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DDD O S S I E RO S S I E RO S S I E R D ED ED E C O N N A I S S A N C E SC O N N A I S S A N C E SC O N N A I S S A N C E S
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H i s t o i r e H i s t o i r e H i s t o i r e
d e s A r t sd e s A r t sd e s A r t s
AAA R T SR T SR T S , , , T E C H N I Q U E ST E C H N I Q U E ST E C H N I Q U E S , , , E X P R E S S I O N SE X P R E S S I O N SE X P R E S S I O N S
AAA R T SR T SR T S , , , M Y T H E SM Y T H E SM Y T H E S E TE TE T R E L I G I O N SR E L I G I O N SR E L I G I O N S
NOM : PRÉNOM : CLASSE :
DDD O S S I E RO S S I E RO S S I E R D ED ED E C O N N A I S S A N C E SC O N N A I S S A N C E SC O N N A I S S A N C E S
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H i s t o i r e H i s t o i r e H i s t o i r e
d e s A r t sd e s A r t sd e s A r t s
AAA R T SR T SR T S , , , T E C H N I Q U E ST E C H N I Q U E ST E C H N I Q U E S , , , E X P R E S S I O N SE X P R E S S I O N SE X P R E S S I O N S
AAA R T SR T SR T S , , , M Y T H E SM Y T H E SM Y T H E S E TE TE T R E L I G I O N SR E L I G I O N SR E L I G I O N S
« D’ores et déjà je ne crois
plus aux croquis saignants,
à la peinture véridique,
aux choses vues ni même
vécues. »
Félix VALLOTTON, « Art et
Guerre », Les écrits nou-
veaux, décembre 1917, Lau-
sanne, la Bibliothèque des
arts, repris dans le catalogue
de l’exposition « Face à
l’Histoire Ŕ 1933/1996 »,
Paris, Flammarion, 1996.
Otto DIX, Le Salon , 1921
Ce li}vey io}iye oqx élè}ex | décq{}viv t{elt{ex cq{vaoyx avzixyit{ex ey œ{}vex ayaoy rvqfqodémeoy mavt{é le xiècle rvécédeoy ey peut-être même celui en cours, à s’interro-
gev x{v lex fqocyiqox de l’avz ( Bea{ ? Ré}élaye{v ? Déoqociaye{v ? Ag|iche{v ?...), x{v dex cq{vaoyx avzixyit{ex ( dadaïxme, x{vwéalixme, hysevwéalixme, rqr…), x{v dex rev-
xqooagex exzwaqvdioaivex (Charlio, Maxxqo, Dix , Dalí…)
Remevciemeoyx | M. le Pviociral rq{v a}qiv a{yqvixé {oe édiyiqo cq{le{v rq{v chat{e élè}e de ywqixième , | M. le Pviociral adjqioy rq{v a}qiv x{i}i le rvqjey, ey bieo xûv |
yq{ye l’ét{ire rq{v le yemrx t{e chac{o a bieo }q{l{ cqoxacvev…
L’ét{ire de védacyiqo BERNERON Da}id; BOUDOU J{lie; DAUMAS Syl}ie; FIDELE Te}a; GEORGET Chvixyqrhe; HART Veyea; MARUAE Aodvea; MONOD Tajim;
POAREU Kayia; RERE Læyiyia; SOSSEY ALAOUI Rafiu; TANSEAU Bveoda; TEMEHARO Jqho; VAIHO Willy; VINCENTI Mavca{veliq 3
S o m m a i r e
PRÉSENTATION DE L’ÉPREUVE P 4-6
RESTAURATION DE LA CATHÉDRALE DE RIKITEA AUX GAMBIER P 7-12
DÉCOUVRIR LE « CENTRE BEAUBOURG » P 13-16
LE CENTRE CULTUREL DJIBAOU P 17-18
VERDUN P 19-20
FERNAND LÉGER, LA PARTIE DE CARTES, 1917 P 21-22
OTTO DIX, TRIPTYCHON « DER KRIEG » P 23-24
GERD ARNTZ « DAS DRITTE REICH », P 25
« ET MAINTENANT, ELLE TOURNE ! », HELMUT HERZFELD P 26
SALVADOR DALI, MÉTAMORPHOSE DE NARCISSE P 27-28
ANDRÉ MASSON, LE LABYRINTHE, 1938 P29-30
CHARLIE CHAPLIN, THE MODERN TIMES P 30-32
VOCABULAIRE CINÉMATOGRAPHIQUE P 33
LITTÉRATURE ET PHOTOGRAPHIE P 34– 37
CINDY SHERMAN, UNTITLED FILM STILLS P 38
NORMAN ROCKWELL P 39-40
DUANE HANSON P 41
PIERO MANZONI P 42
BOBBY HOLCOMB P 43-44
LÉON TAEREA P 45
HINA P 46-47
LA MUSIQUE POP, UN MOUVEMENT EN MARCHE p 48-49
4
Vqici la ywqixième édiyiqo de l’érve{}e d’hixyqive dex avzx. Ce reyiy
faxcic{le vegwq{re dex œ{}vex xélecyiqooéex ey rvéxeoyéex rav lex
ét{irex rédagqgit{ex d{ cqllège Heovi Hivq. Cey iyioévaive |
ywa}evx t{elt{ex gwaodex œ{}vex d{ XXème siècle veut montrer
cqmmeoy l’avz yémqigpe, veflèye, t{exyiqooe, ioyevagiy a}ec oqx
xqciéyéx.
« Q{elt{’{o me demaodaiy cqmmeoy j’allaix avwaogev mqo exsq-
xiyiqo. Je l{i ai vérqod{ : « Mal ». Cav {oe exsqxiyiqo, cqmme {o
yablea{, bieo q{ mal « avwaogée », cela ve}ieoy a{ même. Ce t{i
cqmrye, c’exy l’exrviy de x{iye daox lex idéex. »
Pvqrqx vec{eillix rav E. Téviade, « Eo ca{xaoy a}ec Picaxxq »,
rvemiève r{blicayiqo daox L’Intransigeant, 15 juin 1932
Cette aooée, l’érve{}e d’hixyqive dex avzx xe dévq{leva de la ma-
oiève x{i}aoye :
Chat{e élè}e éy|die a}ec xex rvqfexxe{vx t{elt{ex-{oex dex
œ{}vex t{i xqoy rvéxeoyéex daox cey iyioévaive. Il exy rqxxible
d’eovichiv, de cqoxyiy|ev {o dqxxiev de vechevchex revxqooellex
t{i rq{vwa êywe rvéxeoyé qvalemeoy a{ j{vz.
Chat{e élè}e éyabliy {oe lixye de 5 œ{}vex, ravarhée rav lex rvq-
fexxe{vx t{i qoy axx{vé l’eoxeigpemeoy. Cette lixye xeva ywaoxmixe
a{x j{vzx {oe xemaioe a}aoy l’érve{}e.
Lex élè}ex xe rvéxeoyevqoy m{oix de le{v cqo}qcayiqo, d’{oe rièce
d’ideoyiyé, de le{v li}vey aioxi t{e yq{y a{ywe x{rrqvz o{mévit{e ,
image, m{xit{e, }idéq, diarqvama… x{v clef {xb, q{ dqxxiev de
vechevchex revxqooellex t{’ilx xq{haiyeoy rvéxeoyev.
L'qval xe dévq{le eo de{x yemrx : {o exsqxé iodi}id{el rqvzaoy
x{v {oe œ{}ve t{e le j{vz a{va chqixie ravni lex ciot de la lixye
rvéxeoyée, x{i}i d'{o eoyweyieo a}ec {o j{vz cqmrqxé de de{x
rvqfexxe{vx d{ cqllège. L'qval rveod la fqvne d'{o exsqxé rav le
caodiday d'eo}ivqo ciot mio{yex. Lqvx de l’eoyweyieo d'{oe di-
{aioe de mio{yex, le j{vz l’ioyevwqge x{v l’œ{}ve rvéxeoyée ey élav-
giy le t{exyiqooemeoy x{v lex a{ywex œ{}vex de xa lixye aioxi t{e
xex cqooaixxaocex géoévalex eo hixyqive dex avzx.
L'é}al{ayiqo rveod eo cqmrye la t{aliyé de la rvexyayiqo qvale d{
caodiday, yaoy d{ rqioy de }{e dex cqoyeo{x t{e de xqo exsvex-
xiqo.
Cqooaixxaocex ey caraciyéx velayi}ex | l'œ{}ve d'avz, l'élè}e exy
carable de :
Siy|ev dex œ{}vex daox le yemrx ey daox l'exrace.
Pvéxeoyev {oe œ{}ve de façqo rvécixe xelqo xex cavacyévixyit{ex
rviociralex : dqmaioe avzixyit{e, a{ye{v, yiywe, érqt{e q{ cqo-
yexze, x{rrqvz, dimeoxiqox, dexyioayiqo, mq{}emeoy avzixyit{e.
Uyilixev | bqo excieoy {o }qcab{laive adaryé | {o dqmaioe ey |
{o laogage avzixyit{ex.
Éyabliv dex lieox revzioeoyx a}ec d'a{ywex œ{}vex de la même
réviqde q{ de réviqdex difféveoyex.
Caraciyéx géoévalex ey attiy|dex, l'élè}e exy io}iyé | :
Dé}elqrrev, reodaoy ciot mio{yex eo}ivqo, {o rvqrqx xyw|cy|vé
velayif | l'qbjey d'éy|de.
Arr{yev xqo cqmmeoyaive x{v {oe dqc{meoyayiqo arrvqrviée
(référence aux cours, ressources numériques, etc.)
Écq{yev ey rveodve eo cqmrye lex t{exyiqox d{ j{vz eo fqvn{-
laoy {oe vérqoxe adaryée.
L'é}al{ayiqo dqooe lie{ | {oe oqye x{v 20 rqioyx, affecyée d'{o
cqefficieoy 2. Cex rqioyx xqoy rvix eo cqmrye rq{v l'attwib{yiqo d{
dirlôme oayiqoal d{ bve}ey ey d'{oe meoyiqo.
La oqye qbyeo{e rav le caodiday | l'érve{}e yevnioale d'hixyqive
dex avzx oe xeva eo a{c{o cax ywaoxmixe | l'élè}e q{ | xa famille
a}aoy la rvqclamayiqo dex véx{lyayx rav le j{vz d{ dirlôme oayiq-
oal d{ bve}ey.
5
Évaluation de l'Histoire des Arts Jury n° :
Nom :
Prénom :
Élève se présentant devant un jury Barème Note élève
Capacité à adopter une posture correcte face au jury
Maîtrise de la voix (diction, volume, expressivité)
Maîtrise de l'appréhension 3
Capacité à formuler des phrases complètes
Capacité à utiliser un vocabulaire spécifique
3
Capacité à formuler une opinion personnelle
Capacité à faire preuve de réflexion personnelle 3
Qualité et pertinence des réponses au « dossier de
connaissances »
5
Présentation d'un travail soigné et de qualité 3
Intérêt et richesse de l'exposé
Originalité et imagination
3
Note /20
Appréciation :
Voici les questionsVoici les questionsVoici les questions---outils dont vous avez besoin pour outils dont vous avez besoin pour outils dont vous avez besoin pour
préparer l’épreuve orale d’histoire des artspréparer l’épreuve orale d’histoire des artspréparer l’épreuve orale d’histoire des arts
6
D a n s t o u t e s l e s
d i s c i p l i n e s :
Titre de l’œuvre :
Nature de l’œuvre (peinture, sculpture,
…) :
Artiste :
Année de réalisation :
Quelle époque ? Quel siècle ?
Dimensions en cm (HxLxl)
Où se trouve l’œuvre ?
Intérêt de l’œuvre
À quel grand domaine artistique appartient
-elle ?
Arts de l'espace : architecture, art
des jardins ;
Arts du langage : littérature (récit,
poésie) ;
Arts du quotidien : design, objets
d'art ;
Arts du son : musique
(instrumentale, vocale) ;
Arts du spectacle vivant : théâtre,
danse, cirque, marionnettes ;
Arts du visuel : arts plastiques, ciné-
ma, photographie.
E n A r t s p l a s t i q u e s
Technique employée :
Appartient-elle à un mouvement
(surréalisme, cubisme, pop’art…) ?
Quel est son lien avec d’autres œuvres ?
Analyse plastique : comment est-ce racon-
té en termes de formes, de couleur, de
taille, de composition, de matière…
En Musique
Caractère de l’œuvre : (gai, belliqueux,
triste…)
Formation instrumentale : (orchestre,
chanteurs…)
Style et Époque :
Structure :
En Histoire-Géographie
Commanditaire :
Courant artistique :
Dates importantes de la période de la vie
de l’artiste :
Quel est le thème de l’œuvre ?
Ce thème est-il contemporain ou antérieur
à la vie de l’auteur ?
Que veut montrer l’auteur ?
Est-ce que la description du sujet par l’ar-
tiste correspond à la réalité ?
Que pourrait apprendre un historien en
étudiant cette œuvre ?
En quoi l’œuvre a-t-elle marqué son
temps ?
7
RESTAURATION DE LA CATHÉDRALE SAINT MICHEL
DE RIKITEA AUX GAMBIER
SEPTEMBRE 2009 au 3 DÉCEMBRE 2011
Classée monument historique
par la Polynésie française en
2002, fermée au public en 2005
pour cause d’insécurité et dé-
fauts d’étanchéité, cette cathé-
drale de corail fera l’objet de
toutes les attentions en 2006.
Lors du Conseil d’orientation
pour le suivi des conséquences
des essais nucléaires, le maire
des Gambier, Monique Riche-
ton, propose sans hésiter la
restauration de la cathédrale
S a i n t - M i c h e l c o m m e
« compensation » pour les
Gambier en réparation aux pré-
judices de 30 ans d’occupation
militaire. Cette demande sur-
prend les interlocuteurs de
l’Etat, soucieux de la laïcité in-
séparable des actions de la Ré-
publique. Mais les lois de sé-
paration de l’Eglise et de
l’Etat ne s’appliquent pas plei-
nement en Polynésie, non seu-
lement dans les habitudes lo-
cales, mais aussi dans la légi-
slation propre. Mais l'utilité de
cette rénovation coûteuse
(4,5 M euros ou près de 600
millions de francs Pacifique)
financée en grande partie par
l'Etat et le Pays est également
contestée alors que les pré-
mices de la crise économique
commencent à apparaître.
Les travaux démarrent en sep-
tembre 2009 et dureront plus
de 2 ans, pour une réouverture
de la Cathédrale le 3 décembre
2011.
PRÉSENTATION GÉOGRA-
PHIQUE, LINGUISTIQUE &
DÉMOGRAPHIQUE
Archipel des Gambier. Mangare-
va. Rikitea.
La langue mangarévienne
recèle un vocabulaire présa-
geant des talents de cons-
tructeurs de ce peuple. Des
noms différents sont donnés à 7
sortes de coraux : 1. toka ’aka
’are (pour bâtir) ; 2. toka erero
(pour lime à hameçon) ; 3. pü
erero (pour décorer) ; 4. toka
parera (pour bâtir) ; 5. puga
pupia (blanc à l’intérieur, très
tendre) ; 6. puga mokoe ; 7.
puga vare. Des noms différents
sont donnés à diverses sortes
de pierre : 1. verota : pierre
calcaire blanche dure et solide,
incrustée de corail et de coquil-
lages. 2. tätaravera kakaraea :
pierre volcanique rougeâtre. 3.
tätaravera one : pierre volca-
nique poreuse. 4. tätaravera
oaga : pierre volcanique résis-
tant au feu. 5. poatu-tuma 6.
poatu-maori : pierre volcanique
noire qui explose au feu. 7. ki-
na : pierre volcanique 8. iva :
pierre volcanique 9. koma :
pierre volcanique pour haches
10. ke’o tamata ou ke’o toki :
pierre volcanique pour hermi-
nettes et limes, Des noms dif-
férents sont donnés à diverses
sortes de sable : 1. one tea :
sable blanc 2. one reureu :
sable gris 3. one tuma : terre
argileuse 4. one kurakura :
sable rose 5. one mau : sable
aggloméré 6. one kakaraea :
argile 7. one repo taro : terre
pour tubercules 8. one pa’u :
sable sombre 9. one kura :
sable rouge 10. one paraoro :
terre rouge des pluies
8
Le peuplement semble remon-
ter au 12e siècle et la société
locale avait un roi et de nom-
breux prêtres. Les habitants de
l'île de Pâques se réclame d'an-
cêtres venus de l'archipel des
Gambier. Wilson avait repéré
l'île en 1797, à bord du Duff,
dont le sommet garde le nom,
mais se dit localement Aurotini;
le premier débarquement euro-
péen date de 1826, l'annexion
de 1881. Très vite, dès 1834,
les missionnaires s'en sont
lourdement occupés, installant
des églises sur chaque île, et
même une cathédrale à Rikitea,
un palais pour le roi, forçant
quelque peu la population à des
travaux publics, non sans
faire de nombreuses victimes.
Rikitea avait environ 1 200 hab.
au milieu du 19e siècle, l'archi-
pel 2 200 selon certaines esti-
mations, 5 000 selon d'autres.
La population s'était réduite à
460 habitants en 1887; elle
était encore de moins de 600
hab. entre 1956 et 1983, mais
elle a repris depuis.
Le XIXème siècle est une pé-
riode d’échanges voire de com-
merces. De nombreux navires
occidentaux sillonnent les eaux
du Pacifique. L’archipel des
Gambier de par sa situation
géographique devient rapide-
ment et ce dans le milieu du
siècle, un point de chute et de
ré- approvisionnement pour les
navires de passage. C’est d’ail-
leurs durant ce laps de temps
que l’exploitation de la nacre
pour la confection de boutons
commence à prendre de l’essor
et, que l’archipel devient le
centre perlicole le plus im-
portant de la Polynésie.
Voir Congrégation des Sacrés-
Cœurs de Picpus, les pères La-
val et Carré, Rapa Nui, Acadé-
mie Ma'areva et Mgr Tepano
JAUSSEN; personnalités nées
aux Gambier: Francis SAN-
FORD, Gaston FLOSSE...
CONTEXTE HISTORIQUE DE
LA CONSTRUCTION DE LA
CATHÉDRALE AU 19è siècle:
LES GAMBIER BASTION DU
CATHOLICISME
En 1825, la congrégation Picpu-
cienne obtient le mandatement
du Vatican pour une mission
dans les îles. Ils choisissent les
Sandwich ou Hawaii où ils se
rendent en 1827. Mais la mis-
sion est un échec, en 1831 les
religieux sont expulsés des îles.
En 1833, la situation change, le
Vatican divise l’Océanie en
deux vicariats, les Picpuciens se
voient octroyés celui du Paci-
fique Oriental. Le 6 janvier
1834, quatre prêtres embar-
quent à bord du Sylphide, ils
font escale à Valparaiso (Chili),
plaque tournante du Pacifique.
Ils font la rencontre du capi-
taine Mauruc qui déterminera
de manière définitive leur choix
sur les Gambier et, plus parti-
culièrement Mangareva. En ef-
fet, la situation à Tahiti est dif-
ficile, les protestants de la
LMS ont la protection et
l’assentiment de la reine Po-
mare IV, les catholiques ne
seront pas les bienvenus. Le
16 juillet, trois prêtres prennent
la mer à bord du Peruviana et,
atteignent Mangareva le 7 août
1834. La mission est un succès,
les trois prêtres font édifier les
chapelles d’Aukena et
d’Akamaru dans un premier
temps. En 1835, Monseigneur
Rouchouze, premier vicaire
apostolique dénombre plus de
200 catéchumènes et 188 insu-
laires prennent le baptême la
même année. Devant un tel
succès, les catholiques se ren-
dent à Tahiti en 1836, mais ces
derniers sont expulsés du pays.
Les catholiques devront at-
tendre 1841 pour pouvoir exer-
cer leur prêche sans pression
aucune. L’évêque et les huit
prêtres, frères et laïcs, qui
s’installèrent à Mangareva en
1834-1835 étaient tous très
jeunes. Ils réussirent en trois
ans à convertir et à baptiser
tous les habitants, lesquels dé-
truisirent ensuite leurs ma-
rae. Toutefois, il faut attendre
1848 et la nomination de Mon-
seigneur Etienne Jaussen
(qui construira la cathédrale de
Papeete et rédigera un diction-
naire français-tahitien), pour
que la mission prenne un nou-
vel essor. Voici d’ailleurs ce
qu’il déclare : « Nous sommes
venus à vaincre les préjugés
que les ministres protestants
avaient inspirés aux Tahitiens
contre nous. Il faudrait mainte-
nant peu de choses pour les
rendre catholiques. Rien ne
peut mieux les décider que ce
qui frappe les yeux. On les
prend mieux par les sens que
tous les raisonnements. Or rien
n’est plus capable de les frap-
per qu’une église convenable et
où nous pourrons étaler les cé-
rémonies de notre culte et les
opposer à la nudité du culte
protestant. »
LA CONSTRUCTION DE LA
CATHÉDRALE DE RIKITEA
1839-1854
En 1835, une église provisoire
est bâtie dans le village de Ri-
kitea sur un ancien marae selon
les dires de Gilbert Soulié,
frère bâtisseur à l’initiative
des monuments et édifices reli-
gieux aux Gambier. Cet ancien
marae porta successivement les
9
noms de Rua-Rikitea, Te- ke’ika
(du chef Tupa dédié à Tü), puis
Pöpï. La pose de la première
pierre de l’édifice a lieu le 17
janvier 1839. La cathédrale
doit être en mesure d’accueillir
plus de 1000 personnes. Le
plan de l’église qui a été élabo-
ré par les religieux est impres-
sionnant, Saint-Michel de Ri-
kitea mesurera 50 m de long
sur 17 de large.
Plan de la cathédrale © fonds
SCP ( crédit Gérard Fenelon
1987)
Les blocs de pierres doivent
être extraits des carrières de
Tahuna, Tekava et Konaku qui
sont situés à 16km du village.
Quant à la charpente, le bois
est coupé à Akamaru. Au mois
d’avril 1841, l’édifice est quasi
terminé, voici ce que déclare
Gilbert Soulié : « Nous
sommes très occupés à couvrir
notre cathédrale de tresses de
coco et de feuilles de panda-
nus. La bâtisse est terminée et
les 18 colonnes de l’ordre
toscan sont debout supportant
un entablement sur lequel re-
pose une voûte appuyée sur
une solide charpente. De
chaque côté des colonnades
en pierres de corail taillées,
les deux nefs latérales sont
éclairées par 9 fenêtres et une
petite porte. Le pignon de la
façade est percé d’une rosace
et au fond du sanctuaire, se
dresse le grand autel encadré,
à droite et à gauche, de deux
pièces appelées à servir de sa-
cristie. » Mais une violente
tempête deux mois plus tard
remet en question les travaux,
la toiture s’effondre, les frères
doivent la remettre sur pied. En
deux semaines, la toiture est
remise d’aplomb mais, il
manque la construction du
porche d’entrée et, des deux
tours carrées qui ont été pré-
vues sur plan.
Plan de la façade de St. Michel
© fonds SCP (crédit Gérard Fe-
nelon 1987)
Quoiqu’il en soit, le 15 août
1841 la cathédrale est con-
sacrée. Toute la population est
présente : « Les têtes se tour-
nent et retournent distraites
par toutes nos décorations ;
piédestaux et chapiteaux de
colonnes, chœur de 7m de long
pavé en forme de damier ;
maître autel à la romaine ;
tabernacle décoré de
grappes de raisins et chaire
incrustée de fleurs en nacre
et dents de cachalots… » En
1854, et après de multiples tra-
vaux de constructions, le frère
Soulié s’attelle à la construction
des tours du clocher de Saint-
Michel de Rikitea. Pour le clo-
cher, le plan d’édification est
simple, il s’agit d’une porte et
de deux fenêtres en façade,
sans étage avec trois pièces à
l’intérieur. Le frère Soulié pose
la cloche avant que ne s’achè-
vent complètement les tours.
Le 5 novembre 1854, le clo-
cher de Mangareva caril-
lonne pour la première fois:
« Elle tinte comme les cloches
du village ou je suis né.
J’éprouve l’impression qu’avec
cette cloche, mon œuvre est
achevée. C’est la joie et l’admi-
ration pour les Mangareviens. »
La cathédrale a fait l’objet d’un
entretien quasi continu, la po-
pulation y contribuant large-
ment. En 1998, elle est re-
peinte de blanc et le contour
des fenêtres romano- gothiques
de bleu ciel.
Façade principale de St. Michel
© fonds SCP (crédit photo -
M.H. Villierme 1999)
LA RESTAURATION DE LA
CATHÉDRALE DE RIKITEA
2009-2011
« La cathédrale est une syn-
thèse très rare entre des mises
en œuvre telles que l'on peut
les trouver en métropole et des
savoir-faire qui n'existent
qu'ici... Elle témoigne de l’his-
toire moderne de l’archipel des
Gambier et de son évangélisa-
tion par les Pères Missionnaires
du Sacré-Cœur de Picpus. La
10
cathédrale représente à la fois
la transposition en Polynésie du
modèle architectural de la
grande basilique telle qu’on
pouvait la concevoir alors à Pa-
ris et son adaptation remar-
quable aux matériaux dispo-
nibles à Rikitea et aux savoirs-
faire des Mangaréviens. »
Pierre-Antoine GATIER, archi-
tecte en chef des monuments
historiques, 2010.
La charpente a été restaurée
en utilisant les mêmes es-
sences et en réduisant les in-
terventions au remplacement
limité des pièces de bois alté-
rées.
« La charpente du grand
comble constitue un ouvrage
unique associant l’emploi de
grandes fermes, preuve d’une
maîtrise parfaite par les Pères
de Picpus, de l’art de la char-
penterie. Elle est réalisée là en-
core avec des essences préle-
vées dans les îles avec une
structure en uru, l’arbre à pain.
Les assemblages entre les
pièces de bois, chevillés, confir-
ment cette science de la cons-
truction. Pourtant l’aspect le
plus exceptionnel de cette char-
pente apparaît dans la présence
des ligatures de nape ou de
cordage en fibre de coco, ren-
forçant chaque assemblage,
démontrant comment ce
comble incarne la rencontre des
techniques de la métropole et
des savoirs-faire exceptionnels
vernaculaires des Polyné-
siens ».
Pierre-Antoine GATIER Archi-
tecte en Chef des Monuments
Historique
Anaël : compagnon charpen-
tier-menuiserie, entreprise
ASSELIN
Pourquoi avoir choisi le
chantier de la cathédrale de
Rikitea ? J'ai choisi de venir
d’une part pour l'exotisme de la
destination et pour découvrir un
autre type de chantier
Que fais-tu exactement ?
quelles sont les particulari-
tés de ton métier ? On tente
de reproduire au mieux les ou-
vrages réalisés en utilisant au
maximum des techniques
d'époque. C'est essentiellement
un travail d'assemblage et de
fixation par des chevilles. Nous
avons tout de même parfois
recours à des techniques mo-
dernes. C'est réellement la
synthèse entre l'ancien et le
moderne.
Nous observons, examinons et
reproduisons. Les portes d'en-
trée et celles des sacristies sont
d'origines. En grattant et en
observant nous avons pu dé-
couvrir les techniques utilisées.
Dans ma formation chez les
compagnons, nous sommes
amenés à restaurer un en-
semble de bâtiments anciens et
nous apprenons ainsi tout un
savoir-faire ancien. Sur le
chantier de la cathédrale, on
tente de la même façon de va-
loriser ce travail en transmet-
tant aux jeunes l'art de la
charpente. Depuis le début du
chantier, Yvon, un jeune avec
qui nous partageons notre sa-
voir, nous assiste.
Pourquoi le choix du bois de
uru pour la charpente ? Nous
avons choisi d'utiliser l'essence
de uru car il s'agissait du bois
d'origine. Nous avons entamé
la charpente avec du uru mais,
à cours de bois de uru, nous
avons terminé avec du pinus.
En effet, les stocks de bois de
uru coupé ont été épuisé et la
faible proportion d'arbre à pain
sur l'archipel aujourd’hui nous a
contraint à utiliser du pinus,
bien plus abondant sur l'île. A
l'époque, la proportion de uru
devait être très importante.
La charpente réalisée à
l’époque était faite à partir de
troncs entiers. Lors de la phase
de diagnostic, nous nous
sommes aperçu que seul l’au-
bier des troncs utilisés avait été
entamé mais que le cœur était
encore intact. Nous préférons
donc n'utiliser que le cœur du
tronc, bien plus résistant.
Le problème avec cette essence
c'est que la taille de l'aubier est
bien plus importante que le
cœur. Il nous faut donc énor-
mément de tronc pour restau-
rer la charpente, d'où l'épuise-
ment rapide de la ressource.
Le choix du matériau de cou-
verture a constitué un débat
riche, entre le respect du maté-
riau d’origine, la feuille de pan-
danus ou le choix de la couver-
ture postérieure réalisée en
tuile mécanique de Marseille ou
enfin, le remplacement par un
matériau contemporain. Pour
assurer la pérennité de la ca-
thédrale, cette parfaite adapta-
tion aux conditions cycloniques,
la décision a été prise de réali-
ser une couverture en table de
cuivre, démontrant comment le
projet de restauration peut être
la synthèse entre une dé-
marche de conservation et une
réflexion contemporaine asso-
ciant les habitants à ces choix
essentiels.
Pierre-Antoine GATIER Archi-
tecte en Chef des Monuments
Historiques
11
La restauration de la voûte par
bouchement de toutes les la-
cunes, reconstituées suivant la
technique d’origine de roseaux
ligaturés.
Témoignage de Philippe PLISSON,
chef de chantier, entreprise SMBR
Pourquoi retirer les anciennes
couches de chaux et de pein-
ture?
L’idée était de restaurer à l’iden-
tique, retrouver les monuments his-
toriques tels qu’ils étaient à l’origine.
Aujourd’hui, les techniques de res-
tauration consistent à retrouver
l’aspect « premier » des bâtiments.
Comment s’est déroulée cette
phase préparatoire ? Il y a donc
eu une période de sondage qui a
duré entre un et deux mois (de fé-
vrier à avril 2010) qui a consisté à
dégager des polychromies, à gratter
des couches de peinture successives
sur de petites « fenêtres », avec des
scalpels, couteaux et spatules. On a
ainsi mis à jour les différentes
couches. On a ensuite réalisé des
témoins de peinture de différents
tons, qu’on a soumis par la suite à
l’architecte. Ce travail de recherche
a duré 3 mois et a été réalisé par
Cécile et moi, ainsi que des per-
sonnes embauchées localement.
Nous avons commencé avec deux
personnes locales, l’effectif a grossi
au fur et à mesure pour la partie
maçonnerie.
Quelle a été votre réaction à la
découverte des couleurs origi-
nelles de la cathédrale ? Cela a
été une bonne surprise car personne
ici ne savait ou ne se souvenait de
ces couleurs d’origine. Les plus an-
ciennes photos que nous avions des
années 60 montraient la couche de
jaune acrylique.
D’où provient donc cette colora-
tion bleu turquoise ?
Le bleu est une peinture industrielle
qui a été appliquée récemment. Le
souci c’est qu’elle n’est pas adaptée
à la chaux poreuse. Au lieu de l’im-
prégner, elle crée une sorte de film
qui recouvre la chaux et ne laisse
pas s’échapper l’humidité. Des moi-
sissures peuvent alors se former en
dessous. C’est aussi ce qui est à
l’origine de la dégradation de la ca-
thédrale. Le projet de restauration
étant de retrouver les tons d’origine,
le choix de la restauration en ocre
rouge a été préféré.
La chaux corallienne
Les enduits recouvrant la cathé-
drale sont fabriqués à partir de
chaux corallienne. Ce savoir-
faire, peu à peu disparu des
usages traditionnels en matière
de construction, a été révélé et
joue aujourd’hui un rôle notoire
dans la restauration de la ca-
thédrale.
« Une analyse archéologique de
l’édifice révèle en effet com-
ment sa construction fait
l’usage des matériaux présents
sur l’archipel avec des maçon-
neries réalisées en pierre de
corail. Les témoignages livrés
par les Pères de Picpus attes-
tent de la collecte des maté-
riaux sur les motu et de leur
transfert par radeaux au travers
des eaux du lagon. De la même
façon les mortiers, les enduits
comme les badigeons sont réa-
lisés en chaux corallienne obte-
nue par calcination dans des
grandes fosses de cette pierre
de corail, savoir-faire demeuré
vivant à Rikitea. »
Pierre-Antoine GATIER Archi-
tecte en Chef des Monuments
Historiques
Centre des Métiers d’Art à Pa-
peete est l’un de ses enfants
qui a vu le jour grâce au regret-
té Monsieur Henri Bouvier, an-
cien élève de l’école Boulle,
promotion 1927, atelier de Gra-
vure Acier
Outre son intérêt culturel et pa-
trimonial, le chantier est égale-
ment une formidable occasion
de pourvoir des formations et
des emplois aux jeunes de l’île
et, de cette façon, relancer une
dynamique économique dans
l’archipel. Le projet s’insère
dans une démarche éducative
et professionnelle à l’adresse
des habitants de l’île.
12
Rencontre avec Piriki
GOODING, responsable bé-
névole du fonctionnement
du four à chaux
« Comment as-tu appris à cons-
tituer et faire fonctionner un
four à chaux ? J’ai appris avec
les anciens de l’île qui s’en sou-
venaient encore pour l’avoir dé-
jà fait. C’était très pénible à
l’époque car ils n’avaient pas
nos engins modernes, tout était
fait à la force des bras. D’ail-
leurs la technique a été un peu
modifiée, modernisée. Avant, ils
construisaient une tour en co-
rail. Aujourd’hui, pour aller plus
vite on utilise le « case » pour
creuser le trou et le remplir de
bois et de coraux. Ensuite, je
sais qu’ils plongeaient dans le
lagon pour ramasser du corail,
car cela donnait une meilleure
chaux. Aujourd’hui, c’est inter-
dit de casser et de ramasser du
corail vivant, donc on fait avec
ce qu’on a. Je suis vraiment
content de perpétuer ce savoir-
faire qui partait dans l’oubli, et
de pouvoir le transmettre aux
gens de l’île. »
Source : http://www.culture-
patrimoine.pf
13
D é c o u v r i r l e « c e n t r e B e a u b o u r g »
14
I. Au cœur de Paris, le
« Centre Beaubourg »
1. Où se trouve le bâti-
ment ?
Au cœur de Paris Le bâtiment se situe au cœur de Paris, entre le quartier du Marais, l’île de la Cité et le quartier des Halles. On appelle cet emplacement le plateau Beaubourg Entre 1853 et 1870, sous le se-cond Empire, le baron Haussmann, préfet de la Seine, entreprend un grand programme de transformation de Paris. De grands boulevards sont percés pour désengorger le centre-ville (par exemple le boulevard Sébastopol), de nouveaux immeubles sont bâtis, 600 km d'égoûts sont creusés, plusieurs gares et monu-ments, dont les Halles, sont cons-truits, de grands parcs sont créés (par exemple celui des Buttes- Chaumont). Au XIXe siècle, le quartier de Beau-bourg est très peuplé. Les habitants y vivent entassés dans des loge-ments misérables. Les petites ruelles où coulent les eaux usées apportent peu d’air et de lumière. Les épidé-mies se développent. Ce quartier est identifié comme l’« îlot insalubre n°1 », celui du cœur de Paris. C’est ici que, près d’un siècle plus tard sera construit le Centre Georges Pompidou. Dans les années 1960, un siècle après les travaux d'Haussmann, l'ag-glomération parisienne connaît de nouveaux grands chantiers. Des voies rapides pour les voitures sont créées dans la ville, le périphérique est construit tout autour, le RER (Réseau Express Régional) fait son apparition. La ville est aussi dotée d'un grand centre d'affaires et finan-cier : la Défense, avec ses hautes tours de béton. De grands en-sembles de logement sont érigés et des villes nouvelles sont bâties. En 1969, les Halles sont dépla-cées à Rungis. Un grand centre commercial sera construit à leur place, au-dessus de la gare de RER. Le visage de la capitale fran-çaise change une fois encore de fa-çon radicale. Le programme « Je voudrai passionnément que Paris possède un centre culturel (…) qui soit à la fois un musée et un centre de création, où les arts plastiques voisineraient avec la mu-
sique, le cinéma, les livres, la re-cherche audio-visuelle, etc. Le musée ne peut être que d’art mo-derne, puisque nous avons le Louvre. La création, évidemment, serait moderne et évoluerait sans cesse. La bibliothèque attirerait des milliers de lecteurs qui du même coup seraient mis en contact avec les arts. » C’est en ces termes que Georges Pompidou décrit le projet, lancé dès 1969, de ce qui deviendra le Centre Georges Pompidou. Les institutions qu'il doit accueillir sont : le Musée national d'art mo-derne et le Centre de création in-dustrielle (qui seront par la suite regroupés), l’Institut de Re-cherche et Coordination Acoustique/Musique et la Bibliothèque publique d'information. La réponse au programme La première caractéristique de leur proposition est l’ouverture sur la ville et sur le quartier. Renzo Piano et Richard Rogers conçoivent, en rela-tion directe avec le bâtiment, une grande place qui occupe la moitié de l’espace prévu pour la construction : il s’agit de la « piazza ». C'est avec elle que leur projet se distingue d'abord. L'autre point important est la création d'un espace qui puisse être facilement transformé. Le bâti-ment est conçu, à partir de la piaz-za, comme un empilement de grands plateaux libres, dont les cloi-sonnements pourront être organisés selon les besoins et évoluer dans le temps. Les architectes proposent ici une architecture qui répond à la volonté de créer un lieu vivant pour l'art contemporain et la culture. Tout montrer Pour créer ces grands plateaux libres, toute la structure du bâtiment est à l'extérieur, ainsi que tout ce qui le fait fonctionner : les circulations et les tuyaux. Squelette, tripes et ar-tères sont ainsi donnés à voir, expo-sés en plein air, sur la rue et sur la piazza. Ceci est à la fois la consé-quence d'un besoin d'espace et la matérialisation d'une pensée des architectes : dans une construction, tout doit être montré, rien ne doit être caché. C'est aussi pour eux un jeu, une provocation. « Les chiffres du chantier » 28 poteaux (14x2) de 49 mètres de haut et de 85 centimètres de dia-mètre. 84 poutres (14x6) de 45 mètres de long, de 2,80 mètres de haut et de 75
tonnes chacune. 168 gerberettes (14x2x6) de 8 mètres de long et de 10 tonnes chacune. Rien qu'avec les poutres et les gerbe-rettes, la structure pèse déjà près de 8.000 tonnes (168x10 + 84x75). A cela s'ajoutent les planchers, puis les œuvres, les livres, les visiteurs. Tout ce poids est supporté par les poteaux et les tirants. « Les dimensions du bâtiment » Les dimensions du bâtiment, à l'exté-rieur, sont : longueur : 166 mètres largeur : 60 mètres hauteur : 42 mètres On obtient un volume global de 418.320 m
3
À l'intérieur du bâtiment, la longueur est sensiblement la même mais la largeur est inférieure: elle fait 45 mètres. Cinq plateaux sont superposés, chacun d’une surface de 7.500 m
2
(comme 5 terrains de football super-posés). La surface du rez-de-chaussée étant semblable, la surface globale est de 45.000 m
2 (au des-
sus du sol). La hauteur entre chaque plateau est de 7 mètres sous plafond sauf celle du forum qui est de 10 mètres sous plafond.
Les panneaux de façade Toute la structure du bâtiment est ouverte. Renzo Piano parle à son sujet de dentelle. Ici, pas de murs porteurs qui, dans la plupart des constructions, portent le bâtiment tout en séparant par une épaisse paroi l'intérieur de l'extérieur. Des panneaux de façade, vitrés ou opaques selon les endroits, sont donc posés. Ils se situent à l'inté-rieur de la structure, à l'endroit ou la poutre s'accroche à la gerberette, et laissent les poteaux dehors. Chaque baie vitrée a une hauteur de 7 mètres.
L’air
Pour que le bâtiment fonctionne, il faut lui apporter de l'air. Quatre tours de refroidissement, installées sur les toits, servent à la climatisa-tion. Des tuyaux d'air y sont reliés qui parcourent tous les plafonds à chaque étage pour chauffer et cli-matiser les espaces, selon les sai-sons. Pour les sous-sols, des prises d'air, semblables à des trompes d'éléphant ou à des manches à air sur le pont des ba-teaux, émergent le long de la piazza et de la rue du Renard
à l'arrière du bâtiment.
15
À part ces prises d'air et les tours de refroidissement qui sont de cou-leur blanche, tous les tuyaux d'air sont identifiés par la couleur bleue. Leur circulation est organisée sur la façade arrière du bâtiment, qu'ils
habillent. À l'extérieur comme à l'intérieur, tous ces tuyaux sont lais-sés visibles.
L’eau L'eau est un autre élément indis-pensable dans un bâtiment. Elle sert ici à la climatisation, mais aus-si aux sanitaires dans les différents espaces et aux bornes incendie. Les tuyaux d'eau sont identifiés par la couleur verte. Eux aussi sont à l'extérieur où ils côtoient les tuyaux bleus. Lorsqu’ils passent dans le bâ-timent, ils sont au plafond et restent apparents. L’électricité L'énergie du Centre Pompidou est exclusivement électrique. L'électricité sert pour l'éclairage, mais aussi pour faire fonctionner les ascen-seurs, les monte-charge et les escaliers mécaniques, ainsi que tous les appareils qui fonctionnent dans les différents espaces (par exemple les ordinateurs). Tout ce qui concerne le transport de l'électri-cité est signalé par la couleur jaune : transformateurs, chemins de câbles, gaines. Là encore, l'essentiel de l'équipement est de-hors, sur la rue du Renard mais des grilles jaunes parcourent aussi les plafonds à l'intérieur pour arriver, par exemple, jusqu'à une lampe. Les circulations Reste enfin l'essentiel, ce qui va amener la vie dans la construction : les circulations. C'est-à- dire les es-caliers mécaniques et les ascen-seurs qui permettront au public d'accéder aux différents espaces, mais aussi les monte-charge par lesquels circuleront les œuvres. Toutes ces circulations sont reje-tées à l'extérieur du bâtiment, tou-jours dans la perspective de lais-ser, à l'intérieur, des plateaux com-plètement libres.
Sur la façade arrière, on peut voir les monte-charge et les ascenseurs destinés au service. Sur la façade, côté piazza, sont posées les cour-sives. Elles sont installées sur les bras des gerberettes. Puis, plus à l'extérieur encore, est suspendue la « chenille », ce grand escalier mé-canique qui dessert les étages et parcourt toute la façade en diago-
nale.
La couleur attribuée aux circulations est le rouge. C'est la couleur du sang qui, en circulant dans l'orga-nisme, apporte la vie. On retrouve ici une idée importante du projet qui est de créer un lieu de ren-contre entre le public et la culture : le public qui circule dans la chenille, comme le sang dans une artère, fait vivre la culture. II. Un monument dans la ville 1. Un bâtiment ouvert sur l’es-
pace urbain
La vie du quartier Depuis trente ans, le Centre Pompi-dou apporte sa contribution à la vie du quartier, entre les boutiques du Marais, le centre commercial des Halles, les églises Saint-Eustache et Saint- Merri, les cafés et les rues piétonnes. Aux Halles, à quelques pas du bâtiment, se trouve le nœud des transports en commun de la ville et de la région. Ce quartier central est devenu une porte de la capitale, ouverte sur toute l’Île-de-France.
L’art et la culture, présents dans le bâtiment, ont peu à peu investi les rues environnantes où librairies et galeries d’art voisinent avec les bou-tiques de vêtements. Les œuvres d’art elles- mêmes s’échappent du musée : le Pot doré de Jean-Pierre Reynaud se dresse sur la piazza, les sculptures-machines de Niki de Saint-Phalle et Jean Tinguely s’ébat-tent dans la fontaine Stravinsky. La Piazza La piazza, cette grande place créée par Renzo Piano et Richard Ro-gers, appartient autant au Centre Pompidou qu’à la ville et fait le lien entre ces deux espaces. Dans ce quartier très dense, elle est un grand poumon qui fait respirer la ville : la vue y est dégagée, on peut s’y asseoir, s’y retrouver, et bien souvent des spectacles de rue s’y déroulent, attirant la foule. La piazza est en lien direct avec le forum : aucun seuil, aucun porche ni aucune marche ne marque de rup-ture entre le dehors et le dedans, et c’est presque tout naturellement que l’on passe de l’un à l’autre. Les ar-chitectes avaient même prévu de laisser le forum ouvert sur la piazza, comme un hall de gare. Cela n’a finalement pas été possible à
cause du climat parisien, mais l’idée est bien là : le forum est un prolongement de la piazza, une sorte de place couverte dans la ville, un morceau de ville dans le bâtiment (on y trouve d’ailleurs un café, une librairie, une boutique et même un bureau de poste !)
La chenille elle-même, qui dessert
les différents espaces, située à
l’extérieur, est conçue comme un
prolongement vertical des circula-
tions de la ville.
Transparence et reflets Les façades du Centre Pompidou expriment bien cette ouverture. Lorsque l’on se trouve à l’intérieur, les grands panneaux vitrés ouvrent le regard sur l’espace urbain. Dans la Bpi, cette ouverture est partout. Dans le musée et les expositions, il y a toujours un endroit où, au détour d’une salle, le visiteur est projeté dans la ville. De la même manière, de l’extérieur, l’intérieur des espaces est visible. Ou alors, selon la lu-mière, ces façades vitrées reflètent la ville et le ciel, tout comme le font les plans d’eau des terrasses aux niveaux 5 et 6 du bâtiment. 2. Un signal Le verre et l’acier Sa structure métallique apparente, entièrement peinte en blanc, fait du Centre Pompidou un signal dans la ville. Il se distingue en effet dans le quartier par ses matériaux que l’on ne retrouve dans aucun des im-meubles environnants. Son archi-tecture originale, aujourd’hui en-core, donne toujours une impres-sion de modernité. Les panneaux vitrés de ses façades, visibles sur trois de ses cotés, mettent en relief la trame de la structure. En jouant avec la lumière et les reflets, ils participent eux aussi à la visibilité du bâtiment, et à sa mise en va-leur dans l’espace urbain. La Piazza et la chenille Les architectes ont conçu volontai-rement la piazza comme un plan incliné. Cette pente, en plus d’amener en douceur le visiteur vers le bâtiment et l’entrée, met en valeur ce dernier. Depuis le haut de la piazza, longeant la rue Saint-Martin, il peut voir en entier sa façade principale sans presque lever les yeux. La chenille qui la traverse en diagonale, avec ses décrochements pour chaque pa-lier, vient rythmer sa trame régu-lière et donner de la vie à l’archi-
16
tecture. Elle est un signe distinctif important du bâtiment. Les couleurs et les tuyaux Sur la façade ouest, le signal est d’une autre nature : l’enchevêtre-ment de tuyaux et de couleurs qui émerge de temps à autre au bout d’une rue du Marais rend immédiatement identifiable le bâti-ment. Depuis la place de l’Hôtel de Ville à quelques centaines de mètres, l’épaisseur colorée de la façade, tranchant avec le décor des immeubles anciens, réveille le regard des passants. La hauteur En laissant libre la piazza les ar-chitectes ont dû gagner en hauteur la surface du bâtiment. Avec ses 42 mètres de haut, il devient ainsi l’une des constructions qui percent le plafond parisien et l’un des points de repère dans la ville, comme le sont la tour Eiffel et la tour Montparnasse, le Sacré-Cœur et le Panthéon, la cathédrale Notre-Dame, l’arc de Triomphe. Du haut de chacun de ces monuments, le Centre Pompidou navigue sur la mer des toits de Paris « Le plafond parisien » Une grande majorité des im-meubles parisiens ont été cons-truits au XIXe siècle, suivant la réglementation du préfet Hauss-mann. Une des contraintes qui ont régi leur construction est la limite de hauteur : ils ne devaient pas dépasser les 6 ou 7 étages, soit 20 mètres maximum (à la fin du XIXe siècle, les techniques de construction permettent de dresser les premiers gratte-ciel, à New York et à Chicago). Cette limite existe encore aujourd'hui, avec une hauteur maximum dans les quar-tiers du centre de Paris fixée à 25 mètres. On ne peut dépasser cette hauteur que pour des constructions exceptionnelles.
Cette norme a créé ce que l'on ap-pelle le « plafond parisien ». Vu de haut, c'est comme une mer de zinc qui recouvre la ville. Seuls quelques monuments importants viennent percer ce plafond. Leurs hauteurs sont les suivantes :
- Dans les arrondissements péri-phériques :
Tour Eiffel : 300 mètres (hors an-tenne)
Tour Montparnasse : 210 mètres
Sacré-Cœur: 83 mètres (avec la
colline de Montmartre, 200 mètres)
Arc de Triomphe : 50 mètres
- Dans les quartiers centraux :
Panthéon : 83 mètres
Tour Saint-Jacques : 52 mètres
Centre Pompidou : 42 mètres
Cathédrale Notre-Dame : 35 mètres
Église Saint-Eustache : 35 mètres
3. Le Panorama
La chenille De l’extérieur, la chenille est un signe distinctif. De l’intérieur, elle est un dispositif qui permet au re-gard de s’élever en douceur, suivant un mouvement diagonal, jusqu’à l’horizon à compter du 4e étage, qui est au niveau des toits de Paris. On parle à son sujet de « machine de vision ». Au sommet de la chenille, au 6e niveau, le visiteur se retrouve sur une plate-forme vitrée, le belvé-dère, qui semble suspendue dans le vide : tout Paris est devant lui. Le belvédère: saisir la ville C’est ce dernier élément qui fait définitivement du Centre Pompi-dou l’un des hauts lieux pari-siens : le visiteur y voit la ville d’en haut, il se situe dans la ville. Il la décrypte en nommant monuments et quartiers. Il fait connaissance avec elle, la saisit dans son ensemble.
Pour accéder à ce statut de monu-
ment, une construction doit pouvoir
être vue et reconnue de loin, per-
mettre aussi de voir et de recon-
naître l’espace environnant.
Sources :
Centre Pompidou : http://
www.centrepompidou.fr
Renzo Piano Building Workshop:
http://www.rpbw.com/
Richard Rogers Partnership: http://
www.richardrogers.co.uk
Pistes de recherche : Film
Richard Copans, Le Centre
Georges Pompidou, collection
« Arte Architectures », vol.1.
Coproduction : Les Films
d'ici / La Sept Arte / Centre
Georges Pompidou, 1997, 26
min.
Site : Centre Pompidou
http://www.centrepompidou.fr
17
Le centre culturel DjibaouLe centre culturel DjibaouLe centre culturel Djibaou
C’est dans le cadre des accords
de Matignon, qu’à la demande de Jean-Marie TJIBAOU, il a été
convenu entre les partenaires (ETAT - FLNKS - RPCR) de créer
l’Agence de développement de la culture kanak (ADCK) qui a
pour missions : de valoriser le patrimoine archéologique et lin-
guistique kanak ; d’encourager
les formes contemporaines d’ex-pression de la culture Kanak, en
particulier dans les domaines artisanal, audiovisuel et artis-
tique ; de promouvoir les échanges culturels, notamment
dans la région Pacifique Sud ; et de définir et conduire des pro-
grammes de recherche.
Sur un terrain de 8 hectares cé-
dé en 1992 par la ville de Nou-méa, le centre culturel Tjibaou
dessiné par l’architecte Renzo Piano est inauguré le 4 mai
1998. Outil privilégié de l’ADCK, il est
un lieu d’affirmation identitaire
et un espace de rencontre et de création culturelle.
Par sa configuration originale, où l’on trouve en un même lieu
un centre d’art, un musée, une salle, des espaces de spectacle
et une bibliothèque spécialisée, le centre culturel Tjibaou pro-
pose une multiplicité d’offres
culturelles. Selon ces offres, il voit ses publics varier quantita-
tivement et sociologiquement au rythme de ses actions.
Une architecture contemporaine en harmonie avec la culture ka-
nak
Créateur d'un grand nombre de
projets architecturaux novateurs
et ambitieux dont l'aéroport de Kansaï au Japon et le Centre
Georges Pompidou à Paris, Ren-zo Piano (prix Pritzker pour l'en-
semble de son œuvre) est un architecte de renommée inter-
nationale.
A travers tous ses projets, il dé-fend une vision personnelle de
l'architecture et cherche à ac-
corder ses valeurs esthétiques (importance des éléments im-
matériels comme la lumière ou la transparence, allusion à la
nature dans les formes) aux va-leurs des hommes qu'il croise
sur son chemin.
L'architecture du centre culturel Tjibaou est le fruit d'une étroite
collaboration entre Renzo Piano et l'Agence de Développement
d e l a Cu l t u r e Kanak .
C'est le résultat d'une prise en compte des formes architectu-
rales kanak et de leur transfigu-ration dans une architecture
moderne.
Les « cases » inspirées de l'ar-chitecture kanak traditionnelle
sont de hauteurs et de surfaces différentes et donnent un aspect
inachevé qui rappelle que la cul-ture kanak est toujours en de-
venir.
Dimensions des cases :
Les dix cases se partagent en
trois types :
petite : 55 m² et 20 m de
haut ;
moyenne : 92 m² et 20 m
de haut ;
grande :140 m² et 28 m de
haut. « J'ai compris que l'un des ca-
ractères fondamentaux de l'ar-chitecture kanak est le chan-
tier : le « faire » est aussi im-portant que le « fini ».
J'ai pensé, dès lors, développer l'idée de chantier permanent, ou
plutôt d'un lieu ayant l'appa-
rence d'un chantier « non fini ». Renzo Piano, Carnet de travail
Les matér iaux u t i l i sés
Cette approche humaniste de
l'architecture se combine avec une grande technicité et le souci
d'offrir au meilleur coût les con-ditions optimales d'accueil du
public. Chacune des cases est dimensionnée pour résister aux
vents cycloniques (230 km/h) et
aux séismes. Elles permettent d'utiliser les vents dominants en
introduisant un courant d'air frais générateur de confort pour
les visiteurs.
Réalisées en bois d'iroko impu-
trescible, les cases prennent avec le temps la couleur des
troncs de cocotiers qui bordent les rivages de la Nouvelle-
Calédonie. Leur habillage est
réalisé en acier inoxydable, une case représente donc 300 m3 de
bois et 5 tonnes d'acier. Les cases conjuguent les tech-
niques du futur, tel le lamellé-collé, avec les matériaux tradi-
18
tionnels.
Le centre est équipé d'une ges-tion technique du bâtiment con-
trôlant par informatique l'en-
semble du site. Les différents espaces sont également dotés
d'un équipement technique per-formant et d'outils multimédias.
Entre nature et mémoire, s'intercale un espace technique
moderne, propre à devenir l'ou-til de l'ambition culturelle. Le
visiteur voyage de structures
intimes couvertes dont le sol rappelle la couleur de la natte à
de vastes espaces extérieurs aux envolées aériennes.
D'une surface totale de 8.188
mètres carrés, le centre culturel Tjibaou s'inscrit sur 8 hectares,
en symbiose avec les éléments
naturels présents sur la pres-qu'île.
Il se compose de trois villages
qui ont chacun une fonction dis-tincte et qui regroupent au total
dix cases, d'une surface moyenne de 90 mètres carrés et
dont la plus haute culmine à 28 mètres.
Les cases des trois villages qui
constituent le centre culturel sont reliées entre elles par une
allée courbe qui évoque l'allée centrale spécifique à l'habitat
traditionnel kanak. Chacune des
cases joue de l'air et de la transparence. On notera l'alter-
nance autour de l'épine dorsale des volumes haut accompagnés
des pins colonnaires, et des vo-lumes bas plus intimes. Les par-
cours reflètent un subtil jeu d'ombres et de lumières.
Le végétal au cœur d'une archi-
tecture contemporaine
Pour l'homme kanak, étroite-ment lié à son environnement
naturel, la terre et les plantes rythment le cours de la vie. Ain-
si, dès la genèse du projet, l'ar-
chitecte Renzo Piano décide de créer une symbiose entre une
architecture contemporaine et l'environnement naturel de la
presqu'île de Tina.
Les espaces de spectacles
extérieurs, l'aire coutu-mière et les bâtiments
situés à l'extrémité de la presqu'île (restauration,
hébergement et ateliers) épousent les collines du
p r o m o n t o i r e .
La végétation du site a
été respectée et même enrichie de nombreuses
espèces endémiques à la Nouvelle-Calédonie. Des
pins colonnaires ont été transplantés et un chemin
kanak composé de nom-
breuses essences s'étire tout au long de l'édifice.
Son but est d'initier le vi-siteur à la symbolique du
végétal dans la société kanak.
Il retrace également à travers le
langage des plantes, l'histoire
du héros fondateur Téâ Kanaké en évoquant successivement les
cinq étapes de sa vie. Cet itinéraire végétal prend sa
source au bord de la mangrove qui longe le centre culturel
Tjibaou et serpente le long des villages 1, 2 et 3.
Ce n'est pas un simple chemine-ment piétonnier mais plutôt un
« chemin histoire » intégré au cœur du centre culturel. Pour le
créer, il a fallu plonger dans le passé, interroger les aînés sur
les traditions et rechercher de nombreuses espèces de plantes.
Celles-ci font aussi le lien avec l'environnement géographique,
écologique et culturel des autres pays du Pacifique.
Source : http://www.adck.nc
19
C o n t e x t e
h i s t o r i q u e
La guerre de 1914-1918 a forte-
ment marqué les peintres comme la grande majorité des
artistes et intellectuels de l’époque. Qu’ils soient mobilisés
ou non, tous ont participé à la culture de guerre. Certains en
produisant des œuvres très pa-
triotiques, d’autres pas du tout. Mais compte tenu de la brutalité
des combats, de leur durée, la représentation du conflit a vu
ses codes nécessairement évo-luer. De ce point de vue, la figu-
ration de la bataille est révéla-trice. Dans l’élan de l’assaut, la
lutte de tranchées ou sous la
pluie des bombes, on ne peut avoir qu’une vision fiévreuse et
partielle de l’affrontement. L’ac-tion limite considérablement la
perception. Ce n’est qu’après qu’il est possible de chercher à
traduire cette expérience, par des mots, par des images qui
imposent non seulement
d’autres signes, mais aussi d’autres significations. Certains
peintres vont ainsi utiliser des moyens nouveaux, plus subjec-
tifs, plus audacieux, souvent d’une grande expressivité, pour
aboutir à des résultats beaucoup plus évocateurs que n’importe
quelle tentative de restitution
fidèle du combat, voire à des dé-marches abstraites permettant
d’en transcender la terrible réali-té.
A n a l y s e d e l ' i m a g e
Le document est un tableau du Suisse Félix Vallotton (1865-
1925), qui jouit d’une renommée
internationale grâce à ses gra-vures sur bois et à ses illustra-
tions. Intitulé « Verdun », il re-présente un champ de bataille
en proie au déluge. L’espace est structuré de façon géométrique :
alors qu’on distingue au premier
Verdun. Tableau de guerre interprété, projections colorées noires, bleues et rouges, terrains dévas-
tés, nuées de gaz.
© Paris - Musée de l'Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Pascal Segrette
Félix VALLOTTON (1865-1925) Date de création : 1917
Date représentée : 1917 Dimensions : Hauteur 114 cm - Largeur 146 cm
Technique et autres indications : Huile sur toile. Lieu de Conservation : Musée de l'Armée (Paris) Référence de l'image : 06-501097 / 21889 ; Eb 1518
20
plan une terre bouleversée, hé-
rissée de troncs d’arbres section-nés, au centre de la toile, des
faisceaux lumineux colorés se croisent au-dessus de flammes
et de nuées de gaz blanches et noires en formant des triangles,
tandis que sur la gauche s’abat-tent les lignes obliques de la
pluie (mais il pourrait tout aussi
bien s’agir d’une averse de balles). La vision d’ensemble est
celle d’un paysage de guerre où s’affrontent des forces antago-
nistes, la violence des intempé-ries et celle des hommes qui se
battent à distance. Le tableau concentre visuellement le dé-
chaînement des moyens mis en
œuvre de part et d’autre dans un petit périmètre pour détruire
l’adversaire.
I n t e r p r é t a t i o n
Cette œuvre a pour sous-titre « Tableau de guerre interprété,
projections colorées noires, bleues et rouges, terrains dévas-
tés, nuées de gaz ». Il s’agit
donc d’une expérience picturale, d’une sorte d’essai, d’une inter-
prétation cubo-futuriste, tech-nique que Vallotton, membre du
groupe des nabis, adopte ici ex-ceptionnellement. L’idée n’est
pas d’essayer de rendre compte des instants décisifs du combat,
ni d’en montrer les tenants et les
aboutissants. La bataille de Ver-dun (février-décembre 1916),
qui est restée le symbole de l’en-fer de la Première Guerre mon-
diale par l’acharnement des at-taques allemandes qui y eurent
lieu, et le symbole de l’héroïsme des Français résistant à l’inva-
sion ennemie, apparaît ici sous
une forme quasi abstraite. Il faut préciser que l’artiste n’a pas par-
ticipé à l’événement, il l’a seule-ment observé au cours d’une
mission au front (au moment de la déclaration de guerre en
1914, il chercha à s’engager vo-lontaire, mais il fut refusé en rai-
son de son âge). Constatant
l’inanité des procédés conven-tionnels pour représenter la ba-
taille elle-même, Vallotton utilise les ressources du cubisme, le
temps d’un tableau absolument singulier dans sa carrière. À pro-
pos de Verdun, il écrivait :
« Que représenter dans tout cela ? […] Peut-être les théories
encore embryonnaires du cu-bisme s’y pourront-elles appli-
quer avec fruit ? Dessiner ou peindre des « forces » serait
bien plus profondément vrai qu’en reproduire les effets maté-
riels, mais ces « forces » n’ont
pas de forme, et de couleur en-core moins. » L’enjeu est bien
là : la violence extrême des combats provoque la désagréga-
tion du paysage, la disparition, l’effacement de l’humain derrière
les machines de guerre ; mais ce cataclysme bouleverse aussi les
catégories esthétiques existantes
et conduit à remettre en cause certaines représentations de
l’art. Ce tableau prouve ainsi, à sa manière, qu’aucune des
formes connues n’est propice à l’expression de l’extrême, et que
seules les tentatives les mettant en crise ont une chance d’expri-
mer ce qui ne peut se dire et/ou
se montrer.
Auteur : Laurent VÉRAY
Otto DIX, Morts de-
vant la position de
Tahure, 1924.
Otto DIX, Troupe
d'assaut progressant
au milieu des gaz,
1924.
Monument aux morts - Papeete
Fernand Léger, La partie de cartes, 1917, huile sur toile, 129 x 193 cm, Kröller-Müller Mu-
seum, Otterlo. © SESAM, Paris, 1998.
commentaire d’un TABLEAU Exemple : La partie de cartes de Fernand LÉGER, 1917
1. PRÉSENTATION DU TABLEAU
Méthode Exemple
auteur Son nom, sa nationalité.
Autres renseignements permet-tant d’expliquer pourquoi il a peint ce tableau.
Fernand Léger, peintre français, mobilisé en 1914 : sapeur (creuse les tranchées) puis brancardier sur le front ; blessé puis hospitalisé et réformé en 1917.
Dessine.
Date
contexte
- Date du tableau ou ses dates de naissance et de mort
- À quelle période de l’histoire appartient ce tableau ?
1917
Pendant la 1GM, ici en 1917, pendant la guerre de position
sujet Quel est le sujet du tableau ? De quoi parle-t-il ? Le titre peut vous aider.
Soldats en train de jouer aux cartes.
Destinataire A qui ce tableau est destiné ? Rien
dimensions Quelles sont les dimensions du tableau ? petit, grand ?
129x193cm : immense tableau
Support et technique
Quel est le support du tableau (toile, mur, bois…) ; Quelle tech-nique est employée ? (peinture à l’huile, encre…)
Peinture à l’huile sur toile
21
22
2. LA DESCRIPTION DU TABLEAU/L’ANALYSE
description Décrivez précisément la scène.
Formes géométriques :
- cubes pour la tête et le tronc
- tubes circulaires pour les bras
- cercles pour les articulations
corps Comment sont peints les corps ? Sont-ils en mouvement ?
Membres décomposés en cônes, cylindres ; mains rigides aux doigts mécanisés
expression Quelle est l’expression des vi-sages ?
Aucune : les soldats sont dénués de physionomie et de regard ; visages taillés en dures facettes
Composi-tion
= ensemble de moyens gra-
phiques par lesquels l’artiste or-
ganise (ou compose) sa peinture
(axes du tableau, perspective,
profondeur, plans…)
Arrière-plan = espace fermé, étroit
Lignes brisées au centre ; soldats se fondent dans le décor.
couleurs Quelles sont les couleurs utilisées par le peintre ? Quelles sont celles qui dominent ?
Un peu d’ocre et de rouge.
Dominent : le gris bleuté des capotes, des casques et du métal
3. L’INTERPRÉTATION
Interpréta-tion
Quel est le sens général de l’œuvre ?
Quel est son intérêt historique ?
Déshumanisation des personnages, l’homme-machine, guerre qui élimine l’humain.
> effets moraux des combats
> partie de cartes = thème courant dans la pein-ture ; ici guerre = un jeu de cartes > il faut abattre ses atouts, jeter les soldats dans la bataille au bon moment.
+ guerre de position : soldats passent du temps à ne rien faire et donc à jouer aux cartes.
Courant artistique
À quel courant artistique appar-tient ce tableau ?
Cubisme : l’art ne peut plus être imitatif car hor-reur de la guerre.
Style cubiste : décomposition des formes, distor-sions des perspectives, brisures d’objets…
Léger a peint cette toile, la plus
vaste et la plus achevée de ses
peintures de la guerre - bien
moins nombreuses que ses des-
sins - alors qu'il se trouve en
convalescence près de Paris. Si
le sujet n'a rien de tragique, ni
même de guerrier à proprement
parler, Léger développe là, pour
la première fois sur un format si
vaste, l'idée de l'homme-
machine qu'il avance dans ses
dessins. Les soldats, dénués de
physionomies et de regard, se
décomposent en cônes, tiges,
pyramides, cylindres. Ils ne se
distinguent que par les insignes
de leurs grades et leurs décora-
tions. L'espace où ils jouent est
celui, étroit, fermé, d'une géo-
métrie rythmée par des verti-
cales à l'arrière-plan et des
lignes brisées au centre. Des
couleurs, ne restent qu'un peu
d'ocre et le rouge, alors que do-
minent les gris bleutés des ca-
potes, des casques et du métal.
Otto Dix, Triptychon « Der Krieg » (Triptyque
« La Guerre »), 1929-32, tempera sur bois, pan-
neau central 204 x 204 cm, panneaux latéraux
204 x 102 cm chacun, 69 cm x 204 cm pour la
prédelle
Gemäldegalerie Neue Meister, Dresde.
© SESAM, Paris, 1998.
La Guerre est une œuvre qu’on peut qualifier d’ex-
pressionniste d'Otto DIX, peintre allemand, engagé
volontaire au début du conflit de la première
guerre mondiale et qui en revient révolté et paci-
fiste. Cette œuvre est donc celle d'un homme qui a
vécu l'horreur et l'inhumanité de la « Grande
Guerre » et qui témoigne de son expérience de
soldat en représentant un champ de bataille où la
mort et la cruauté règnent en maîtres. Otto DIX
réalise La Guerre entre 1929 et 1932 c'est à dire
plus de dix ans après l'armistice, à une période où
les idées nationalistes trouvent de nouveau une
place en Allemagne et où les gens commencent à
oublier les terribles souffrances apportées par la
guerre. C'est dans ce contexte particulier que le
peintre réalise cette œuvre afin de rappeler
l'extrême brutalité et la sauvagerie vécues pen-
dant le conflit.
Le retable est réalisé entre 1512 et 1516
pour la commanderie des Antonins d'Issen-
heim, d'où son nom. Il est démonté et entre-
posé à Colmar en 1793, lors de la Révolution
française, au musée national (ancien collège
royal des Jésuites) puis transféré, à son ou-
verture en 1853, au musée Unterlinden1.
Lors de la Première Guerre mondiale, il est
RETABLE D’ISSENHEIM 1513-1515
Mathias Grünewald (vers 1460-1528)
Musée Unterlinden de Colmar
23
24
Cette œuvre composée de trois panneaux princi-
paux est appelée triptyque. Il évoque avec son
triptyque une œuvre majeure de la Renaissance :
le RETABLE D’ISSENHEIM 1513-1515, de Mathias
Grünewald (voir encadré)
Otto DIX cite très directement le retable d'Issen-
heim :
- Organisation (triptyque, prédelle, absence de
profondeur, personnage empalé qui fait référence
au Christ)
- réalisme des blessures, caractère expressif
- format gigantesque pour susciter l’émotion
- référence religieuse car la fonction du triptyque
est, entres autres, de protéger la ville (des mala-
dies par exemple)
ÉLÉMENTS PLASTIQUES
La couleur : dans cette œuvre Otto DIX utilise
principalement des nuances de rouge et de brun.
La couleur dominante est le brun, brun de la terre
des tranchées, environnement quotidien et unique
horizon des poilus. Le rouge est utilisé pour repré-
senter tour à tour le ciel tourmenté sous lequel les
soldats partent au front (panneau de gauche),
l’amas de viscères ensanglanté (panneau central)
et le feu du champ de bataille (panneau de
droite). L’artiste choisit le rouge parce que c’est
une couleur organique (celle du sang) mais aussi
pour sa valeur symbolique ; dans notre culture le
rouge symbolise en effet le violence et parfois la
mort.
Les couleurs sont sombres, ternes et sales comme
l’est l’univers guerrier que dépeint Otto DIX : une
guerre qui se déploie dans la boue et la crasse et
qui répand la violence et la mort.
La lumière : la principale touche de lumière se
trouve dans le panneau de droite dans lequel le
peintre éclaire grâce à l’emploi de couleurs claires
le personnage du sauveur. Cet éclairage puissant
guide notre regard de spectateur vers cette partie
importante de l’image, peut-être la plus impor-
tante pour l’artiste car elle est la seule à présenter
une part d’espérance et de vie.
La composition et la perspective
La succession d’images fonctionne comme un
cercle ; la guerre comme moment ou histoire qui
se répète à l’infini
L’absence de perspective (atmosphérique pour les
3 panneaux et linéaire pour la prédelle) ne permet
pas au spectateur de poser son regard, de s’offrir
un moment de repos, l’horreur est partout.
CONCLUSION
La Guerre d’Otto DIX est une œuvre que l’on peut
qualifier d’engagée, c’est en quelque sorte un acte
politique par lequel l’artiste énonce très claire-
ment son dégoût de la guerre et le pacifisme qui
en est la conséquence. Mais son intention ne se
limite pas à cette « déclaration de pacifisme » car
il souhaite également nous convaincre, nous spec-
tateurs, de l’horreur et de la bêtise de la guerre.
C’est certainement pour cela qu’il se représente
en sauveur : il est celui qui nous met en garde
contre la guerre et ses atrocités.
Le retable d’Issenheim suite...
placé dans une salle blindée d'une banque
puis transféré à Munich le 13 février 1917
pour restauration (l'Alsace est alors alle-
mande). Il reprend sa place au musée en
septembre 1919. Lors de la Seconde Guerre
mondiale, en 1939, il est caché au château
de Lafarge (près de Limoges) puis au châ-
teau de Hautefort en Périgord. Suite à la ca-
pitulation française en 1940, le retable est
rapatrié au château du Haut-Kœnigsbourg
dans le plus grand secret. L'armée améri-
caine le découvre en 1944 et, le 8 juillet
1945, le retourne à nouveau au musée, son
emplacement actuel.
Otto DIX, Les Joueurs de skat ou Invalides
de guerre jouant aux cartes, 1920, huile et
collage, 110 x 87 cm, Berlin.
25
Gerd ARNTZ « Das dritte reich », Le Troisième Reich, Caricature (1936)
Gerd ARNTZ est un peintre allemand
né en 1900 et décédé en 1988.
En 1920, il rejoint un groupe d’artistes
d ' e x t r ê m e g a u c h e .
En 1934, après l'arrivée d'Hitler au
p o u v o i r , i l s ' e x i l e
aux Pays-Bas, à La Haye.
En avril 1936, il grave la caricature in-
titulée « Das Dritte Reich » . Exposée
à Amsterdam, elle a été retirée de la
manifestation sur demande de
l’Ambassadeur d’Allemagne.
Véritable réaction à la propagande hi-
tlérienne, elle résume parfaitement
l’Allemagne à la veille de la guerre .
Le dessin est divisé en 7 parties.
Chaque question porte sur une
partie.
Partie 1 :
a) Qui est ce personnage ?
b) Comment appelle-t-on le
geste qu’il fait ?
c) Comment ce personnage se
fait-il appeler ?
Partie 2 :
a) Comment appelle-t-on le des-
sin figurant sur ce drapeau ?
b) De quel parti est-il l’em-
blème ?
Partie 3 :
a) Quelle est la profession des
quatre personnages ?
b) Ils sont placés juste sous le
personnage central : qu'est-ce
que cela montre du IIIe Reich ?
Partie 4 :
a) Sur quel bâtiment est assis le
personnage n° 4?
b) Quelle catégorie sociale re-
présente-t-il ?
Partie 5 :
a) Qui sont ces trois person-
nages debout ?
b) Que font-ils ?
Partie 6 :
Qu'est-ce qui est représenté
ici ?
Partie 7 :
a) Que représentent ces barbe-
lés ?
b) Que symbolisent la hache
et le billot ?
Conclusion :
a) Quels sont les principaux
caractères du IIIe Reich, selon
Gerd Arntz ?
b) Quelles sont les principales
victimes de ce régime ?
1
2
3
4
5
7
6
Gerd Arntz 1931
26
Helmut Herzfeld, dit John Heart-
field (né et décédé à Berlin,
1891-1968).
Aux côtés des dadaïstes berli-
nois.
Originaire de Berlin, John Heart-
field (qui a anglicisé son vrai
nom, Helmut Herzfeld, dès 1916
en signe de protestation contre
la guerre) s’impose très vite
comme l’une des figures déter-
minantes de l’expression berli-
noise du mouvement Dada (1).
[…] Surnommé le « Dada-
monteur », John Heartfield
s’éloigne toutefois de Dada dès
l’année suivante pour s’engager
plus avant dans les rangs com-
munistes.
Un maître dans l’art du photo-
montage.
Précédée dans la seconde moitié
du XIXème siècle par une produc-
tion d’images recourant à toutes
sortes de trucages photogra-
phiques et de superpositions de
clichés, la technique du photo-
montage a été mise au point par
les dadaïstes berlinois entre
1916 et 1918. […] Fondée sur la
notion de montage, cette tech-
nique procède de l’organisation
d’une image par juxtaposition de
photographies récupérées ici et
là, notamment dans la presse,
puis découpées et contrecollées
sur un support commun. […]
Et la photographie devient mili-
tante.
Dans la suite logique de leur en-
gagement militant, le 31 dé-
cembre 1918, John Heartfield et
son frère Wieland, ainsi que
Georges Grosz et le dramaturge
Erwin Piscator, s’inscrivent au
KPD (parti communiste alle-
mand), fondé la veille par Rosa
Luxembourg et Karl Liebknecht.
Dès lors, l’artiste consacre toute
son activité à servir la cause ré-
volutionnaire. Il s’invente un slo-
gan Ŕ « Utilisez la photographie
comme une arme ! » Ŕ et mène
un combat acharné contre
l’ordre. […]
Philippe Piguet, « 7 clefs pour
comprendre John Heartfield »,
L'Œil, n° 580, mai 2006.
(1) : « mouvement Dada » : Da-
da, dit aussi dadaïsme, est un
mouvement intellectuel, litté-
raire et artistique qui, entre
1916 et 1925, se caractérisa par
une remise en cause de toutes
les conventions et contraintes
idéologiques, artistiques et poli-
tiques.
Répondez aux questions ci-
dessous en veillant à justifier
vos réponses
1 / Quelle technique est privilé-
giée par John Heartfield ? Justi-
fiez votre réponse en indiquant
les principaux éléments utilisés
pour réaliser l’œuvre présentée
ici.
2 / Quel mouvement artistique
a influencé John Heartfield ? En
quoi cette influence est-elle vi-
sible dans l’œuvre présentée
ici ?
3 / Quelle idéologie John Heart-
field dénonce-t-il avec cette
œuvre ? Sur quelles idées ou
pratiques insiste-t-il ?
4 / En conclusion : Expliquez
en quelques lignes le slogan in-
venté par John Heartfield, « Uti-
lisez la photographie comme une
arme ! ».
« Et maintenant,
elle tourne ! »,
John Heartfield,
1943.
27
Salvador Dali,
Métamorphose de Narcisse
Comment un artiste du XXème
siècle s'approprie et réinter-
prète un mythe de l'Antiquité ?
S. Dali, Métamorphose de Nar-
cisse, 1937, huile sur toile,
50X78, the Tate Gallery à
Londres
I. Le surréalisme.
Le surréalisme est un mouve-
ment artistique qui apparaît au
XXe siècle et naît en France
au lendemain de la Première
Guerre mondiale. Il est défini
par André Breton comme
quelque chose d'automatique
qui servirait à exprimer le réel
fonctionnement de la pensée.
Ce mouvement croit à la toute-
puissance du rêve.
Les situations sont décrites
avec réalisme, mais sont ir-
réelles, impossibles, issues du
rêve...
De nombreux artistes ont parti-
cipé à ce mouvement : André
Breton, Louis Aragon, Paul
Eluard (écrivains) et Salvador
Dalí, René Magritte et Max
Ernst.(peintres). Ils s’entendent
entre eux pour révolutionner
l’art, la littérature et la société.
II. Salvador Dalí.
Peintre catalan, l'un des princi-
paux représentants du surréa-
lisme. Il fait ses études à Bar-
celone et à Madrid. Au cours
d'un séjour à Paris, il entre en
contact avec Picasso, Breton,
Eluard et Miro. Il s'intègre au
groupe surréaliste. Sa peinture
à une forte composante psycha-
nalytique : par sa méthode de
la « paranoïa critique », il pro-
cède à une transposition pictu-
rale d'hallucinations vécues
dans des états de transe ; les
montres molles et une multi-
tude de symboles peuplent ses
tableaux. Sa femme Gala joue
un rôle clé dans un grand
nombre de ses tableaux. Il réa-
lise aussi des modèles de bijoux
et de mobilier.
III. Historique
La toile fut réalisée en 1936-
1937 alors que le peintre était
en pleine période surréaliste.
C'est une scène mythologique
dont l'histoire la plus détaillée
est rapportée dans les Méta-
morphoses d'Ovide.
IV. Le mythe
D'après Ovide, après une ren-
contre avec la nymphe Echo qui
ne put le séduire, Narcisse but
une eau limpide. Cependant, «
épris de son image qu'il aper-
çoit dans l'onde, il prête un
corps à l'ombre vaine qui le
captive : en extase devant lui-
28
même, il demeure, le visage
immobile comme une statue de
marbre de Paros » Narcisse
tomba amoureux de son reflet,
mais ne pouvant se séparer de
son corps, il se mit à pleurer.
Ses larmes troublèrent l'image
qui disparut. Narcisse se frappa
de désespoir, et, une fois l'eau
redevenue calme, il contempla
son reflet meurtri. Il se laissa
mourir se lamentant d'un « hé-
las » qu'Echo répéta inlassable-
ment jusqu'à un dernier
« adieu » à laquelle la nymphe
répondit également. Lors de
son enterrement, on ne trouve
à sa place qu'une fleur jaune,
couronnée de feuilles blanches
au milieu de sa tige.
V. L'œuvre
Le peintre exploite une image
double issue de sa méthode en
représentant l'état précédant la
transformation de Narcisse à
gauche et sa transformation à
droite, utilisant le sens de lec-
ture latin. À gauche le person-
nage aux contours imprécis se
reflète dans l'eau. Il est courbé
et sa tête est posée sur ses ge-
noux, attendant la mort. À
droite, figure le double de
l'image après transformation.
Le personnage devient une
main fine et pierreuse qui sort
de terre. Elle porte sur ses trois
doigts réunis un immense œuf
d'où sort une narcisse. L'ongle
comme l'œuf sont brisés et le
groupe est représenté dans un
gris cadavérique et pierreux sur
lequel montent des fourmis.
En fond et au centre est repré-
senté un groupe de huit
hommes et de femmes nus
éconduits par Narcisse.
29
André Masson, Le labyrinthe,
1938. Peinture. Huile sur toile,
120 x 61 cm
Le labyrinthe d’André Masson
appartient au Musée national
d’art moderne du Centre
Georges Pompidou à Paris. Le
peintre se lie au groupe surréa-
liste d’André Breton en 1924
mais s’en distancie dans les an-
nées 30. A travers cette pein-
ture, André Masson met en
scène un personnage mytholo-
gique bien connu de l’antiquité
grecque : le Minotaure, monstre
au corps d’homme et à la tête
de taureau, enfermé par le roi
Minos dans un labyrinthe afin
d’être caché aux yeux du
monde. Cette figure hybride mi-
homme, mi-animal est égale-
ment au XXème siècle la figure
de proue du surréalisme car elle
représente, sous l’influence de
la psychanalyse, le conflit entre
la conscience et l’incons-
cient. Minotaure est ainsi le
nom d’une revue surréaliste à
laquelle André Breton participe
et dont la couverture du pre-
mier numéro est réalisée par
Pablo Picasso.
Dans le surréalisme l'emprunt
mythologique est une manière
de faire retour sur un savoir ar-
chaïque, pulsionnel, afin d’aller
au-delà de la réalité et de la
rationalité. Dans Le Labyrinthe
de 1938, André Masson s’at-
tache tout autant à peindre
l’intérieur du Minotaure que son
aspect extérieur. C’est vérita-
blement d’une quête intérieure
dont il s’agit de transcrire le
cheminement et la pensée. Un
cheminement introspectif sym-
bolisé par le dédale qui se
trouve dans cette peinture à
l’intérieur du Minotaure, créant
ainsi un jeu de mise en abîme
entre intérieur et extérieur. Vi-
suellement, cette peinture
donne à voir quantité de
choses, de par la diversité de
ses motifs qui nous pousse à
multiplier les interprétations.
Nom de l’œuvre :
Identifier et présenter l’œuvre
À quelle thématique
l’œuvre peut-elle se rattacher ?
Création et culture
Espace et temps
Etat et pouvoir
Mythe et religion
Art, technique, ex-pression
Art, rupture, continuité
À quel domaine appar-
tient cette œuvre ?
Art de l’espace
Art du visuel
Art du quotidien
Art du langage
Art du son
Art du spectacle vi-vant
Pério
de
: (co
lorie
la p
ério
de q
ui c
orre
spo
nd
à c
ette
œuvre
)
30
Type de réalisation :
Date de création :
(contexte)
Auteur/constructeur…
(s’il est connu bref résu-
mé de sa vie et de ses
œuvres) :
Dimensions ou durée :
Lieu de conservation
actuel :
Ces formes semblant émerger
du hasard font apparaître des
figures morcelés que nous ne
sommes pas sûrs de distinguer
réellement.
Il y a chez les surréalistes une
volonté de montrer une réalité
intime du moi, à la fois distordue
et étrangement familière, par la
réappropriation du mythe
comme fondement de notre in-
conscient collectif. Dans Qu’est-
ce-que le Surréalisme ? André
Breton le défini en ces termes :
« n. m. Automatisme psychique
pur par lequel on se propose
d’exprimer, soit verbalement,
soit par écrit, soit de toute autre
manière, le fonctionnement réel
de la pensée. Dictée de la pen-
sée, en l’absence de tout con-
trôle exercé par la raison, en de-
hors de toute préoccupation es-
thétique ou morale. Encycl. Phi-
los. Le surréalisme repose sur la
croyance à la réalité supérieure
de certaines formes d’associa-
tions négligées jusqu’à lui, à la
toute-puissance du rêve, au jeu
désintéressé de la pensée. Il
tend à ruiner définitivement tous
les autres mécanismes psy-
chiques et à se substituer à eux
dans la résolution des principaux
problèmes de la vie. » Cet ex-
trait du manifeste du surréa-
lisme trace la voie de l’expres-
sion du « fonctionnement réel de
la pensée », il s’agit ainsi de
montrer comment la pensée
pense. Il y a également derrière
ce mouvement une « croyance »
en une « réalité supérieure »,
une surréalité dévoilée dans
« certaines formes d’associations
négligées » du « rêve » et du
« jeu désintéressé de la pen-
sée ». Cette pensée désirant se
connaître en tant que pensée
fonctionne comme un absolu qui
fonde son autonomie par rapport
au réel mais qui, paradoxale-
ment, le perçoit mieux, ou du
moins perçoit en lui ce qu’il y a
d’universel. C’est la quête d’uni-
versel inhérente au surréalisme
qui justifie la référence cons-
tante au mythe.
Pré
his
toire
Antiq
uité
M
oyen-â
ge
Époque
modern
e
Époque
conte
mpora
ine
XIX
°s
XX°s
XXI°
s
31
Décrire et analyser l’œuvre :
Support et /ou matériaux utili-sés :
Outils ou techniques utilisées :
Quel est le style de cette
œuvre ?
Quel est/était le rôle, l’utilité, la
fonction de cette œuvre ? À qui est/était-el le dest inée ?
(Dévotion publique, privée,
signe de richesse, décoration, protestation, propagande, …) (=
l’usage de l’œuvre)
Qu’a voulu montrer l’artiste/ le
créateur ou le commanditaire ?
Donner son avis sur l’œuvre
Que t’inspire cette œuvre, que ressens-tu en la regardant (aide-
toi des mots de vocabulaire sui-
vants en faisant des phrases : beauté, admiration, étonnement,
dégoût, interrogation, envie, bi-zarre, fort, triste, surprenant,
….) ?
Recherches personnelles, autres
infos (autres réalisations sem-blables….) :
É t u d e d ’ e x t r a i t s d e s
T e m p s m o d e r n e s
Quelle vision des rapports so-
ciaux au sein de l'entreprise et
de l'organisation du travail Cha-
plin donne-t-il à travers « Les
Temps Modernes ? »
Objectifs de contenus : nou-
veaux modes de production nés
de la taylorisation, objectifs de
productivité d’une entreprise ca-
pitaliste libérale,
Objectifs méthodologiques :
analyser des extraits filmiques
Notion : croissance
Dans le champ technique : thé-
matique Art, sciences et tech-
niques : « innovations scienti-
fiques et techniques » De quelles
innovations dans le mode de
production le film témoigne-t-il ?
Comment le temps est-il techni-
quement organisé, planifié et
contrôlé par l'entreprise ? Com-
ment la « machinisation » du
corps est-elle mise en scène ?
Dans le champ historique et so-
cial : Quels sont les codes so-
ciaux ? Quelle appartenance
identitaire ? (Image de l'ouvrier,
image du patron). Comment la
critique sociale est-elle menée
par la dérision ? Quelle est la
place de l'artiste dans la socié-
té ? Comment l'artiste témoigne-
t-il de son temps ? En quoi le
film est une œuvre majeure
dans l’histoire mondiale du 7
art ?
Filmographie : «Play Time»,
Jacques Tati, 1967, « Brazil »,
film de Terry Gillian, 1985.
Vocabulaire : grande usine,
travail à la chaîne, taylorisation,
organisation scientifique du tra-
vail, productivité, ouvrier spécia-
lisé,
Vocabulaire des techniques du
cinéma : cadrage, plan, scène,
séquence, postsynchronisation
Dernier film muet, alors que le
cinéma parlant existe depuis
1927).
Phase 1 : identification de la
notion de grande usine et com-
préhension de l'OST organisation
scientifique du travail dans l'âge
industriel)
Identification de l’action, des
personnages et du lieu de pro-
duction.
Résumez l’extrait proposé
(action, lieu, personnages).
Identifiez ce type d'usine, sa
branche d'activité et sa structure
professionnelle.
Description du travail à la
chaîne.
Description de la structure pro-
fessionnelle pyramidale patron,
ingénieurs, secrétaire, contre-
maître, chef d'équipe, ouvriers
spécialisés
Conclusion partielle : Chaplin,
offre à travers son œuvre de ci-
néma une vision de l’organisa-
tion structurelle de la grande
usine et de l’OST durant l'âge
industriel.
Quelles images du film témoi-
gnent de l'organisation du temps
social de l'ouvrier ? Quel procédé
est utilisé par l'artiste ?
Thème du temps social organisé
et contrôlé : le temps social de
l'ouvrier lié à la course à la pro-
ductivité, contrôle strict du
temps de travail.
Qu’arrive-t-il à Charlot ? Pour-
quoi ? Comment la bande sonore
le traduit-elle ? Comment l’effet
comique est-il produit ?
Thème de l'aliénation engendrée
par la course à la production et
aboutissant à la crise de folie.
Étude de la manière dont la rela-
tion de l’ouvrier à la machine est
montrée par Chaplin : accéléra-
tion des rythmes du travail à la
chaîne jusqu’à l’effacement de la
personnalité par les gestes auto-
matisés, absorption de l’ouvrier
par la machine qui débouche sur
une crise de folie.
32
Quel type de plans Chaplin utilise-
t-il dans la scène de la machine à
manger. Dans quels buts ?
Thème de la dérision: Dénoncia-
tion de la course à la productivité
dans le système capitaliste libé-
ral. l’utilisation de plans rappro-
chés pour exprimer la surprise et
l’impuissance de l’ouvrier livré à
la machine et à ses dysfonction-
nements.
Les buts de gain de productivité
recherchés par le patron dans le
système capitaliste et auxquels
cette machine propose de ré-
pondre.
L'homme est privé de sa liberté,
de ses organes, il est machinisé.
Dans quels buts Chaplin introduit-
il la scène de la mouche ?
Que peut-on en déduire sur le
fonctionnement du système ?
Gag introduit par la gêne occa-
sionnée dans l'exécution de la
tâche.
Mise en évidence du dysfonction-
nement possible du système par
interruption du rythme d'exécu-
tion de la tâche qui entraîne l' in-
tervention du chef d'équipe qui
tente de le rétablir
Echec révélant la fragilité d'un
système
Étude de la dérégulation du sys-
tème par l'analyse de la scène de
la mouche (reprise du thème de
la « mouche du coche ») Elément,
non gratuit,qui introduit au delà
du gag, le fait que cette organisa-
tion serrée des tâches est fragile
et peut-être soumise à des élé-
ments hasardeux, qui échappent
à la prévision scientifique et ra-
tionnelle.
À un second niveau Charlot appa-
raît comme « la mouche du coche
» du système
Chaplin utilise ses talents de ci-
néaste pour dénoncer la course à
la productivité et la déshumanisa-
tion de l’ouvrier imposée par le
système capitaliste
Le film a suscité à sa sortie une
controverse aux Etats-Unis ce qui
a valu à Chaplin d'être l'objet
d'attaques politiques virulentes.
Le film a été interdit en Alle-
magne et en Italie.
Chaplin présente dans ce film une
vision féroce de la société indus-
trielle capitaliste où l'ouvrier spé-
cialisé est devenu un simple
rouage du système de production,
exécutant des tâches mécaniques
aliénantes à tous les sens du
terme.
Chaplin est un cinéaste en-
gagé comme en témoigne un
autre de ses films : « the
great dictator » de 1940
33
Q u e l q u e s t e r m e s d e
v o c a b u l a i r e r e l a t i f
a u c i n é m a . . .
Angle (de prise de vue) :
l’angle de prise de vue déter-
mine le champ enregistré par la
caméra : il varie en fonction de
la place de la caméra par rapport
au sujet filmé.
Cadre : le cadre est la limite de
l’image ou du champ filmé. Ca-
drer une image, c’est choisir les
éléments visuels qui feront par-
tie de l’image.
Champ : le champ est l’espace
embrassé par la caméra.
Contrechamp : le contrechamp
est la portion d’espace qui fait
face au champ. Un montage en
champ-contrechamp permet par
exemple de mettre en valeur des
personnages, des lieux…
Cinéaste : le cinéaste désigne le
maître d’œuvre principal d’un
film : le réalisateur ou le metteur
en scène.
Décor : le décor est le cadre na-
turel ou non dans lequel se dé-
roule une action.
Échelle des plans : l’échelle
des plans est la façon de cadrer
un personnage (plan moyen,
américain, rapproché, gros plan,
etc.) ou un décor (plan général,
grand ensemble,plan d’en-
semble, etc.).
Fondu : le fondu est un procédé
de montage permettant d’ouvrir
ou de fermer progressivement
un plan, soit par un écran blanc
ou noir, ou encore une autre
image.
Générique : le générique est la
fiche d’identité du film : il donne
la liste de tous ceux qui ont par-
ticipé à sa fabrication.
Montage : le montage est
l’assemblage des divers plans
enregistrés suivant un ordre pré-
vu
Photogramme : un photo-
gramme est l’une des images
(24 par seconde) constituant un
film
Plan : le plan est l’unité mini-
male du film (il faut plusieurs
plans pour former une scène,
d’autres encore pour construire
une séquence).
Postproduction : la postpro-
duction est l’ensemble des opé-
rations postérieures au tour-
nage : montage, bruitage,
mixage, etc.
Postsynchronisation : la post-
synchronisation est l’opération
consistant à enregistrer en audi-
torium les dialogues, en syn-
chronisme avec des images pré-
alablement tournées.
Profondeur (de champ) : la
profondeur de champ est la por-
tion d’espace dans laquelle tous
les détails de l’image sont nets :
elle peut-être plus ou moins pro-
fonde.
Scénario : le scénario est un
récit destiné à être filmé
Scène : dans la construction
d’un film, la scène est un sous-
ensemble de plans ayant trait à
un même lieu ou une même uni-
té d’action.
Séquence : la séquence est
l’une des unités fondamentales
de la grammaire cinématogra-
phique : c’est une suite de
scènes qui ne se déroulent pas
forcément dans le même décor,
mais qui forme un tout.
Travelling : le travelling est un
déplacement de caméra. L’objec-
tif d’un travelling est soit de
suivre un sujet, soit de s’en rap-
procher ou de s’en éloigner.
Couvertures de magazines
Norman Rockwell
34
Li t térature et Photo-
graphie ou Comment la
photographie raconte
l ’enfance…
Période historique : le XXème
siècle
Domaines artistiques : Arts du
langage (littérature) et arts du
visuel (photographie)
Thématique : Arts, Techniques,
Expressions
Dans Le Voile noir, Anny Du-
perey se penche sur son enfance
marquée par la disparition acci-
dentelle de ses parents alors
qu'elle n'avait que huit ans et
demi. La photo ci-dessus qui la
représente avec son père est ex-
t r a i t e d e c e l i v r e
Photographie de Lucien Le-
gras*, Le Voile Noir, 1992
*il s'agit du père d’Anny Du-
perey.
Les mai l lots qui grattent
Oh ! Une réminiscence ! Un
vague, très vague souvenir
d'une sensation d'enfance : les
maillots tricotés main qui grat-
tent partout lorsqu'ils sont
mouillés... Ce n'est pas le plus
agréable des souvenirs mais
qu'importe, c'en est au moins
un.
Et je suis frappée de constater
encore une fois, en regardant
sur ces photos les vêtements
que nous portons ma mère et
moi, que tout, absolument tout,
à part nos chaussures et les cha-
peaux de paille, était fait à la
maison. Jusqu'aux maillots de
bain.
Que d'attention, que d'heures de
travail pour me vêtir ainsi de la
tête aux pieds. Que d'amour
dans les mains qui prenaient
mes mesures, tricotaient sans
relâche. Est-ce pour me consoler
d'avoir perdu tout cela, pour me
rassurer que je passai des an-
nées à fabriquer mes propres
vêtements, plus tard ?
Et puis qu'importe ces histoires
de vêtements, de maniaquerie
couturière, et qu'importe cette si
vague réminiscence des maillots
qui grattent, si fugitive que déjà
je doute de l'avoir retrouvée un
instant... Ce qui me fascine sur
cette photo, m'émeut aux
larmes, c'est la main de mon
père sur ma jambe. La manière
si tendre dont elle entoure mon
genou, légère mais prête à parer
toute chute, et ma petite main à
moi abandonnée sur son cou.
Ces deux mains, l'une qui sou-
tient et l'autre qui se repose sur
lui.
Après la photo il a dû resserrer
son étreinte, m'amener à plier
les genoux, j'ai dû me laisser
aller contre lui, confiante, et il a
dû me faire descendre du bateau
en disant "hop là", comme le
font tous les pères en emportant
leur enfant dans leurs bras pour
sauter un obstacle.
Nous avons dû gaiement re-
joindre ma mère qui rangeait
l'appareil photo et marcher tous
les trois sur la plage. J'ai dû
vivre cela, oui...
La photo me dit qu'il faisait
beau, qu'il y avait du vent dans
mes cheveux; que la lumière de
la côte normande devait être
magnifique ce jour-là.
Et entre mes deux parents à
moi, si naturellement et si com-
plètement à moi pour quelque
temps encore, j'ai dû me
plaindre des coquillages qui pi-
quent les pieds, comme le font
tous les enfants ignorants de
leurs richesses.
Anny DUPEREY, Le Voile Noir,
1992.
L e s e n f a n t s d e
R o b e r t D O I S N E A U
Messieurs de tout Ŕ Paris
« Dans les rues de Paris
l'enfant parle image et magie et
dans les images innées de
son l angage imag ina i re
l'enfant découvre le monde... »
À travers Prévert
(l'ami de Doisneau)
L’appareil photographique est
pour moi un carnet de croquis, l’instrument de l’intuition et de la
spontanéité, le maître de l’ins-tant qui, en termes visuels,
questionne et décide à la fois.
Pour « signifier » le monde, il faut se sentir impliqué dans ce
que l’on découpe à travers le vi-seur. Cette attitude exige de la
concentration, de la sensibilité,
Robert Doisneau dans son
atelier en 1983 © Peter Turnley
35
un sens de la géométrie. C’est
par une économie de moyens et surtout un oubli de soi-même
que l’on arrive à la simplicité d’expression.
Photographier : c’est retenir son souffle quand toutes nos facultés
convergent pour capter la réalité fuyante ; c’est alors que la saisie
d’une image est une grande joie
physique et intellectuelle.
Photographier : c’est dans un
même instant et en une fraction de seconde reconnaître un fait et
l’organisation rigoureuse de formes perçues visuellement qui
expriment et signifient ce fait.
C’est mettre sur la même ligne
de mire la tête, l’œil et le cœur.
C’est une façon de vivre.
Henry CARTIER-BRESSON
(1908-2004)
« Toute ma vie je me suis amu-
sé, je me suis fabriqué mon petit théâtre. »
« Il est des jours où l'on ressent le simple fait de voir comme un
véritable bonheur. »
Robert Doisneau (1912-1994)
Barthes nomme deux éléments
qui suscitent son admiration de la photo :
le studium (le goût pour quel-qu’un ou quelque chose)
le punctum (la piqûre, un détail poignant)
« ça a été »
« Je ne puis jamais voir ou revoir
dans un film des acteurs dont je sais qu’il sont morts, sans une
sorte de mélancolie : la mélan-colie même de la photogra-
phie. » (p.124)
« J’avais découvert cette photo en remontant le temps (…) parti
de sa dernière image, prise l’été avant sa mort (si lasse, si noble,
assise devant la porte de notre
maison, entourée de mes amis) (…) je s uis arrivé, remontant
trois quarts de siècle, à l’image d’une enfant : je regarde inten-
sément vers le souverain Bien de l’enfance, de la mère, de la mère
-enfant (…) ce mouvement de la
Photo (de l’ordre des photos), je l’ai vécu dans la réalité. (…)
Pendant sa maladie, je la soi-gnais, lui tendais le bol de thé
qu’elle aimait parce qu’elle pou-vait y boire plus commodément
que dans une tasse, elle était devenue ma petite fille, rejoi-
gnant pour moi l’enfant essen-tielle qu’elle était sur la première
photo. (..) Elle, si forte, qui était ma Loi intérieure, je la vivais
pour finir comme mon enfant féminin (…) moi qui n’avais pas
procréé, j’avais, dans sa maladie
même, engendré ma mère. Elle morte, je n’avais plus aucune
raison de m’accorder à la marche du Vivant supérieur
(l’espèce). Ma particularité ne pourrait jamais plus s’universali-
ser (sinon utopiquement, par La première maitresse,
Paris 1935
La voiture fondue, 1944
La dent, Paris, 1956
Le cadran scolaire, 1956
L'information scolaire,
Paris, 1956
Les tabliers de la rue de
Rivoli, Paris, 1978
36
l’écriture, dont le projet, dès
lors, devait devenir l’unique but de ma vie). Je ne pouvais plus
qu’attendre ma mort totale, in-dialectique. Voilà ce que je lisais
dans la Photographie du Jardin d’Hiver. »
Roland BARTHES in La Chambre claire
« Une naissance ? Photo ! Une
communion ? Photo ! Un ma-riage ? Photo ! Un travesti, une
nouvelle robe, un voyage, des vacances, un repas mémorable,
un départ, un retour, une réu-nion d'amis, une compétition, un
meeting, une catastrophe ? Pho-to, photo, photo ! »
Emmanuel Sougez, « La photo-
graphie », article paru dans Mieux vivre, n°5, mai 1938
« Mes photos ne sont pas des
revanches contre la mort et je ne me connais pas d’angoisse
existentielle. Je ne sais même pas où je vais, sauf au-devant Ŕ
plus ou moins fortuitement Ŕ de
choses ou de gens que j’aime, qui m’intéressent ou me déran-
gent. »
« La majorité de mes photogra-
phies sont composées en hau-teur, car je travaille en surplomb
pour faire émerger les différents plans distinctement. C’est pour
moi comme les trois ou quatre
portées d’une fugue de Bach. »
Willy Ronis.
Robert Doisneau Ŕ Le remorqueur du Champ de Mars 1943
Robert Doisneau, le baiser de l’hôtel de ville, 1950
Robert DOISNEAU
Marguerite DURAS au Petit Saint Benoît
PARIS , 1952
Les pains de Picasso,
Vallauris, 1952
© Atelier Robert Dois-
neau courtesy
of GAMMA-RAPHO
Agency
37
Sitographie
Histoire de la photographie :
http://www.museedelaphoto.fr/?page_id=1522
Littérature et photographie :
La Chambre claire,(1980) de
Roland BARTHES
Photographes http://www.robert-doisneau.com/fr/atelier/
http://www.espritsnomades.com/artsplastiques/ronis/ronis.html
http://monsieurphoto.free.fr in-dex.php?menu=1&Id=3&ss_menu=1
Analyse de photographies
http://jean-paul.desgoutte.pagesperso-orange.fr/ressources/son_image/semio/Bhv.htm
http://www.er.uqam.ca/nobel/r33554/accueil/guantanamo.html
Robert Capa
GI tué par un sniper allemand, Leipzig, Allemagne, 18 avril
1945
Willy RONIS
Le Petit Parisien
Paris, 1952
Edouard
BOUBAT
Rémi
écoutant
la mer,
août 1955
Marc RIBOUD
Yasnaya Polyana,
1960
Henri CARTIER-BRESSON
Rue Mouffetard, Paris, 1954
38
Cindy Sherman, Untitled film stills #10, 1980. Photographie
noir et blanc, 40.6 x 50.8 cm
Cette photographie en noir et
blanc met en scène une femme,
dans sa cuisine, à genoux mais regardant en haut à droite, alors
qu’elle ramasse une douzaine d’œufs d’un sac de provision gi-
sant par terre, à moitié déchiré. Cette scène d’intérieur banale,
donnant à voir une américaine à l’ère des début de la société de
consommation, est étrangement
familière tant elle convoque des stéréotypes puissants produits
par l’univers des « stills », ces films de serie B des années 50.
Cette photographie de Cindy Sherman s’inscrit plus largement
dans la série Untitled Film Stills composée de soixante-neuf pho-
tographies de petit format noir
et blanc mélangeant surréalisme kitsch et univers télévisuel, dans
lesquelles l’artiste incarne tous types de personnages féminins
issus de films noirs ou de série B. Ces fictions, que l’artiste réin-
vestit dans sa pratique photogra-phique de 1977 à 1980, ne sont
pas choisies au hasard. Elles vé-
hiculent divers modèles d’identi-tés féminines, à des jeunes filles
de la génération du baby-boom ayant grandi devant la télévi-
sion, comme autant d’indices de leur vie future. Dans ces photo-
graphies, Sherman se représente
elle-même, seule, sous les traits d’une héroïne de cinéma, fami-
lière mais non identifiable, dans un cadre approprié. Les person-
nages sont variés, allant de la
femme au foyer à la femme fa-tale.
L’identité des différents rôles qu’elle adopte n’est pas précisée,
laissant la liberté au spectateur de construire son propre récit.
Une neutralité revendiquée quand l’artiste photographe dé-
clare : « Bien que je n'aie jamais
considéré mon œuvre comme féministe ou comme une décla-
ration politique, il est certain que tout ce qui s'y trouve a été des-
siné à partir de mes observa-tions en tant que femme dans
cette culture. »
Cindy Sherman interroge la no-
tion d’identité en incarnant des
personnages qui ont un rôle so-cial de façon à montrer comment
ces fantasmes produits et diffu-sés par les médias, construisent
l’identité de la femme en géné-ral. L’image reproduite techni-
quement à l’échelle industrielle crée des stéréotypes influençant
la société tout autant que l’art.
L’artificialité des personnages est mise en avant, bien qu’un cer-
tain charme s’opère ; dû à l’effi-cacité évocatrice produite par les
différents univers et aux codes identitaires leur étant propres.
Ces photographies jouent sur
l’ambiguïté entre les registres, autoportraits et clichés télévi-
suels se mêlent comme vérité et fiction.
Rosie the rive-
ter - 1943
(Rosie la rive-
t e u s e )
Rosie the rive-
ter - 1943
Photo © Cre-
dit Curtis Pu-
blishing, In-
dianapolis, IN
« Rosie the
riverter » est
le personnage
d'une affiche
créée par l'ar-
mée améri-
caine : une
femme aux
manches re-
troussées lais-
sant appa-
raître des bras
musclés sous
le slogan « We
can do it ».
Cette cam-
pagne de pu-
blicité devant
encourager les
femmes à aller
travailler dans
l ' i n d u s t r i e
lourde pour
répondre aux
besoins de la
s e c o n d e
guerre mon-
diale.
Soucieux de
p e i n d r e
chaque élé-
ment de la vie
amé r i c a i n e ,
Norman Rock-
well ne pou-
vait passer à
côté de ce
p e r s o n n a g e
emblématique
et a donc pu-
blié cette cou-
verture en
1943.
39
40
Art, créations,
cultures
Art, espace,
temps
Arts, états
et pouvoir
Arts, mythes
et religions
Arts, techniques,
expressions
Arts, rupture,
continuité
De l’An
tiq
uité
Au IX
e s.
Du IX
es. à la
fin d
u X
VII
e s
XV
III
e e
t
XIX
e s.
Le X
Xe
siè
cle
et n
otre é
po
que
Arts de l’espace
Arts du son
Arts du langage
Arts du quotidien
Arts du visuel
Before the shot (Avant la piqûre), Norman Rockwell 1958,
Peinture reproduite pour la couverture du Saturday Evening Post du 15
mars 58. Huile sur toile
Norman Rockwell a peint
cette huile sur toile en
1958, à la demande
d’un journal, The Satur-
day Evening Post (pour
illustrer sa couverture).
La peinture originale est
conservée au Norman
Rockwell Museum à
Stockbridge (Etats-
Unis). L’auteur : Nor-
man Rockwell (1894-
1978) illustre son pre-
mier livre (à 16 ans), et
collabore avec le mou-
vement des boy-scouts,
en illustrant leur revue
Boys' life.
Le 20 mai 1916, parait
sa première couverture
pour le magazine The
Saturday Evening Post.
Il devient dès lors le
peintre de l'américain
moyen et réalise les
plus célèbres illustra-
tions de cette revue jus-
qu’en 1963. Norman
Rockwell illustre aussi
les romans de Mark
Twain(les aventures de
Tom Sawyer et
d’Huckleberry Finn), ré-
alise des publicités
(Coca Cola, Kellog’s…).
Dans les années 1950, il
est considéré comme le
plus populaire des ar-
tistes américains et
peint même des por-
traits d’hommes poli-
tiques (Kennedy, Eisen-
hower).
Les années 1960 voient
le déclin de l'illustration
au profit de la photogra-
phie et le changement
de directeur artistique
amène Rockwell à quit-
ter le Saturday Evening
Post. Par la suite, il
travaillera pour la re-
vue Look, réalisera des
affiches
publicitaires et les ca-
lendriers des boy-scouts
jusqu'en 1976.
Norman Rockwell est
l'héritier de la tradition
« naturaliste » améri-
caine du XIXe siècle. .
Arts du spectacle
vivant
41
Mais sa peinture est représenta-
tive d'une nouvelle manière qui
s'imposera avec l'essor des ma-
gazines illustrés entre les années
1920 et 1950. Par son style pré-
cis et méticuleux, il annonce
l'hyperréalisme.
À partir des années 1930, Rock-
well ajoute un nouvel auxiliaire à
son travail, la photographie, ce
qui lui permet de travailler avec
ses modèles sans leur imposer
des temps de pose trop longs. Le
procédé aura une influence sur
son œuvre en orientant sa pein-
ture vers le photoréalisme.
Le style de Norman Rockwell a
été qualifié de narratif. Comme
illustrateur, il faisait en sorte que
ses oeuvres soient en parfaite
correspondance avec les textes
qu'il illustrait. Pour ses couver-
tures de magazines, chaque dé-
tail avait un rôle dans la narra-
tion de la scène. Il use aussi de
la caricature pour accentuer le
caractère comique de certaines
situations.
Tendresse, nostalgie, attention
aux « détails » caractérise son
œuvre qui est une représenta-
tion de l'american way of life.
Le contexte de l’œuvre
Cette peinture a été réalisée 3
ans après la mise au point du
vaccin contre la poliomyélite
(1955) par un médecin améri-
cain
et à l’époque des grandes cam-
pagnes de vaccination gratuite
destinées aux enfants, organi-
sées par les Etats contre cette
maladie. Cette peinture té-
moigne donc de l’innovation mé-
dicale des années 1950.
Les techniques et le domaine
artistique
Dans les années 1920, Norman
Rockwell commençait par choisir
son sujet et réalisait plusieurs
croquis pour élaborer une idée. Il
réalisait ensuite, au fusain, un
dessin très précis au format
identique à celui de la toile défi-
nitive. Il reportait ce dessin sur
la toile et commençait la pein-
ture proprement dite (il peignait
à la peinture à l'huile très diluée
à l'essence, chaque couche était
recouverte de vernis). Il utilisait
du vernis, ce qui aura des consé-
quences néfastes pour la conser-
vation de certaines de ses toiles,
le vernis jaunissant de manière
irrémédiable.
Sa méthode changera dans les
années 1930 : il copie alors des
photographies qu'il avait con-
çues et minutieusement réali-
sées, en collaboration avec dif-
férents photographes et en utili-
sant voisins et amis comme
modèles. Cela évitait les poses
trop longues des modèles.
Dans tous les cas, il cherchait à
reproduire la réalité avec une
extrême précision, avec une
grande minutie : il appartient
donc à l ’ h ype r r éa l i sme
(mouvement artistique américain
des années 1950-1960, appelé
aussi « photorealism »).
Cette sculpture « grandeur na-
ture », a été réalisée en résine
de polyester, puis peinte avec de
la peinture acrylique (tous les
petits détails sont représentés,
comme les veines par exemple).
La structure a été moulée direc-
tement sur le corps d’un modèle
avec des bandes de silicones sur
lesquelles il coule de la résine de
polyester.
Supermarket Lady porte de
vrais vêtements, possède de
vrais cheveux et des yeux de
verre.
Elle illustre la société américaine
des années 1960 en portant
un regard critique sur la société
de consommation. Avec l'appari-
tion du supermarché, la ména-
gère achète tout au même en-
droit et le caddie a remplacé le
panier.
Duane Hanson est un représen-
tant du mouvement artistique
que l’on appelle l’hyperréalisme
apparu aux Etats-Unis en 1965.
Les hyperréalistes cherchent à
reproduire la réalité avec la
même précision que la photogra-
phie.
La sculpture Supermarket Lady
est une représentation très crue
de la société de consommation.
Supermarket Lady,
Duane Hanson (1969)
166 x 130 x 65 cm
Young Shopper.
Duane HANSON 1973.
fibre de verre, polyes-
ter, vêtements sur
moulages en plâtre.
Saatchi Gallery,
Londres
« C'est par l'Art et par l'Art seul, que nous pouvons réaliser notre perfection ; par l'Art, et par
l'Art seul que nous pouvons nous défendre des périls sordides de l'existence réelle. »
Oscar Wilde
Le souci, déjà pré-
sent dans les «
Achromes », de
faire des tableaux
« invisibles », con-
duit Manzoni à ré-
aliser des œuvres
enfermées dans
des boîtes. Ce
sont d’abord les
Linee[« Lignes »]
à partir de 1959,
rouleaux de papier
de longueurs di-
verses (de 1,76 à
7 200 mètres) sur
lesquels ont été
tracées des lignes,
incarnations du
dessin, qui se
voient ainsi enfer-
mées dans des
tubes étiquetés.
L’idée se substitue
à la forme, dissi-
mulée par la paroi
qui non seulement
empêche la con-
templation effec-
tive de l’œuvre,
mais surtout met
en jeu la confiance
du spectateur,
obligé de croire
l’artiste sur la
base de sa bonne
foi. La série la plus
scandaleuse de
Manzoni est celle
de la « Merda
d’artista », quatre-
vingt-dix boîtes de
conserve conte-
nant trente
grammes de ses
propres excré-
ments, vendues
chaque jour au
poids selon le
cours de l’or. On
le voit bien, Man-
zoni poursuit dans
cette œuvre l’ex-
ploration de
l’assertion artis-
tique qui voudrait
que signature
vaille création,
moquant tant que
la renforçant la
figure d’un artiste
enfant terrible
mais chéri de la
société. Cepen-
dant, il faut sur-
tout voir dans la «
Merda d’artista »
une tentative poé-
tique de faire de la
trace la plus
simple et la plus
triviale de
l’homme, un chef-
d’œuvre. Mystifi-
cation du geste
artistique, goût de
l’ironie et cons-
cience aiguë de la
société de
l’époque comme
des lois du marché
font ainsi de Man-
zoni, sur quelques
questions délicates
relatives à la na-
ture de l’art, un
précurseur.
Dorothée Dupuis
Merda d'artista
reproduction d'une
œuvre ©
(diffusion RMN)©
Adagp, Paris
Type : Image
Source : Musée
national d'art mo-
derne / Centre de
création indus-
trielle
Piero Manzoni
(1933 - 1963)
Merda d'artista
(Merde d'artiste)
Fer-blanc, papier
5 x cm Diamètre :
6,5 cm
Inscriptions : Si-
gnée et numéro-
tée au cachet sur
le couvercle :
Piero Manzoni /
N.° 31
Réalisée à Milan
Boîte de conserve
avec étiquette im-
primée
Don Liliane et Mi-
chel Durand-
Dessert, 1994
Numéro d'inven-
taire : AM 1994-
100
Extrait du cata-
logue Collection
art contemporain -
La collection du
Centre Pompidou,
Musée national
d'art moderne,
sous la direction
de Sophie Duplaix,
Paris, Centre Pom-
pidou, 2007
42
43
Bobby Holcomb est né en 1947
à Honolulu à Hawaii dans l'île
de Oahu, d'un père noir origi-
naire de l'État américain de
Géorgie et d'une Hawaiienne mi
-portugaise, et décédé le 15
février 1991 à Huahine, Polyné-
sie française. Il est un des ar-
tistes les plus renommés de Po-
lynésie française.
Il passe une bonne partie de
son enfance à faire des cla-
quettes dans les décombres de
Pearl Harbor. À l'âge de 11 ans,
il rentre à la School of music
and danse de Los Angeles près
du ghetto noir de Watts.
Personnalité hors du commun
de la musique et de la peinture
durant les années 1970 et
1980. Doué pour la danse, la
peinture, le chant et la compo-
sition musicale, l'artiste s'ex-
prime dans un premier temps,
avec une force égale dans cha-
cun de ces domaines. Il évolue
aux États-Unis auprès de Frank
Zappa, en Europe auprès de
Salvador Dalí et participe aux
groupes pop français tels que
Zig Zag Community et Johane
of Arch qu'il a créé avec des
musiciens tels que Sylvain Du-
plant (Alice), Jean-Pierre
Auffredo (Alice), Éric Estève.
Bobby arrive à Tahiti en 1976
et décide rapidement de s'ins-
taller dans le village de Maeva à
Huahine.
Il s'investira dans la renais-
sance et l'éveil culturel du
peuple Maohi, au sein du
« pupu Arioi » groupe de trou-
badours, intellectuels polyné-
siens inspiré par le mouvement
de 68. Ce mouvement de re-
naissance culturelle sera com-
posé de personnalités telles que
Henri Hiro, Rigobert Temanu-
paiura, John Mairai, Coco Hota-
hota, Vaihere et Heipua Bordes.
Chacun dans son domaine cul-
turel, le théâtre, la poésie, la
médecine traditionnelle, l'art de
la danse, la peinture, le chant,
s'investira pour redonner la
fierté d'être Maohi. Ce mouve-
ment Identitaire auquel parti-
cipe Bobby, est une révolution
culturelle, car elle dénonce la
colonisation française, les es-
sais nucléaires, l'évangélisation,
pour valoriser l'identité Ma'ohi
sa langue, son savoir faire, son
agriculture sa spiritualité...
entre autres
Pour ce qui est de la musique,
Bobby enregistra d'abord au
studio Arevareva, notamment
la pièce « Bobby's House » sor-
tie aussi en cassette sur la-
quelle il reprit avec Maire Ta-
vaearii la vieille chanson de Jo-
séphine Baker, l'adaptant pour
la tourner en « J'ai deux
amours : mon pays c'est la Po-
lynésie ». C'est en 1985 qu'il
perça auprès du grand public
après avoir remporté avec
« Orio » le concours de chant
organisé par François Nanai.
Ceci lui valut un contrat avec la
société Océane Production, et
sa popularité devint alors telle
Taaroa, Dieu créateur
peinture acrylique
58 cm x 50 cm
44
qu'il remporta haut la main le
titre de « Homme de l'Année
1990 » selon le vote des audi-
teurs de RFO et des lecteurs de
La Dépêche. Son score à cette
élection sera plus élevé que de
nombreux hommes politiques.
C'est ainsi que certains mi-
nistres tenteront de le faire ex-
pulser de la Polynésie Fran-
çaise, mais n'obtiendront pas la
majorité au sein du conseil des
ministres, pour exécuter l'ex-
pulsion. Bobby Holcomb restera
jusqu'à sa mort un citoyen
américain. Il refusera la ci-
toyenneté française en signe de
protestation contre les essais
nucléaires, ainsi que le colonia-
lisme français en Polynésie. Il
aurait souhaité appartenir à un
triangle polynésien, te moana
nui a hiva, libre et indépendant.
Malheureusement, ce triangle
polynésien qui regroupe sur un
vaste territoire le peuple
ma'ohi, allant de Hawaï, à la
Nouvelle-Zélande jusqu'à l'Île
de Paques, ce territoire a été
divisé par les puissances colo-
niales, anglaises, américaines,
françaises, chiliennes, entre
autres.
Son succès musical est lié au
fait qu'il a su mixer la musique
Reggae aux mélodies tahi-
tiennes, en s'exprimant dans la
langue Ma'ohi. Mais surtout qu'il
a su faire passer des messages
relatifs à l'environnement,
l'amour du prochain, le savoir-
être ma'ohi, le respect de dieux
originaires.
Ami de l'artiste peintre Vaea
Sylvain, c'est en Polynésie fran-
çaise que son expression gra-
phique lui permettra d'atteindre
une notoriété particulière et in-
contestable peu avant sa dispa-
rition le 15 février 1991 des
suites d'un cancer. Sa tombe se
trouve à la base de la mon-
tagne sacrée Mou'a Tapu, à
Huahine. Avec Barthélemy et
Angelo, il est considéré comme
un des artistes polynésiens les
plus populaires. Il représente
toujours un mythe pour de
nombreux polynésiens.
Ruahatu, dieu de l’océan
45
« Te uru et te i’a »
Décembre 2002
Léon Taerea
Type : Encre de Chine
Taille : 0,35 x 0,43 m
Léon Taerea, artiste polynésien
atypique, est assez difficile à
amener à exposer ses œuvres. Il
est d’abord très difficile à trou-
ver, car cet amoureux de la na-
ture est constamment au cœur
de Tahiti, dans les montagnes ou
dans les îles. Par ailleurs, ses
tableaux trouvent souvent ac-
quéreur avant même d’être
achevés.
Longtemps professeur de dessin
au Centre des Métiers d’Art de
Papeete, Léon Taerea vit depuis
de nombreuses années de son
art dans la plus grande discré-
tion. Porteur d’oranges et chas-
seur, c’est un amoureux incondi-
tionnel de la nature, ce qui
transparaît dans les plus petits
détails de ses encres de Chine et
peintures.
Léon, serait-il Léon sans son
chapeau et ses brins de miri,
sans son éternel « taho » à la
main, sans ses éclats de rire ?
À la fois nonchalant et opiniâtre
dans ce qu’il entreprend, Léon
Taerea est un personnage aty-
pique, artiste dans l’âme, une
silhouette familière au détour
d’un manguier centenaire, un
observateur incomparable de la
nature dont il dessine les secrets
d’une pointe d’encre de chine, un
homme ancré dans sa culture et
son époque pour qui les rapports
humains sont les mêmes, que
vous soyez simple pêcheur ou
ministre. Léon est libre, détaché
de toute ambition matérialiste ou
autre ; il avance dans la vie, son
carnet de croquis dans son pa-
nier marché et lorsqu’il a deux
oranges, il vous en offre une. La
protection de l’environnement
est devenu, au fil du temps, une
cause pour laquelle il ne ménage
pas ses efforts, lui, si proche de
la nature à qui il a dédié l’essen-
tiel de son œuvre.
Source: http://
www.maisondelaculture.pf/
Ta'ere'a: La
légende du 'uru
dessin à l'encre
de chine 42 cm
x 56 cm.
46
Hina de Herb Kawainui Kāne
(1928-2011)
Herb Kawainui Kāne (1928-
2011)
Hina, huile sur toile, 2007,
Isaacs Art Center à Kamuela,
Big Island.
81cm x 81cm
(32 pouces par 32 pouces).
Hina de Herb Kawainui Kāne
(1928-2011)
Herb Kawainui Kāne (1928-
2011) était un artiste et histo-
rien américain, passionné de
culture hawaiienne et spécia-
liste de la navigation tradition-
nelle polynésienne. Hina est
l’une des divinités féminines les
plus importantes de la mytholo-
gie polynésienne. La déesse Hi-
na (également appelée “Hine”)
est connue pour ses multiples
facettes et est représentée de
manière différente selon les cul-
tures polynésiennes mais aussi
selon les historiens et cher-
cheurs.
À Tahiti, Hina est liée à la lé-
gende de Maui et au cycle hé-
roïque polynésien (Hiro, Tafa’i,
etc.), apportant son aide à ces
héros dans leurs exploits fabu-
leux. Néanmoins, elle est, le
plus souvent, associée à la lé-
gende du cocotier. Cette lé-
gende raconte que, le jour de
ses noces, Hina s’enfuit à la vue
de son prétendant, le prince
des anguilles. Elle se réfugia à
Vairao, auprès du légendaire
Maui, qui la prit sous sa protec-
tion. L’anguille parvint à retrou-
ver Hina, mais Maui réussit à le
tuer en lui coupant la tête. La
tête dit alors à Hina : “A partir
de ce jour, tous les hommes, et
toi la première, vous m'embras-
serez sur la bouche. Je meurs,
mais tu seras quand même
mienne par le baiser éternelle-
ment”. Maui enveloppa aussitôt
la tête dans des feuilles de ba-
naniers et confia le paquet à
Hina pour qu’elle le détruise. Il
lui dit également qu’elle ne de-
vait surtout pas poser la tête
sur le sol ! Mais Hina finit par
oublier le conseil de Maui et po-
sa le paquet au sol. Aussitôt, la
terre s'ouvrit et engloutit la tête
de l'anguille. Un arbre étrange
apparut et se mit à grandir : le
premier cocotier venait de
naître... Une grande sécheresse
fit que bientôt, toute eau douce
vint à disparaître. Les fruits de
l'arbre qui contenaient une eau
claire et sucrée, étaient mar-
qués de 3 taches disposées
comme 1 bouche et 2
yeux... Hina fit comme les
autres, sans se rendre compte
que la prophétie venait de s'ac-
complir. Assoiffée, elle colla ses
lèvres sur la bouche de la noix
de coco pour boire...
De manière plus générale, dans
la culture polynésienne, Hina
représente, avant tout, la force
féminine.
Hina est le plus souvent asso-
ciée à la lune. Ainsi, comme la
lune, avec ses différentes
phases lunaires, Hina possède,
elle aussi, plusieurs visages :
elle incarne tantôt la mort en
période de nouvelle lune, tantôt
la force spirituelle en période de
pleine lune. D’ailleurs, on ne
s’étonnera pas qu’en langue ha-
waiienne, « mahina » désigne
la lune, mais aussi le mois, ce
qui renforce l’idée que Hina in-
carne, à sa manière, le cycle de
la vie. Cette image de renouvel-
lement constant et de renais-
sance explique probablement
certaines descriptions de Hina
en tant que guérisseuse, appor-
tant apaisement et réconfort.
Hina est également connue
pour son savoir-faire artisanal.
Son pouvoir de créativité se
traduit par son expertise dans
l’art du tapa (ou « kapa »), le
tapa étant une étoffe végétale
obtenue par la technique de
l’écorce battue, utilisée comme
vêtement, drap ou couverture.
Ce précieux textile apporterait
alors conscience et connais-
sance.
Les éloges au sujet de la déesse
Hina ne manquent pas : géné-
rosité, sagesse et perspicacité
font partie des qualités qui lui
sont attribuées. Pour certains,
elle maîtriserait même l’art de
la médiation et de la communi-
cation. Hina serait alors sym-
bole de courage et d’espoir,
même lorsque la mort ou la dé-
chéance surviennent.
Dans l’oeuvre de Kāne, la
déesse Hina porte une couronne
de feuilles de patates douces
sur la tête, et une couronne de
fleurs blanches en formes
d’étoiles appelées pua’ala, au-
tour du cou. Hina utilise l’écorce
de mûrier pour fabriquer une
étoffe de tapa blanche, qui se
transforme peu à peu en un
voile nuageux puis en nuages
disséminés dans un ciel étoilé…
Hina, comme d’autres fi-
gures mythologiques polyné-
siennes, incarne les valeurs et
traditions de la culture polyné-
sienne et est représentée dans
de nombreuses œuvres artis-
tiques. De cette manière, l'art
devient non seulement une
forme d'expression, mais aussi
un outil de survie pour la cul-
ture locale. En d’autres termes,
l’art peut devenir un moyen de
maintenir au quotidien les pra-
tiques traditionnelles au sein
d’un monde moderne.
Pour plus d’informations :
« Goddess Hina » : http://
j o u r n e y i n g t o t h e -
goddess.wordpress.com/2012
/07/20/goddess-hina/
« Hawaiian goddesses »:
http://www.huna.org/html/
hawaiian_goddesses.html
La légende du cocotier :
http://www.tahitiheritage.pf/
fiche-hina-ou-la-lgende-du-
cocotier-25218.htm
Herb Kāne’s biography :
http://
isaacsartcenter.hpa.edu/
taxonomy/term/61
Herb Kāne’s website : http://
www.herbkanehawaii.com/
index.html 47
Hina, by Lisa Hunt.
Hina, by Joanna Carolan
Hina, by Lisa Hunt
Hina, by Susan Seddon Boulet
Hina, by Dietrich Varez
48
Les œuvres étudiées sont : Within you without you des Beatles http://www.youtube.com/watch?v=p4G2RlBKbrM Satisfaction, des Rolling Stones http://www.youtube.com/watch?v=qXcNQTa3zgs
LA MUSIQUE POP, UN MOUVEMENT EN
MARCHE
NAISSANCE D'UNE
CULTURE DE MASSE
La Pop, la culture Pop, la musique Pop,
toutes ces expressions sont courantes de nos jours, mais dans nos esprits restent un peu confuses. Pop… vient de l'expression anglaise "Popular art". La Pop désigne un ensemble d'images Populaires englobant tour à tour la publicité, la télévision, le ciné-ma, les superstars, etc… tout ce qui est accepté et consommé comme étant la ma-nifestation d'un désir populaire. Le "Popular art" est lié à un système in-dustriel de consommation et à un contexte sociologique bien particulier. Les images de la culture populaire produites pour les masses sont distribuées par les divers moyens de communication : la télévision en tête. Depuis la fin des années cinquante, notre civilisation s'appuie sur la consommation à partir de laquelle se développent tous les modes et les styles. La peinture, la mu-sique, l'art dans son ensemble se consom-ment comme des produits "comestibles". Les images de la rue, les médias nous apportent les messages des changements et des transformations de la société. Jour après jour, de nouvelles stars naissent et s'offrent à nous en tant que modèles à imiter. Un sandwich comme une bouteille de coca-cola sont transformés en œuvres d'art et deviennent les exemples d'une nouvelle tendance… les nouveaux objets d'un art de consommation, d'une culture de masse.
UNE QUESTION D'ARGENT
Dans le monde de la Pop, la musique a été certainement l'un des courants majeurs les plus représentatifs au niveau de la jeu-nesse. L'industrie, à la fin des années 50, toujours à la recherche de rentabilité et après bien des efforts pour surmonter les difficultés de l'après-guerre, voyait dans la nouvelle génération une clientèle écono-mique de plus en plus indépendante. Bien que les "teen-agers" disposaient d'argent, ils ne pouvaient rien se procurer qui leur fût propre : clubs, vêtements, etc. Certains hommes d'affaires comprirent ces besoins d'identité réclamés par cette nouvelle jeu-nesse et lui offrit les moyens de s'acheter
des objets de consommation comme des motos, des blousons et surtout de la mu-sique.
A cette époque agitée, la musique rock était en plein essor et sa commercialisation avait pour but, avant tout, de divertir une jeunesse qui se cherchait. Au début des années 60, les liens de plus en plus proches entre le mouvement Pop et la "contre-culture" éleva la musique à un ni-veau commercial jamais atteint, au point de devenir l'objet de toutes les attentions pour l'industrie discographique. Quand on ima-gine qu'il suffisait de vendre 10.000 exem-plaires à cette époque, aux Etats-Unis, pour rentabiliser un 33 tours produit par les grosses firmes… on croit rêver ! Entre 1960 et 1970, le chiffre d'affaire passe de 800 millions à 2 milliards (en 1970). Le cinéma vient confirmer cet essor avec des films qui sont devenus "cultes" et réalisés dans des conditions "live" : festival de Woodstock, Monterey, Altmont, île de Wight… Des salles de concert deviennent célèbres : Avalon, Filmore, Royal Albert Hall… et entrent rapidement dans l'histoire de la musique Pop. Jusqu'au début des années 80, l'industrie discographique reste à l'apogée, tandis que le mouvement Pop disparaît. Récu-sant la commercialisation qui lui apparaît comme le reflet d'une société de consom-mation, la musique Pop devient en quelques années un mouvement de pro-testation dite "contre-culturelle"… ce qui lui vaudra quelques années plus tard, sa perte.
LE MOUVEMENT POP... OBJET DE LA "CONTRE-CULTURE"
La "contre-culture hippy" naquit au mi-
lieu des années 60 à San Francisco. Elle se répandit rapidement à travers des groupes de jeunes qui se réunissaient et dont le nombre allait toujours en s'ampli-fiant. La phrase était lâchée… la société ne nous rend pas heureux, elle fait de nous des individus broyés… nous sommes les rouages d'un système qui nous opprime. Les slogans ou les phrases entendus ici ou là étaient sans avenir.
Cette naïveté et ce mode de vie à base d'amour, à contre-courant de tout acte "violent" se traduisaient pour certains par des activités manuelles, artisanales, cultu-relles ou liées au travail de la terre et con-sistaient pour d'autres à absorber des drogues modifiant l'état de conscience et à écouter ou composer de la musique (je me
garderai bien de faire un lien entre ces trois dernières occupations). Ils étaient appelés les enfants des fleurs, "children flowers".
Maintenant, ne pensez-pas que Hippie rime avec oisiveté ? Si le travail de la na-ture est, avec le plaisir de la musique, les pivots importants de l'évolution de ce mou-vement, il ne faut pas oublier que par la suite, les "ex-hippies" ont été à l'origine du phénomène des mouvements communau-taires. Leurs luttes contre la société établie et la solitude se poursuivirent pendant les années 70.
NAISSANCE D'UNE MUSIQUE...
LA "MUSIQUE POP"
C'est à San Francisco, berceau du mouve-ment Hippie, et à Londres que la musique Pop surgit avec le plus de force. On peut situer son point culminant en 1967 et 1968. Ce mouvement musical servit de porte-voix à la "contre-culture". Ce qu'il y a d'étonnant dans cette tendance musicale, c'est que les plus connus ne sont pas forcément les plus grands. Si je devais citer le nombre d'artistes ou de formations nés à cette époque, la liste serait longue. Citons quand même, parmi les plus représentatifs du genre musical pop : Crosby, Stills, Nash and Young, Santana, The Doors, The Who, Jimi Hendrix, The Byrds, Janis
Joplin, Led Zeppelin…
La musique Pop était portée par un mysti-cisme important, où les musiciens et les auteurs devenaient des apôtres, porteurs de paix et de partage ou bien des chamans reliés au cosmos par un fil magique avec l'intime conviction que leur parole serait entendue. Les textes en disent long : … et le jour viendra où vous comprendrez que nous ne faisons tous qu'un et que la vie s'écoule en vous, en dehors de vous (The
Beatles - Sgt. Pepper). *
Même si cela peut paraître aujourd'hui désuet et superficiel, dans le contexte de la guerre du Vietnam, ce genre de texte re-présentait une force vivante pour une paix libératrice. Bien que n'appartenant pas à cette mouvance, des auteurs folks comme Joan Baez, Bob Dylan ou Pete Seeger, par et à cause de leurs paroles ont captivé
49
un auditoire à l'horizon trouble (…comment te sens-tu, maintenant que tu te diriges par toi-même, sans foyer où aller, tout à fait inconnu, comme une pierre qui roule ? - Bob Dylan) *. Les textes étaient repris aussi en cœur par d'autres interprètes (ex :
Bob Dylan par The Byrds).
WOODSTOCK ET ALTA-MONT... GRANDS FESTIVALS
DE MUSIQUE POP
Nous sommes en 1969, sur le commence-ment du déclin du mouvement Hippie. Le festival de Woodstock est LE concert qui fera date dans l'histoire de la musique Pop. C'est une manifestation de masse, porteuse de la "contre-culture". Que ce soit le vétéran, le rebelle ou le non-conformiste, ils se retrouvèrent tous dans un même élan d'idées et de partage pour assister pendant trois jours à de la musique Pop non-stop. La nuit comme le jour, sous la pluie comme au soleil, ils restèrent là à entendre des artistes comme Grateful Dead, Jimi Hen-drix, Santana ou Richie Havens. Une ambiance douce et chargée d'émotions, aux allures irréelles et magiques, symboli-sait pour quelques temps encore le monde que la jeunesse espérait habiter.
Quelques mois plus tard, au festival de musique Pop d'Altamont, l'ambiance fut tout autre, plus "électrique", la violence s'exprimera et se mélangera aux sons des Rolling Stones. Sur une aire immense recouverte d'herbe sèche et jaunâtre, alors qu'un grand nombre de personnes était allongé, endormi ou écoutait la musique que distillaient des hauts-parleurs, la pré-sence de Hells Angels déclencha la vio-lence. De nombreuses rixes se produisirent quelques heures seulement après le début du festival lors de la prestation des Rolling Stones. La violence fut telle qu'une cen-taine de personnes dut être emportée vers les hôpitaux les plus proches. Du pacifisme à la violence, le pas avait été franchi. Le mouvement Hippie ne se remet-tra pas de ce festival et les échos de la presse annonceront le commencement de la fin d'un certain rêve, qui prendra corps, à la disparition de deux figures importantes de la musique Pop : Janis Joplin et Jimi Hendrix. "La révolution culturelle exige que les gens changent leur façon de vivre… Woodstock fut un "voyage" dans l'avenir, la première tentative d'affirmer pleinement l'homme sur la terre… "(Abbie Hoffman) * L'un des derniers festivals de musique non
-stop dans la mouvance "post-68" dura 2 jours et se déroula en France au circuit du Castelet en 1976 sous le nom de Riviera 76. Bien que l'ambiance fût du genre "revival", c'était bien un après Woodstock, car même si des noms prestigieux comme Joe Cooker (déjà présent à Woodstock), Eddie Palmieri, Stuff, Magma, Passport se trouvaient à l'affiche , la flamme Hippie était bien éteinte.
FIN D'UNE EPOQUE
A la fin des années 60, comme marqué par les drogues nocives, les filous et les trafi-quants en tous genres, le mouvement Hip-pie ne résista pas et éclata. Les temps avaient changé. Une certaine jeunesse qui avait placé ses espoirs dans ce mouve-ment, ne trouvant pas de repères dans l'avenir ("no future"), devant un système de pensée qui s'essoufflait, se morcelait et surtout à cause de leurs "idoles" protégées par un train de vie différent du leur, n'arri-vait plus à s'identifier à ce mouvement. Les problèmes qui se posaient à eux étaient trop éloignés de leurs conditions de vie. Ils ne répondaient plus à leurs attentes et à leurs préoccupations premières. Le public qui assistait au concert avait changé. De 1965 à 1970, nous étions passés de jeunes hystériques aux cheveux courts pour arriver à un public léthargique aux cheveux longs. A la fin de son existence, appartenir au mouvement Pop, c'était intégrer un monde communautaire toujours en quête d'esthé-tisme et un monde social qui ne parvenait plus à se trouver et à se construire.
LA SURVIVANCE
Il n'existe pas aujourd'hui de rapport, de lien direct avec la musique Pop des an-nées 60. Si quelques groupes ont su tra-verser les décennies, avec une tonalité nettement commerciale, ils y sont parvenus également grâce à leur talent (Santana, Pink Floyd…). Les autres resteront d'éter-nels inconnus, sauf pour quelques incondi-tionnels ou nostalgiques de cette époque. Si la musique des années 60, voire 70, cherchait une énergie et une originalité à travers une force vitale étroitement liée à la conception d'un autre monde, il n'en est rien aujourd'hui. La musique actuelle est plutôt technique et maniériste. La produc-tion actuelle se concentre davantage sur le travail du son ou de la perfection sonore au détriment de la musique vivante de con-cert. Ce n'est pas seulement une question de coût ou de marketing… c'est également une question de demande qui existe de moins en moins. L'identification de la mu-sique au niveau de l'enrichissement social cède sa place, de plus en plus souvent, à un travail de laboratoire de plus en plus individualiste. Puisque le mouvement Pop refusait ou critiquait la société de consommation, on pourrait se demander aujourd'hui pourquoi il a été toléré par une politique américaine encore à l'époque enfermée dans des in-
terdits et des préjugés. Ne s'agirait-il pas au fond d'une manœuvre post-industrielle pour imposer aux masses des goûts et des idées en prétendant que ce seraient les leurs ? Cette "nouvelle culture", même si elle était reliée d'une certaine manière à des cir-constances géopolitiques, malgré et à cause des raisons économiques et so-ciales qui sévissaient durant les années soixante, elle était belle et bien la repré-sentation d'une société de masse basée sur la consommation. La "contre-culture" a voulu s'attaquer à ce système de consom-mation, mais dans son effort pour se faire reconnaître, elle a échoué ou a été simple-ment assimilée. Même si cette vision peut paraître assez simpliste, il faut reconnaître que le mouvement Pop avec sa musique, sa mode, son art a provoqué un change-ment culturel important non seulement dans la société américaine mais également à travers la planète. Des innovations tech-nologiques importantes ont évolué ou vu le jour à cette époque (les communications, l'utilisation de nouveaux matériaux, l'aéros-patiale,…) et continuent encore aujourd'hui à exister, à évoluer pour transformer notre vision de demain.
EN FORME DE CONCLUSION
Ce mouvement artistique, tout en étant le symbole d'un style ou d'un genre spéciali-sé, est utilisé aujourd'hui par tout le monde. Le "Pop", cette forme d'art aux multiples facettes… musique, décoration, stylisme, peinture, sculpture, etc…est de-venue une expression traditionnelle de notre temps, tant son utilisation et toutes les influences qui en découlent sont grandes parmi nous. Dans une société de consommation, la liberté de l'individu et son identité indivi-duelle sont toujours menacées. Culturelle-ment, nous sommes comme obligés d'ac-cepter une technologie, une production de masse. Si notre bonheur paraît venir de notre identification aux biens de consom-mation, l'art devient un objet de commerce quelconque. La qualité est subordonnée à la quantité. L'acte créateur cède la place à la technique. Tout ce qui est le plus grand, le plus fort, le plus vendu constitue la so-ciété de masse. Il est difficile aujourd'hui pour un artiste de snober la culture de masse, puisqu'il en fait partie. Le bon ou le mauvais goût n'a pas de valeur absolue, il ne s'implique qu'avec le temps. Il est difficile de dire si ce que nous trouvons vulgaire, aujourd'hui, ne sera pas, demain, l'ultime raffinement du bon goût.
par Elian Jougla
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