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Faculteit Letteren & Wijsbegeerte
2014-2015
Flore Roggeman
Routines conversationnelles à l’office de tourisme : de
l’ouverture à la clôture
Étude comparative des actes de langage des néerlandophones et des
francophones de Belgique
Masterproef voorgelegd tot het behalen van de graad van
Master in de Taal- en Letterkunde
Frans - Nederlands
Directrice de recherche : Prof. dr. Marleen Van Peteghem
Codirectrice de recherche : Prof. dr. Els Tobback
4
REMERCIEMENTS
Ce mémoire de master est le résultat de longues journées de travail et je suis fière de le
présenter aujourd’hui. Evidemment, ce mémoire n’aurait pas été possible sans la coopération
de quelques personnes.
Mes premiers remerciements vont au professeur Els Tobback qui a accepté de guider ce
travail avec beaucoup d’enthousiasme, même si elle n’est plus liée à l’université de Gand. Sa
direction méthodologique et son appui efficace ont aidé à l’achèvement de ce mémoire.
J’aimerais également remercier le professeur Marleen Van Peteghem pour son œil critique,
ses corrections et ses suggestions utiles.
Ma gratitude va également aux employés des offices de tourisme qui ont participé à cette
recherche. Sans leur participation, je n’aurais jamais eu une base solide de données pour
commencer le travail. Joana, Julie, Pim, madame Dejardin et monsieur Kerckhofs de l’office
de Liège, Marianna, Aurélien, Cathérine, Cécile, madame Defauw et monsieur Vanderwinnen
de l’office de Namur, Goele et Klaar de l’office de Louvain et finalement Annemie et Lien de
l’office d’Ostende. Ce remerciement est également adressé à tous les visiteurs qui ont donné
leur consentement pour l’utilisation de l’enregistrement. Un grand merci à tous!
Enfin, ce mémoire n’aurait pas pu aboutir sans le soutien de mes parents, de mes frères et de
mes amis qui m’ont redonné du courage dans les moments de doute.
Flore Roggeman
Gand
Mai 2015
5
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Les 8 scénarios d’ouverture dans le corpus
Tableau 2 : Qui commence l’interaction ?
Tableau 3 : La prise de contact : réciprocité (NL/FR)
Tableau 4 : Les moyennes des composantes de la prise de contact
Tableau 5 : Comparaison moyennes FR/NL
Tableau 6 : Nombre de vœux dans le corpus NL et FR
Tableau 7 : Chiffres généraux pour les remerciements dans les deux corpus (NL/FR)
Tableau 8 : Les moyennes des remerciements par personne (NL/FR)
Tableau 9 : Les manques de clôtures selon la fonction dans la conversation
Tableau 10 : Chiffres globaux pour la requête
Tableau 11 : Les formulations autres dans le corpus FR/NL
Tableau 12 : Nouvelle classification pour l’acte de la requête
Tableau 13 : Formulation indirectes self-oriented ou other-oriented (FR/NL)
Tableau 14 : Chiffres globaux de l’adoucissement des requêtes
Tableau 15 : Chiffres globaux pour la demande d’information
Tableau 16 : Les marqueurs des demandes d’information directes (FR/NL)
Tableau 17 : Chiffres globaux de l’adoucissement des demandes
6
LISTE DES FIGURES
Figure 1 : Bureau d’Ostende
Figure 2 : Bureau de Louvain (I)
Figure 3 : Bureau de Louvain (II)
Figure 4 : Bureau de Namur
Figure 5 : Bureau de Liège (I)
Figure 6 : Bureau de Liège (II)
Figure 7 : Classification de l’ouverture de Möller (2000 : 120-121)
Figure 8 : Classification de l’ouverture de Hmed (2000 : 140-141)
Figure 9 : Classification finale de l’ouverture
Figure 10 : Classification de la clôture de Hmed (2000 : 141)
Figure 11 : Classification de la clôture de Kerbrat-Orecchioni (2008a : 112-114)
Figure 12 : Classification des remerciements de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 129-130)
Figure 13 : Classification des remerciements et des réactions aux remerciements (Kerbrat-
Orecchioni 2008b : 128-134)
Figure 14 : Classification finale de la clôture
Figure 15 : Schémas prosodiques dans la salutation (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 111-112)
Figure 16 : Caractéristiques de l’ouverture à la française
Figure 17 : Caractéristiques de la clôture à la française
Figure 18 : Caractéristiques du remerciement à la française
Figure 19 : Répartition des directifs selon Kerbrat-Orecchioni (2008b : 84)
Figure 20 : La classification de la requête de Dumas (2008 : 201-204)
Figure 21 : Classification de la requête de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 100-101).
Figure 22 : Classification de la requête de Kerbrat-Orecchioni (2008a : 117)
Figure 23 : Classification de la requête de van der Wijst (2000 : 190-195)
Figure 24 : Procédés d’adoucissement et des requêtes plus brutales (Kerbrat-Orecchioni 2008b :
102-105)
Figure 25 : Classification finale de la requête
Figure 26 : Typologie de l’acte de la question de Flament-Boistrancourt & Cornette (1999 :
128-131)
Figure 27 : Typologie de l’acte de la question de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 88-89)
Figure 28 : Classification finale de la demande d’information
Figure 29 : La requête à la française
Figure 30 : La demande d’information à la française
7
LISTE DES GRAPHIQUES
Graphique 1 : La prise de contact des francophones
Graphique 2 : La prise de contact des néerlandophones
Graphique 3 : Paradigme de salutations dans l’ouverture (NL)
Graphique 4 : La manifestation de la disponibilité communicative FR
Graphique 5 : La manifestation de la disponibilité communicative NL
Graphique 6 : Paradigme des composantes de la clôture FR
Graphique 7 : Paradigme des composantes de la clôture NL
Graphique 8 : Paradigme des pré-clôtureurs FR
Graphique 9 : Paradigme des pré-clôtureurs NL
Graphique 10 : Paradigme des salutations clôturantes NL
Graphique 11 : Paradigme des vœux FR
Graphique 12 : Paradigme des vœux NL
Graphique 13 : Paradigme des remerciements FR : les types
Graphique 14 : Paradigme des remerciements NL : les types
Graphique 15 : Les réactions aux remerciements FR
Graphique 16 : Les réactions aux remerciements NL
Graphique 17: Procédés d’adoucissement FR (requête)
Graphique 18: Procédés d’adoucissement NL (requête)
Graphique 19 : Procédés d’adoucissement demande d’information FR
Graphique 20 : Procédés d’adoucissement demande d’information NL
8
TABLE DES MATIÈRES
REMERCIEMENTS ............................................................................................................................. 4
LISTE DES TABLEAUX ..................................................................................................................... 5
LISTE DES FIGURES .......................................................................................................................... 6
LISTE DES GRAPHIQUES ................................................................................................................ 7
TABLE DES MATIÈRES .................................................................................................................... 8
CHAPITRE 1: INTRODUCTION ...................................................................................................11
1.1. INTRODUCTION ............................................................................................................................... 11
1.2. CORPUS ............................................................................................................................................. 13
1.3. LES OFFICES DE TOURISME : OCCUPATION DES LIEUX ....................................................... 14
1.4. LES PARTICIPANTS ........................................................................................................................ 18
CHAPITRE 2 : LES RITUELS D’OUVERTURE ET DE CLOTURE ..................................19
2.1. INTRODUCTION ............................................................................................................................... 19
2.2. ETAT DE LA QUESTION : LES RITUELS D’OUVERTURE ET DE CLOTURE DANS LES
INTERACTIONS DE COMMERCE ET DE SERVICE .................................................................................. 19
2.2.1. Introduction ........................................................................................................19
2.2.2. Les rituels : perspective générale .......................................................................20
2.2.2.1. L’ouverture ................................................................................................................................................................... 21
2.2.2.2. La clôture ...................................................................................................................................................................... 25
2.2.2.3. Les remerciements..................................................................................................................................................... 28
2.2.3. Les rituels dans une perspective comparative ....................................................31
2.2.3.1. L’ouverture ................................................................................................................................................................... 32
2.2.3.2. La clôture ...................................................................................................................................................................... 34
2.2.3.3. Les remerciements..................................................................................................................................................... 36
2.3. LES RITUELS D’OUVERTURE ET DE CLOTURE DANS LES OFFICES DE TOURISME EN
FLANDRE ET EN WALLONIE ..................................................................................................................... 37
2.3.1. Introduction ........................................................................................................37
2.3.2. L’ouverture .........................................................................................................37
2.3.2.1. Données générales ............................................................................................................................................................. 37
2.3.2.1.1. Les scénarios possibles ..................................................................................................................................... 38
2.3.2.1.2. Le déclencheur ..................................................................................................................................................... 43
2.3.2.1.3. Absence d’ouverture .......................................................................................................................................... 43
2.3.2.2. La prise de contact ............................................................................................................................................................. 45
2.3.2.2.1. Macro-niveau ........................................................................................................................................................ 45
2.3.2.2.2. Micro-niveau ......................................................................................................................................................... 46
2.3.2.2.3. Réciprocité des prises de contact .................................................................................................................. 48
9
2.3.2.2.4. Multiplication des prises de contact ............................................................................................................. 50
2.3.2.3. La manifestation de la disponibilité communicative ............................................................................................ 51
2.3.2.3.1. Distribution générale .......................................................................................................................................... 51
2.3.2.3.2. Autre......................................................................................................................................................................... 54
2.3.2.4. Conclusion ............................................................................................................................................................................ 55
2.3.3. La clôture ............................................................................................................57
2.3.3.1. Données générales ............................................................................................................................................................. 57
2.3.3.2. Les pré-clôtureurs .............................................................................................................................................................. 60
2.3.3.2.1. Préférence des locuteurs ................................................................................................................................... 60
2.3.3.2.2. Nombre de pré-clôtureurs ................................................................................................................................ 62
2.3.3.3. Les salutations ..................................................................................................................................................................... 64
2.3.3.3.1. Absence d’échange de salutations ................................................................................................................ 64
2.3.3.3.2. L’éventail des salutations ................................................................................................................................. 65
2.3.3.4. Les vœux ............................................................................................................................................................................... 69
2.3.3.5. Les remerciements ............................................................................................................................................................. 71
2.3.3.5.1. Chiffres généraux ................................................................................................................................................ 71
2.3.3.5.2. Types de remerciements ................................................................................................................................... 72
2.3.3.5.3. Réactions aux remerciements ......................................................................................................................... 77
2.3.3.5.4. Absence de remerciements .............................................................................................................................. 80
2.3.3.6. Autre ....................................................................................................................................................................................... 81
2.3.3.6.1. Conversations sans clôture .............................................................................................................................. 81
2.3.3.6.2. Les projets .............................................................................................................................................................. 83
2.3.3.6.3. Cas uniques ............................................................................................................................................................ 83
2.3.3.7. Conclusion ............................................................................................................................................................................ 85
CHAPITRE 3 : L’ACTE DE LA REQUETE ET LA DEMANDE D’INFORMATION ....87
3.1. INTRODUCTION ............................................................................................................................... 87
3.2. ETAT DE LA QUESTION : L’ACTE DE LA REQUETE ET LA DEMANDE D’INFORMATION
DANS LES INTERACTIONS DE COMMERCE ET DE SERVICE ............................................................... 87
3.2.1. Introduction ........................................................................................................87
3.2.2. La demande d’information et la requête: perspective générale .........................90
3.2.2.1. La requête ..................................................................................................................................................................... 90
3.2.2.1.2 Typologie de base ................................................................................................................................................ 90
3.2.2.1.2 Stratégies d’adoucissement .............................................................................................................................. 94
3.2.2.2. La demande d’information ..................................................................................................................................... 98
3.2.3. La demande d’information et la requête: perspective comparative .................103
3.2.3.1. La requête .................................................................................................................................................................. 103
3.2.3.2. La demande d’information .................................................................................................................................. 105
3.3. L’ACTE DE REQUETE ET LA DEMANDE D’INFORMATION DANS LES OFFICES DE
TOURISME EN FLANDRE ET EN WALLONIE ........................................................................................ 108
3.3.1. Généralités ........................................................................................................108
3.3.2. La requête .........................................................................................................108
3.3.2.1. La nature des requêtes ................................................................................................................................................... 108
10
3.3.2.1.1. Les formulations directes ................................................................................................................................... 109
3.3.2.1.2. Les formulations indirectes conventionnelles ............................................................................................ 110
3.3.2.1.3. Autre .......................................................................................................................................................................... 112
3.3.2.2. Les adoucisseurs .............................................................................................................................................................. 117
3.3.2.2.1. Nombre d’adoucisseurs ...................................................................................................................................... 117
3.3.2.2.2. Préférence des procédés d’adoucissement ................................................................................................... 118
3.3.2.2.3. Non-adoucissement .............................................................................................................................................. 121
3.3.2.3. Conclusion ......................................................................................................................................................................... 123
3.3.3. La demande d’information ................................................................................125
3.3.3.1. La nature des demandes................................................................................................................................................ 125
3.3.3.1.1. Les formulations directes ................................................................................................................................... 126
3.3.3.1.2. Les formulations indirectes ............................................................................................................................... 128
3.3.3.1.3. Autre .......................................................................................................................................................................... 129
3.3.3.2. Les adoucisseurs .............................................................................................................................................................. 131
3.3.3.2.1. Nombre d’adoucisseurs ...................................................................................................................................... 131
3.3.3.2.2. Préférence des procédés d’adoucissement ................................................................................................... 132
3.3.3.3. Conclusion ......................................................................................................................................................................... 134
CHAPITRE 4: CONCLUSIONS ................................................................................................... 136
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES .................................................................................... 140
ANNEXES ........................................................................................................................................... 142
ANNEXE 1. CONVENTIONS DE TRANSCRIPTION ............................................................................... 142
ANNEXE 2: LES DONNÉES GÉNÉRALES DE LA CLÔTURE ............................................................... 143
A. Les données générales FR .........................................................................................143
B. Les données générales NL .........................................................................................145
ANNEXE 3: LES REQUETES FRANCOPHONES ..................................................................................... 147
ANNEXE 4: LES REQUETES NEERLANDOPHONES ............................................................................. 148
ANNEXE 5: LES DEMANDES D’INFORMATION FRANCOPHONES .................................................. 149
ANNEXE 6: LES DEMANDES D’INFORMATION NEERLANDOPHONES .......................................... 150
ANNEXE 7: TYPOLOGIE DE LA REQUETE FR/NL ............................................................................. 151
A. Nature des requêtes...........................................................................................151
B. Typologie des procédés d’adoucissement de la requête FR/NL .......................152
ANNEXE 8: TYPOLOGIE DE LA DEMANDE D’INFORMATION FR/NL .......................................... 153
A. Nature des demandes d’information .................................................................153
B. Typologie des procédés d’adoucissement de la demande d’information FR/NL154
ANNEXE 9: LES TRANSCRIPTIONS ET LES ENREGISTREMENTS .................................................... 155
Nombre de mots (de l’introduction à la conclusion): 41.816
Nombre de mots sans notes en bas de page: 40.706
11
CHAPITRE 1: INTRODUCTION
1.1. INTRODUCTION
L’objet de ce travail est de comparer le fonctionnement des actes de langage des locuteurs
francophones et néerlandophones belges. Quatre actes de langage sont au cœur de cette étude :
le rituel d’ouverture, le rituel de clôture, l’acte de la requête et l’acte de la demande
d’information. En nous appuyant sur des corpus authentiques, enregistrés dans quatre offices du
tourisme belges dans la période d’octobre jusqu’à décembre 2014, un certain nombre de
phénomènes récurrents peuvent être observés à partir desquels quelques grandes tendances
peuvent être dégagées. Or, comme nous travaillons avec un échantillon de 40 conversations
néerlandophones et 40 conversations francophones, l’analyse que nous présenterons n’est
évidemment pas un inventaire exhaustif de tous les aspects du fonctionnement des actes de
langage en néerlandais et en français.
Notre étude s’inscrit dans le domaine de la pragmatique (inter)culturelle vu que nous
analyserons les pratiques discursives des locuteurs dans deux communautés linguistiques
différentes. La pragmatique étudie le langage en acte, raison pour laquelle la parole peut être
considérée comme une forme d’action. De cette manière, tout acte réalisé par le biais du langage
peut être étiqueté comme un acte de langage (ou speech act en anglais) (Kerbrat-Orecchioni
2008b : 1-2).
Au-delà de la description des fonctionnements des actes de langage en néerlandais et en
français, nous tenterons également de pointer les règles communicationnelles sous-jacentes qui
déterminent les actes de langage. Béal (2010 : 22) explique que les locuteurs suivent
inconsciemment certaines règles dans une conversation. Ces règles sont liées à la culture à
laquelle on appartient. Cette idée est confirmée par Hmed (2008 :147) : en effet, la culture et la
langue « drainent un flot de règles conversationnelles et de comportements langagiers ».
Afin d’expliquer l’existence de ces règles de communication, Béal (2010 : 28) s’appuie sur
la notion de l’ethos communicatif, ce qu’elle appelle le niveau le plus abstrait qui englobe toutes
ces règles sous-jacentes. Ainsi, à partir d’un grand nombre d’interactions différentes dans une
culture, on fait observer « une convergence des règles implicites observées par les participants »
et ceci correspond à la spécificité de la culture en question (Béal 2010 : 28-29). Ces règles
correspondent donc « à l’idée que se fait la culture en question de la façon appropriée de
s’adresser les uns aux autres dans toutes sortes de situations de la vie quotidienne » (Béal 2010 :
29).
Notre approche est comparative, c’est-à-dire que nous comparerons les actes de langage de
locuteurs natifs dans leur langue maternelle (néerlandais vs. français). En d’autres mots, il s’agit
12
donc d’une observation et d’une description « en parallèle » (Béal 2000 : 16 et Béal 2010 : 32).
Le choix de cette approche se justifie par le fait que c’est une démarche très efficace pour
découvrir les traits discursifs les plus saillants des locuteurs (Béal 2010 : 33).
Notre étude examine la situation linguistique en Belgique, un pays trilingue (le néerlandais,
le français et l’allemand). Dans ce travail, nous nous limiterons au néerlandais et au français. Ce
choix de focalisation belge est motivé par plusieurs raisons. D’une part, étant belge nous-même,
il nous était plus facile de recueillir des données. Ainsi, la prise de contact avec quatre offices de
tourisme belges nous a permis d’atteindre assez rapidement un nombre suffisant de
conversations (80 au total). D’autre part, la Belgique est intéressante d’un point de vue
interculturel : il y a trois communautés linguistiques au sein d’un seul pays. La question se pose
alors de savoir si ces trois communautés ont vraiment une culture différente car la variation
culturelle est présente à tous les niveaux du système conversationnel (Katsiki 2000 : 93). En
outre, les études comparatives des actes de langage en néerlandais et en français sont plutôt
rares (cf. Danblon, De Clerck & van Noppen 2005 et Tobback 2014). Nous tenterons donc de
combler une lacune dans la littérature existante avec cette étude comparative.
Le choix de l’office de tourisme comme situation particulière de l’interaction, s’explique
entre autres par le fait que les conversations dites « interlangues » peuvent également s’y
produire, c’est-à-dire les conversations dans lesquelles les locuteurs s’expriment dans une
deuxième langue (Béal 2010 : 34). Ainsi, les phénomènes d’interférence entre la langue
maternelle et la deuxième langue peuvent être analysés. Nous avons également enregistré de
telles conversations, mais faute de temps, nous traiterons seulement les conversations entre
locuteurs natifs (s’exprimant dans la même langue) dans cette étude.
Ce travail propose une comparaison des actes de langage tels que le rituel d’ouverture, le
rituel de clôture, l’acte de la requête et l’acte de la demande d’information des locuteurs
néerlandophones et francophones belges. L’étude se compose de quatre grands chapitres. La
suite de ce premier chapitre est consacrée à la présentation du corpus (1.2.), la description des
occupations des lieux des offices de tourisme (1.3.) et quelques informations supplémentaires
concernant les participants à la recherche (1.4.). Les deux chapitres suivants sont consacrés aux
rituels d’ouverture et de clôture (chap. 2) et aux actes de la requête et de la demande d’info
(chap. 3). Chacun d’eux est organisé d’une manière identique: l’état de la question précède
chaque fois l’analyse du corpus. Ainsi, le rituel d’ouverture et celui de clôture seront au cœur du
deuxième chapitre. Le troisième chapitre est consacré à l’acte de la question et à l’acte de la
demande d’information. Enfin, le quatrième et dernier chapitre présente en guise de conclusion
les ressemblances et les divergences les plus saillantes des analyses tout comme la conclusion
concernant les ethos communicatifs des deux groupes linguistiques.
13
1.2. CORPUS
Ce travail s’appuie sur un corpus de données authentiques, composé de 80 conversations
dont 40 conversations néerlandophones et 40 conversations francophones. Toutes les
conversations sont enregistrées dans quatre offices de tourisme belges.1 De manière plus
précise, deux bureaux néerlandophones (Ostende et Louvain) et deux bureaux francophones
(Liège et Namur) ont participé à cette recherche. Nous travaillerons donc avec des
enregistrements sur le vif, ce qui fournit la source la plus riche pour une recherche de la langue
parlée (Béal 2000 : 18).
Les bureaux fonctionnent de la même manière : le personnel essaie d’aider les visiteurs et
de répondre à leurs questions. Dans la plupart des cas, il s’agit de conversations à deux mais
évidemment, il se peut que la conversation se déroule entre plusieurs personnes. Les
« trilogues » et autres « polylogues » sont donc également pris en compte dans cette recherche
(Kerbrat-Orecchioni 2008 : 56). Par ailleurs, nous avons remarqué que les bureaux flamands et
wallons diffèrent beaucoup au niveau des occupations des lieux. Ces différences ont notamment
des conséquences importantes pour le déroulement de la conversation. Nous préciserons ces
différences dans la section suivante (1.3.).
Le personnel des bureaux était au courant de la recherche : ils savaient qu’il s’agissait d’une
recherche linguistique concernant les styles conversationnels des néerlandophones et des
francophones. Certes, ils ne disposaient pas d’informations plus détaillées pour qu’ils ne
modifient pas leur propre « style conversationnel ». Les visiteurs, par contre, n’ont pas été mis
au courant de la recherche à l’avance.
Conformément aux recherches de Màrquez Reiter et Stewart (2008 : 280) et de Danblon, De
Clerck & van Noppen (2005), nous n’avons demandé la permission d’utiliser l’enregistrement
qu’à la fin de la conversation, notamment après la clôture.2 En demandant la permission avant le
début de la conversation, nous aurions risqué de mettre les visiteurs mal à l’aise et de leur faire
modifier leur « style conversationnel ». En outre, il y aurait eu ainsi une perte de spontanéité.
Béal (2010 : 36) partage une telle approche: « d’un point de vue éthique, il faut bien entendu
obtenir un accord préalable des participants, cependant il est souhaitable qu’ils ne sachent pas
exactement quand ils sont enregistrés ». Lorsque les visiteurs n’étaient pas d’accord avec
l’enregistrement, nous l’avons supprimé. Au total, une seule personne a refusé sa collaboration.
Par ailleurs, les visiteurs sont tous inconnus des employés. Les visites amicales ou familières ne
sont donc pas prises en compte dans cette recherche.
1 Toutes les conversations sont enregistrées dans la période d’octobre 2014 jusqu’à décembre 2014. Elles
sont enregistrées par le biais d’un dictaphone de 10 cm. 2 Il y a quatre exceptions: dans quatre conversations du corpus, la permission n’est pas demandé à la fin
de l’interaction. Dans un cas, elle est demandée d’avance (la conversation 7 du corpus francophone) et
dans les trois autre cas elle est demandée au milieu de la conversation (les conversations 3, 6, et 16 du
corpus francophone). Voir annexe 9 pour les transcriptions des enregistrements.
14
Vu que nous analyserons les actes de langage des néerlandophones et francophones belges,
il est évident que seules les conversations des natifs ont été retenues dans cette analyse. Comme
il n’était pas toujours facile de distinguer les francophones belges des Français, nous avons
toujours demandé l’origine des personnes enregistrées. Les employés sont également des
locuteurs natifs du néerlandais ou du français.3
Pour ce qui est de la transcription, nous avons utilisé le logiciel ELAN. Les transcriptions et
les enregistrements sont disponibles via le cédérom (cf. annexe 9).
Regardons maintenant de plus près l’organisation pratique des bureaux et les différences
entre les offices néerlandophones et francophones.
1.3. LES OFFICES DE TOURISME : OCCUPATION DES LIEUX
Il y a des différences entre les bureaux néerlandophones et francophones qui valent la peine
d’être précisées. Les différences se situent sur le plan de l’occupation des lieux, c’est-à-dire sur
le plan de l’organisation pratique des bureaux. Avant d’expliquer ces différences, nous nous
concentrerons d’abord sur quelques ressemblances.
Ainsi, les quatre offices en question se situent dans des environnements urbains. Chaque
bureau dispose d’un grand comptoir derrière lequel les employés sont assis. A côté de ce
comptoir, chaque bureau a un espace où beaucoup de dépliants et plusieurs guides gratuits sont
exposés. Les visiteurs qui se présentent face au comptoir, sont obligés de rester débout vu qu’il
n’y a pas de possibilité de s’asseoir. Ceci indique déjà que la conversation dite prototypique
dans un office de tourisme est une conversation assez courte de quelques minutes. En outre, les
employés ne sont pas mobiles. C’est ce que Traverso (2008 : 47) appelle le « type
canalisateur » : les employés doivent orienter les visiteurs rapidement vers « un face-à-face
transactionnel ou vers une file d’attente ». Ceci explique pourquoi le personnel dans un office
de tourisme se trouve généralement dans l’espace qui lui est réservé, à savoir derrière le
comptoir, donc face au visiteur.
Or, il y a évidemment des différences entre les quatre bureaux. La différence la plus
importante entre les bureaux francophones et néerlandophones, concerne la place des employés.
Dans les bureaux néerlandophones, les employés sont assis à leur propre bureau et il y a une
distance de quelques mètres entre les collègues. Ceci indique que la tâche des employés dans les
bureaux néerlandophones est plutôt individuelle : c’est chacun pour soi, chaque employé
s’occupe de son propre visiteur. Nous préciserons ceci avec une représentation schématique de
l’occupation des lieux des deux bureaux néerlandophones.
3 A l’office de tourisme de Namur, un des employés est d’origine roumaine. Les conversations où elle
prend la parole ne sont pas prises en compte dans cette recherche. Seules les conversations où son
collègue (natif belge) prend la parole sont utilisées. Dans quelques-unes de ces conversations, la collègue
non native intervient, mais ces parties ne sont pas étudiées.
15
Voici le plan du bureau d’Ostende. Nous avons indiqué les places des employés avec des
croix (X).
Figure 1 : Bureau d’Ostende
Lorsque nous étions sur place, seules les places à l’extrême gauche et à l’extrême droite
étaient prises. Ceci montre que les employés s’éloignent le plus possible l’un de l’autre,
probablement pour ne pas se déranger. En outre, les différentes places sont séparées par des
petits murs: il s’agit donc clairement d’un espace individuel. Nous nous sommes toujours placée
devant le comptoir (indiqué sur le plan par O) : de cette manière, les visiteurs ne pouvaient pas
nous confondre avec un des employés. En outre, de cette manière nous pouvions nous éloigner
de la conversation afin que les visiteurs n’aient pas l’impression d’être mis sur écoute.
Le bureau de Louvain est beaucoup plus petit que celui d’Ostende, mais, malgré cet espace
limité, les employés étaient également assis le plus loin possible l’un de l’autre. Nous le
préciserons par le biais de quelques photos.
16
Figure 2 : Bureau de Louvain (I)
Figure 3 : Bureau de Louvain (II)
Ce qui est spécifique pour l’office de tourisme à Louvain, c’est que les employés sont
assis dans une position plus élevée que les visiteurs. Ceci est pour Kerbrat-Orrecchioni (1992 :
75) un élément qui sert à « se rehausser symboliquement ». C’est un phénomène qu’elle inscrit
dans la « relation verticale », de manière plus précise dans le « système des places » : la relation
verticale est dissymétrique, c’est-à-dire qu’il y a une certaine hiérarchie entre les interlocuteurs
inversement à la relation horizontale ou les interlocuteurs en présence se montrent plus proches
en fonction de leur degré de connaissance mutuelle (Kerbrat-Orrecchioni 1922 : 39 & 71).
Pourtant, étant donné ce rehaussement, c’est le visiteur qui est roi vu que l’employé est soumis à
toutes ses questions. Ce rehaussement est présent uniquement dans l’office du Louvain.
17
L’organisation pratique dans les bureaux francophones est bien différente. Ici, les employés
sont assis l’un à côté de l’autre. Ils semblent considérer le lieu de travail comme un espace
commun et cette approche commune sera claire dans les conversations : en effet, lorsque un des
employés est en train de parler avec un visiteur, l’autre employé n’hésite pas à intervenir dans
cette conversation. Cela ressort clairement du plan schématique et des photos ci-dessous.
Figure 4 : Bureau de Namur
Figure 5 : Bureau de Liège (I)
18
Figure 6 : Bureau de Liège (II)
Béal (2010 : 188), qui a analysé les styles conversationnels des francophones et des
anglophones, a fait la même observation dans son corpus « bureau ». Ainsi elle a remarqué que
les Français semblent considérer le lieu de travail comme un territoire commun. En outre, ils
considèrent la journée de travail comme « une seule et unique longue conversation à épisodes »,
ce qu’elle indique par le terme de « conversation endémique » (Béal 2010 : 190-191). Par
contre, la conception de l’espace des Australiens est différente : ils le considèrent comme « une
mosaïque de territoires individuels juxtaposés », c’est-à-dire qu’il y a une certaine distance à
respecter (Béal 2010 : 198). Dans cette optique, il semble que les francophones belges aient la
même conception de l’espace que les Français contrairement à la conception de l’espace des
néerlandophones qui est comparable à celle des Australiens.
1.4. LES PARTICIPANTS
Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, les employés étaient les seuls à être au courant
de la recherche. Les visiteurs de leur côté, n’étaient informés qu’après la fin de la conversation.
Nous n’avons pas appliqué des critères de sélection imposés au préalable : tous les visiteurs
étaient des sujets d’expérience potentiels. La seule contrainte était que les visiteurs soient
d’origine belge, parlant soit le néerlandais, soit le français. Il s’ensuit que participants sont tous
des personnes venant de toutes les provinces de la Belgique et qu’elles sont de tous les âges,
sexes et classes sociales.
A première vue, ceci peut être considéré comme un désavantage vu que beaucoup de
« variables » entrent en ligne de compte. En même temps, étant donné un tel amalgame de
personnes, leurs conversations se prêtent mieux à des conclusions plus généralisatrices. Si nous
n’analysions qu’une couche de la population (par exemple de jeunes locuteurs de 16 à 26 ans),
les tendances observées seraient moins représentatives pour tous les néerlandophones ou les
francophones de la Belgique.
19
CHAPITRE 2 : LES RITUELS D’OUVERTURE ET DE
CLOTURE
2.1. INTRODUCTION
Ce chapitre est consacré aux rituels d’ouverture et de clôture. Ces rituels seront d’abord
situés au sein de la théorie des actes de langage (2.2.1.) et ensuite nous présenterons un aperçu
de la littérature existante traitant ces rituels (2.2.2.). Ils seront examinés d’une perspective
générale d’une part, où les approches et les classifications seront éclaircies, et d’une perspective
comparative d’autre part où nous prêterons attention aux caractéristiques des francophones
telles qu’elles ressortent des analyses.
2.2. ETAT DE LA QUESTION : LES RITUELS D’OUVERTURE ET DE CLOTURE
DANS LES INTERACTIONS DE COMMERCE ET DE SERVICE
2.2.1. INTRODUCTION
Kerbrat-Orecchioni (2008b: 110-111) affirme à juste titre que les séquences d’ouverture et
de clôture visent à organiser le début et la fin de la conversation : ce sont « deux moments
particulièrement délicats à gérer pour les interactants dans la mesure où ils impliquent une
rupture par rapport à l’état précédent ». Ces séquences peuvent, par conséquent, être
caractérisées incontestablement par « leur caractère fortement ritualisé » vu qu’elles offrent aux
locuteurs des formules toutes prêtes à l’utilisation dans la vie quotidienne. Autrement dit, ce
sont des formules entières qui sont enregistrées dans nos cerveaux. Hmed (2008 : 140) confirme
cette idée en notant que « les séquences dites encadrantes sont fortement ritualisées et peuvent
rappeler de loin celles rencontrées dans les conversations ». Ces rituels figurent souvent dans
des conversations en contexte commercial ou dans le secteur de service où il s’agit surtout de
brèves rencontres, raison pour laquelle nous avons cherché des analyses traitant l’ouverture et la
clôture à la lumière de ces contextes.
Le sujet des rituels n’a pas manqué de retenir l’attention de nombreux chercheurs. Nous les
regarderons d’abord d’une perspective générale (2.2.2.) pour nous tourner ensuite vers les
rituels dans une perspective comparative (2.2.3.) : dans cette partie nous comparerons sur la
base de la littérature comparative le français avec d’autres langues. Nous essayerons ainsi de
dériver les caractéristiques françaises de ces rituels telles qu’elles ressortent de la littérature
examinée.
20
Malheureusement, dans la littérature examinée, il ne s’agit pas du français belge, mais du
français hexagonal. Nous aimerions faire la même chose pour le néerlandais, mais vu que la
quasi-absence de littérature sur l’ouverture et la clôture d’une conversation en néerlandais, nous
ne pouvons qu’énumérer les caractéristiques des francophones.
2.2.2. LES RITUELS : PERSPECTIVE GENERALE
Dans ce qui suit, nous allons passer en revue quelques considérations générales concernant
les rituels d’ouverture et de clôture. Avant de commencer, il faut bien sûr savoir ce que sont
exactement des rituels. Béal (2010 : 183) les décrit par opposition aux routines. La notion de
rituel est liée à la politesse et elle la définit en s’appuyant sur Goffman (1974) : « les rituels
sont, eux, presque toujours routinisés, puisqu’ils font appel à des formules plus ou moins figées
et font peser de lourdes contraintes sur le type d’enchaînement attendu dans l’échange » (Béal
2010 : 183).
Par contre, la notion de routine, que l’on doit à Coulmas (1981), « met l’accent, non sur la
valeur symbolique d‘un comportement, mais sur son caractère récurrent et stéréotypé » (Béal
2010 : 183). En d’autres termes : un échange routinier ne relève pas de la politesse comme c’est
le cas d’un rituel.
Dans la suite de son ouvrage, elle ajoute une troisième catégorie à celle des rituels et des
routines, à savoir celle des « routines conversationnelles élaborées ». Les rituels et les routines
contiennent tous les comportements brefs alors que les « routines conversationnelles élaborées »
regroupent les échanges plus longs comme les séquences d’ouverture et de clôture dans les
visites, qui font justement l’objet de notre étude. Elle signale que dans de tels échanges, il existe
des formules figées, mais il y a cependant « une plus grande place à l’initiative individuelle »
(Béal 2010 : 184-185).
Afin de comprendre le fonctionnement de ces rituels, il faut d’abord se concentrer sur
quelques principes de base de la politesse. Sur ce sujet, la grande référence est la théorie de la
politesse de Brown et Levinson, dont quelques principes doivent être abordés dans une analyse
des actes de langage.
La théorie de la politesse de Brown et Levinson fournit le cadre théorique le plus cohérent,
qui a inspiré beaucoup d’autres recherches (Kerbrat-Orecchioni 1992 : 167). Leur conception de
la politesse est entièrement fondée sur la notion de face. Plus précisément, ils considèrent que
tout humain possède deux faces, à savoir la face négative et la face positive. La face négative
implique « les territoires du moi » (corporel, spatial ou temporal, bien et réserves, matérielles ou
cognitives). La face positive, par contre, correspond en quelque sorte au narcissisme et à
« l’ensemble des images valorisantes que les interlocuteurs construisent et tentent d’imposer
d’eux-mêmes dans l’interaction » (Kerbrat-Orecchioni 1992 : 167).
21
Ils ont également élaboré les notions FTA (face threatening acts) et FFA (face flattering
acts). De cette manière, tous les actes de langage peuvent être repartis en différentes catégories
selon leur comportement par rapport aux faces. Ainsi, l’offre peut être considérée comme un
acte menaçant pour la face négative pour celui qui l’accomplit. L’excuse, quant à elle, est un
acte qui est menaçant pour la face positive de celui qui l’exprime (Kerbrat-Orecchioni 1992 :
169-170). Il est également possible que certains actes de langage relèvent de plusieurs
catégories en même temps.
La théorie de politesse est assez importante pour cette étude vu que c’est surtout dans le
fonctionnement des rituels que, selon Kerbrat-Orecchioni (1992 : 193), les valeurs de la
politesse sont particulièrement présentes.
C’est bien sûr dans le fonctionnement des « rituels » que ces principes de politesse entrent en
action de la façon la plus spectaculaire, dans ces échanges que l’on dit « formulaires » ou
« routinisés », comme les salutations, les vœux, les excuses, remerciements ou compliments »
(Kerbrat-Orecchioni 1992 : 193).
En outre, les règles de politesse peuvent varier d’une société à l’autre, raison pour laquelle
le style conversationnel de deux sociétés peut différer (Kastler 2000 : 159).
Dans ce qui suit, nous regarderons brièvement de plus près les différentes approches
possibles pour analyser les rituels dans une conversation. Les études qui suivent s’appuient
notamment sur des classifications pour décrire les comportements communicatifs des locuteurs.
Par le biais de ces classifications, il est facile de comparer des groupes de locuteurs quant à
l’emploi d’un acte de langage.
Nous nous concentrons surtout sur les rituels à la française vu qu’il existe peu de recherches
sur le néerlandais à ce niveau. En outre, il s’agit des analyses sur le français de la France. La
question se pose alors si ces constations valent également pour le français de la Belgique.
Nous traiterons les rituels d’ouverture (2.2.2.1.) et de clôture (2.2.2.2.) séparément. Le
remerciement, composante du rituel de clôture, sera également abordé séparément (2.2.2.3.).
2.2.2.1. L’ouverture
Béal (2010) a analysé les interactions quotidiennes des locuteurs francophones et des
locuteurs anglophones. L’analyse des ouvertures des interactions est également une partie de la
recherche. Elle a distingué trois parties dans ce rituel, à savoir (I) les salutations, (II) les
commentaires et (III) les rires de bienvenue et ensuite elle a appliqué cette classification dans
son corpus de « situations de visite » (Béal 2010 : 215-217). Nous discuterons brièvement les
résultats de cette classification dans la section 2.2.3.
Dans cette analyse, nous travaillons avec un corpus dans lequel les personnes ne se
connaissent pas si bien que la répartition de Béal n’est pas pertinente pour notre recherche. Il est
22
finalement important de souligner qu’une telle classification ne prend pas en compte les
caractéristiques linguistiques des différentes séquences, qui, justement, constituent l’objet de
cette étude.
Möller (2000) a également analysé les propriétés conversationnelles de deux groupes de
langues, à savoir des germanophones et des francophones. Son corpus est constitué, à l’inverse
de celui de Béal (2010), d’interactions commerciales, raison pour laquelle sa typologie est plus
intéressante pour nous vu qu’il s’agit également des rencontres entre inconnues. En outre, sa
répartition est fondée davantage sur des propriétés purement linguistiques que celle de Béal
(2010).
Möller (2000 : 116) fait d’abord la distinction entre les tâches globales et les tâches
locales : le premier concerne l’ouverture et la clôture de l’interaction et le deuxième le choix
d’un article, le type de paiement et cetera. Ce n’est pas vraiment cette répartition qui nous
intéresse, mais surtout les différentes composantes qu’il distingue au sein de la séquence
d’ouverture, qui est donc selon lui « une tâche globale ». Nous avons schématisé sa répartition
dans la figure ci-dessous :
Ouverture (Möller : 2000)
1. Prise de contact
a. Une salutation Bonjour
b. Une salutation + un appellatif Bonjour mademoiselle
c. Une question de salutation Madame Dupont vous allez bien?
d. D’autres types d’énoncés Voilà la jeune fille du quartier qu’arrive
2. Manifestation de la disponibilité communicative envers les clients
a. Des questions rituelles Vous désirez
b. Un seul appellatif Madame
c. Une pause
Figure 7 : Classification de l’ouverture de Möller (2000 : 120-121)4
Comme le montre la figure, Möller (2000 : 120-121) distingue deux parties dans le rituel
d’ouverture. De manière plus précise, il s’agit de deux actes de langage : d’une part la prise de
contact et d’autre part la manifestation de la disponibilité communicative envers les clients. Au
sein de ces deux actes de langage, il a distingué plusieurs composantes.
Il est important de souligner que Möller (2000) a établi cette classification de la séquence
d’ouverture du point de vue de du vendeur. Ceci s’explique par le fait que selon lui, les énoncés
des clients sont moins ritualisés que celles des vendeurs (Möller 2000 : 121). Cependant, nous
4 Remarquons que Möller (2000 : 120) distingue à la fois les catégories « un appellatif + une salutation »
et « une salutation + un appellatif ». Nous les aborderons ici dans une seule catégorie, à savoir dans « une
salutation + un appellatif » dont l’ordre peut varier.
23
pensons que la classification de Möller est applicable également aux énoncés des clients (même
s’ils ne saluent pas toujours le commerçant), à l’exception du deuxième acte de langage, la
manifestation de la disponibilité communicative, qui concerne seulement le point de vue des
employés.
Au sein de la catégorie de la manifestation de la disponibilité communicative, Möller (2000)
a distingué trois composantes, à savoir (I) des questions rituelles, (II) les appellatifs et (III) une
pause. Cependant, il n’explique pas vraiment ce qu’il entend sous « pause ». Il mentionne
seulement qu’une telle pause se produit très souvent après la salutation de la part de vendeurs
(Möller 2000 : 121). Selon nous, ce terme reste vague vu qu’il y a différentes situations
possibles lorsqu’une pause est réalisée, par exemple : un visiteur entre, l’employé le salue et le
visiteur continue simplement à regarder les dépliants, ou l’employé a dit « bonjour », mais le
visiteur ne répond pas parce qu’il est encore en train de chercher des choses dans son sac. La
pause peut donc être due à plusieurs facteurs, et Möller (2000) n’explique pas la nature des
pauses dans son corpus.
Dans la mesure du possible, nous inclurons tout de même cette composante dans la
classification mais sans évoquer la cause de la pause : vu que nous avons travaillé avec des
enregistrements sonores (et ne pas avec du matériel visuel), il sera impossible d’interpréter
systématiquement la cause de la pause.
Nous mettrons donc cette classification à l’épreuve de notre corpus. Nous regarderons de
cette manière quelle composante de cette classification est la plus populaire. Une autre question
que Möller (2000) s’est posée est de savoir qui ouvre le plus l’interaction des deux groupes de
locuteurs : les commerçants français ou les clients français et dans quelle mesure leur
comportement est différent de celui des locuteurs allemands.
Comme Möller (2000), Hmed (2000) a également étudié les actes de langage dans les
interactions de commerce. Elle s’est concentrée sur « leur structure générale, c’est-à-dire leur
organisation en séquences, ainsi que sur la description comparative des différents actes de
langage rencontrés » (Hmed 2000 : 137). Elle s’est appuyée sur un triple corpus contenant des
interactions dans des boucheries : un corpus français (Villefranche), un corpus tunisien
(Ezzahra) et un corpus mixte (une boucherie maghrébine à Lyon). Elle accorde deux fonctions à
l’ouverture : premièrement, pour le client, la salutation fonctionne comme (I) une réparation de
son intrusion dans le territoire du commerçant et pour le commerçant, de son côté, la salutation
vise à souhaiter la bienvenue. Deuxièmement, (II) l’échange des salutations assure au client
d’être pris en compte par l’autre (Hmed 2000 : 140). Selon elle, les séquences d’ouverture
peuvent contenir les composantes suivantes :
24
Ouverture (Hmed 2000)
1. Attribution du tour : très souvent réalisée par le non verbal : regard, position corporelle,…
Quand l’attribution du tour est verbalisée, sur le mode assertif ou interrogatif, on passe généralement
directement à la requête.
2. Echange de salutations : en règle générale : « bonjour (+ appellatif) »
3. Salutations complémentaires : la présence de celles-ci s’explique généralement du fait d’une relation
proche entre les participants, mais cela n’est pas systématique.
4. Requête
Figure 8 : Classification de l’ouverture de Hmed (2000 : 140-141)
Nous n’avons pas appliqué cette classification à notre corpus pour quatre raisons. Pour
commencer, nous n’avons pas tenu compte des (I) données non verbales, représentées par la
première composante de sa typologie. Deuxièmement, il y a (II) plus de variation au niveau des
échanges de salutations qui mérite d’être analysée. Hmed ne se limite qu’à la règle générale, à
savoir « bonjour (+ appellatif) », mais il y a plus de possibilités que celle-ci. Dans la
classification de Möller (2000 : 120-121) par exemple, plusieurs composantes sont distinguées à
ce niveau. Troisièmement, comme Hmed (2000 : 141) l’indique elle-même, (III) les salutations
se produisent généralement en cas d’une interaction entre des personnes qui se connaissent.
Ceci peut être le cas dans des boucheries où les commerçants ont après un certain temps leurs
clients fidèles, mais cette composante n’est pas pertinente pour notre corpus de « visites dans un
office de tourisme » : dans une conversation prototypique dans office de tourisme, les
interlocuteurs ne se connaissent pas. Un touriste vient au bureau afin d’obtenir plus
d’informations sur une ville qui n’est pas la sienne. Finalement, nous ne considérerons (IV) la
requête pas comme une partie des séquences d’ouverture mais plutôt comme un acte de langage
isolé (cf. chapitre 3).
Nous finissons cette section générale de l’ouverture par une remarque supplémentaire de
Kerbrat-Orecchioni (2008a). Dans son analyse des interactions dans les petits commerces
français, elle prend en considération seulement les salutations (accompagnées ou non d’un
terme d’adresse) pour le rituel de l’ouverture. Selon nous, la séquence d’ouverture peut être
constituée encore d’autres composantes que des salutations (cf. classification de Möller).
Cependant, sa description des salutations est très détaillée. Nous décrirons les caractéristiques
de la salutation, observées dans son corpus dans la section 2.2.3.
Contrairement à Möller (2000), elle explique qu’une ouverture peut être assurée par la
réalisation d’un simple terme d’adresse (avec différents schémas mélodiques possibles) comme
« Madame/ » ou « Madame\ » (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 112). C’est donc une sorte de forme
elliptique de la salutation. Möller (2000) a distingué également la forme d’un simple terme
d’adresse, mais chez lui il s’agit d’un cas de la manifestation communicative envers les clients.
25
En d’autres termes, l’emploi d’un terme d’adresse ne fait pas partie de la prise de contact
initiale. Kerbrat-Orecchioni (2008a), en revanche, considère l’emploi d’un simple terme
d’adresse comme une salutation à part entière (et donc comme une prise de contact).
Il est vrai que cette distinction concernant les termes d’adresse dite simples pourrait être
problématique pour notre analyse : avons-nous affaire à une simple prise de contact (cf. la
remarque de Kerbrat-Orecchioni 2008a) ou avons-nous affaire à une manifestation de la
disponibilité communicative de la part des commerçants (cf. observation de Möller 2000). En
tout cas, nous maintenons les deux types afin d’être le plus exhaustive possible et nous verrons
dans quelle mesure nos données reflètent ces deux types possibles.
Ayant examiné les travaux de Beal (2010), Möller (2000), Hmed (2000) et Kerbrat-
Orecchioni (2008a) de plus près, nous avons vu que chacun travaille avec sa propre typologie.
Nous optons pour la classification de Möller (2000) pour les raisons décrites ci-dessus.
Toutefois, nous y ajoutons l’appellatif comme composante de la prise de contact qui a été
évoqué par Kerbrat-Orecchioni (2008a). Ainsi, nous aboutissons à notre classification finale
pour l’ouverture que nous mettrons à l’épreuve à notre corpus :
Ouverture : classification finale
1. Prise de contact
a. Une salutation Bonjour
b. Une salutation + un appellatif Bonjour mademoiselle
c. Une question de salutation Madame Dupont vous allez bien?
d. D’autres types d’énoncés Voilà la jeune fille du quartier qu’arrive
e. Un simple terme d’adresse Madame
2. Manifestation de la disponibilité communicative envers les clients
a. Des questions rituelles Vous désirez
b. Un seul appellatif Madame
c. Une pause
Figure 9 : Classification finale de l’ouverture
2.2.2.2. La clôture
Dans son étude sur les actes encadrants des Français et des Tunisiens, Hmed (2000 : 140)
signale que la matérialisation linguistique de la clôture d’une interaction semble encore plus
obligatoire pour les francophones que celle de l’ouverture. Autrement dit, les séquences de
clôture sont plus systématiquement marquées et plus étendues.
Kerbrat-Orecchioni (2008a : 112) confirme cette idée: « l’absence de la séquence de clôture
n’est quasiment jamais repérée : on éprouve, en France, le besoin manifeste de cette sorte
26
d’épilogue rituel ». La classification de la séquence de clôture qui ressort du corpus de Hmed est
représentée ci-dessous (Hmed 2000 : 141).
Clôture (Hmed 2000)
1. L’échange de salutations : c’est la composante centrale. Plusieurs échanges à fonction
euphorisante sont aussi formulés lors de la clôture.
2. Les vœux : ces actes se retrouvent d’ailleurs essentiellement dans cette séquence.
3. Les remerciements : ces actes peuvent apparaître ailleurs que dans la clôture. Ils sont très
fréquents en France et l’on constate qu’ils sont le plus souvent formulés par les vendeurs, ce qui
signifierait peut-être que ce sont eux les plus gros bénéficiaires de la transaction.
Figure 10 : Classification de la clôture de Hmed (2000 : 141)
Hmed (2000 : 141) explique que les composantes dans sa classification ne se limitent pas
seulement à l’acte de la clôture. Elle souligne que la clôture peut contenir à côté de l’échange de
salutations, des remerciements, des vœux et également des promesses de se revoir (Hmed 2000 :
140). Ces « promesses de se revoir » vont être étiquetées par Kerbrat-Orecchioni (2008b)
comme des « projets ». Ce terme sera adopté dans la suite de l’analyse.
Pour l’analyse d’un acte de langage comme la séquence de clôture, Kerbrat-Orecchioni
(2008b) s’est appuyée sur un corpus de librairie-papeterie-presse. Selon elle, les petits
commerces constituent des lieux privilégiés pour observer le fonctionnement de la politesse
linguistique. En outre, cette politesse se concentre particulièrement dans les séquences
encadrantes de l’ouverture et de clôture de l’interaction (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 106). Elle
distingue les composantes suivantes dans la séquence de clôture (Kerbrat-Orecchioni 2008a :
112-114) :
Clôture (Kerbrat-Orecchioni 2008a)
1. Pré-clôture : « voilà » (commerçant/employé), « (bon) allez » (client/visiteur)
2. Echange de salutations : « au revoir »
3. Les vœux : « bonne journée », « bon week-end »
4. Les projets : « à plus tard », « à bientôt »
5. Les remerciements
Figure 11 : Classification de la clôture de Kerbrat-Orecchioni (2008a : 112-114)
L’échange de salutations est selon Kerbrat-Orecchioni (2008a : 112) la composante centrale
de la clôture (cf. Hmed 2000 : 140). Néanmoins, cet échange peut être accompagné d’autres
27
actes qui sont énumérés dans la figure ci-dessus, mais il est rare que la clôture comporte toutes
ces composantes.
Dans un autre ouvrage de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 120), elle ajoute que les actes de
langage comme les vœux et les projets peuvent être considérés comme des « salutations
complémentaires ». Ces actes sont problématiques dans la mesure où ils ont des caractéristiques
« qui empêchent de les assimiler totalement à des salutations » (Kerbrat-Orecchioni 2008b :
120). Ainsi, une formule votive peut entraîner un remerciement de l’autre (par exemple « bonne
soirée » - « merci »), tandis qu’une simple salutation peut seulement entraîner une autre
salutation. Une situation comme celle-ci est par exemple impossible : « bonsoir » - « merci »,
mais tout ce qui concerne l’acte du remerciement sera discuté dans la section suivante (2.2.2.3.).
Kerbrat-Orecchioni (2008a) fait beaucoup référence à Dumas (2008). L’étude de celle-ci
n’est pas comparative non plus, mais elle trait quelques éléments qui sont importants pour une
comparaison des interactions de commerce et de service. Son objectif est de pouvoir identifier
des « principes de variation internes aux interactions qui, pris isolément ou combinés aux
critères externes mentionnés précédemment, permettent d’opérer des regroupements et de
proposer des distinctions » (Dumas 2008 : 182). Pour aboutir à ceci, elle s’est appuyée sur cinq
corpus de données authentiques français, chaque corpus étant composé d’une quarantaine de
conversations.5 Conformément aux analyses de Hmed (2000) et Kerbrat-Orecchioni (2008a),
Dumas (2008 : 199-200) affirme également que la clôture est principalement réalisée par des
salutations et ces salutations peuvent être accompagnées par d’autres actes comme des
remerciements, des vœux et des projets.
Ce qui est intéressant dans l’analyse de Dumas, c’est qu’elle ne regroupe pas les séquences
selon des composantes présentes ou des schémas, mais qu’elle le fait par des regroupements en
fonction du nombre de clôtureurs. Ce choix est bien argumenté :
Il reste cependant impossible d’établir des règles plus précises à cet égard : l’intervention clôturante
des commagents6 comme celle des cliagers
7 prennent de nombreuses formes et les formules attestées
sont abondantes en raison de la diversité de clôtureurs qui peuvent se combiner et former des
échanges à un, deux, trois ou quatre clôtureurs (Dumas 2008 : 200).
En d’autres termes : les possibilités combinatoires des composantes existantes dans la
séquence de clôture sont trop élevées de sorte qu’il est impossible de les généraliser. Cela
explique la raison pour laquelle elle a analysé son corpus selon le paramètre du nombre de
clôtureurs, sans faire de distinction entre les différentes composantes. De cette manière, deux
scénarios sont distingués : l’usage d’un nombre symétrique de clôtureurs d’une part et l’usage
d’un nombre dissymétrique d’autre part.
5 Il s’agit des corpus suivants: des interactions enregistrées dans une librairie-papeterie-presse, un tabac-
presse, une banque, un bureau de poste et le service d’état civil d’une mairie (Dumas 2008: 182). 6 Autre mot pour « commerçants ».
7 Autre mot pour « clients ».
28
Quant à nous, nous aimerions quand même insister sur la variation dans les composantes
dans la clôture, même si Dumas (2008) considère qu’un tel travail est presque impossible à
cause de la grande possibilité de variation.
Avant de faire le bilan en ce qui concerne la séquence de clôture, nous commenterons les
remerciements comme composante de la clôture. Nous analyserons le remerciement seulement
dans la séquence de clôture, mais cet acte de langage peut également se produire en cours de
l’interaction. De plus, le remerciement peut se réaliser dans plusieurs formes. Etant donné cette
complexité, cet acte de langage mérite une section à part.
2.2.2.3. Les remerciements
Pour définir le terme de remerciement, nous adoptons la définition proposée par Kerbrat-
Orecchioni (2008b) :
Le remerciement est un acte par lequel un locuteur accuse réception d’un « cadeau » quelconque, en
témoignant de sa reconnaissance envers le responsable de ce cadeau (le terme cadeau devant être pris
au sens large, et désignant toute forme d’« action bienfaisante » que l’on peut accomplir envers
autrui : cadeau, au sens strict, service, faveur, compliment ou autre cadeau verbal ») (Kerbrat-
Orecchioni 2008b : 124).
Kerbrat-Orecchioni (2008a : 121-122) a distingué trois types de remerciements selon leurs
places dans l’interaction :
- Le « remerciement prospectif » se situe au début de l’interaction, ce qui est
exceptionnel ;
- Le remerciement en cours d’interaction figure essentiellement après la réception du
produit ou après la réception de la monnaie ;
- Le remerciement en séquence de clôture apparaît soit après une formule votive, soit
pour marquer la bonne fin de la transaction (cf. Kerbrat-Orecchioni 2008a : 122).
Nous ne commenterons pas les deux premiers types et nous limiterons au dernier. Béal
(2010 : 220) confirme que ce type de remerciement a bel et bien une fonction clôturante.8
Kerbrat-Orecchioni (2008b : 114) explique que le remerciement en séquence de clôture peut
réagir à un vœu, mais qu’il a essentiellement « une valeur de bilan et de ratification satisfaite de
la transaction ». Dumas (2008 : 205) confirme cette idée: en effet, cet acte de langage doit être
8 Dumas (2008 : 205-206), par contre, ne distingue que deux moments dans l’interaction dans lesquels le
remerciement peut figurer : lors de la remise du produit (bien ou service) par le commerçant et dans la
séquence de paiement. Vu qu’une interaction, même en site commerciale, ne finit pas toujours par le
paiement de sorte que le remerciement ne porte pas sur cet acte, nous considérons la distinction de
Kerbrat-Orecchioni (2008a) comme plus adéquate.
29
vu comme « une formule réactive, comme l’expression d’une gratitude verbale pour une action
ou le résultat d’une action demandée ».
Kerbrat-Orecchioni (2008b) traite le remerciement au même niveau de l’excuse, un autre
acte de langage. Comme l’excuse, le remerciement est décrit comme un acte de langage
appartenant à la catégorie des « expressifs » : « les expressifs sont un ensemble des actes
consistant à exprimer un certain état psychologique du locuteur vis-à-vis d’un état de choses
spécifié dans le contenu propositionnel » (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 122).
Nous présenterons sa classification dans la figure ci-dessous :
Les remerciements (Kerbrat-Orecchioni 2008b)
i. Expressions directes
a. Formule performative : « je te remercie »
b. Elliptiquement : « merci »
ii. Expressions indirectes
a. Assertion focalisée sur le remercieur (bénéficiaire du cadeau) : expression du
sentiment approprié (gratitude, plaisir, joie) : « je vous suis très reconnaissant »
b. Assertion focalisée sur le remercié (auteur du cadeau) : éloge : « c’est très gentil à
vous »
c. Assertion focalisée sur le cadeau lui-même : « c’est superbe »
Figure 12 : Classification des remerciements de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 129-130)
Comme le montre la figure, il existe deux sortes d’expressions : les expressions directes
d’une part et les expressions indirectes d’autre part. Plusieurs sous-classes ont été distinguées au
sein de ces deux catégories (cf. la figure 12).
Par ailleurs, les locuteurs peuvent réagir différemment à un remerciement, raison pour
laquelle nous examinerons également les réactions aux remerciements. Il y a les réactions
négatives d’une part, qui sont peu fréquentes mais qui peuvent bel et bien se produire et il y a
les réactions positives d’autre part (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 132-133). Premièrement, cette
réaction peut par exemple prendre la forme d’un « je vous en prie » : avec cette formule, le
locuteur « déclare avoir effectué de bon cœur, étant au service d’autrui, l’action bienfaisante »
(Kerbrat-Orecchioni 2008b : 133). Deuxièmement, la réaction au remerciement peut également
consister en l’expression d’une minimisation, voire une dénégation du cadeau, par exemple dans
« merci infiniment – mais c’est bien normal ». D’après Kerbrat-Orecchioni (2008b : 133), c’est
la réaction positive qui est omniprésente.
De cette manière nous obtenons la classification suivante, qui est assez complexe :
30
Remerciements (Kerbrat-Orecchioni 2008b)
1. Expressions directes
a. Formule performative « je te remercie »
b. Elliptiquement « merci »
2. Expressions indirectes
a. Assertion focalisée sur le remercieur (bénéficiaire du cadeau) : expression du sentiment
approprié (gratitude, plaisir, joie) « je vous suis très reconnaissant »
b. Assertion focalisée sur le remercié (auteur du cadeau) : éloge : « c’est très gentil à vous »
c. Assertion focalisée sur le cadeau lui-même « c’est superbe »
Réactions aux remerciements
1. Réactions négatives
a. Un enchaînement qui nie l’existence préalable d’une offense et d’un cadeau. De tels
enchaînements sont « contestataires »
b. Les vraies réactions négatives dans lesquelles on refuse d’accepter le remerciement
2. Réactions positives
a. Formule d’avoir effectué avec bon cœur, étant au service d’autrui, l’action bienfaisante
« je vous en prie »
b. Une minimisation, voire une dénégation du cadeau pour lequel on est remercié (et dont
l’existence n’est contestée qu’un apparence)
« Merci infiniment – Mais c’est bien
normal »
Figure 13 : Classification des remerciements et des réactions aux remerciements (Kerbrat-
Orecchioni 2008b : 128-134)
Faisons le bilan à propos du rituel de la clôture. Nous l’avons schématisé dans la figure ci-
dessus (la figure 14). Ce schéma sera mis à l’épreuve de notre corpus.
31
Clôture : classification finale
1. Pré-clôture : « voilà », « (bon) allez »
2. Echange de salutations : « au revoir »
3. Les vœux : « bonne journée », « bon week-end »
4. Les projets : « à plus tard », « à bientôt »
5. Les remerciements :
a. Expressions directes
i. Formule performative: « je te remercie »
ii. Elliptiquement : « merci »
b. Expressions indirectes
i. Assertion focalisée sur le remercieur (bénéficiaire du cadeau) : expression du
sentiment approprié (gratitude, plaisir, joie) : « je vous suis très reconnaissant »
ii. Assertion focalisée sur le remercié (auteur du cadeau) : éloge : « c’est très gentil
à vous »
iii. Assertion focalisée sur le cadeau lui-même : « c’est superbe »
Réactions aux remerciements
1. Réactions négatives
a. Un enchaînement qui nie l’existence préalable d’une offense et d’un cadeau. De tels
enchaînements sont « contestataires »
b. Les vraies réactions négatives dans lesquelles on refuse d’accepter le remerciement
2. Réactions positives
a. Formule d’avoir effectué avec bon cœur, étant au service d’autrui, l’action
bienfaisante : « je vous en prie »
b. Une minimisation, voire une dénégation du cadeau pour lequel on est remercié (et dont
l’existence n’est contestée qu’un apparence) : « Merci infiniment – Mais c’est bien
normal »
Figure 14 : Classification finale de la clôture
2.2.3. LES RITUELS DANS UNE PERSPECTIVE COMPARATIVE
Dans ce qui précède, nous avons découvert les paramètres d’analyse pertinents pour les
rituels d’ouverture et de clôture dans des petits commerces. Les travaux consultés sont soit
exclusivement consacrés au français, soit il s’agissait d’études comparatives ayant le français (la
culture française) comme point de départ. Dans la présente section, nous focaliserons l’aspect
comparatif dans le but de trouver une première réponse à la question de savoir ce qui caractérise
typiquement les rituels d’ouverture et de clôture à la française. Comme pour la section
32
précédente (2.2.2.), nous traiterons successivement le rituel d’ouverture (2.2.3.1.), le rituel de la
clôture (2.2.3.2.) et le remerciement (2.2.3.3).
2.2.3.1. L’ouverture
Même si Béal (2010) ne traite pas les rituels dans le contexte des commerces, la description
comparative qu’elle fournit des rituels en ‘situations de visites’, permet de découvrir quelques
contrastes intéressants entre les habitudes des Français et des Australiens. Une des différences
les plus frappantes concerne la longueur des rituels d’ouverture. Ainsi, les séquences
d’ouverture des Français sont nettement plus longues que celles des Australiens (Béal 2010 :
21). Elle a constaté que les Français mêlent ces séquences avec d’autres commentaires qui
concernent les aspects circonstanciels de l’interaction (par exemple l’heure de l’arrivée). Les
séquences d’ouverture chez les francophones sont donc très élaborées, raison pour laquelle Béal
(2010 : 216) les appelle des « rituels élaborés ».
Par ailleurs, les salutations d’ouverture des Français ont lieu immédiatement après
l’ouverture de la porte. Les séquences d’ouverture des Australiens, en revanche, sont plus
courtes et moins élaborées en comparaison de celles des Français. En d’autres termes, les
Australiens se limitent à l’essentiel si bien que Béal (2010 : 220-222) étiquette leurs séquences
d’ouverture comme « un rituel minimal ».
Möller (2000) a comparé les interactions commerciales en Allemagne et en France. Dans
l’acte de l’ouverture, il a distingué deux actes de langage, à savoir (I) la prise de contact et (II)
la manifestation de la disponibilité communicative. Nous ne retenons que deux éléments de son
analyse contrastive.
Premièrement, il a remarqué que ces deux actes de langage (I et II) sont souvent présents
dans le corpus français : il y a donc à la fois une prise de contact qui est très souvent suivie par
une manifestation de la disponibilité communicative de la part des commerçants. Contrairement
au Français, les Allemands ne font rarement recours au deuxième acte de langage (la
manifestation de la disponibilité communicative) (Möller 2000 : 120-121).
Deuxièmement, il y a une différence sur le plan de la prise de parole : qui ouvre
l’interaction, le commerçant ou le client (cf. Kerbrat-Orecchioni 2008a) ? Ainsi, il a constaté
que les commerçants ouvrent presque toujours l’interaction en France tandis qu’en Allemagne,
les clients ouvrent également souvent l’interaction (Möller 2000 : 122). Kerbrat-Orecchioni
(2008a : 111) affirme que les ouvertures sont produites le plus souvent par les commerçants. En
outre, les clients français du corpus ne saluent pas toujours les vendeurs si bien qu’ils formulent
immédiatement le but de leur visite (Möller 2000 : 121-122).
Hmed (2000) de son côté a comparé le rituel d’ouverture des Français à celui des Tunisiens.
Il en ressort deux différences importantes : tout d’abord, comparés aux Tunisiens, les
33
francophones paraissent plutôt distants. Ceci semble avant tout s’expliquer par l’existence d’un
éventail de termes d’adresse beaucoup plus étendu en tunisien. Ainsi, les termes d’adresse
expriment non seulement le sexe et l’âge, mais également d’autres paramètres comme la
parenté, le respect, la familiarité et l’affection (Hmed 2008 : 270). Ceci n’est pas le cas en
français où seulement le sexe et l’âge peuvent être exprimés par le biais d’un terme d’adresse.
La deuxième différence concerne l’absence de salutations d’ouverture : très marquée en
France, ceci ne semble pas le cas en Tunisie, où, les salutations d’ouverture apparaissent plutôt
comme facultatives (Hmed 2000 : 140-142). Par ailleurs, les Tunisiens connaissent des vœux
d’ouverture, une composante de l’ouverture qui n’a pas d’équivalent dans la langue française. A
cela s’ajoute qu’un tel vœu est exclusivement de l’initiative du commerçant qui se traduit
littéralement par « Que ta journée soit de miel et de dattes » (Hmed 2000 : 142).
Pour terminer, nous nous s’attarderons encore sur quelques observations faites par Kerbrat-
Orecchioni (2008a). Même s’il ne s’agit pas d’un travail contrastif, il est intéressant car il
fournit des observations très précises sur les particularités des interactions dans des petits
commerces français. Kerbrat-Orecchioni (2008a : 111-112) distingue trois caractéristiques
saillantes de la salutation des Français. Premièrement, la salutation est quasi systématique ce qui
est conforme aux observations faites par Hmed (2000). Deuxièmement, elle est le plus souvent
réalisée d’abord par le commerçant, ce qui confirme l’étude de Möller (2000). Troisièmement,
la salutation verbale n’est presque jamais accompagnée d’une salutation gestuelle comme une
bise ou une poignée de main. Par ailleurs, elle a observé que la salutation s’exprime presque
toujours sous la forme d’un « bonjour ». Les salutations plus familières comme « salut » et voire
« bonsoir » sont extrêmement rares (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 111). A propos de la salutation,
il faut distinguer deux schémas prosodiques :
Schémas prosodiques dans la salutation (Kerbrat-Orecchioni 2008a)
1. Avec mélodie descendante : « Bonjour\ », « Madame bonjour\ » ou « Bonjour madame\ »
2. Avec mélodie montante : « (Madame) bonjour/ »
Figure 15 : Schémas prosodiques dans la salutation (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 111-112)
Le premier schéma mélodique signifie une véritable salutation qui est, selon Kerbrat-
Orecchioni (2008a : 111), surtout réalisée par le commerçant. De telles salutations sont
normalement toujours suivies d’une réaction du client, qui se produit également sous la forme
d’une salutation. Le deuxième schéma mélodique, par contre, donne à la salutation une valeur
de question comme « vous désirez ». Cette valeur s’ajoute donc à la valeur de la salutation si
bien que Kerbrat-Orecchioni (2008a : 112) l’appelle un « amalgame pragmatique »: ceci permet
« d’accélérer le cours des événements ». Dans ce cas, la réaction de la part du client est
facultative parce qu’il peut passer immédiatement à l’acte de la requête ou à l’acte de la
34
demande d’information (cf. chapitre 3). Malgré le fait que cette distinction prosodique
supplémentaire est très intéressante, nous ne l’appliquerons pas à notre corpus faute de temps.
Sur la base de ce qui précède, il semble bien possible de conclure que les rituels d’ouverture
des Français présentent quelques particularités par rapport à d’autres langues et cultures. Les
caractéristiques principales repérées dans la littérature (Béal 2010, Möller 2000, Hmed 2000,
Hmed 2008 & Kerbrat-Orecchioni 2008a) sont reprises dans la figure 16.
Caractéristiques de l’ouverture à la française
- En contexte où les interlocuteurs ne se connaissent pas :
o Commerçants
Les conversations sont entamées le plus par les commerçants
Les commerçants manifestent dans la plupart des cas leur disponibilité
communicative envers les clients
o Visiteurs
Les visiteurs francophones ne saluent parfois pas le commerçant de sorte qu’ils
formulent immédiatement le but de leur visite
o En général
Lorsqu’ils font recours aux termes d’adresse, ce sont des termes d’adresse
neutres comme « madame » et « monsieur »
L’absence d’ouverture est marquée en français
Figure 16 : Caractéristiques de l’ouverture à la française
2.2.3.2. La clôture
Regarderons maintenant de plus près la littérature à propos de la clôture. Nous recourons
aux analyses comparatives de Béal (2010) et Hmed (2000) et aux études (non comparatives) des
interactions francophones de Kerbrat-Orecchioni (2008a & 2008b) et Dumas (2008).
Commençons à nouveau par l’étude de Béal (2010) qui a comparé des interactions des
Français aux interactions des Australiens. Comme c’est le cas pour l’ouverture, les clôtures
tendent également à être nettement plus longues chez les Français qu’entre les Australiens (Béal
2010 : 21).
Hmed (2000), qui a comparé le comportement conversationnel des Tunisiens à celui des
Français, a découvert que, conformément à l’analyse de l’ouverture, que la clôture chez les
francophones se matérialise le plus souvent par un échange de salutations entre le client et le
commerçant. Les séquences de clôture chez les Tunisiens, par contre, sont rarement réalisées
par un échange de salutations. Une autre formule est utilisée, à savoir une expression figée qui à
35
la valeur d’une évaluation positive de l’interaction (Hmed 2000 :143).9 Cet acte n’a pas
d’équivalent en français.
Kerbrat-Orecchioni (2008a) de son côté, a constaté que les salutations de clôture sont
souvent accompagnées d’autres composantes clôturantes, à savoir des pré-clôtures, des vœux,
des projets et des remerciements. Ainsi, les vœux sont employés très fréquemment par les
francophones : ils apparaissent dans la moitié des conversations de son corpus (Kerbrat-
Orecchioni 2008a : 113). En outre, ces formules votives sont le plus souvent l’initiative du
commerçant. Les projets, en revanche, sont plutôt rares (que dans 10% des interactions) et ne
semblent donc pas être typique pour les Français. En général, le commerçant français utilise
plus de rituels de clôture comparé au visiteur français et les rituels de clôture sont souvent
prononcés en chevauchement (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 114).
Dumas (2008) se distingue des autres linguistes de la littérature examinée parce qu’elle ne
se fonde pas sur une classification selon les types de composantes, mais selon le nombre de
clôtureurs. Ainsi, il ressort de son analyse que les francophones utilisent le plus souvent deux
clôtureurs (Dumas 2008 : 200).
En guise de résumé, nous reprenons ci-dessous ce qui semble caractériser les clôtures en
site commercial des Français :
Caractéristiques de la clôture à la française
- En contexte où les interlocuteurs ne se connaissent pas :
o Commerçants
Ils utilisent plus de rituels de clôture que les clients
Ils utilisent plus de vœux
o Visiteurs
Les séquences de clôture sont plus courtes que celles des commerçants
o En général
Les clôtures tendent à être assez longues
L’absence de la clôture est très marquée en français, voire plus marquée que
l’absence d’une séquence d’ouverture
L’échange de salutations est la composante la plus fréquente
La clôture est le plus souvent composée de 2 clôtureurs
Figure 17 : Caractéristiques de la clôture à la française
9 Il s’agit d’une sorte de vœu ou d’une bénédiction à valeur d’un remerciement (Hmed 2000 : 143).
36
2.2.3.3. Les remerciements
Pour l’acte du remerciement, nous ne disposons que du travail de Kerbrat-Orecchioni
(2008b). Nous nous limiterons donc à rappeler les traits les plus saillants de cet acte de langage
réalisé par les Français dans des petits commerces.
En ce qui concerne les expressions directes du remerciement, elle a noté que ceci est
exprimé très souvent « sur le mode de l’hyperbole », par exemple « un grand merci » (Kerbrat-
Orecchioni 2008b : 136).
Pour ce qui est du nombre des remerciements, elle a constaté qu’ils sont massivement
présents dans toutes les conversations en site commercial. Ainsi, le nombre s’est élevé en
moyenne à 3,5 par interaction (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 139-140).
Finalement, en ce qui concerne les réactions, il faut signaler que la réaction positive est
incontestablement la réaction prototypique à un remerciement. Le pendant négatif est à coup sûr
très marqué (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 133).
Sous forme de tableau :
Caractéristiques du remerciement à la française
- En contexte où les interlocuteurs ne se connaissent pas :
o Les remerciements sont massivement présents dans les conversations commerciales
o Le remerciement est exprimé très souvent sur le mode de l’hyperbole
o La réaction positive au remerciement est omniprésente. Une réaction négative est très
rare.
Figure 18 : Caractéristiques du remerciement à la française
37
2.3. LES RITUELS D’OUVERTURE ET DE CLOTURE DANS LES OFFICES DE
TOURISME EN FLANDRE ET EN WALLONIE
2.3.1. INTRODUCTION
Dans ce qui suit, nous présenterons les analyses du corpus des rituels d’ouverture et de
clôture dans les offices de tourisme belges. Nous aborderons d’abord le rituel d’ouverture dans
la première section (2.3.2.) pour ensuite nous pencher sur celui de la clôture (2.3.3.). Chaque
section se compose d’une sous-section générale dans laquelle quelques chiffres globaux seront
fournis. Les autres sous-sections représenteront les actes de langage distingués au sein du rituel
en question.
2.3.2. L’OUVERTURE
Pour l’analyse de l’ouverture, nous traiterons successivement la prise de contact (cf.
2.3.2.2.) et la manifestation de la disponibilité communicative de la part de l’employé (cf.
section 2.3.2.3.). Tout d’abord, nous fournirons quelques données générales (2.3.2.1.).
2.3.2.1. Données générales
Dans cette section, nous donnerons d’abord un aperçu des différents scénarios possibles
pour l’ouverture ainsi que de leur répartition sur les deux corpus (néerlandophone et
francophone).
Ensuite, nous analyserons le paramètre du déclencheur, c’est-à-dire : est-ce que c’est le
visiteur ou l’employé qui commence l’interaction ? Finalement, nous discuterons plus en détail
les cas où il n’y a pas d’ouverture du tout.
Rappelons pour commencer notre classification :
38
Ouverture : classification finale
1. Prise de contact
a. Une salutation Bonjour
b. Une salutation + un appellatif Bonjour mademoiselle
c. Une question de salutation Madame Dupont vous allez bien?
d. D’autres types d’énoncés Voilà la jeune fille du quartier qu’arrive
e. Un simple terme d’adresse Madame
2. Manifestation de la disponibilité communicative envers les clients
a. Des questions rituelles Vous désirez
b. Un seul appellatif Madame
c. Une pause
Figure 9 : Classification de l’ouverture
2.3.2.1.1. Les scénarios possibles
Pour commencer, nous avons examiné le comportement des locuteurs dans l’interaction: le
visiteur, d’une part, et l’employé, d’autre part. Sur la base de notre corpus de 80 conversations
(40 NL et 40 FR), nous avons ainsi détecté 8 scénarios différents. Ils sont représentés dans le
tableau 1 par ordre décroissant d’apparition dans le corpus francophone : le symbole ✔ marque
la présence du paramètre et le symbole ✗ l’absence de celui-ci.
Dans ce qui suit, nous présenterons brièvement chacun des scénarios repérés : nous les
illustrerons par un exemple et nous commenterons les différences et les ressemblances
observées pour les deux corpus.
N° de
Schéma Prise de
contact
employé
Prise de
contact
visiteur
Manifestation
disponibilité
communicative
Nombre
d’ex FR % FR
Nombre
d’ex NL % NL
(1) ✔ ✔ ✗ 18 45% 22 55%
(2) ✔ ✔ ✔ 12 30% 3 7,5%
(3) ✗ ✗ ✗ 5 12,5% 2 5%
(4) ✗ ✗ ✔ 2 5% 0 0%
(5) ✔ ✗ ✗ 1 2,5% 6 15%
(6) ✗ ✔ ✗ 1 2,5% 1 2,5%
( ✗ ✔ ✔ 1 2,5% 0 0%
( ✔ ✗ ✔ 0 0% 6 15%
40 100 40 100
Tableau 1 : Les 8 scénarios d’ouverture dans le corpus
39
(1) Prise de contact par l’employé et par le visiteur ; absence de manifestation de la
disponibilité communicative
Le premier scénario est le plus fréquent dans les deux langues : dans près de la moitié des
interactions françaises (45%) et dans plus de la moitié des interactions néerlandaises (55%), il y
a une prise de contact des deux parties, mais l’employé ne manifeste pas explicitement sa
disponibilité communicative comme c’est le cas dans l’extrait 1.
Extrait 1 : schéma (1) FR
V1 : bonjour
E1 : bonjour
V1 : vous avez un petit un petit un petit plan de promenade pour le centre historique ?
Corpus FR conversation 110
(2) Prise de contact par l’employé et par le visiteur ; présence explicite de manifestation de
la disponibilité communicative
Le deuxième scénario semble bien plus représenté dans le corpus francophone (30%) que
dans le corpus néerlandophone (7,5%). Il faut toutefois interpréter ces données de manière
prudente étant donné que dans la majorité des cas, c’est par une pause que l’employé manifeste
sa disponibilité communicative : dans le corpus francophone, il s’agit de 11 cas des 12 ; dans le
corpus néerlandophone, il y a une pause dans les 3 cas.11
Or, il y a un exemple du corpus francophone dans lequel il y a une manifestation de la
disponibilité communicative qui n’est pas une pause, mais un appellatif (l’extrait 2).
Remarquons que la réalisation de l’appellatif et la demande d’information du visiteur sont
réalisées en chevauchement.12
Extrait 2 : schéma (2) FR
C1 : bonjour
V1 : bonjour
V2 : bonjour
V2 : bonjour madame
10
Pour les conventions de transcription, voir annexe 1. 11
Nous avons critiqué cette composante de pause dans la classification de Möller (2000) vu que la
signification de cet élément reste un peu vague : en effet, on ne peut jamais retracer la cause de la pause
produite. Nous avons néanmoins décidé d’inclure cette marque parce qu’elle peut, selon nous, bel et bien
être une manifestation de la disponibilité communicative de l’employé et ainsi notre classification est la
plus exhaustive possible. 12
Le chevauchement est marqué par l’insertion de crochets ‘[‘ alignés verticalement au début du
chevauchement.
40
V2 : [on vient d’un autre office de tourisme pour la place du cyclocross on nous a dit que c’est ici ?
C1 : [monsieur
C1 : oui
Corpus FR conversation 37
L’appellatif « monsieur » est utilisé par l’employé pour manifester sa disponibilité
communicative envers le client. Ceci est important, car nous avons également inclus les
appellatifs comme élément au sein de l’acte de la prise de contact (et non seulement comme
élément dans l’acte de la manifestation de la disponibilité communicative) (cf. infra).
(3) Absence de prise de contact par l’employé et par le visiteur ; absence de manifestation
de la disponibilité communicative
Ce scénario présente les conversations dans lesquelles il n’y a pas d’ouverture du tout. Nous
les discuterons de manière plus détaillée sous 2.3.2.1.3. (absence d’ouverture), mais il est déjà
clair qu’une telle absence est plus présente dans le corpus francophone (12,5%) que dans le
corpus néerlandophone (5%).
(4) Absence de prise de contact par l’employé et par le visiteur ; présence explicite de
manifestation de la disponibilité communicative
L’absence de la prise de contact de la part des employés peut être compensée par la
présence d’une manifestation de la disponibilité communicative. Ceci est seulement applicable
au corpus francophone (2 occurrences). Voici un extrait du corpus :
Extrait 3 : schéma (4) FR
E1 : je peux vous aider madame ?
V1 : oui euh je reviens pour avoir des X plusieurs des X en anglais madame de (.) la X a téléphoné
Corpus FR conversation 6
Il n’y a donc pas de prise de contact, ni de l’employé, ni du visiteur, mais il y a bel et bien
une manifestation de la disponibilité communicative de la part de l’employé. Cette
manifestation s’est produite par le biais de ce que Möller (2000 : 121) appelle « une question
rituelle ».
41
(5) Présence de prise de contact par l’employé, absence de prise de contact par le visiteur ;
absence de manifestation de la disponibilité communicative + (6) absence de prise de
contact par l’employé, présence de prise de contact par le visiteur ; absence de
manifestation de la disponibilité communicative
Nous traitons le cinquième et le sixième scénario ensemble parce qu’il n’y a pas une
manifestation de la disponibilité communicative. La prise de contact est présente, mais soit
l’employé, soit le visiteur prend contact.
Le cinquième scénario (pas de prise de contact du visiteur et pas de manifestation de la
disponibilité communicative), semble être une caractéristique des néerlandophones belges : ce
scénario représente 15% du total des situations d’ouverture, ce qui est un pourcentage non
négligeable. Regardons l’extrait ci-dessus.
Extrait 4 : scénario (5) NL
E1 : goeiedag mevrouw
V1 : mogen er hier flyers gelegd worden ?
Corpus NL conversation 36
Le visiteur pose immédiatement sa question sans prendre le temps de saluer l’employé. Les
autres 5 exemples du corpus qui présentent ce schéma, ont tous la même forme : il s’agit chaque
fois d’un visiteur qui pose immédiatement sa demande ou sa requête. Nous n’avons rencontré
qu’une fois ce scénario dans le corpus francophone.
Les cas dans lesquels l’employé ne prend pas contact et dans lesquels il n’y a pas non plus
une manifestation de la disponibilité communicative (scénario 6), sont extrêmement rares. Dans
chaque corpus nous n’avons trouvé qu’un exemple. Voici l’exemple du corpus francophone :
Extrait 5 : schéma (6) FR
V1 : bonjour juste une petite question le musée Saint-Georges c’est où exactement ?
E1 : le BAL le musée des beaux-arts ?
V1 : oui
Corpus FR conversation 23
Dans l’extrait 5, le visiteur pose immédiatement sa question après avoir salué l’employé. Il
n’a donc pas la possibilité de saluer le visiteur parce que celui-ci est tellement vite avec sa
demande d’information.
42
(7) Absence de prise de contact par l’employé, présence de prise de contact par le visiteur ;
présence de manifestation de la disponibilité communicative + (8) présence de prise de
contact par l’employé, absence de prise contact par le visiteur ; présence de manifestation
de la disponibilité communicative
Le scénario (7) et le scénario (8) peuvent également être traités ensemble : dans ces
scénarios, il y a toujours la manifestation de la disponibilité communicative de l’employé et soit
l’employé soit le visiteur ne prend pas contact.
Quant au scénario (7), où l’employé ne prend pas contact, il n’y a qu’un exemple dans tout
le corpus (l’extrait 6).
Extrait 6 : scénario (7) FR
V1 : bonjour je fais partie de la X une organisation [concernant les X
E1 : [hmm
V1 : le 5 décembre à la cathédrale je peux mettre une affiche et déposer quelques flyers ?
Corpus FR conversation 8
Nous considérons la production de « hmm » comme une sorte de manifestation de la
disponibilité communicative : ce régulateur marque l’écoute et l’attention de l’employé (Béal
2010 : 113). Cependant, ce régulateur n’a pas encore de place dans la classification que nous
avons adoptée : ce n’est ni une question rituelle, ni un appellatif et ni une pause, raison pour
laquelle nous ajoutons la catégorie autre à notre classification (cf. infra).
Le scénario (8) (sans prise de contact du visiteur) est seulement repéré dans le corpus
néerlandophone avec une fréquence de 6 occurrences, ce qui correspond à 15% du total.
Extrait 7 : scénario 8
E1 : dag
V1 : hebt gij een kaartje van Oostende ?
Corpus NL conversation 19
L’employé prend donc contact avec le visiteur, mais cet acte n’est pas réciproque. Il est
remarquable que ce scénario se soit seulement produit en Flandre. Ce phénomène est donc, sur
la base de notre corpus, une caractéristique que nous pouvons attribuer aux néerlandophones.
En résumé, les paragraphes qui précèdent ont mis en lumière les différents scénarios en ce
qui concerne la séquence de l’ouverture dans notre corpus. Pour chaque langue, le scénario de
« prise de contact de l’employé + prise de contact du visiteur + absence d’une manifestation de
la disponibilité communicative » est le plus fréquent. Cependant, quelques grandes différences
entre les néerlandophones et les francophones belges se sont fait remarquer.
43
Premièrement, la présence de tous les paramètres (prise de contact de l’employé et du
visiteur + la manifestation de la disponibilité communicative) est assez fréquente dans le corpus
francophone (30%) tandis que c’est plutôt rare dans le corpus néerlandophone (7,5%). Or, il ne
faut pas oublier que la plupart de ces manifestations de la disponibilité communicative se sont
produites sous la forme d’une pause et c’est exactement une des composantes que nous avons
critiquée dans l’état de la question.
Deuxièmement, nous avons vu que les visiteurs flamands semblent être plus directs que
leurs compatriotes francophones : ainsi, le visiteur ne prend dans 30% des conversations pas
contact avec l’employé, c’est-à-dire qu’il pose donc immédiatement sa question. Dans le corpus
francophone, en revanche, ce n’est que dans 7,5% des conversations.
Troisièmement, il est ressorti du corpus que l’absence d’une prise de contact de la part de
l’employé est vraiment très marquée dans chaque langue. Or, en Flandre ceci semble être encore
plus marqué qu’en Wallonie (2,5% NL vs. 10% FR).
2.3.2.1.2. Le déclencheur
Kerbrat-Orecchioni (2008: 111) a constaté que ce sont surtout les employés qui entament la
conversation en site commercial. Cette observation est confirmée par les résultats de notre
corpus : en effet, les employés commencent dans la plupart des cas l’interaction verbale. Il est
remarquable que les résultats sont tout à fait identiques dans les deux corpus: l’employé
déclenche l’interaction dans 60% des cas
# NL % NL # FR % FR
Employé 24 60% 24 60%
Visiteur 16 40% 16 40%
Total 40 100% 40 100%
Tableau 2 : Qui commence l’interaction ?
2.3.2.1.3. Absence d’ouverture
Comme nous l’avons vu, dans la plupart des cas l’interaction commence par une séquence
d’ouverture. Cependant, nous avons rencontré quelques conversations dans lesquelles une telle
séquence n’est pas présente. Dans le corpus néerlandophone, il s’agit de 2 conversations (5% du
total) et dans le corpus francophone, il s’agit même de 5 conversations (12,5%). Afin de
découvrir les raisons pour ce constat, il faut que ces conversations soient examinées de plus
44
près. En outre, ce que tous les extraits sans ouverture ont en commun, c’est que chaque fois le
visiteur entame la conversation
Premièrement, il est possible que la séquence d’ouverture ne se soit pas produite parce que
la conversation s’est déroulée à un moment où il y avait beaucoup de monde. L’extrait 8 du
corpus néerlandophone présente une telle situation. Comme les visiteurs faisaient la queue, il
était possible de suivre la conversation du visiteur qui précède. La dame de cet extrait avait sans
doute entendu la conversation du visiteur avant elle qui portait également sur l’exposition
Musee. Ceci explique pourquoi l’ouverture reste probablement absente : elle se base sur la
conversation précédente, visible par l’emploi du mot « ook ».
Extrait 8
V1 : wij willen ook zo’n boekje van Musee alstublieft
E1 : ja
E1 : das zeven euro alstublieft
Corpus NL conversation 15
L’autre conversation néerlandophone sans séquence d’ouverture s’est également réalisée à
un moment où il y avait beaucoup de monde.13
Tournons-nous maintenant vers les conversations du corpus francophone qui ne comportent
pas de séquence ouvrante. Les raisons pour lesquelles les séquences d’ouverture ne se sont pas
produites, ne sont pas tout à fait claires. Nous l’illustrons par un exemple (l’extrait 9).
Extrait 9
V1 : euh je je voulais me renseigner de de prendre le bateau ici et euh on m’a dit que c’est que c’est
pas (inaud.)
E1 : les informations ?
V1 : oui
Corpus FR conversation 9
Il s’agit dans cet extrait de deux filles qui voulaient aller à Maastricht en bateau. Elles ont
simplement opté, probablement inconsciemment, pour poser leur question immédiatement sans
prendre d’abord contact avec l’employé. Ceci montre qu’il n’est pas toujours facile de retracer
les causes de l’absence d’une séquence ouvrante.
Après cet aperçu général à propos de l’ouverture, nous pouvons passer à l’analyse des deux
actes de langage distingués dans notre classification, à savoir la prise de contact (2.3.2.2.) et la
manifestation de la disponibilité communicative (2.3.2.3.).
13
La conversation 3.
45
2.3.2.2. La prise de contact
La prise de contact est le premier acte de langage distingué par Möller (2000). Nous avons
réparti cette section en quatre parties. Dans un premier temps, nous regarderons les prises de
contact au niveau macro (2.3.2.2.1.) pour ensuite examiner le niveau micro (2.3.2.2.2.). La
réciprocité (2.3.2.2.3.) et la multiplication (2.3.2.2.4.) des prises de contact sont les deux autres
thèmes qui seront abordés dans la suite.
2.3.2.2.1. Macro-niveau
La prise de contact est le premier acte de langage dans la séquence d’ouverture distingué
par Möller (2000). Au sein de cette catégorie, il y a différentes possibilités de prendre contact
avec l’autre interlocuteur (cf. Kerbrat-Orecchioni 2008a):
a. Une salutation Bonjour
b. Une salutation + un appellatif Bonjour mademoiselle
c. Une question de salutation Madame Dupont vous allez bien?
d. D’autres types d’énoncés Voilà la jeune fille du quartier qu’arrive
e. Un simple terme d’adresse14
Madame
Nous avons examiné ceci pour nos deux corpus. Le graphique ci-dessous représente les
résultats pour le corpus francophone.
Graphique 1 : La prise de contact des francophones
14
Elément distingué par Kerbrat-Orecchioni (2008a).
35
2
0
0
0
33
4
0
0
0
68
6
0
0
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80
une salutation
une salutation + un appellatif
une question de salutation
d'autres types d'énoncés
un simple terme d'adresse
La prise de contact des francophones
total
visiteur
employé
46
Comme le graphique le montre, seules deux catégories de la classification sont présentes
dans notre corpus, à savoir « une salutation + un appellatif » (« bonjour madame ») et « une
salutation » (« bonjour »).
Les salutations ont une nette majorité. Lorsqu’il y a une prise de contact, on a dans 91,89%
des cas affaire à une salutation. Dans 8,12% il s’agit alors d’une salutation avec un appellatif.
Cette préférence pour les salutations dites simples se manifeste à la fois chez les visiteurs et
chez les employés, ce qui confirme la recherche de Kerbrat-Orecchioni (2008a : 111).
Comparons maintenant ces données à celles du corpus néerlandophone.
Graphique 2 : La prise de contact des néerlandophones
Conformément aux résultats des francophones, les néerlandophones optent également pour
une salutation dite « simple » pour prendre contact avec l’interlocuteur (90,78%). L’emploi
d’une salutation avec un appellatif est plutôt rare (9,52%). À nouveau, les employés et les
visiteurs se comportent donc de la même manière quant au choix du type pour prendre contact.
Bref, au macro-niveau de la prise de contact il n’y a pas vraiment des différences entres les
francophones et les néerlandophones.
2.3.2.2.2. Micro-niveau
Toutefois, en regardant le micro-niveau, nous constatons qu’il y a bel et bien des écarts
entre les deux groupes de langues. Les différences se situent au niveau des salutations: la
salutation dans le corpus francophone est incontestablement « bonjour », il n’y a pas de
31
5
0
0
0
26
1
0
0
0
57
6
0
0
0
0 10 20 30 40 50 60
une salutation
une salutation+ un appellatif
une question de salutation
d'autres types d'énoncés
un simple terme d'adresse
La prise de contact des néerlandophones
total
visiteur
employé
47
variation possible. Dans le corpus néerlandophone, par contre, il y a plus de variation. Cette
variation est représentée dans le graphique ci-dessous.
Graphique 3 : Paradigme de salutations dans l’ouverture (NL)
Il paraît que les néerlandophones, comparés aux francophones, disposent d’un éventail plus
riche de salutations. Ainsi, ils ont fait appel à 6 formes différentes. De toutes ces possibilités, la
variante « goeiedag » est la forme la plus fréquente : elle présente plus de la moitié des
salutations (53,79%).
En outre, c’est nettement la forme préférée par les employés, mais également pour les
visiteurs. Les visiteurs de leur côté, font régulièrement appel à d’autres formes comme
« goeiemiddag », « goeiemorgen », « goeienavond », « dag » et « hallo ».
Les trois premières formes énumérées ci-dessus, sont entièrement dépendantes du moment
de la visite. Un visiteur qui vient au bureau vers 16h, ne va évidemment jamais dire
« goeiemorgen ». A ce point, la forme « dag » semble être plus neutre parce qu’elle est
indépendante du moment de la visite. Cependant, il n’a que 5 occurrences de « dag ».
Comparons un extrait qui contient la forme « dag » à un extrait qui comporte la forme
prototypique « goeiedag ».
Extrait 10
E1 : goeiedag
V1 : dag
V2 : het Musee welke richting is dat uit ?
Corpus NL conversation 24
Extrait 11
E1 : goeiedag
3
23
8
2 0 0
5
11
3 3 4 1
8
34
11
5 4 1
0
5
10
15
20
25
30
35
40
Paradigme des salutations dans l'ouverture (NL)
employé
visiteur
total
48
V1 : goeiedag euh wij hebben de kaarten van de tentoonstelling (.) maar euhm […]
Corpus NL conversation 23
Sur la base du contexte, il semble qu’il n’y a pas de différence au plan sémantique entre les
deux salutations « goeiedag » et « dag ». Toutefois, c’est la forme de « goeiedag » qui est
préférée par les locuteurs.
Une autre forme que nous avons rencontrée à travers le corpus, est « hallo » (4
occurrences). Regardons un extrait.
Extrait 12
E1 : goeiedag
V1 : hallo ‘k heb een vraagje kunde hier ook tickets krijgen voor het Musee of is dat alleen in het euh
Corpus NL conversation 13
Il est important de souligner que la forme « hallo » est toujours réalisée par le visiteur. C’est
un emploi que nous ne retrouvons pas chez les employés parce que c’est une forme qui est
plutôt utilisée dans des conversations informelles. En outre, « hallo » est chaque fois suivi
immédiatement par une question du visiteur si bien que la salutation n’est pas vraiment
accentuée : elle ne se retrouve pas isolée dans un énoncé.
Cependant, la forme informelle français « salut » n’est jamais apparue dans le corpus
francophone.
2.3.2.2.3. Réciprocité des prises de contact
L’autre aspect qui ressort de la micro-analyse des données, est que les francophones et les
néerlandophones diffèrent sur le plan de la fréquence de la prise de contact dans une interaction.
De cette manière, nous avons distingué 3 situations.
Premièrement, il se peut que les locuteurs produisent (I) une prise de contact réciproque :
celui-ci veut dire qu’à la fois l’employé et le visiteur, se saluent et prennent contact.
Extrait 13
E1 : bonjour
V1 : bonjour je voudrais savoir quand sont organisées les visites guidées au musée Saint-Georges
Corpus FR conversation 11
Deuxièmement, il est possible que (II) la prise de contact ne soit pas réciproque : soit le
visiteur ne prend pas contact, soit c’est l’employé qui se tait. Dans l’extrait 14, c’est le visiteur
qui ne salue pas.
49
Extrait 14
E1 : dag mevrouw
V1 : mag ik mag ik de fietsroute alstublieft.
Corpus NL conversation 8
Troisièmement, (III) l’ouverture peut également être absente. Dans le corpus
néerlandophone, il s’agit de 2 conversations qui n’ont pas d’ouverture et dans le corpus
francophone c’est le cas dans voire 7 conversations.
Ainsi nous obtenons le tableau suivant qui est établi sur la base des chiffres absolues (sur
40, le nombre total de conversations).
FR NL
Prise de contact réciproque 30 25
Prise de contact non réciproque 3 13
- pas de réponse du visiteur 1 11
- pas de réponse de l’employé 2 2
Rien : pas d’ouverture 7 2
Tableau 3 : La prise de contact : réciprocité (NL/FR)
En général, la prise de contact réciproque est la situation prototypique dans les deux corpus.
Or, les francophones belges prennent plus systématiquement contact en comparaison des
néerlandophones. Ainsi, 30 des 40 conversations (75%) francophones présentent cette
réciprocité alors que dans le corpus néerlandophone il s’agit de 25 conversations (62,5%).
Dans le corpus néerlandophone, il y a plus de cas dans lesquels la prise de contact n’est pas
réciproque et ceci est surtout dû au comportement du visiteur. Au total, il s’agit de 13
conversations où la salutation n’est pas réciproque. Dans 11 des 13 cas, c’est le visiteur qui ne
salue pas l’employé. Dans toutes ces conversations, nous avons toujours affaire à une question
ou à une requête directe de la part du visiteur.
Dans le corpus francophone, par contre, il n’y a que 3 conversations où la prise de contact
n’est pas réciproque. La prise de contact non réciproque semble donc être plus marquée en
français que c’est le cas en néerlandais.
50
2.3.2.2.4. Multiplication des prises de contact
Pour terminer, nous avons constaté une autre différence par rapport à la prise de contact
entre les deux groupes de langues. Ainsi, les locuteurs francophones prennent parfois plus d’une
fois contact : une première fois après l’ouverture de la porte et une deuxième fois devant le
comptoir. Quatre conversations francophones de notre corpus présentent cette situation (l’extrait
15).
Extrait 15
E1 : bonjour
V1 : bonjour
V1 : bonjour
E1 : bonjour
V1 : excusez-moi c’est la première fois […]
Corpus FR conversation 40
Cela nous rappelle l’étude de Béal (2010 : 21) qui a remarqué que les salutations chez les
Français ont lieu immédiatement après l’ouverture de la porte. Sur ce plan, les francophones
belges se rapprochent donc des Français.
Par ailleurs, comme les employés francophones se trouvent plus proches l’un à l’autre, ils
prennent parfois tous contact avec le(s) visiteur(s). Ceci est apparu 4 fois des 40 conversations
et une telle situation est entièrement absente dans le corpus néerlandophone, ce qui est bien sûr
dû à la disposition des lieux. L’extrait 16 illustre une telle situation.
Extrait 16
E1 : bonjour
V1 : bonjour
E2 : bonjour
V1 : on a ces ces tickets ici à l’entrée du musée X pour voir une exposition mais je X par où ?
Corpus FR conversation 27
Nous offrons finalement quelques moyennes globales qui concernent la prise de contact (le
tableau 4). Nous avons calculé deux types de moyennes : les moyennes par personne d’une part
et les moyennes par conversation d’autre part.
Dans ce premier type, nous avons tenu compte du nombre de locuteurs au total des
conversations vu que cela diffère pour les deux corpus. Ainsi, dans le corpus néerlandophone,
nous avons enregistré 102 personnes différentes (dont 62 visiteurs et 40 employés) à l’inverse
du corpus francophone où il y avait au total 100 locuteurs (dont 50 visiteurs et 50 employés).
51
A propos du deuxième type de moyenne, nous avons calculé tout par rapport au nombre
total de conversations (40).
Moyennes NL FR
# composantes de la prise de contact par personne
Visiteur 0,44 0,74
Employé 0,90 0,74
Total 0,62 0,74
# composantes de la prise de contact par conversation
Visiteur 0,68 0,93
Employé 0,90 0,93
Total 1,76 1,85
Tableau 4 : Les moyennes des composantes de la prise de contact
Les francophones obtiennent à tous les niveaux une moyenne plus élevée que les
néerlandophones, à l’exception de la moyenne des employés calculée par personne.
Ces chiffres plus élevés sont sans doute dus au fait que les francophones se saluent parfois
plus d’une fois. Cependant, ce sont des différences infimes entre les deux groupes de langues.
2.3.2.3. La manifestation de la disponibilité communicative
La manifestation de la disponibilité communicative est le deuxième acte de langage
distingué par Möller (2000). Cet acte reflète uniquement le point de vue de l’employé. Dans
2.3.2.3.1., nous regarderons dans un premier temps les résultats de l’application de la
classification à notre corpus. Nous constaterons qu’il y a des manifestations communicatives
qui ne vont pas dans cette classification. Celles-ci seront examinées dans la partie autre
(2.3.2.3.2.).
2.3.2.3.1. Distribution générale
La manifestation de la disponibilité communicative est absente dans la majorité des
conversations. Si elle est présente, elle se présente surtout sous la forme d’une pause.15
15 La composante de la pause a été critiquée. Ainsi, Möller (2000) reste un peu vague en ce qui concerne
la délimitation de ce terme. Nous avons souligné qu’une pause peut être remplie par différentes situations.
Cependant, il se peut bien sûr bel et bien produire une pause de la part de l’employé qui a vraiment pour
but d’être une manifestation de la disponibilité communicative.
52
Nous illustrons les possibilités de la manifestation de la disponibilité communicative dans
les graphiques 4 et 5.
Graphique 4 : La manifestation de la disponibilité communicative FR
Graphique 5 : La manifestation de la disponibilité communicative NL
Ce qui est sûr, c’est que l’absence de cet acte n’est pas marquée dans les deux langues,
mieux encore, c’est plutôt normal. La pause occupe dans chaque corpus la deuxième place.
Nous ne donnons pas d’exemples d’extraits dans lesquels la manifestation de la disponibilité
communicative s’est produite par une pause parce que cette pause peut également être due à une
autre raison que l’expression de cette disponibilité communicative (cf. note en bas de page p.
50).
2% 2%
28%
5%
63%
La manifestation de la disponibilité communicative FR Des questions rituelles Un seul appellatif Une pause Autre Rien
0% 2%
17%
3%
78%
La manifestation de la disponibilité communicative NL
Des questions rituelles Un seul appellatif Une pause Autre Rien
53
Les emplois des questions et des appellatifs sont plutôt rares dans les deux langues. De
manière plus précise, nous avons rencontré une question rituelle dans le corpus francophone
(2%) et un emploi d’un appellatif (2%). Dans le corpus néerlandophone, en revanche, nous
n’avons pas rencontré une question rituelle mais l’emploi d’un appellatif est quand même une
fois repéré. En outre, dans chaque langue nous avons rencontré des cas qui n’avaient pas de
place dans une des catégories établies par Möller (2000). Nous les avons regroupés sous la
catégorie autre (cf. infra).
Pour ce qui est des appellatifs, rappelons que nous avons deux fois inclus cette composante
dans la classification de l’ouverture: d’une part dans (I) l’acte de la prise de contact (cf.
Kerbrat-Orecchioni 2008a), d’autre part dans (II) l’acte de la manifestation de la disponibilité
communicative (cf. Möller 2000).
L’emploi de l’appellatif comme prise de contact n’est pas repéré dans notre corpus à
l’inverse de l’emploi de l’appellatif comme marque de la manifestation de la disponibilité
communicative qui est bel et bien présente dans notre corpus (2%, un exemple dans chaque
corpus).
Regardons l’exemple du corpus francophone (l’extrait 17). L’appellatif « monsieur » est
produit en chevauchement avec la demande d’information de la part du visiteur.
Extrait 17
E1 : bonjour1
V1 : bonjour2
V2 : bonjour3
V2 : bonjour madame
V2 : [on vient d’un autre office de tourisme pour la place du cyclocross on nous a dit que c’est ici ?
E1 : [monsieur
Corpus FR conversation 37
Nous avons déjà discuté cet exemple dans les scénarios possibles (2.3.2.1.1.). Les trois
premiers « bonjours » se sont réalisés après l’ouverture de la porte tandis que « bonjour
madame » de V2 s’est produit devant le comptoir. Ceci reflète ce que nous avons déjà démontré
dans la section de la prise de contact : il arrive souvent que les francophones se saluent
plusieurs fois dans la prise de contact (cf. Béal 2010). L’appellatif « monsieur » est donc
clairement une manifestation de la disponibilité communicative.
L’employé peut également exprimer sa disponibilité communicative par le biais d’une
question rituelle. Ce phénomène n’est pas repéré dans le corpus néerlandophone. Dans le corpus
francophone, par contre, nous avons dénombré un exemple :
54
Extrait 18
E1 : je peux vous aider madame ?
V1 : oui euh je reviens pour avoir des X plusieurs des X en anglais madame de (.) la X a téléphoné
Corpus FR conversation 6
Dans cet extrait il n’y a pas de prise de contact. Cependant, cette absence est compensée par
une manifestation très explicite de la disponibilité communicative de l’employé. Nous n’avons
dénombré qu’un exemple dans notre corpus, mais il n’est donc pas remarquable qu’une telle
question rituelle apparaisse dans une conversation où il n’y a pas de prise de contact.
2.3.2.3.2. Autre
Finalement, pour chaque langue nous avons dû créer une catégorie autre vu que nous avons
rencontré des cas qui n’ont pas de place dans les catégories existantes. Dans le corpus
francophone, il s’agit de 2 cas (5%) et dans le corpus néerlandophone il s’agit d’un cas (3%).
Regardons d’abord les extraits francophones.
Extrait 19
E1 : oui
V1 : euh je voulais savoir si vous avez d’autres livres sur la guerre 14 euh 18
Corpus FR conversation 7
Extrait 20
V1 : bonjour je je fais partie de la X une organisation [concernant les X
E1 : [hmm
V1 : le 5 décembre à la cathédrale je peux mettre une affiche et déposer quelques flyers ?
Corpus FR conversation 8
Dans le premier extrait (l’extrait 19), il n’y a pas de prise de contact. L’employé manifeste
sa disponibilité communicative par le mot « oui » pour montrer qu’il est là pour aider le visiteur.
Dans le deuxième extrait (l’extrait 20), il y a bien une prise de contact de la part du visiteur.
Celui-ci pose immédiatement sa question après la prise de contact de sorte que l’employé n’a
pas le temps de saluer le visiteur. Par contre, l’employé montre qu’il écoute le visiteur par le
biais de « hmm ».
Les mots « hmm » et « oui » sont des « régulateurs » (cf. Béal 2010 et Tobback 2014). Ils
sont définis de la manière suivante : les régulateurs sont de petits mots qui « indiquent l’écoute,
l’attention et l’engagement dans l’interaction. Il sont brefs et ils sont souvent produits en
chevauchement » (Béal 2010 : 113).
55
Selon nous, ce sont donc clairement des manifestations de la disponibilité communicative
comme la définition le montre. Regardons finalement l’exemple dans le corpus néerlandophone
que nous avons étiqueté comme autre.
Extrait 21
E1 : goeiemorgen
E1 : u mag bij mij komen hoor
Corpus NL conversation 6
Dans cet extrait, le visiteur hésitait à venir au comptoir. Probablement, cette hésitation était
due à la présence du chercheur qui se trouvait à côté du comptoir pour enregistrer les
conversations. Cet énoncé n’est pas une question rituelle vu qu’il n’y a pas d’intonation
montante. C’est plutôt une simple annonce pour indiquer que l’employé est prêt à résoudre les
questions du visiteur, raison pour laquelle nous l’avons considérée comme une manifestation de
la disponibilité communicative. Néanmoins, c’est le seul exemple dans le corpus
néerlandophone.
2.3.2.4. Conclusion
Les sections qui précèdent ont mis en lumière le rituel d’ouverture dans les offices du
tourisme belges. En général, l’absence de ce rituel est rare dans nos corpus (5% NL et 12,5%
FR) et conformément à l’étude de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 111), les employés entament
dans la plupart des cas la conversation (60% dans chaque corpus).
Deux actes de langage ont été distingués dans le rituel d’ouverture : la prise de contact
d’une part et la manifestation de la disponibilité communicative d’autre part (Möller 2000).
Ainsi, nous avons fait observer que le scénario le plus fréquent est la présence de la prise de
contact des locuteurs en combinaison avec une absence de la manifestation de la disponibilité
communicative (45% FR et 55% NL).
La salutation dite simple est le procédé favori des locuteurs néerlandophones et
francophones pour prendre contact (91,89% FR et 90,78% NL), ce qui confirme l’étude chez les
Français de Kerbrat-Orecchioni (2008a : 111). Au macro-niveau, les deux groupes de langues se
comportent donc de la même manière.
Or, au micro-niveau il y a bel et bien des différences. Ainsi, il est incontestable que les
néerlandophones disposent d’un éventail plus riche au niveau des salutations, notamment
« goeiedag », « goeiemiddag », « goeiemorgen », « goeienavond », « dag » et « hallo »
contrairement à une forme francophone « bonjour ». La forme « goeiedag » est la forme la plus
neutre en néerlandais (53,79%).
56
Nous avons également constaté que la prise de contact réciproque est la situation
prototypique dans une interaction (75% FR et 62,5% NL) et pour finir, les francophones
peuvent multiplier les prises de contact. Ainsi, 4 des 40 conversations francophones présentent
une telle situation.
En ce qui concerne la manifestation de la disponibilité communicative, nous avons fait
observer qu’elle se présente la plus souvent sous la forme d’une pause (63% FR et 78% NL).
Les questions rituelles (2% FR et absentes dans le corpus NL) et les appellatifs (2% FR et 3%
NL) sont plutôt rares.
Finalement, nous avons dû créer une sous-catégorie autre au sein de la catégorie de la
manifestation de la disponibilité communicative pour y regrouper les exemples qui ne sont ni
une pause, ni un appellatif et ni une question rituelle. Dans le corpus francophone, 5% des
énoncés ont été classés dans cette catégorie. Il s’agissait des régulateurs. Dans le corpus
néerlandophone, 3% des énoncés ont été classés sous autre et il s’agit d’une annonce avec la
signification d’une question rituelle, mais sans l’intonation ascendante.
57
2.3.3. LA CLOTURE
Le programma de l’analyse de la clôture est plus vaste dans la mesure où cinq actes de
langage seront analysées, à savoir les pré-clôtureurs (2.3.3.2.), les salutations (2.3.3.3.), les
vœux (2.3.3.4.), les remerciements (2.3.3.5.) et la catégorie autre (2.3.3.6.). Conformément à
l’analyse de l’ouverture, nous nous penchons d’abord sur quelques données générales (2.3.3.1.).
2.3.3.1. Données générales
Rappelons d’abord la classification que nous avons appliquée à notre corpus :
Clôture : classification finale
1. Pré-clôture : « voilà », « (bon) allez »
2. Echange de salutations : « au revoir »
3. Les vœux : « bonne journée », « bon week-end »
4. Les projets : « à plus tard », « à bientôt »
5. Les remerciements :
a. Expressions directes
i. Formule performative: « je te remercie »
ii. Elliptiquement : « merci »
b. Expressions indirectes
i. Assertion focalisée sur le remercieur (bénéficiaire du cadeau) : expression du
sentiment approprié (gratitude, plaisir, joie) : « je vous suis très reconnaissant »
ii. Assertion focalisée sur le remercié (auteur du cadeau) : éloge : « c’est très gentil à
vous »
iii. Assertion focalisée sur le cadeau lui-même : « c’est superbe »
Réactions aux remerciements
1. Réactions négatives
a. Un enchaînement qui nie l’existence préalable d’une offense et d’un cadeau. De tels
enchaînements sont « contestataires »
b. Les vraies réactions négatives dans lesquelles on refuse d’accepter le remerciement
2. Réactions positives
a. Formule d’avoir effectué avec bon cœur, étant au service d’autrui, l’action bienfaisante : « je
vous en prie »
b. Une minimisation, voire une dénégation du cadeau pour lequel on est remercié (et dont
l’existence n’est contestée qu’un apparence) : « Merci infiniment – Mais c’est bien normal »
Figure 14 : Classification des composantes dans la clôture
58
Avant de passer à l’étude détaillée de chaque composante clôturante, nous offrons d’abord
quelques informations générales. Les données précises pour chaque conversation à propos de la
séquence de clôture se trouvent en annexe 2 .16
(1) Au total, le corpus francophone contient 176 clôtureurs, dont 80 sont produits par les
employés et 96 par les visiteurs. Le corpus néerlandophone contient 123 clôtureurs, dont 52 sont
produits par les employés et 71 par les visiteurs. Du côté néerlandophone, ce sont dont les
visiteurs qui utilisent le plus de clôtureurs.
Avant de tirer des conclusions, il faut toutefois regarder les moyennes vu que le nombre de
participants diffère pour les deux groupes linguistiques (le tableau 5).17
Moyenne de clôtureurs FR NL
Nombre de clôtureurs par conversation: 4,4 3,08
Nombre de clôtureurs par personne: 1,76 1,21
moyenne par employé: 1,60 1,30
moyenne par visiteur: 1,92 1,15
Tableau 5 : Comparaison moyennes FR/NL
En général, nous pouvons conclure que les francophones utilisent nettement plus de
clôtureurs que les néerlandophones par conversation (4,4 vs. 3,08) et cela se confirme également
pour les moyennes par personne (1,76 vs 1,21). Les moyennes confirment en outre ce que nous
avons noté plus haut : dans le corpus francophone, ce sont les visiteurs qui utilisent le plus de
clôtureurs, alors que dans le corpus néerlandophone ce sont les employés qui utilisent le plus de
clôtureurs, mais ces différences sont infimes.
(2) À la suite de Dumas (2008 : 201), nous avons également examiné dans quelle mesure il
y a de la symétrie dans les séquences de clôture. Ainsi, le nombre de clôtureurs peut être
symétrique ou dissymétrique. Les deux groupes de locuteurs du corpus se sont comportés d’une
manière tout à fait pareille : dans chaque corpus, nous avons rencontré dans 10 conversations
une utilisation symétrique du nombre de clôtureurs. En d’autres termes, un quart du corpus
montre de la symétrie dans la séquence de clôture, à l’inverse de trois quarts où il y a une
situation dissymétrique.
(3) Avant de passer aux analyses individuelles de chaque composante clôturante, nous
fournissons encore deux graphiques qui donnent une vue d’ensemble sur la répartition de toutes
les composantes clôturantes dans les deux corpus.
16
Dans les deux tableaux en annexe, toutes les données obtenues des francophones et des
néerlandophones à propos de la clôture sont énumérées. 17 Dans le corpus francophone il y avait 50 visiteurs et 50 employés. Dans le corpus néerlandophone, en
revanche, il y avait 62 visiteurs et 40 employés.
59
Graphique 6 : Paradigme des composantes de la clôture FR
Graphique 7 : Paradigme des composantes de la clôture NL
Même s’il faut tenir compte que le nombre de locuteurs diffère légèrement pour chaque
corpus (100 au total pour le corpus francophone et 102 pour le corpus néerlandophone), les
graphiques montrent déjà quelques grandes tendances. En général, il est clair que toutes les
composantes de la clôture sont plus fréquentes dans le corpus francophone que dans le corpus
néerlandophone.
Dans ce qui suit, nous passerons à l’étude des composantes individuelles de la clôture : nous
traiterons successivement les pré-clôtureurs (2.3.3.2.), les salutations (2.3.3.3.), les vœux
(2.3.3.4.) et les remerciements (2.3.3.5.). Finalement nous avons encore créé une catégorie autre
(2.3.3.6.) consacrée aux projets (très rares dans nos corpus) et à quelques cas exceptionnels.
0 10 20 30 40 50 60 70 80
pré-clôtureurs
salutations
voeux
remerciements
projets
autre
pré-clôtureurs
salutations voeuxremercieme
ntsprojets autre
Total 41 51 13 70 0 1
Visiteur 22 21 8 45 0 0
Employé 19 30 5 25 0 1
Paradigme des composantes de la clôture FR
Total
Visiteur
Employé
0 10 20 30 40 50 60
pré-clôtureurs
salutations
voeux
remerciements
projets
autre
pré-clôtureurs
salutations
voeuxremercie
mentsprojets autre
Total 36 28 3 54 1 1
Visiteur 19 11 2 39 0 0
Employé 17 17 1 15 1 1
Paradigme des composantes de la clôture NL
Total
Visiteur
Employé
60
2.3.3.2. Les pré-clôtureurs
2.3.3.2.1. Préférence des locuteurs
Premièrement, nous avons examiné la fréquence des pré-clôtureurs utilisés dans nos deux
corpus. Les résultats sont représentés dans les graphiques ci-dessus. Au total, nous avons
dénombré 41 pré-clôtureurs dans le corpus francophone (dont 19 de l’employé et 22 du visiteur)
et 36 dans le corpus néerlandophone (dont 17 de l’employé et 19 du visiteur).
Graphique 8 : Paradigme des pré-clôtureurs FR
Graphique 9 : Paradigme des pré-clôtureurs NL
Les graphiques ci-dessus permettent de voir que les néerlandophones disposent d’un
éventail plus riche de pré-clôtureurs : ainsi, nous avons dénombré 11 types différents tandis que
dans le corpus francophone il n’y en a que 8.
0
2
4
6
8
10
12
14
16
Paradigme des pré-clôtureurs FR
EMPLOYE
VISITEUR
TOTAL
0
2
4
6
8
10
12
14
16
Paradigme des pré-clôtureurs NL
EMPLOYE
VISITEUR
TOTAL
61
En outre, il est clair que chaque langue a un pré-clôtureur préféré : pour le français, c’est le
mot « voilà » (34,15%) et pour le néerlandais c’est le mot « oké » (41,67%). Cependant, il faut
bien distinguer les rôles (employé/visiteur) dans l’interaction parce que le choix du pré-
clôtureur diffère selon la fonction du locuteur dans l’interaction. Ainsi, pour le corpus
francophone, la forme préférée de l’employé est « voilà » (42,11%) mais pour le visiteur c’est la
forme « oké » (même si la différence avec « voilà » est minime, cf. infra). En ce qui concerne le
corpus néerlandophone, l’employé n’a pas vraiment un pré-clôtureur préféré : « oké ? »
(23,53%) et « goed ? » (23,53%) sont employés aussi fréquents (4 fois chacun).
Il est intéressant de faire observer que ces pré-clôtureurs néerlandais prennent une forme
interrogative, donc avec une intonation montante. Par contre, le pendant francophone « voilà »
n’est pas interrogatif. Au total, 9 pré-clôtureurs des 17 (i.e. 52,94%) utilisés par les employés
néerlandophones prennent la forme interrogative (« oke ? », « goed ? » ou « ja ? »), à l’opposé
des employés francophones qui n’utilisent que 3 fois une forme interrogative sur un total de 19
pré-clôtureurs (« ça va ? », i.e. 15,79%).
Regardons, en guise d’illustration, les extraits 22 et 23. Le premier extrait (l’extrait 22)
provient du corpus néerlandophone où une femme a demandé le plan d’un circuit cyclotouriste.
Le deuxième extrait (l’extrait 23) est issu du corpus francophone où un couple vient de
demander un plan de Liège. Nous avons souligné dans chaque extrait les pré-clôtureurs.
Extrait 22
E1 : goed ?
V1 : ja
E1 : zo
E1 : alstublieft
V1 : danku
Corpus NL conversation 8
Extrait 23 :
E1 : voilà
V2 : merci
V1 : merci
V1 : au revoir
E1 : au revoir
V1 : au revoir
Corpus FR conversation 12
Il y a beaucoup d’exemples dans le corpus néerlandophone qui sont analogues à celui du
premier extrait: les employés flamands veulent être sûrs si les visiteurs ont demandé tous ce
62
qu’ils voulaient, ce qui explique la forme interrogative « goed ? ». Le marqueur « voilà » dans
le corpus francophone a, selon nous, pas la même signification. C’est une sorte de fin de ce que
l’employé vient de présenter tandis que la forme interrogative « goed ? » est plutôt orientée plus
vers le visiteur.
En ce qui concerne les visiteurs, les néerlandophones et francophones font le plus souvent
recours au même pré-clôtureur, à savoir « oké » (68,42%). Hormis ce marqueur « oké », les pré-
clôtureurs « (heel) goed », « ja », « voilà » et « ça va » sont également utilisés mais avec une
fréquence plus basse. Regardons l’extrait 24.
Un homme a rendu visite à l’office de tourisme de Louvain pour obtenir plus d’information
sur le Vesialiuswandeling. Après d’avoir acheté le plan de promenade, la conversation finit de la
manière suivante :
Extrait 24
V1 : oké dankuwel
E1 : oké ?
E1 : alstublieft
V1 : daag
Corpus NL conversation 29
La séquence de clôture est donc déclenchée par le biais du pré-clôtureur « oké ».
Remarquons que l’employé utilise à nouveau le pré-clôtureur interrogatif (« oké ?»).
Les visiteurs francophones, de leur côté, n’ont pas une nette préférence pour un certain pré-
clôtureur : la différence entre « voilà » et « oké » est minime avec 7 occurrences pour « oké »
(31,82%) et 6 occurrences pour « voilà » (27,27%). Les autres pré-clôtureurs rencontrés chez
les visiteurs francophones sont « ça va », « allé », « bon » et « d’accord », mais avec une
fréquence très basse (respectivement 4, 2, 1 et 2 sur 22).
2.3.3.2.2. Nombre de pré-clôtureurs
La séquence de clôture n’est pas nécessairement limitée à la présence d’un seul pré-
clôtureur. L’extrait 22 ci-dessus a montré la présence de deux pré-clôtureurs, à savoir « goed ? »
et « zo ». Les occurrences de pré-clôtureurs peuvent monter à un chiffre assez élevé. Les deux
extraits ci-dessous le prouvent :
Extrait 25
E1 : d’accord oké ça va très bien merci beaucoup
V1 : merci
63
E1 : au revoir
Corpus FR conversation 32
Extrait 26
E1 : ah oké in orde
V1 : bedankt
E1 : tot straks
Corpus NL conversation 20
Dans l’extrait 25 du corpus francophone, l’employé a utilisé quatre pré-clôtureurs dans un
seul énoncé. Dans l’extrait 26 du corpus néerlandophone, l’employé en utilise deux.
De manière plus générale, nous avons observé que le nombre de pré-clôtureurs s’élève à
deux pour les locuteurs dans tout le corpus. Cependant, il y a des exceptions. Ainsi, dans le
corpus francophone il y a une conversation dans laquelle 4 préclôtureurs sont utilisés par un
seul visiteur, ce qui est très exceptionnel (l’extrait 25).
En guise de résumé, il y a donc bel et bien des différences dans l’usage des pré-clôtureurs
entre les Flamands et les Wallons. De manière générale, chaque groupe de langue a un pré-
clôtureur favori : pour les néerlandophones, c’est le mot « oké » tandis qu’il s’agit de la forme
« voilà » pour les francophones.
Toutefois, il faut bien distinguer les fonctions dans la conversation car le choix du pré-
clôtureur dépend de ce rôle. Ainsi, le pré-clôtureur favori des employés francophones est
« voilà », ce qui diffère de ceux des employés néerlandophones (« oké ? » et « goed ? »). C’est
une différence entre les deux groupes de langues que nous avons soulignée: le marqueur
« voilà » indique simplement le point de vue de l’employé, marquant une sorte de conclusion de
sa propre présentation des informations. Les pré-clôtureurs « oké ? » et « goed ?» des
néerlandophones, en revanche, sont d’une nature différente à cause de leur intonation montante :
ainsi, ils s’axent davantage sur le point de vue du visiteur.
En ce qui concerne les pré-clôtureurs des visiteurs, les résultats sont plus comparables. En
général, les visiteurs néerlandophones et francophones font le plus souvent recours au mot
« oké ». Cependant, dans le corpus néerlandophone, ce pré-clôtureur est clairement la forme
préférée tandis que la différence avec les autres pré-clôtureurs est plus petite dans le corpus
francophone.
64
2.3.3.3. Les salutations
2.3.3.3.1. Absence d’échange de salutations
L’échange de salutations est selon Hmed (2000) et Kerbrat-Orecchioni (2008a) l’acte
central dans la séquence de clôture. En effet, l’échange de salutations apparaît dans beaucoup de
conversations dans notre corpus. Toutefois, l’absence d’un tel échange s’avère plus marqué
dans le corpus francophone que dans le corpus néerlandophone. En effet, seules 11
conversations dans le corpus francophone ne comportent pas un échange de salutations (27,5%).
Dans le corpus néerlandophone, par contre, il s’agit de 21 conversations (52%) : plus de la
moitié des conversations néerlandophones se sont donc produites sans un échange de
salutations.
Evidemment, ceci ne signifie pas qu’il n’y a pas de clôture du tout : il se peut que d’autres
composantes de la clôture soient bel et bien présentes comme des pré-clôtureurs, des
remerciements, des vœux ou même des projets.
Regardons d’abord un exemple du corpus francophone. Deux femmes ont des tickets pour
une exposition dans un musée et elles demandent le chemin. Après que l’employé a expliqué le
chemin, tout est dit et la conversation se finit de la manière suivante :
Extrait 27
V1 : ça va
E1 : ça va ?
V2 : merci
V1 : merci
E1 : je vous en prie
Corpus FR conversation 27
On ne voit donc pas des échanges de salutations, mais il y a bien des pré-clôtureurs (« ça
va » et « ça va ? »), des remerciements (« merci ») et une réaction de l’employé à ces
remerciements (« je vous en prie »). Il est donc clair que les salutations ne sont pas absolument
nécessaires pour finir une interaction.
L’extrait suivant est un exemple dans lequel l’employé néerlandophone n’exprime aucun
clôtureur pour finir la conversation si bien que le visiteur ne salue pas non plus. Ceci s’est
produit 8 fois dans le corpus néerlandophone contre seulement 3 fois dans le corpus
francophone. Comme l’extrait 28 le montre, l’employé n’utilise aucun marque de clôture. De la
part du visiteur, par contre, il y a un remerciement.
65
Extrait 28
V1 : das gratis ?
E1 : das gratis
V1 : oh dankuwel
Corpus NL conversation 4
Toutefois, il faut savoir que cette conversation s’est déroulée à un moment où il y avait
beaucoup de monde. Il y a avait une file d’attente de sorte que les visiteurs pouvaient
immédiatement attaquer l’employé avec leur demande d’information ou leur requête dès que la
conversation précédente était finie. Cela peut expliquer le manque de clôture ou de salutations
dans certains cas. Les éléments contextuels jouent donc certainement un rôle dans la production
des actes de langage.
Même si c’est une composante souvent présente dans nos corpus, l’échange de salutations
ne semble donc pas une composante aussi essentielle pour les Belges que comme pour les
Français (cf. Kerbrat-Orecchioni 2008a et Hmed 2008): la clôture peut bien se réaliser par le
biais d’autres composantes. Or, dans certains cas ces composantes sont également absentes,
mais ceci s’explique surtout par des éléments contextuels.
2.3.3.3.2. L’éventail des salutations
Une autre différence entre les néerlandophones et les francophones, concerne les types de
salutations clôturantes. Les locuteurs francophones ne font appel qu’à un type, à savoir « au
revoir » : ils n’ont pas d’autres possibilités. Les conversations francophones finissent donc
presque toujours comme le montre l’extrait 29. L’employé vient d’expliquer à un visiteur le
chemin et la conversation finit de la manière suivante :
Extrait 29
V1 : merci
E1 : de rien au revoir
V1 : au revoir
Corpus FR conversation 19
La seule possibilité de variation, c’est l’ajout d’un appellatif tel que « madame » ou
« monsieur », mais ce procédé est plutôt rare : des 51 salutations en séquence de clôture, il y en
n’a que 3 qui ont la forme de « au revoir + monsieur/madame » (5,88%). En outre, de tels
échanges sont seulement réalisés par les employés. Tous les visiteurs francophones ont donc
utilisé la forme simple « au revoir ».
Examinons alors le comportement des néerlandophones sur le plan des salutations. Au total,
nous avons dénombré 28 salutations, ce qui un chiffre beaucoup moins élevé que celui des 52
66
salutations francophones. Or, les néerlandophones peuvent faire, à nouveau, appel à un éventail
plus vaste de salutations. C’est ce que montre le graphique 10 :
Graphique 10 : Paradigme des salutations clôturantes NL
Nous avons dénombré 4 types de salutations : « tot ziens », « daag », « goeiedag » et
« salu ».18
La forme « salu » est une variante informelle et n’apparaît qu’une fois dans le corpus
où elle est utilisée par un visiteur. Cette salutation n’est en tout cas pas une salutation
prototypique dans une conversation dans un office de tourisme ce qui est dû à son caractère
informel. Comme nous l’avons expliqué dans l’état de la question, les conversations dans les
offices de tourisme sont des conversations polies : une telle forme n’y est donc pas vraiment à
sa place.
La forme est apparue dans une brève conversation enregistrée à Ostende où un homme avait
demandé un sac. L’homme avait un âge entre 40 et 50 et l’employé et lui ne se connaissaient
pas. Nous fournissons la conversation entière afin de mieux pouvoir expliquer la présence de la
forme « salu ».
Extrait 30
V1 : goeiedag
E1 : goeiedag
V1 : zou ‘k een plastieken zakje X ?
V1 : en dat daarin steken
E1 : een ?
E1 : een draagtasje ja
V1 : een draagtasje ja op z’n Nederlands ja een draagtasje (rire)
E1 : zo alsjeblieft
18
Nous considérons « goeiedag » égal à la forme « goede(n)dag ».
0
2
4
6
8
10
12
14
16
tot ziens daag goeiedag salu
Paradigme des salutations clôturantes NL
EMPLOYE
VISITEUR
TOTAL
67
V1 : dankuwel merci danku
V1 : salu hé
Corpus NL conversation 22
La seule explication pour la présence de « salu » que nous pouvons déduire de cet extrait est
la présence de plusieurs rires de la part du visiteur. Ces rires ont probablement brisé la glace
dans ce contexte plutôt formel si bien que l’homme a probablement fait appel sur la variante
informelle « salu », mais ceci n’est qu’une hypothèse.
En général, nous pouvons déduire du graphique 10 que la salutation « daag » est la forme
la plus fréquente dans le corpus néerlandophone (53,57%). Pour le visiteur, c’est manifestement
la formulation la plus courante avec 9 attestations sur 11 salutations.
Extrait 31
V1 : danku vriendelijk hé
E1 : daag
V2 : daag
Corpus NL conversation 16
Dans cet extrait, un groupe de Flamands avait demandé des informations sur une exposition
et l’interaction est close par la salutation « daag ». Pour l’employé néerlandophone, « daag » est
aussi fréquent que « goeiedag » (6 occurrences) et la forme « tot ziens » est également apparue
5 fois dans le corpus. A première vue, l’employé néerlandophone n’a donc pas vraiment une
salutation préférée car il varie entre ces trois formes. Toutefois, il est remarquable que ces
formes, « tot ziens » et « goeiedag », soient uniquement réalisées par les employés (à
l’exception d’un « tot ziens » d’un visiteur).
Par ailleurs, la salutation clôturante « goeiedag » semble être une forme typique de
Louvain : ainsi, 5 des 6 occurrences de ce type sont produites par l’employé de Louvain.19
Evidemment, nous ne pouvons pas faire des généralisations étant donné le nombre restreint de
données. L’exemple ci-dessous montre que « goeiedag » apparaît dans les mêmes contextes que
« daag ».20
Un homme a demandé plus d’informations sur le début et sur la fin du marché de
Noël à Louvain. Après avoir reçu ces informations, la conversation finit ainsi :
Extrait 32
V1 : bedankt hé
E1 : ja graag gedaan
19
Comme nous n’avons qu’enregistré les interactions d’un seul employé et les visiteurs, les réalisations
de « goeiedag » sont donc le produit d’un seul locuteur. En d’autres termes, il se peut que l’emploi de
« goeiedag » soit une caractéristique énonciative de cet employé qui ressort de son idiolecte. 20
Evidemment, « dag» dans « goeiedag » est précédé par « goeie ». Le résultat est en quelque sorte un
vœu, mais les locuteurs ne ressentent plus cette signification votive.
68
V1 : daag
E1 : goeiedag
Corpus NL conversation 38
La forme « tot ziens » est utilisée comme salutation clôturante et apparaît également dans
les mêmes contextes comme « daag » et « goeiedag ». Cependant, comme c’est le cas pour
« goeiedag », « tot ziens » semble être une forme typique de l’employé. Des 6 cas repérés dans
notre corpus, il y en a 5 qui sont produits par l’employé. Or, à l’inverse de « goeiedag », la
forme « tot ziens » est produite surtout dans les conversations enregistrées à Ostende (5 à
Ostende, 4 réalisations de l’employé et 1 réalisation du visiteur vs. 1 à Louvain de l’employé).
Dans l’extrait ci-dessous, un couple demande plus d’information sur l’exposition de Jan
Hoet. Ils reçoivent plus d’information et ils décident d’acheter deux tickets. Après cet achat, ils
sont satisfaits et la conversation peut être close :
Extrait 33
V2 : voila
V2 : bedankt hé
E1 : tot ziens hé
Corpus NL conversation 16
Tout bien considéré, nous pouvons conclure que « daag » est la variante la plus neutre dans
le corpus néerlandophone, utilisée à la fois par les visiteurs et par les employés pour finir
l’interaction. En outre, c’est une forme qui est apparue dans les deux offices examinés (à
Ostende et à Louvain). A côté de « daag », « tot ziens » et « goeiedag » sont d’autres salutations
clôturantes qui sont employées fréquemment par les locuteurs et ils apparaissent dans les
mêmes contextes de « daag ».
Toutefois, il y a des différences : premièrement il y a la différence géographique. Ainsi, la
salutation « goeiedag » est surtout utilisée à Louvain tandis que la forme « tot ziens » est surtout
employée à Ostende. Deuxièmement, ce sont deux formes qui sont presque uniquement utilisées
par les employés. Les visiteurs font surtout appel à la forme neutre « daag ».
Evidemment, comme nous l’avons déjà remarqué, nous ne pouvons pas généraliser ces
constatations étant donné le nombre réduit de données, mais ce sont en tout cas des tendances
frappantes qui peuvent être examinées à l’avenir.
Après avoir regardé de plus près les salutations clôturantes, nous examinons ensuite la
présence des vœux dans nos corpus (2.3.3.4.).
69
2.3.3.4. Les vœux
Le vœu permet de souhaiter quelque chose à quelqu’un et nous avons montré dans l’état de
la question qu’un vœu peut être une composante de la séquence de la clôture. Or, au vu du
tableau suivant, cette composante n’est pas représentée de la même manière dans les deux
corpus :
Corpus NL Corpus FR
Employé Visiteur Employé Visiteur
1 2 5 8 Total : 3 Total : 13
Tableau 6 : Nombre de vœux dans le corpus NL et FR
En effet, l’emploi des vœux est assez rare dans les deux corpus, mais dans le corpus
néerlandophone sa présence est vraiment exceptionnelle. De plus, tous les vœux dans le corpus
néerlandophone sont réalisés dans le bureau de Louvain. Dans les graphiques ci-dessous, nous
voyons la distribution précise des types de vœux qui sont employés. Nous traiterons d’abord de
la distribution dans le corpus francophone et nous nous concentrons ensuite sur celle du corpus
néerlandophone.
Graphique 11 : Paradigme des vœux FR
Comme le graphique le montre, le vœu « bonne journée » est le vœu le plus fréquent pour
les employés et pour les visiteurs francophones. Ce vœu est présent dans l’extrait 34 ci-dessous.
Extrait 34
V1: voilà
E1: merci bien monsieur
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
bonnejournée
à vous aussi bonne finde journée
bonnesoirée
bonweekend
Paradigme des voeux FR
employé
visiteur
total
70
V1: bonne journée au revoir
E1: merci vous aussi au revoir
Corpus FR conversation 38
Le contexte de l’interaction est le suivant : un homme cherche des promenades à faire à
Namur. Il est sans doute satisfait par les informations reçues et pour cette raison il souhait
probablement l’employé une bonne journée.
Les autres vœux repérés dans le corpus n’ont qu’un nombre de 1 ou 2 attestations. Ceci est
dû, selon nous, au fait que ce sont des formes plus spécifiques de la variante neutre « bonne
journée ». Premièrement, « à vous aussi » est un simple écho d’un autre vœu. Cette forme est
également présente dans l’extrait 34 ci-dessus. Deuxièmement, les formes « bonne fin de
journée » et « bonne soirée » peuvent seulement être produites dans l’après-midi vers 17h ou
18h. Cet emploi est par exemple exclu au cours de la matinée. Finalement, « bon weekend » est
un vœu qui s’utilise seulement le vendredi ou le samedi.21
Tout cela est très logique, mais c’est
la raison pour laquelle le nombre d’attestations de ces formes est tellement bas. Finalement, les
visiteurs francophones ont utilisé plus de vœux en comparaison des employés.
L’emploi des vœux dans le corpus néerlandophone, par contre, est très rare. Il y a une
occurrence de l’employé et deux occurrences des visiteurs. En outre, les occurrences du visiteur
proviennent du même locuteur.
Regardons d’abord de plus près la distribution précise des trois vœux produits :
Graphique 12 : Paradigme des vœux NL
Comme le graphique le montre, il n’y a que trois types de vœux qui sont employés, et
chaque type n’apparaît qu’une fois. En outre, ce sont trois types qui divergent beaucoup sur le
plan sémantique : dans le corpus francophone, tous les types se rapprochent plus ou moins sur le
plan sémantique ce qui est également visible dans la composition des mots (« bonne journée »,
« bonne soirée », « bon weekend » et « bonne fin de journée »). Seule la forme « à vous
aussi » est une exception à ce niveau.
21
Les jours d’enregistrement se sont toujours déroulés le vendredi ou le samedi. Cela explique la
présence de ces vœux dans le corpus.
0
0,5
1
1,5
veel plezier fijne avond smakelijk
Paradigme des voeux NL
employé
visiteur
total
71
Finalement, 2 des 3 vœux dans le corpus néerlandophone proviennent du visiteur, le
troisième est produit par l’employé. Nous discuterons un extrait néerlandophone dans lequel le
vœu « veel plezier » est présent (l’extrait 35). Il s’agit d’un couple qui vient d’acheter des
tickets pour une certaine promenade à Louvain. Le vœu « veel plezier » est donc orienté sur
cette promenade.
Extrait 35
V1 : oké ja dankuwel
V2 : ja oké bedankt
E1 : alstublieft veel plezier
V1 : daag
E1 : goeiedag
Corpus NL conversation 32
Il est évident que nous ne pouvons pas généraliser ces résultats vu qu’il s’agit d’un nombre
très réduit d’occurrences. Mais ce que nous pouvons conclure avec certitude, c’est que les
francophones belges tendent à utiliser plus de formules votives à l’opposé des néerlandophones.
2.3.3.5. Les remerciements
La section des remerciements est divisée en 4 parties. Premièrement, nous offrons quelques
chiffres globaux (2.3.3.5.1.) qui sont indispensables pour la suite de l’étude du remerciement.
Deuxièmement, nous regarderons de plus près les types de remerciements (2.3.3.5.2.) qui sont
utilisés dans nos corpus en nous appuyant sur la classification établie dans 2.2.2.3. Les réactions
aux remerciements seront au cœur de la troisième partie (2.3.3.5.3.). Finalement, nous traiterons
également les conversations qui n’ont pas de remerciement en séquence de clôture (2.3.3.5.4).
2.3.3.5.1. Chiffres généraux
Nous examinerons seulement le remerciement en séquence de clôture bien que nous
sachions que cet acte de langage peut apparaître également à d’autres endroits dans la
conversation. Regardons tout d’abord quelques chiffrés généraux pour les remerciements dans
nos corpus :
72
Remerciements # NL # FR
Employé 15 25
Visiteur 39 45
Total 54 70
Moyenne NL FR
# par conversation 1,35 1,75
Tableau 7 : Chiffres généraux pour les remerciements dans les deux corpus (NL/FR)
La première partie du tableau donne le nombre de remerciements en chiffres absolus. A
première vue, les francophones utilisent davantage de remerciements (70) comparés aux
néerlandophones (54). Or, il convient de signaler que ces chiffres ne tiennent pas encore compte
du nombre de participants (cf. le tableau 8). Dans les deux corpus, ce sont les visiteurs qui
réalisent le plus de remerciements, ce qui est normal : en effet, l’employé rend un service en
faveur du visiteur qui reçoit en quelque sorte un cadeau. C’est ainsi que les moyennes suivantes
sont obtenues : dans les interactions néerlandophones, il y a en moyenne 1,35 remerciement par
conversation. Dans les interactions francophones, par contre, il s’agit d’un chiffre un peu plus
élevé, à savoir 1,75.
Ces chiffres diffèrent beaucoup de l’analyse de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 139-140)
concernant les interactions commerciales dans une boulangerie à Lyon. Elle a constaté chez les
Français qu’il y a 3,5 remerciements par interaction. Même si notre analyse ne se situait pas
dans un contexte purement commercial mais plutôt dans le contexte de service, nous pouvons
déjà déduire de ces chiffres que les Belges remercient donc plus moins dans un office de
tourisme que les Français dans une boulangerie (Kerbrat-Orecchioni 2008b).22
Regardons de plus près les moyennes par personne :
# moyenne de remerciements
par personne
NL FR
Employé 0,63 0,90
Visiteur 0,38 0,50
Total 0,53 0,70
Tableau 8 : Les moyennes des remerciements par personne (NL/FR)
Ce tableau confirme que les francophones utilisent plus de remerciements par personne que
leurs compatriotes flamands bien que les différences ne soient pas énormes.
2.3.3.5.2. Types de remerciements
Le corpus francophone fait apparaître une préférence très nette pour la forme elliptique
« merci ». Cette forme est utilisée dans 70,37% des remerciements. La forme « merci » semble
donc être la forme prototypique pour exprimer un remerciement comme le montre l’extrait 36.
22
Nous disons « pas purement commercial » parce que dans un office de tourisme il y a également la
possibilité d’acheter des objets (des tickets, des guides de promenade et cetera). Cependant, la fonction
principale est rendre service aux visiteurs au lieu de vendre quelque chose.
73
Extrait 36
V1 : Oui oui oui je sais mais bon je ne sais pas à quelle heure je reviens de Bruxelles hein voilà (rire)
V1 : merci
V2 : merci
E1 : de rien au revoir
Corpus FR conversation 11
A côté de la forme « merci », les locuteurs francophones font également recours à d’autres
formes comme l’illustre le graphique 13.
Graphique 13 : Paradigme des remerciements FR : les types
Comme le montre le graphique, « merci beaucoup » est une autre forme qui est utilisée
fréquemment par les visiteurs. Le graphique montre également que les formulations directes
sont beaucoup plus fréquentes que les formulations indirectes. En outre, dans la catégorie des
formulations directes, nous retrouvons seulement les elliptiques (« un gros merci », « merci à
vous », « merci bien », « merci beaucoup » et « merci »). Nous n’avons rencontré aucune
formule performative telle que « je te remercie ».
Par ailleurs, nous avons signalé dans l’état de la question que le remerciement en français
est souvent exprimé « sur le mode de l’hyperbole » (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 136) et, en
effet, ces formes sont présentes dans nos données mêmes si elles ne sont pas tellement
nombreuses (1 occurrence de « un gros merci » et 1 occurrence de « un grand merci »). Il est
remarquable que dans ces constructions, la forme « merci » soit employée comme un substantif.
Ceci est impossible en néerlandais : « * een grote danku », « *een grote bedankt ». Par contre,
« een grote dankuwel » semble déjà plus acceptable. Voici quelques exemples de Google :
0
8
0
0
1
0
0
0
0
0
0
30
8
1
1
1
1
1
1
1
0
38
8
1
2
1
1
1
1
1
0 5 10 15 20 25 30 35 40
formule performative
merci
merci beaucoup
un grand merci
merci bien
merci à vous
un gros merci
super
c'est parfait
c'est super
Dir
ect
Ind
irec
t
Paradigme des remerciements FR: les types
TOTAL
VISITEUR
EMPLOYE
74
Een grote dankuwel aan iedereen die mee hielp aan “The Spark”.23
Een grote dankuwel aan Ward D'hoore voor het filmpje!24
Dikke proficiat voor de VZW Mol en een grote dankuwel.25
Cependant, de tels types d’expressions sont absents dans notre corpus néerlandophone.
Voici un des exemples du mode de l’hyperbole du corpus francophone (l’extrait 37). Dans cet
extrait, une femme est à la recherche des petits guides de Liège avec suffisamment de photos et
elle les reçoit de sorte qu’elle est extrêmement contente.
Extrait 37
V1 : super
V1 : voilà un grand merci et bonne journée
E1 : de rien
E1 : merci à vous aussi
Corpus FR conversation 6
Tournons-nous maintenant vers les données néerlandophones (le graphique 14). Ici, la
forme elliptique « dankuwel » est la forme la plus fréquente avec 13 occurrences (31,71% du
total des remerciements).
Cette forme ne correspond pas vraiment à la forme « merci » du français, mais plutôt à
« merci bien », ce qui est une forme renforcée de « merci ». Toutefois, la forme « merci bien »
est très rare dans le corpus francophone (3,70% des remerciements) tandis que la forme
« dankuwel » est très fréquente dans le corpus néerlandophone (31,71%).
Graphique 14 : Paradigme des remerciements NL : les types
23
https://www.facebook.com/SilkeOfficialFanpage/posts/359196397498382?stream_ref=5, 3/4/2015. 24
https://www.facebook.com/pascalerubens/posts/10152418313650009, 3/4/2015. 25
http://www.hln.be/regio/sport-in-puurs/g-voetbalploeg-puurs-s25254/, 4/3/2015.
0
0
2
0
0
0
0
0
0
1
13
8
2
8
2
3
1
1
1
13
10
2
8
2
3
1
1
0 2 4 6 8 10 12 14
ik dank u hé
dankuwel
danku
danku vriendelijk
bedankt
vriendelijk bedankt
merci
bedankt voor de informatie
das vriendelijk
Pe
rfo
rm
ativ
eEl
lipti
qu
e
Dir
ect
Ind
ire
ct
Paradigme des remerciements NL: les types
TOTAL
VISITEUR
EMPLOYE
75
A côté de « danku » et « dankuwel », les néerlandophones font également souvent appel à
« bedankt », qui a la même signification comme « danku ». La question se pose alors de savoir
si les locuteurs ressentent une différence sur le plan sémantico-pragmatique entre les formes
« dankuwel », « danku » et « bedankt », car elles sont toutes des formes elliptiques d’un
remerciement exprimé d’une manière directe.
Regardons quelques exemples. Dans l’extrait 38, deux femmes sont à la recherche d’un
certain café qui se situe tout près de la frontière des Pays-Bas. L’employé les aide et la
conversation finit de la manière suivante :
Extrait 38
V1 : en het heet Het Strandhuis
E1 : Het Strandhuis ja ja
V1 : danku
E1 : alstublieft
V2 : danku
Corpus NL conversation 12
Dans l’extrait 39, par contre, le visiteur fait appel à la forme « bedankt ». Un couple se
renseignait sur une certaine exposition et ils ont acheté des tickets.
Extrait 39
E1 : das helemaal juist
V1 : voilà
V2 : bedankt hé
E1 : tot ziens hé
Corpus NL conversation 16
Dans l’extrait suivant, un couple a demandé plus d’information sur les sites de cette même
exposition mentionnée dans l’extrait précédent. Ils reçoivent ce qu’ils cherchaient et la
conversation peut donc être close d’une manière positive :
Extrait 40
V2 : oké
V2 : dankuwel
E1 : ja
V1 : bedankt
E1 : daag
Corpus NL conversation 23
76
Ces extraits montrent que « danku », « bedankt » et « dankuwel » peuvent tous être
employés dans les mêmes contextes. En d’autres mots : les trois formes semblent être
interchangeables. En outre, « dankuwel » et « bedankt » sont employés ensemble dans l’extrait
40, ce qui prouve que leur sémantique est très proche, voire la même.
Autre différence observée par rapport au corpus francophone : nous avons rencontré une
formule performative dans le corpus néerlandophone (« ik dank u ». Il s’agit de l’extrait
suivant :
Extrait 41
V1 : zitten ze dan naast elkaar ?
E1 : jaja das aan het onpare gedeelte van de zaal ja
V1 : das goed
V1 : ik dank u hé
E1 : alstublieft
Corpus NL conversation 27
Ce visiteur est à l’office de tourisme d’Ostende pour chercher les tickets qu’il vient de
réserver par téléphone. C’est un homme plus âgé (entre 50 et 70 ans) que le visiteur moyen. Il
n’est pas immédiatement clair pourquoi il utilise la formule performative « ik dank u » au lieu
d’une forme elliptique « danku », « dankuwel » ou « bedankt ». En tout cas, nous pouvons
conclure que les formules performatives sont beaucoup plus marquées en néerlandais que les
expressions elliptiques.
Pour l’analyse du remerciement, nous travaillons à la lumière de Kerbrat-Orecchioni
(2008b : 129-130) qui a fait la distinction entre les remerciements directs d’une part et les
remerciements indirects d’autre part. Dans nos corpus, il est très clair que les remerciements
directs dominent. Certes, les corpus contiennent quelques formulations indirectes mais leur
fréquence est très basse. Ainsi, nous avons dénombré trois remerciements indirects (5,56%)
dans le corpus francophone et un seul exemple (2,44%) dans le corpus néerlandophone.
Regardons deux extraits du corpus, un pour chaque langue. Dans l’extrait 42, l’expression
indirecte « c’est parfait » est utilisée. Une femme cherchait un certain objet et l’extrait
représente sa réaction en le recevant. Il s’agit d’un remerciement qui est focalisé sur le cadeau.
Le pronom démonstratif « ça » qui suit à l’expression, souligne cette focalisation.
Extrait 42
E1 : euh je vais aller voir en bas s’il y en nous reste encore hein ne vous X pas
V1 : oui
E1 : voilà il y en a ici
V1 : ah en fait c’est parfait ça (inaud.)
V1 : merci au revoir
77
E1 : au revoir
Corpus FR conversation 16
Extrait 43
V1 : das vriendelijk nen fijne avond
V2 : en smakelijk
E1 : (rire) danku
Corpus NL conversation 33
Dans l’extrait 43, la forme « das vriendelijk » représente le remerciement indirect. Il s’agit
également d’une formule qui est exprimée par le visiteur. Ici, nous avons affaire à une assertion
focalisée sur le remercié (auteur du cadeau) comme « c’est très gentil à vous ». Ce
remerciement est plutôt orienté sur l’acte accompli par l’employé.
2.3.3.5.3. Réactions aux remerciements
Les réactions aux remerciements concernent les employés car ce sont bien sûr eux qui sont
remerciés pour leur service. Nous avons distingué des réactions positives et des réactions
négatives, en signalant que les négatifs sont très rares (cf. Kerbrat-Orecchioni 2008b).
En effet, dans notre corpus francophone, nous avons seulement rencontré des réactions
positives aux remerciements (16 au total) comme le graphique 15 l’illustre. Les employés
francophones utilisent deux formes pour réagir à un remerciement, à savoir « je vous en prie »
ou « de rien ».
Graphique 15 : Les réactions aux remerciements FR
L’expression de « de rien » est présente dans l’extrait 44 qui montre la fin d’une
conversation. L’extrait 45 présente l’utilisation de la formule « je vous en prie » : une femme
7
9
0
0
0
0
7
9
0
0 2 4 6 8 10
de rien
je vous en prie
Po
siti
fN
égat
if
Les réactions aux remerciements FR
TOTAL
VISITEUR
EMPLOYE
78
demande si elle peut aller aux toilettes dans le bureau. Malheureusement, ceci est interdit et
l’employé lui explique le chemin vers les toilettes publiques.
Extrait 44
V1 : merci
E1 : de rien
V1 : bonne fin de journée au revoir
E1 : à vous aussi au revoir
Corpus FR conversation 14
Extrait 45
E1 : ça va ?
V1 : ça va
V1 : oké ça va merci
E1 : je vous en prie
Corpus FR conversation 5
A première vue, sur le plan du contenu, il ne semble pas vraiment y avoir une différence
entre les expressions « de rien » et « je vous en prie ». Or, dans ces deux extraits, nous voyons
que « je vous en prie » peut également apparaître en séquence finale de la conversation.
Cependant, ceci est également possible avec « de rien ». Regardons l’extrait 46 dans lequel
un couple vient d’acheter deux tickets pour la visite guidée à Liège.
Extrait 46
V1 : X d’accord
V1 : merci
E1 : de rien
Corpus FR conversation 24
Les deux expressions peuvent, en effet, figurer à la fin de la conversation. Il semble donc
qu’il n’y ait pas vraiment un grand écart entre ces deux formes et ceci est également visible dans
les chiffres : comme nous l’avons déjà mentionné, « je vous en prie » apparaît 9 fois et « de
rien » apparaît 7 fois.
Passons aux réactions aux remerciements chez les néerlandophones où nous retrouvons une
situation très semblable à celle des francophones (le graphique 16).
79
Graphique 16 : Les réactions aux remerciements NL
Conformément aux employés francophones, les employés néerlandophones réagissent
seulement d’une manière positive aux remerciements et ils font également appel à deux formes.
Certes, les chiffres reflètent ici une autre situation que celle chez les francophones: la forme
« alstublieft » est clairement la formule la plus populaire avec 12 occurrences (dans 13 réactions
au total). La formule « graag gedaan », par contre, n’apparaît qu’une seule fois dans le corpus.
Dans l’extrait 47, un homme veut avoir un plan pour une certaine promenade. Il demande
s’il a droit à une réduction pour le musée vu qu’il est guide dans la région.
Extrait 47
E1 : er is wel korting maar geen nie gratis
V1 : ahja nja
V1 : oké dankuwel
E1 : oké ?
E1 : alstublieft
V1 : daag
Corpus NL conversation 29
Après que l’homme a donc remercié l’employé, celui-ci réagi avec « alstublieft », une
expression qui souligne le fait que l’employé a offert de l’information au visiteur. Comme nous
l’avons signalé ci-dessus, c’est une formule très fréquente dans le corpus.
L’autre réaction positive possible est « graag gedaan ». Dans l’extrait ci-dessous, il s’agit
d’un homme qui se renseignait sur le marché de Noël à Louvain.
Extrait 48
V1 : bedankt hé
E1 : ja graag gedaan
V1 : daag
E1 : goeiedag
Corpus NL conversation 38
12
1
0
0
0
0
12
1
0
0 2 4 6 8 10 12 14
alstublieft
graag gedaanP
osi
tif
Né
gati
f
Les réactions aux remerciements NL
TOTAL
VISITEUR
EMPLOYE
80
La formule « graag gedaan » souligne que l’employé a donné ces informations avec plaisir.
A ce point, il semble que la formule « alstublieft » soit plus neutre vu qu’elle met seulement en
valeur le fait d’offrir quelque chose au visiteur, sans que leur attitude soit exprimée (même si
c’est également fait avec plaisir). Cette neutralité pourrait donc exprimer l’emploi plus élevé de
« alstublieft ».
D’une manière comparable, nous pouvons conclure que les réactions francophones « je
vous en prie » et « de rien » semblent donc être aussi neutres étant donné leurs fréquences
comparables.
2.3.3.5.4. Absence de remerciements
Evidemment, les remerciements peuvent être absents dans la séquence de clôture. Nos deux
corpus diffèrent très fort à ce niveau. Ainsi, 9 conversations néerlandophones sur 40 ne
comportent aucun remerciement clôturant (22,5%). L’extrait 49 illustre ce cas de figure.
Extrait 49
E1 : goeiedag
V1 : dag
V2 : het Musee welke richting is dat uit ?
E1 : ja
V1 : en is dat open vandaag ?
E1 : ja
E1 : het is open tot 18 uur wij zijn nu […] (elle donne le chemin vers le musée)
V2 : hmmm
V1 : oké
V2 : oké
E1 : daag
Corpus NL conversation 24
Il s’agit d’une conversation courte. Il n’y a pas vraiment des marques explicites permettant
d’expliquer l’absence du remerciement. C’était le choix des visiteurs de ne pas remercier
l’employé bien qu’ils soient probablement satisfaits.
Dans le corpus francophone, en revanche, il ne s’agit que de 3 conversations sur 40 et cela
correspond à 7,8% du total. Autrement dit, dans le corpus francophones il y a moins de cas où le
remerciement est absent parce que les visiteurs expriment davantage leur satisfaction. L’extrait
50 est un exemple d’une conversation sans remerciement.
81
Extrait 50
V1 : là en face ?
E1 : vous voyez les posters en face oui
V1 : oké
E1 : au revoir
Corpus FR conversation 8
Dans cet extrait, un homme demande à l’employé s’il est permis de mettre une affiche pour
un certain événement. Il n’y a pas vraiment des marques explicites permettant d’expliquer
l’absence du remerciement. Or, le visiteur était peut-être tellement fixé sur son affiche qu’il l’a
simplement oublié. Il est donc très difficile d’indiquer les raisons précises qui peuvent expliquer
l’absence du remerciement. En tout cas, il ressort du corpus que l’absence des remerciements
est plus marquée dans les conversations francophones.
Faisons le point pour l’étude du remerciement. Nous pourrions consacrer une étude entière à
l’acte de remercier parce qu’il y a tellement de choses à étudier et à comparer pour cet acte de
langage. Nous nous sommes limitée à quatre thèmes, à savoir les chiffres généraux, les types,
les réactions et l’absence du remerciement. Nous avons tenté d’exposer de manière succincte les
constations les plus frappantes de notre corpus.
Reste à voir les cas exceptionnels dans les séquences de clôture (2.3.3.6.).
2.3.3.6. Autre
Trois éléments seront étudiés dans cette section: les cas où il n’y a pas de clôture du tout
(2.3.3.6.1.), les projets (2.3.3.6.2), qui sont bel et bien une composante de la clôture selon
Kerbrat-Orecchioni (2008b), mais étant donné leur rareté dans notre corpus nous les traitons
dans cette section. Finalement, nous discuterons quelques cas uniques (2.3.3.6.3).
2.3.3.6.1. Conversations sans clôture
Dans le corpus néerlandophone, il y a 4 conversations qui ne comportent pas de clôture.
Ceci n’apparaît jamais dans notre corpus francophone, ce qui confirme les observations faites
par Hmed (2000), Dumas (2008) et Kerbrat-Orecchioni (2008a). Ce qui vaut pour le français
hexagonal semble également valable pour les francophones de la Belgique : « l’absence de la
séquence de clôture n’est quasiment jamais attestée : on éprouve, en France, le besoin manifeste
de cette sorte d’épilogue rituel » (Kerbrat-Orecchioni 2008a :112).
82
Regardons de plus près deux exemples du corpus néerlandophone dans lesquels il n’y a pas
de séquence de clôture (l’extrait 51 et l’extrait 52). Dans l’extrait 51, il s’agit d’une
conversation d’une femme qui vient d’acheter un guide de promenade.
Extrait 51
E1 : das dan negen euro samen alsublieft
V1 : ja
E1 : danku
E1 : en elf terug mevrouw
E1 : alstublieft
Corpus NL conversation 14
L’extrait 52 représente une conversation très courte. Une dame est à la recherche des
toilettes mais les toilettes dans le bureau ne sont pas disponibles pour les visiteurs. L’employé
lui explique le chemin vers les toilettes publiques et ainsi l’interaction se clôt.
Extrait 52
V1 : is hier ergens een toilet ?
E1 : hier niet mevrouw als u om de hoek gaat een eindje verderop is er een parking en daar in het
gebouwtje zijn er toiletten.
Corpus NL conversation 3
Sur le plan du contenu, les extraits 51 et 52 n’ont rien en commun. Toutefois, ce qui n’est
pas visible dans la transcription, c’est le fait que ces conversations se sont produites à des
moments où il y avait beaucoup de monde. Les visiteurs faisaient donc la queue dans le but de
parler avec l’employé.
En tout cas, le manque de clôture est marqué en néerlandais vu qu’il n’y a que 4
conversations qui ne l’ont pas. Or, c’est encore plus marqué chez leurs compatriotes
francophones car chaque conversation contient une séquence de clôture.
Par ailleurs, nous pouvons également examiner les manques de clôtures pour les différents
rôles (employé ou visiteur) dans les deux corpus. Nous représentons dans le tableau 9 les cas où
un des participants n’utilisent aucun clôtureur.
Sans marque de clôture NL FR Employé 8 4
Visiteur 7 1
Total 15 5
Tableau 9 : Les manques de clôtures selon la fonction dans la conversation
83
En général, il est donc clair que ces phénomènes sont plus fréquents dans le corpus
néerlandophone. En outre, les employés n’utilisent davantage pas de séquence de clôture que les
visiteurs. Les raisons pour lesquelles de telles séquences de clôture sont absentes, sont très
divergentes. Ceci peut être dû aux éléments contextuels comme les visiteurs qui font la queue, la
distraction de l’employé ou du visiteur ou peut-être c’est simplement fortuit que soit le visiteur,
soit l’employé oublie de clore verbalement l’interaction.
2.3.3.6.2. Les projets
Bien que les projets fassent partie de notre classification de la clôture, nous les aborderons
dans cette section parce qu’ils sont tellement rares. Les projets peuvent être définis comme
« des promesses de se revoir » (Kerbrat-Orecchioni 2008b). Cette définition indique déjà la
raison principale pour laquelle les projets sont tellement rares dans nos données: les
conversations dans les offices de tourisme sont prototypiquement des conversations entre des
personnes qui ne se connaissent pas. En général, ils ne se revoient donc pas.
Pour ce qui est des projets dans le corpus francophone, nous pouvons être bref : il n’y en a
pas. Dans le corpus néerlandophone, en revanche, il y en a un : « tot straks ». Ce projet est
réalisé par l’employé dans un contexte très spécifique : un couple veut faire la promenade du
chanteur Marvin Gaye à Ostende. Pour cela, ils reçoivent des appareils (des iPod et des casques-
micros). Evidemment, ils doivent rapporter ces appareils au bureau, raison pour laquelle
l’employé dit « tot straks ».
Extrait 53
E1 : ah oké in orde
V1 : bedankt
E1 : tot straks
Corpus NL conversation 20
Les projets sont donc des actes de langage très rares dans une conversation prototypique
dans un office de tourisme, mais ils ne sont pas impossibles. Ils exigent seulement un contexte
très spécifique pour être réalisés.
2.3.3.6.3. Cas uniques
Avant de clôturer ce chapitre concernant la clôture, nous traiterons encore quelques cas
uniques. Ce sont vraiment des exceptions dans le corpus et ceci explique notre intérêt pour ces
cas : pourquoi sont-ils présents dans une interaction donnée ?
84
Dans le corpus francophone, il s’agit de la formule « pas de soucis » dans l’extrait ci-
dessous (l’extrait 54). Une dame cherche une certaine carte historique dont elle a entendu parler.
L’employé ne sait pas très bien de quelle carte il s’agit. Après quelques minutes, l’employé
réalise qu’elle possède bel et bien cette carte et la conversation finit de la manière suivante :
Extrait 54
V2 : j’ai pris j’en ai pris trois hein
E1 : merci au revoir
V2 : au revoir
E2 : oui oui et (inaud.)
V2 : merci
V2 : mais je ne vais pas immédiatement parce que je vais au musée d’abord
E2 : pas de soucis
Corpus FR conversation 2
Malheureusement, il y a une partie de l’énoncé de l’employé qui est inaudible sur
l’enregistrement. Probablement, en regardant la réaction du visiteur, l’employé a dit quelque
chose concernant la visite des endroits qui sont indiqués sur la carte historique. Le visiteur se
justifie en disant qu’elle ne va pas immédiatement à ces endroits parce qu’elle visitera d’abord
le musée. La réaction « pas de soucis » de la part de l’employé, marque en quelque sorte la
bonne fin de l’interaction, mais cette formule n’entre pas vraiment dans une de les catégories de
notre classification. Voilà pourquoi nous l’avons étiqueté comme autre.
Tournons-nous maintenant vers le corpus néerlandophone. Là, nous avons également
rencontré un exemple qui n’entre pas non plus dans la classification. Le contexte est le suivant :
une dame s’est renseignée à l’office de tourisme à Louvain avec la demande si elle peut y mettre
quelques dépliants pour une certaine activité. L’employé doit la décevoir : vu que le bureau de
Louvain est sur le point de se remeubler, il n’est plus possible d’y déposer des dépliants. La
conversation finit par le mot « sorry » :
Extrait 55
E1 : dat gaat weg
V1 : oké
V1 : bedankt
E1 : sorry
Corpus NL conversation 36
La mission de l’employé dans un office de tourisme est évidemment d’aider le visiteur le
plus possible. Bien sûr, il y a des cas dans lesquels l’employé ne peut pas satisfaire les visiteurs
mais dans la plupart des situations, les employés sont capables de répondre à la question du
85
visiteur. Par contre, les situations dans lesquelles l’employé ne peut pas satisfaire le visiteur,
sont rares, raison pour laquelle elles sont marquées. Elles sont exceptionnelles, mais possibles.
Nous avons donc inclus l’expression « sorry » dans la catégorie autre pour les composantes de
la clôture.
2.3.3.7. Conclusion
Les sections qui précèdent ont mis en lumière toutes les composantes de la clôture telles
qu’elles ressortent du corpus. De façon générale, les francophones belges utilisent plus de
clôtureurs que les néerlandophones : une conversation francophone comporte en moyenne 4,4
clôtureurs alors qu’il s’agit de 3,08 clôtureurs dans une conversation néerlandophone.
Pour ce qui est des pré-clôtureurs, chaque groupe de langue a une nette préférence. Pour les
néerlandophones, le mot « oké » (41,67%) occupe la première place et chez les francophones il
s’agit du mot « voilà » (34,15%). Certes, la préférence diffère pour chaque rôle dans la
conversation. Ainsi les employés francophones préfèrent « voilà » (42,11%) alors que leurs
collègues néerlandophones font le plus souvent recours à « oké ? » (23,53%) et « goed ? »
(23,53%), qui sont des formes interrogatives. Le marqueur « voilà » indique le point de vue de
l’employé, marquant la fin de la présentation des informations. Les pré-clôtureurs « oké ? » et
« goed ?», en revanche, s’orientent davantage sur le point de vue du visiteur. En ce qui concerne
les pré-clôtureurs des visiteurs, les locuteurs néerlandophones et francophones font tous le plus
souvent recours au mot « oké ».
L’échange de salutations en séquence de clôture apparaît comme plus obligatoire entre les
francophones qu’entre les néerlandophones : dans 52% des conversations néerlandophones il
n’y a pas d’échange de salutations contre 27,5% dans le corpus francophone. Il est important de
souligner que l’absence de cette composante ou d’une clôture entière, dépend également des
élément contextuels : lorsqu’il y a beaucoup de monde, les employés néerlandophones sont
enclins à ne pas finir la conversation avec une salutation.
Quant aux types de salutations clôturantes, nous avons montré que les francophones ne font
appel qu’à une forme, à savoir « au revoir », dans 5,88% des cas combiné avec l’appellatif
« monsieur » ou « madame ». Les néerlandophones, par contre, disposent d’un éventail plus
riche de salutations (« tot ziens », « daag » et « goeiedag ») et ils les choisissent arbitrairement.
Nous avons fait observer que « daag » est la forme la plus fréquente (53,57%).
Les vœux de leur côté, sont très rares dans le corpus. Cependant, nous pouvons déduire de
nos données que les francophones tendent en tout cas à employer plus de vœux (13 occurrences)
en comparaison de leurs compatriotes néerlandophones (3 occurrences).
De façon générale, nous pouvons conclure pour l’acte de remerciement que sa présence
semble être plus obligatoire dans les interactions francophones que dans les interactions
86
néerlandophones. Ainsi, une conversation francophone contient en moyenne 1,75 remerciement
et une conversation néerlandophone contient en moyenne 1,35 remerciement. En outre, 22,5%
des conversations néerlandophones ne contiennent aucun remerciement en séquence de clôture
contrairement aux conversations francophone où ce n’est le cas que dans 7,8%.
Les deux groupes de langues préfèrent les remerciements directs elliptiques : en français,
« merci » est incontestablement la forme préférée (70,73%) et en néerlandais il s’agit de la
forme « dankuwel » (31,71%). Par ailleurs, nous avons seulement rencontré des réactions
positives de la part des employés.
Finalement, nous avons créé un catégorie autre dans laquelle nous avons discuté 3 cas
particuliers, à savoir les conversations sans clôture, les projets et quelques cas uniques. Ainsi, il
y a 4 conversations dans le corpus néerlandophone qui n’ont pas de clôture du tout (10% du
total). Ce phénomène est absent dans le corpus francophone, tout comme les projets. Par contre,
un projet a été repéré dans le corpus néerlandophone (« tot straks »), mais celui-ci s’est produit
dans un contexte très spécifique. En dernier lieu, nous avons examiné dans chaque corpus un
cas unique : dans le corpus francophone il s’agit de « pas de soucis » et dans le corpus
néerlandophone nous avons discuté de l’exemple « sorry ».
87
CHAPITRE 3 : L’ACTE DE LA REQUETE ET LA
DEMANDE D’INFORMATION
3.1. INTRODUCTION
Les deux autres actes de langage qui sont au cœur de ce travail, sont l’acte de la requête et
l’acte de la demande d’information. Ce chapitre est divisé en deux grandes sections: dans 3.2.,
nous examinerons la littérature concernant l’acte de la requête et l’acte de la demande
d’information. Conformément à l’état de la question des rituels d’ouverture et de clôture,
nous nous concentrons sur les requêtes et demandes françaises. L’analyse du corpus sera au
cœur de la deuxième partie (3.3.).
3.2. ETAT DE LA QUESTION : L’ACTE DE LA REQUETE ET LA DEMANDE
D’INFORMATION DANS LES INTERACTIONS DE COMMERCE ET DE SERVICE
3.2.1. INTRODUCTION
La requête et la demande d’information peuvent être situées dans la catégorie des actes de
langage « directifs » (Béal 2010 : 265 & Kerbrat-Orecchioni 2008b : 83). Avec les actes
directifs, « nous essayons de faire faire des choses à autrui », que ces choses soient de nature
verbale ou non verbale (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 83-84). Béal (2010) et Kerbrat-
Orecchioni (2008b) s’accordent à dire que ces deux actes de langage sont des actes directifs,
mais la typologie proposée dans les deux cas est différente. Ainsi, Béal (2010 : 265-266)
distingue trois actes directifs, à savoir (I) la demande d’information, (II) la requête et (III)
l’offre. Nous ne prenons pas en considération ce dernier acte de langage. La demande
d’information est « une demande d’un dire » et la requête est « une demande d’un faire ».
Ces demandes reviennent dans la classification de Kerbrat-Orecchioni (2008b). A
l’opposé de Béal (2010), Kerbrat-Orecchioni (2008b) fait une autre distinction. Au lieu de
distinguer trois types différents, elle fait une distinction entre les « demandes » et les « autres
cas ». Au sein de la catégorie des demandes, les sous-catégories « question » et « requête »
sont distinguées. L’ordre est considéré comme un cas particulier de requête. Cette distinction
est illustrée dans la figure 19.
88
Figure 19 : Répartition des directifs selon Kerbrat-Orecchioni (2008b : 84)
Pour ce qui est des « autres cas », elle ne fournit pas d’autres informations. Les
distinctions de Béal (2010) et Kerbrat-Orecchioni (2008b) diffèrent donc sur le plan des
niveaux qui sont distingués : il ne s’agit donc pas d’une différence fondamentale. Pour nous,
l’acte de la requête et la demande d’information sont en effet des actes directifs et ce sont tout
les deux des demandes particulières.
Tournons-nous vers les définitions. Nous adoptons les définitions proposées par Kerbrat-
Orecchioni (2008b : 86-98) qui est notre référence-clé. Selon Kerbrat-Orecchioni (2008b : 98)
il y a requête « chaque fois qu’un locuteur produit un énoncé pour demander à son
interlocuteur d’accomplir un acte quelconque (à caractère non langagier) ». La requête est
donc la demande d’un « faire » (Béal 2010 : 265). En d’autres mots, l’interlocuteur va devoir
agir (ou refuser d’agir) au bénéfice du demandeur. Cet acte de langage peut se présenter sous
diverses formes syntaxiques et les ordres sont considérés comme une sous-catégorie de la
requête (Béal 2010 : 265). Cette idée est partagée par Kerbrat-Orecchioni (2008b : 98) : en
effet, l’ordre est un cas spécifique de requête qui est caractérisé par son caractère
« autoritaire ».
La demande d’information est définie comme « tout énoncé qui se présente comme ayant
pour finalité principale d’obtenir de son destinataire un apport d’information » (Kerbrat-
Orecchioni 2008b : 86). Or, Kerbrat-Orecchioni (2008b) utilise simplement le terme de
« question ». Nous préférons suivre Béal (2010 : 265) ici, qui a proposé le terme de demande
d’information parce qu’il ne faut pas confondre cette catégorie avec sa réalisation la plus
fréquente, à savoir la question. La demande d’information ne se produit donc pas toujours
sous la forme d’une question.
Kerbrat-Orecchioni (2008b : 89) explique ce phénomène toutefois comme « une donnée
contextuelle ». Celle-ci concerne « l’état supposé des savoirs du destinataire au moment de
l’énonciation de l’énoncé » (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 89) Ainsi, il faut admettre
89
l’existence de questions sans marquage explicite. En d’autres mots, il existe des énoncés qui
semblent être des assertions, mais qui ont en fait la valeur d’une question. Prenons l’exemple
de « tu as faim ». Cette phrase n’a pas besoin de l’intonation ascendante pour être interprétée
comme une question (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 89-90). Ce critère contextuel vaut
également pour l’acte de la requête : comme la demande d’information, la requête appartient
à la catégorie des demandes et une demande est manifestement associée avec une forme
interrogative (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 84). Or, cela n’est évidemment pas toujours le cas
parce qu’une requête peut également se réaliser dans le mode impératif (par exemple dans
l’ordre) (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 99).
Revenons à la définition de la demande d’information. Simplement dit, la demande
d’information est « une demande d’un dire ». Au sein de cette catégorie, il faut faire la
distinction entre les demandes d’information « totales » d’une part (questions totales) et les
demandes d’information « partielles » d’autre part (questions partielles) (Kerbrat-Orecchioni
2008b : 86). La première sous-catégorie (total) est représentée dans l’exemple « Pierre est
arrivé ? » dans lequel l’information demandée concerne la valeur de vérité du contenu de tout
l’énoncé. L’exemple « Pierre arrive quand ? », par contre, représente la deuxième sous-
catégorie, à savoir celle des demandes d’information partielles. Dans cette phrase,
l’information demandée ne concerne qu’un constituant de tout l’énoncé (« quand ») et le
« questionneur demande au questionné de préciser la nature » de ce constituant (Kerbrat-
Orecchioni 2008b : 86).
Toutefois, il faut reconnaître qu’il y a quelques problèmes de définition. Ainsi, Kerbrat-
Orecchioni (2008b : 84) signale que la relation entre la requête et la demande d’information
serait « aussi ambiguë que celle sur laquelle elle repose, à savoir la relation qui existe entre
faire et dire ». En effet : dire, est-ce que ce n’est pas faire ? En ce sens, chaque question serait
une forme de requête (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 84). Or, la langue, selon Kerbrat-
Orecchioni (2008b : 84), « a consacré l’autonomie de ce faire particulier, et particulièrement
important, en donnant à la requête-d’un-dire certains moyens d’expressions spécifiques ».
Afin de mieux comprendre cette idée, regardons la dernière partie de la définition de la
requête : il s’agit « d’accomplir un acte quelconque (à caractère non langagier) » (Kerbrat-
Orecchioni 2008b : 98). C’est plus précisément la partie entre parenthèses qui est importante :
il s’agit d’un acte à caractère non langagier et c’est exactement la différence avec une
demande d’information qui n’est qu’une demande d’un dire.
Cependant, Kerbrat-Orecchioni (2008b : 84) fait finalement observer que la frontière
entre l’acte de requête et l’acte de la demande d’information est parfois difficile à trancher
comme dans les exemple suivantes : « Vous pouvez épeler ? » et « Raconte-nous ce qui s’est
passé ». Bien que la première phrase se présente formellement sous la forme d’une question,
elle serait considérée plutôt comme une requête parce que « la demande porte sur l’ensemble
90
d’une tâche langagière et non sur une information particulière » (Kerbrat-Orecchioni 2008b :
85). Conformément à cette explication, l’énoncé « Raconte-nous ce qui s’est passé » doit
donc également être étiqueté comme une requête. L’énoncé « Qu’est-ce qui s’est passé ? »,
par contre, sera considéré comme une demande d’information (Kerbrat-Orecchioni 2008b :
85).
Béal (2010 : 266) reconnaît cette difficulté. Elle a catégorisé par exemple les demandes
de traduction, d’explication et de répétition comme des requêtes pour la même raison de
Kerbrat-Orecchioni (2008b) expliquée ci-dessus : il s’agit des demandes qui portent sur
l’ensemble d’une tâche langagière et non sur le fait de dire une information particulière.
Nous verrons qu’il existe encore d’autres apparences des demandes d’information et des
requêtes que celles que nous avons déjà mentionnées ci-dessus.
3.2.2. LA DEMANDE D’INFORMATION ET LA REQUETE: PERSPECTIVE GENERALE
Nous traiterons d’abord l’acte de la requête et la discussion de la demande d’information
sera présentée après. Chaque acte sera abordé d’une perspective générale et d’une perspective
comparative afin de composer une taxinomie des demandes d’information et des requêtes sur
la base de la littérature.
3.2.2.1. La requête
Pour ce qui est de la requête, il convient de signaler qu’il y a deux préoccupations
majeures dans la littérature : il s’agit de l’établissement d’une typologie de base d’une part et
la description des stratégies d’adoucissement d’autre part. La section de la requête se
compose selon ce modèle.
Nous nous appuyons entre autres sur Kerbrat-Orecchioni (2008a : 115) qui affirme à juste
titre que l’acte de la requête est l’acte central dans un contexte commercial : « avec la
formulation de sa requête, le client endosse son rôle et actualise les potentialités du site :
l’interaction se concrétise comme étant bien commerciale ».
3.2.2.1.2 Typologie de base
Nous avons fait observer que plusieurs auteurs comme Kerbrat-Orecchioni (2008b),
Dumas (2008) et Van Mulken (1996), opèrent une distinction de base entre les formulations
directes d’une part et les formulations indirectes d’autre part dans l’acte de la requête. La
91
justification de cette distinction est nettement expliquée par Dumas (2008). Ainsi, Les
formulations directes « consistent à verbaliser de manière explicite la volonté du locuteur de
faire faire quelque chose à son interlocuteur » (Dumas 2008 : 201). En d’autres termes : en
choisissant ce type de formulation, le locuteur veut être efficace. Les formulations indirectes,
par contre, sont toutes des formulations « conventionnelles » dans son corpus : « il s’agit des
énoncés auxquels le destinataire attribue spontanément une valeur de requête » (Dumas
2008 : 203).
A propos des distinctions au niveau de la requête, elle a établi la hiérarchie suivante :
Requête (Dumas 2008)
1. Les formulations directes
a. Les formes impératives
b. Les formes elliptiques
2. Les formulations indirectes
a. La plus fréquente : « je voudrais » : une assertion à la première personne d’un vouloir ou
d’un désir de tel ou tel produit essentiellement exprimée via le conditionnel présent.
b. Une question sur la disponibilité du produit désiré : « vous avez ? »
Figure 20 : La classification de la requête de Dumas (2008 : 201-204)
Il y a deux formes possibles au sein des formulations directes : la formulation à
l’impérative d’une part et les formes elliptiques d’autre part. Pour ce qui est des ellipses, elle
signale qu’on ne peut jamais retracer « la partie élidée » de la requête (Dumas 2008 : 202). En
ce qui concerne les formulations indirectes, elle fait la distinction entre une assertion à la
première personne d’un vouloir ou d’un désir de tel ou tel produit (via le conditionnel
présent) d’une part et une question sur la disponibilité du produit désiré d’autre part.
Kerbrat-Orecchioni (2008b : 99-100) de son côté, confirme qu’une requête peut se
présenter sous diverses formes : en effet, une assertion peut également servir de requête. Or,
ses sous-catégories diffèrent légèrement de celles distinguées par Dumas (2008). Regardons
la figure 21 ci-dessous.
92
Requête (Kerbrat-Orecchioni 2008b)
1. Formulation directe
a. Utilisation d’une formule explicitement performative « Je t’ordonne de fermer la
porte »
b. Recours au mode impérative « Ferme la porte »
2. Formulation indirecte
a. Formulations indirectes non conventionnelles « Zut, j’ai fini mon paquet »
b. Formulations indirectes conventionnelles
i. Structure interrogative à la deuxième personne, comportant le modalisateur
« pouvoir » ou « vouloir » à l’indicatif ou au conditionnel (= other-oriented)
ii. Question sur la possibilité qu’a le destinataire de fournir cet objet, comme dans
« tu as une cigarette ? » (= other-oriented)
iii. Assertion à la première personne comportant les verbes « aimer (bien) » au
conditionnel, ou « vouloir » à l’indicatif ou au conditionnel. (= self-oriented)
Figure 21 : Classification de la requête de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 100-101).
Premièrement, contrairement à Dumas (2008), Kerbrat-Orecchioni (2008b) ne mentionne
pas les formules elliptiques comme des réalisations directes de la requête. Cependant, elle
étiquette à juste titre les formules performatives comme des réalisations directes et cette
catégorie n’est pas présente dans la taxinomie de Dumas (2008b).
Ainsi, les sous-catégories (i) « structures interrogatives à la deuxième personne,
comportant le modalisateur pouvoir ou vouloir à l’indicatif ou au conditionnel », (ii)
« question sur la possibilité qu’a le destinataire de fournir cet objet » et (iii) « assertions à la
première personne comportant les verbes aimer au conditionnel ou vouloir à l’indicatif ou au
conditionnel » sont distinguées au sein des formulations indirectes conventionnelles (Kerbrat-
Orecchioni 2008b : 100-101). De plus, elle distingue les formulations other-oriented et self-
oriented : (i) et (ii) sont other-oriented tandis que (iii) est self-oriented (Kerbrat-Orecchioni
2008b : 101).
Par ailleurs, les sous-catégories (ii) et (iii) coïncident avec les catégories indirectes
distinguées par Dumas (2008 : 204).
Van Mulken (1996) a étudié la formulation de la requête chez les Néerlandais et les
Français par le biais d’une tâche d’élicitation.26
Pour elle, la requête est un « head act ». 27
Ce
26
C’est une tâche dans laquelle les participants doivent s’imaginer un certain contexte et ensuite
produire la requête demandée (van der Wijst 2000 : 196). 27
Van Mulken a travaillé avec le schéma de codage de CCSARP. CCSARP est l’abréviation pour
Cross-Cultural Speech Act Research Project. Voir par exemple les travaux de Blum-Kulka, House et
Kasper éd 1989 (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 116). Ce modèle fait la distinction entre (I) alerters (titles
or nick names), (II) head acts (the central requests) et (III) supportive moves (cajolers, disarmers or
93
« head act » est considérée comme l’unité la plus petite qui peut réaliser une requête. Au sein
de cet acte, elle a également distingué les stratégies directes, les stratégies indirectes
conventionnelles et les stratégies indirectes non conventionnelles (Van Mulken 1996 : 694).
Pour ce qui est des sous-catégories, elle distingue les formules performatives (cf. Kerbrat-
Orecchioni 2008b), mais également les formulations en « je veux ». En ce qui concerne les
stratégies indirectes conventionnelles, les suggestions comme « et si on faisait la vaisselle
ensemble ? » sont incluses. En outre, elle affirme à juste titre que « indirectness does noet
aquel politeness, but is generally assumed to be a tool to avoid impoliteness » (Van Mulken
1996 : 693).
Ses sous-catégories diffèrent donc légèrement de celles distinguées par Kerbrat-
Orecchioni (2008b) et Dumas (2008), mais la distinction fondamentale entre direct, indirect
conventionnel et indirect non conventionnel est identique.
Or, selon Kerbrat-Orecchioni (2008a), la distinction entre direct et indirect n’est pas
satisfaisante, raison pour laquelle elle distingue les formulations brutales d’une part et les
formulations adoucies d’autre part. Elle a opté pour les termes « brutal » et « adouci » au lieu
des termes plus courants de « direct » et « indirect » parce que ces derniers seraient ambigus
(Kerbrat-Orecchioni 2008a : 116) : de manière plus précise, on pourrait considérer des
phrases comme « tu fermeras la porte » et « je veux un bifteck » comme des formulations
« indirectes » parce que la requête s’exprime par le biais d’une formulation assertive.
Toutefois, ces expressions sont très brutales ce qui est, selon Kerbrat-Orecchioni (2008a), le
plus pertinent.
Dans la catégorie des formulations brutales, les énoncés à l’impératif et les tournures
elliptiques sont inclus. Cependant, comme Dumas (2008 : 202) l’a déjà signalé, la tournure
elliptique soulève un problème important: nous ne pouvons jamais savoir ce qui est vraiment
omis. Il se peut que la forme « donnez-moi » soit élidée, mais également « je veux » ou voire
« je voudrais ». Etant donné cet obstacle, Kerbrat-Orecchioni (2008a : 117) considère la
tournure elliptique comme une formulation brutale.
Dans la deuxième catégorie, celle des formulations adoucies, elle fait la distinction entre
la requête qui « est centrée sur le locuteur avec assertion d’un désir ou d’un vouloir » d’une
part et de la requête qui « est centrée sur le destinataire avec une question sur la disponibilité
du produit désiré » d’autre part (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 118).
En outre, les formulations adoucies correspondent aux réalisations indirectes
conventionnelles (cf. Kerbrat-Orecchioni 2008b et Van Mulken 1996). C’est la forme la plus
fréquente car elle « respecte le face-work sans créer de problème ni entraîner un surcoût
interprétatif » (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 118).
promises of reward). Nous nous concentrons seulement sur la requête principale qui correspond aux
(II) head acts du schéma de CCSARP (Van Mulken 1996 : 694). Voir par exemple aussi Rys (2007).
94
La classification de Kerbrat-Orecchioni (2008a) est résumée dans la figure ci-dessous et il
est clair que cette classification diffère de celle dans Kerbrat-Orecchioni (2008b), où elle
distingue les formulations directes, indirectes conventionnelles et indirectes non
conventionnelles.
Requête (Kerbrat-Orecchioni 2008a)
1. Les formulations brutales
a. Les énoncés à l’impératif « Donne-moi un steak »
b. La tournure elliptique « Un pain aux raisins »
2. Les formulations adoucies
a. La requête est centrée sur le locuteur avec assertion d’un désir ou d’un vouloir
« Je voudrais un pain aux céréales »
b. La requête est centrée sur le destinataire avec une question sur la disponibilité du
produit réservé « Vous avez des rognons de veau »
Figure 22 : Classification de la requête de Kerbrat-Orecchioni (2008a : 117)
3.2.2.1.2 Stratégies d’adoucissement
A côté l’établissement d’une typologie de base, les procédés d’adoucissement ont
également déjà fait couler beaucoup d’encre dans les études des actes de langage. Ces
procédés relèvent de la théorie de la politesse.
Kerbrat-Orecchioni (2008a : 119) reconnaît que les requêtes peuvent être adoucies par
plusieurs procédés. Les principaux sont « s’il vous plaît » et « la minimisation » (l’ajout de
l’adjectif « petit »). Le premier est un procédé omniprésent dans les conversations en site
commercial et le deuxième sert à « réduire symboliquement cette incursion dans le territoire
d’autrui que constitue la requête ; il reçoit donc une valeur rituelle » (Kerbrat-Orecchioni
2008a : 119).
Van de Wijst (2000) de son côté, a étudié les différences entre les Français et les
Néerlandais dans leur perception de différences de pouvoir par le biais de l’acte de la requête.
Son hypothèse est qu’un Français utiliserait plus de procédés d’adoucissement dans l’acte de
la requête face à un supérieur en comparaison d’un Néerlandais. En outre, il s’est concentré
sur les situations interculturelles dans lesquelles un Néerlandais parlait le français et il se
demande si le Néerlandais adapterait les règles de politesse de sa propre langue (van der Wijst
2000 : 187). Tout ceci est étudié par une tâche « d’élicitation » (elicitatietaak), c’est-à-dire
que les participants de la recherche devaient s’imaginer un certain contexte et ensuite
produire la requête demandée (van der Wijst 2000 : 196).
95
Il a examiné les procédés marquant la politesse, c’est-à-dire les procédés
d’adoucissement, au sein de la requête. L’accent de l’étude est donc mis sur la politesse et ne
pas sur la nature linguistique de la requête, raison pour laquelle cette approche est moins
pertinente pour notre recherche. Néanmoins, il est intéressant de regarder les procédés repérés
car il y a des idées qui reviendront dans notre classification finale. Ainsi, il fait la distinction
entre des marqueurs de politesse « internes » et « externes » (van der Wijst 2000 : 190-195).
Sa classification des procédés d’adoucissement est illustrée dans la figure ci-dessous.
Requête (van der Wijst 2000)
1. Marqueurs internes de la politesse
a. Modalité (permission, possibilité, …)
b. Les pronoms appellatifs (la distinction entre « jij/u » et « tu/vous »)
c. Conditionnalité
d. Polarité (la formulation négative ou affirmative)
e. Understatement (la minimisation, l’emploi de « eventjes » en néerlandais)
f. Downtoner (l’emploi de « misschien »)
g. Alstublieft (s’il vous plaît)
2. Marqueurs externes de la politesse
a. Les salutations
b. Contrôle sur la disponibilité
c. Justification
d. Minimaliser « les frais » (Ik wil nog graag even van het mooie weer profiteren en
het rapport is toch al bijna af.)
e. Présenter des excuses
f. Remercier
Figure 23 : Classification de la requête de van der Wijst (2000 : 190-195)
Les procédés comme la justification, la présentation des excuses et le remerciement
peuvent, selon nous, également figurer dans la requête-même, et seront ainsi donc des
marqueurs internes. En outre, van der Wijst (2000 : 195) explique qu’il considère les
marqueurs externes de la politesse comme de « face-work » qui est accompli hormis la
requête principale. Quant à nous, nous nous concentrons uniquement sur la requête-même. De
cette manière, l’étude des salutations comme des marqueurs de politesse n’entre donc pas en
ligne de compte pour l’analyse de la requête.
Pour ce qui est des procédés d’adoucissement dans l’analyse de Dumas (2008), elle
mentionne seulement le morphème « s’il vous plaît », la minimisation et l’emploi du
conditionnel.
96
Kerbrat-Orecchioni (2008b) de son côté, fournit une liste assez vaste de procédés
d’adoucissement qui sont énumérés dans la figure ci-dessous.
Requête brutale vs. Requête adoucie (Kerbrat-Orecchioni 2008b)
Formulations brutales
1. Des assertions en « je veux »
2. Assertions comportant un modalisateur déontique (à valeur d’obligation), « tu dois »
3. Des assertions à l’indicatif, futur ou en présent « vous vous taisez »
4. Des aggravateurs : morphèmes à valeur d’insistance ou d’impatience (immédiatement, tout de
suite, donc)
Formulations adoucies
1. Justification : « ferme la porte, il y a des courants d’air »
2. Désactualisateur modal ou temporal (le conditionnel et l’imparfait) : « je voudrais un
exemplaire de votre brochure »
3. Amadoueur : « sois sympa, ferme la porte »
4. Préface : « je peux te demander quelque chose »
5. Minimisateur : « donnez-moi un petit coup de main »
6. Stratégie du pessimisme : « vous auriez une cigarette par hasard ? »
7. Autres « marqueurs d’optionalité » qui présentent l’accomplissement de la requête comme
entièrement soumis à la disponibilité et au bon vouloir du destinataire : « si tu veux bien », « si
tu as un moment »
8. Morphème « s’il vous plaît »
Figure 24 : Procédés d’adoucissement et des requêtes plus brutales (Kerbrat-Orecchioni
2008b : 102-105)
Elle a fait observer que les requêtes sont les plus fréquemment adoucies par deux
procédés, à savoir par le morphème « s’il vous plaît » et par « la minimisation » (Kerbrat-
Orecchioni (2008a : 119). Par ailleurs, les procédés inverses existent également, à savoir les
formulations qui durcissent la requête (cf. formulations brutales dans la figure 24).
Nous vérifierons la présence de ces procédés dans notre corpus en modifiant 2 éléments :
d’une part, nous ne parlons plus des formulations brutales car selon nous, ce terme entraîne
une interprétation subjective. Nous utiliserons le terme de formulations non adoucies qui est
selon nous plus neutre. D’autre part, nous ne considérons des assertions en mode indicatif,
futur ou présent pas comme des aspects qui rendent l’énoncé moins adouci.
97
Le morphème « s’il vous plaît », mérite encore quelques explications supplémentaires.
Danblon, De Clerck & van Noppen (2005) expliquent entre autres l’origine du mot « s’il vous
plaît » et son pendant néerlandais « alstublieft ». Paraphrasé en anglais, ces mots trouvent
leurs origines dans les phrases « if you please » ou « if it pleases you » (Danblon, De Clerck
& van Noppen 2005 : 3). Comme leur analyse s’est concentrée sur la situation linguistique
belge, ils soulignent une particularité belge de ce morphème :
In Dutch, alstublieft can accompany both requests and acts of giving. This is not the case in
standard French, where s’il vous plaît is used only in requests. It has been observed that in Belgien
French, however, s’il vous plaît is used in a manner not unlike alstublieft, i.e. not only when
asking, but also when giving or handing over something. (Danblon, De Clerck & van Noppen
2005 : 3)
Pour l’analyse de la requête, nous travaillerons également avec la distinction entre
formulations directes, formulations indirects conventionnelles et formulations indirectes non
conventionnelles parce que c’est une distinction qui est acceptée par beaucoup de chercheurs
(cf. Kerbrat-Orecchioni 2008b, Dumas 2008 et Van Mulken 1996). Plus précisément, nous
suivrons la classification de Dumas (2008) et de Kerbrat-Orecchioni (2008b). Nous n’avons
pas opté pour la classification de Van Mulken (1996) parce que celle-ci s’inscrit dans une
approche bien spécifique, à savoir celle de CCSARP (cf. supra).
Cependant, la classification de Dumas (2008) est, selon nous, à certains niveaux trop
réduite. Voilà pourquoi nous intégrons également la classification de Kerbrat-Orecchioni
(2008b) vu qu’elle distingue encore des niveaux supplémentaires (à savoir « les formules
performatives » dans les formulations directes, « les formulations indirectes non
conventionnelles » et « les structures interrogatives à la deuxième personne à l’indicatif ou au
conditionnel » dans les formulations indirectes conventionnelles).
De cette manière, nous avons combiné certains aspects des taxinomies de Dumas (2008)
et de Kerbrat-Orecchioni (2008b) afin d’aboutir à cette classification finale:
98
“ Requête : classification finale
1. Formulations directes
a. Les formes impératives « donnez donc un X »
b. Les formes elliptiques « un Marlboro »
c. Utilisation d’une formule explicitement performative « je t’ordonne de fermer la
porte »
2. Les formulations indirectes
a. Les formulations indirectes non conventionnelles « zut, j’ai fini mon paquet »
b. Les formulations indirectes conventionnelles
i. Structure interrogative à la deuxième personne, comportant un modalisateur
« pouvoir » ou « vouloir » à l’indicatif ou au conditionnel (= other-oriented)
ii. Question sur la possibilité qu’a le destinataire de fournir cet objet, comme
dans « tu as une cigarette ? » (= other-oriented)
iii. Assertion à la première personne comportant les verbes « aimer » au
conditionnel, ou « vouloir » à l’indicatif ou au conditionnel. (= self-oriented)
Figure 25 : Classification finale de la requête
En ayant discuté la littérature traitant l’acte la requête et en ayant précisé notre
classification finale, nous pourrons passer maintenant à l’aperçu général de l’autre acte de
langage, à savoir la demande d’information.
Vu que les procédés d’adoucissement ont été abordés ci-dessus, seule une discussion des
typologies de base sera traitée dans 3.2.2.2 car les mêmes procédés d’adoucissement valent
pour la demande d’information.
3.2.2.2. La demande d’information
Nous avons défini la demande d’information comme « tout énoncé qui se présente
comme ayant pour finalité principale d’obtenir de son destinataire un apport d’information »
(Kerbrat-Orecchioni 2008b : 86). Dans l’esprit de Béal (2010 : 265), nous adoptons le terme
demande d’information au lieu de question parce qu’il ne faut pas confondre les demandes
d’information avec leur réalisation la plus fréquente, à savoir la question.
Comme c’est le cas pour l’acte de la requête, la demande d’information peut être analysée
selon différentes manières. Flament-Boistrancourt & Debrock (1997) ont étudié la demande
d’information dans les scènes d’embauche chez les francophones (de la France) et les
apprenants néerlandophones belges de français. Ils n’ont donc pas examiné des interactions
en néerlandais. Quant à nous, nous regarderons des interactions en néerlandais des Belges.
99
Ils ont distingué trois grandes catégories : (I) les interrogations totales directes, (II) les
interrogations partielles directes et (III) les structures intermédiaires (Flament-Boistrancourt
& Debrock 1997 : 97-98). C’est surtout cette dernière catégorie qui nous intéresse dans cette
répartition car les autres deux catégories sont des distinctions traditionnelles.
Au sein des constructions intermédiaires, les assertions-demandes de confirmation et les
questions orientées ont été distinguées. Les premières se présentent sur le plan formel comme
des assertions, mais sur le plan de l’interprétation elles ont clairement la fonction des
demandes d’informations comme « vous êtes étudiante je suppose ». Les questions orientées,
en revanche, ressemblent formellement à des interrogations mais le contenu est
incontestablement assertif « tu n’es donc pas parti ? » (Flament-Boistrancourt &
Cornette 1999 : 123). De telles structures intermédiaires seraient, selon Flament-Boistrancourt
& Debrock (1997), typiques pour les francophones.
Ces mêmes distinctions entrent en ligne de compte dans une autre étude de Flament-
Boistrancourt, une étude qui a été menée avec la participation de Greet Cornette (1999). Elles
ont également étudié l’acte de la question chez les francophones (de la France) et chez les
apprenants néerlandophones belges du français dans les scènes dites du baby-sitting. En outre,
elles soulignent la complexité du fonctionnement de l’acte de la question et elles
reconnaissent qu’il n’est pas si évident de les distinguer, de les identifier et de les classer.
Néanmoins, elles ont pu établir une typologie sur la base de leur corpus LANCOM.28
Nous la
fournirons dans la figure ci-dessous.
28
Le corpus LANCOM est constitué d’interactions verbales. Les locuteurs (francophones de la France
et apprenants néerlandophones belges du français) ont du jouer des scènes traitant un certain thème.
Ainsi, les scènes du baby-sitting étaient examinés dans cette étude (Flament-Boistrancourt & Cornette
1999: 120).
100
Demande d’information (Flament-Boistrancourt & Cornette 1999)
1. Structures interrogatives
a. Interrogations totales
i. Interrogations totales directes
ii. Interrogations totales indirectes
b. Interrogations partielles
i. Interrogations partielles directes
ii. Interrogations partielles indirectes
c. Interrogations totales et/ou partielles
d. Interjections
2. Structures assertives
a. Illocutoire dérivé marqué « je vais prendre vos coordonnées »
b. Illocutoire dérivé non marqué « non! Je ne comprends pas »
3. Structures intermédiaires
a. Assertions-demandes de confirmation « vous êtes étudiante je suppose »
b. Questions orientées « tu n’es donc pas parti ? »
Figure 26 : Typologie de l’acte de la question de Flament-Boistrancourt & Cornette
(1999 : 128-131)
Nous retrouvons dans cette typologie la même distinction formelle entre les
interrogations directes et indirectes d’une part et entre les interrogations partielles et totales
d’autre part comme chez Flament-Boistrancourt & Debrock (1997) (cf. Kerbrat-Orecchioni
2008b : 86-89). Cependant, Flament-Boistrancourt & Cornette (1999) ont fait, à l’opposé de
Flament-Boistrancourt & Debrock (1997) des distinctions supplémentaires. De manière plus
précise, elles ont ajouté la catégorie de structures assertives. Etant donné que nous suivons
l’idée de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 91) qu’il existe « un continuum reliant l’assertion et la
question », cette catégorie nous semble parfaitement justifié. Les indicateurs de la demande
d’information ont, en effet, un caractère graduel. Ainsi, une intonation peut par exemple être
plus ou moins nettement ascendante et un modalisateur peut exprimer un degré plus ou moins
fort d’incertitude. En outre, il faut donc reconnaître également l’existence des semi-questions
et semi-assertions et d’autres cas intermédiaires (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 90).
Nous inclurons la catégorie des structures assertives dans notre classification finale. Par
ailleurs, elles notent qu’il est très difficile de partir d’une typologie a priori pour une telle
analyse : en effet, « d’une grammaire à l’autre et selon l’objectif poursuivi, le nombre de
phrases interrogatives distingué est rarement le même » (Flament-Boistrancourt & Cornette
1999 : 127).
101
Penchons-nous dans un dernier temps sur le travail de Kerbrat-Orecchioni (2008b). Elle a
fourni des critères assez clairs pour distinguer les questions directes des indirectes.
L’acte de la question (Kerbrat-Orecchioni 2008b)
1. Question exprimée d’une manière directe: présence des marqueurs spécifiques
a. Lexical (verbe performatif: « je te demande si tu pars »)
b. Morpho-syntaxique (morphème interrogative: est-ce que, hein?, non?, quoi, quel,
qui,…)
c. Syntaxique (inversion pronom-sujet:)
d. Prosodique à l’oral (schéma mélodique généralement ascendant)
2. Question exprimée d’une manière indirecte : se greffant sur un autre acte de langage
a. Assertion du but illocutoire de la question : « j’aimerais savoir où tu pars »
b. Question portant sur la condition de réussite relative au destinataire : « sais-tu où/si
tu pars? »
c. Assertion portant sur la condition de réussite concernant le locuteur : « je ne sais pas
si/où tu pars.»
Figure 27 : Typologie de l’acte de la question de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 88-89)
La question est directe lorsqu’elle possède certains « marqueurs spécifiques » comme
nous les avons énumérés dans la figure ci-dessus (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 88).
Contrairement à Flament-Boistrancourt & Cornette (1999), elle considère les interjections
telles que « hein ? » et « non ? » comme des morphèmes interrogatives marquant une
question directe. Elle signale que le type de marqueur présent est dépendant de la situation
communicative (par exemple oral ou écrit, situation formelle ou informelle) et du type
d’interaction (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 88).
Les questions indirectes se greffent sur un autre acte de langage (par exemple les
assertions). Nous suivons cette opposition entre direct et indirect et nous l’intégrons dans
notre classification finale, que nous représentons dans la figure 28.
102
La demande d’information : classification finale
1. Forme : totale (Pierre est arrivé ?) ou partielle (Pierre arrive quand ?)
2. La façon de réaliser la demande d’information :
a) Exprimée d’une manière directe
Marqueurs
1. Lexical (verbe performatif : « je te demande si tu pars »)
2. Morpho-syntaxique (morphème interrogative : est-ce que, hein ?,
non ? quoi , qui, … et cetera)
3. Syntaxique (inversion pronom-sujet)
4. Prosodique à l’oral (schéma mélodique généralement ascendant)
b) Exprimée d’une manière indirecte
i. Assertion du but illocutoire de la question : « j’aimerais savoir où tu
pars »
ii. Question portant sur la condition de réussite relative au destinataire :
« sais-tu où/si tu pars? »
iii. Assertion portant sur la condition de réussite concernant le locuteur : « je
ne sais pas si/où tu pars »
c) Structures assertives
Assertions-demandes de confirmation : « vous êtes étudiante je suppose »
Figure 28 : Classification finale de la demande d’information
A côté de la distinction faite par Kerbrat-Orecchioni (2008b), nous avons donc également
inclus les structures assertives (Flament-Boistrancourt & Cornette 1999) avec les assertions-
demandes de confirmation. Nous n’analyserons pas les questions orientées telles que « tu n’es
donc pas partie ? » parce que ainsi on pourrait, selon nous, interpréter chaque interrogation
comme une sorte d’assertion.
Conformément à l’analyse de la requête, les procédés d’adoucissement seront également
étudiés et pour cela, nous appliquerons la même liste à notre corpus comme celle que nous
avons discutée pour les requêtes, en nous basant sur Kerbrat-Orecchioni (2008b) (cf. supra).
103
3.2.3. LA DEMANDE D’INFORMATION ET LA REQUETE: PERSPECTIVE
COMPARATIVE
3.2.3.1. La requête
Regardons les résultats des analyses discutées sous 3.1.2. Nous traiterons d’abord les
auteurs qui ne décrivent que des interactions françaises (Kerbrat-Orecchioni 2008a & 2008b
et Dumas 2008) et ensuite nous aborderons quelques travaux comparatifs (van der Wijst
2000, Van Mulken 1996, Danblon, De Clerck & van Noppen 2005).
Kerbrat-Orecchioni (2008a) s’est appuyée dans un premier temps sur la distinction de
« requêtes adoucies » et « requêtes brutales ». Elle a fait observer que les formulations
brutales, comme la formulation à l’impératif, sont rares : la plupart des requêtes dans les
petits commerces français sont des formulations adoucies. Par contre, la tournure elliptique
est quand même relativement fréquente : elle est présent dans 13% des requêtes dans le
corpus du bureau de tabac et voire dans 18% des requêtes dans le corpus des boucheries. La
présence de cette tournure elliptique peut être expliquée. D’une part, les clients viennent à un
rythme soutenu dans de tels commerces (et le facteur d’économie règne également), et d’autre
part on a affaire à un produit qui est banal et routinier parce que le client sait exactement ce
qu’il veut (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 117).
Pour ce qui est des formulations adoucies (les formulations indirectes conventionnelles),
le conditionnel présent est très fréquent. Le conditionnel passé, par contre, est très rare. Par
ailleurs, le morphème d’adoucissement « s’il vous plaît » accompagnait la moitié des requêtes
dans le corpus de boucherie. Le procédé de « minimisation », par contre, est moins fréquent
(Kerbrat-Orecchioni 2008a : 118-121).
Conformément à l’analyse de Kerbrat-Orecchioni (2008a), les formes impératives sont
également peu repérées dans le corpus de Dumas (2008). Par contre, les tournures elliptiques
connaissent une faible présence de moins de 13% dans tous les sites (Dumas 2008 : 202). Ce
chiffre confirme les résultats de Kerbrat-Orecchioni (2008a).
Or, il y a une exception : dans le tabac-presse, la formulation elliptique semble être la
forme la plus fréquente, mais elle est régulièrement adoucie par « s’il vous plaît ». De
manière semblable à Kerbrat-Orecchioni (2008a), la raison de cette présence de la
formulation elliptique se trouve dans le fait que les clients « se succèdent à un rythme
soutenu » (Dumas 2008 : 203). En outre, les interactions dans un tabac-presse sont
généralement très courtes et une formulation elliptique permet « d’économiser le temps »
(Dumas 2008 : 203). En général, les formulations directes de la requête ne sont donc pas
légion en contexte commercial, sauf au tabac-presse.
104
Passons maintenant aux résultats des travaux comparatifs. Ces travaux ont comparé des
interactions en français aux interactions en néerlandais (Pays-Bas) (van Der Wijst 2000 &
Van Mulken 1996). Il sera sans doute intéressant de comparer ces résultats aux nôtres:
comme le flamand est proche du néerlandais des Pays-Bas et le français belge est assez
proche du Français hexagonale, il se peut que nous trouvions des ressemblances. Après cette
discussion, nous traiterons les résultats de Danblon, De Clerck & van Noppen (2005) qui ont
mené une étude comparative consacrée à la Belgique.
En ce qui concerne la recherche de van der Wijst (2000), nous ne discuterons que
brièvement cinq résultats à propos de la première hypothèse : selon lui, un Français utiliserait
plus de marqueurs de politesse dans l’acte de la requête face à un supérieur en comparaison
d’un Néerlandais.
Premièrement, il a constaté que les deux groupes de langues font très fréquemment
recours au (I) mode conditionnel. Toutefois, l’emploi chez les Français est encore beaucoup
plus élevé en comparaison des Néerlandais (82,5% vs. 62,5%). La plus grande différence peut
être située au niveau des (II) pronoms appellatifs : les Français emploient de façon
significative plus fréquemment l’appellatif « vous » que les Néerlandais emploient « u ».
Troisièmement, les (III) « downtowners » (comme « misschien ») sont utilisées davantage par
les Néerlandais. L’équivalent francophone « peut-être » ne s’est pas produit. Quatrièmement,
les francophones tendent à (IV) remercier davantage leur interlocuteur que le font les
néerlandophones. Plus précisément, ils finissent leur requête avec « je vous remercie » (9%).
Chez les Néerlandais, un tel emploi n’est pas repéré. Finalement, les Français ont ajouté dans
la moitié des requêtes (V) une excuse, essentiellement du type « excuses-moi » (46,3%). En
néerlandais, l’apparition d’une excuse est exceptionnelle (2,5%) (van der Wijst 2000 : 199-
201).
Le premier constat de Van Mulken (1996), de son côté, est que les requêtes francophones
sont tout d’abord beaucoup plus longues que celles des néerlandophones (63,6 mots vs. 24,9
mots) (Van Mulken 1996 : 693). Il ressort de son analyse que la stratégie de « query
preparatory » est à la fois la plus fréquente pour les francophones (61%) et pour les
néerlandophones (71%) : « a query preparatory strategy refers to a precondition that must be
fulfilled by the hearer in order to comply with the request » (Van Mulken 1996 : 699). En
d’autre mots : la requête est précédée par une question à l’avance.
Tournons-nous vers la recherche de Danblon, De Clerck & van Noppen (2005). C’est la
seule recherche qui s’oriente spécifiquement vers la situation linguistique en Belgique, raison
pour laquelle cette recherche est particulièrement intéressante pour nous. Mieux encore :
contrairement à nous, ils ont également inclus la région de Bruxelles. Ils ont fait observer
qu’il y a des différences entre la Flandre, la Wallonie et Bruxelles. Ainsi, ils ont conclu que
les requêtes formulées par les Flamands contiennent le plus de marqueurs de politesse (60%).
105
Dans la région de Bruxelles, ce n’est pas encore la moitié des requêtes et en Wallonie il ne
s’agit que de 42% des requêtes. Les marqueurs les populaires sont « alstubieft / s’il vous
plaît » et les indicateurs modaux comme le conditionnel présent « ik zou graag / je voudrais »
(Danblon, De Clerck & van Noppen 2005 : 5).
Nous retenons surtout de la littérature examinée que les requêtes en français dans les sites
commerciales et les sites de service sont formulées d’une manière indirecte conventionnelle.
Le morphème « s’il vous plaît » semble être très fréquent. Sous forme schématique:
La requête à la française
- surtout des formulations adoucies
- quasi-absence des formes impératives
- la tournure elliptique est quand même relativement fréquente dans des tabac-presses
- la présence du conditionnel présence
- la présence du morphème « s’il vous plaît »
- l’emploi standardisé de « vous »
- les requêtes sont assez longues
Figure 29 : La requête à la française
3.2.3.2. La demande d’information
Les résultats des études discutées sous 3.1.2.2. seront au cœur de cette section.
Remarquons que ces études examinent seulement les productions des francophones et des
apprenants néerlandophones du français : leurs énoncés sont donc également prononcés en
français. Quant à nous, nous regarderons des productions néerlandaises des locuteurs
néerlandophones belges.
Ainsi, l’analyse de Flament-Boistrancourt & Debrock (1997) a montré que les structures
intermédiaires sont absentes dans le corpus des apprenants néerlandophones de français. Ce
type de structure est, selon eux, typique pour les francophones. Une autre grande tendance qui
est ressortie de leur recherche, est que les francophones préfèrent manifestement des
interrogations totales inversement aux locuteurs néerlandophones qui optent pour des
interrogations partielles (Flament-Boistrancourt & Debrock 1997 : 98-99).
Leur analyse de la nature de la requête a révélé deux caractéristiques pour les
francophones: il y a les minimisations (l’emploi de « un (petit) peu ») d’une part et les
thématisations (par exemple « donc dans vos actions euh associatives vous vous même
travaillez euh en tant que bénévole ? » d’autre part (Flament-Boistrancourt & Debrock 1999 :
106
102). Dans ces phrases, la tête de l’énoncé sera toujours le thème de la question. Ces procédés
ne sont pas présents dans les interactions des locuteurs non natifs du français.
Pour ce qui est de l’analyse de Flament-Boistrancourt & Cornette (1999), elles ont fait
observer que les structures de type interrogatif dominent. Les structures intermédiaires ne
représentent que 10% du corpus total et les structures assertives n’atteignent qu’un
pourcentage de 3% (Flament-Boistrancourt & Cornette 1999 : 135).
Premièrement, leur analyse confirme celle de Flament-Boistrancourt & Debrock (1997)
dans la mesure où leur corpus a également montré que les néerlandophones ont une nette
préférence pour les interrogations partielles, contrairement aux francophones qui préfèrent
les interrogations totales. Ceci peut être expliqué, selon eux, par le fait que les
néerlandophones sont très fixés sur leur but à atteindre, à savoir obtenir un apport
d’information, raison pour laquelle ils utilisent surtout des interrogations partielles qui
peuvent s’accumuler (Flament-Boistrancourt & Cornette 1999 : 147).
Quant au francophones, ils utilisent l’acte de question avec plus de consensualité : ainsi,
la question ne se trouve donc jamais en position d’ouverture d’une conversation.
Evidemment, ils utilisent parfois des interrogations partielles mais celles-ci ne se trouvent
jamais au début de l’interaction (Flament-Boistrancourt & Cornette 1999 : 147-148).
Au sein de l’interrogation partielle, les néerlandophones ont une préférence pour combien
à l’opposé des francophones qui font le plus souvent appel à quel. Ceci est dû au fait que les
francophones ont utilisé plus de structures déterminatives du type « quel jour » et « quelle
heure » (Flament-Boistrancourt 1999 : 140).
Deuxièmement, les francophones utilisent manifestement plus d’interjections que les
locuteurs non natifs (30 occurrences vs. 1 occurrence). Elles signalent qu’ainsi, les
francophones ont « une réelle inscriptions de l’activité questionnante dans l’énonciation : on
s’assure que le message passe, que l’interlocuteur suit, est d’accord » (Flament-Boistrancourt
& Cornette 1999 : 136).
Finalement, conformément à l’étude de Flament-Boistrancourt & Debrock (1997), les
néerlandophones n’utilisent pas non plus des structures intermédiaires alors que les
francophones les emploient bel et bien.
Ce que ces deux études ont en commun, c’est que les francophones tendent à utiliser
plutôt les interrogations totales contrairement aux néerlandophones qui font surtout recours
aux interrogations partielles. En outre, les structures intermédiaires ont été chaque fois
seulement repérées dans les interactions des Français. Nous vérifierons dans quelle mesure
notre corpus confirme ces constatations.
Faisons le bilan pour ce qui est de la demande d’information des francophones (la figure
30).
107
La demande d’information à la française
- majoritairement des interrogations totales
- la prépondérance des structures interrogatives
- l’emploi fréquent des interjections
- la présence des structures intermédiaires
Figure 30 : La demande d’information à la française
108
3.3. L’ACTE DE REQUETE ET LA DEMANDE D’INFORMATION DANS LES
OFFICES DE TOURISME EN FLANDRE ET EN WALLONIE
3.3.1. GENERALITES
Chaque conversation ne comporte pas nécessairement une requête. Ainsi, nous avons
dénombré 25 requêtes dans le corpus néerlandophone tandis qu’il y en n’a que 22 dans le
corpus francophone.29
L’analyse de la demande d’information de son côté, a été faite sur la base de 17 demandes
d’information dans le corpus francophone et 15 demandes dans le corpus néerlandophone.30
Dans ce qui suit, nous aborderons d’abord l’analyse de la requête (3.3.2.) pour ensuite
passer à l’examen de la demande d’information (3.3.3.). Dans chaque section, nous
discuterons dans un premier temps la nature de l’acte de langage en question et dans un
deuxième temps les procédés d’adoucissement.
3.3.2. LA REQUETE
3.3.2.1. La nature des requêtes
Premièrement, nous avons appliqué la classification proposée sous 3.2.2.1.2 à notre
corpus. Ainsi, nous avons dû constater qu’il y a des requêtes qui ne vont pas dans cette
classification. Nous les avons regroupé dans la catégorie autre et nous verrons que les
exemples néerlandophones dans cette catégorie sont plus nombreux. Ceci s’explique par le
fait que la classification a été établie sur la base de littérature française de sorte qu’elle est
peut-être moins propice pour un corpus néerlandophone.
Les formulations indirectes non conventionnelles sont également incluses dans la
catégorie autre vu qu’il est difficile de distinguer les cas non conventionnels des cas autres.
Nous présenterons les résultats de notre classification sous le tableau ci-dessous dans
laquelle chaque type de requête est affiché avec la fréquence correspondante.
29
Pour les listes des requêtes néerlandophones et francophones, voir annexe 3 & 4. 30
Dans le corpus francophone (40 conversations), il y a une conversation qui ne comporte ni une
demande d’information ni une requête (conversation 3). Il s’agit d’une femme qui avait emporté toutes
sortes de prospectus pour le bureau de Liège. Il s’agit plutôt d’une offre, raison pour laquelle cette
conversation n’entre pas en ligne de compte pour l’analyse de l’acte de la requête ou de l’acte de la
demande d’information. Pour les listes des demandes d’information néerlandophones et francophones,
voir annexe 5 & 6.
109
Requête FR NL
# % # %
Les formulations directes 1. Impératif 0 0 % 0 0 % 2. Tournure elliptique 0 0 % 3 12 % 3. Forme performative 0 0 % 0 0 %
Les formulations indirectes 1. Conventionnelles 12 54,55 % 7 28 % a. structure interrogative
à la 2ième personne avec
le verbe « pouvoir » ou
« vouloir » à l'ind. ou
cond.
0 0 % 0 0 %
b. question sur la
possibilité qu'a le
destinataire de fournir
l'objet
9 40,91 % 5 20 %
c. assertions à la
première personne avec
les verbes « aimer » au
cond. ou « vouloir » à
l'ind. ou cond.
3 13,64 % 2 8 %
2. Autre 10 45,45 % 15 56 %
Total 22 100 % 25 100 %
Tableau 10 : Chiffres globaux pour la requête31
Chaque sous-type sera discuté dans un paragraphe à part.
3.3.2.1.1. Les formulations directes
Nous n’avons pas rencontré des formulations directes dans le corpus francophone à
l’inverse du corpus néerlandophone où nous avons repéré 3 exemples (12%). Dans tous ces
cas, il s’agissait des tournures elliptiques. Dans ces interactions, les visiteurs se limitent à
l’essentiel de leur visite, à savoir à la formulation de l’objet qu’ils aimeraient obtenir.
Extrait 56
E1 : goeiedag meneer
V1 : goedenavond een plattegrond ?
Corpus NL conversation 39
Il est clair dans l’extrait que le visiteur n’orne pas sa requête. De telles formulations ne
sont pas prototypiques, mais elles peuvent bel et bien se produire dans un office de tourisme
néerlandophone. Par contre, ces formulations seront donc très marquées dans un office de
tourisme francophone. Ceci confirme les analyses de Kerbrat-Orecchioni (2008a) et Dumas
31
L’application précise de la classification à notre corpus est disponible en annexe 7.
110
(2008) qui ont constaté que les formulations directs sont, en effet, beaucoup plus rares que les
formulations indirectes.
3.3.2.1.2. Les formulations indirectes conventionnelles
La majorité des requêtes dans le corpus francophone sont des formulations indirectes
conventionnelles (54,54%). Cependant, dans le corpus néerlandophone, ce type ne représente
que 28% des requêtes. Ceci est dû au grand nombre de requêtes néerlandophones qui sont
intégrées au sein de la catégorie autre (cf. infra). La catégorie structures interrogatives à la
deuxième personne avec le verbe « pouvoir » ou « vouloir » à l’indicatif ou au conditionnel
est absent dans nos corpus.
Par contre, la catégorie des questions sur la possibilité qu’a le destinataire de fournir
l’objet est bel et bien présente dans les corpus : 40,91% dans le corpus francophone et 20%
dans le corpus néerlandophone. Ce type semble être la formulation favorite des francophones
tandis que les néerlandophones font davantage recours à d’autres types de formulation.
Regardons un extrait pour chaque langue (l’extrait 57 et extrait 58).
Extrait 57
V1 : bonjour
E1 : bonjour
V1 : vous avez des euh un petit un petit un petit plan de promenade pour le centre historique ?
Corpus FR conversation 1
Extrait 58
E1 : dag
V1 : hebt gij een kaartje van Oostende ?
Corpus NL conversation 19
Dans les extraits 57 et 58, le but du visiteur est donc d’obtenir un certain objet, à savoir
un plan de la ville. Remarquons que le visiteur néerlandophone opte ici pour le pronom « gij »
tandis que le visiteur francophone fait recours au vouvoiement. De telles formulations sont
toujours orientées vers l’employé, raison pour laquelle Kerbrat-Orecchioni (2008b : 101) les
appelle des structures dites « other-oriented ».
Le deuxième type indirect qui est présent dans nos deux corpus, est l’assertion à la
première personne avec les verbes « aimer » ou « vouloir » à l’indicatif ou au conditionnel.
111
Ces tournures sont beaucoup plus rares en comparaison des questions sur la possibilité qu’a
le destinataire de fournir l’objet. De manière plus précise, nous avons constaté que le corpus
francophone contient 3 assertions (13,64%) de ce type et le corpus néerlandophone en a 2
(8%) (l’extrait 59 et l’extrait 60). Ces formulations sont donc moins prototypiques pour la
formulation d’une requête.
Extrait 59
E1 : bonjour
V1 : bonjour
V1 : je veux avoir euh une carte des des randonnées s’il vous plaît on voulait aller euh vers la
montagne de X et du côté et aller du côté des X
Corpus FR conversation 18
Extrait 60
V1 : wij willen ook zo’n boekje van Musee alstublieft
E1 : ja
Corpus NL conversation 15
A l’inverse des questions sur la possibilité qu’a le destinataire de fournir l’objet, ces
formules sont « self-oriented » : la requête est introduite de la perspective du demandeur. Il
faut remarquer que le deuxième exemple dans le corpus néerlandophone est un exemple
spécial et exceptionnel (l’extrait 61):
Extrait 61
E1 : goeiedag
V1 : hallo euh we zouden graag die Marvin Gaye wandeling
E1 : had u gereserveerd ?
Corpus NL conversation 20
En effet, la construction « we zouden graag » n’est grammaticalement pas correcte : il ne
s’agit pas d’un cas voulu d’ellipse. Le verbe a été clairement omis dans cet énoncé. La cause
pour cette omission n’est pas facile à retracer : il ne s’agit pas d’un cas de chevauchement et
le visiteur parle d’une façon très claire et lente. Cependant, après la prononciation du mot
« wandeling », le visiteur a introduit une pause. L’employé de son côté, se sert de cette pause
pour introduire une question. Apparemment, elle avait déjà compris le but de la requête du
visiteur si bien qu’elle ne lui laisse pas finir sa phrase. Ceci ne s’est pas produit d’une façon
brutale étant donné la lenteur des énoncés. Néanmoins, l’employé a fait intrusion dans le tour
de parole du visiteur.
112
Etant donné l’omission du verbe, nous avons quand même catégorisé cette requête dans la
classe des assertions à la première personne avec les verbes « aimer » ou « vouloir » parce
que la construction néerlandaise « X zou graag + infinitif » se traduit en français par le verbe
« aimer ».
Les autres requêtes repérées dans le corpus ne vont pas dans les catégories discutées ci-
dessus, raison pour laquelle nous avons créé la catégorie autre.
3.3.2.1.3. Autre
Il s’agit de 14 des 25 requêtes néerlandophones (56%) qui ont été classifiées dans la
catégorie autre par opposition à 10 requêtes des 22 dans le corpus francophone (45,45%). Par
ailleurs, vu qu’il est difficile de distinguer les cas non conventionnels des cas autres, nous
avons opté pour les intégrer dans une seule catégorie, à savoir autre. Ainsi, nous avons
distingué quatre types dans la catégorie autre :
1. Le but de l’activité est clairement exprimé
2. Une requête/demande de permission
3. Une description de la situation
4. Cas ambigu (but + description de la situation)
Nous pouvons expliquer la présence de ces cas à partir de la nature de notre corpus: la
classification sur laquelle nous nous sommes basée, s’appuie surtout sur la littérature en
contexte commercial. Comme un office de tourisme n’est pas un vrai site commercial mais
plutôt un site de service, il est donc possible que notre classification ne soit pas satisfaisante.
Il est vrai que dans les extraits que nous avons discutés ci-dessus, le but de l’activité est
également souvent très clair, par exemple dans les tournures elliptiques « een plattegrond ? ».
La raison pour laquelle nous avons inclus certaines requêtes dans la catégorie globale autre,
est parce qu’elles ne répondent pas aux critères formels qui sont imposés par les catégories
dans la classification (par exemple une assertion à la première personne avec les verbes
« aimer » ou « vouloir » à l'indicatif ou au conditionnel).
En outre, à côté de ces quatre types supplémentaires, nous avons rencontré une
construction dans le corpus néerlandophone qui est absente dans le corpus francophone. Il
s’agit de la construction « ik/wij had(den) graag X » ce qui est un imparfait modal (Roels,
Mortelmans & Van Der Auwera 2007). Nous y revenons encore plus tard dans cette section.
Voici le tableau global qui regroupe tous les types que nous avons distingués au sein de la
classe autre avec leurs fréquences correspondantes.
113
Autre FR NL
# % # %
1. But de l’activité est exprimé 5 22,73 % 3 12 %
2. Requête de permission 1 4,55 % 6 20 %
3. Description de la situation 3 13,64 % 3 12 %
4. Ambigu : but + description 1 4,55 % 0 0 %
5. Imparfait modal 0 0 % 3 12 %
Tableau 11 : Les formulations autres dans le corpus FR/NL
Chaque sous-type sera clarifié ci-dessous avec un exemple français ou néerlandais.
(1) Commençons avec les requêtes dans lesquelles le but de l’activité est exprimé. Ces
types de requêtes constituent plus d’un cinquième du corpus francophone (22,73%) et ils
obtiennent un pourcentage de 12% dans le corpus néerlandophone. Regardons un exemple.
Extrait 62
E1 : je peux vous aider madame ?
V1 : oui euh je reviens pour avoir des X plusieurs des X en anglais madame de (.) la X a téléphoné
Corpus FR conversation 6
En effet, le but de l’énoncé est très clair. Dans ces types de requêtes, la préposition
« pour » pour le français et « voor » pour le néerlandais est très souvent présente. Cette
préposition indique le but de la requête. Remarquons également que ces requêtes sont,
conformément aux assertions à la première personne avec les verbes « aimer » ou « vouloir »
des formulations conventionnelles directes, également « self-oriented » : l’énoncé est réalisé
de la perspective du visiteur, visible dans l’emploi des pronoms personnels à la première
personne (cf. « je » dans l’extrait 62).
(2) Les requêtes/demandes de permission de leur côté, semblent être une tournure
typiquement néerlandaise où elles constituent un cinquième du corpus (20%). Par contre, la
requête de permission n’est apparue qu’une fois dans le corpus francophone (4,55%). Nous
éclaircissons ce type de requête avec l’extrait 63.
Extrait 63
E1 : dag mevrouw
V1 : mag ik mag ik de fietsroute alstublieft ?
Corpus NL conversation 8
114
A première vue, cette requête ressemble à la question sur la possibilité qu’a le
destinataire de fournir l’objet au sein des formulations indirectes conventionnelles (cf.
l’extrait 58 « hebt gij een kaartje van Oostende »). Cependant, il y a une grande différence
formelle entre les deux types de tournures. Ainsi, les requêtes sur la possibilité qu’a le
destinataire de fournir l’objet sont « other-oriented », donc orientées vers l’interlocuteur (cf.
l’extrait 58 « hebt gij »), tandis que les requêtes de permission sont « self-oriented », donc
orientées vers le locuteur-même (cf. l’extrait 64 : « mag ik »). Néanmoins, ces deux types ont
le même but, à savoir d’obtenir un objet.
(3) Le troisième sous-type distingué au sein de la catégorie autre, est la description de la
situation. De telles formules sont très implicites parce que l’employé doit deviner le but de la
visite à partir d’une description (l’extrait 64).
Extrait 64
E2 : bonjour
V2 : bonjour il paraît qu’on a sorti une carte concernant euh la bataille des Ardennes
Corpus FR conversation 2
Le visiteur dans l’extrait 64 raconte qu’une certaine carte est sortie, mais elle n’explicite
pas vraiment qu’elle veut la carte, raison pour laquelle cet énoncé est implicite. Nous avons
dénombré 3 descriptions de ce type dans chaque corpus (13,64% dans le corpus francophone
et 12% dans le corpus néerlandophone).
(4) Cependant, parfois il est difficile d’attribuer une requête à une catégorie. Ceci
explique pourquoi nous avons créé une catégorie ambiguë. Néanmoins, il y a seulement une
requête ambiguë dans tout le corpus, plus précisément dans le corpus francophone. Il s’agit
d’un exemple dans lequel un but et une description sont précisés. Regardons l’exemple.
Extrait 65
E1 : bonjour
V1 : bonjour
V1 : nous cherchons un plan
Corpus FR conversation 12
(5) Finalement, nous avons signalé qu’il y a une structure particulière dans le corpus
néerlandais, à savoir l’imparfait modal « ik/wij had(den) graag X » (Roels, Mortelmans &
Van Der Auwera 2007). C’est une des constructions possibles du néerlandais pour exprimer
d’une manière conventionnelle une requête, comparables à « je voudrais » ou « j’aimerais »
115
en français. Comme nous nous sommes basée sur la littérature traitant le français, nous
n’avons donc pas rencontré cette structure mais selon nous, elle peut bel et bien être
considérée comme conventionnelle. Elle est repérée trois fois dans le corpus néerlandais
(12%). Voici un exemple (l’extrait 66).
Extrait 66
V1 : goeiemorgen
E1 : goeiemorgen
V1 : ik had graag een plattegrond van de stad van Oostende
Corpus NL conversation 4
Le français connaît également un emploi semblable, mais il fait plutôt recours au verbe
« vouloir » (cf. infra, l’extrait 68 « je voudrais un plan avec des photos »). Ces phrases sont
incluses dans la catégorie de structure interrogative à la deuxième personne avec le verbe
« pouvoir » ou « vouloir » à l'indicatif ou au conditionnel, au sein des formulations indirectes
dans la classification.
Tout bien considéré, il est clair que notre classification établie a priori n’est pas
satisfaisante. Voilà pourquoi nous proposons la classification à laquelle nous sommes arrivée
dans le tableau ci-dessous (le tableau 12). A côté des catégories existantes, les nouvelles
catégories sont ajoutées. En outre, nous soulignerons les différences entre les formulations qui
sont self-oriented et other-oriented (Kerbrat-Orecchioni 2008b). Ceci montre qu’une
classification n’est jamais exhaustive parce que la langue parlée est tellement riche.
116
Requêtes FR NL
# % # %
Les formulations directes 1. Impératif 0 0 % 0 0 % 2. Tournure elliptique 0 0 % 3 12 % 3. Forme performative 0 0 % 0 0 %
Les formulations indirectes 1. Conventionnelles 12 54,55 % 7 28 % a. structure interrogative
à la 2ième personne avec
le verbe « pouvoir » ou
« vouloir » à l'ind. ou
cond. (other-oriented)
0 0 % 0 0 %
b. question sur la
possibilité qu'a le
destinataire de fournir
l'objet (other-oriented)
9 40,91 % 5 20 %
c. assertions à la
première personne avec
les verbes « aimer » au
cond. ou « vouloir » à
l'ind. ou cond. (self-
oriented)
3 13,64 % 2 8 %
3. Autre 10 45,45 % 15 56 % a. but de l’activité est
exprimé (self-oriented) 5 22,73 % 3 12 %
b. requête de permission
(self-oriented) 1 4,55 % 6 20 %
c. description de la
situation (self- ou other
oriended)
3 13,64 % 3 12 %
d. ambigu : but +
description (self-
oriented)
1 4,55 % 0 0 %
e. imparfait modal (self-
oriented) 0 0 % 3 12 %
Total 22 100 % 25 100 %
Tableau 12 : Nouvelle classification pour l’acte de la requête
En faisant la somme de toutes les formulations indirectes self-oriented et other-oriented,
nous obtenons les résultats ci-dessous :
Formulations indirectes self-
ou other-oriented
FR NL
# % # %
Self-oriented 10 45,47 % 14 63,64 %
Other-oriented 9 40,91 % 5 22,73 %
Self- ou other oriented32
3 13,64 % 3 13,64 %
Total 22 100 % 2233
100 %
Tableau 13 : Formulation indirectes self-oriented ou other-oriented (FR/NL)
32
La sous-catégorie « description de la situation » peut être à la fois self-oriented ou other-oriented,
dépendant de la situation de l’énonciation. 33
Les tournures elliptiques (3 occurrences) ne sont pas prises en compte dans ce tableau. Voilà
pourquoi le nombre total de requêtes est 22 au lieu de 25.
117
En guise de résumé, les requêtes des néerlandophones sont majoritairement self-oriented
(63,64%) alors que la différence entre les formulations self-oriented et other-oriented est plus
petite dans le corpus francophone (45,47% vs. 40,91%).
3.3.2.2. Les adoucisseurs
Cette section des adoucisseurs est divisée en trois parties: dans un premier temps, nous
comparons les deux corpus sur le plan du nombre d’adoucisseurs (3.3.2.2.1.). Dans un
deuxième temps, nous regarderons de plus près les préférences des locuteurs néerlandophones
et francophones (3.3.2.2.2) et les énoncés non adoucis seront discutés dans la dernière partie
(3.3.2.2.3.).
3.3.2.2.1. Nombre d’adoucisseurs
La tendance générale dans nos corpus est, conformément aux analyses de Kerbrat-
Orecchioni (2008b) et Dumas (2008), à adoucir les requêtes. Voici quelques chiffres globaux.
Chiffres globaux FR NL
# (total 22) % # (total 25) %
Requêtes adoucies 14 68,18 % 15 64 %
Nombre moyen d’adoucisseurs
par requête
0,86 1
Tableau 14 : Chiffres globaux de l’adoucissement des requêtes
La part des requêtes adoucies est légèrement supérieure dans le corpus francophone :
68,18% des requêtes y reçoivent au moins un adoucisseur ; dans le corpus néerlandophone il
s’agit de 64% des requêtes. Cependant, par requête il y a en moyenne 1 adoucisseur dans le
corpus néerlandophone tandis que cette moyenne ne s’élève qu’à 0,86 adoucisseur pour les
requêtes françaises.
Ces moyennes différentes s’expliquent par le nombre moyen d’adoucisseurs par requête :
le plus souvent, la règle est un adoucisseur par requête. Toutefois, 5 des 25 requêtes
néerlandophones ont plus d’un adoucisseur (à savoir 2, 2, 2, 2 et 6 adoucisseurs). Dans le
corpus francophone de son côté, il y a 3 requêtes qui contiennent plus d’un adoucisseur
(respectivement 2, 3 et 2 adoucisseurs). Vu qu’une requête contient rarement plus d’un
118
adoucisseur, nous discuterons brièvement l’exemple néerlandais dans lequel il y a 6
adoucisseurs (l’extrait 67):
Extrait 67
V1 : hallo ik heb euh een klein vraagje hebben jullie toevallig een boekje van Leuven met veel
foto’s in (.) ‘t is zo er zijn collega’s van euh vanuit Afrika hier en we wouden zoiets meegeven (.)
waar dat ze zoiets aan hebben (inaud.)
Corpus NL conversation 34
L’énoncé a été découpé en fonction des adoucisseurs présents :
1. Préface : « ik heb euh een klein vraagje »
2. Stratégie du pessimisme : « toevallig »
3. Minimisateurs (2) : « vraagje » et « boekje »
4. Justification : « ‘t is zo er zijn collega’s van euh vanuit Afrika en we wouden
zoiets meegeven (.) waar dat ze zoiets aan hebben (inaud.) »
5. Desactualisateur : « wouden »
Evidemment, cette requête d’une personne influence énormément les moyennes pour le
corpus néerlandais.
Etant donné ces différences globales, tournons-nous maintenant vers la discussion des
préférences concernant les procédés d’adoucissement pour les néerlandophones et les
francophones.
3.3.2.2.2. Préférence des procédés d’adoucissement
Les francophones et les néerlandophones font généralement recours aux mêmes procédés
d’adoucissement, à savoir (I) la justification, (II) les désactualisateurs, (III) les préfaces, (IV)
les minimisateurs et (V) l’emploi du morphème « s’il vous plaît ». Les distributions précises
pour chaque langue sont représentées dans les graphiques ci-dessous.
119
Graphique 17: Procédés d’adoucissement FR (requête)
Graphique 18: Procédés d’adoucissement NL (requête)
La ressemblance la plus frappante concerne l’emploi des désactualisateurs. Ce procédé
est utilisé 6 fois dans chaque corpus. Regardons un exemple français (l’extrait 68).
Extrait 68
E1 : bonjour
V1 : bonjour
V1 : je voudrais un plan avec des photos
Corpus FR conversation 21
5
6
3
2
3
Procédé d'adoucissement FR
justification
désactualisateur
préface
minimisateur
s'il vous plaît
3
6
1
11
3
3
Procédés d'adoucissement requête NL
justification
désactualisateur
préface
minimisateur
stratégie dupessimisme
s'il vous plaît
120
Un désactualisateur peut être de nature modale (conditionnel) ou temporelle (imparfait)
(Kerbrat-Orecchioni 2008b : 104). Le désactualisateur dans cet énoncé est de nature modale
(le conditionnel présent). L’emploi fréquent du conditionnel des néerlandophones a
également été constaté dans les recherches de van der Wijst (2000 : 199-201) et Danblon, De
Clerck & van Noppen (2005 : 5).
Pour ce qui est des autres ressemblances, nous faisons observer que l’emploi du
morphème « s’il vous plaît » n’est pas très fréquent (3 occurrences dans chaque corpus) et
l’emploi des préfaces (« je peux te demander quelque chose ? » (Kerbrat-Orecchioni 2008b :
104) n’est pas très fréquent non plus dans les deux langues (3 occurrences dans le corpus
français et 1 occurrence dans le corpus néerlandais).
Par contre, il y a trois grandes différences sur le plan d’adoucissement entre les locuteurs
néerlandophones et francophones.
(1) Premièrement, il y a un procédé qui est présent dans le corpus néerlandais, mais
absent dans le corpus français, à savoir la stratégie du pessimisme (3 occurrences). En
utilisant cette stratégie, le locuteur tient compte de la possibilité que le produit demandé ne
soit pas disponible. Ceci se traduit par l’ajout des petits mots comme « par hasard/toevallig »,
« parfois/soms » ou « peut-être/misschien ».
Prenons l’extrait 67 avec 6 adoucisseurs que nous avons discuté ci-dessus. Dans cet
énoncé, le visiteur fait également recours à la stratégie du pessimisme par l’emploi du mot
« toevallig ». Comme ce procédé est absent dans le corpus français, il semble être une
caractéristique néerlandaise. Ceci confirme la recherche de van der Wijst (2000) : il a
également constaté que l’emploi de ces mots est typique pour les néerlandophones des Pays-
Bas : à ce niveau, les Flamands se rapprochent donc des Néerlandais. Or, il les appelle
« downtoners » (van der Wijst 2000). Comme nous travaillons avec la terminologie de
Kerbrat-Orecchioni (2008b), nous utilisons le terme stratégie du pessimisme, mais la
signification est la même.
(2) Deuxièmement, l’emploi des minimisateurs est omniprésent dans le corpus
néerlandais (11 occurrences) tandis que c’est exceptionnel dans le corpus francophone (2
occurrences). Ceci s’explique selon nous morphologiquement : pour minimaliser, le
néerlandais a deux possibilités : l’ajout de l’adjectif « klein » d’une part et l’ajout du suffix « -
je » d’autre part. Les francophones de leur côté, n’ont pas cette deuxième possibilité, raison
pour laquelle ils utilisent peut-être moins de minimisateurs en comparaison des
néerlandophones.34
Ce constat confirme à nouveau celui de Kerbrat-Orecchioni (2008a : 118-
121) vu que les francophone dans son analyse utilisent rarement des minimisations.
34
En outre, l’emploi de « petit » « risque d’entraîner une ambiguïté, c’est-à-dire un conflit entre la
valeur rituelle et le sens littéral » (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 119).
121
(3) Troisièmement, la justification est employée plus par les francophones (5 occurrences
que par les néerlandophones (3 occurrences). Le locuteur justifie littéralement sa requête avec
ce procédé, comme c’est le cas dans l’extrait 69.
Extrait 69
E1 : bonjour
V1 : bonjour
V1 : nous sommes institutrices à X de Liège c’est pour savoir si nous pouvons avoir des des plans
gratuits déjà beaucoup c’est pour quatre classes de 25
Corpus FR conversation 28
La justification dans cet énoncé implique deux choses : le fait d’être institutrice à Liège
d’une part et les quatre classes d’autre part. Avec l’énonce « nous sommes institutrices »,
elles justifient le fait d’obtenir des plans gratuits et avec l’énoncé « c’est pour quatre classes
de 25 » elles justifient qu’elles en veulent plusieurs.
Bref, une requête peut être plus ou moins adoucie. Or, le procédé inverse peut également
se produire, à savoir le non-adoucissement des requêtes.
3.3.2.2.3. Non-adoucissement
Les procédés de non-adoucissement sont extrêmement rares dans un office de tourisme
car les conversations dans un tel office sont des conversations polies. Cela explique pourquoi
la plupart des requêtes dans nos corpus sont adoucies. Toutefois, certaines requêtes ne sont
pas adoucies et parmi celles-ci le procédé inverse, le non-adoucissement, même si rare, est
présent. La question se pose alors si ces formulations sont vraiment considérées étant
brutales. Répétons d’abord les trois procédés de non-adoucissement que nous avons distingué
dans l’état de la question (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 102-104) :
1. Des assertions en « je veux »
2. Assertions comportant un modalisateur déontique (à valeur d’obligation), « tu
dois »
3. Des aggravateurs : morphèmes d’insistance ou d’impatience (par exemple
« immédiatement » et « tout de suite »)
Ainsi, nous avons dénombré 2 assertions en « je veux » dans le corpus néerlandais et 1
dans le corpus français.
122
Extrait 70
E1 : goeiemiddag
V1 : wij willen Jan Hoet bezoeken euh
Corpus NL conversation 16
Extrait 71
E1 : bonjour
V1 : bonjour
V1 : je veux avoir euhm une carte des randonnées s’il vous plaît on voulait aller vers la montagne
de X et du côté et aller du côté des X
Corpus FR conversation 18
Pour ce qui est de l’extrait 70 du corpus néerlandophone, il s’agit d’un homme plus âgé
qui a formulé la requête. La requête est formulée d’une manière hésitante, visible dans
l’emploi du mot « euh ». L’employé de son côté, se sert de cette hésitation de donner
immédiatement plus d’information sur l’exposition de Jan Hoet. Bref, l’employé n’a
nullement considéré cette requête comme brutal, mais la requête n’est donc pas adoucie.
L’autre exemple du corpus néerlandais est très semblable à celui-ci, seulement la requête
est adoucie avec le morphème « s’il vous plaît ». Le visiteur a donc fait recours à une
assertion à « je veux », mais en même temps il a adouci sa requête par le morphème « s’il
vous plaît ». Cette requête est donc à la fois durcie et adoucie. 35
Ceci est également valable pour l’extrait 71 du corpus francophone : la structure est bel et
bien une assertion en « je veux », mais en même temps l’énoncé est adoucie par deux
procédés, à savoir l’emploi du morphème « s’il vous plaît » d’une part et la justification (« on
voulait aller euh vers […] ») d’autre part.
Pour finir, nous avons constaté la présence d’un aggravateur (« ou pas ») dans le corpus
francophone. Il s’agit de l’extrait suivant :
Extrait 72
E1 : bonjour
V1 : vous avez un plan du tourisme ou pas ?
Corpus FR conversation 10
35
Il s’agit de la conversation 15, voir annexe 4.
123
Il est clair que cette requête est durcie par la présence de l’aggravateur « ou pas ». En
outre, le locuteur n’avait pas pris contact avec l’employé. De tels exemples sont très
exceptionnels dans un office de tourisme.
Bref, il y a en effet des procédés de non-adoucissement dans nos corpus mais à côté de
ces procédés, les requêtes sont quand même encore adoucies par le biais d’autres
adoucisseurs à l’exception des extraits 72 et 70.
3.3.2.3. Conclusion
L’acte de la requête a été analysé à partir d’un corpus néerlandais composé de 25
requêtes et un corpus français composé de 22 requêtes.
Pour ce qui est de la nature des requêtes, nos deux corpus divergent beaucoup. Pour
commencer, nous avons constaté que les formulations directes sont absentes dans le corpus
francophone tandis qu’il y a 3 tournures elliptiques dans le corpus néerlandais. Il semble donc
que les néerlandophones acceptent davantage des tournures directes en comparaison de leurs
compatriotes francophones, mais il est incontestable que les francophones préfèrent des
formulations indirectes comme Kerbrat-Orecchioni (2008a) et Dumas (2008) l’ont constaté.
Deuxièmement, les formulations indirectes conventionnelles constituent la majorité des
requêtes françaises (54,55%). Au sein de cette catégorie, la question sur la possibilité qu’a le
destinataire de fournir l’objet est clairement la tournure française favorite (40,91%). Ce sous-
type est également présent dans le corpus néerlandais (20%), mais ce n’est pas la tournure
occupant la première place. Les formulations indirectes conventionnelles sont en général
également très fréquentes dans le corpus néerlandais (28%), mais la plupart des requêtes
néerlandaises ont été incluses dans la catégorie autre.
Quatre sous-types ont été distingués au sein de la catégorie autre : (I) le but de l’activité
qui est exprimé, (II) la requête/demande de permission, (III) la description de la situation et
(IV) les cas ambigus. La présence de ces types peut être expliquée à partir de notre corpus qui
n’est pas, comme la littérature dans l’état de la question, enregistré dans un contexte
commercial, mais dans un site de service. Ceci explique donc pourquoi la classification
établie au préalable n’est pas satisfaisante.
La requête de permission est la plus populaire chez les néerlandophones (20%) tandis que
les francophones expliquent plus souvent le but de leur activité (22,73%). En outre, nous
avons fait observer que les requêtes des néerlandophones sont majoritairement self-oriented
(63,64%) alors que la différence entre les formulations self-oriented et other-oriented est plus
petite dans le corpus francophone (45,47% vs. 40,91%).
124
Finalement, la plupart des requêtes sont adoucies dans nos corpus (68,18% dans le corpus
francophone et 64% dans le corpus néerlandophone) (cf. Kerbrat-Orecchioni 2008a et Dumas
2008). Les francophones ont une nette préférence pour les procédés de justification et les
désactualisateurs. Les néerlandophones, en revanche, préfèrent les minimisateurs. La
préférence des francophones pour les désactualisateurs a été déjà signalée par van der Wijst
(2000). En outre, la stratégie du pessimisme est seulement repérée dans le corpus néerlandais,
raison pour laquelle nous la considérons comme une stratégie qui est typique pour les
néerlandophones, ce qui est également confirmée par van der Wijst (2000).
Toutefois, les procédés de non-adoucissement sont également présents dans les corpus
mais ces durcissements explicites sont presque toujours adoucis par d’autres adoucisseurs
comme le morphème « s’il vous plaît » ou la justification.
125
3.3.3. LA DEMANDE D’INFORMATION
Conformément à l’analyse de l’acte de la requête, nous traiterons dans un premier temps
la nature linguistique des demandes d’information (3.3.3.1.). Dans un deuxième temps, nous
nous pencherons sur les procédés d’adoucissement (3.3.3.2.).
3.3.3.1. La nature des demandes
Nous avons constaté que les deux corpus présentent beaucoup de ressemblances au
niveau de la nature linguistique de cet acte de langage, ce qui est différent par rapport à
l’analyse de la requête (cf. supra). Néanmoins, conformément à l’analyse de la requête, une
catégorie autre a été créée afin d’y regrouper les demandes qui ne vont pas dans la
classification. Cette fois-ci, les deux langues contiennent un nombre faible de demandes
regroupées dans la catégorie autre (4 pour le français et 1 pour le néerlandais).
Les résultats de notre classification sont représentés ci-dessous, dans le tableau 15. Nous
avons fait la distinction entre la forme de la demande d’une part et la nature de la demande
d’autre part. Pour ce qui est de la forme, nous avons vérifié dans quelle mesure les demandes
sont totales ou partielles. Ensuite, la distribution des formulations directes, indirectes,
assertives et autres sont représenté dans « nature de la demande ».
Demande d’information FR NL
# % # %
Forme de la demande
Totale 13 76,47 % 10 66,67 %
Partielle 4 23,53 % 5 33,33 %
Nature de la demande
Directe 11 64,71 % 13 86,67 %
Indirecte 1 5,88 % 1 6,67 %
Structures assertives 0 0 % 0 0 %
Autre 4 23,53 % 1 6,67 %
Inanalysable 1 5,88 % 0 0 %
Total 17 100 % 15 100 %
Tableau 15 : Chiffres globaux pour la demande d’information36
Les chiffres dans le tableau 15 montrent les grandes tendances. Pour ce qui est de la
forme, il est clair que les demandes totales dominent tout le corpus. Ceci est contraire aux
résultats de Flament-Boistrancourt & Debrock (1997) et de Flament-Boistrancourt & Cornette
(1999) qui avaient constaté que les néerlandophones préfèrent manifestement des demandes
partielles à l’opposé des francophones qui optent pour les demandes totales.
36 Pour l’application précise de la classification, voir annexe 8.
126
En ce qui concerne la nature des demandes, les formulations directes sont les tournures
favorites des deux groupes de langues, surtout dans le corpus néerlandophone où ces
formulations constituent 86,67% du total. Chaque type de formulation sera traité dans une
sous-section.
Avant de passer à ces discussions, il faut attirer l’attention sur la catégorie inanalysable.
En effet : une demande du corpus ne se prêtait pas à l’analyse. Il s’agit d’un énoncé peu
cohérent où une dame très âgée a la parole. Les employés affirmaient qu’elle est sénile, raison
pour laquelle ses paroles sont presque incompréhensible (l’extrait 73). Voilà pourquoi nous
ne l’avons pas pris en considération de l’analyse.
Extrait 73
V1 : bonjour monsieur
E1 : bonjour
V1 : alors je veux quelque chose pour (…) maresous (?)
E1 : maredsous ?
V1 : oui oui c’est maredsous j’ai vu X le TV et X
Corpus FR conversation 33
Par ailleurs, cet exemple montre qu’une classification linguistique comme nous l’avons
établie, n’est pas capable de saisir la complexité et la richesse de la langue parlée.
Dans ce qui suit, nous regarderons d’abord de plus près les formulations directes de la
demande d’information (3.3.3.1.1.), les formulations indirectes seront au cœur de la deuxième
sous-section (3.3.3.1.2.) et finalement nous aborderons les exemples classifiés dans la
catégorie autre (3.3.3.1.3.).
3.3.3.1.1. Les formulations directes
Il est incontestable que les formulations directes sont dominantes dans nos corpus
(86,67% dans le corpus néerlandophone et 64,71% dans le corpus francophone). Une
demande d’information est directe lorsqu’elle possède des marqueurs spécifiques (Kerbrat-
Orecchioni 2008b). Dans le tableau ci-dessous, la distribution spécifique de ces marqueurs est
donnée pour les deux groupes de langues.
127
Marqueurs de la demande
directe
# FR (11) # NL (13)
Lexical 0 2
Morpho-syntaxique 5 4
Syntaxique 0 9
Prosodique 9 9
Total 14 23
Tableau 16 : Les marqueurs des demandes d’information directes (FR/NL)
Comme le tableau l’indique, le marqueur prosodique est presque toujours présent dans les
demandes néerlandophones et francophones, ce qui correspond à 69,23% des demandes
directes néerlandophones et 81,82% des demandes directes francophones. L’intonation
ascendante a donc une grande importance dans les deux langues. Cette préférence pour la
structure interrogative est confirmée par Flament-Boistrancourt & Cornette (1999) : ces
structures dominent également dans leur corpus (francophones vs. apprenants
néerlandophones de français).
Il se peut également qu’une demande d’information directe soit marquée à plusieurs
niveaux, par exemple au niveau prosodique et syntaxique. Ces marquages dites
supplémentaires sont beaucoup plus fréquents dans le corpus néerlandophone : dans 13
demandes d’information, 23 marques directes ont été repérées alors qu’il n’y en a que 14 dans
le corpus francophone (dans 11 demandes d’information directes). Les néerlandophones
tendent donc à marquer davantage leur demande d’information d’une façon explicite, c’est-à-
dire avec plus de marqueurs.
(1) Premièrement, le marquage lexical a été seulement repéré dans le corpus
néerlandophone avec la présence des verbes performatifs. Ce type de formulations est absent
dans le corpus francophone. Dans le corpus néerlandophone, 2 verbes performatifs ont été
dénombrés comme l’extrait 74 le montre.
Extrait 74
E1 : goeiedag
V1 : wij willen vragen hoe het zat met die digitale (.) wandeling van De Grote Oorlog euh kunnen
wij daar naartoe ?
Corpus NL conversation 26
L’autre exemple néerlandophone est un peu différent de celui-ci dans la mesure où ce
n’est pas le verbe « vragen » qui est central, mais « zich afvragen » : « en we vroegen ons af
als ter nog euh X speelden ». 37
Ces deux verbes diffèrent dans leur orientation. Ainsi, le
37
Il s’agit de la conversation 9, voir annexe 6.
128
verbe « vragen » est orienté vers l’interlocuteur tandis que le verbe « zich afvragen » est
plutôt orienté vers le locuteur-même.
(2) Pour ce qui est du marquage morpho-syntaxique, les deux groupes de langues se
comportent d’une manière comparable (5 occurrences dans le corpus francophone et 4
occurrences dans le corpus néerlandophone). Ainsi, nous avons dénombré trois types de mots
interrogatifs dans le corpus néerlandophone, à savoir « welke » (1 occurrence), « hoeveel » (2
occurrences) et « wanneer » (1 occurrence).
Dans le corpus francophone, en revanche, il n’y a qu’un type présent, à savoir le mot
interrogatif « où » (3 occurrences). Or, les locuteurs francophones ont une possibilité dite
morphologique que leurs compatriotes néerlandophones n’ont pas, à savoir l’emploi du
morphème interrogatif « est-ce-que ». Le morphème est apparu 2 fois dans le corpus.
(3) Cependant, la différence la plus frappante se situe au niveau syntaxique, c’est-à-dire à
l’inversion du sujet et verbe. Ce phénomène est absent dans le corpus français : les locuteurs
n’aiment donc pas de changer l’ordre des mots. Les néerlandophones de leur côté, inversent
presque toujours le sujet et le verbe en posant une demande d’information (9 fois des 13
demandes directes, 69,23%). Ceci est confirmé dans la recherche de Flament-Boistrancourt &
Cornette (1999 : 139) : les inversions (de clitiques) sont rarement employées par les
francophones alors que celles-ci sont omniprésentes dans le corpus néerlandophone.
Regardons un exemple (l’extrait 75).
Extrait 75
V1 : dag mevrouw
E1 : mevrouw
V1 : heeft u meer informatie over de grote koren en ouvertures van 1 februari ?
Corpus NL conversation 10
Le marquage syntaxique d’une demande d’information semble donc être une stratégie
typique pour les néerlandophones.
3.3.3.1.2. Les formulations indirectes
Les formulations indirectes sont très rares dans nos corpus. Au total, nous n’avons
dénombré que 2 exemples dont 1 dans le corpus francophone (5,88%) et 1 dans le corpus
néerlandophone (6,67%). Au sein de la catégorie des formulations indirectes, trois sous-types
ont été distingués dans l’état de la question, à savoir (I) assertion du but illocutoire de la
question (« j’aimerais savoir où tu pars »), (II) question portant sur la condition de réussite
129
relative au destinataire (« sais-tu où/si tu pars ? » et (III) assertion portant sur la condition de
réussite concernant le locuteur (« je ne sais pas si/où tu pars ») (Kerbrat-Orecchioni 2008b).
Seule la première sous-catégorie est présente dans notre corpus. Ainsi, elle a été repérée une
fois dans chaque corpus (l’extrait 76 et l’extrait 77).
Extrait 76
E1 : bonjour
V1 : bonjour je voudrais savoir quand sont organisées les visites guidées au musée Saint-Georges
Corpus FR conversation 11
Extrait 77
E1 : goeiedag
V1 : goeiedag euh wij hebben de kaarten van de tentoonstelling (.) maar euh wij wouden eigenlijk
weten waar dat de verschillende locaties zijn want da staat daar eigenlijk nie
Corpus NL conversation 23
Les deux demandes d’information ci-dessus peuvent être reformulées respectivement par
« Quand sont organisées les visites guidées au musée Saint-Georges ? » et « Waar zijn de
verschillende locaties ? ». En outre, les locuteurs veulent vraiment savoir quelque chose, ce
qui est visible dans l’emploi des verbes « savoir » et « weten ». Ceci explique pourquoi ces
formulations ont été considérées comme des formulations indirectes et plus précisément
comme des assertions du but illocutoire de la question.
Remarquons qu’un mot interrogatif est présent dans l’extrait 76 (« quand ») et dans
l’extrait 77 (« waar »). Il est vrai que la présence d’un tel mot marque normalement une
demande directe, mais comme les structures indirectes sont également présentes, rattachées à
un autre verbe que « demander », elles sont de poids déterminant pour la classification dans la
catégorie des indirectes.
3.3.3.1.3. Autre
Conformément à l’analyse de la requête, une catégorie autre a été créée afin d’y
regrouper les demandes qui ne vont pas dans la classification. Toutefois, le nombre
d’exemples dans cette classe autre est pour les demandes d’information beaucoup plus faible
130
que pour celui des requêtes. Dans le corpus francophone, 4 exemples (23,53%) ont été inclus
dans cette catégorie et pour le corpus néerlandophone il s’agit d’un exemple (6,67%).
Nous avons regroupé ces exemples dans deux sous-types, à savoir les descriptions de la
situation d’une part et l’injonction d’autre part. En effet, la première catégorie est également
présente dans la catégorie autre dans l’analyse de l’acte de la requête (cf. supra). La raison
pour la présence de ces classes est pareille : notre classification s’appuie surtout sur la
littérature en contexte commercial et comme un office de tourisme est un site de service, il est
donc possible que notre classification ne soit pas satisfaisante. Par ailleurs, les demandes
classifiées dans la catégorie autre ne répondent pas non plus aux critères formels qui sont
imposés par les catégories dans la classification.
(1) Les demandes dans lesquelles la description de la situation est centrale, sont les plus
nombreuses. Il y en a 3 dans le corpus francophone et 1 dans le corpus néerlandophone. Un
exemple du corpus francophone (l’extrait 78):
Extrait 78
E1 : bonjour
V1 : bonjour
V1 : bonjour
E1 : bonjour
V1 : excusez-moi c’est la première fois qu’on vient (.) il nous a dit c’est la première fois qu’on
vient sur la ville et on nous a dit qu’il y a des X trucs à visiter euh
Corpus FR conversation 40
La locutrice dans l’extrait 78 décrit simplement la situation : elle est pour la première fois
à Namur et elle a entendu qu’il y a des trucs à visiter. Dans la suite de la conversation,
l’employé lui donne des informations sur les attractions. Remarquons l’emploi de « excusez-
moi » : la locutrice veut être polie et ne pas déranger l’employé, raison pour laquelle elle fait
recours à cette forme (cf. infra).
L’exemple dans le corpus néerlandophone est très comparable (« wij kwamen ne keer
informeren voor euh zo een pas zo ne toeristische pas een X pas een een » (corpus NL
conversation 2).
(2) Enfin, nous avons rencontré une demande d’information dans le corpus francophone
qui n’entre pas non plus dans notre typologie proposée. Il s’agit de l’extrait suivant :
Extrait 79
V1 : bonjour
131
E1 : bonjour
V1 : oui je viens dites-moi un peu la balade de X de la semaine X s’il reste encore des places
Corpus FR conversation 26
La phrase « s’il reste encore des places » est une demande indirecte dépendant de la
phrase « dites-moi un peu ». En reformulant la phrase, on obtient ceci : « dites-moi un peu
s’il reste encore des places pour la balade X de la semaine X ». Il s’agit en quelque sorte
d’une injonction qui porte sur le but illocutoire de la question : en effet, le destinataire doit
dire « s’il reste encore des places ». Par contre, l’injonction est adoucie par « un peu ».
Les autres procédés d’adoucissement seront discutés dans la section suivante (3.3.3.2.).
3.3.3.2. Les adoucisseurs
Dans un premier temps, nous discuterons le nombre d’adoucisseurs dans les demandes
néerlandophones et francophones (3.3.3.2.1.). Dans un deuxième temps, nous examinerons
les préférences des locuteurs quant aux procédés d’adoucissement (3.3.3.2.2.).
3.3.3.2.1. Nombre d’adoucisseurs
Tout comme les requêtes, la plupart des demandes sont adoucies dans les deux langues.
Par contre, quant au nombre de procédés d’adoucissement, les deux groupes de locuteurs se
comportent différemment. Ainsi, 73,33% des demandes néerlandaises sont adoucies tandis
que ce n’est le cas que pour 52,94% des demandes françaises. Regardons les chiffres globaux
dans le tableau ci-dessous.
Chiffres globaux FR NL
# (total 17) % # (total 15) %
Demandes adoucies 9 52,94% 11 73,33%
Nombre moyen d’adoucisseurs
par demande
0,71 1
Tableau 17 : Chiffres globaux de l’adoucissement des demandes
Le nombre moyen d’adoucisseurs diffère également pour les deux groupes de langues : 1
adoucisseur par demande dans le corpus néerlandophone contre 0,71 adoucisseur par
demande dans le corpus francophone. Par ailleurs, 4 des 15 demandes néerlandaises
132
contiennent plus d’un adoucisseur et dans le corpus francophone il s’agit de 3 demandes des
17.38
Pour ce qui est du nombre des procédés d’adoucissement, les deux corpus diffèrent donc
énormément. Par contre, sur le plan des types des procédés d’adoucissement, les locuteurs se
comportent de manière comparable parce que les mêmes procédés se font remarquer (cf.
3.3.3.2.2.).
3.3.3.2.2. Préférence des procédés d’adoucissement
Tout comme l’analyse de la requête, les deux groupes de locuteurs ont utilisé les mêmes
procédés pour la formulation de la demande d’information, à savoir les justifications et les
désactualisateurs. Or, un autre procédé est particulièrement plus présent dans l’acte de la
demande d’information, notamment la préface.
Les distributions précises pour le français et le néerlandais sont représentées dans les
graphiques ci-dessous.
Graphique 19 : Procédés d’adoucissement demande d’information FR
38
Dans le corpus néerlandophone, 4 demandes ont 2 adoucisseurs (les conversations 12, 13, 23 et 33).
Dans le corpus francophone de son côté, 3 demandes comportent 2 adoucisseurs (les conversations 23,
34 et 40).
5
2
2
2
1
Procédés d'adoucissement demande d'information FR
justification
désactualisateur
préface
minimisateur
autre: excusez-moi
133
Graphique 20 : Procédés d’adoucissement demande d’information NL
En effet, le poids des procédés comme la justification (FR : 5 et NL : 5) et la préface
(FR : 2 et NL : 6) est assez grand dans les deux langues. Surtout l’emploi des préfaces semble
être typique pour les néerlandophones pour la formulation d’une demande (l’extrait 80).
Extrait 80
E1 : goeiedag
V1 : hallo ‘k heb een vraagje kunde hier ook tickets krijgen voor het Musee ? of is dat alleen in het
euh
Corpus NL conversation 13
La fonction d’une préface est de préparer la vraie question du locuteur, elle figure donc en
quelque sorte comme un support. Ces formulations se sont avérées très fréquentes dans le
corpus néerlandophone (6 occurrences). De plus, cette stratégie est également la plus
fréquente dans l’analyse de la requête de Van Mulken (1996 : 699) chez les deux groupes de
locuteurs (francophones vs. néerlandophones).
De telles formulations sont également présentes dans le corpus francophone, mais avec
une fréquence plus basse (2 occurrences).
Extrait 81
V1 : bonjour juste une petite question le musée Saint-Georges c’est où exactement ?
Corpus FR conversation 23
Bref, comme les graphiques 19 et 20 le montrent, les francophones et les
néerlandophones ont fait appel à exactement les mêmes procédés d’adoucissement. Surtout la
justification et les préfaces entrent en ligne de compte, mais également des procédés tels que
les désactualisateurs et les minimisations sont utilisés.
5
4
6
1
Procédés d'adoucissement demande d'information NL
justification
désactualisateur
préface
minimisateur
134
Or, il y a une exception : dans le corpus francophone, nous avons rencontré une demande
qui est précédée par une excuse, à savoir « excusez-moi ». Nous avons déjà discuté cet
exemple dans la section concernant la nature des demandes, plus spécifiquement dans la
catégorie autre (cf. supra). Cette excuse figure notamment dans une demande qui est
formulée comme une description de la situation.
Vu que la liste des procédés d’adoucissement ne fournit pas une catégorie où cette excuse
peut être intégrée, nous l’avons indiquée comme autre. En exprimant une excuse, la locutrice
signale qu’elle ne veut pas déranger l’employé. En d’autres mots : elle veut être polie. Ainsi,
la moitié des requêtes des francophones dans l’analyse Van der Wijst (2000), contenait une
excuse. Ceci ne vaut pas pour les demandes d’information des francophones belges vu qu’il
n’y a qu’une excuse dans tout le corpus francophone (requêtes et demandes).
Par opposition à l’analyse de la requête, les procédés de non-adoucissement ne sont pas
repérés dans la formulation de la demande d’information.
3.3.3.3. Conclusion
L’acte de la demande d’information a été analysé à partir de 17 demandes françaises et 15
demandes néerlandaises. Les demandes totales dominent nettement le corpus : elles sont
présentes dans 66,67% demandes dans le corpus néerlandophone et voire dans 76,47% dans
le corpus francophone. Ceci est contraire aux résultats de Flament-Boistrancourt & Debrock
(1997) et de Flament-Boistrancourt & Cornette (1999) où les néerlandophones préfèrent
manifestement des demandes partielles à l’opposé des francophones qui optent pour les
demandes totales.
Pour ce qui est de la nature des formulations, il est incontestable que les formulations
directes sont les plus fréquentes. Elles apparaissent dans 64,71% des demandes françaises,
mais dans les demandes néerlandaises elles obtiennent même un pourcentage de 86,67%.
En outre, les néerlandophones utilisent davantage des marqueurs spécifiques pour
marquer leur énoncé comme une demande directe que les francophones. La différence la plus
frappante à ce niveau est l’emploi du marquage syntaxique. Ainsi, les néerlandophones
inversent l’ordre du sujet et du verbe dans 9 demandes alors que ce phénomène est absent
dans le corpus français.
Les formulations indirectes de leur côté, ont été peu repérées (5,88% dans le corpus
francophone et 6,67% dans le corpus néerlandophone). Au sein de cette catégorie, nous avons
affaire à 2 assertions du but illocutoire de la question (une dans chaque langue).
Néanmoins, conformément à l’analyse de l’acte de la requête, nous n’avons pas pu
classifier toutes les demandes dans une des catégories de notre classification, raison pour
laquelle une catégorie autre a été créée. Toutefois, les exemples dites autres sont beaucoup
135
moins nombreux comme c’est le cas pour l’analyse de la requête : il n’y a que 5 demandes. Il
s’agit de 3 descriptions de la situation (dont 3 exemples français et 1 exemple néerlandais) et
un énoncé dans lequel il y a une sorte d’injonction (1 exemple français, cf. l’extrait 79).
Finalement, au niveau des adoucisseurs, il est clair que les néerlandophones adoucissent
davantage leurs demandes. De manière plus précise, nous avons fait observer que 73,33%
demandes néerlandaises sont adoucies tandis que ce n’est le cas que pour 52,94% des
demandes françaises. Néanmoins, les locuteurs francophones et néerlandophones font
généralement recours aux mêmes procédés d’adoucissement mais avec une fréquence
différente. Ainsi les justifications, les désactualisateurs et les préfaces sont apparus
régulièrement. Surtout les préfaces semblent être le procédé favori des néerlandophones pour
le marquage d’une demande (cf. Van Mulken 1996).
136
CHAPITRE 4: CONCLUSIONS
Dans ce travail, nous avons proposé une étude comparative du fonctionnement des actes
de langage des locuteurs francophones et néerlandophones belges en nous appuyant sur des
corpus authentiques, enregistrés dans quatre offices de tourisme belges. Notre examen s’est
plus particulièrement focalisé sur quatre actes de langage, à savoir le rituel d’ouverture, le
rituel de clôture, l’acte de la requête et l’acte de la demande d’information.
Dans ces conclusions, nous précéderons en trois étapes : dans un premier temps, nous
présenterons les conclusions les plus saillantes de l’analyse de l’ouverture et de la clôture.
Dans un deuxième temps, nous formulerons également nos conclusions sur l’analyse de l’acte
de la requête et sur la demande d’information. Dans ces paragraphes, nous mettrons donc les
différences et les ressemblances entre les deux communautés linguistiques, néerlandais et
français, en valeur. Dans un troisième temps, nous proposerons une synthèse de tous ces traits
distinctifs et nous essayerons d’établir le lien avec les règles culturelles sous-jacentes (Béal
2010). En d’autres mots, nous décrirons les deux ethos communicatifs (français vs.
néerlandais) tels qu’ils ressortent de nos analyses.
Au niveau du rituel d’ouverture, les deux corpus se ressemblent beaucoup. Ainsi, ce rituel
est majoritairement présent dans les corpus et l’employé entame dans 60% dans chaque
corpus la conversation. Quant aux scénarios du rituel de l’ouverture, les deux groupes de
locuteurs se comportent également d’une manière comparable: une prise de contact suivie
d’une absence de la manifestation de la disponibilité communicative semble être la plus
fréquente. Par ailleurs, lorsque cette manifestation est présente, elle se réalise dans la plupart
des cas sous la forme d’une pause. Pour ce qui est de la prise de contact, les locuteurs
francophones et néerlandophones optent généralement pour une salutation dite simple.
Or, les deux corpus divergent également sur le plan de l’ouverture. Ainsi, il est
incontestable que les néerlandophones disposent d’un éventail beaucoup plus riche de
salutations (notamment « goeiedag », « goeiemiddag », « goeiemorgen », « goeienavond »,
« dag » et « hallo ») en comparaison des francophones qui ne connaissent qu’une seule
forme, à savoir « bonjour ».
Les différences au niveau de la séquence de clôture sont plus nombreuses. En général, la
séquence de clôture semble être plus obligatoire en français qu’en néerlandais : 10% des
conversations néerlandaises n’ont pas une séquence clôturante tandis que chaque conversation
française la comporte bel et bien. De manière plus précise, les francophones tendent donc à
utiliser plus de clôtureurs en comparaison de leurs compatriotes néerlandophones.
137
Pour ce qui est des pré-clôtureurs, une composante au sein de la séquence de clôture, nous
avons fait observer que les employés néerlandophones font souvent recours à des pré-
clôtureurs interrogatifs tels que « oké ? » et « goed ? » (52,94%). Ces formes interrogatives
s’orientent vers l’interlocuteur, c’est-à-dire que l’employé néerlandophone veut être sûr si les
visiteurs ont demandé tous ce qu’ils voulaient. Par contre, l’employé francophone préfère la
forme « voilà » (42,11%), ce qui s’oriente plutôt vers le locuteur-même.
Les remerciements et les salutations de leur côté, sont plus fréquents chez les locuteurs
francophones. Cependant, conformément aux salutations dans la séquence d’ouverture, les
néerlandophones disposent à nouveau d’un éventail plus riche de possibilités tandis que les
francophones n’ont qu’une seule forme, à savoir « au revoir ».
Il convient de signaler que nos classifications établies au préalable n’étaient pas
satisfaisantes pour l’analyse du corpus de ces rituels. Pour chaque rituel, nous avons dû créer
une catégorie autre dans laquelle nous avons inclus les exemples spéciaux. Ceci vaut
également pour l’analyse de la requête et la demande d’information. Il est donc difficile de
résumer la richesse de la langue dans un petit schéma.
Pour ce qui est de l’acte de la requête, nous avons constaté que la nature linguistique de
celle-ci diffère considérablement dans les deux langues. Ainsi, la majorité des requêtes
francophones sont des formulations indirectes conventionnelles telles que « vous avez des euh
un petit un petit un petit plan de promenade pour le centre historique ? » (l’extrait 57). Par
contre, la majorité des requêtes néerlandophones ont été classifiées dans la nouvelle catégorie
autre. De cette manière, les néerlandophones font souvent recours à des requêtes de
permission comme « mag ik de fietsroute alstublieft ? » (l’extrait 63).
Les deux corpus diffèrent également sur le plan de l’orientation de la requête. Ainsi,
63,64% des requêtes néerlandophones sont self-oriented, c’est-à-dire qu’elles sont exprimées
selon le point de vue du locuteur par le biais d’un pronom personnel à la première personne.
Les francophones de leur côté, n’ont pas une préférence marquée pour l’orientation de la
requête vu que 45,47% sont self-oriented et 40,91% other-oriented.
Par ailleurs, la plupart des requêtes des corpus sont adoucies (68,18% dans le corpus
francophone et 64% dans le corpus néerlandophone). Les francophones adoucissent leurs
requêtes par des procédés comme la justification et les désactualisateurs, contrairement aux
néerlandophones qui font avant tout appel à la minimisation.
Contrairement à l’analyse de la requête, la nature linguistique des demandes
d’information est très semblable dans les deux corpus. Premièrement, il est incontestable que
les demandes totales dominent. Deuxièmement, les formulations directes sont les plus
fréquentes dans les corpus. Toutefois, les locuteurs néerlandophones utilisent plus de
marqueurs spécifiques dans la formulation de la demande directe.
138
Les demandes d’information diffèrent surtout au niveau de l’adoucissement. Ainsi, nos
analyses ont démontré que les néerlandophones adoucissent davantage leurs demandes
(73,33%) que les francophones (52,94%). Les locuteurs recourent généralement aux mêmes
procédés d’adoucissement qu’ils utilisent dans l’acte de requête, à l’exception de la préface :
ce procédé prépare la vraie question du locuteur (« je peux demander quelque chose ? »). Le
procédé de la préface semble être typique pour l’adoucissement de la demande d’information,
surtout dans le corpus néerlandophone.
Pour finir, nous tenterons de lier les faits observés aux règles culturelles sous-jacentes,
c’est-à-dire aux ethos communicatifs. Il est vrai que dans l’idéal, il faut partir d’un nombre
considérable de conversations dans différentes situations. Quant à nous, nous avons analysé
quatre actes de langage dans le même contexte, à savoir dans l’office de tourisme.
Néanmoins, nous pensons que nous pouvons faire quelques généralisations sur le plan de
l’ethos communicatif justement parce que quatre actes de langage ont été analysés d’une
manière détaillée. Or, comme nous avons travaillé avec un échantillon limité de 40
conversations néerlandophones et 40 conversations francophones, l’analyse que nous avons
présentée n’est évidemment pas un inventaire exhaustif. Par ailleurs, la validité statistique de
nos résultats n’a plus pu être vérifiée, mais notre corpus risque d’être trop restreint pour
l’application des tests statistiques.
En nous appuyant sur nos constatations, nous tenterons d’offrir un début de réponse à la
question de décrire les ethos communicatifs des francophones et néerlandophones belges.
Ainsi, nos observations font apparaître des traits qui sont, selon nous, typiques de l’ethos
communicatif des francophones belges et d’autres de celui des néerlandophones.
Béal (2010 : 263) distingue deux groupes de valeurs sous-jacentes : les formes de
l’expression du moi d’une part et celles concernant le rapport à l’autre d’autre part. Ainsi,
pour ce qui est de la première catégorie, nous avons fait observer que les francophones
remercient davantage que les néerlandophones. En outre, ils remercient plus sur le mode de
l’hyperbole comme « un grand merci ». A cela s’ajoute qu’il y a moins de cas dans le corpus
francophone où le remerciement est absent (7,8% FR vs. 22,5% NL).
Ceci semble pouvoir être lié à l’expression des émotions dans la communication. Ainsi,
Béal (2010) a constaté que les Français ont tendance à manifester leurs émotions d’une
manière impulsive et directe (Béal 2010 : 364). Dans cette optique, les francophones belges
semblent donc se rapprocher des Français. Par contraste, les néerlandophones, qui tendent à
remercier dans une mesure moindre, se montrent donc plus réservés. Ainsi, ils se rapprochent
des anglophones dans l’étude de Béal (2010 : 365).
En ce qui concerne la catégorie du rapport à l’autre, nous avons démontré que les
francophones belges considèrent leur lieu de travail comme un territoire commun. Ceci est
déjà visible dans les occupations des lieux des bureaux, mais également dans les
139
conversations : en effet, lorsqu’un des employés est en train de parler avec un visiteur, l’autre
employé n’hésite pas à intervenir dans cette conversation. Comme cette situation arrive
plusieurs fois dans nos corpus, il semble que cela soit considéré comme normal. Ce
phénomène s’inscrit dans le respect de l’autonomie (Béal 2010 : 381). Béal (2010) a examiné
ceci par le biais de la gestion des tours de parole et elle a constaté que les Français ont
tendance à considérer la conversation comme un territoire commun.
Même si la gestion des tours de parole n’est pas au cœur de notre étude, il est clair qu’à
partir des observations mentionnées ci-dessus que les francophones belges se rapprochent à
nouveau des Français. Inversement, les néerlandophones travaillent d’une autre manière :
c’est chacun pour soi, chaque employé s’occupe de son propre visiteur, ce qui confirme à
nouveau l’observation faite par Béal (2010 : 383) chez les anglophones.
L’orientation de la formulation des requêtes se situe également au sein du respect de
l’autonomie. Les requêtes des néerlandophones sont nettement self-oriented ce qui confirme
également que les néerlandophones préfèrent rester sur leur propre terrain. Cette approche
orientée sur soi est expliquée par Béal (2010 : 384), qui a également constaté une telle
approche chez les anglophones : « désir d’autonomie et auto-suffisance sont deux aspects de
l’individualisme, une caractéristique des sociétés anglo-saxonnes soulignées par toutes les
études sociologiques ».
Comme elle l’affirme à juste titre, il est difficile « d’évaluer si les Français sont moins
‘individualistes’ que les Britanniques, les Américains ou les Australiens » (Béal 2010 : 385).
L’orientation de la formulation de la requête ne fournit pas une réponse vu que les
francophones de notre corpus ne montrent pas une nette préférence pour telle ou telle
orientation : tout dépend de la situation.
Voici le début de réponse à la description des ethos communicatifs des francophones et
néerlandophones belges. Nous avons démontré qu’il existe bel et bien des différences au
niveau du rituel d’ouverture, du rituel de clôture, de l’acte de la requête et de l’acte de la
demande d’information. Il ne faut cependant pas oublier que ces constatations s’appuient sur
un nombre limité de conversations (80 au total). Il serait donc intéressant de multiplier encore
le nombre de conversations afin d’obtenir des résultats plus fiables. Toutefois, nous croyons
que nos résultats indiquent déjà quelques grandes tendances entre néerlandophones et
francophones belges, qui sont d’ailleurs explicables à partir d’un niveau plus abstrait, l’ethos
communicatif.
La Belgique, pays trilingue et riche de variété langagière, est donc une source
d’inspiration pour tous les linguistes, particulièrement pour ceux qui s’intéressent aux études
(inter)culturelles. La situation belge et ses relations « interlangagières » méritent donc, quant
à nous, d’être analysées davantage à l’avenir.
140
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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142
ANNEXES
ANNEXE 1. CONVENTIONS DE TRANSCRIPTION
Les conventions de transcription utilisées dans ce travail s’appuient sur les conventions
ICOR, utilisées également dans Béal (2010) et dans Tobback (2014). Nos conventions de
transcription sont une version adaptée de celles de ICOR.39
1. Convention générale
Toutes les productions verbales sont transcrites en minuscule, à l’exception des noms propres.
2. Désignation des participant
Les participants sont désignés par des initiales choisies en fonction de leur langue maternelle
et de leur rôle dans la conversation dans l’office de tourisme.
E Employé
V Visiteur
3. Tour
Chevauchement: insertion de crochets ‘[’ alignés verticalement au début du
chevauchement.
Pause intra-tour est notée par (.).
Pause intra-tour plus longue est notée par (…).
4. Structure segmentale
Segment inaudible dont le nombre de syllabes n’est pas identifiable: (inaud.).
Segment inaudible dont le nombre de syllabes et identifiable: X.
5. Commentaires
Les commentaires sont notés en italique entre parenthèses.
La partie d’un tour sur laquelle porte les commentaires est soulignée.
6. Coupure effectuée par l’auteur
La coupure est indiquée par des points de suspension entre crochets […]
39
http ://icar.univ-lyon2.fr/projets/corinte/documents/2013_Conv_ICOR_250313.pdf,17/05/2015.
143
ANNEXE 2: LES DONNÉES GÉNÉRALES DE LA CLÔTURE
Dans les deux tableaux ci-dessous, toutes les données obtenues des francophones et des
néerlandophones sont énumérées. Pour chaque conversation (40 au total pour chaque langue),
nous avons dressé l’inventaire de quatre informations différentes : (I) le nombre de clôtureurs
utilisé par l’employé (E), (II) le nombre de clôtureurs utilisé par le visiteur (V), (III) le
nombre de clôtureurs au total et (IV) le nombre total de locuteurs. Pour ce qui est du nombre
des clôtureurs, il s’agit donc des pré-clôtureurs, des salutations, des vœux, des projets, des
remerciements et quelques cas uniques.
A. LES DONNEES GENERALES FR
Conversations
FR
(x) = nombre de clôt.
par ‘E’
(x) = nombre de clôt.
par ‘V’ #clôtureurs # participants
EMPLOYE VISITEUR
1 E1 (2) V1 (1) 3 2
2 E1 (1) V1 (1) 2 2
3 E1 (2) V1 (2) 4 2
4 E1 (0) V1 (1) 1 2
5 E1 (2) V1 (3) 5 2
6 E1 (2) V1 (4) 6 2
7 E1 (3) V1 (2) 5 2
8 E1 (1) V1 (0) 1 2
9 E1 (2) V1 (1) V2 (0) 3 3
10 E1 (1) V1 (2) 3 2
11 E1 (2) V1 (1) V2 (0) 3 3
12 E1 (2) V1 (1) V2 (2) 5 3
13 E1 (2) V1 (2) 4 2
14 E1 (3) V1 (3) 6 2
15 E1 (0) V1 (2) 2 2
16 E1 (1) V1 (3) 4 2
17 E1 (2) V1 (4) 6 2
18 E1 (2) V1 (1) V2 (2) 5 3
19 E1 (2) V1 (2) 4 2
20 E1 (1) E2 (0) V1 (2) 3 3
21 E1 (2) V1 (2) 4 2
22 E1 (2) V1 (2) 4 2
23 E1 (1) V1 (1) 2 2
144
24 E1 (0) E2 (1) V1 (2) 3 3
25 E1 (2) V1 (1) 3 2
26 E1 (0) E2 (3) V1 (1) 4 3
27 E1 (2) E2 (0) V1 (2) V2 (1) 5 4
28 E1 (4) E2 (0) V1 (2) V2 (1) 7 4
29 E1 (2) V1 (2) V2 (1) 5 3
30 E1 (0) V1 (2) V2 (0) 2 3
31 E1 (2) E2 (0) V1 (3) V2 (0) 5 4
32 E1 (6) V1 (1) 7 2
33 E1 (1) V1 (1) 2 2
34 E1 (3) E2 (0) V1 (3) V2 (3) 9 4
35 E1 (2) E2 (1) V1 (3) 6 3
36 E1 (3) V1 (6) 9 2
37 E1 (1) E2 (2) V1 (2) V2 (3) 8 4
38 E1 (4) V1 (3) 7 2
39 E1 (2) V1 (1) 3 2
40 E1 (1) V1 (5) 6 2
50 employés40 50 visiteurs 176 100
40
Comme le tableau le montre, nous avons donc eu affaire à 50 visiteurs différents et 50 employés.
Evidemment, il n’y avait que deux employés derrière le comptoir, mais vu que chaque conversation est
unique, nous les considérons dans chaque conversation comme une autre personne.
145
B. LES DONNÉES GÉNÉRALES NL
Conversations
NL
(x) = nombre de
clôt par ‘E’
(x) = nombre de
clôt par ‘V’ #clôtureurs # participants
EMPLOYE VISITEUR
1 1 V1 (2) 3 2
2 1 V1 (2) V2 (1) 4 3
3 0 V1 (0) 0 2
4 0 V1 (1) 1 2
5 0 V1 (0) 0 2
6 1 V1 (0) V2 (0) 1 3
7 3 V1 (4) 7 2
8 3 V1 (1) 4 2
9 2 V1 (4) V2 (0) 6 3
10 2 V1 (2) V2 (1) 5 3
11 2 V1 (2) V2 (0) 4 3
12 1 V1 (1) V2 (1) 3 3
13 0 V1 (1) V2 (0) 1 3
14 0 V1 (0) V2 (0) 0 3
15 1 V1 (1) V2 (1) 3 3
16 1 V1 (0) V2 (2) 3 3
17 1 V1 (0) V2 (0) 1 3
18 2 V1 (1) V2 (0) 3 3
19 2 V1 (1) 3 2
20 3 V1 (1) V2 (0) 4 3
21 0 V1 (1) 1 2
22 0 V1 (4) 4 2
23 2 V1 (1) V2 (2) 5 3
24 1 V1 (1) V2 (1) 3 3
25 2 V1 (2) 4 2
26 1 V1 (1) V2 (0) 2 3
27 1 V1 (1) 2 2
28 2 V1 (0) V2 (0) 2 3
29 2 V1 (3) 5 2
30 0 V1 (0) V2 (0) 0 3
31 1 V1 (2) 3 2
32 3 V1 (4) V2 (3) 10 3
33 1 V1 (2) V2 (1) 4 3
34 1 V1 (1) 2 2
146
35 2 V1 (1) 3 2
36 1 V1 (2) 3 2
37 2 V1 (3) 5 2
38 2 V1 (2) 4 2
39 1 V1 (1) V2 (1) 3 3
40 1 V1 (0) V2 (1) 2 3
40 employés41 62 visiteurs 123 102
41
Nous avons travaillé avec un total de 40 employés pour les 40 conversations néerlandophones. 62
visiteurs ont visité les bureaux de Louvain et d’Ostende : au total, il y a donc 102 locuteurs
néerlandophones.
147
ANNEXE 3: LES REQUETES FRANCOPHONES
Ci-dessous, nous avons dressé l’inventaire de toutes les requêtes dans le corpus
francophone. Les numéros à gauche correspondent à la numération des conversations (cf.
annexe 9). Il y a 22 requêtes au total.
N° Requête
1 est-ce que vous avez des euh un petit un petit plan de promenade pour le centre
historique?
2 il paraît qu'on a sorti une carte concernant euh la bataille des Ardennes
5 vous vous avez une toilette s'il vous plaît?
6 oui euh je reviens pour avoir des X plusieurs des X en anglais madame de la X a
téléphoné
7 euh je voulais savoir si vous avez d'autres livres sur la guerre 14 euh 18
10 vous avez un plan du tourisme ou pas?
12 nous cherchons un plan
14 vous vendez ou est-ce que vous aviez une carte X comme ça?
15 je viens coller une affiche euh pour un table ronde pour le genre
16 donc je regarde s'il y a quelque chose sur le grand X
18 je veux avoir euh une carte des des randonnées s'il vous plaît on voulait aller euh vers la
montagne de X et du côté et aller du côté des X
20 euh j'ai un X je sais je voudrais réserver pour les les X de musée
21 je voudrais un plan avec des photos
22 vous avez une carte avec la balade des X de la citadelle?
25 est-ce que vous avez encore un catalogue avec des beaux villages de Wallonie?
28 nous sommes institutrices à X de Liège c'est pour savoir si nous pouvons avoir des des
plans gratuits déjà beaucoup c'est pour quatre classes de 25
29 c'est pour savoir si le DVD de ça (.) est arrivé
31 on vient de chercher un X pour X (.) s'il vous plaît
32 est-ce que vous avez un petit plan de la ville?
35 je veux bien un plan si vous avez ça
37 on vient d'un autre office du tourisme pour la place du cyclocross on nous a dit que c'est
ici?
39 euh je viens de salon Saint-Jacques et euh m'a dit que je X venir chercher euh la visite
de Namur fin euhm (.) le (.) de de nouveau 2015 je ne sais pas si vous l'avez? le guide
touristique de Namur
148
ANNEXE 4: LES REQUETES NEERLANDOPHONES
Ci-dessous, nous avons dressé l’inventaire de toutes les requêtes dans le corpus
néerlandophone. Les numéros à gauche correspondent à la numération des conversations (cf.
annexe 9). Il y a 25 requêtes au total.
N° Requête
1 ‘t is voor euh het adres van he museum alstublieft
3 is hier ergens een toilet?
4 ‘k had graag een plattegrond van de stad Oostende
5 euh 't is twee keer de wandeling euhm rond den toren
6 euh wij hadden graag twee ticketjes voor euh De Zee (.) voor de tentoonstelling
7 euh 4 dagpassen E: vier citypassen van 24 uur V: ja
8 mag ik de fietsroute alstublieft?
11 wij hebben hier zo'n bongobon voor euh de marvin gay tour
14 euhm zo'n wandelgids van Musee
15 wij willen ook zo'n boekje van Musee alstublieft
16 wij willen Jan Hoet bezoeken euh
18 kan ik een stadsplanneke krijgen?
19 hebt gij een kaartje van Oostende?
20 euh we zouden graag die Marvin Gay wandeling
22 zou 'k een plastieken zakje X? (.) en dat daarin steken
27 Euhm wij hebben juist een half uurtje geleden gebeld voor euh kaarten te voor kaarten
voor euh 50 tinten te bestellen (.) ennn we mochten ze hier komen afhalen en betalen
28 euh kan ik een plan van euh van Leuven?
30 planneke van de (.) of een grondplan van is da mogelijk?
32 wij komen kaarten halen voor euh de eindejaarsdinge winterwandeling enzo
34 ik heb euh een klein vraagje hebben jullie toevallig een boekje van Leuven met veel
foto's in (.) 't is zo er zijn collega's van euh vanuit Afrika hier en we wouden zoiets
meegeven (.) waar dat ze zoiets aan hebben (inaud.)
35 hebt u soms geen mapke van Leuven?
36 mogen er hier flyers gelegd worden? (.) de affiche hangt hier uit
37 misschien heeft u een plannetje van Leuven? Zo een gratis plannetje
39 een plattegrond?
40 ik had graag ook een plannetje
149
ANNEXE 5: LES DEMANDES D’INFORMATION FRANCOPHONES
Ci-dessous, nous avons dressé l’inventaire de toutes les demandes d’information dans le
corpus francophone. Les numéros à gauche correspondent à la numération des conversations
(cf. annexe 9). Il y a 17 demandes au total.
N° Demande d’information
4 une question euh Madame Christine Thirry elle n'est plus dans le même bureau?
8 je peux mettre une affiche et déposer quelques flyers?
9 (inaud.) nous voulons nous renseigner de de prendre le bateau ici et euh on m'a dit que
c'est que c'est pas (inaud.)
11 je voudrais savoir quand sont organisées les visites guidées au musée Saint-Georges
13 je suis très mal garée est-ce que je peux vite vous rendre les clés du (…) euh de la X?
17 alors je suis ici pour la journée à Liège et c'est pour voir ce qu'il y a (.) dans la ville fin
au X au centre.
19 Euh on est où dites-moi ça c'est c'est
23 juste une petite question le musée Saint-Georges c'est où exactement?
24 il y a une visite guidée à 14h30?
26 oui je viens dites-moi un peu la balade de X de la semaine X s'il reste encore des places
27 on a ces ces tickets ici à l'entrée du musée X pour voir une exposition mais je X par où?
30 euh donc on peut vous poser quelques questions?
33 alors je veux quelque chose pour (…) Maresous.
34 c'est pour avoir des renseignements euh pour la citadelle comme X la citadelle est-ce
qu'il y aurait une possibilité d'avoir un autre moyen de transport pour aller jusqu'à euh
Terra Nova
36 des X ou des balades c'est dans la région?
38 je cherche une promenade à faire à Namur même une promenade guidée c'est possible?
ou euh quelque chose à dire? À faire avec des personnes euhh X donc pas trop long
quelques quelques X de trois kilomètres
40 excusez-moi c'est la première fois qu'on vient (.) il nous a dit c'est la première fois qu'on
vient sur la ville et on nous a dit qu'il y a des X trucs à visiter euh
150
ANNEXE 6: LES DEMANDES D’INFORMATION NEERLANDOPHONES
Ci-dessous, nous avons dressé l’inventaire de toutes les demandes d’information dans le
corpus néerlandophone. Les numéros à gauche correspondent à la numération des
conversations (cf. annexe 9). Il y a 15 demandes au total.
N° Demande d’information
2 wij kwamen ne keer informeren voor euh zo een pas zo ne toeristische euh pas een X
pas een een
9 euh 't is 't is een euh 11 november (.) en we vroegen ons af als ter nog euh X speelden
10 heeft u meer informatie over de grote koren en ouvertures van 1 februari?
12 ik wou even iets vragen als ge van euh langs de zeewandeling van van fort napoléon
daar in de buurt richting Nederland euhm dan komt ge daar zo'n klein caféke tegen E:
ja. dat is al grondgebied Nederland het strandcafé. V: ja (.) weet u of dat dat open is?
13 'k heb een vraagje kunde hier ook tickets krijgen voor het Musee of is dat alleen in het
euh
17 mevrouw kan ik van u nog informatie krijgen over X?
21 euh 'k heb een beetje een rare vraag is er ier ergens nen kapper in de buurt die open is?
23 euh wij hebben de kaarten van de tentoonstelling (.) maar euhm wij wouden eigenlijk
weten waar dat de verschillende locacaties zijn want da staat daar eigenlijk nie
24 het Musee welke richting is dat uit?
25 die wij zijn die wandeling aan het doen van van euh De Zee hé. E: ja V: maar euh da
dinge dat euh cinema capitole is dat in de Langestraat? t
26 wij willen vragen hoe het zat met die digitale (.) wandeling van De Grote Oorlog euh
kunnen wij daar naartoe?
29 de Vesaliuswandeling moet ge daar een planneke van aanschaffen of of of of kunde da
zo kan dat zo gevolgd worden of
31 euhm ik wij hebben eigenlijk een taak voor school en we moeten te weten komen
hoeveel euhm euh beelden er zijn
33 wij komen (.) ook van een andere school weer X X en we komen wat vragen hoeveel
beelden X er aan het stadhuis?
38 't was om te vragen mevrouw wanneer begint en eindigt de kerstmarkt in Leuven
151
ANNEXE 7: TYPOLOGIE DE LA REQUETE FR/NL
Dans le tableau ci-dessous, nous présentons notre typologie appliquée à notre corpus FR
et NL. Les numéros dans chaque catégorie correspondent aux numéros de la conversation (cf.
annexes 3 & 4).
A. NATURE DES REQUÊTES
Requête FR NL
N° d’exemple N° d’exemple
Les formulations directes 1. Impératif 2. Tournure elliptique 7, 14, 39 3. Forme performative
Les formulations indirectes 1. Conventionnelles a. structure interrogative
à la 2ième personne avec
le verbe "pouvoir" ou
"vouloir" à l'ind. ou
cond. (other-oriented)
b. question sur la
possibilité qu'a le
destinataire de fournir
l'objet (other-oriented)
1, 5, 7, 10, 14, 22, 25,
32, 39
3, 19, 34, 35, 37
c. assertions à la
première personne avec
les verbes "aimer" au
cond. ou "vouloir" à
l'ind. ou cond. (self-
oriented)
18, 21, 35 20,15
3. Autre a. but de l’activité est
exprimé (self-oriented) 6, 31, 15, 20, 29 1, 5, 32
b. requête de permission
(self-oriented) 28 8, 18, 22, 28, 30, 36
c. description de la
situation (self- ou other
oriended)
2, 16, 37 11, 16, 27
d. ambigu : but +
description (self-
oriented)
12
e. imparfait modal (self-
oriented) 4, 6, 40
Total 22 25
152
B. TYPOLOGIE DES PROCÉDÉS D’ADOUCISSEMENT DE LA REQUÊTE
FR/NL
Procédé d’adoucissement N° conversations FR N° conversations NL
Justification 6, 18, 28, 37, 39 34, 36, 27
Désactualisateur 7, 20, 21, 35, 14, 18 4, 6, 20, 22, 34, 40
Amadoueur
Préface 7, 28, 29 34
Minimisateur 1, 32 6, 18, 15, 19, 30, 34, 34, 35,
37, 22, 40
Stratégie du pessimisme 34, 35, 37
Marqueurs d’optionalité
S’il vous plaît 5, 18, 31 8, 15, 1
Procédés de non-adoucissement
Assertions en « je veux » 18 15, 16
Modalisateurs déontiques
« tu dois »
aggravateurs 10
153
ANNEXE 8: TYPOLOGIE DE LA DEMANDE D’INFORMATION FR/NL
Dans le tableau ci-dessous, nous présentons notre typologie appliquée à notre corpus FR
et NL. Les numéros dans chaque catégorie correspondent aux numéros de la conversation (cf.
annexes 5 & 6).
A. NATURE DES DEMANDES D’INFORMATION
Demandes d’information N° conversations FR N° conversations NL
Totale 4, 8, 9, 13, 17, 24, 26, 30, 33,
34, 36, 38, 40
2, 9, 10, 12, 13, 17, 21, 25, 26, 29,
Partielle 11, 19, 23, 27 23, 24, 31, 33, 38
Nature de la demande d’information
Directe 4, 8, 13, 19, 23, 24, 27, 30, 34,
36, 38
9, 10,1 2, 13, 17, 21, 24, 25, 26, 29,
31, 33, 38
Lexical 9, 26
Morpho-syntaxique 13, 19, 23, 27, 34 24, 31, 33, 38
Syntaxique 10, 12, 17, 21 25, 26, 29, 33, 38
Prosodique 4, 8, 13, 23, 24, 27, 30, 36, 38 10, 12, 13, 17, 24, 25, 26, 29, 33
Indirecte 11 23
Assertion du but illocutoire de
la question
11 23
Question portant sur la
condition de réussite relative
au destinataire
Assertion portant sur la
condition de réussite
concernant le locuteur
Structures assertives
Autre 17, 40, 9, 26 2
Description de la situation 17, 40, 9 2
Injonction 26
Inanalysable 33
154
B. TYPOLOGIE DES PROCÉDÉS D’ADOUCISSEMENT DE LA DEMANDE
D’INFORMATION FR/NL
Procédé d’adoucissement N° conversations FR N° conversations NL
Justification 13, 17, 27, 34, 40 23, 23, 25, 31, 33
Désactualisateur 11,34 1, 9, 12, 23
Amadoueur
Préface 4, 23 12, 13, 26, 33, 38, 21
Minimisateur 23, 26 13
Stratégie du pessimisme
Marqueurs d’optionalité
S’il vous plaît
Autre 40 (« excusez-moi »)
Procédés de non-adoucissement
Assertions en « je veux » 33 (demande non analysée)
Modalisateurs déontiques
« tu dois »
aggravateurs
155
ANNEXE 9: LES TRANSCRIPTIONS ET LES ENREGISTREMENTS
Les enregistrements (.wav) et les transcriptions (.html) se trouvent sur le cédérom. 42
42
Dans les transcriptions, ‘C’ correspond aux paroles de l’employé et ‘V’ à celles du visiteur.
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