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Questions à Jean Louis Un pharmacien en burn out Par Grégoire Vitry – Co-fondateur de LACT

Questions a M. Jean Louis, un armacien hospitalier en burn out

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Questions à Jean Louis

Un pharmacien en burn out

Par Grégoire Vitry – Co-fondateur de LACT

Enregistrement issu d’une interview LACT.

Certains passages sont parasités.

Merci de votre compréhension.

DIFFICULTES RENCONTREES

Peux-tu nous raconter ce que tu fais comme métier?

En quoi, ton métier a eu des conséquences spécifiques?

- J’ai eu une période pendant quelques mois, j’étais dans la résistance d’une nouvelle situation à l’hôpital car je suis pharmacien hospitalier.

- Donc, il y avait un projet de fusionner, enfin de faire disparaître ma pharmacie et de la faire fusionner avec une autre pharmacie d’un autre hôpital.

- C’est mon ancienne chef de service qui est à l’origine un peu de cette démarche.Donc, j’étais un peu dans la résistance comme beaucoupet pendant quelques mois, j’ai tout fait pour pas que ça n’arrive.

- Donc, je me suis trouvé des alliés. D’abord, j’ai été alliéavec le directeur des services économiques.Donc, on avait un projet de nouvelle structure à côté

d’un autre établissement, hors projet fusion, on va dire.

- On a fait donc, un projet de plateforme logistique associant les services économiques et la pharmacie.

- Après, on a pris les soutiens de politiques.Donc, on a pris le soutien de la présidente du conseil d’administration, du maire, on a fait pas mal de réunions.

- En fait le directeur de l’établissement, on lui a expliqué la situation au directeur de l’ARS qui a eu l’oreille attentive, comme on dit.

L’ARS c’est l’agence régionale d’hospitalisation, c’est eux qui décident ou pas de la fusion etc. etc.

- En fait, il faut savoir que mon ancienne chef de service a tout fait pour me faire fusionner avec elle parce qu’elle ne voulait pas rentrer dans une nouvelle organisation de fusion avec le centre hospitalier universitaire.

- Pour contrer, ce projet où elle allait se faire bouffer. En gros elle voulait me bouffer, moi! Et associer les petits hôpitaux pour faire, disons, un groupement un peu concurrent de la fusion pour contrer ce projet.

- Bon, elle avait pas mal d’aillés parce qu’elle est présidente de la CME, c’est la commission médicale d’établissement donc elle a fait jouer tous ses appuis. Son mari avait aussi beaucoup de relais dont l’ARS.

Du coup, elle est arrivée à ses fins !

- Malgré mes démarches, pour faire capoter le projet, on m’a promené beaucoup aussi, en me laissant croire que la fusion n’aurait pas lieu.

- Une réunion avec tous les acteurs, les directeurs, l’ARS et faire une grande réunion. Avant d’entrer on m’a dit de toute façon,il n’y a pas de problème et que l’officine psychiatrique ne fusionnera pas. Et quand on est rentré dans la salle, on m’a montré que ça a fusionné.

REACTIONS ET CONSEQUENCES SUR LA SANTE

Alors, comment as-tu réagi?

- Donc, voilà, après, j’ai eu beaucoup de conflitsavec le directeur, il m’a promené comme ce n’est pas permis.

- Enfin, c’était un personnage assez particulier, très pervers, narcissique; donc très difficile.

Donc, j’ai fait un burn out !

- Donc, en fait du coup, toi, t’as pensé qu’avec tout ce que t’allais faire, de mettre en place des stratégies que la fusion n’aurait pas lieu. Tout d’un coup, t’arrives dans une réunion et tu découvres du jour au lendemain que tout a été décidé et fait dans ton dos.

- Tout a été fait, décidé et dans mon dos. On m’a fait croire des choses. En plus, moi j’ai pour habitude de réussir ce que j’entreprends.

- Je me suis retrouvé le bec dans l’eau, voilà.

Et du coup du jour au lendemain, tu t’es senti pas bien du tout en burn out

ou est ce que ça a été progressif?

- Non, je ne sais pas. J’étais plus dans l’ironie…, un peu speed quand même.Et puis un soir, je suis allé dîner avec un copain psychiatre,je n’étais pas trop bien quand même, mais bon, fallait quand même.

- Au milieu de la nuit, je me suis réveillé avec une angoisse insurmontable.

Et alors, qu’est ce que t’as fait à ce moment là?

- J’ai appelé Claude- Ah d’accord, donc, est ce que tu avais déjà commencé à prendre des médicaments, quelque chose ou pas du tout?- Non pas du tout

- T’as directement appelé?- J’ai directement appelé, elle m’a conseillé de laissé filer le

flux, me laisser traverser par tout ça… que j’ai fait. J’ai réussi à me rendormir et le lendemain matin, on a commencé une thérapie

THERAPIE

- Parallèlement, je suis allé quand même allé voir une amie qui est psychiatre qui a entrepris un traitement anti dépresseur avec un nouveau médicament qui s’appelle le Valdoxan, nouveau à l’époque et d’une efficacité légère.

Donc efficacité légère, c’est parce que du coup, pour toi ça ne servait pas à grand chose?

- Oui, j’ai trouvé que c’était léger.Je trouvais que ça ne me mettait pas beaucoup mieux, voilà. Après, c’est difficile à dire sans traitement peut-être ça aurait duré plus longtemps.

Du coup, qu’est ce qu’il s’est passé au départ? A la première séance, elle t’a dit de laisser filer ?

- Elle m’a dit de me laisser traverser par tout ce qui m’arrivait.

Est-ce que tu arrives à prendre du recul par rapport à ce qu’il s’est passé?

Qu’est ce que tu faisais?Qu’est ce qu’elle t’a fait faire?

- Elle m’a fait faire des travaux, des exercices notamment d’écrire un peu toutes les pensées que j’avais.

- Parce qu’en fait, ca tourbillonnait dans ta tête, c’est ça?- Euh oui, j’étais dans un état comme jamais j’avais été.

Fracassé, fracassé, en petits morceaux.

- Il faut dire en plus de ça que les questions de problèmes psychiatriques tout ça pour toi, ça a toujours été quelque chose que tu connais bien dans ton métier et qu’en plus de ça, pour lequel tu n’as jamais été vraiment concerné par ça.

- Oh, j’avais été concerné, j’avais fait une dépression réactionnelle suite à une séparation mais après je n’ai pas eu de problèmes particuliers. C’était, il y a 25 ou 30 ans.

- Après, j’ai fait des exercices, j’ai écrit, écrit, écrit. Elle m’a demandé de faire des exercices dont je ne me rappelais plus très bien la teneur.

- En écrivant, ça te permettait de déverser le flot.- Oui, de déverser tout ce que j’avais dans la tête.

- Tu étais quelque part, un peu comme en boucle sur un problème qui ne trouvait pas d’issue.- Oui, je ne voyais pas trop l’utilité.

- Bien sûr.- Je l’ai fait parce qu’on m’a demandé de le faire et à priori, je l’ai fait pour que ça fonctionne. On a progressé comme ça, on a fait des séances régulières, on les a un peu espacées et petit à petit, je m’en suis remis.

RESULTAT DE CETTE THERAPIE

T’as commencé à te sentir mieux assez vite ou ça a pris plusieurs séances?

- Je ne m’en rappelle pas très bien, c’était assez long quand même. Enfin bref, il fait dire que j’étais bien exposé, j’étais en mille morceaux.

- Donc en fait , elle t’as fait faire des exercices finalement que tu ne comprenais pas bien au départ, en disant:

« A quoi ca sert? »

Après coup, tu as commencé à te sentir mieux?

- Oui, en fait, elle a un petit peu évolué dans les exercices,elle a fait des choses un peu plus. Je ne faisais pas que déverser ce que je ressentais mais j’avais des…

- Je ne me rappelle plus très bien des exercices mais il y a des choses que j’ai pu quand même faire de façon concrète.- Qui t’ont permis quelque part, d’affronter mieux cette nouvelle situation.- Oh oui complètement. Je pense que sans appui psychologique, ça aurait été plus difficile.

Comment tu fais aujourd’hui?

- J’ai l’impression que je n’ai rien eu !

Comment tu gères, tu laisses filer aujourd’hui?

- Ah oui, j’ai changé d’attitude. J’ai pris beaucoup de recul par rapport à la situation professionnelle. Je ne suis plus du tout combatif, je ne suis pas dans la résistance. Je suis dans l’acceptation. Après, je reste sur mes gardes, je garde mes idées et mes convictions.

- Mais, je me suis recentré d’abord, au niveau professionnel sur le cœur de mon métier c’est à dire que j’ai refusé tout ce qui était institutionnel, les réunions, les directions, les conseils d’administration, les CME. Je n’ai pas envie du tout de participer aux décisions de l’hôpital.

Je laisse faire.

- Finalement, t’as pu lâcher prise quelque part sur une partie du boulot où tu étais un peu trop impliqué.

- J’ai lâché prise sur tout ce qui… m’échappe. Mais moi, je ne le percevais pas. Je pensais qu’en bataillant, j’allais pouvoir contrôler les choses ou faire évoluer les choses à ma façon. Mais en fait, il y a des choses qui m’échappent complètement.

- Donc, le boulot que t’as fait avec Claude consistait à accepter une partie que tu ne puisses pas contrôler?

- Oui, je pense que ça en faisait parti, c’était dans la thérapie. Maintenant, j’ai une attitude vraiment.. À ce niveau là

Toi, en tant que pharmacien hospitalier, quel regard as-tu sur cette forme de thérapie et à la prise en charge de certains

types de pathologies et des médicaments?

- Je connais bien les médicaments, je connais bien leurs limites. C’est évident que l’accompagnement psychologique moi je trouve ça complètement indispensable. C’était vraiment essentiel dans la prise en charge, même plus important que le médical.

Pour moi, c’est clair !

- Pour toi, les médicaments?- Les médicaments c’est juste un étouffeur de symptômes

donc ça met un petit couvercle sur la bouilloire et puis ca calme un peu, ok, ca permet de mieux dormir mais après derrière, il y a un travail a faire. Bon, le temps agit aussi mais bon, j’ai changé d’attitude grâce à ce travail.