PME, des artisans, des ménages, del’économie réelle. C’est pourquoi noussommes déjà près de 25000 citoyens àdemander aux élus et aux députés d’agirpour muscler le projet de loi du gouver-nement sur un site internet (1). Desamendements en faveur d’une vraieséparation des banques ont été déposéset cette solution n’a rien d’utopique :entre 1933 et le milieu des années 90,c’est comme cela qu’a fonctionné lesystème bancaire mondial et nousn’avons connu aucune crise financièremajeure. D’autres visent à obtenirdavantage de transparence de la partdes banques afin de «lutter efficacementcontre les paradis fiscaux». Ça aussi nousl’avons entendu au Bourget maisaujourd’hui on l’entend moins. Forcé-ment, nous, nous sommes restés auBourget alors que Hollande est à l’Elyséemaintenant, 13 kilomètres plus loin.Ça doit venir de là.La question posée aux députés est sim-ple : alors que 84% des Français sontfavorables à une scission des banques(sondage Ifop, juillet 2012), vous, légis-lateurs et représentants du peuple,entendrez-vous sa voix? Est-ce qu’aunom d’une solidarité gouvernementale–déraisonnable, voire inepte– qui ris-que de vous faire perdre votre mandatdans quatre ans vous ferez le choix d’at-tendre la prochaine crise, pour voir sil’option proposée suffit ? Ou agirez-vous pour éviter tout nouvel accident?Le système bancaire actuel est le fruitd’une volonté et de lois. Une autrevolonté et d’autres lois peuvent le chan-ger. Quand les quatre présidents desbanques universelles françaises et leurschevaux légers vous disent quec’est impossible, trop dangereux…posez-vous la question: si la volonté dupeuple ne peut être imposée par les lé-gislateurs, alors pourquoi demande-t-on au peuple de voter ? La Francetient là une occasion en or de montrerl’exemple, ne la laissons pas passer.(1) www.monadversairecestlafinance.fr

C’est un peu comme si la loi deséparation de l’Eglise et de l’Etatavait été rédigée par les évêques.

Par BERNARDDAURENSANAncien directeurgénéral d’unebanque régionaleet membredu collectifRooseveltBRUNOGACCIO Citoyenengagé membredu collectifRooseveltet BENJAMINGRIMONTCoordinateurdu collectifRoosevelt

Démocratie… ou bancocratie?

L'ŒIL DE WILLEM

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 2013

REBONDS • 21

Page 26: Liberation 20130205

Economistes et public: le grand malentenduLa crise a ranimé le dé-bat sur le rôle des éco-nomistes dans la vie dela Cité. S’ils n’ont passu prévoir la crise, celane prouve-t-il pasl’inanité de leurs théo-ries? Plus grave encore,ils sont soupçonnés

d’exprimer leurs opinions politiques en lesfaisant passer pour de la science. Si tel est lecas, les citoyens comme le gouvernement fe-raient mieux d’ignorer leurs discours pour sefaire leur propre opinion sur les questions depolitique publique.Si les opinions des économistes sont fondéessur l’idéologie plutôt que la science, on de-vrait observer des désaccords entre eux pourdes raisons idéologiques. L’université de Chi-cago recueille des données sur les opinionsdes économistes appartenant aux sept plusprestigieux départements d’économie desEtats-Unis. Ces études montrent qu’ils sonten général d’accord entre eux sur les ques-tions de politique publique. Plus la littératureéconomique est développée sur certainesquestions, et plus ils sont d’accord entre eux.Un consensus fondé sur la science existedonc. Cependant, il y a des domaines où la

littérature économique n’apporte pas de ré-ponse claire. Les économistes laissent-ilsalors parler leurs opinions politiques? Sont-ils divisés en camps idéologiques? L’analysedes données montre qu’il n’en est rien. Iln’est pas possible de les classifier en deuxgroupes, disons la gauche et la droite, de tellefaçon que chaque groupe ait la plupart dutemps les mêmes opinions. Ils sont donc sou-vent d’accord entre eux, et, lorsqu’ils sont endésaccord, cela n’est pas dû à leur apparte-nance à des clans idéologiques opposés (1).Ce consensus ne reflète-il pasune grande homogénéitéidéologique plutôt qu’une ab-sence d’idéologie? Une autre base de don-nées recueillies par l’université de Chicago etNorthwestern nous informe sur les opinionsdes citoyens américains. On constate toutd’abord que les opinions politiques des éco-nomistes divergent de celles de l’Américainmoyen. Les économistes sont plus à gauche,mais en même temps ils sont beaucoup pluspromarché. Une partie du consensus constatéparmi eux sur les questions de politique pu-blique peut donc s’expliquer par leur orienta-tion politique très particulière.Etant donné que leurs opinions politiquesdiffèrent tant de celles du citoyen moyen, il

n’est peut-être pas surprenant d’apprendreque les économistes et le grand public sont endésaccord sur un grand nombre de questionsde politique publique (2). Pourtant, les diffé-rences d’orientation politique n’expliquentpas tout. Même les citoyens qui, comme leséconomistes, sont de gauche et promarché setrouvent souvent en désaccord avec eux surles questions de politique publique.Le désaccord entre l’opinion publique etles économistes s’explique-t-il alors parle fait qu’ils sont mieux informés? En effet,

les divergences d’opinionentre économistes et citoyenstendent à être plus grandes

sur les questions où les économistes sont leplus souvent d’accord entre eux sur la based’une littérature très étoffée. Pourtant, quandon dit aux gens qu’il y a un consensus parmiles économistes sur certaines questions depolitique publique, cela a peu d’influence surleurs opinions. En clair, la plupart des gensne croient pas que l’opinion des économistesreflète la réalité des faits.Face à ce divorce entre économistes etopinion publique, que faire ? D’un côté,le grand public gagnerait à être mieuxinformé de certains faits qui sont bien établispar la science économique. D’un autre côté,

lorsque les économistes font une recomman-dation de politique publique, ils ne s’appuientpas seulement sur les faits, mais aussi sur cer-taines hypothèses qui devraient être explici-tées et discutées. En particulier, les écono-mistes pensent qu’il est souvent efficace delaisser les marchés fonctionner librement, etl’Etat s’occupera de réduire les inégalités quipourraient en résulter. Il est évident que si lescitoyens ne font pas confiance à l’Etat, cettevision tombe à l’eau. Or, ces études montrentque, relativement aux économistes, le citoyenmoyen fait moins confiance à la fois au mar-ché et à l’Etat. Or, justement, quand on ob-serve le fonctionnement de la politique aujour le jour, le citoyen a peut-être de bonnesraisons d’être sceptique…

(1) «Views Among Economists: ProfessionalConsensus or Point­Counterpoint?»par Roger Gordon et Gordon B. Dahl,http://dss.ucsd.edu/~gdahl/papers/views­among­economists.pdf(2) «Economic Experts vs. Average Americans»par Paola Sapienza et Luigi Zingales,http://faculty.chicagobooth.edu/luigi.zingales/papers/research/Economic­Experts­vs­Average­Americans.pdf

Ioana Marinescu est professeure d’économie àla Harris School of Public Policy de l’universitéde Chicago.

Par IOANAMARINESCU

ÉCONOMIQUES

Indépendamment de ce que l’on pense de la moralité (oude l’immoralité) de la gestation pour autrui (GPA) ainsi quede l’opportunité d’introduire cette question dans le débatsur le mariage pour tous, force est de constater que

plusieurs enfants français naissent à l’étranger grâce à cetype de technique reproductive. En effet, certains payscomme les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l’Argen-tine, le Brésil, Israël, l’Afrique du Sud, l’Inde, la Russie oules Pays-Bas considèrent la pratique dite des «mères por-teuses» comme conforme à leur ordre juridique.Toutefois, lorsqu’un cou-ple français se rendait dansl’un de ces pays pourconcrétiser un projetparental, il se trouvaitsouvent confronté àdes péripéties inextri-cables au moment de vouloir inscrire son enfant dansle consulat. Les autorités françaises pouvaient refuserla transcription d’un acte de naissance lorsqu’elles avaientun soupçon de recours à une mère porteuse. L’enfant dis-posait uniquement de sa filiation établie selon le droitétranger et si cela était impossible, il pouvait même devenirapatride.La garde des Sceaux, alertée de cette situation par SergioCoronado (député des Français à l’étranger), a adopté,le 25 janvier, une circulaire relative à la délivrance des certi-ficats de nationalité française permettant justement derégulariser le sort de ces enfants. Publiée en première pagepar un journal conservateur, l’opposition n’a pas raté l’oc-casion d’utiliser la circulaire pour brandir l’argument dela marchandisation du corps de la femme afin de mieux

s’opposer au projet de loi sur le mariage pour tous. Toutefoiset malgré la confusion que l’opposition tente d’installer dansl’opinion publique, la gestation pour autrui demeureune pratique illégale en France. L’article 16-7 du code civildispose ainsi que «toute convention portant sur la procréationou la gestation pour compte d’autrui est nulle».La solution proposée par Mme Taubira n’est pas nouvelle.En effet, conscient de l’existence de certains problèmes pra-tiques, le Conseil d’Etat avait suggéré d’aménager la situationdes enfants, sans revenir sur la prohibition de principe.En 2008, un rapport du Sénat allait encore plus loin, en pro-posant la légalisation de la gestation pour autrui pour les cou-ples hétérosexuels stériles (absence d’utérus, hystérectomie,

fausses couches récur-rentes…).Il faut noter également quele droit espagnol, au nomde l’intérêt de l’enfant,prévoit la reconnaissancede la filiation consécutive

à une maternité pour autrui réalisée à l’étranger malgréson interdiction en droit interne. La circulaire française neva pas aussi loin puisqu’elle ne fait que reconnaître la natio-nalité mais n’établit pas la filiation avec le parent d’inten-tion.S’il semble illusoire que la France puisse interdire la gestationpour autrui dans d’autres pays, la responsabilité de nos auto-rités politiques exige en revanche, de donner une solutionaux cas concrets. Indépendamment de ce l’on pense de lagestation pour autrui, le droit ne peut pas faire payer à l’en-fant le choix des adultes et cela va de son intérêt supérieurnon seulement à avoir la nationalité française mais aussi à ceque la filiation à l’égard de ses parents (biologiques et/oud’intention) soit clairement établie. Mais cela reste encoreà construire.

Je veuxun papa,je veuxune maman

Monsieur et madame Pot sont heureux devous annoncer la naissance de leur fils Pol.Monsieur et madame Premier sont heureuxde vous annoncer la naissance de leur fils

Napoléon.Monsieur et madame Gula sont heureux de vous an-noncer la naissance de leur fils Cali.Monsieur et madame Hitler sont heureux de vous an-noncer la naissance de leur fils Adolf.Monsieur et madame Heaulme sont heureux de vousannoncer la naissance de leur fils Francis.Monsieur et madame Petitpèredespeuples sont heu-reux de vous annoncer la naissance de leur filsStaline.Monsieur et madame Kadhafi sont heureux de vousannoncer la naissance de leur fils Muammar.Monsieur et madame Papon sont heureux de vous an-noncer la naissance de leur fils Maurice.Monsieur et madame Zeus sont heureux de vous an-noncer la naissance de leur fille Pandore.Les familles Parker et Barrow sont heureuses de vousannoncer la naissance de leurs enfants respectifs,Bonnie and Clyde.Monsieur et madame Zedong sont heureux de vousannoncer la naissance de leur fils Mao.Monsieur et madame Lecter sont heureux de vousannoncer la naissance de leur fils Hannibal.Je veux un papa, je veux une maman.

Par DIDIER DAENINCKX Romancier

La gestation pour autrui:l’intérêt supérieur de l’enfantPar DANIEL BORILLO Juriste, université Paris­Ouest,chercheur associé au CNRS

Le droit espagnol prévoit la reconnaissancede la filiation consécutive à une gestation pourautrui réalisée à l’étranger malgré soninterdiction en droit interne.

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 201322 • REBONDS

Page 27: Liberation 20130205

LE MOUVEMENT C’EST

LA VILLEÎLE-DE-FRANCE : QUELLE RÉGION EN 2030?

En partenariat avec

DEUX JOURS DE DÉBATS LES 22 ET 23 FÉVRIER À LA MC93 DE BOBIGNY AVEC DANIEL VAILLANT, C215, JEAN-PAUL HUCHON, JAN GEHL, PATRICK DEVEDJIAN,DOMINIQUE VOYNET, CÉCILE DUFLOT, PATRICK BRAOUEZEC, NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET...+ CONCERTS GRATUITS DE DISIZ, NAKK MENDOSA & L'INDIS+ PERFORMANCES DE GRAFFEURS AVEC MARKO93

ENTRÉE GRATUITE INSCRIPTION SUR WWW.MC93.COM

Dilemmefranco-maliend’un pacifisteanticlérical

La vie n’est pas simple en ces temps deguerre postcoloniale pour le pacifistequi se veut anticlérical. L’opérationmalienne voit se percuter les lobes ducerveau de celui qui entend rester à lafois admirateur du Jaurès de 1914 et dupetit père Combes de 1905. Dans les du-nes du Sahel, ce rêveur ensablé, vous,moi, risque un AVC théorique et se dé-couvre menacé d’une séparation desventricules paix et laïcité, droit desfemmes et droit des peuples à disposerd’eux-mêmes, notions incapables dé-sormais de se parler dans l’oreillette.Le pacifiste a commencé par ricanerquand il a vu les traîneurs de sabre ravisde boucler à nouveau la jugulaire etfourrant dans leur paquetage des ra-tions vitaminées intitulées «guerrejuste», «devoir d’ingérence», «fas-cisme islamiste».L’anticlérical s’est misen travers en détaillantles insondables désastres que génèrentles croyances monothéistes quand ellesse piquent de prosélytisme et veulentrégenter le quotidien du citoyen ravaléau rang de croyant. Et allez zou, qu’onlapide la femme adultère, qu’on coupela main du voleur ! Et à Tombouctou,qu’on se noie dans le ridicule infini etqu’on finisse par fusiller les chiens (1).Le pacifiste s’est empressé de se mo-quer de la célébration de la virilité(re)trouvée du président français. Grâceau Mali, le procès en insignifiance deFlamby n’a plus lieu d’être. Chef deguerre, il mérite enfin d’être adoubé parla congrégation des quéquettes. Fran-çois Hollande était (un) mou, il est enfindevenu (un) dur, et la France femellen’a qu’à se féliciter de cette brute ga-lonnée qui lui fouaille les entrailles etl’ensemence de sa détermination sousViagra.L’anticlérical aurait pu se rallier à cetargument féministe. Il aurait pu se dé-soler que l’Hexagone se pâme toujourspour le classiquement masculin quandHollande semblait capable d’injecter duféminin traditionnel (consensus, dia-logue, apaisement) dans l’exercice dupouvoir. Mais l’anticlérical préfère s’at-tarder sur la condition de la femmequand l’islam prend les commandes.Que le pouvoir religieux soit au bout dufusil ou au fond de l’isoloir, la régres-sion est avérée. Avec l’islam de gouver-nement, printemps arabes ou pas,l’autonomie est mise sous l’éteignoir,l’éducation est comptée aux filles, sansparler de la peur de la sexualité quitranspire par tous les pores de la peaude cette croyance voilée.Le pacifiste tente de reprendre la main

en pointant la stratégie de déni habile-ment mise en œuvre par la propagandeélyséenne. Un conflit? Quel conflit? Ily aurait des morts ? Vous croyez vrai-ment? Afin de caresser dans le sens dupoil une opinion de gauche rétractile etréversible, les spin doctors de l’état-major font comme si de rien n’était.Comme Duras, ils chantonnent :«Tun’as rien vu à Tombouctou». FaçonBaudrillard, ils murmurent: «La guerredu Mali n’a pas eu lieu». Ils privilégientle néant de la non-image et la dilutionde l’ennemi invisible qui s’opposent àl’hollywoodienne saturation des frap-pes fatales, des corps sanglants et desstatues déboulonnées. La Françafriquese remplume, le lobby militaro-indus-triel se frise les moustaches, le pré carréest tondu de frais, mais dormez brave

gens, tout ça finira bienpar se perdre dans lessables. A Bamako, dans

un antidiscours de Dakar, le généralHollande soigne son humanisme replet,mettant au placard la posture tropouvertement martiale. Suffit d’uneémulsion de volontarisme pour que lesJoinville de la chronique des guerresmoléculaires vous donnent acte de vo-tre croisade démocratique et fassent devous un Clemenceau sans moustache,un Churchill souriant, une Thatcheraccommodante.L’anticlérical préfère faire la part deschoses et sérier les priorités. Il pensaitn’avoir à se soucier que des bigoterieshomophobes et des célébrants en lodend’une soi-disant nature humaine. LeMali lui fait comprendre que ce n’estplus seulement en bord de Seine qu’ilfaut s’exclamer avec Voltaire : «Ecra-sons l’infâme !» haro antichrétien quidevrait être appliqué aux trois mono-théismes et qui a le mérite de rimeravec «émancipation des femmes».Pacifiste et anticlérical pourraient se ré-concilier sur le dos de leurs exagé-rations. Le pacifiste pourrait admettreque les jihadistes obscurcis n’ont rienà voir avec l’avant-garde du prolétariattiers-mondiste. L’anticlérical pourraitreconnaître que cette intervention vacoûter un bras tandis qu’il n’est bon becque de la dette.Aucun armistice en vue. La tempêteperdure sous le crâne et les injures seglissent dans le barillet. Quand le paci-fiste se verra traiter de «Munichois» oude «machiste», quand l’anticléricalaura droit à «bushiste» ou à «islamo-phobe», il sera temps de mettre fin àcette schizophrénie et de quitter le Mali.Ce qui est loin d’être garanti.(1) «Libération» du 30 janvier.

RÉ/JOUISSANCES

Par LUCLE VAILLANT

Inégaux jusqu’au boutdes cheveux

Depuis fin 2012, tous les automo-bilistes, hommes comme femmes,paient le même tarif d’assurance.La Cour européenne de justice en a

ainsi décidé, afin de faire respecter le prin-cipe d’égalité de traitement. Est alors né l’es-poir qu’elle fasse de même pour les tarifs dessalons de coiffure, qui sont systématiquementaffichés en fonction du sexe.Le 26 janvier, le Monde magazine signale qu’auDanemark, un salon a écopé d’une amendepour avoir facturé les coupes pour femme100 couronnes de plus que celles pour hom-mes. Et commente: «au Danemark, l’égalitéentre les sexes est poussée à l’extrême», sansanalyser plus avant les protestations dela Chambre syndicale des coiffeurs, qui faitvaloir que «cela prend tout simplement plus detemps avec une femme». C’est tout sim-plement… faux: le temps d’intervention peutvarier selon le type de coupe, mais non selonle sexe de la personne. Faut-il rappeler quecertains hommes portent les cheveux longs,et certaines femmes les cheveux courts? Quec’est légal et même socialement admis depuis

longtemps? Quand on interroge les coiffeurs(et les coiffeuses), ils le disent tout net: surune coupe courte, le temps d’intervention estle même pour un homme et pour une femme.Est-il acceptable qu’on fasse payer plus cherà une femme un service identique, sousle seul prétexte qu’elle est une femme ?Cette histoire que d’aucuns disent tirée parles cheveux est loin d’être un détail. N’est-cepas sous-entendre que les femmes sont prêtesà payer le prix fort pour ce qui concerne leurapparence? N’est-ce pas les renvoyer encoreet toujours à leur sacro-sainte féminité ?Poussons l’absurde jusqu’au bout, et propo-sons des tarifs sexués chez le médecin (c’estbien connu, les femmes sont bavardes, doncles consultations durent plus longtemps), aupressing (ça prend plus de temps de nettoyerun pantalon de femme qu’un pantalond’homme), à la banque (les femmes gagnentmoins mais elles sont dépensières, autant leurfacturer par principe les frais de découvert)…Pour faire respecter l’égalité de traitemententre femmes et hommes, la Cour euro-péenne de justice doit statuer sur cette inéga-lité, et imposer aux salons de coiffure qu’ilsétablissent leurs tarifs en fonction du type decoupe, et non plus en fonction du sexe.

Par HÉLÈNE KLOECKNERCoordinatrice du Laboratoire de l’égalité

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 2013 REBONDS • 23

Page 28: Liberation 20130205

ABSURDE Entre cirque, danse et théâtre, Dominique Dupuy met en scène à Chaillot«Acte sans paroles I», pièce uniquement composée d’indications scéniques.

T rois cubes, un arbre, une paire de ci-seaux, une corde, une carafe d’eau,et puis au milieu de tout cela unhomme qui, le pauvre, éprouve phy-

siquement l’impossibilité de vivre, et mêmecelle de mourir. Le corps se débat, espère,prie, renonce. Pas un mot n’est prononcé.C’est Acte sans paroles I, singulière expé-rience de «théâtre» imaginée en 1956 parl’auteur irlandais Samuel Beckett.

ACROBATIQUE. Ce mimodrame (si l’on veut)fut créé le 1er avril 1957 à Londres. La choseavait surpris. Cinquante-cinq ans plus tard,dans le Studio du Théâtre de Chaillot, ellecontinue d’intriguer. Certes, le royaumed’Absurdie de Beckett est désormais familieret ses aventures formelles font figure de clas-siques. Non, ce qui étonne ici, et séduit, c’estque ce texte tout en didascalies, long d’àpeine sept pages (1), réussisse à enfanter d’unspectacle cohérent et puissant où sont com-binées les ressources du théâtre, du cirque etde la danse.

Car il y a tout cela dans la mise en scène duchorégraphe Dominique Dupuy. Le texte dit,par exemple: «Il [le personnage, ndlr] se re-tourne, voit le second cube, le regarde, le placesous la carafe, en éprouve la stabilité, montedessus, essaie en vain d’atteindre la carafe,descend, veut rapporter le cube à sa place, seravise, le dépose, va chercher le grand cube, leplace sur le petit, en éprouve la stabilité, montedessus, le grand cube glisse, il tombe, se relèveaussitôt, s’époussette, réfléchit.» Enfournéesdans un ordinateur, ces indications suffi-raient à animer un bonhomme de synthèse.Oui, mais, un corps, c’est autre chose. Et lavie, donc !La belle idée de Dominique Dupuy, c’estd’avoir conçu deux versions très différentesde cette pièce et de les avoir mises bout àbout. Dans la première, c’est le corps athléti-que de Tsirihaka Harrivel, 30 ans, qui seglisse dans les didascalies de l’auteur. C’estdu Beckett acrobatique, quoique toujoursmuet et désespéré. Tsirihaka (prononcez Ti-riac) est un type qui sait faire du neuf dans untemps vieux: on l’a vu récemment dans cesspectacles formidables que sont Du goudron

et des plumes, de Mathurin Bolze, et De nosjours, du collectif Ivan Mosjoukine. Il saitmettre ses talents de circassien au serviced’idées. De la douloureuse métaphore de lavie qu’est Acte sans paroles I, du texte rude etaride, son corps souple donne une représen-tation aérienne : celle d’une hirondelle piégéedans une chambre et qui se heurte aux vitres.

FRAGILITÉ. Puis c’est le corps de DominiqueDupuy, 83 ans, qui vient animer le texte deBeckett. Lui est moins hirondelle, forcément,mais il a la grâce. Ce sont maintenant dansdes mouvements ténus que l’espoir et le dé-sespoir s’expriment. Nous passons de l’acro-batie à la suggestion, et du spectaculaire àl’émotion. C’est-à-dire que nous avons dé-sormais sous les yeux la métaphore de la mé-taphore. Il fallait la première partie pouréprouver la tendre fragilité de la seconde. Etil fallait la seconde pour que le mouvementvif de la première prenne tout son sens.Privilège de l’âge, Dominique Dupuy a puassister en 1957 à la création d’Acte sans pa-roles I par Deryk Mendel. Et tout de suite, af-firme-t-il, est née chez lui l’envie de monter

un jour ce spectacle. Cela aura finalementpris un bout de temps. Il y a cinq ans, à la de-mande d’un professeur de littérature, le cho-régraphe s’est retrouvé membre du juryd’une thèse portant sur le corps chez Bec-kett: ressurgit alors le souvenir vieux de cin-quante ans, celui de cet «acte théâtral pur»et pourtant sans une seule réplique. Toutvient à point pour qui sait attendre.Ce double spectacle pour le prix d’un est scé-nographié par Eric Soyer, qui travaille avecJoël Pommerat. Il restera peu de temps à Pa-ris, mais sera à Caen du 12 au 14 mars, dansle cadre du festival Spring organisé parLa Brèche (Pôle national des arts du cirquede Basse–Normandie), qui a coproduit lespectacle. •(1) Inclus dans «Comédie et actes divers»,éditions de Minuit.

ACTE SANS PAROLES Ide SAMUEL BECKETTms Dominique Dupuy, avec Tsirihaka Harrivel.Studio du Théâtre national de Chaillot,1, place du Trocadéro, 75016. Jusqu’à samedi.www.theatre­chaillot.fr

Par ÉDOUARD LAUNET

Beckett,corps

et drame

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 201324 •

CULTURE

Page 29: Liberation 20130205

très menacé. L’an dernier, ilnous confiait: «La formationde l’acteur dure de longues an-nées, elle exige une disciplineet un engagement sans faille.Et aujourd’hui, les jeunes Ja-ponais sont sollicités par deschoses immédiates, comme lesjeux vidéo.»Tamasaburô Bandô ad’ailleurs abordé d’autresdomaines artistiques que lekabuki, comme la mise enscène au cinéma et au théâ-tre. Son travail avec Kodo, laformation de taïko (percus-sions) la plus célèbre de l’ar-chipel, est exemplaire : il aapporté à cette troupe mar-tiale des couleurs et un sensde la dérision bienvenu.Il a aussi rapproché le kabukid’autres traditions : sonadaptation de l’Idiot, de Dos-

toïevski, a été portée au ci-néma par le Polonais AndrzejWajda (Nastasja, en 1994).Rivalité. Après un premierprogramme de trois solos dekabuki, il présentera auChâtelet des extraits (3 actes

sur 55) du plus célèbre opérachinois classique: le Pavillonaux pivoines. Ce qui ne man-que pas d’audace. Si les lienshistoriques sont forts entrele l’archipel et la Chine, larivalité entre les deux gran-des puissances asiatiques alongtemps été un frein auxéchanges culturels.

L’idée est née de l’admirationde Tamasaburô Bandô pourMei Lanfang, le premier ac-teur chinois à faire connaîtreà travers le monde l’Opéra dePékin, dans les années 30. Cequi lui vaudra l’admiration

de Brecht, d’Ei-senstein ou deChaplin. Son his-toire a inspiré undes grands succèsdu cinéma chi-nois : Adieu ma

concubine, de Chen Kaige(1993). Lui aussi spécialistedes rôles de femmes, il estmort en 1961. Peu de tempsavant que la révolution cul-turelle maoïste ne décrètel’éradication de l’opéra tra-ditionnel.

FRANÇOIS-XAVIER GOMEZ(1) «Libération» du 15 février 2012.

TAMASABURÔ BANDÔau Châtelet, 1, placedu Châtelet, 75001.jusqu’au 16 février.JIUTA solo de danse kabuki,jusqu’à jeudi à 20 heures.LE PAVILLONAUX PIVOINES (extraits)le 10 février à 16 heureset du 11 au 16 à 20 heures.www.chatelet­theatre.com

L ors de sa venue à Parisl’an dernier (1), commemetteur en scène de la

troupe de tambours Kodo,Tamasaburô Bandô étaitl’onnagata le plus célèbre duJapon. Il revient paré d’un ti-tre supplémentaire: celui detrésor national vivant, qui luia été décerné en juillet par legouvernement de son pays.Le titre avait été porté aupa-ravant par Nakamura Jakue-mon, le plus célèbre onna-gata du dernier demi-siècle,mort en février 2012, à92 ans. Il avait joué les rôlesde femmes à plus de 80 anspuisque l’onnagata est, dansla tradition du théâtre ka-buki – laquelle remonte auXVIIIe siècle–, l’acteur mâleexclusivement dédié auxpersonnages féminins.Tamasaburô Bandô, 62 ans (ilen paraît vingt de moins), nevient pas d’une famille decomédiens, comme le veutl’usage. Son maître et pèreadoptif était, lui, issu d’unevéritable dynastie : MoritaKan’ya, seizième du nom.Son apprentissage a com-mencé dès l’enfance.Retour. Dans la représenta-tion du kabuki alternent dia-logue, chant et danse. Avecsa démarche en apesanteur,quasi fantomatique, l’onna-gata («forme féminine») in-terprète moins le personnagede la femme que ses senti-ments, son essence, de la fa-çon la plus stylisée et épuréepossible : à travers un gesteléger de la main, ou un mou-vement du menton.Lors de son unique passagesur une scène parisienne,lors du Festival d’automneen 1986, Tamasaburô Bandôavait produit une impressionimpérissable. Son retour estun des événements scéni-ques de la saison, d’autantque l’art de l’onnagata n’estpas éternel : TamasaburôBandô le considère même

TRAVESTI Désormais reconnu «trésor national vivant» au Japon,l’acteur spécialisé dans les rôles féminins se produit au Châtelet.

Tamasaburô Bandô,fine fleur du kabuki

Malgré leur cahierdes charges strict,les pièces de Beckettfont florès à Paris.

Le poètemaniaqueP as d’essoufflement, ni de son

vivant ni après sa mort.Samuel Beckett continue

d’être joué partout et souvent. AParis, en ce début d’année, deuxproductions de Fin de partie sontsimultanément à l’affiche.A l’Odéon, Alain Françon reprendjusqu’à dimanche sa mise en scènecréée à la Madeleine au prin-temps 2011, avec une distributionhaut de gamme : Serge Merlin,Gilles Privat, Michel Robin, IsabelleSadoyan.Le quatuor qui retrouve, à partir dejeudi à l’Athénée, la même pièce,dans la version créée en 2006 parBernard Lévy, n’est pas mal nonplus: Gilles Arbona, Thierry Bosc,Annie Perret, Georges Ser.Autre beckettien fidèle, Sami Freya réinterprété l’automne dernier àl’Atelier Premier Amour et Cap aupire. Au même moment, Serge Mer-lin jouait la Dernière Bande au Théâ-tre de l’Œuvre (Libération du 5 no-vembre). Et l’on pourrait citerencore, en 2012, les deux produc-tions de Oh les beaux jours, l’une si-gnée par Marc Paquien avec Cathe-rine Frot à la Madeleine, l’autrepar Blandine Savetier avec YannCollette dans le rôle de Winnie, àAubervilliers.Un acteur homme interprétant unrôle de femme : la transgression,s’agissant de Beckett, est rarissime.Car la floraison de projets feraitpresque oublier qu’en fait, il n’estpas si simple de jouer Beckett, sur-tout à Paris où l’obtention des droitsde représentation tient du casse-tête: les metteurs en scène doivents’engager à suivre à la lettre toutesles indications de l’auteur (impos-sible de jouer Godot sans arbre, oud’imaginer une autre couleur quele gris pour les murs de Fin de par-tie). Pour certains, le projet demonter une pièce de Beckett peutdonc tenir de l’aventure kaf-kaïenne, les ayants droit n’hésitantpas à faire interdire toute représen-tation non conforme.Les institutions prestigieuses nesont pas à l’abri d’un conflit. En2005, la Comédie-Française eutainsi le plus grand mal à obtenirpour Catherine Samie le droit d’in-terpréter Winnie dans Oh les beauxjours, au motif qu’elle avait 73 ansalors que le texte précise «la cin-quantaine, de beaux restes». SamuelBeckett lui-même avait donné leton en faisant interdire la premièreanglaise de Fin de partie en 1958.Quant à Eleuthéria, la premièrepièce, nul n’en a jamais obtenu lesdroits.

R.S.

«La formation de l’acteurexige une discipline et unengagement sans faille.»Tamasaburô Bandô

TsirihakaHarrivel

en répétitionle 25 janvier

au Studio duThéâtre national

de Chaillot.PHOTO PATRICK

BERGER

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 2013 CULTURE • 25

Page 30: Liberation 20130205

théâtre 7 > 23 février

LA DERNIÈRE INTERVIEWJEAN GENET / CATHERINE BOSKOWITZ / DIEUDONNÉ NIANGOUNA+ d’infos sur www.maisondesmetallos.org CONCERTS EXCEPTIONNELS

STEVEN ISSERLIS10 ET 11 FÉVRIER 2013

Une évocation de Marcel Proust

Plus d’informations01 46 07 34 50 / www.bouffesdunord.com

L a France verrouille-t-elle la recherche surla spoliation artistique

sous l’occupation nazie? Lereproche est posé par unedes plus hautes institutionsde la République : le Sénat,qui vient de publier un rap-port exhortant le gouverne-ment à reprendre activementune quête qui aurait étésciemment négligée depuisdes années. Le 16 janvier, lasénatrice écolo-giste du Maine-et-Loire CorinneBouchoux a faitadopter par lacommission cul-ture un «rapportd’information» de sept pages,aux réflexions sévères pourles défaillances du ministèrede Culture, conclu en neufpropositions.«Vivier». Au terme d’unetrentaine d’auditions, les sé-nateurs jugent «incompré-hensible» et «contraire auxprincipes» internationaux«l’absence de recherche activedes propriétaires» des ta-bleaux récupérés en 1945 parles alliés en Allemagne (cata-logués sous le nom de MNR,pour «musées nationaux ré-cupération»). Ils dénoncentles obstacles persistants àl’accès aux archives. Consta-tent que la lumière n’a tou-jours pas été faite sur lescandale des ventes de biensrécupérés, opérées dans lesannées 50 par les Domaines.

Et s’étonnent de «l’absencede directives écrites» auxmusées sur les conduites àadopter, difficilement com-préhensible quinze ans aprèsla conférence internationalede Washington consacréeaux restitutions.Au ministère de la Culture,on fait amende honorable :«Il faut le reconnaître, tout n’apas été fait, loin de là.» Dèscette semaine, Aurélie Filip-

petti doit envoyer une lettred’engagement à la Commis-sion pour l’indemnisationdes victimes de spoliations(CIVS), reprenant certainesdes recommandations du Sé-nat. Elle promet d’installerd’ici au printemps un groupede travail associant institu-tions et ministères concer-nés, et s’engage à mettre surpied une cellule avec la Di-rection des musées de Francepour relancer les recherchessur les MNR. «Il s’agit désor-mais d’adopter une attitudeproactive, de recherche systé-matique, qui se consacrera surun vivier de MNR», dit sonentourage. A la CIVS, Jean-Pierre Bady a déjà proposéune liste de 163 œuvres.«Cette étude devrait être bou-clée d’ici à juin 2014», com-

mente le ministère, souli-gnant la variable des moyenshumains.«Amnésie». La Fondationpour la mémoire de la Shoaha cependant accepté de fi-nancer des études sur lemarché de l’art dans ces an-nées sombres, sous l’égide del’Institut national d’histoirede l’art. Mais, même avec cesefforts, la France resteraitloin des recensements systé-matiques des musées alle-mands ou américains.Avocate spécialiste de laquestion, Corinne Hershko-vitch exhorte à «rassemblertous ces travaux dans un véri-table Institut de recherche, as-sociant historiens et juristes,qui pourrait prendre les MNRsous son aile : seul moyen desortir enfin de cette amnésie».En s’affranchissant de lamainmise problématique desconservateurs sur la cause.

VINCENT NOCE

SHOAH Le Sénat reproche à l’Etat ses défaillancesdans la recension des œuvres volées aux juifs.

Biens spoliés: la Franceen retard d’une guerre

Les sénateurs jugent«incompréhensible»«l’absence de rechercheactive des propriétaires».

Le véhicule du rappeurfrançais Laouni Mouhid,alias La Fouine, aurait étéla cible d’au moins deuxcoups de feu hier matindans une rue de Saint­Maur­des­Fossés (Val­de­Marne). Une enquête pour«tentative d’homicidevolontaire» a été ouverte.«La victime se faisait dépo­ser à son domicile par sonchauffeur peu avant 5 heu­res, selon une source judi­ciaire, quand son véhiculea été la cible de tirs.» Deuximpacts de balle ont étéconstatés sur le véhicule.Cet incident survient alorsque le rappeur échangenotoirement des invectivesdepuis plusieurs semainesavec Rohff et Booba, deuxcollègues du rap hexago­nal, par chansons interpo­sées, sur fond de guerred’egos et de stratégie mar­keting. Dimanche, le rap­peur avait d’ailleurs relancéson clash avec Booba, pos­tant sur la Toile TLT («T’asla tremblote»), un morceauqui ridiculise ce dernier.Une heure plus tard,Booba rétorquait avec unmorceau également intituléTLT (pour «Tue­les tous»…),dans lequel il accusait sonrival d’avoir commis uneagression sexuelle…

DEUX DOUILLESCHATOUILLENTLA FOUINE

L’HISTOIRE

Claire Diterzi tient «Salon» à ParisOn a trop encensé Claire Diterzi pour ne pasdire à quel point son dernier album est une dé-ception. Longtemps, on a pu considérer lachanteuse tourangelle comme l’égale de Ca-mille –succès massif en moins. Trois ans aprèsle spectacle Rosa la Rouge (conçu avec MarcialDi Fonzo Bo), Claire Diterzi présente donc unSalon des refusées (Naïve), créé en résidenceà la Villa Médicis, qui tourne à vide, loin, parexemple, de Boucle (2006) ou Tableau dechasse (2008) qui avaient révélé son universingénieusement «barré». Certes, le souci dupeaufinage perdure, mais, à deux ou trois titresprès (un très caractéristique Roi des forêts, leBal des pompiers), c’est un sentiment tenaced’ennui qu’instillent des chansons qui, pourla plupart, manquent notablement de relief.Ce dépit formulé, on ajoutera que Diterzi semontre en général à son avantage sur scène etque, chance, la Cité de la musique l’accueillece soir en création, avec viole de gambe, vio-lon, guitares et son habituel comparse, EtienneBonhomme, aux percussions. G.R. PHOTO DR

Cité de la musique, 221, avenue Jean­Jaurès, 75019.Ce soir, 20 heures. www.citedelamusique.fr

QUESTIONS À TONY HYMASCOMPOSITEUR ET PIANISTE

«La liste de mes hérosest sans fin»

S urnommé le «Brahmsmoderne», Tony Hymasa su diversifier ses atta-

ques, des Etudes de Debussyà l’expérience jazz-hip-hopd’Ursus Minor en passantpar le guitariste Jeff Beck. Lepianiste anglais revient surles choix de son dernier CD.w L’album Blue Door sembleplus ancré dans le blues…C’était, en effet, un choix

conscient d’inscrire ce disque dans un style blues. Ce quej’évitais auparavant, parce que je sentais que s’y aventurerserait présomptueux. Je n’étais tout simplement pas prêt pourjouer le blues, même si j’en écoute depuis bien longtemps.J’ai décidé que le moment était venu. Jean Rochard [patrondu label Nato, ndlr] m’y a encouragé.wVotre hommage à Léo Ferré, Avec le temps, sonne-t-il l’heured’un bilan de votre carrière?Pas exactement. J’avais déjà joué ce thème en trio. Jean Ro-chard me l’avait suggéré. Même si je connais le sens des pa-roles, il n’y a aucun message. C’est une magnifique pièce aupiano comme la Sonate au clair de lune, de Beethoven, maiscette fois inversée, avec la mélodie à la main gauche.w Vous évoquez sur ce CD les pianistes Phineas Newborn, RedGarland et Erroll Garner. Trois de vos héros?Ils le sont tous les trois. Mais il y a beaucoup d’autres musi-ciens auxquels je pourrais rendre hommage. Et pas seulementdes pianistes. Clark Terry, par exemple, pour l’articulation,ou Philly Joe Jones, Nusrat Fateh Ali Khan pour le courantmélodique… La liste des héros est sans fin.w De quand date votre collaboration avec les frères Bates?J’ai rencontré J.T. Bates en 2004 au festival Minnesota-sur-Seine, lors d’une jam. Je l’avais déjà entendu avec Fat KidWednesdays. La rencontre avec Chris a eu lieu deux ans plustard. Ces deux-là apportent une terrible vitalité au trio.

Recueilli par DOMINIQUE QUEILLÉ

Hymas & The Bates Brothers, CD: «Blue Door» (Nato­L’AutreDistribution). En concert, dans le cadre du festival Sons d’hiver, àl’Espace Jean­Vilar, 1, rue Paul­Signac, Arcueil (94). Ce soir, 20h30.

22C’est le nombre d’annéesséparant l’album Loveless,de My Bloody Valentine,de sa livraison 2013, MBV.Le vétéran noisy obsédéKevin Shields et sa bandemettent à disposition surleur site 9 nouveaux titresselon trois formules: télé­chargement, CD + téléchar­gement, ou vinyle + CD +téléchargement. On peutdéjà l’écouter gratuitementsur la chaîne YouTube duquatuor.

Z.U

LMA

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 201326 • CULTURE

Page 31: Liberation 20130205

IMMOBILIER

REPERTOIRE

ENTRENOUS

JOURDE FêTE

[email protected] Contact: Tél: 01 40 10 51 66

[email protected] Contact: Tél: 01 40 10 51 66

[email protected]: Tél: 01 40 10 51 66

[email protected] Contact: Tél: 01 40 10 52 11

Livraison gratuite dans toute la France - Payez en 3, 4 ou 10 fois sans frais *Détaillant-grossiste

50 av. d’Italie75013 Paris

148 av. Malakoff75016 Paris

247 rue de Belleville75019 Paris

*Voir conditions sur www.mobeco.comLIBE80130GEN_SOLD

mobeco

01 42 08 71 007 jours sur 7

www.mobeco.comwww.mobeco.com

canapés & salons

matelas & sommierstoutes dimensions

Diva, Style House, Neology,Nicoletti, Leleu...

Treca, Tempur, Epeda, Simmons,Merinos, Bultex, Dunlopillo, Pirelli...

fixes ou relevables

convertibles & clic clacpour couchage quotidien

Me nir o B,s u D,xetl un ol p olli P, eri ...ill

oc n ev tir b el s & cilc alc c

ac napé & s as ol ns

Nicoletti, Neology, Gorini, Rosini, Leleu...

sur présentation de cetteannonce pour tout achatde literie ou canapé

2 oreillersofferts SOLDES

du 9 janvier au 12 février 2013mobecoSOLDES

du 9 janvier au 12 février 2013

MONTMAGNY ( 95),particulier vends, prochecommerces, écoles, 5 min gare,10min. de Paris, dansrésidence calme et sécurisée,duplex 87m2 au 3è et dernierétage. Entrée av. rangements(kz), SàMde 21 m2, cuisineéquipée ouverte 11 m2, chbreSdB ,WC. Balcon à l'étage,salon 21 m2, espace bureau etchbre av.rangements (kz ). Avecbox de 25m2.Prix : 275 900€

Tel port : 06 48 55 01 58

PrESSE

Les 120 heures

Réunion d'informationLundi 18 février à 18 h

01 53 24 68 68 - www.emi-cfd.com7, rue des Petites Écuries Paris 10e

Évoluer dans son métier

Correction et réécritureDu 13 mai au 26 juillet 2013

Concevoir et publierdes livres numériquesDu 15 avril au 5 juillet 2013(quatre fois une semaine)

Évoluer dans son métier

Réunion d'informationLundi 18 février à 18 h

01 53 24 68 68 - www.emi-cfd.com7, rue des Petites Écuries Paris 10e

Conception graphiquepour lewebDu 3 juin au 5 juillet 2013

Les 120 heures

Piloter l'animationd'un sitewebDu 4 au 29 mars 2013

Réunion d'informationLundi 18 février à 18 h

Les parcours qualifiants

01 53 24 68 68 - www.emi-cfd.com7, rue des Petites Écuries Paris 10e

Apprendre un métier

Iconographe bimédiaSecrétaire de rédactionmultimédiaGraphiste bimédiaChargé d'édition livre et numériqueJournalistemultimédiaPhotojournalisteÉditeur de contenus numériques

NouveautéResponsable de la communication

VENtE

5 PIÈCES

DUPLEX

Près Damrémont 5P. 113 m23 chbres, terrasse 50m2dernier ét. 01 40 59 60 70

Lemême goût pour la nuit ...Choisis la nuit et le momentInfime ? à 22 h ? je viendraisSansme cacher.2013 : plein soleil

A VOtrE SErViCE

CAPITAUX

rachats deCréditsassortis d'un prêt detrésorerie même fichésBDF si Propriétaire.Prêts Hypothécairestél. 01.30.32.94.46

DÉMÉNAGEURS

"DéMéNAgEMENturgENt"MiCHEltrANSPOrtDevis gratuit.Prix très intéressant.Tél. [email protected]

DPJADéménagementDéménagement 7j/7très bon prixtél. : [email protected]

CArNEt DE DéCOrAtiON

ANTIQUITÉS/BROCANTES

Estimation gratuiteEXPERT MEMBRE DE LA CECOA

[email protected]

06 07 03 23 16

Tous sujets, école de Barbizon,orientaliste, vue de venise,

marine, chasse, peintures degenre, peintres français &

étrangers (russe, grec,américains...), ancien atelierde peintre décédé, bronzes...

XIXe et Moderneavant 1960

Achètetableauxanciens

SUR

http://emploi.liberation.fr

RETROUVEZNOS DOSSIERS

RÉDACTIONNELS

Couple fonctionnairescadres cherche location2/3 pièces, 1200 à1400 euros. Situé àParis 13, 14, 15eou Issy-les-M.

tél. 06 73 7707 25

lOCAtiON

RECHERCHE

VillégiAturE

MER

VOSVACANCES 2013enVENDEEAPPARTEMENTSOUVILLAS

de 100 à 1000mdes plages

Chèques vacances acceptés

Toutes nos offres sur

www.locations-vendee-

squarehabitat.fr

Tel : 02.53.600.130

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 2013 ANNONCES • 27

Page 32: Liberation 20130205

MUSIQUE L’enlisementdu conflit entre le site etl’équivalent de la Sacem

outre-Rhin laisse présagerce qui attend les

internautes si aucunaccord n’est trouvé

côté français.

L’Allemagne déconneà plein YouTube

Imaginez un Internet où les vidéosmusicales les plus populaires se-raient inaccessibles sur YouTube,

bloquées par un désaccord entre sonproprio Google et les représentants desartistes. C’est ce qui menace les Fran-çais (lire ci-contre), et ce que vivent déjàles Allemands.Depuis 2009, la plateforme de vidéosest en conflit ouvert avec la Gema,l’équivalent de la Sacem outre-Rhin,chargée de collecter et répartir lesdroits des auteurs et compositeurs. Fâ-chée, cette dernière a peu à peu de-

les-mêmes. La situation, désormais to-talement enlisée, s’était encore enveni-mée en 2010, lorsque la Gema a portéplainte contre Google pour obtenir unerémunération de 0,375 centime par vi-déo consultée, quand Google proposeun versement forfaitaire de 8% du totaldes recettes publicitaires réalisées avecles vidéos à contenu musical. C’est no-tamment ce modèle qui est appliqué, àquelques subtilités près, en France. «Cequi est bizarre, c’est que dans d’autrespays, YouTube a pu se mettre d’accordavec les sociétés de gestion des droitsd’auteur, s’étonne l’internaute CosmicBlue sur un site spécialisé. Je dois enconclure que le problème vient de la Gema,qui serait plus gourmande en Allemagnequ’ailleurs !»Mais les discussions restent au pointmort. Exaspérés, des représentants del’industrie du disque viennent de lan-cer sur YouTube une courte vidéo char-gée de présenter leur point de vue. Leproducteur Stefan Herwig et le compo-siteur de musiques de films HansHafner s’en prennent notamment àGoogle, accusé de faire de la Gema etdes artistes les seuls responsables duconflit. «Nous sommes d’avis que lemessage “nous sommes désolés” de You-

Par SOPHIAN FANENet NATHALIE VERSIEUXCorrespondante à Berlin

Photomontageréalisé à partir

du clip GangnamStyle de PSY et du

message délivré parYouTube aux

internautesallemands:

«Malheureusement,cette vidéo n’est

pas disponible enAllemagne, car ellepeut contenir de la

musique pourlaquelle la Gema nenous a pas accordé

les droitsnécessaires.»

PHOTO DR

mandé le blocage de milliers de vidéospour faire pression sur YouTube, qui faitde même faute d’accord. Selon le siteberlinois de data-journalisme Open-DataCity, ce sont ainsi plus de 61% des1 000 vidéos les plus consultées en cemoment qui seraient inaccessibles,obligeant les internautes à aller voirailleurs ou à tricher pour contourner lesdommages collatéraux du bras de feréconomique en cours.

«GOURMANDE». Le conflit porte sur lemodèle de rémunération à appliqueraux séquences musicales utilisées parles internautes pour leurs vidéos per-sonnelles, mais aussi pour les clips misen ligne par les maisons de disques el-

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 201328 • ECRANS&MEDIAS

Page 33: Liberation 20130205

Tube, qui énerve beaucoup d’utilisateurs,n’est pas conforme à la réalité, estimentles représentants de l’industrie du dis-que. YouTube cherche à dresser l’opinioncontre la Gema, mais aussi contre les la-bels et les musiciens qui refuseraient queleur musique soit disponible pour trois foisrien en ligne.»

CATALOGUE. En face, YouTube tente dedéplacer le débat au niveau européen,estimant que la Gema n’est pas capableà ce jour de lui fournir une base de don-nées précise des œuvres etauteurs qu’elle représentesur le territoire allemand ouailleurs, ce qui complique-rait les négociations.Depuis 2005, une directiveeuropéenne sur le commercea en effet ouvert à la concur-rence le marché des droitsmusicaux. Dès lors, la Sacem a pu repré-senter un catalogue pour toute l’Unioneuropéenne (ce qu’elle fait par exemplepour les droits numériques d’UniversalMusic), la Gema débarquer sur le mar-ché espagnol et la SIAE italienne faire demême en Pologne… De quoi démulti-plier les conflits et rendre l’intercon-nexion des bases de données cruciale.

«Nous ne savons même pas quels sont lesdroits que gère la Gema», explique ainsiMounira Latrache, la porte-parole deYouTube en Allemagne.Pour le quotidien Taz, l’entrepriseaurait plutôt trouvé là une bonne excusepour bloquer «des pages simplementpour gêner la Gema». Selon ses calculs,seules 8% des vidéos bloquées sur leterritoire allemand le seraient réelle-ment pour des questions de droitsd’auteur. Edgar Berger, le grand patronde Sony Music International, accuse

pour sa part la Gema de «gérer de façontrès restrictive les droits d’auteur. Nousperdons des millions d’euros à cause deça». Cette affaire risque bien de ternirencore l’image de la Gema en Allema-gne, déjà écornée dans l’esprit des ha-bitants par le récent et très médiatiqueconflit qui l’a opposée aux boîtes de nuitdu pays. •

L’accord commercial entrela Sacem et YouTube esten cours de renégociation.

En France,le droitet la bannière

L e blocage allemand peut-il se reproduire enFrance, où YouTube renégocie égalementnombre de ses accords commerciaux en ce

moment, notamment avec la Sacem, la sociétéchargée de la collecte et de la répartition des droitsdes auteurs, compositeurs et éditeurs de musique?Le texte qui liait les deux structures –l’un des pre-miers du genre, signé fin 2010– est arrivé à termele 31 décembre et reste à ce jour sur la table desnégociations.Après deux semaines de flottement, les internautesfrançais ont donc eux aussi vu disparaître peu àpeu les publicités affichées sur les vidéos à contenumusical, sans plus d’explication de la part de Goo-gle. «YouTube se dit: “Si mon accord avec la Sacemne me permet plus de diffuser des vidéos musicalesen étant sûr que j’ai été autorisé à le faire, je préfèreenlever les publicités”», et ainsi laisser aux maisonsde disques la responsabilité de supprimer ou pasleur contenu, explique à Libération Denis Lade-gaillerie, président de Believe Digital, le premierdistributeur de musique dématérialisée en France.Pour Google, c’est aussi une façon de faire pressionsur ses interlocuteurs.En face, le monde du disque commence à trouverle temps long. Il y a dix jours, la Sacem, qui perçoitquelques pourcents des revenus publicitaires deYouTube, demandait «formellement le rétablisse-ment de la monétisation. Cette interruption, si elle seprolongeait, ne pourrait qu’être préjudiciable aux né-gociations en cours». Dans la foulée, Pascal Nègre,le président d’Universal Music France, menaçaità son tour de demander à YouTube le blocage puret simple de toutes les vidéos utilisant les chansonsde sa maison de disques. Lentement, le ton monte.

S.Fa.

D isposera-t-on, dansun futur plus oumoins lointain, de

passeports Facebook regrou-pant dans une même pucenotre double identité, l’une«réelle» et l’autre numéri-que ? L’artiste berlinois To-bias Leingruber en avait cau-chemardé début 2012, ettenté de sensibiliser lemonde à cette effrayanteperspective en émettantquelques-unes de ces cartesd’identité de son inventiondepuis son «FB Bureau» vir-tuel. La blague n’a duréqu’une poignée de joursavant que les avocats deFacebook ne s’en mêlent,l’accusant de contrefaçonde marque. Contrefaçon ?Aujourd’hui, on comprendmieux pourquoi : Facebookmijotait réellement unepetite carte maison. Dévoiléevendredi, elle permet auxinternautes américains derégler certaines de leursemplettes.Business. Dans sa ver-sion 1.0 (car il ne fait pasl’ombre d’un doute que leconcept va évoluer), il s’agitd’une simple carte cadeau àoffrir à ses amis. On la sélec-tionne dans l’espace cadeauxdu réseau social, en choisis-sant le montant à créditer surla carte et une enseigneparmi les quatre premières àse prêter à l’expérience auxEtats-Unis: Sephora, JambaJuice (une chaîne de bars àjus de fruits), Olive Garden(des restaurants) et Target(magasins de grande distri-bution). La carte est envoyéesous forme physique à l’heu-reux destinataire, qui la re-çoit dans sa boîte aux lettres.Il peut alors aller l’utilisercomme n’importe quellecarte cadeau, puis la rechar-ger et même y stocker si-multanément plusieursmontants à dépenser dansplusieurs enseignes. «Par

exemple, vous pouvez avoir unmontant disponible de 100 dol-lars chez Sephora, 75 dollarschez Target, 50 chez OliveGarden et 8,25 chez JambaJuice», indique Facebook.Les détails de l’accord avecles quatre marques partenai-res sont tenus secrets. On nesait pas non plus combienrapporte à Facebook l’espace«cadeaux» qu’il a ouvertpour les internautes améri-cains en décembre. Le seulindice dont on dispose sur lepoids de ce business est lemontant de 5 millions dedollars (3,7 millions d’euros)rapportés, au dernier tri-mestre 2012, par les «autressources de revenus» du réseausocial, c’est-à-dire celles quine découlent pas des micro-paiements dans les jeux dutype Farmville. Ces «autressources» proviennent d’unepart des messages Facebookque les internautes peuvent«promouvoir» pour qu’ilssoient lus par davantage depersonnes, et d’autre part– «dans une moindre me-sure», dit-on chez Face-book – par les cadeaux.Régies. Mais le vrai bénéficeest ailleurs. Bientôt, Face-book connaîtra non seule-ment les marques qu’on«aime» sur Internet et les si-tes qu’on y fréquente, mais ilpourra également lister lesmagasins que l’on côtoie inreal life, la nature des pro-duits qu’on y achète et leurmontant. Ces informationsseront précieuses aux régiespublicitaires qui ciblentles internautes sur Face-book.com ou sur son applimobile: achetez une crème àla camomille et soyez pour-suivi en ligne par les récla-mes de gel douche à la va-nille. Et si l’expérience estconcluante, il y a fort à parierque la carte toute bleue de-viendra un jour carte bleue.

CAMILLE GÉVAUDAN

WEB Le réseau lance sa carte cadeau.En attendant la version bancaire?

Facebook faitchauffer la CB

Selon le site de data-journalismeOpenDataCity, ce sont plus de 61%des 1000 vidéos les plus populairesdu moment qui seraientinaccessibles pour les Allemands.

La reproductionde nos petites annonces

est interdite

Le CarnetChristiane Nouygues

0140105245

[email protected]

CARNET

Décès

Le Carnet

Vous organisezun colloque,un séminaire,une conférence…

Contactez-nous

Vous organisezun colloque,un séminaire,une conférence…

Contactez-nous

Vous pouvez nous faire parvenirvos textes par e.mail :

[email protected]

Réservations et insertionsla veille de 9h à 11h

pour une parution le lendemain

Tarifs 2013 : 16,30 € TTC la ligneForfait 10 lignes :

153 € TTC pour une parution(15,30 € TTC la ligne supplémentaire)

Abonnés et associations : -10%

Tél. 01 40 10 52 45Fax. 01 40 10 52 35

Françoise IANCULESCU,sa sœur,

Antoine, Julien, Enzo etManon, ses neveux et nièce,

PhilippeARTIS,son beau-frère.

Ont la douleur de vous fairepart dudécès de

PierreIANCULESCU

Survenu le 29 décembre 2012à l'âge de 60 ans.

Il a été incinéré dans l'intimitéet repose au cimetière d'Ivry

sur Seine.Je ne t'oublie pas, tendrement

Franç[email protected]

Mercredi 30 janvier

Cyril DELUERMOZest parti interviewer Elvis

nous lui rendrons hommageà la Coupole duPère Lachaise

mardi 5 février à 14H30

Talons hauts pour les filleset lunettes noirespour les autres...

Pour l’instant, lacarte n’est utilisablequ’aux Etats­Unis.PHOTO DR

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 2013 ECRANS&MEDIAS • 29

Page 34: Liberation 20130205

PARIS • BORDEAUX • LILLE • LYON •NANTES • STRASBOURG • TOULOUSE

BUSINESS SCHOOL DEPUIS 1980, GLOBALE ET INTERNATIONALE PLUS QUE JAMAIS

http://bs.iseg.frInstitut Supérieur Européen de Gestion. Établissements privés d’enseignement supérieur. Cette école est membre de

EDUCATION GROUP

Dans un communiqué, leSyndicat de la presse indé­pendante d’information enligne (Spiil) a demandé quel’accord entre Google etles éditeurs de presse soit«immédiatement rendupublic». Le moteur derecherche va alimenterun fonds de 60 millionsd’euros pour financer desprojets numériques issusde la presse d’informationpolitique et générale.«Le fonctionnement dece fonds soutenu par lespouvoirs publics doit êtretransparent», plaide le Spiil,qui veut connaître la com­position de la commissiond’attribution des aides, leurmontant, les bénéficiaireset les critères d’attribution.

LE SPIIL VEUTQUE L’ACCORDGOOGLE SOITPUBLIC

L’HISTOIRE

«Chaque matin,la radio ne manquepas d’informerle lecteur citoyende l’absencedes quotidiens,véhiculant lemessage subliminalqu’il est inutilede fréquenter nospoints de vente.Au final, c’estla question de lasurvie de ce réseauqui est en cause.»Gérard Proust présidentde l’Union nationaledes diffuseurs de pressedans une lettre ouverteau Syndicat du Livre CGT,qui multiplie les blocagesde journaux pour protestercontre le plan socialà Presstalis

Par PIERRE MARCELLE

Petite poucetteau mobilier urbain

N on qu’on mette endoute a priori quelquerapport que ce soit de

la docte Académie desscience – qui serions-nouspour cela ? –, mais tout demême… Celui que l’institu-tion vient de consacrer auxrapports que notre belle jeu-nesse entretient avec lesécrans numériques et au bé-néfice éducatif qu’elle estsusceptible d’en tirer (Libé-ration des 2 et 3 février) nousa tout de même assis. A peuprès autant, pour tout dire,que la prédiction d’un épa-nouissement de la démocra-tie via la disparition de lapresse papier, entreprise si-multanément agréée par lesprésidents de la Républiquefrançaise, Hollande, et desmoteurs de recherche uni-versels, Google, pour la mo-dique somme de 60 millionsd’euros – une broutille.

Certes, la parole de MichelSerres promouvant sa «pe-tite poucette» est intellec-tuellement plus que sédui-sante, mais on doute encoreque son enseignement soitaujourd’hui audible dans unautre environnement quecelui de la riche universitéStanford, en Californie.Considérant la galère queconstitue pour un enseignantdu secondaire la seule diffu-sion d’un DVD sur un vieilécran de télé pourri pour500 lycéens, la parole acadé-mique laisse rêveur. Certes,il convient de mettre à basles idées reçues, aller sus auxclichés, et faire crédit auxjeunes cerveaux numérisésd’un développement poten-tiel plus considérable que

ceux de leurs géniteurs. Ceserait bien. Le réel, hélas… Leréel, on le croisa, sur le «che-min de raison» que dessine lerapport iréniste de l’Acadé-mie des sciences, en traver-sant en fin de semaine lepropret square du Temple,sis en face de la mairiedu IIIe arrondissement deParis. D’antiques Chinoiscontinuent de s’y adonner àla pratique lente du tai chi,mais plus aux jeux d’échecsmarquetés dans des tables debéton: à la place d’icelles, lemarchand de réclame De-caux a scellé face à face deuxpupitres de plastique, écransnumériques d’un petit mètrecarré baptisés «mobilier ur-bain intelligent», invitant lesmouflets à divers jeux demorpions, de Tetris et de so-litaires grand format.

On les aurait bien essayés, sideux paires de fesses adoles-centes n’avaient encombréleurs sièges dédiés. On con-templa durant plusieurs mi-nutes l’absolue indifférenceau monde des deux gaminesque même la proximité d’unvieux barbon tournant surleurs épaules autour de leur«mobilier intelligent» ne dé-rangea pas. L’une et l’autrel’utilisaient comme supportde leurs téléphones portablessur quoi leurs doigts crépi-taient furieusement des SMS.A cet instant, on n’aurait pasaimé être chargé de leuréducation civique ni sociale,mais on aurait apprécié voirles rapporteurs scientifiquesBach, Houdé, Léna ou Tisse-ron, ou n’importe quel lob-byiste de la pédagogie en li-gne s’y coller. •

EXTENSIONS A LA TELE CE SOIR20h50. Dr House.Série américaine :Oubli de soi,La fugueuse,Rêves éveillés.Avec Hugh Laurie,Robert Sean Leonard.23h20. 24 heures auxurgences.Une journéeparticulière,Un samedi auxUrgences.Documentaire.1h50. Reportages.

20h45. Histoires en série.Grandes familles : unhéritage lourd à porter.Magazine présenté parBéatrice Schönberg.22h45. Infrarouge.Papa s’en va en guerre,La guerre en face.Documentaire.1h30. Tirage del’Euromillions.1h40. Journal de la nuit.2h00. Un homme etune femme.

20h45. Le tombeaud’Helios.Téléfilm de BrunoGantillon.Avec Féodor Atkine,Victor Lanoux.22h30. Soir 322h55. Ce soir (ou jamais !).Magazine.1h00. Faut pas rêver.Le grand sud américain.Magazine.2h50. InspecteurDerrick.

20h55. L’amour dure trois ans.Comédie française deFrédéric Beigbeder,98mn, 2011.Avec Louise Bourgoin,Gaspard Proust.22h30. Rhum express.Comédie dramatiqueaméricaine de BruceRobinson, 120mn, 2011.Avec Johnny Depp,Aaron Eckhart.0h30. Or noir.Film.

20h50. Aux prises avecla mafia de l’Internet.Documentaire.22h05. Débat.22h35. L’agent double.Espionnage et trahisonà la Stasi.Documentaire.23h30. Carte blanche.Enquête sur des violsen temps de guerre.Documentaire.1h00. Yourope.Magazine.1h35. Vengeance.

20h50. D&CO, une semaine pour toutchanger.Arnaud et Élodie : unemaison d’apparencetrompeuse…Magazine présenté parValérie Damidot.23h00. D&CO, une semaine pour toutchanger.Magazine.1h30. The beast.Bienvenue en enfer.Série.

20h45. Off ! Secretset coulisses.Dans le secret de nosassiettes,Les coulisses de lamode,Les coulisses dupouvoir.Magazine.1h25. Faut pas rater ça !Magazine.2h30. Bons plans.2h40. Les Francofolies2010.Spectacle.

20h35. Les réseaux de l’extrême.Les obsédés ducomplot.Documentaire.21h35. Ventes privées -Le marché de dupes.Documentaire.22h30. C dans l’air.Magazine.23h35. Dr CAC.23h40. Entrée libre.Magazine.0h00. Colombie - La richesse du sourire.

20h40. Amélie au pays des Bodin’s.Comédie française d’Éric Le Roch, 80mn,2009.Avec Vincent Dubois,Jean-ChristianFraiscinet.22h10. Les Bodin’s :mère et fils.Spectacle.23h55. Mélodie ensous-sol.1h45. Programmes dela nuit.

20h50. Le derniercheyenne.Film d’aventures de TabMurphy, 115mn, 2000.Avec Tom Berenger,Barbara Hershey.22h55. Alien vs,predator.Film fantastique dePaul W.S. Anderson,100mn, 2004.Avec Sanaa Lathan.0h45. Les anges vousdisent tout.

20h45. 90’ Enquêtes.Excès de vitesse,accidents : quand leschauffards prennent lafuite.Magazine présenté parCarole Rousseau.22h25. 90’ Enquêtes.Délit à grande vitesse,les motards de la loi enaction.Magazine.23h15. New York police judiciaire.Série.

20h50. Légendesd’automne.Comédie dramatiqueaméricaine d’EdwardZwick, 133mn, 1994.Avec Brad Pitt,Anthony Hopkins.23h05. Arrête-moi si tu peux !Comédie dramatiqueaméricaine de StevenSpielberg, 141mn, 2002.Avec LeonardoDiCaprio, Tom Hanks.1h40. Météo.

20h45. Junior.Comédie américained’Ivan Reitman, 109mn,1994.Avec Emma Thompson,ArnoldSchwarzenegger.22h35. Merlin.Série britannique :Les péchés du père,La druidesse.Avec Colin Morgan,Bradley James.0h00. Dessins animés.Jeunesse.

20h50. Nouvelle star.Divertissementprésenté par Cyril Hanouna.23h00. Nouvelle star,ça continue.Divertissementprésenté par Enora Malagré.23h50. Touche pas à mon poste !Magazine.2h55. Programmes denuit.

20h45. RRRrrrr !!!Comédie françaised’Alain Chabat, 98mn,2003.Avec MauriceBarthélémy.22h30. Grimm.Le joueur de violon,Les trois méchantsloups,L’enfant sauvage,Des souris et deshommes.Série.

20h50. Face à latornade.Téléfilm de Gordon Yang.Avec Lou DiamondPhillips, Greg Evigan.22h30. Sacrifice.Téléfilm de Damian Lee.Avec Cuba Gooding Jr,Christian Slater.0h00. Star story.Star 80.Documentaire.1h15. Star story.

TF1

ARTE M6 FRANCE 4 FRANCE 5

GULLIW9TMCPARIS 1ERE

NRJ12 D8 NT1 D17

FRANCE 2 FRANCE 3 CANAL +

Extrême frénésieFrance 5, 20h35Caroline Fourest déploieses fourre­tout Réseauxde l’extrême en quatreparties, à commencer par«Les obsédés du complot».

Dédé frénésieD8, 20h50Dédéfi d’anniv dansNouvelle Star: celui deLibé. A chaque sentence,une phrase piochée dansle numéro du 5 février 1973.

Loto frénésieFrance Ô, 22h30Dans la case docuArchipels, l’enquête «L’îleMaurice se prend auxjeux» se penche sur la ter­rible frénésie pour le Loto.

LES CHOIX

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 201330 • ECRANS&MEDIAS

Page 35: Liberation 20130205

Strasbourg

Dijon

Lyon

Toulouse

Bordeaux

Orléans

Nantes

Caen

Brest

Lille

Paris

MontpellierMarseille

Strasbourg

Dijon

Lyon

Toulouse

Bordeaux

Orléans

Nantes

Caen

Brest

Lille

Paris

MontpellierMarseille

Nice Nice

Strasbourg

Dijon

Lyon

Toulouse

Bordeaux

Limoges

Orléans

Nantes

Caen

Brest

Lille

Paris

MontpellierMarseille

Nice

Ajaccio

NuageuxSoleil Couvert FaibleModéréFort

CalmePeu agitée

AgitéeAverses Pluie

Éclaircies

Orage

1,5 m/10º

LLEE MMAATTIINN Une perturbation trèsactive arrive par la Manche accom-pagnée de grains rafaleux, parfoisorageux et porteurs de grêle.

LL’’AAPPRRÈÈSS--MMIIDDII L'instabilité concer-nera une bonne moitié nord du paysavec toujours un risque de grêle/grésil.

-10°/0° 1°/5° 6°/10° 11°/15° 16°/20° 21°/25° 26°/30° 31°/35° 36°/40°

FRANCE MIN/MAX

LilleCaenBrestNantesParisNiceStrasbourg

FRANCE MIN/MAX

DijonLyonBordeauxAjaccioToulouseMontpellierMarseille

SÉLECTION MIN/MAX

AlgerBruxellesJérusalem LondresBerlinMadridNew York

Neige

0,3 m/8º

1 m/13º

0,3 m/12º

1 m/12º

MARDI �

Toujours aussi instable et froid aunord-est avec des averses de neigeen plaine. Vent fort en Méditerranée.

MERCREDI �Risque de pluie dans l'ouest et deneige à l'est. Toujours du soleil et dumistral en Méditerranée.

JEUDI �

0,3 m/13º

0,6 m/10º

0/80/116/125/114/126/147/14

6/140/6

10/233/60/5

4/14-4/0

2/64/86/95/92/7

3/14-1/7

1 m/8º

1 m/10º

1 m/13º

0,6 m/9º

0,6 m/12º

3,5 m/8º

2,5 m/10º

2,5 m/13º

0,6 m/9º

1,5 m/9º

LIBÉRATIONwww.liberation.fr11, rue Béranger 75154Paris cedex 03 Tél. : 01 42 76 17 89 Edité par la SARLLibération SARL au capital de 8726182 €.11, rue Béranger, 75003ParisRCS Paris : 382.028.199Durée : 50 ans à compter du 3 juin 1991.

CogérantsNicolas DemorandPhilippe Nicolas Associée unique SA InvestissementsPresse au capital de 18 098 355 €.Président du directoire Nicolas DemorandPhilippe Nicolas

Directeur de lapublication et de la rédaction Nicolas Demorand Directeur délégué de la rédaction Vincent GiretDirecteurs adjoints de la rédaction Stéphanie AubertSylvain BourmeauEric DecoutyFrançois SergentDirectrice adjointede la rédaction,chargée du magazineBéatrice VallaeysRédacteurs en chefChristophe Boulard(technique) Gérard LefortFabrice RousselotFrançoise-Marie Santucci(Next)Directeurs artistiques Alain BlaiseMartin Le ChevallierRédacteurs en chefadjoints Michel Becquembois(édition)Jacky Durand (société)

Olivier Costemalle et Richard Poirot(éditions électroniques)Jean-Christophe Féraud (éco-futur)Luc Peillon (économie)Nathalie Raulin (politique)Mina Rouabah (photo)Marc Semo (monde)Bayon (culture)Sibylle Vincendon etFabrice Drouzy (spéciaux)Pascal Virot (politique)Directeur administratif et financierChloé NicolasDirecteur commercial Philippe [email protected] dudéveloppement Pierre Hivernat

ABONNEMENTSMarie-Pierre Lamotte03 44 62 52 [email protected] abonnement 1 anFrance métropolitaine :371€.

PuBLICITÉ Directrice générale de LIBERATION MEDIAS Marie Giraud Libération Medias. 11, rueBéranger, 75003 Paris. Tél. : 01 44 78 30 68Amaury médias25, avenue Michelet93405 Saint-Ouen CedexTél.01 40 10 53 [email protected] annonces.Carnet.

IMPRESSIONCila (Héric)Cimp (Escalquens)Midi-print (Gallargues)Nancy Print (Nancy)POP (La Courneuve),Imprimé en France Tirage du 04/01/13:152 362 exemplaires.

Membre de OJD-Diffusion Contrôle.CPPP: 1115C 80064.ISSN 0335-1793.

Nous informons nos lecteursque la responsabilité du jour -nal ne saurait être engagéeen cas de non-restitution dedocuments

S

I P S Y T Q

E P

A Y Q T

A I Y

U P E

Q T I

T P A E I

Y U

6 3 8 9

9 1 6 5

2 1 6 8

6 4 5

9 2 4 5

3 6 8 4 7

2 8 3

2 4 1 6

6 8 9 5 1

� SUDOKU ���� FACILE

MOT CARRÉ ����SUDOKU ����

� Sans commune mesure avec lanormalité

� MOT CARRÉ ����

8 1 3 9 6 4 5 7 2

4 9 5 2 7 3 6 8 1

2 6 7 5 8 1 4 9 3

1 8 2 4 5 7 9 3 6

5 3 9 8 2 6 1 4 7

6 7 4 1 3 9 2 5 8

3 2 8 6 4 5 7 1 9

7 5 1 3 9 2 8 6 4

9 4 6 7 1 8 3 2 5

Q I E U S A T O X

A T O X I Q U E S

S X U T E O A I Q

T A Q S O E X U I

X O S Q U I E T A

U E I A T X S Q O

O Q X E A U I S T

I U T O X S Q A E

E S A I Q T O X U

page meteo du 05:LIBE09 04/02/13 14:14 Page1

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 2013 JEUX­METEO • 31

Page 36: Liberation 20130205

CORNES Pour recruter des abonnés,les sites de rencontres extraconjugalesrivalisent d’études, quitte à grossirle pourcentage de Français volages.

Cinq à sept,des chiffrestrompeurs

A croire que les Français sont devenus lesrois de l’infidélité. Des cadors du cinqà sept. Des pros du cocufiage. Pas unesemaine sans qu’une étude ou un pour-

centage ne vienne l’attester. Palmarès des villesles plus infidèles (ça chauffe à Paris, Lyon etMarseille), top 5 des alibis pour s’en aller tromperson ou sa régulière («j’ai un dîner entre copines»pour les femmes, «je dois boucler un dossier enurgence» pour les hommes), signes astrologiquesles plus volages (mieux vaut garder un œil sur lessagittaires et les verseaux), et on en passe. Jamaisl’infidélité n’aura été autant scrutée, analysée,décortiquée.Derrière toute cette batterie de chiffres et d’étu-des? Des sites de rencontres entre personnes ma-riées qui, depuis cinq ans, se sont multipliés. Acôté des deux poids lourds du secteur, AshleyMadison et Gleeden, qui se tirent la bourre poursavoir qui est le leader, une dizaine de sites – del’injonctif Prendunamant.com à l’explicite Ren-contresadultères.com, en passant par le décom-plexé Vivre-son-infidelite.com– ont fleuri sur cecréneau. Terminé la rencontre fortuite au travail

ou due au hasard: désormais, l’amant ou la maî-tresse se trouvent en un clic. «Nous répondons à unvrai besoin», assure Anne-Sophie Duthion, deGleeden, qui compte 700000 utilisateurs français.«On estime que 30% des personnes inscrites sur dessites de rencontres traditionnels sont mariées. SurGleeden, chacun sait pourquoi il est là.»

COUP DE CANIF. Accès aux photos filtré, transac-tions bancaires planquées sous des noms de com-merce, etc. : ces sites promettent une discrétionmaximale pour rassurer leurs utilisateurs. Et pourdécomplexer ceux qui n’oseraient pas encoresauter le pas, leurs pourcentages prennent le relaispour banaliser, voire légitimer le coup de canifdans le contrat. «Près de quatre Français en couplesur dix ont déjà été infidèles ou pourraient l’être» (1),«68% des femmes mariées pensent que l’infidélitéest le secret de la longévité du couple» (2), clameGleeden. «62% des Français pensent que la fidélitédans le mariage est une valeur dépassée» et«38% des Français pensent avoir déjà été trompéspar leur conjoint» (3), affirme de son côté AshleyMadison. Et ça marche : «Internet déculpabilisebeaucoup, puisqu’une fois inscrit sur le site, on n’aplus l’impression d’être un cas isolé, “anormal”. Onfait partie d’un groupe qui nous conforte dans le faitque la tentation est très répandue», confie unutilisateur.Alors, si infidèles et décomplexés que ça les Fran-çais ? Pas sûr. A côté des chiffres bombardés parles sites de rencontres extraconjugales, ceux destrès sérieuses enquêtes nationales minimisent sa-crément le phénomène. Selon l’enquête «Contextede la sexualité en France», menée en 2006 auprèsd’un échantillon de 12 364 personnes, 1,7% desfemmes et 3,6% des hommes vivant en couple dé-claraient un autre partenaire sexuel que leur con-joint(e) au cours des douze derniers mois. Le com-ble? Malgré toute la palette de nouveaux outils quefournit Internet, l’adultère serait en baisse. «Selonune précédente enquête menée en 1992, ces chiffresétaient de 6% pour les hommes et 3% pour les fem-

Par ANNE­CLAIRE GENTHIALON

32 •

VOUS

mes» (4), précise Charlotte Le Van, sociologue,auteure des Quatre Visages de l’infidélité (éd. Payot)et très remontée contre les «chiffres fantaisistes»véhiculés par les sites de rencontres extraconjuga-les. «Si, paradoxalement, il y a une plus grande tolé-rance à l’égard de certains comportements sexuelscomme l’homosexualité ou la prostitution, l’infidélitéfait figure d’exception. Elle était moins bien toléréeen 2010 qu’en 1980 : le mensonge est condamné.Aujourd’hui, on part du principe qu’on doit rester fi-dèle le temps de la relation. Quand on ne s’aime plus,au lieu d’aller voir ailleurs, on se sépare.»

«HYPOCRISIE». Mais pourquoi diantre un tel écartentre les études des sites et ceux des enquêtes na-tionales? On pourrait penser qu’en 2006 Internetet les sites de rencontres extraconjugales n’étaientpas aussi répandus qu’aujourd’hui. Raté : selonCharlotte Le Van, les personnes susceptibles d’al-ler sur ces sites étaient déjà équipées à l’époque.Pour la sociologue, tout dépend en fait de qui oninterroge et des questions posées. «Quand on de-mande “avez-vous été infidèle ou pensez-vous l’êtrepeut-être un jour”, ça fait forcément gonfler les chif-fres de l’infidélité, analyse la sociologue. Quand cessites se basent sur leurs panels d’utilisateurs, déjàinfidèles, pour leur demander leur avis sur l’adultère,les réponses ne seront pas représentatives de l’opiniondes Français.»Pour les sites de rencontres extraconjugales, lesdifférences avec les enquêtes scientifiques pro-viendraient des réticences à aborder le sujet. «Lespersonnes ayant déjà succombé à une aventure ne se

«Quand on demande “avez-vousété infidèle ou pensez-vous l’êtrepeut-être un jour”, ça fait forcémentgonfler les chiffres de l’infidélité.»Charlotte Le Van sociologue

SEXE & GENRE

Page 37: Liberation 20130205

L’historienne AgnèsWalch déplore l’imagede la femme véhiculéepar les sites:

«Unetentatriceou un êtrefaible»P ublicités gentiment coquines ou

habillage rose bonbon. Les sitesde rencontres entre personnes

mariées mettent le paquet pour séduireles femmes, qui représentent enmoyenne 40% de leur fréquentation.Au risque, selon Agnès Walch, histo-rienne et auteure d’une Histoire del’adultère (éd. Perrin), de véhiculer desstéréotypes sexistes.«Dans l’histoire de l’adultère, la femmea toujours été désignée coupable etresponsable. La peur du bâtard qui me-nace la lignée aincité les hommesà élaborer des loisoppressives. Jus-qu’en 1975, datede sa dépénalisa-tion, l’adultère estun délit. Les fem-mes pouvaientêtre poursuivies pénalement et empri-sonnées à ce titre. Pas les hommes. Maissi les femmes étaient parfois coupables,elles étaient toujours victimes. Car encas d’infidélité de leur part, la sépara-tion d’avec leur époux entraînait desconséquences dramatiques, les privaitde leurs enfants et de ressources finan-cières. Pour ces mêmes raisons, ellesn’avaient pas intérêt à reprocher à leurépoux d’aller voir ailleurs: ce déséqui-libre économique faisait que les maria-ges tenaient.«Le fait que les sites de rencontresextraconjugales ciblent les femmes necontribue pas à changer cette étiquette,ni à les décomplexer. Au contraire :s’adresser aux femmes, même sur unton léger, pour les inciter à tromper leurconjoint, c’est faire perdurer cette re-présentation machiste. A travers leurcommunication, ces sites véhiculentune image très archaïque de la femme,celle d’une tentatrice ou, au contraire,d’un être faible qui va succomber: c’estle péché originel ; la première femmequi cède à la tentation, c’est Eve !»

Recueilli par A.-C.G.

DR

Avis aux célibataires avides de se caser: mieux vautsquatter les apéros entre copains pour rencontrer sonfutur conjoint que de poireauter en boîte de nuit oudevant son ordi. C’est ce que révèle une étude de l’Insti­tut national d’études démographiques, qui décortique leslieux de rencontres amoureuses et sexuelles. Si l’on serepérait au bal dans les années 60 (25% des couples seformaient en guinchant), puis en discothèque dans lesannées 80, désormais, c’est au cours de «soirées privées»que l’on ferre son ou sa futur(e). Entre 1984 et 2006,18% des hommes comme des femmes ont rencontré leurpremier conjoint au cours d’une soirée entre amis.Suite du palmarès? Les lieux publics (16% des hommeset 14% des femmes), puis les bancs de la fac (15% deshommes et 14% des femmes), qui sont surtout des viviersà premiers partenaires sexuels. Boîtes de nuit et travailne représentent plus qu’environ 10% des rencontres.Et Internet? Pour une nuit ou pour la vie, ils ne sont que1% à avoir trouvé online. Autre leçon de l’étude: les Fran­çais ne s’aventurent pas trop hors de leur milieu socialpour flirter. On oublie donc le mariage princier.

MAIS OÙ DONC SE RENCONTRE­T­ON?

L’ÉTUDE

21C’est le nombre de calories que brûlerait un hommed’une trentaine d’années pesant environ 70 kilospendant six minutes d’amour, selon une étude publiéedans le New England Journal of Medecine. Autrement ditautant qu’en restant assis sur son canapé… Dure nouvellepour ceux qui croyaient la légende urbaine selon laquellele sport en chambre faisait dépenser au moins 300 calo­ries et qui misaient là­dessus pour se dékiloter.

Egalité des genres sur le WebSelon l’étude Ipsos «Junior Connect», les activités des enfantset ados sur Internet sont «déterminées par l’âge bien plus quepar le genre». Si 90% des moins de 20 ans se connectent tousles jours sur le Net, filles et garçons en ont les mêmes usages.

Le Népal reconnaît l’identité transgenreDepuis fin janvier, les Népalais transgenres n’ont plus à choisirentre sexe masculin ou féminin sur leur carte d’identité. Ilspeuvent désormais s’enregistrer en tant que «troisième genre».

considèrent pas forcément comme infidèles», défendHélène Antier, d’Ashley Madison. «L’infidélité restetaboue, justifie pour sa part Anne-Sophie Duthion,de Gleeden. Les hommes et les femmes ont encoredu mal à avouer avoir déjà été infidèles, y comprisdans le cadre des enquêtes sur la sexualité. Nous al-lons justement à l’encontre de cette hypocrisie.»«Il est 18 heures, savez-vous où est votre femme ?»demande la dernière pub d’Ashley Madison. Avecson amant. Ou pas. •(1) Etude Gleeden.com­Ipsos réalisée en ligneen octobre 2010 auprès de 1501 Européens mariésou en couple, dont 500 Français.(2) Sondage réalisé en ligne sur Gleeden.comen mars 2011 auprès d’un échantillon de 1801 femmesfrançaises, belges et suisses âgées de 30 à 55 ans.(3) Sondage réalisé en ligne sur Ashleymadison.comen janvier 2013 auprès de 1650 personnes mariées,âgées de 30 à 55 ans.(4) Enquête «Analyse des comportements sexuels enFrance», réalisée en 1992 auprès de 20000 personneset coordonnée par Nathalie Bajos (Inserm).

Selon desenquêtesnationales, letaux d’adultèresaurait diminuéen France depuisles années 90.PHOTO NICOLASCOMMENT.AGENCE VU

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 2013 VOUS • 33

Dit comme ça, ça ressemble à une blague. Mais depuisle 31 janvier, les Parisiennes ont –enfin– le droit de porterdes pantalons. Une ordonnance de 1799 leur imposait,sous peine d’emprisonnement, de se présenter à la pré­fecture de police pour en obtenir l’autorisation. Deuxcirculaires avaient assoupli le texte: le falzar était autorisési la femme tenait «par la main un guidon de bicyclette oules rênes de cheval». Jeudi, le ministère des Droits desfemmes a abrogé cette ordonnance, rappelant son incom­patibilité «avec les principes d’égalité entre les femmes etles hommes qui sont inscrits dans la Constitution».

LA FIN DE PLUSIEURS SIÈCLESDE PANTALONNADE À PARIS

L’INITIATIVE

Page 38: Liberation 20130205

Un musée majeur d’unemétropole européenneconsacre une immenseexposition à une maisonde disques : c’est unepremière et c’est le choixd’Okwui Enwezor, lenouveau directeur de la

Haus der Kunst de Munich. Figurant parmiles personnalités phares de l’art contem-porain, commissaire de dizaines d’événe-ments, dont la Triennale au Palais de Tokyo,à Paris en 2012, Okwui Enwezor a décidé,pour inaugurer son mandat à la tête dece grand musée allemand, de célébrer le la-bel ECM.

Effervescencesde la contre­culture

Fondé à Munich en 1969, ECM (Edition ofContemporary Music) est, il est vrai, bien plusqu’un label discographique. C’est une maisond’art qui, dès ses débuts marqués par les ef-fervescences de 1968 et la contre-culture, acherché à rompre avec les règles et les codesde l’industrie du disque. Son catalogue com-porte plus de 1200 références, couvre dix siè-cles de musique, autant de styles et territoiresgéographiques. Si de nombreuses galerieseuropéennes ont exposé les pochettes desdisques ECM ou les œuvres des artistes qui yont contribué, si deux livres (Sleeves of Desireet Windfall Light) ont été consacrés à l’esthé-tique de ce label, l’exposition «ECM, une ar-chéologie culturelle» mobilise à Munich pasmoins de sept grandes salles pour rendrehommage aux innovations de son fondateur,Manfred Eicher.Ce visionnaire qui fêtera ses 70 ans le 9 juilletn’a pas changé. Il porte toujours jeans, bas-kets, cheveux longs, et continue de vivre àun train d’enfer, supervisant lui-même cha-cun des 40 enregistrements qu’il produit paran, ainsi que le graphisme et l’illustration de

leurs pochettes et livrets. L’homme n’a pasde téléphone portable, pas d’assistant per-sonnel, et ne reste jamais plus de trois joursdans la même ville. Patron? Artiste? Autori-taire ? Effacé ? Eicher est tout cela à la fois,mais surtout au service de créateurs à qui ilne demande pas d’être économiquementrentables. Un jour, il est à Zurich pour voirle comédien Bruno Ganz (avec qui il enre-gistre des sonnets de Hölderlin) jouer authéâtre dans le Retour, de Pinter. Le lende-main, il est à Berlin. Aujourd’hui, il est àMunich pour assister aux répétitions desartistes ECM invités à se produire dans lecadre de l’exposition, du pianiste AndrásSchiff au saxophoniste Jan Garbarek, et pourvérifier l’acoustique et l’éclairage de la salle:«Il faut créer les conditions d’écoute optimalespour le public. Une fois que tout cela est réglé,je peux m’asseoir et profiter du concert commetout le monde.»Longtemps, le slogan d’ECM fut «le plus beauson après le silence», et il est vrai que la trans-parence et la luminosité des enregistrementsproduits par Eicher furent révolutionnairesdans le jazz auquel se consacra le label durantsa première décennie. Ce respect de la cou-leur des instruments et de l’espace acousti-que nécessaire à leur résonance est bien celui

d’un musicien classique. De 6 à 14 ans, Eicherjoua du violon. Les jours s’écoulaient paisi-blement dans la petite ville de Lindau, aubord du lac de Constance, quand il découvritla musique de Bill Evans et Miles Davis: «Jeme suis aussitôt passionné pour leurs contre-bassistes, Scott LaFaro, Paul Chambers etCharles Mingus, et me suis mis à l’instrument.J’aimais le rythme et la pulsation du jazz, samanière, nouvelle pour moi, de faire dialoguerdes musiciens.»

De Godard à Meredith MonkEicher part à New York, voit quelques-unesde ses idoles au Village Vanguard et, de retouren Allemagne, s’inscrit à la Hochschule deBerlin en classe de contrebasse et de compo-sition. Il intègre le Philharmonique de Berlin,joue sous la baguette de Karajan, devient as-sistant ingénieur du son sur des disques deDeutsche Grammophon et d’autres labels dejazz. Fan du Nardis de Bill Evans et du Kind ofBlue de Miles Davis produits par Teo Macero,il veut donner au jazz américain la clarté etla précision de la musique de chambre euro-péenne. Il troque les micros Neumann pourdes Schoeps et y ajoute la chambre de réver-bération analogique Lexicon 480: fin 1969,le son limpide et ouaté d’ECM est né. Le pre-mier à en bénéficier est le pianiste Mal Wa-dron. Reste à trouver un nom au label.«Je ne savais pas où j’allais, mais je savaisqu’on voulait éditer des œuvres de qualité quiresteraient toujours disponibles en rayon,

comme les livres des éditions Gallimard», con-fie celui qui demeure un grand lecteur. Desromantiques allemands, tout d’abord,comme Hölderlin et Kleist dont il admire lemélange d’empathie et de rigueur:«A l’instarde Büchner, Kleist fut un grand sismographe deson époque.» Mais également de la littératurefrançaise: «La poésie transcendantale de Bau-delaire, la transparence et la lucidité de Camusdont l’intonation est cousine, pour moi, de cellesde Botho Strauss ou Peter Handke. Et Duras,pour le rythme et la mélancolie qui ont fait quej’ai longtemps transporté sur moi une copie deModerato Cantabile.» Ces seules référencesaugurent de l’esthétique austère qui sera lasignature d’ECM. Il faut y ajouter celles, pic-

turales, de Cy Twombly pour «la sensibilitédans l’abstraction», de Gerhard Richter quia su capter «l’intensité dramatique du silence,l’état de contemplation ou d’absence à soi danslequel vous plonge le mouvement lent d’un qua-tuor de Beethoven», et enfin celle de JosephBeuys pour son «monde fantasque».Nulle surprise alors si l’exposition «ECM, unearchéologie culturelle» explore largementl’identité visuelle du label, depuis les choixtypographiques aux illustrations confiées àdes artistes utilisant peinture, collage et pho-tographie qu’il fait découvrir: Barbara Wo-jirsch, Dieter Rehm, Roberto Masotti, RalphQuinke et Deborah Feingold. Tirages grandformat (notamment des photos ayant servià illustrer le Offramp de Pat Metheny), po-chettes de vinyles en mural, propositionsd’aquarelles pour l’album les Violences de Ra-meau du clarinettiste Louis Sclavis permet-tent d’appréhender les choix esthétiques deManfred Eicher et leur évolution au fil desans. Car l’esthétique ECM, bien que toujoursépurée, est loin d’être figée, tout comme sapolitique éditoriale hors norme.Proposer en 1976 un coffret de dix 33 toursd’improvisations de Keith Jarrett captées lorsd’une tournée au Japon (le fameux Sun BearConcerts) relevait au mieux de l’irresponsabi-lité commerciale, même après le succèsmondial du Köln Concert, vendu à ce jour à4 millions d’exemplaires. Parallèlement aujazz, Eicher a enregistré les minimalistesaméricains, de Steve Reich à Meredith Monk.

A partir de 1984, avec lelancement de ECM NewSeries, il a gravé aussi bienles œuvres de composi-teurs contemporains,comme Arvo Pärt, que mé-diévaux, tels Pérotin etGuillaume de Machaut.

Dans les années 90, ECM a été encore plusloin, en proposant d’écouter des films deJean-Luc Godard comme s’il s’agissait depièces radiophoniques : le CD Nouvelle Va-gue comporte ainsi la musique, les dialo-gues et les sons du long métrage du mêmenom présenté à Cannes en 1990. Il fait l’ob-jet à Munich d’une salle entièrement capi-tonnée de rouge où il est diffusé en boucle.A la fin des années 90, la maison ECM en-foncera le clou avec Histoire(s) du cinéma :5 CD et 5 livres de textes, accompagnant lasérie télé réalisée par le cinéaste helvète,une occasion pour Eicher de rappeler sapassion pour le cinéma de Rossellini, Anto-nioni et, bien sûr, Bergman, dont il fut le

A Munich, une grande exposition rendhommage à l’esthétique visionnaire dela maison de disques fondée parManfred Eicher en 1969. Un parcourssonore et visuel à travers les genres.Par ÉRIC DAHANEnvoyé spécial à Munich (Allemagne)

ECM, pour toutl’art d’un label

Longtemps, le slogan d’ECM fut «le plusbeau son après le silence», et il est vrai quela transparence et la luminositédes enregistrements produits par ManfredEicher furent révolutionnaires.

Manfred Eicher. R. SCHROEDER. ECM RECORDS

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 201334 • GRAND ANGLE

Page 39: Liberation 20130205

voisin durant ses années berlinoises.D’abord sceptique quant à ce projet d’exposi-tion, Eicher est à présent ému devant le gi-gantesque mur de bandes magnétiques quiévoque une photo d’Andreas Gursky :«C’était avant le numérique, je courais les gareset les aéroports, d’Oslo à New York, avec mesbandes sous le bras.» Il n’est pas moins touchéde voir des écoliers passer des heures dans lesstations d’écoute de l’expo: cabines noiresdiffusant un album et invitant à faire des pau-ses au gré de la promenade, lustres sonores enPlexiglas coiffant des vitrines, bancs assortisde stations iPod, permettant de satisfairetoute curiosité musicale née de la visite.

Juste revanche de l’histoireLa grande fierté de Okwui Enwezor et de sonco-commissaire Markus Müller, c’est d’avoirretrouvé et restauré le film See the Musictourné par Theodor Kotulla en 1971 pour lesJeux olympiques de Munich et où l’on voitManfred Eicher jouer de la basse et des per-cussions au côté du trompettiste Wadada LeoSmith. Projeté à l’entrée de l’exposition, cefilm rappelle ce que fut le free jazz: un mou-vement politique et esthétique révolution-naire. Une juste revanche de l’histoire dansce vestige de l’architecture national-socia-liste où fut lancé l’anathème contre l’«art dé-généré». Le titre du premier disque paru surECM, Free at Last de Mal Waldron, ne ren-voie-t-il pas aux derniers mots du discoursprononcé en 1963 par Martin Luther King, àla fin de la marche sur Washington ?Sans les mouvements nationalistes noirs, sansla guerre du Vietnam et les tensions politiquesayant conduit nombre d’artistes jazz améri-cains à s’exiler en Europe, il n’est pas certainque Eicher aurait créé ECM, puis fait décou-vrir au monde le Géorgien Giya Kancheli oul’Estonien Veljo Tormis. «La chose dont je suisle plus heureux, c’est d’être allé chercher tousces musiciens dans leurs pays, quand le rideaude fer existait encore, confie Eicher. Quant àcette exposition, je n’en rêvais même pas. Sur-tout à Munich, où la plupart des gens ne doiventmême plus savoir qui nous sommes. Seul unAméricain originaire du Nigeria comme OkwuiEnwezor pouvait initier un tel projet. A l’heureoù ferment les librairies et les magasins de dis-ques, savoir que cette exposition va tourner dansle monde me laisse croire qu’elle inspirera denouveaux artistes. L’avenir? ajoute-t-il, je n’ensais rien. Mais mon mot d’ordre n’a pas changé.C’est celui de Gertrude Stein: “Pense avec tesoreilles comme avec tes yeux.”» •Jusqu’au 10 février. Rens.: www.hausderkunst.de

Manfred EIcher(debout, àdroite) avec letrio de KeithJarrett (en bas àdroite), en 1983à New York.PHOTO DEBORAHFEINGOLD. ECMRECORDS

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 2013 • 35

Page 40: Liberation 20130205

PORTRAIT HAIFAA AL­MANSOUR

fins. Mais aussi le portrait de sa mère et de leur lien. Pour unefois, ces invisibles ont un visage, et c’est dans le quotidienque le film traque leur modernité, leurs tracas, leurs désirs,leurs combines. Wadjda veut un vélo, quête impossible, cardangereux pour la vertu des filles. Aussi dangereux que lecinéma? Haifaa al-Mansour secoue ses cheveux. En aucuncas, elle ne se présente comme une rebelle. Mais plutôtcomme le signe que le pays bouge. «J’aurais bien aimé avoirl’audace de Wadjda. Je suis beaucoup plus timide…», ose pré-tendre cette pionnière. En Converse et le foulard qui dégrin-gole, son héroïne détonne. «Il y a des milliers de petites Wadjdaen Arabie Saoudite prêtes à se battre pour leur rêve», dit la ci-néaste, qui se défend d’avoir tourné un film subversif.Haifaa al-Mansour a grandi dans une toute petite ville, quin’a même pas de nom sur une carte, à l’est de Riyad, dansune famille «très traditionnelle libérale», ni très riche ni pau-vre. Traditionnelle, car elle est «le numéro 8» d’une famillepieuse de douze enfants, avec la même mère et le même père.Et libérale, car ses parents ne font pas de grandes différencesdans l’éducation des garçons et des filles. «Douze enfants, celafait du bruit.» Voilà pourquoi, son père, poète et consultantjuridique, s’est mis à acheter des cassettes vidéo. Pour avoirla paix, comme beaucoup de parents. Et voilà comment, à

travers la VHS, la petite Haifaa découvre Bruce Lee, Bol-lywood, et des blockbusters. Un jour, elle voit un cosmonaute.Sa vocation est faite. Elle sautille autour de son père, qui luidit: «Vas-y.» Haifaa al-Mansour: «Je n’ai jamais connu d’obs-tacle à l’intérieur de ma famille.» Est-ce parce qu’elle abhorretoute victimisation? Elle insiste: «Et aucun, parce que je suisune femme. Personne ne pensait qu’il était possible de faire unfilm, mais je me serais heurtée à la même incrédulité si j’avais étéun homme. Aucun producteur ne voulait mettre le moindre riyal.Ils étaient convaincus que j’allais partir avec l’argent, et qu’ilsne verraient jamais la couleur du film. Ils pensaient que j’étaisfolle!» C’est le prince Al-Walid bin Talal, un membre progres-siste de la famille royale, propriétaire des studios Rotana, quilui fournit le financement saoudien. Haifaa est prudente :«Une partie de la famille royale se rend bien compte qu’on doiten finir avec la ségrégation… Certes, c’est très lent. Mais le roiAbdallah vient de nommer trente femmes au Conseil consultatif.»Elle envoie son scénario partout en Europe. Pas de réponse.Jusqu’à ce que les producteurs de Valse avec Bachir s’y inté-ressent. «Par définition, on était tous néophytes. J’avais besoind’une expertise étrangère. Au début, le choc des cultures a étéviolent. Les Allemands ne comprenaient pas qu’on puisse se dé-tendre et fumer, au lieu de respecter les horaires.» Quant auxAllemands, ils sont obligésde s’adapter à une étrangetéau moins aussi radicale : lacinéaste dirige les scènesd’extérieur de son camion,avec des talkies-walkies.Impossible pour elle de pren-dre le risque d’interrompre letournage en étant surprise aucôté d’une équipe masculine.«Parfois, je n’en pouvais plus.Je sortais de mon van.» Est-cefacile de recruter une ado,pour jouer une rebelle? La fillette, Waad Mohammed, a étérepérée à un mariage où elle chantait, moins d’une semaineavant le tournage. «Elle a débarqué avec son casque sur lesoreilles d’où sortait une scie de Justin Bieber. C’était Wadjda.»Reem Abduhllah, qui joue la mère, est une star des feuilletonstélé. Pour elle aussi, c’est son premier film.Où apprend-on le cinéma quand il n’existe pas? «Dans unecompagnie pétrolière. J’avais été embauchée dans l’une desseules entreprises mixtes pour donner des cours d’anglais, aprèsmes études au Caire. J’ai migré au département vidéo où j’airéalisé des films sur la sécurité. J’y ai appris à me servir d’unecaméra et à monter.» Forte de cette compétence, Haifaa al-Mansour décide de tourner un documentaire, Femmes sansombre, sur les femmes de sa ville au milieu du désert. «Parfoisl’image est noire, car elles refusaient d’être filmées. J’ai rencontrédes vieilles femmes très timides, qui n’avaient pas été à l’école.Et d’autres plus jeunes, qui avaient pu faire des études, maissubissaient une ségrégation beaucoup plus forte que leur mère.Ce qui m’a fait très plaisir, c’est que les jeunes filles étaient por-teuses d’espoir.» Le film voyage dans dix-sept festivals. Lorsd’une projection à l’ambassade américaine, Haifaa al-Man-sour rencontre son mari, un diplomate américain. Et c’esten voyant ce film, qui crée la polémique car un religieux ydéclare que rien dans l’islam n’oblige les femmes à se voileren public, que Al-Walid décide de coproduire Wadjda.Plus tard, à Sydney, où son mari est en poste, Haifaa al-Man-sour, bientôt mère de deux enfants, entame des études decinéma. Elle découvre les premiers films de Kiarostami et deJafar Panahi, et comment ils déjouèrent, grâce à leurs hérosenfantins, la censure.A Dubaï où Wadjda a reçu le prix du meilleur film arabe etcelui de l’interprétation féminine, quelques Saoudiens ontpu le découvrir. «Ce qui a frappé ma sœur, très croyante, c’estque la “vraie” vie était filmée. Les Saoudiens ne voient à la téléque des feuilletons où des femmes très maquillées évoluent dansd’immenses appartements en carton-pâte.» L’aisance de Haifaaal-Mansour contredit nos idées sur ce pays qui envoie seschampionnes de natation aux JO toutes bâchées et construitdes villes exclusivement réservées aux femmes. Difficile desavoir ce qui est permis et interdit en Arabie Saoudite. Et c’estjustement de cette béance que Haifaa al-Mansour tire sa li-berté. Elle ne cueillera pas à chaud les réactions des habitantsde Riyad. Son film sera vu sous le manteau. Elle ne saura passi son film est aussi peu «dérangeant», qu’elle le prétend dansles débats qui suivent les projections. •

Par ANNE DIATKINEPhoto THOMAS HUMERY

EN 7 DATES

1974 Naissance.2000­2008 Employée dansune compagnie pétrolière.2006 Femmes sans ombre,documentaire.2008 Naissance de son fils.2010 Naissance de sa fille.6 février 2013 Sortie deWadjda.

I l n’y a pas de salle de cinéma en Arabie Saoudite, pasde production, et bien sûr pas de cinéaste. Il n’y a pas defemmes dans l’espace public, ou seulement des ombresau soleil, sous tutelle jusqu’à leur mort. Elles ne peuvent

pas quitter le pays sans que leur mari, père ou frère ne don-nent leur accord. Elles ne se mélangent pas aux hommes dansles restaurants, les entreprises, les centres commerciaux, oula rue. Elles parlent bas et ne rient pas publiquement,les hommes ne doivent pas les entendre, pas plus qu’ils neles voient. Ont-elles obtenu le droit de vote ? Ce sera faiten 2015, mais pour le seul scrutin qui existe: des municipalespartielles. Quant au permis de conduire, dans un pays sanstransport en commun, elles n’y ont pas accès.Des jeans, une élocution rapide, beaucoup de gaieté, et aucunfoulard. C’est une jeune femme, Haifaa al-Mansour, qui vientde réaliser Wadjda, le premier film saoudien de l’Histoire ducinéma. Saoudien, car produit et tourné en Arabie Saoudite,avec des acteurs saoudiens, femmes et hommes. Qui plus est,un film féministe. C’est le portrait d’une fillette de 12 ans,pas dupe des tartuffes, et qui utilise la religion à ses propres

Pionnière timide et confiante, cette Saoudienne de 39 ans réalisele premier film de fiction tourné et produit en Arabie Saoudite.

En jeans et sans voile

LIBÉRATION MARDI 5 FÉVRIER 2013