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Faculteit Letteren & Wijsbegeerte 2014-2015 Flore Roggeman Routines conversationnelles à l’office de tourisme : de l’ouverture à la clôture Étude comparative des actes de langage des néerlandophones et des francophones de Belgique Masterproef voorgelegd tot het behalen van de graad van Master in de Taal- en Letterkunde Frans - Nederlands Directrice de recherche : Prof. dr. Marleen Van Peteghem Codirectrice de recherche : Prof. dr. Els Tobback

l’ouverture à la clôture - Ghent University Librarylib.ugent.be/fulltxt/RUG01/002/213/096/RUG01-002213096...Figure 17 : Caractéristiques de la clôture à la française Figure

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Faculteit Letteren & Wijsbegeerte

2014-2015

Flore Roggeman

Routines conversationnelles à l’office de tourisme : de

l’ouverture à la clôture

Étude comparative des actes de langage des néerlandophones et des

francophones de Belgique

Masterproef voorgelegd tot het behalen van de graad van

Master in de Taal- en Letterkunde

Frans - Nederlands

Directrice de recherche : Prof. dr. Marleen Van Peteghem

Codirectrice de recherche : Prof. dr. Els Tobback

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REMERCIEMENTS

Ce mémoire de master est le résultat de longues journées de travail et je suis fière de le

présenter aujourd’hui. Evidemment, ce mémoire n’aurait pas été possible sans la coopération

de quelques personnes.

Mes premiers remerciements vont au professeur Els Tobback qui a accepté de guider ce

travail avec beaucoup d’enthousiasme, même si elle n’est plus liée à l’université de Gand. Sa

direction méthodologique et son appui efficace ont aidé à l’achèvement de ce mémoire.

J’aimerais également remercier le professeur Marleen Van Peteghem pour son œil critique,

ses corrections et ses suggestions utiles.

Ma gratitude va également aux employés des offices de tourisme qui ont participé à cette

recherche. Sans leur participation, je n’aurais jamais eu une base solide de données pour

commencer le travail. Joana, Julie, Pim, madame Dejardin et monsieur Kerckhofs de l’office

de Liège, Marianna, Aurélien, Cathérine, Cécile, madame Defauw et monsieur Vanderwinnen

de l’office de Namur, Goele et Klaar de l’office de Louvain et finalement Annemie et Lien de

l’office d’Ostende. Ce remerciement est également adressé à tous les visiteurs qui ont donné

leur consentement pour l’utilisation de l’enregistrement. Un grand merci à tous!

Enfin, ce mémoire n’aurait pas pu aboutir sans le soutien de mes parents, de mes frères et de

mes amis qui m’ont redonné du courage dans les moments de doute.

Flore Roggeman

Gand

Mai 2015

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Les 8 scénarios d’ouverture dans le corpus

Tableau 2 : Qui commence l’interaction ?

Tableau 3 : La prise de contact : réciprocité (NL/FR)

Tableau 4 : Les moyennes des composantes de la prise de contact

Tableau 5 : Comparaison moyennes FR/NL

Tableau 6 : Nombre de vœux dans le corpus NL et FR

Tableau 7 : Chiffres généraux pour les remerciements dans les deux corpus (NL/FR)

Tableau 8 : Les moyennes des remerciements par personne (NL/FR)

Tableau 9 : Les manques de clôtures selon la fonction dans la conversation

Tableau 10 : Chiffres globaux pour la requête

Tableau 11 : Les formulations autres dans le corpus FR/NL

Tableau 12 : Nouvelle classification pour l’acte de la requête

Tableau 13 : Formulation indirectes self-oriented ou other-oriented (FR/NL)

Tableau 14 : Chiffres globaux de l’adoucissement des requêtes

Tableau 15 : Chiffres globaux pour la demande d’information

Tableau 16 : Les marqueurs des demandes d’information directes (FR/NL)

Tableau 17 : Chiffres globaux de l’adoucissement des demandes

6

LISTE DES FIGURES

Figure 1 : Bureau d’Ostende

Figure 2 : Bureau de Louvain (I)

Figure 3 : Bureau de Louvain (II)

Figure 4 : Bureau de Namur

Figure 5 : Bureau de Liège (I)

Figure 6 : Bureau de Liège (II)

Figure 7 : Classification de l’ouverture de Möller (2000 : 120-121)

Figure 8 : Classification de l’ouverture de Hmed (2000 : 140-141)

Figure 9 : Classification finale de l’ouverture

Figure 10 : Classification de la clôture de Hmed (2000 : 141)

Figure 11 : Classification de la clôture de Kerbrat-Orecchioni (2008a : 112-114)

Figure 12 : Classification des remerciements de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 129-130)

Figure 13 : Classification des remerciements et des réactions aux remerciements (Kerbrat-

Orecchioni 2008b : 128-134)

Figure 14 : Classification finale de la clôture

Figure 15 : Schémas prosodiques dans la salutation (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 111-112)

Figure 16 : Caractéristiques de l’ouverture à la française

Figure 17 : Caractéristiques de la clôture à la française

Figure 18 : Caractéristiques du remerciement à la française

Figure 19 : Répartition des directifs selon Kerbrat-Orecchioni (2008b : 84)

Figure 20 : La classification de la requête de Dumas (2008 : 201-204)

Figure 21 : Classification de la requête de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 100-101).

Figure 22 : Classification de la requête de Kerbrat-Orecchioni (2008a : 117)

Figure 23 : Classification de la requête de van der Wijst (2000 : 190-195)

Figure 24 : Procédés d’adoucissement et des requêtes plus brutales (Kerbrat-Orecchioni 2008b :

102-105)

Figure 25 : Classification finale de la requête

Figure 26 : Typologie de l’acte de la question de Flament-Boistrancourt & Cornette (1999 :

128-131)

Figure 27 : Typologie de l’acte de la question de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 88-89)

Figure 28 : Classification finale de la demande d’information

Figure 29 : La requête à la française

Figure 30 : La demande d’information à la française

7

LISTE DES GRAPHIQUES

Graphique 1 : La prise de contact des francophones

Graphique 2 : La prise de contact des néerlandophones

Graphique 3 : Paradigme de salutations dans l’ouverture (NL)

Graphique 4 : La manifestation de la disponibilité communicative FR

Graphique 5 : La manifestation de la disponibilité communicative NL

Graphique 6 : Paradigme des composantes de la clôture FR

Graphique 7 : Paradigme des composantes de la clôture NL

Graphique 8 : Paradigme des pré-clôtureurs FR

Graphique 9 : Paradigme des pré-clôtureurs NL

Graphique 10 : Paradigme des salutations clôturantes NL

Graphique 11 : Paradigme des vœux FR

Graphique 12 : Paradigme des vœux NL

Graphique 13 : Paradigme des remerciements FR : les types

Graphique 14 : Paradigme des remerciements NL : les types

Graphique 15 : Les réactions aux remerciements FR

Graphique 16 : Les réactions aux remerciements NL

Graphique 17: Procédés d’adoucissement FR (requête)

Graphique 18: Procédés d’adoucissement NL (requête)

Graphique 19 : Procédés d’adoucissement demande d’information FR

Graphique 20 : Procédés d’adoucissement demande d’information NL

8

TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS ............................................................................................................................. 4

LISTE DES TABLEAUX ..................................................................................................................... 5

LISTE DES FIGURES .......................................................................................................................... 6

LISTE DES GRAPHIQUES ................................................................................................................ 7

TABLE DES MATIÈRES .................................................................................................................... 8

CHAPITRE 1: INTRODUCTION ...................................................................................................11

1.1. INTRODUCTION ............................................................................................................................... 11

1.2. CORPUS ............................................................................................................................................. 13

1.3. LES OFFICES DE TOURISME : OCCUPATION DES LIEUX ....................................................... 14

1.4. LES PARTICIPANTS ........................................................................................................................ 18

CHAPITRE 2 : LES RITUELS D’OUVERTURE ET DE CLOTURE ..................................19

2.1. INTRODUCTION ............................................................................................................................... 19

2.2. ETAT DE LA QUESTION : LES RITUELS D’OUVERTURE ET DE CLOTURE DANS LES

INTERACTIONS DE COMMERCE ET DE SERVICE .................................................................................. 19

2.2.1. Introduction ........................................................................................................19

2.2.2. Les rituels : perspective générale .......................................................................20

2.2.2.1. L’ouverture ................................................................................................................................................................... 21

2.2.2.2. La clôture ...................................................................................................................................................................... 25

2.2.2.3. Les remerciements..................................................................................................................................................... 28

2.2.3. Les rituels dans une perspective comparative ....................................................31

2.2.3.1. L’ouverture ................................................................................................................................................................... 32

2.2.3.2. La clôture ...................................................................................................................................................................... 34

2.2.3.3. Les remerciements..................................................................................................................................................... 36

2.3. LES RITUELS D’OUVERTURE ET DE CLOTURE DANS LES OFFICES DE TOURISME EN

FLANDRE ET EN WALLONIE ..................................................................................................................... 37

2.3.1. Introduction ........................................................................................................37

2.3.2. L’ouverture .........................................................................................................37

2.3.2.1. Données générales ............................................................................................................................................................. 37

2.3.2.1.1. Les scénarios possibles ..................................................................................................................................... 38

2.3.2.1.2. Le déclencheur ..................................................................................................................................................... 43

2.3.2.1.3. Absence d’ouverture .......................................................................................................................................... 43

2.3.2.2. La prise de contact ............................................................................................................................................................. 45

2.3.2.2.1. Macro-niveau ........................................................................................................................................................ 45

2.3.2.2.2. Micro-niveau ......................................................................................................................................................... 46

2.3.2.2.3. Réciprocité des prises de contact .................................................................................................................. 48

9

2.3.2.2.4. Multiplication des prises de contact ............................................................................................................. 50

2.3.2.3. La manifestation de la disponibilité communicative ............................................................................................ 51

2.3.2.3.1. Distribution générale .......................................................................................................................................... 51

2.3.2.3.2. Autre......................................................................................................................................................................... 54

2.3.2.4. Conclusion ............................................................................................................................................................................ 55

2.3.3. La clôture ............................................................................................................57

2.3.3.1. Données générales ............................................................................................................................................................. 57

2.3.3.2. Les pré-clôtureurs .............................................................................................................................................................. 60

2.3.3.2.1. Préférence des locuteurs ................................................................................................................................... 60

2.3.3.2.2. Nombre de pré-clôtureurs ................................................................................................................................ 62

2.3.3.3. Les salutations ..................................................................................................................................................................... 64

2.3.3.3.1. Absence d’échange de salutations ................................................................................................................ 64

2.3.3.3.2. L’éventail des salutations ................................................................................................................................. 65

2.3.3.4. Les vœux ............................................................................................................................................................................... 69

2.3.3.5. Les remerciements ............................................................................................................................................................. 71

2.3.3.5.1. Chiffres généraux ................................................................................................................................................ 71

2.3.3.5.2. Types de remerciements ................................................................................................................................... 72

2.3.3.5.3. Réactions aux remerciements ......................................................................................................................... 77

2.3.3.5.4. Absence de remerciements .............................................................................................................................. 80

2.3.3.6. Autre ....................................................................................................................................................................................... 81

2.3.3.6.1. Conversations sans clôture .............................................................................................................................. 81

2.3.3.6.2. Les projets .............................................................................................................................................................. 83

2.3.3.6.3. Cas uniques ............................................................................................................................................................ 83

2.3.3.7. Conclusion ............................................................................................................................................................................ 85

CHAPITRE 3 : L’ACTE DE LA REQUETE ET LA DEMANDE D’INFORMATION ....87

3.1. INTRODUCTION ............................................................................................................................... 87

3.2. ETAT DE LA QUESTION : L’ACTE DE LA REQUETE ET LA DEMANDE D’INFORMATION

DANS LES INTERACTIONS DE COMMERCE ET DE SERVICE ............................................................... 87

3.2.1. Introduction ........................................................................................................87

3.2.2. La demande d’information et la requête: perspective générale .........................90

3.2.2.1. La requête ..................................................................................................................................................................... 90

3.2.2.1.2 Typologie de base ................................................................................................................................................ 90

3.2.2.1.2 Stratégies d’adoucissement .............................................................................................................................. 94

3.2.2.2. La demande d’information ..................................................................................................................................... 98

3.2.3. La demande d’information et la requête: perspective comparative .................103

3.2.3.1. La requête .................................................................................................................................................................. 103

3.2.3.2. La demande d’information .................................................................................................................................. 105

3.3. L’ACTE DE REQUETE ET LA DEMANDE D’INFORMATION DANS LES OFFICES DE

TOURISME EN FLANDRE ET EN WALLONIE ........................................................................................ 108

3.3.1. Généralités ........................................................................................................108

3.3.2. La requête .........................................................................................................108

3.3.2.1. La nature des requêtes ................................................................................................................................................... 108

10

3.3.2.1.1. Les formulations directes ................................................................................................................................... 109

3.3.2.1.2. Les formulations indirectes conventionnelles ............................................................................................ 110

3.3.2.1.3. Autre .......................................................................................................................................................................... 112

3.3.2.2. Les adoucisseurs .............................................................................................................................................................. 117

3.3.2.2.1. Nombre d’adoucisseurs ...................................................................................................................................... 117

3.3.2.2.2. Préférence des procédés d’adoucissement ................................................................................................... 118

3.3.2.2.3. Non-adoucissement .............................................................................................................................................. 121

3.3.2.3. Conclusion ......................................................................................................................................................................... 123

3.3.3. La demande d’information ................................................................................125

3.3.3.1. La nature des demandes................................................................................................................................................ 125

3.3.3.1.1. Les formulations directes ................................................................................................................................... 126

3.3.3.1.2. Les formulations indirectes ............................................................................................................................... 128

3.3.3.1.3. Autre .......................................................................................................................................................................... 129

3.3.3.2. Les adoucisseurs .............................................................................................................................................................. 131

3.3.3.2.1. Nombre d’adoucisseurs ...................................................................................................................................... 131

3.3.3.2.2. Préférence des procédés d’adoucissement ................................................................................................... 132

3.3.3.3. Conclusion ......................................................................................................................................................................... 134

CHAPITRE 4: CONCLUSIONS ................................................................................................... 136

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES .................................................................................... 140

ANNEXES ........................................................................................................................................... 142

ANNEXE 1. CONVENTIONS DE TRANSCRIPTION ............................................................................... 142

ANNEXE 2: LES DONNÉES GÉNÉRALES DE LA CLÔTURE ............................................................... 143

A. Les données générales FR .........................................................................................143

B. Les données générales NL .........................................................................................145

ANNEXE 3: LES REQUETES FRANCOPHONES ..................................................................................... 147

ANNEXE 4: LES REQUETES NEERLANDOPHONES ............................................................................. 148

ANNEXE 5: LES DEMANDES D’INFORMATION FRANCOPHONES .................................................. 149

ANNEXE 6: LES DEMANDES D’INFORMATION NEERLANDOPHONES .......................................... 150

ANNEXE 7: TYPOLOGIE DE LA REQUETE FR/NL ............................................................................. 151

A. Nature des requêtes...........................................................................................151

B. Typologie des procédés d’adoucissement de la requête FR/NL .......................152

ANNEXE 8: TYPOLOGIE DE LA DEMANDE D’INFORMATION FR/NL .......................................... 153

A. Nature des demandes d’information .................................................................153

B. Typologie des procédés d’adoucissement de la demande d’information FR/NL154

ANNEXE 9: LES TRANSCRIPTIONS ET LES ENREGISTREMENTS .................................................... 155

Nombre de mots (de l’introduction à la conclusion): 41.816

Nombre de mots sans notes en bas de page: 40.706

11

CHAPITRE 1: INTRODUCTION

1.1. INTRODUCTION

L’objet de ce travail est de comparer le fonctionnement des actes de langage des locuteurs

francophones et néerlandophones belges. Quatre actes de langage sont au cœur de cette étude :

le rituel d’ouverture, le rituel de clôture, l’acte de la requête et l’acte de la demande

d’information. En nous appuyant sur des corpus authentiques, enregistrés dans quatre offices du

tourisme belges dans la période d’octobre jusqu’à décembre 2014, un certain nombre de

phénomènes récurrents peuvent être observés à partir desquels quelques grandes tendances

peuvent être dégagées. Or, comme nous travaillons avec un échantillon de 40 conversations

néerlandophones et 40 conversations francophones, l’analyse que nous présenterons n’est

évidemment pas un inventaire exhaustif de tous les aspects du fonctionnement des actes de

langage en néerlandais et en français.

Notre étude s’inscrit dans le domaine de la pragmatique (inter)culturelle vu que nous

analyserons les pratiques discursives des locuteurs dans deux communautés linguistiques

différentes. La pragmatique étudie le langage en acte, raison pour laquelle la parole peut être

considérée comme une forme d’action. De cette manière, tout acte réalisé par le biais du langage

peut être étiqueté comme un acte de langage (ou speech act en anglais) (Kerbrat-Orecchioni

2008b : 1-2).

Au-delà de la description des fonctionnements des actes de langage en néerlandais et en

français, nous tenterons également de pointer les règles communicationnelles sous-jacentes qui

déterminent les actes de langage. Béal (2010 : 22) explique que les locuteurs suivent

inconsciemment certaines règles dans une conversation. Ces règles sont liées à la culture à

laquelle on appartient. Cette idée est confirmée par Hmed (2008 :147) : en effet, la culture et la

langue « drainent un flot de règles conversationnelles et de comportements langagiers ».

Afin d’expliquer l’existence de ces règles de communication, Béal (2010 : 28) s’appuie sur

la notion de l’ethos communicatif, ce qu’elle appelle le niveau le plus abstrait qui englobe toutes

ces règles sous-jacentes. Ainsi, à partir d’un grand nombre d’interactions différentes dans une

culture, on fait observer « une convergence des règles implicites observées par les participants »

et ceci correspond à la spécificité de la culture en question (Béal 2010 : 28-29). Ces règles

correspondent donc « à l’idée que se fait la culture en question de la façon appropriée de

s’adresser les uns aux autres dans toutes sortes de situations de la vie quotidienne » (Béal 2010 :

29).

Notre approche est comparative, c’est-à-dire que nous comparerons les actes de langage de

locuteurs natifs dans leur langue maternelle (néerlandais vs. français). En d’autres mots, il s’agit

12

donc d’une observation et d’une description « en parallèle » (Béal 2000 : 16 et Béal 2010 : 32).

Le choix de cette approche se justifie par le fait que c’est une démarche très efficace pour

découvrir les traits discursifs les plus saillants des locuteurs (Béal 2010 : 33).

Notre étude examine la situation linguistique en Belgique, un pays trilingue (le néerlandais,

le français et l’allemand). Dans ce travail, nous nous limiterons au néerlandais et au français. Ce

choix de focalisation belge est motivé par plusieurs raisons. D’une part, étant belge nous-même,

il nous était plus facile de recueillir des données. Ainsi, la prise de contact avec quatre offices de

tourisme belges nous a permis d’atteindre assez rapidement un nombre suffisant de

conversations (80 au total). D’autre part, la Belgique est intéressante d’un point de vue

interculturel : il y a trois communautés linguistiques au sein d’un seul pays. La question se pose

alors de savoir si ces trois communautés ont vraiment une culture différente car la variation

culturelle est présente à tous les niveaux du système conversationnel (Katsiki 2000 : 93). En

outre, les études comparatives des actes de langage en néerlandais et en français sont plutôt

rares (cf. Danblon, De Clerck & van Noppen 2005 et Tobback 2014). Nous tenterons donc de

combler une lacune dans la littérature existante avec cette étude comparative.

Le choix de l’office de tourisme comme situation particulière de l’interaction, s’explique

entre autres par le fait que les conversations dites « interlangues » peuvent également s’y

produire, c’est-à-dire les conversations dans lesquelles les locuteurs s’expriment dans une

deuxième langue (Béal 2010 : 34). Ainsi, les phénomènes d’interférence entre la langue

maternelle et la deuxième langue peuvent être analysés. Nous avons également enregistré de

telles conversations, mais faute de temps, nous traiterons seulement les conversations entre

locuteurs natifs (s’exprimant dans la même langue) dans cette étude.

Ce travail propose une comparaison des actes de langage tels que le rituel d’ouverture, le

rituel de clôture, l’acte de la requête et l’acte de la demande d’information des locuteurs

néerlandophones et francophones belges. L’étude se compose de quatre grands chapitres. La

suite de ce premier chapitre est consacrée à la présentation du corpus (1.2.), la description des

occupations des lieux des offices de tourisme (1.3.) et quelques informations supplémentaires

concernant les participants à la recherche (1.4.). Les deux chapitres suivants sont consacrés aux

rituels d’ouverture et de clôture (chap. 2) et aux actes de la requête et de la demande d’info

(chap. 3). Chacun d’eux est organisé d’une manière identique: l’état de la question précède

chaque fois l’analyse du corpus. Ainsi, le rituel d’ouverture et celui de clôture seront au cœur du

deuxième chapitre. Le troisième chapitre est consacré à l’acte de la question et à l’acte de la

demande d’information. Enfin, le quatrième et dernier chapitre présente en guise de conclusion

les ressemblances et les divergences les plus saillantes des analyses tout comme la conclusion

concernant les ethos communicatifs des deux groupes linguistiques.

13

1.2. CORPUS

Ce travail s’appuie sur un corpus de données authentiques, composé de 80 conversations

dont 40 conversations néerlandophones et 40 conversations francophones. Toutes les

conversations sont enregistrées dans quatre offices de tourisme belges.1 De manière plus

précise, deux bureaux néerlandophones (Ostende et Louvain) et deux bureaux francophones

(Liège et Namur) ont participé à cette recherche. Nous travaillerons donc avec des

enregistrements sur le vif, ce qui fournit la source la plus riche pour une recherche de la langue

parlée (Béal 2000 : 18).

Les bureaux fonctionnent de la même manière : le personnel essaie d’aider les visiteurs et

de répondre à leurs questions. Dans la plupart des cas, il s’agit de conversations à deux mais

évidemment, il se peut que la conversation se déroule entre plusieurs personnes. Les

« trilogues » et autres « polylogues » sont donc également pris en compte dans cette recherche

(Kerbrat-Orecchioni 2008 : 56). Par ailleurs, nous avons remarqué que les bureaux flamands et

wallons diffèrent beaucoup au niveau des occupations des lieux. Ces différences ont notamment

des conséquences importantes pour le déroulement de la conversation. Nous préciserons ces

différences dans la section suivante (1.3.).

Le personnel des bureaux était au courant de la recherche : ils savaient qu’il s’agissait d’une

recherche linguistique concernant les styles conversationnels des néerlandophones et des

francophones. Certes, ils ne disposaient pas d’informations plus détaillées pour qu’ils ne

modifient pas leur propre « style conversationnel ». Les visiteurs, par contre, n’ont pas été mis

au courant de la recherche à l’avance.

Conformément aux recherches de Màrquez Reiter et Stewart (2008 : 280) et de Danblon, De

Clerck & van Noppen (2005), nous n’avons demandé la permission d’utiliser l’enregistrement

qu’à la fin de la conversation, notamment après la clôture.2 En demandant la permission avant le

début de la conversation, nous aurions risqué de mettre les visiteurs mal à l’aise et de leur faire

modifier leur « style conversationnel ». En outre, il y aurait eu ainsi une perte de spontanéité.

Béal (2010 : 36) partage une telle approche: « d’un point de vue éthique, il faut bien entendu

obtenir un accord préalable des participants, cependant il est souhaitable qu’ils ne sachent pas

exactement quand ils sont enregistrés ». Lorsque les visiteurs n’étaient pas d’accord avec

l’enregistrement, nous l’avons supprimé. Au total, une seule personne a refusé sa collaboration.

Par ailleurs, les visiteurs sont tous inconnus des employés. Les visites amicales ou familières ne

sont donc pas prises en compte dans cette recherche.

1 Toutes les conversations sont enregistrées dans la période d’octobre 2014 jusqu’à décembre 2014. Elles

sont enregistrées par le biais d’un dictaphone de 10 cm. 2 Il y a quatre exceptions: dans quatre conversations du corpus, la permission n’est pas demandé à la fin

de l’interaction. Dans un cas, elle est demandée d’avance (la conversation 7 du corpus francophone) et

dans les trois autre cas elle est demandée au milieu de la conversation (les conversations 3, 6, et 16 du

corpus francophone). Voir annexe 9 pour les transcriptions des enregistrements.

14

Vu que nous analyserons les actes de langage des néerlandophones et francophones belges,

il est évident que seules les conversations des natifs ont été retenues dans cette analyse. Comme

il n’était pas toujours facile de distinguer les francophones belges des Français, nous avons

toujours demandé l’origine des personnes enregistrées. Les employés sont également des

locuteurs natifs du néerlandais ou du français.3

Pour ce qui est de la transcription, nous avons utilisé le logiciel ELAN. Les transcriptions et

les enregistrements sont disponibles via le cédérom (cf. annexe 9).

Regardons maintenant de plus près l’organisation pratique des bureaux et les différences

entre les offices néerlandophones et francophones.

1.3. LES OFFICES DE TOURISME : OCCUPATION DES LIEUX

Il y a des différences entre les bureaux néerlandophones et francophones qui valent la peine

d’être précisées. Les différences se situent sur le plan de l’occupation des lieux, c’est-à-dire sur

le plan de l’organisation pratique des bureaux. Avant d’expliquer ces différences, nous nous

concentrerons d’abord sur quelques ressemblances.

Ainsi, les quatre offices en question se situent dans des environnements urbains. Chaque

bureau dispose d’un grand comptoir derrière lequel les employés sont assis. A côté de ce

comptoir, chaque bureau a un espace où beaucoup de dépliants et plusieurs guides gratuits sont

exposés. Les visiteurs qui se présentent face au comptoir, sont obligés de rester débout vu qu’il

n’y a pas de possibilité de s’asseoir. Ceci indique déjà que la conversation dite prototypique

dans un office de tourisme est une conversation assez courte de quelques minutes. En outre, les

employés ne sont pas mobiles. C’est ce que Traverso (2008 : 47) appelle le « type

canalisateur » : les employés doivent orienter les visiteurs rapidement vers « un face-à-face

transactionnel ou vers une file d’attente ». Ceci explique pourquoi le personnel dans un office

de tourisme se trouve généralement dans l’espace qui lui est réservé, à savoir derrière le

comptoir, donc face au visiteur.

Or, il y a évidemment des différences entre les quatre bureaux. La différence la plus

importante entre les bureaux francophones et néerlandophones, concerne la place des employés.

Dans les bureaux néerlandophones, les employés sont assis à leur propre bureau et il y a une

distance de quelques mètres entre les collègues. Ceci indique que la tâche des employés dans les

bureaux néerlandophones est plutôt individuelle : c’est chacun pour soi, chaque employé

s’occupe de son propre visiteur. Nous préciserons ceci avec une représentation schématique de

l’occupation des lieux des deux bureaux néerlandophones.

3 A l’office de tourisme de Namur, un des employés est d’origine roumaine. Les conversations où elle

prend la parole ne sont pas prises en compte dans cette recherche. Seules les conversations où son

collègue (natif belge) prend la parole sont utilisées. Dans quelques-unes de ces conversations, la collègue

non native intervient, mais ces parties ne sont pas étudiées.

15

Voici le plan du bureau d’Ostende. Nous avons indiqué les places des employés avec des

croix (X).

Figure 1 : Bureau d’Ostende

Lorsque nous étions sur place, seules les places à l’extrême gauche et à l’extrême droite

étaient prises. Ceci montre que les employés s’éloignent le plus possible l’un de l’autre,

probablement pour ne pas se déranger. En outre, les différentes places sont séparées par des

petits murs: il s’agit donc clairement d’un espace individuel. Nous nous sommes toujours placée

devant le comptoir (indiqué sur le plan par O) : de cette manière, les visiteurs ne pouvaient pas

nous confondre avec un des employés. En outre, de cette manière nous pouvions nous éloigner

de la conversation afin que les visiteurs n’aient pas l’impression d’être mis sur écoute.

Le bureau de Louvain est beaucoup plus petit que celui d’Ostende, mais, malgré cet espace

limité, les employés étaient également assis le plus loin possible l’un de l’autre. Nous le

préciserons par le biais de quelques photos.

16

Figure 2 : Bureau de Louvain (I)

Figure 3 : Bureau de Louvain (II)

Ce qui est spécifique pour l’office de tourisme à Louvain, c’est que les employés sont

assis dans une position plus élevée que les visiteurs. Ceci est pour Kerbrat-Orrecchioni (1992 :

75) un élément qui sert à « se rehausser symboliquement ». C’est un phénomène qu’elle inscrit

dans la « relation verticale », de manière plus précise dans le « système des places » : la relation

verticale est dissymétrique, c’est-à-dire qu’il y a une certaine hiérarchie entre les interlocuteurs

inversement à la relation horizontale ou les interlocuteurs en présence se montrent plus proches

en fonction de leur degré de connaissance mutuelle (Kerbrat-Orrecchioni 1922 : 39 & 71).

Pourtant, étant donné ce rehaussement, c’est le visiteur qui est roi vu que l’employé est soumis à

toutes ses questions. Ce rehaussement est présent uniquement dans l’office du Louvain.

17

L’organisation pratique dans les bureaux francophones est bien différente. Ici, les employés

sont assis l’un à côté de l’autre. Ils semblent considérer le lieu de travail comme un espace

commun et cette approche commune sera claire dans les conversations : en effet, lorsque un des

employés est en train de parler avec un visiteur, l’autre employé n’hésite pas à intervenir dans

cette conversation. Cela ressort clairement du plan schématique et des photos ci-dessous.

Figure 4 : Bureau de Namur

Figure 5 : Bureau de Liège (I)

18

Figure 6 : Bureau de Liège (II)

Béal (2010 : 188), qui a analysé les styles conversationnels des francophones et des

anglophones, a fait la même observation dans son corpus « bureau ». Ainsi elle a remarqué que

les Français semblent considérer le lieu de travail comme un territoire commun. En outre, ils

considèrent la journée de travail comme « une seule et unique longue conversation à épisodes »,

ce qu’elle indique par le terme de « conversation endémique » (Béal 2010 : 190-191). Par

contre, la conception de l’espace des Australiens est différente : ils le considèrent comme « une

mosaïque de territoires individuels juxtaposés », c’est-à-dire qu’il y a une certaine distance à

respecter (Béal 2010 : 198). Dans cette optique, il semble que les francophones belges aient la

même conception de l’espace que les Français contrairement à la conception de l’espace des

néerlandophones qui est comparable à celle des Australiens.

1.4. LES PARTICIPANTS

Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, les employés étaient les seuls à être au courant

de la recherche. Les visiteurs de leur côté, n’étaient informés qu’après la fin de la conversation.

Nous n’avons pas appliqué des critères de sélection imposés au préalable : tous les visiteurs

étaient des sujets d’expérience potentiels. La seule contrainte était que les visiteurs soient

d’origine belge, parlant soit le néerlandais, soit le français. Il s’ensuit que participants sont tous

des personnes venant de toutes les provinces de la Belgique et qu’elles sont de tous les âges,

sexes et classes sociales.

A première vue, ceci peut être considéré comme un désavantage vu que beaucoup de

« variables » entrent en ligne de compte. En même temps, étant donné un tel amalgame de

personnes, leurs conversations se prêtent mieux à des conclusions plus généralisatrices. Si nous

n’analysions qu’une couche de la population (par exemple de jeunes locuteurs de 16 à 26 ans),

les tendances observées seraient moins représentatives pour tous les néerlandophones ou les

francophones de la Belgique.

19

CHAPITRE 2 : LES RITUELS D’OUVERTURE ET DE

CLOTURE

2.1. INTRODUCTION

Ce chapitre est consacré aux rituels d’ouverture et de clôture. Ces rituels seront d’abord

situés au sein de la théorie des actes de langage (2.2.1.) et ensuite nous présenterons un aperçu

de la littérature existante traitant ces rituels (2.2.2.). Ils seront examinés d’une perspective

générale d’une part, où les approches et les classifications seront éclaircies, et d’une perspective

comparative d’autre part où nous prêterons attention aux caractéristiques des francophones

telles qu’elles ressortent des analyses.

2.2. ETAT DE LA QUESTION : LES RITUELS D’OUVERTURE ET DE CLOTURE

DANS LES INTERACTIONS DE COMMERCE ET DE SERVICE

2.2.1. INTRODUCTION

Kerbrat-Orecchioni (2008b: 110-111) affirme à juste titre que les séquences d’ouverture et

de clôture visent à organiser le début et la fin de la conversation : ce sont « deux moments

particulièrement délicats à gérer pour les interactants dans la mesure où ils impliquent une

rupture par rapport à l’état précédent ». Ces séquences peuvent, par conséquent, être

caractérisées incontestablement par « leur caractère fortement ritualisé » vu qu’elles offrent aux

locuteurs des formules toutes prêtes à l’utilisation dans la vie quotidienne. Autrement dit, ce

sont des formules entières qui sont enregistrées dans nos cerveaux. Hmed (2008 : 140) confirme

cette idée en notant que « les séquences dites encadrantes sont fortement ritualisées et peuvent

rappeler de loin celles rencontrées dans les conversations ». Ces rituels figurent souvent dans

des conversations en contexte commercial ou dans le secteur de service où il s’agit surtout de

brèves rencontres, raison pour laquelle nous avons cherché des analyses traitant l’ouverture et la

clôture à la lumière de ces contextes.

Le sujet des rituels n’a pas manqué de retenir l’attention de nombreux chercheurs. Nous les

regarderons d’abord d’une perspective générale (2.2.2.) pour nous tourner ensuite vers les

rituels dans une perspective comparative (2.2.3.) : dans cette partie nous comparerons sur la

base de la littérature comparative le français avec d’autres langues. Nous essayerons ainsi de

dériver les caractéristiques françaises de ces rituels telles qu’elles ressortent de la littérature

examinée.

20

Malheureusement, dans la littérature examinée, il ne s’agit pas du français belge, mais du

français hexagonal. Nous aimerions faire la même chose pour le néerlandais, mais vu que la

quasi-absence de littérature sur l’ouverture et la clôture d’une conversation en néerlandais, nous

ne pouvons qu’énumérer les caractéristiques des francophones.

2.2.2. LES RITUELS : PERSPECTIVE GENERALE

Dans ce qui suit, nous allons passer en revue quelques considérations générales concernant

les rituels d’ouverture et de clôture. Avant de commencer, il faut bien sûr savoir ce que sont

exactement des rituels. Béal (2010 : 183) les décrit par opposition aux routines. La notion de

rituel est liée à la politesse et elle la définit en s’appuyant sur Goffman (1974) : « les rituels

sont, eux, presque toujours routinisés, puisqu’ils font appel à des formules plus ou moins figées

et font peser de lourdes contraintes sur le type d’enchaînement attendu dans l’échange » (Béal

2010 : 183).

Par contre, la notion de routine, que l’on doit à Coulmas (1981), « met l’accent, non sur la

valeur symbolique d‘un comportement, mais sur son caractère récurrent et stéréotypé » (Béal

2010 : 183). En d’autres termes : un échange routinier ne relève pas de la politesse comme c’est

le cas d’un rituel.

Dans la suite de son ouvrage, elle ajoute une troisième catégorie à celle des rituels et des

routines, à savoir celle des « routines conversationnelles élaborées ». Les rituels et les routines

contiennent tous les comportements brefs alors que les « routines conversationnelles élaborées »

regroupent les échanges plus longs comme les séquences d’ouverture et de clôture dans les

visites, qui font justement l’objet de notre étude. Elle signale que dans de tels échanges, il existe

des formules figées, mais il y a cependant « une plus grande place à l’initiative individuelle »

(Béal 2010 : 184-185).

Afin de comprendre le fonctionnement de ces rituels, il faut d’abord se concentrer sur

quelques principes de base de la politesse. Sur ce sujet, la grande référence est la théorie de la

politesse de Brown et Levinson, dont quelques principes doivent être abordés dans une analyse

des actes de langage.

La théorie de la politesse de Brown et Levinson fournit le cadre théorique le plus cohérent,

qui a inspiré beaucoup d’autres recherches (Kerbrat-Orecchioni 1992 : 167). Leur conception de

la politesse est entièrement fondée sur la notion de face. Plus précisément, ils considèrent que

tout humain possède deux faces, à savoir la face négative et la face positive. La face négative

implique « les territoires du moi » (corporel, spatial ou temporal, bien et réserves, matérielles ou

cognitives). La face positive, par contre, correspond en quelque sorte au narcissisme et à

« l’ensemble des images valorisantes que les interlocuteurs construisent et tentent d’imposer

d’eux-mêmes dans l’interaction » (Kerbrat-Orecchioni 1992 : 167).

21

Ils ont également élaboré les notions FTA (face threatening acts) et FFA (face flattering

acts). De cette manière, tous les actes de langage peuvent être repartis en différentes catégories

selon leur comportement par rapport aux faces. Ainsi, l’offre peut être considérée comme un

acte menaçant pour la face négative pour celui qui l’accomplit. L’excuse, quant à elle, est un

acte qui est menaçant pour la face positive de celui qui l’exprime (Kerbrat-Orecchioni 1992 :

169-170). Il est également possible que certains actes de langage relèvent de plusieurs

catégories en même temps.

La théorie de politesse est assez importante pour cette étude vu que c’est surtout dans le

fonctionnement des rituels que, selon Kerbrat-Orecchioni (1992 : 193), les valeurs de la

politesse sont particulièrement présentes.

C’est bien sûr dans le fonctionnement des « rituels » que ces principes de politesse entrent en

action de la façon la plus spectaculaire, dans ces échanges que l’on dit « formulaires » ou

« routinisés », comme les salutations, les vœux, les excuses, remerciements ou compliments »

(Kerbrat-Orecchioni 1992 : 193).

En outre, les règles de politesse peuvent varier d’une société à l’autre, raison pour laquelle

le style conversationnel de deux sociétés peut différer (Kastler 2000 : 159).

Dans ce qui suit, nous regarderons brièvement de plus près les différentes approches

possibles pour analyser les rituels dans une conversation. Les études qui suivent s’appuient

notamment sur des classifications pour décrire les comportements communicatifs des locuteurs.

Par le biais de ces classifications, il est facile de comparer des groupes de locuteurs quant à

l’emploi d’un acte de langage.

Nous nous concentrons surtout sur les rituels à la française vu qu’il existe peu de recherches

sur le néerlandais à ce niveau. En outre, il s’agit des analyses sur le français de la France. La

question se pose alors si ces constations valent également pour le français de la Belgique.

Nous traiterons les rituels d’ouverture (2.2.2.1.) et de clôture (2.2.2.2.) séparément. Le

remerciement, composante du rituel de clôture, sera également abordé séparément (2.2.2.3.).

2.2.2.1. L’ouverture

Béal (2010) a analysé les interactions quotidiennes des locuteurs francophones et des

locuteurs anglophones. L’analyse des ouvertures des interactions est également une partie de la

recherche. Elle a distingué trois parties dans ce rituel, à savoir (I) les salutations, (II) les

commentaires et (III) les rires de bienvenue et ensuite elle a appliqué cette classification dans

son corpus de « situations de visite » (Béal 2010 : 215-217). Nous discuterons brièvement les

résultats de cette classification dans la section 2.2.3.

Dans cette analyse, nous travaillons avec un corpus dans lequel les personnes ne se

connaissent pas si bien que la répartition de Béal n’est pas pertinente pour notre recherche. Il est

22

finalement important de souligner qu’une telle classification ne prend pas en compte les

caractéristiques linguistiques des différentes séquences, qui, justement, constituent l’objet de

cette étude.

Möller (2000) a également analysé les propriétés conversationnelles de deux groupes de

langues, à savoir des germanophones et des francophones. Son corpus est constitué, à l’inverse

de celui de Béal (2010), d’interactions commerciales, raison pour laquelle sa typologie est plus

intéressante pour nous vu qu’il s’agit également des rencontres entre inconnues. En outre, sa

répartition est fondée davantage sur des propriétés purement linguistiques que celle de Béal

(2010).

Möller (2000 : 116) fait d’abord la distinction entre les tâches globales et les tâches

locales : le premier concerne l’ouverture et la clôture de l’interaction et le deuxième le choix

d’un article, le type de paiement et cetera. Ce n’est pas vraiment cette répartition qui nous

intéresse, mais surtout les différentes composantes qu’il distingue au sein de la séquence

d’ouverture, qui est donc selon lui « une tâche globale ». Nous avons schématisé sa répartition

dans la figure ci-dessous :

Ouverture (Möller : 2000)

1. Prise de contact

a. Une salutation Bonjour

b. Une salutation + un appellatif Bonjour mademoiselle

c. Une question de salutation Madame Dupont vous allez bien?

d. D’autres types d’énoncés Voilà la jeune fille du quartier qu’arrive

2. Manifestation de la disponibilité communicative envers les clients

a. Des questions rituelles Vous désirez

b. Un seul appellatif Madame

c. Une pause

Figure 7 : Classification de l’ouverture de Möller (2000 : 120-121)4

Comme le montre la figure, Möller (2000 : 120-121) distingue deux parties dans le rituel

d’ouverture. De manière plus précise, il s’agit de deux actes de langage : d’une part la prise de

contact et d’autre part la manifestation de la disponibilité communicative envers les clients. Au

sein de ces deux actes de langage, il a distingué plusieurs composantes.

Il est important de souligner que Möller (2000) a établi cette classification de la séquence

d’ouverture du point de vue de du vendeur. Ceci s’explique par le fait que selon lui, les énoncés

des clients sont moins ritualisés que celles des vendeurs (Möller 2000 : 121). Cependant, nous

4 Remarquons que Möller (2000 : 120) distingue à la fois les catégories « un appellatif + une salutation »

et « une salutation + un appellatif ». Nous les aborderons ici dans une seule catégorie, à savoir dans « une

salutation + un appellatif » dont l’ordre peut varier.

23

pensons que la classification de Möller est applicable également aux énoncés des clients (même

s’ils ne saluent pas toujours le commerçant), à l’exception du deuxième acte de langage, la

manifestation de la disponibilité communicative, qui concerne seulement le point de vue des

employés.

Au sein de la catégorie de la manifestation de la disponibilité communicative, Möller (2000)

a distingué trois composantes, à savoir (I) des questions rituelles, (II) les appellatifs et (III) une

pause. Cependant, il n’explique pas vraiment ce qu’il entend sous « pause ». Il mentionne

seulement qu’une telle pause se produit très souvent après la salutation de la part de vendeurs

(Möller 2000 : 121). Selon nous, ce terme reste vague vu qu’il y a différentes situations

possibles lorsqu’une pause est réalisée, par exemple : un visiteur entre, l’employé le salue et le

visiteur continue simplement à regarder les dépliants, ou l’employé a dit « bonjour », mais le

visiteur ne répond pas parce qu’il est encore en train de chercher des choses dans son sac. La

pause peut donc être due à plusieurs facteurs, et Möller (2000) n’explique pas la nature des

pauses dans son corpus.

Dans la mesure du possible, nous inclurons tout de même cette composante dans la

classification mais sans évoquer la cause de la pause : vu que nous avons travaillé avec des

enregistrements sonores (et ne pas avec du matériel visuel), il sera impossible d’interpréter

systématiquement la cause de la pause.

Nous mettrons donc cette classification à l’épreuve de notre corpus. Nous regarderons de

cette manière quelle composante de cette classification est la plus populaire. Une autre question

que Möller (2000) s’est posée est de savoir qui ouvre le plus l’interaction des deux groupes de

locuteurs : les commerçants français ou les clients français et dans quelle mesure leur

comportement est différent de celui des locuteurs allemands.

Comme Möller (2000), Hmed (2000) a également étudié les actes de langage dans les

interactions de commerce. Elle s’est concentrée sur « leur structure générale, c’est-à-dire leur

organisation en séquences, ainsi que sur la description comparative des différents actes de

langage rencontrés » (Hmed 2000 : 137). Elle s’est appuyée sur un triple corpus contenant des

interactions dans des boucheries : un corpus français (Villefranche), un corpus tunisien

(Ezzahra) et un corpus mixte (une boucherie maghrébine à Lyon). Elle accorde deux fonctions à

l’ouverture : premièrement, pour le client, la salutation fonctionne comme (I) une réparation de

son intrusion dans le territoire du commerçant et pour le commerçant, de son côté, la salutation

vise à souhaiter la bienvenue. Deuxièmement, (II) l’échange des salutations assure au client

d’être pris en compte par l’autre (Hmed 2000 : 140). Selon elle, les séquences d’ouverture

peuvent contenir les composantes suivantes :

24

Ouverture (Hmed 2000)

1. Attribution du tour : très souvent réalisée par le non verbal : regard, position corporelle,…

Quand l’attribution du tour est verbalisée, sur le mode assertif ou interrogatif, on passe généralement

directement à la requête.

2. Echange de salutations : en règle générale : « bonjour (+ appellatif) »

3. Salutations complémentaires : la présence de celles-ci s’explique généralement du fait d’une relation

proche entre les participants, mais cela n’est pas systématique.

4. Requête

Figure 8 : Classification de l’ouverture de Hmed (2000 : 140-141)

Nous n’avons pas appliqué cette classification à notre corpus pour quatre raisons. Pour

commencer, nous n’avons pas tenu compte des (I) données non verbales, représentées par la

première composante de sa typologie. Deuxièmement, il y a (II) plus de variation au niveau des

échanges de salutations qui mérite d’être analysée. Hmed ne se limite qu’à la règle générale, à

savoir « bonjour (+ appellatif) », mais il y a plus de possibilités que celle-ci. Dans la

classification de Möller (2000 : 120-121) par exemple, plusieurs composantes sont distinguées à

ce niveau. Troisièmement, comme Hmed (2000 : 141) l’indique elle-même, (III) les salutations

se produisent généralement en cas d’une interaction entre des personnes qui se connaissent.

Ceci peut être le cas dans des boucheries où les commerçants ont après un certain temps leurs

clients fidèles, mais cette composante n’est pas pertinente pour notre corpus de « visites dans un

office de tourisme » : dans une conversation prototypique dans office de tourisme, les

interlocuteurs ne se connaissent pas. Un touriste vient au bureau afin d’obtenir plus

d’informations sur une ville qui n’est pas la sienne. Finalement, nous ne considérerons (IV) la

requête pas comme une partie des séquences d’ouverture mais plutôt comme un acte de langage

isolé (cf. chapitre 3).

Nous finissons cette section générale de l’ouverture par une remarque supplémentaire de

Kerbrat-Orecchioni (2008a). Dans son analyse des interactions dans les petits commerces

français, elle prend en considération seulement les salutations (accompagnées ou non d’un

terme d’adresse) pour le rituel de l’ouverture. Selon nous, la séquence d’ouverture peut être

constituée encore d’autres composantes que des salutations (cf. classification de Möller).

Cependant, sa description des salutations est très détaillée. Nous décrirons les caractéristiques

de la salutation, observées dans son corpus dans la section 2.2.3.

Contrairement à Möller (2000), elle explique qu’une ouverture peut être assurée par la

réalisation d’un simple terme d’adresse (avec différents schémas mélodiques possibles) comme

« Madame/ » ou « Madame\ » (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 112). C’est donc une sorte de forme

elliptique de la salutation. Möller (2000) a distingué également la forme d’un simple terme

d’adresse, mais chez lui il s’agit d’un cas de la manifestation communicative envers les clients.

25

En d’autres termes, l’emploi d’un terme d’adresse ne fait pas partie de la prise de contact

initiale. Kerbrat-Orecchioni (2008a), en revanche, considère l’emploi d’un simple terme

d’adresse comme une salutation à part entière (et donc comme une prise de contact).

Il est vrai que cette distinction concernant les termes d’adresse dite simples pourrait être

problématique pour notre analyse : avons-nous affaire à une simple prise de contact (cf. la

remarque de Kerbrat-Orecchioni 2008a) ou avons-nous affaire à une manifestation de la

disponibilité communicative de la part des commerçants (cf. observation de Möller 2000). En

tout cas, nous maintenons les deux types afin d’être le plus exhaustive possible et nous verrons

dans quelle mesure nos données reflètent ces deux types possibles.

Ayant examiné les travaux de Beal (2010), Möller (2000), Hmed (2000) et Kerbrat-

Orecchioni (2008a) de plus près, nous avons vu que chacun travaille avec sa propre typologie.

Nous optons pour la classification de Möller (2000) pour les raisons décrites ci-dessus.

Toutefois, nous y ajoutons l’appellatif comme composante de la prise de contact qui a été

évoqué par Kerbrat-Orecchioni (2008a). Ainsi, nous aboutissons à notre classification finale

pour l’ouverture que nous mettrons à l’épreuve à notre corpus :

Ouverture : classification finale

1. Prise de contact

a. Une salutation Bonjour

b. Une salutation + un appellatif Bonjour mademoiselle

c. Une question de salutation Madame Dupont vous allez bien?

d. D’autres types d’énoncés Voilà la jeune fille du quartier qu’arrive

e. Un simple terme d’adresse Madame

2. Manifestation de la disponibilité communicative envers les clients

a. Des questions rituelles Vous désirez

b. Un seul appellatif Madame

c. Une pause

Figure 9 : Classification finale de l’ouverture

2.2.2.2. La clôture

Dans son étude sur les actes encadrants des Français et des Tunisiens, Hmed (2000 : 140)

signale que la matérialisation linguistique de la clôture d’une interaction semble encore plus

obligatoire pour les francophones que celle de l’ouverture. Autrement dit, les séquences de

clôture sont plus systématiquement marquées et plus étendues.

Kerbrat-Orecchioni (2008a : 112) confirme cette idée: « l’absence de la séquence de clôture

n’est quasiment jamais repérée : on éprouve, en France, le besoin manifeste de cette sorte

26

d’épilogue rituel ». La classification de la séquence de clôture qui ressort du corpus de Hmed est

représentée ci-dessous (Hmed 2000 : 141).

Clôture (Hmed 2000)

1. L’échange de salutations : c’est la composante centrale. Plusieurs échanges à fonction

euphorisante sont aussi formulés lors de la clôture.

2. Les vœux : ces actes se retrouvent d’ailleurs essentiellement dans cette séquence.

3. Les remerciements : ces actes peuvent apparaître ailleurs que dans la clôture. Ils sont très

fréquents en France et l’on constate qu’ils sont le plus souvent formulés par les vendeurs, ce qui

signifierait peut-être que ce sont eux les plus gros bénéficiaires de la transaction.

Figure 10 : Classification de la clôture de Hmed (2000 : 141)

Hmed (2000 : 141) explique que les composantes dans sa classification ne se limitent pas

seulement à l’acte de la clôture. Elle souligne que la clôture peut contenir à côté de l’échange de

salutations, des remerciements, des vœux et également des promesses de se revoir (Hmed 2000 :

140). Ces « promesses de se revoir » vont être étiquetées par Kerbrat-Orecchioni (2008b)

comme des « projets ». Ce terme sera adopté dans la suite de l’analyse.

Pour l’analyse d’un acte de langage comme la séquence de clôture, Kerbrat-Orecchioni

(2008b) s’est appuyée sur un corpus de librairie-papeterie-presse. Selon elle, les petits

commerces constituent des lieux privilégiés pour observer le fonctionnement de la politesse

linguistique. En outre, cette politesse se concentre particulièrement dans les séquences

encadrantes de l’ouverture et de clôture de l’interaction (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 106). Elle

distingue les composantes suivantes dans la séquence de clôture (Kerbrat-Orecchioni 2008a :

112-114) :

Clôture (Kerbrat-Orecchioni 2008a)

1. Pré-clôture : « voilà » (commerçant/employé), « (bon) allez » (client/visiteur)

2. Echange de salutations : « au revoir »

3. Les vœux : « bonne journée », « bon week-end »

4. Les projets : « à plus tard », « à bientôt »

5. Les remerciements

Figure 11 : Classification de la clôture de Kerbrat-Orecchioni (2008a : 112-114)

L’échange de salutations est selon Kerbrat-Orecchioni (2008a : 112) la composante centrale

de la clôture (cf. Hmed 2000 : 140). Néanmoins, cet échange peut être accompagné d’autres

27

actes qui sont énumérés dans la figure ci-dessus, mais il est rare que la clôture comporte toutes

ces composantes.

Dans un autre ouvrage de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 120), elle ajoute que les actes de

langage comme les vœux et les projets peuvent être considérés comme des « salutations

complémentaires ». Ces actes sont problématiques dans la mesure où ils ont des caractéristiques

« qui empêchent de les assimiler totalement à des salutations » (Kerbrat-Orecchioni 2008b :

120). Ainsi, une formule votive peut entraîner un remerciement de l’autre (par exemple « bonne

soirée » - « merci »), tandis qu’une simple salutation peut seulement entraîner une autre

salutation. Une situation comme celle-ci est par exemple impossible : « bonsoir » - « merci »,

mais tout ce qui concerne l’acte du remerciement sera discuté dans la section suivante (2.2.2.3.).

Kerbrat-Orecchioni (2008a) fait beaucoup référence à Dumas (2008). L’étude de celle-ci

n’est pas comparative non plus, mais elle trait quelques éléments qui sont importants pour une

comparaison des interactions de commerce et de service. Son objectif est de pouvoir identifier

des « principes de variation internes aux interactions qui, pris isolément ou combinés aux

critères externes mentionnés précédemment, permettent d’opérer des regroupements et de

proposer des distinctions » (Dumas 2008 : 182). Pour aboutir à ceci, elle s’est appuyée sur cinq

corpus de données authentiques français, chaque corpus étant composé d’une quarantaine de

conversations.5 Conformément aux analyses de Hmed (2000) et Kerbrat-Orecchioni (2008a),

Dumas (2008 : 199-200) affirme également que la clôture est principalement réalisée par des

salutations et ces salutations peuvent être accompagnées par d’autres actes comme des

remerciements, des vœux et des projets.

Ce qui est intéressant dans l’analyse de Dumas, c’est qu’elle ne regroupe pas les séquences

selon des composantes présentes ou des schémas, mais qu’elle le fait par des regroupements en

fonction du nombre de clôtureurs. Ce choix est bien argumenté :

Il reste cependant impossible d’établir des règles plus précises à cet égard : l’intervention clôturante

des commagents6 comme celle des cliagers

7 prennent de nombreuses formes et les formules attestées

sont abondantes en raison de la diversité de clôtureurs qui peuvent se combiner et former des

échanges à un, deux, trois ou quatre clôtureurs (Dumas 2008 : 200).

En d’autres termes : les possibilités combinatoires des composantes existantes dans la

séquence de clôture sont trop élevées de sorte qu’il est impossible de les généraliser. Cela

explique la raison pour laquelle elle a analysé son corpus selon le paramètre du nombre de

clôtureurs, sans faire de distinction entre les différentes composantes. De cette manière, deux

scénarios sont distingués : l’usage d’un nombre symétrique de clôtureurs d’une part et l’usage

d’un nombre dissymétrique d’autre part.

5 Il s’agit des corpus suivants: des interactions enregistrées dans une librairie-papeterie-presse, un tabac-

presse, une banque, un bureau de poste et le service d’état civil d’une mairie (Dumas 2008: 182). 6 Autre mot pour « commerçants ».

7 Autre mot pour « clients ».

28

Quant à nous, nous aimerions quand même insister sur la variation dans les composantes

dans la clôture, même si Dumas (2008) considère qu’un tel travail est presque impossible à

cause de la grande possibilité de variation.

Avant de faire le bilan en ce qui concerne la séquence de clôture, nous commenterons les

remerciements comme composante de la clôture. Nous analyserons le remerciement seulement

dans la séquence de clôture, mais cet acte de langage peut également se produire en cours de

l’interaction. De plus, le remerciement peut se réaliser dans plusieurs formes. Etant donné cette

complexité, cet acte de langage mérite une section à part.

2.2.2.3. Les remerciements

Pour définir le terme de remerciement, nous adoptons la définition proposée par Kerbrat-

Orecchioni (2008b) :

Le remerciement est un acte par lequel un locuteur accuse réception d’un « cadeau » quelconque, en

témoignant de sa reconnaissance envers le responsable de ce cadeau (le terme cadeau devant être pris

au sens large, et désignant toute forme d’« action bienfaisante » que l’on peut accomplir envers

autrui : cadeau, au sens strict, service, faveur, compliment ou autre cadeau verbal ») (Kerbrat-

Orecchioni 2008b : 124).

Kerbrat-Orecchioni (2008a : 121-122) a distingué trois types de remerciements selon leurs

places dans l’interaction :

- Le « remerciement prospectif » se situe au début de l’interaction, ce qui est

exceptionnel ;

- Le remerciement en cours d’interaction figure essentiellement après la réception du

produit ou après la réception de la monnaie ;

- Le remerciement en séquence de clôture apparaît soit après une formule votive, soit

pour marquer la bonne fin de la transaction (cf. Kerbrat-Orecchioni 2008a : 122).

Nous ne commenterons pas les deux premiers types et nous limiterons au dernier. Béal

(2010 : 220) confirme que ce type de remerciement a bel et bien une fonction clôturante.8

Kerbrat-Orecchioni (2008b : 114) explique que le remerciement en séquence de clôture peut

réagir à un vœu, mais qu’il a essentiellement « une valeur de bilan et de ratification satisfaite de

la transaction ». Dumas (2008 : 205) confirme cette idée: en effet, cet acte de langage doit être

8 Dumas (2008 : 205-206), par contre, ne distingue que deux moments dans l’interaction dans lesquels le

remerciement peut figurer : lors de la remise du produit (bien ou service) par le commerçant et dans la

séquence de paiement. Vu qu’une interaction, même en site commerciale, ne finit pas toujours par le

paiement de sorte que le remerciement ne porte pas sur cet acte, nous considérons la distinction de

Kerbrat-Orecchioni (2008a) comme plus adéquate.

29

vu comme « une formule réactive, comme l’expression d’une gratitude verbale pour une action

ou le résultat d’une action demandée ».

Kerbrat-Orecchioni (2008b) traite le remerciement au même niveau de l’excuse, un autre

acte de langage. Comme l’excuse, le remerciement est décrit comme un acte de langage

appartenant à la catégorie des « expressifs » : « les expressifs sont un ensemble des actes

consistant à exprimer un certain état psychologique du locuteur vis-à-vis d’un état de choses

spécifié dans le contenu propositionnel » (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 122).

Nous présenterons sa classification dans la figure ci-dessous :

Les remerciements (Kerbrat-Orecchioni 2008b)

i. Expressions directes

a. Formule performative : « je te remercie »

b. Elliptiquement : « merci »

ii. Expressions indirectes

a. Assertion focalisée sur le remercieur (bénéficiaire du cadeau) : expression du

sentiment approprié (gratitude, plaisir, joie) : « je vous suis très reconnaissant »

b. Assertion focalisée sur le remercié (auteur du cadeau) : éloge : « c’est très gentil à

vous »

c. Assertion focalisée sur le cadeau lui-même : « c’est superbe »

Figure 12 : Classification des remerciements de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 129-130)

Comme le montre la figure, il existe deux sortes d’expressions : les expressions directes

d’une part et les expressions indirectes d’autre part. Plusieurs sous-classes ont été distinguées au

sein de ces deux catégories (cf. la figure 12).

Par ailleurs, les locuteurs peuvent réagir différemment à un remerciement, raison pour

laquelle nous examinerons également les réactions aux remerciements. Il y a les réactions

négatives d’une part, qui sont peu fréquentes mais qui peuvent bel et bien se produire et il y a

les réactions positives d’autre part (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 132-133). Premièrement, cette

réaction peut par exemple prendre la forme d’un « je vous en prie » : avec cette formule, le

locuteur « déclare avoir effectué de bon cœur, étant au service d’autrui, l’action bienfaisante »

(Kerbrat-Orecchioni 2008b : 133). Deuxièmement, la réaction au remerciement peut également

consister en l’expression d’une minimisation, voire une dénégation du cadeau, par exemple dans

« merci infiniment – mais c’est bien normal ». D’après Kerbrat-Orecchioni (2008b : 133), c’est

la réaction positive qui est omniprésente.

De cette manière nous obtenons la classification suivante, qui est assez complexe :

30

Remerciements (Kerbrat-Orecchioni 2008b)

1. Expressions directes

a. Formule performative « je te remercie »

b. Elliptiquement « merci »

2. Expressions indirectes

a. Assertion focalisée sur le remercieur (bénéficiaire du cadeau) : expression du sentiment

approprié (gratitude, plaisir, joie) « je vous suis très reconnaissant »

b. Assertion focalisée sur le remercié (auteur du cadeau) : éloge : « c’est très gentil à vous »

c. Assertion focalisée sur le cadeau lui-même « c’est superbe »

Réactions aux remerciements

1. Réactions négatives

a. Un enchaînement qui nie l’existence préalable d’une offense et d’un cadeau. De tels

enchaînements sont « contestataires »

b. Les vraies réactions négatives dans lesquelles on refuse d’accepter le remerciement

2. Réactions positives

a. Formule d’avoir effectué avec bon cœur, étant au service d’autrui, l’action bienfaisante

« je vous en prie »

b. Une minimisation, voire une dénégation du cadeau pour lequel on est remercié (et dont

l’existence n’est contestée qu’un apparence)

« Merci infiniment – Mais c’est bien

normal »

Figure 13 : Classification des remerciements et des réactions aux remerciements (Kerbrat-

Orecchioni 2008b : 128-134)

Faisons le bilan à propos du rituel de la clôture. Nous l’avons schématisé dans la figure ci-

dessus (la figure 14). Ce schéma sera mis à l’épreuve de notre corpus.

31

Clôture : classification finale

1. Pré-clôture : « voilà », « (bon) allez »

2. Echange de salutations : « au revoir »

3. Les vœux : « bonne journée », « bon week-end »

4. Les projets : « à plus tard », « à bientôt »

5. Les remerciements :

a. Expressions directes

i. Formule performative: « je te remercie »

ii. Elliptiquement : « merci »

b. Expressions indirectes

i. Assertion focalisée sur le remercieur (bénéficiaire du cadeau) : expression du

sentiment approprié (gratitude, plaisir, joie) : « je vous suis très reconnaissant »

ii. Assertion focalisée sur le remercié (auteur du cadeau) : éloge : « c’est très gentil

à vous »

iii. Assertion focalisée sur le cadeau lui-même : « c’est superbe »

Réactions aux remerciements

1. Réactions négatives

a. Un enchaînement qui nie l’existence préalable d’une offense et d’un cadeau. De tels

enchaînements sont « contestataires »

b. Les vraies réactions négatives dans lesquelles on refuse d’accepter le remerciement

2. Réactions positives

a. Formule d’avoir effectué avec bon cœur, étant au service d’autrui, l’action

bienfaisante : « je vous en prie »

b. Une minimisation, voire une dénégation du cadeau pour lequel on est remercié (et dont

l’existence n’est contestée qu’un apparence) : « Merci infiniment – Mais c’est bien

normal »

Figure 14 : Classification finale de la clôture

2.2.3. LES RITUELS DANS UNE PERSPECTIVE COMPARATIVE

Dans ce qui précède, nous avons découvert les paramètres d’analyse pertinents pour les

rituels d’ouverture et de clôture dans des petits commerces. Les travaux consultés sont soit

exclusivement consacrés au français, soit il s’agissait d’études comparatives ayant le français (la

culture française) comme point de départ. Dans la présente section, nous focaliserons l’aspect

comparatif dans le but de trouver une première réponse à la question de savoir ce qui caractérise

typiquement les rituels d’ouverture et de clôture à la française. Comme pour la section

32

précédente (2.2.2.), nous traiterons successivement le rituel d’ouverture (2.2.3.1.), le rituel de la

clôture (2.2.3.2.) et le remerciement (2.2.3.3).

2.2.3.1. L’ouverture

Même si Béal (2010) ne traite pas les rituels dans le contexte des commerces, la description

comparative qu’elle fournit des rituels en ‘situations de visites’, permet de découvrir quelques

contrastes intéressants entre les habitudes des Français et des Australiens. Une des différences

les plus frappantes concerne la longueur des rituels d’ouverture. Ainsi, les séquences

d’ouverture des Français sont nettement plus longues que celles des Australiens (Béal 2010 :

21). Elle a constaté que les Français mêlent ces séquences avec d’autres commentaires qui

concernent les aspects circonstanciels de l’interaction (par exemple l’heure de l’arrivée). Les

séquences d’ouverture chez les francophones sont donc très élaborées, raison pour laquelle Béal

(2010 : 216) les appelle des « rituels élaborés ».

Par ailleurs, les salutations d’ouverture des Français ont lieu immédiatement après

l’ouverture de la porte. Les séquences d’ouverture des Australiens, en revanche, sont plus

courtes et moins élaborées en comparaison de celles des Français. En d’autres termes, les

Australiens se limitent à l’essentiel si bien que Béal (2010 : 220-222) étiquette leurs séquences

d’ouverture comme « un rituel minimal ».

Möller (2000) a comparé les interactions commerciales en Allemagne et en France. Dans

l’acte de l’ouverture, il a distingué deux actes de langage, à savoir (I) la prise de contact et (II)

la manifestation de la disponibilité communicative. Nous ne retenons que deux éléments de son

analyse contrastive.

Premièrement, il a remarqué que ces deux actes de langage (I et II) sont souvent présents

dans le corpus français : il y a donc à la fois une prise de contact qui est très souvent suivie par

une manifestation de la disponibilité communicative de la part des commerçants. Contrairement

au Français, les Allemands ne font rarement recours au deuxième acte de langage (la

manifestation de la disponibilité communicative) (Möller 2000 : 120-121).

Deuxièmement, il y a une différence sur le plan de la prise de parole : qui ouvre

l’interaction, le commerçant ou le client (cf. Kerbrat-Orecchioni 2008a) ? Ainsi, il a constaté

que les commerçants ouvrent presque toujours l’interaction en France tandis qu’en Allemagne,

les clients ouvrent également souvent l’interaction (Möller 2000 : 122). Kerbrat-Orecchioni

(2008a : 111) affirme que les ouvertures sont produites le plus souvent par les commerçants. En

outre, les clients français du corpus ne saluent pas toujours les vendeurs si bien qu’ils formulent

immédiatement le but de leur visite (Möller 2000 : 121-122).

Hmed (2000) de son côté a comparé le rituel d’ouverture des Français à celui des Tunisiens.

Il en ressort deux différences importantes : tout d’abord, comparés aux Tunisiens, les

33

francophones paraissent plutôt distants. Ceci semble avant tout s’expliquer par l’existence d’un

éventail de termes d’adresse beaucoup plus étendu en tunisien. Ainsi, les termes d’adresse

expriment non seulement le sexe et l’âge, mais également d’autres paramètres comme la

parenté, le respect, la familiarité et l’affection (Hmed 2008 : 270). Ceci n’est pas le cas en

français où seulement le sexe et l’âge peuvent être exprimés par le biais d’un terme d’adresse.

La deuxième différence concerne l’absence de salutations d’ouverture : très marquée en

France, ceci ne semble pas le cas en Tunisie, où, les salutations d’ouverture apparaissent plutôt

comme facultatives (Hmed 2000 : 140-142). Par ailleurs, les Tunisiens connaissent des vœux

d’ouverture, une composante de l’ouverture qui n’a pas d’équivalent dans la langue française. A

cela s’ajoute qu’un tel vœu est exclusivement de l’initiative du commerçant qui se traduit

littéralement par « Que ta journée soit de miel et de dattes » (Hmed 2000 : 142).

Pour terminer, nous nous s’attarderons encore sur quelques observations faites par Kerbrat-

Orecchioni (2008a). Même s’il ne s’agit pas d’un travail contrastif, il est intéressant car il

fournit des observations très précises sur les particularités des interactions dans des petits

commerces français. Kerbrat-Orecchioni (2008a : 111-112) distingue trois caractéristiques

saillantes de la salutation des Français. Premièrement, la salutation est quasi systématique ce qui

est conforme aux observations faites par Hmed (2000). Deuxièmement, elle est le plus souvent

réalisée d’abord par le commerçant, ce qui confirme l’étude de Möller (2000). Troisièmement,

la salutation verbale n’est presque jamais accompagnée d’une salutation gestuelle comme une

bise ou une poignée de main. Par ailleurs, elle a observé que la salutation s’exprime presque

toujours sous la forme d’un « bonjour ». Les salutations plus familières comme « salut » et voire

« bonsoir » sont extrêmement rares (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 111). A propos de la salutation,

il faut distinguer deux schémas prosodiques :

Schémas prosodiques dans la salutation (Kerbrat-Orecchioni 2008a)

1. Avec mélodie descendante : « Bonjour\ », « Madame bonjour\ » ou « Bonjour madame\ »

2. Avec mélodie montante : « (Madame) bonjour/ »

Figure 15 : Schémas prosodiques dans la salutation (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 111-112)

Le premier schéma mélodique signifie une véritable salutation qui est, selon Kerbrat-

Orecchioni (2008a : 111), surtout réalisée par le commerçant. De telles salutations sont

normalement toujours suivies d’une réaction du client, qui se produit également sous la forme

d’une salutation. Le deuxième schéma mélodique, par contre, donne à la salutation une valeur

de question comme « vous désirez ». Cette valeur s’ajoute donc à la valeur de la salutation si

bien que Kerbrat-Orecchioni (2008a : 112) l’appelle un « amalgame pragmatique »: ceci permet

« d’accélérer le cours des événements ». Dans ce cas, la réaction de la part du client est

facultative parce qu’il peut passer immédiatement à l’acte de la requête ou à l’acte de la

34

demande d’information (cf. chapitre 3). Malgré le fait que cette distinction prosodique

supplémentaire est très intéressante, nous ne l’appliquerons pas à notre corpus faute de temps.

Sur la base de ce qui précède, il semble bien possible de conclure que les rituels d’ouverture

des Français présentent quelques particularités par rapport à d’autres langues et cultures. Les

caractéristiques principales repérées dans la littérature (Béal 2010, Möller 2000, Hmed 2000,

Hmed 2008 & Kerbrat-Orecchioni 2008a) sont reprises dans la figure 16.

Caractéristiques de l’ouverture à la française

- En contexte où les interlocuteurs ne se connaissent pas :

o Commerçants

Les conversations sont entamées le plus par les commerçants

Les commerçants manifestent dans la plupart des cas leur disponibilité

communicative envers les clients

o Visiteurs

Les visiteurs francophones ne saluent parfois pas le commerçant de sorte qu’ils

formulent immédiatement le but de leur visite

o En général

Lorsqu’ils font recours aux termes d’adresse, ce sont des termes d’adresse

neutres comme « madame » et « monsieur »

L’absence d’ouverture est marquée en français

Figure 16 : Caractéristiques de l’ouverture à la française

2.2.3.2. La clôture

Regarderons maintenant de plus près la littérature à propos de la clôture. Nous recourons

aux analyses comparatives de Béal (2010) et Hmed (2000) et aux études (non comparatives) des

interactions francophones de Kerbrat-Orecchioni (2008a & 2008b) et Dumas (2008).

Commençons à nouveau par l’étude de Béal (2010) qui a comparé des interactions des

Français aux interactions des Australiens. Comme c’est le cas pour l’ouverture, les clôtures

tendent également à être nettement plus longues chez les Français qu’entre les Australiens (Béal

2010 : 21).

Hmed (2000), qui a comparé le comportement conversationnel des Tunisiens à celui des

Français, a découvert que, conformément à l’analyse de l’ouverture, que la clôture chez les

francophones se matérialise le plus souvent par un échange de salutations entre le client et le

commerçant. Les séquences de clôture chez les Tunisiens, par contre, sont rarement réalisées

par un échange de salutations. Une autre formule est utilisée, à savoir une expression figée qui à

35

la valeur d’une évaluation positive de l’interaction (Hmed 2000 :143).9 Cet acte n’a pas

d’équivalent en français.

Kerbrat-Orecchioni (2008a) de son côté, a constaté que les salutations de clôture sont

souvent accompagnées d’autres composantes clôturantes, à savoir des pré-clôtures, des vœux,

des projets et des remerciements. Ainsi, les vœux sont employés très fréquemment par les

francophones : ils apparaissent dans la moitié des conversations de son corpus (Kerbrat-

Orecchioni 2008a : 113). En outre, ces formules votives sont le plus souvent l’initiative du

commerçant. Les projets, en revanche, sont plutôt rares (que dans 10% des interactions) et ne

semblent donc pas être typique pour les Français. En général, le commerçant français utilise

plus de rituels de clôture comparé au visiteur français et les rituels de clôture sont souvent

prononcés en chevauchement (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 114).

Dumas (2008) se distingue des autres linguistes de la littérature examinée parce qu’elle ne

se fonde pas sur une classification selon les types de composantes, mais selon le nombre de

clôtureurs. Ainsi, il ressort de son analyse que les francophones utilisent le plus souvent deux

clôtureurs (Dumas 2008 : 200).

En guise de résumé, nous reprenons ci-dessous ce qui semble caractériser les clôtures en

site commercial des Français :

Caractéristiques de la clôture à la française

- En contexte où les interlocuteurs ne se connaissent pas :

o Commerçants

Ils utilisent plus de rituels de clôture que les clients

Ils utilisent plus de vœux

o Visiteurs

Les séquences de clôture sont plus courtes que celles des commerçants

o En général

Les clôtures tendent à être assez longues

L’absence de la clôture est très marquée en français, voire plus marquée que

l’absence d’une séquence d’ouverture

L’échange de salutations est la composante la plus fréquente

La clôture est le plus souvent composée de 2 clôtureurs

Figure 17 : Caractéristiques de la clôture à la française

9 Il s’agit d’une sorte de vœu ou d’une bénédiction à valeur d’un remerciement (Hmed 2000 : 143).

36

2.2.3.3. Les remerciements

Pour l’acte du remerciement, nous ne disposons que du travail de Kerbrat-Orecchioni

(2008b). Nous nous limiterons donc à rappeler les traits les plus saillants de cet acte de langage

réalisé par les Français dans des petits commerces.

En ce qui concerne les expressions directes du remerciement, elle a noté que ceci est

exprimé très souvent « sur le mode de l’hyperbole », par exemple « un grand merci » (Kerbrat-

Orecchioni 2008b : 136).

Pour ce qui est du nombre des remerciements, elle a constaté qu’ils sont massivement

présents dans toutes les conversations en site commercial. Ainsi, le nombre s’est élevé en

moyenne à 3,5 par interaction (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 139-140).

Finalement, en ce qui concerne les réactions, il faut signaler que la réaction positive est

incontestablement la réaction prototypique à un remerciement. Le pendant négatif est à coup sûr

très marqué (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 133).

Sous forme de tableau :

Caractéristiques du remerciement à la française

- En contexte où les interlocuteurs ne se connaissent pas :

o Les remerciements sont massivement présents dans les conversations commerciales

o Le remerciement est exprimé très souvent sur le mode de l’hyperbole

o La réaction positive au remerciement est omniprésente. Une réaction négative est très

rare.

Figure 18 : Caractéristiques du remerciement à la française

37

2.3. LES RITUELS D’OUVERTURE ET DE CLOTURE DANS LES OFFICES DE

TOURISME EN FLANDRE ET EN WALLONIE

2.3.1. INTRODUCTION

Dans ce qui suit, nous présenterons les analyses du corpus des rituels d’ouverture et de

clôture dans les offices de tourisme belges. Nous aborderons d’abord le rituel d’ouverture dans

la première section (2.3.2.) pour ensuite nous pencher sur celui de la clôture (2.3.3.). Chaque

section se compose d’une sous-section générale dans laquelle quelques chiffres globaux seront

fournis. Les autres sous-sections représenteront les actes de langage distingués au sein du rituel

en question.

2.3.2. L’OUVERTURE

Pour l’analyse de l’ouverture, nous traiterons successivement la prise de contact (cf.

2.3.2.2.) et la manifestation de la disponibilité communicative de la part de l’employé (cf.

section 2.3.2.3.). Tout d’abord, nous fournirons quelques données générales (2.3.2.1.).

2.3.2.1. Données générales

Dans cette section, nous donnerons d’abord un aperçu des différents scénarios possibles

pour l’ouverture ainsi que de leur répartition sur les deux corpus (néerlandophone et

francophone).

Ensuite, nous analyserons le paramètre du déclencheur, c’est-à-dire : est-ce que c’est le

visiteur ou l’employé qui commence l’interaction ? Finalement, nous discuterons plus en détail

les cas où il n’y a pas d’ouverture du tout.

Rappelons pour commencer notre classification :

38

Ouverture : classification finale

1. Prise de contact

a. Une salutation Bonjour

b. Une salutation + un appellatif Bonjour mademoiselle

c. Une question de salutation Madame Dupont vous allez bien?

d. D’autres types d’énoncés Voilà la jeune fille du quartier qu’arrive

e. Un simple terme d’adresse Madame

2. Manifestation de la disponibilité communicative envers les clients

a. Des questions rituelles Vous désirez

b. Un seul appellatif Madame

c. Une pause

Figure 9 : Classification de l’ouverture

2.3.2.1.1. Les scénarios possibles

Pour commencer, nous avons examiné le comportement des locuteurs dans l’interaction: le

visiteur, d’une part, et l’employé, d’autre part. Sur la base de notre corpus de 80 conversations

(40 NL et 40 FR), nous avons ainsi détecté 8 scénarios différents. Ils sont représentés dans le

tableau 1 par ordre décroissant d’apparition dans le corpus francophone : le symbole ✔ marque

la présence du paramètre et le symbole ✗ l’absence de celui-ci.

Dans ce qui suit, nous présenterons brièvement chacun des scénarios repérés : nous les

illustrerons par un exemple et nous commenterons les différences et les ressemblances

observées pour les deux corpus.

N° de

Schéma Prise de

contact

employé

Prise de

contact

visiteur

Manifestation

disponibilité

communicative

Nombre

d’ex FR % FR

Nombre

d’ex NL % NL

(1) ✔ ✔ ✗ 18 45% 22 55%

(2) ✔ ✔ ✔ 12 30% 3 7,5%

(3) ✗ ✗ ✗ 5 12,5% 2 5%

(4) ✗ ✗ ✔ 2 5% 0 0%

(5) ✔ ✗ ✗ 1 2,5% 6 15%

(6) ✗ ✔ ✗ 1 2,5% 1 2,5%

( ✗ ✔ ✔ 1 2,5% 0 0%

( ✔ ✗ ✔ 0 0% 6 15%

40 100 40 100

Tableau 1 : Les 8 scénarios d’ouverture dans le corpus

39

(1) Prise de contact par l’employé et par le visiteur ; absence de manifestation de la

disponibilité communicative

Le premier scénario est le plus fréquent dans les deux langues : dans près de la moitié des

interactions françaises (45%) et dans plus de la moitié des interactions néerlandaises (55%), il y

a une prise de contact des deux parties, mais l’employé ne manifeste pas explicitement sa

disponibilité communicative comme c’est le cas dans l’extrait 1.

Extrait 1 : schéma (1) FR

V1 : bonjour

E1 : bonjour

V1 : vous avez un petit un petit un petit plan de promenade pour le centre historique ?

Corpus FR conversation 110

(2) Prise de contact par l’employé et par le visiteur ; présence explicite de manifestation de

la disponibilité communicative

Le deuxième scénario semble bien plus représenté dans le corpus francophone (30%) que

dans le corpus néerlandophone (7,5%). Il faut toutefois interpréter ces données de manière

prudente étant donné que dans la majorité des cas, c’est par une pause que l’employé manifeste

sa disponibilité communicative : dans le corpus francophone, il s’agit de 11 cas des 12 ; dans le

corpus néerlandophone, il y a une pause dans les 3 cas.11

Or, il y a un exemple du corpus francophone dans lequel il y a une manifestation de la

disponibilité communicative qui n’est pas une pause, mais un appellatif (l’extrait 2).

Remarquons que la réalisation de l’appellatif et la demande d’information du visiteur sont

réalisées en chevauchement.12

Extrait 2 : schéma (2) FR

C1 : bonjour

V1 : bonjour

V2 : bonjour

V2 : bonjour madame

10

Pour les conventions de transcription, voir annexe 1. 11

Nous avons critiqué cette composante de pause dans la classification de Möller (2000) vu que la

signification de cet élément reste un peu vague : en effet, on ne peut jamais retracer la cause de la pause

produite. Nous avons néanmoins décidé d’inclure cette marque parce qu’elle peut, selon nous, bel et bien

être une manifestation de la disponibilité communicative de l’employé et ainsi notre classification est la

plus exhaustive possible. 12

Le chevauchement est marqué par l’insertion de crochets ‘[‘ alignés verticalement au début du

chevauchement.

40

V2 : [on vient d’un autre office de tourisme pour la place du cyclocross on nous a dit que c’est ici ?

C1 : [monsieur

C1 : oui

Corpus FR conversation 37

L’appellatif « monsieur » est utilisé par l’employé pour manifester sa disponibilité

communicative envers le client. Ceci est important, car nous avons également inclus les

appellatifs comme élément au sein de l’acte de la prise de contact (et non seulement comme

élément dans l’acte de la manifestation de la disponibilité communicative) (cf. infra).

(3) Absence de prise de contact par l’employé et par le visiteur ; absence de manifestation

de la disponibilité communicative

Ce scénario présente les conversations dans lesquelles il n’y a pas d’ouverture du tout. Nous

les discuterons de manière plus détaillée sous 2.3.2.1.3. (absence d’ouverture), mais il est déjà

clair qu’une telle absence est plus présente dans le corpus francophone (12,5%) que dans le

corpus néerlandophone (5%).

(4) Absence de prise de contact par l’employé et par le visiteur ; présence explicite de

manifestation de la disponibilité communicative

L’absence de la prise de contact de la part des employés peut être compensée par la

présence d’une manifestation de la disponibilité communicative. Ceci est seulement applicable

au corpus francophone (2 occurrences). Voici un extrait du corpus :

Extrait 3 : schéma (4) FR

E1 : je peux vous aider madame ?

V1 : oui euh je reviens pour avoir des X plusieurs des X en anglais madame de (.) la X a téléphoné

Corpus FR conversation 6

Il n’y a donc pas de prise de contact, ni de l’employé, ni du visiteur, mais il y a bel et bien

une manifestation de la disponibilité communicative de la part de l’employé. Cette

manifestation s’est produite par le biais de ce que Möller (2000 : 121) appelle « une question

rituelle ».

41

(5) Présence de prise de contact par l’employé, absence de prise de contact par le visiteur ;

absence de manifestation de la disponibilité communicative + (6) absence de prise de

contact par l’employé, présence de prise de contact par le visiteur ; absence de

manifestation de la disponibilité communicative

Nous traitons le cinquième et le sixième scénario ensemble parce qu’il n’y a pas une

manifestation de la disponibilité communicative. La prise de contact est présente, mais soit

l’employé, soit le visiteur prend contact.

Le cinquième scénario (pas de prise de contact du visiteur et pas de manifestation de la

disponibilité communicative), semble être une caractéristique des néerlandophones belges : ce

scénario représente 15% du total des situations d’ouverture, ce qui est un pourcentage non

négligeable. Regardons l’extrait ci-dessus.

Extrait 4 : scénario (5) NL

E1 : goeiedag mevrouw

V1 : mogen er hier flyers gelegd worden ?

Corpus NL conversation 36

Le visiteur pose immédiatement sa question sans prendre le temps de saluer l’employé. Les

autres 5 exemples du corpus qui présentent ce schéma, ont tous la même forme : il s’agit chaque

fois d’un visiteur qui pose immédiatement sa demande ou sa requête. Nous n’avons rencontré

qu’une fois ce scénario dans le corpus francophone.

Les cas dans lesquels l’employé ne prend pas contact et dans lesquels il n’y a pas non plus

une manifestation de la disponibilité communicative (scénario 6), sont extrêmement rares. Dans

chaque corpus nous n’avons trouvé qu’un exemple. Voici l’exemple du corpus francophone :

Extrait 5 : schéma (6) FR

V1 : bonjour juste une petite question le musée Saint-Georges c’est où exactement ?

E1 : le BAL le musée des beaux-arts ?

V1 : oui

Corpus FR conversation 23

Dans l’extrait 5, le visiteur pose immédiatement sa question après avoir salué l’employé. Il

n’a donc pas la possibilité de saluer le visiteur parce que celui-ci est tellement vite avec sa

demande d’information.

42

(7) Absence de prise de contact par l’employé, présence de prise de contact par le visiteur ;

présence de manifestation de la disponibilité communicative + (8) présence de prise de

contact par l’employé, absence de prise contact par le visiteur ; présence de manifestation

de la disponibilité communicative

Le scénario (7) et le scénario (8) peuvent également être traités ensemble : dans ces

scénarios, il y a toujours la manifestation de la disponibilité communicative de l’employé et soit

l’employé soit le visiteur ne prend pas contact.

Quant au scénario (7), où l’employé ne prend pas contact, il n’y a qu’un exemple dans tout

le corpus (l’extrait 6).

Extrait 6 : scénario (7) FR

V1 : bonjour je fais partie de la X une organisation [concernant les X

E1 : [hmm

V1 : le 5 décembre à la cathédrale je peux mettre une affiche et déposer quelques flyers ?

Corpus FR conversation 8

Nous considérons la production de « hmm » comme une sorte de manifestation de la

disponibilité communicative : ce régulateur marque l’écoute et l’attention de l’employé (Béal

2010 : 113). Cependant, ce régulateur n’a pas encore de place dans la classification que nous

avons adoptée : ce n’est ni une question rituelle, ni un appellatif et ni une pause, raison pour

laquelle nous ajoutons la catégorie autre à notre classification (cf. infra).

Le scénario (8) (sans prise de contact du visiteur) est seulement repéré dans le corpus

néerlandophone avec une fréquence de 6 occurrences, ce qui correspond à 15% du total.

Extrait 7 : scénario 8

E1 : dag

V1 : hebt gij een kaartje van Oostende ?

Corpus NL conversation 19

L’employé prend donc contact avec le visiteur, mais cet acte n’est pas réciproque. Il est

remarquable que ce scénario se soit seulement produit en Flandre. Ce phénomène est donc, sur

la base de notre corpus, une caractéristique que nous pouvons attribuer aux néerlandophones.

En résumé, les paragraphes qui précèdent ont mis en lumière les différents scénarios en ce

qui concerne la séquence de l’ouverture dans notre corpus. Pour chaque langue, le scénario de

« prise de contact de l’employé + prise de contact du visiteur + absence d’une manifestation de

la disponibilité communicative » est le plus fréquent. Cependant, quelques grandes différences

entre les néerlandophones et les francophones belges se sont fait remarquer.

43

Premièrement, la présence de tous les paramètres (prise de contact de l’employé et du

visiteur + la manifestation de la disponibilité communicative) est assez fréquente dans le corpus

francophone (30%) tandis que c’est plutôt rare dans le corpus néerlandophone (7,5%). Or, il ne

faut pas oublier que la plupart de ces manifestations de la disponibilité communicative se sont

produites sous la forme d’une pause et c’est exactement une des composantes que nous avons

critiquée dans l’état de la question.

Deuxièmement, nous avons vu que les visiteurs flamands semblent être plus directs que

leurs compatriotes francophones : ainsi, le visiteur ne prend dans 30% des conversations pas

contact avec l’employé, c’est-à-dire qu’il pose donc immédiatement sa question. Dans le corpus

francophone, en revanche, ce n’est que dans 7,5% des conversations.

Troisièmement, il est ressorti du corpus que l’absence d’une prise de contact de la part de

l’employé est vraiment très marquée dans chaque langue. Or, en Flandre ceci semble être encore

plus marqué qu’en Wallonie (2,5% NL vs. 10% FR).

2.3.2.1.2. Le déclencheur

Kerbrat-Orecchioni (2008: 111) a constaté que ce sont surtout les employés qui entament la

conversation en site commercial. Cette observation est confirmée par les résultats de notre

corpus : en effet, les employés commencent dans la plupart des cas l’interaction verbale. Il est

remarquable que les résultats sont tout à fait identiques dans les deux corpus: l’employé

déclenche l’interaction dans 60% des cas

# NL % NL # FR % FR

Employé 24 60% 24 60%

Visiteur 16 40% 16 40%

Total 40 100% 40 100%

Tableau 2 : Qui commence l’interaction ?

2.3.2.1.3. Absence d’ouverture

Comme nous l’avons vu, dans la plupart des cas l’interaction commence par une séquence

d’ouverture. Cependant, nous avons rencontré quelques conversations dans lesquelles une telle

séquence n’est pas présente. Dans le corpus néerlandophone, il s’agit de 2 conversations (5% du

total) et dans le corpus francophone, il s’agit même de 5 conversations (12,5%). Afin de

découvrir les raisons pour ce constat, il faut que ces conversations soient examinées de plus

44

près. En outre, ce que tous les extraits sans ouverture ont en commun, c’est que chaque fois le

visiteur entame la conversation

Premièrement, il est possible que la séquence d’ouverture ne se soit pas produite parce que

la conversation s’est déroulée à un moment où il y avait beaucoup de monde. L’extrait 8 du

corpus néerlandophone présente une telle situation. Comme les visiteurs faisaient la queue, il

était possible de suivre la conversation du visiteur qui précède. La dame de cet extrait avait sans

doute entendu la conversation du visiteur avant elle qui portait également sur l’exposition

Musee. Ceci explique pourquoi l’ouverture reste probablement absente : elle se base sur la

conversation précédente, visible par l’emploi du mot « ook ».

Extrait 8

V1 : wij willen ook zo’n boekje van Musee alstublieft

E1 : ja

E1 : das zeven euro alstublieft

Corpus NL conversation 15

L’autre conversation néerlandophone sans séquence d’ouverture s’est également réalisée à

un moment où il y avait beaucoup de monde.13

Tournons-nous maintenant vers les conversations du corpus francophone qui ne comportent

pas de séquence ouvrante. Les raisons pour lesquelles les séquences d’ouverture ne se sont pas

produites, ne sont pas tout à fait claires. Nous l’illustrons par un exemple (l’extrait 9).

Extrait 9

V1 : euh je je voulais me renseigner de de prendre le bateau ici et euh on m’a dit que c’est que c’est

pas (inaud.)

E1 : les informations ?

V1 : oui

Corpus FR conversation 9

Il s’agit dans cet extrait de deux filles qui voulaient aller à Maastricht en bateau. Elles ont

simplement opté, probablement inconsciemment, pour poser leur question immédiatement sans

prendre d’abord contact avec l’employé. Ceci montre qu’il n’est pas toujours facile de retracer

les causes de l’absence d’une séquence ouvrante.

Après cet aperçu général à propos de l’ouverture, nous pouvons passer à l’analyse des deux

actes de langage distingués dans notre classification, à savoir la prise de contact (2.3.2.2.) et la

manifestation de la disponibilité communicative (2.3.2.3.).

13

La conversation 3.

45

2.3.2.2. La prise de contact

La prise de contact est le premier acte de langage distingué par Möller (2000). Nous avons

réparti cette section en quatre parties. Dans un premier temps, nous regarderons les prises de

contact au niveau macro (2.3.2.2.1.) pour ensuite examiner le niveau micro (2.3.2.2.2.). La

réciprocité (2.3.2.2.3.) et la multiplication (2.3.2.2.4.) des prises de contact sont les deux autres

thèmes qui seront abordés dans la suite.

2.3.2.2.1. Macro-niveau

La prise de contact est le premier acte de langage dans la séquence d’ouverture distingué

par Möller (2000). Au sein de cette catégorie, il y a différentes possibilités de prendre contact

avec l’autre interlocuteur (cf. Kerbrat-Orecchioni 2008a):

a. Une salutation Bonjour

b. Une salutation + un appellatif Bonjour mademoiselle

c. Une question de salutation Madame Dupont vous allez bien?

d. D’autres types d’énoncés Voilà la jeune fille du quartier qu’arrive

e. Un simple terme d’adresse14

Madame

Nous avons examiné ceci pour nos deux corpus. Le graphique ci-dessous représente les

résultats pour le corpus francophone.

Graphique 1 : La prise de contact des francophones

14

Elément distingué par Kerbrat-Orecchioni (2008a).

35

2

0

0

0

33

4

0

0

0

68

6

0

0

0

0 10 20 30 40 50 60 70 80

une salutation

une salutation + un appellatif

une question de salutation

d'autres types d'énoncés

un simple terme d'adresse

La prise de contact des francophones

total

visiteur

employé

46

Comme le graphique le montre, seules deux catégories de la classification sont présentes

dans notre corpus, à savoir « une salutation + un appellatif » (« bonjour madame ») et « une

salutation » (« bonjour »).

Les salutations ont une nette majorité. Lorsqu’il y a une prise de contact, on a dans 91,89%

des cas affaire à une salutation. Dans 8,12% il s’agit alors d’une salutation avec un appellatif.

Cette préférence pour les salutations dites simples se manifeste à la fois chez les visiteurs et

chez les employés, ce qui confirme la recherche de Kerbrat-Orecchioni (2008a : 111).

Comparons maintenant ces données à celles du corpus néerlandophone.

Graphique 2 : La prise de contact des néerlandophones

Conformément aux résultats des francophones, les néerlandophones optent également pour

une salutation dite « simple » pour prendre contact avec l’interlocuteur (90,78%). L’emploi

d’une salutation avec un appellatif est plutôt rare (9,52%). À nouveau, les employés et les

visiteurs se comportent donc de la même manière quant au choix du type pour prendre contact.

Bref, au macro-niveau de la prise de contact il n’y a pas vraiment des différences entres les

francophones et les néerlandophones.

2.3.2.2.2. Micro-niveau

Toutefois, en regardant le micro-niveau, nous constatons qu’il y a bel et bien des écarts

entre les deux groupes de langues. Les différences se situent au niveau des salutations: la

salutation dans le corpus francophone est incontestablement « bonjour », il n’y a pas de

31

5

0

0

0

26

1

0

0

0

57

6

0

0

0

0 10 20 30 40 50 60

une salutation

une salutation+ un appellatif

une question de salutation

d'autres types d'énoncés

un simple terme d'adresse

La prise de contact des néerlandophones

total

visiteur

employé

47

variation possible. Dans le corpus néerlandophone, par contre, il y a plus de variation. Cette

variation est représentée dans le graphique ci-dessous.

Graphique 3 : Paradigme de salutations dans l’ouverture (NL)

Il paraît que les néerlandophones, comparés aux francophones, disposent d’un éventail plus

riche de salutations. Ainsi, ils ont fait appel à 6 formes différentes. De toutes ces possibilités, la

variante « goeiedag » est la forme la plus fréquente : elle présente plus de la moitié des

salutations (53,79%).

En outre, c’est nettement la forme préférée par les employés, mais également pour les

visiteurs. Les visiteurs de leur côté, font régulièrement appel à d’autres formes comme

« goeiemiddag », « goeiemorgen », « goeienavond », « dag » et « hallo ».

Les trois premières formes énumérées ci-dessus, sont entièrement dépendantes du moment

de la visite. Un visiteur qui vient au bureau vers 16h, ne va évidemment jamais dire

« goeiemorgen ». A ce point, la forme « dag » semble être plus neutre parce qu’elle est

indépendante du moment de la visite. Cependant, il n’a que 5 occurrences de « dag ».

Comparons un extrait qui contient la forme « dag » à un extrait qui comporte la forme

prototypique « goeiedag ».

Extrait 10

E1 : goeiedag

V1 : dag

V2 : het Musee welke richting is dat uit ?

Corpus NL conversation 24

Extrait 11

E1 : goeiedag

3

23

8

2 0 0

5

11

3 3 4 1

8

34

11

5 4 1

0

5

10

15

20

25

30

35

40

Paradigme des salutations dans l'ouverture (NL)

employé

visiteur

total

48

V1 : goeiedag euh wij hebben de kaarten van de tentoonstelling (.) maar euhm […]

Corpus NL conversation 23

Sur la base du contexte, il semble qu’il n’y a pas de différence au plan sémantique entre les

deux salutations « goeiedag » et « dag ». Toutefois, c’est la forme de « goeiedag » qui est

préférée par les locuteurs.

Une autre forme que nous avons rencontrée à travers le corpus, est « hallo » (4

occurrences). Regardons un extrait.

Extrait 12

E1 : goeiedag

V1 : hallo ‘k heb een vraagje kunde hier ook tickets krijgen voor het Musee of is dat alleen in het euh

Corpus NL conversation 13

Il est important de souligner que la forme « hallo » est toujours réalisée par le visiteur. C’est

un emploi que nous ne retrouvons pas chez les employés parce que c’est une forme qui est

plutôt utilisée dans des conversations informelles. En outre, « hallo » est chaque fois suivi

immédiatement par une question du visiteur si bien que la salutation n’est pas vraiment

accentuée : elle ne se retrouve pas isolée dans un énoncé.

Cependant, la forme informelle français « salut » n’est jamais apparue dans le corpus

francophone.

2.3.2.2.3. Réciprocité des prises de contact

L’autre aspect qui ressort de la micro-analyse des données, est que les francophones et les

néerlandophones diffèrent sur le plan de la fréquence de la prise de contact dans une interaction.

De cette manière, nous avons distingué 3 situations.

Premièrement, il se peut que les locuteurs produisent (I) une prise de contact réciproque :

celui-ci veut dire qu’à la fois l’employé et le visiteur, se saluent et prennent contact.

Extrait 13

E1 : bonjour

V1 : bonjour je voudrais savoir quand sont organisées les visites guidées au musée Saint-Georges

Corpus FR conversation 11

Deuxièmement, il est possible que (II) la prise de contact ne soit pas réciproque : soit le

visiteur ne prend pas contact, soit c’est l’employé qui se tait. Dans l’extrait 14, c’est le visiteur

qui ne salue pas.

49

Extrait 14

E1 : dag mevrouw

V1 : mag ik mag ik de fietsroute alstublieft.

Corpus NL conversation 8

Troisièmement, (III) l’ouverture peut également être absente. Dans le corpus

néerlandophone, il s’agit de 2 conversations qui n’ont pas d’ouverture et dans le corpus

francophone c’est le cas dans voire 7 conversations.

Ainsi nous obtenons le tableau suivant qui est établi sur la base des chiffres absolues (sur

40, le nombre total de conversations).

FR NL

Prise de contact réciproque 30 25

Prise de contact non réciproque 3 13

- pas de réponse du visiteur 1 11

- pas de réponse de l’employé 2 2

Rien : pas d’ouverture 7 2

Tableau 3 : La prise de contact : réciprocité (NL/FR)

En général, la prise de contact réciproque est la situation prototypique dans les deux corpus.

Or, les francophones belges prennent plus systématiquement contact en comparaison des

néerlandophones. Ainsi, 30 des 40 conversations (75%) francophones présentent cette

réciprocité alors que dans le corpus néerlandophone il s’agit de 25 conversations (62,5%).

Dans le corpus néerlandophone, il y a plus de cas dans lesquels la prise de contact n’est pas

réciproque et ceci est surtout dû au comportement du visiteur. Au total, il s’agit de 13

conversations où la salutation n’est pas réciproque. Dans 11 des 13 cas, c’est le visiteur qui ne

salue pas l’employé. Dans toutes ces conversations, nous avons toujours affaire à une question

ou à une requête directe de la part du visiteur.

Dans le corpus francophone, par contre, il n’y a que 3 conversations où la prise de contact

n’est pas réciproque. La prise de contact non réciproque semble donc être plus marquée en

français que c’est le cas en néerlandais.

50

2.3.2.2.4. Multiplication des prises de contact

Pour terminer, nous avons constaté une autre différence par rapport à la prise de contact

entre les deux groupes de langues. Ainsi, les locuteurs francophones prennent parfois plus d’une

fois contact : une première fois après l’ouverture de la porte et une deuxième fois devant le

comptoir. Quatre conversations francophones de notre corpus présentent cette situation (l’extrait

15).

Extrait 15

E1 : bonjour

V1 : bonjour

V1 : bonjour

E1 : bonjour

V1 : excusez-moi c’est la première fois […]

Corpus FR conversation 40

Cela nous rappelle l’étude de Béal (2010 : 21) qui a remarqué que les salutations chez les

Français ont lieu immédiatement après l’ouverture de la porte. Sur ce plan, les francophones

belges se rapprochent donc des Français.

Par ailleurs, comme les employés francophones se trouvent plus proches l’un à l’autre, ils

prennent parfois tous contact avec le(s) visiteur(s). Ceci est apparu 4 fois des 40 conversations

et une telle situation est entièrement absente dans le corpus néerlandophone, ce qui est bien sûr

dû à la disposition des lieux. L’extrait 16 illustre une telle situation.

Extrait 16

E1 : bonjour

V1 : bonjour

E2 : bonjour

V1 : on a ces ces tickets ici à l’entrée du musée X pour voir une exposition mais je X par où ?

Corpus FR conversation 27

Nous offrons finalement quelques moyennes globales qui concernent la prise de contact (le

tableau 4). Nous avons calculé deux types de moyennes : les moyennes par personne d’une part

et les moyennes par conversation d’autre part.

Dans ce premier type, nous avons tenu compte du nombre de locuteurs au total des

conversations vu que cela diffère pour les deux corpus. Ainsi, dans le corpus néerlandophone,

nous avons enregistré 102 personnes différentes (dont 62 visiteurs et 40 employés) à l’inverse

du corpus francophone où il y avait au total 100 locuteurs (dont 50 visiteurs et 50 employés).

51

A propos du deuxième type de moyenne, nous avons calculé tout par rapport au nombre

total de conversations (40).

Moyennes NL FR

# composantes de la prise de contact par personne

Visiteur 0,44 0,74

Employé 0,90 0,74

Total 0,62 0,74

# composantes de la prise de contact par conversation

Visiteur 0,68 0,93

Employé 0,90 0,93

Total 1,76 1,85

Tableau 4 : Les moyennes des composantes de la prise de contact

Les francophones obtiennent à tous les niveaux une moyenne plus élevée que les

néerlandophones, à l’exception de la moyenne des employés calculée par personne.

Ces chiffres plus élevés sont sans doute dus au fait que les francophones se saluent parfois

plus d’une fois. Cependant, ce sont des différences infimes entre les deux groupes de langues.

2.3.2.3. La manifestation de la disponibilité communicative

La manifestation de la disponibilité communicative est le deuxième acte de langage

distingué par Möller (2000). Cet acte reflète uniquement le point de vue de l’employé. Dans

2.3.2.3.1., nous regarderons dans un premier temps les résultats de l’application de la

classification à notre corpus. Nous constaterons qu’il y a des manifestations communicatives

qui ne vont pas dans cette classification. Celles-ci seront examinées dans la partie autre

(2.3.2.3.2.).

2.3.2.3.1. Distribution générale

La manifestation de la disponibilité communicative est absente dans la majorité des

conversations. Si elle est présente, elle se présente surtout sous la forme d’une pause.15

15 La composante de la pause a été critiquée. Ainsi, Möller (2000) reste un peu vague en ce qui concerne

la délimitation de ce terme. Nous avons souligné qu’une pause peut être remplie par différentes situations.

Cependant, il se peut bien sûr bel et bien produire une pause de la part de l’employé qui a vraiment pour

but d’être une manifestation de la disponibilité communicative.

52

Nous illustrons les possibilités de la manifestation de la disponibilité communicative dans

les graphiques 4 et 5.

Graphique 4 : La manifestation de la disponibilité communicative FR

Graphique 5 : La manifestation de la disponibilité communicative NL

Ce qui est sûr, c’est que l’absence de cet acte n’est pas marquée dans les deux langues,

mieux encore, c’est plutôt normal. La pause occupe dans chaque corpus la deuxième place.

Nous ne donnons pas d’exemples d’extraits dans lesquels la manifestation de la disponibilité

communicative s’est produite par une pause parce que cette pause peut également être due à une

autre raison que l’expression de cette disponibilité communicative (cf. note en bas de page p.

50).

2% 2%

28%

5%

63%

La manifestation de la disponibilité communicative FR Des questions rituelles Un seul appellatif Une pause Autre Rien

0% 2%

17%

3%

78%

La manifestation de la disponibilité communicative NL

Des questions rituelles Un seul appellatif Une pause Autre Rien

53

Les emplois des questions et des appellatifs sont plutôt rares dans les deux langues. De

manière plus précise, nous avons rencontré une question rituelle dans le corpus francophone

(2%) et un emploi d’un appellatif (2%). Dans le corpus néerlandophone, en revanche, nous

n’avons pas rencontré une question rituelle mais l’emploi d’un appellatif est quand même une

fois repéré. En outre, dans chaque langue nous avons rencontré des cas qui n’avaient pas de

place dans une des catégories établies par Möller (2000). Nous les avons regroupés sous la

catégorie autre (cf. infra).

Pour ce qui est des appellatifs, rappelons que nous avons deux fois inclus cette composante

dans la classification de l’ouverture: d’une part dans (I) l’acte de la prise de contact (cf.

Kerbrat-Orecchioni 2008a), d’autre part dans (II) l’acte de la manifestation de la disponibilité

communicative (cf. Möller 2000).

L’emploi de l’appellatif comme prise de contact n’est pas repéré dans notre corpus à

l’inverse de l’emploi de l’appellatif comme marque de la manifestation de la disponibilité

communicative qui est bel et bien présente dans notre corpus (2%, un exemple dans chaque

corpus).

Regardons l’exemple du corpus francophone (l’extrait 17). L’appellatif « monsieur » est

produit en chevauchement avec la demande d’information de la part du visiteur.

Extrait 17

E1 : bonjour1

V1 : bonjour2

V2 : bonjour3

V2 : bonjour madame

V2 : [on vient d’un autre office de tourisme pour la place du cyclocross on nous a dit que c’est ici ?

E1 : [monsieur

Corpus FR conversation 37

Nous avons déjà discuté cet exemple dans les scénarios possibles (2.3.2.1.1.). Les trois

premiers « bonjours » se sont réalisés après l’ouverture de la porte tandis que « bonjour

madame » de V2 s’est produit devant le comptoir. Ceci reflète ce que nous avons déjà démontré

dans la section de la prise de contact : il arrive souvent que les francophones se saluent

plusieurs fois dans la prise de contact (cf. Béal 2010). L’appellatif « monsieur » est donc

clairement une manifestation de la disponibilité communicative.

L’employé peut également exprimer sa disponibilité communicative par le biais d’une

question rituelle. Ce phénomène n’est pas repéré dans le corpus néerlandophone. Dans le corpus

francophone, par contre, nous avons dénombré un exemple :

54

Extrait 18

E1 : je peux vous aider madame ?

V1 : oui euh je reviens pour avoir des X plusieurs des X en anglais madame de (.) la X a téléphoné

Corpus FR conversation 6

Dans cet extrait il n’y a pas de prise de contact. Cependant, cette absence est compensée par

une manifestation très explicite de la disponibilité communicative de l’employé. Nous n’avons

dénombré qu’un exemple dans notre corpus, mais il n’est donc pas remarquable qu’une telle

question rituelle apparaisse dans une conversation où il n’y a pas de prise de contact.

2.3.2.3.2. Autre

Finalement, pour chaque langue nous avons dû créer une catégorie autre vu que nous avons

rencontré des cas qui n’ont pas de place dans les catégories existantes. Dans le corpus

francophone, il s’agit de 2 cas (5%) et dans le corpus néerlandophone il s’agit d’un cas (3%).

Regardons d’abord les extraits francophones.

Extrait 19

E1 : oui

V1 : euh je voulais savoir si vous avez d’autres livres sur la guerre 14 euh 18

Corpus FR conversation 7

Extrait 20

V1 : bonjour je je fais partie de la X une organisation [concernant les X

E1 : [hmm

V1 : le 5 décembre à la cathédrale je peux mettre une affiche et déposer quelques flyers ?

Corpus FR conversation 8

Dans le premier extrait (l’extrait 19), il n’y a pas de prise de contact. L’employé manifeste

sa disponibilité communicative par le mot « oui » pour montrer qu’il est là pour aider le visiteur.

Dans le deuxième extrait (l’extrait 20), il y a bien une prise de contact de la part du visiteur.

Celui-ci pose immédiatement sa question après la prise de contact de sorte que l’employé n’a

pas le temps de saluer le visiteur. Par contre, l’employé montre qu’il écoute le visiteur par le

biais de « hmm ».

Les mots « hmm » et « oui » sont des « régulateurs » (cf. Béal 2010 et Tobback 2014). Ils

sont définis de la manière suivante : les régulateurs sont de petits mots qui « indiquent l’écoute,

l’attention et l’engagement dans l’interaction. Il sont brefs et ils sont souvent produits en

chevauchement » (Béal 2010 : 113).

55

Selon nous, ce sont donc clairement des manifestations de la disponibilité communicative

comme la définition le montre. Regardons finalement l’exemple dans le corpus néerlandophone

que nous avons étiqueté comme autre.

Extrait 21

E1 : goeiemorgen

E1 : u mag bij mij komen hoor

Corpus NL conversation 6

Dans cet extrait, le visiteur hésitait à venir au comptoir. Probablement, cette hésitation était

due à la présence du chercheur qui se trouvait à côté du comptoir pour enregistrer les

conversations. Cet énoncé n’est pas une question rituelle vu qu’il n’y a pas d’intonation

montante. C’est plutôt une simple annonce pour indiquer que l’employé est prêt à résoudre les

questions du visiteur, raison pour laquelle nous l’avons considérée comme une manifestation de

la disponibilité communicative. Néanmoins, c’est le seul exemple dans le corpus

néerlandophone.

2.3.2.4. Conclusion

Les sections qui précèdent ont mis en lumière le rituel d’ouverture dans les offices du

tourisme belges. En général, l’absence de ce rituel est rare dans nos corpus (5% NL et 12,5%

FR) et conformément à l’étude de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 111), les employés entament

dans la plupart des cas la conversation (60% dans chaque corpus).

Deux actes de langage ont été distingués dans le rituel d’ouverture : la prise de contact

d’une part et la manifestation de la disponibilité communicative d’autre part (Möller 2000).

Ainsi, nous avons fait observer que le scénario le plus fréquent est la présence de la prise de

contact des locuteurs en combinaison avec une absence de la manifestation de la disponibilité

communicative (45% FR et 55% NL).

La salutation dite simple est le procédé favori des locuteurs néerlandophones et

francophones pour prendre contact (91,89% FR et 90,78% NL), ce qui confirme l’étude chez les

Français de Kerbrat-Orecchioni (2008a : 111). Au macro-niveau, les deux groupes de langues se

comportent donc de la même manière.

Or, au micro-niveau il y a bel et bien des différences. Ainsi, il est incontestable que les

néerlandophones disposent d’un éventail plus riche au niveau des salutations, notamment

« goeiedag », « goeiemiddag », « goeiemorgen », « goeienavond », « dag » et « hallo »

contrairement à une forme francophone « bonjour ». La forme « goeiedag » est la forme la plus

neutre en néerlandais (53,79%).

56

Nous avons également constaté que la prise de contact réciproque est la situation

prototypique dans une interaction (75% FR et 62,5% NL) et pour finir, les francophones

peuvent multiplier les prises de contact. Ainsi, 4 des 40 conversations francophones présentent

une telle situation.

En ce qui concerne la manifestation de la disponibilité communicative, nous avons fait

observer qu’elle se présente la plus souvent sous la forme d’une pause (63% FR et 78% NL).

Les questions rituelles (2% FR et absentes dans le corpus NL) et les appellatifs (2% FR et 3%

NL) sont plutôt rares.

Finalement, nous avons dû créer une sous-catégorie autre au sein de la catégorie de la

manifestation de la disponibilité communicative pour y regrouper les exemples qui ne sont ni

une pause, ni un appellatif et ni une question rituelle. Dans le corpus francophone, 5% des

énoncés ont été classés dans cette catégorie. Il s’agissait des régulateurs. Dans le corpus

néerlandophone, 3% des énoncés ont été classés sous autre et il s’agit d’une annonce avec la

signification d’une question rituelle, mais sans l’intonation ascendante.

57

2.3.3. LA CLOTURE

Le programma de l’analyse de la clôture est plus vaste dans la mesure où cinq actes de

langage seront analysées, à savoir les pré-clôtureurs (2.3.3.2.), les salutations (2.3.3.3.), les

vœux (2.3.3.4.), les remerciements (2.3.3.5.) et la catégorie autre (2.3.3.6.). Conformément à

l’analyse de l’ouverture, nous nous penchons d’abord sur quelques données générales (2.3.3.1.).

2.3.3.1. Données générales

Rappelons d’abord la classification que nous avons appliquée à notre corpus :

Clôture : classification finale

1. Pré-clôture : « voilà », « (bon) allez »

2. Echange de salutations : « au revoir »

3. Les vœux : « bonne journée », « bon week-end »

4. Les projets : « à plus tard », « à bientôt »

5. Les remerciements :

a. Expressions directes

i. Formule performative: « je te remercie »

ii. Elliptiquement : « merci »

b. Expressions indirectes

i. Assertion focalisée sur le remercieur (bénéficiaire du cadeau) : expression du

sentiment approprié (gratitude, plaisir, joie) : « je vous suis très reconnaissant »

ii. Assertion focalisée sur le remercié (auteur du cadeau) : éloge : « c’est très gentil à

vous »

iii. Assertion focalisée sur le cadeau lui-même : « c’est superbe »

Réactions aux remerciements

1. Réactions négatives

a. Un enchaînement qui nie l’existence préalable d’une offense et d’un cadeau. De tels

enchaînements sont « contestataires »

b. Les vraies réactions négatives dans lesquelles on refuse d’accepter le remerciement

2. Réactions positives

a. Formule d’avoir effectué avec bon cœur, étant au service d’autrui, l’action bienfaisante : « je

vous en prie »

b. Une minimisation, voire une dénégation du cadeau pour lequel on est remercié (et dont

l’existence n’est contestée qu’un apparence) : « Merci infiniment – Mais c’est bien normal »

Figure 14 : Classification des composantes dans la clôture

58

Avant de passer à l’étude détaillée de chaque composante clôturante, nous offrons d’abord

quelques informations générales. Les données précises pour chaque conversation à propos de la

séquence de clôture se trouvent en annexe 2 .16

(1) Au total, le corpus francophone contient 176 clôtureurs, dont 80 sont produits par les

employés et 96 par les visiteurs. Le corpus néerlandophone contient 123 clôtureurs, dont 52 sont

produits par les employés et 71 par les visiteurs. Du côté néerlandophone, ce sont dont les

visiteurs qui utilisent le plus de clôtureurs.

Avant de tirer des conclusions, il faut toutefois regarder les moyennes vu que le nombre de

participants diffère pour les deux groupes linguistiques (le tableau 5).17

Moyenne de clôtureurs FR NL

Nombre de clôtureurs par conversation: 4,4 3,08

Nombre de clôtureurs par personne: 1,76 1,21

moyenne par employé: 1,60 1,30

moyenne par visiteur: 1,92 1,15

Tableau 5 : Comparaison moyennes FR/NL

En général, nous pouvons conclure que les francophones utilisent nettement plus de

clôtureurs que les néerlandophones par conversation (4,4 vs. 3,08) et cela se confirme également

pour les moyennes par personne (1,76 vs 1,21). Les moyennes confirment en outre ce que nous

avons noté plus haut : dans le corpus francophone, ce sont les visiteurs qui utilisent le plus de

clôtureurs, alors que dans le corpus néerlandophone ce sont les employés qui utilisent le plus de

clôtureurs, mais ces différences sont infimes.

(2) À la suite de Dumas (2008 : 201), nous avons également examiné dans quelle mesure il

y a de la symétrie dans les séquences de clôture. Ainsi, le nombre de clôtureurs peut être

symétrique ou dissymétrique. Les deux groupes de locuteurs du corpus se sont comportés d’une

manière tout à fait pareille : dans chaque corpus, nous avons rencontré dans 10 conversations

une utilisation symétrique du nombre de clôtureurs. En d’autres termes, un quart du corpus

montre de la symétrie dans la séquence de clôture, à l’inverse de trois quarts où il y a une

situation dissymétrique.

(3) Avant de passer aux analyses individuelles de chaque composante clôturante, nous

fournissons encore deux graphiques qui donnent une vue d’ensemble sur la répartition de toutes

les composantes clôturantes dans les deux corpus.

16

Dans les deux tableaux en annexe, toutes les données obtenues des francophones et des

néerlandophones à propos de la clôture sont énumérées. 17 Dans le corpus francophone il y avait 50 visiteurs et 50 employés. Dans le corpus néerlandophone, en

revanche, il y avait 62 visiteurs et 40 employés.

59

Graphique 6 : Paradigme des composantes de la clôture FR

Graphique 7 : Paradigme des composantes de la clôture NL

Même s’il faut tenir compte que le nombre de locuteurs diffère légèrement pour chaque

corpus (100 au total pour le corpus francophone et 102 pour le corpus néerlandophone), les

graphiques montrent déjà quelques grandes tendances. En général, il est clair que toutes les

composantes de la clôture sont plus fréquentes dans le corpus francophone que dans le corpus

néerlandophone.

Dans ce qui suit, nous passerons à l’étude des composantes individuelles de la clôture : nous

traiterons successivement les pré-clôtureurs (2.3.3.2.), les salutations (2.3.3.3.), les vœux

(2.3.3.4.) et les remerciements (2.3.3.5.). Finalement nous avons encore créé une catégorie autre

(2.3.3.6.) consacrée aux projets (très rares dans nos corpus) et à quelques cas exceptionnels.

0 10 20 30 40 50 60 70 80

pré-clôtureurs

salutations

voeux

remerciements

projets

autre

pré-clôtureurs

salutations voeuxremercieme

ntsprojets autre

Total 41 51 13 70 0 1

Visiteur 22 21 8 45 0 0

Employé 19 30 5 25 0 1

Paradigme des composantes de la clôture FR

Total

Visiteur

Employé

0 10 20 30 40 50 60

pré-clôtureurs

salutations

voeux

remerciements

projets

autre

pré-clôtureurs

salutations

voeuxremercie

mentsprojets autre

Total 36 28 3 54 1 1

Visiteur 19 11 2 39 0 0

Employé 17 17 1 15 1 1

Paradigme des composantes de la clôture NL

Total

Visiteur

Employé

60

2.3.3.2. Les pré-clôtureurs

2.3.3.2.1. Préférence des locuteurs

Premièrement, nous avons examiné la fréquence des pré-clôtureurs utilisés dans nos deux

corpus. Les résultats sont représentés dans les graphiques ci-dessus. Au total, nous avons

dénombré 41 pré-clôtureurs dans le corpus francophone (dont 19 de l’employé et 22 du visiteur)

et 36 dans le corpus néerlandophone (dont 17 de l’employé et 19 du visiteur).

Graphique 8 : Paradigme des pré-clôtureurs FR

Graphique 9 : Paradigme des pré-clôtureurs NL

Les graphiques ci-dessus permettent de voir que les néerlandophones disposent d’un

éventail plus riche de pré-clôtureurs : ainsi, nous avons dénombré 11 types différents tandis que

dans le corpus francophone il n’y en a que 8.

0

2

4

6

8

10

12

14

16

Paradigme des pré-clôtureurs FR

EMPLOYE

VISITEUR

TOTAL

0

2

4

6

8

10

12

14

16

Paradigme des pré-clôtureurs NL

EMPLOYE

VISITEUR

TOTAL

61

En outre, il est clair que chaque langue a un pré-clôtureur préféré : pour le français, c’est le

mot « voilà » (34,15%) et pour le néerlandais c’est le mot « oké » (41,67%). Cependant, il faut

bien distinguer les rôles (employé/visiteur) dans l’interaction parce que le choix du pré-

clôtureur diffère selon la fonction du locuteur dans l’interaction. Ainsi, pour le corpus

francophone, la forme préférée de l’employé est « voilà » (42,11%) mais pour le visiteur c’est la

forme « oké » (même si la différence avec « voilà » est minime, cf. infra). En ce qui concerne le

corpus néerlandophone, l’employé n’a pas vraiment un pré-clôtureur préféré : « oké ? »

(23,53%) et « goed ? » (23,53%) sont employés aussi fréquents (4 fois chacun).

Il est intéressant de faire observer que ces pré-clôtureurs néerlandais prennent une forme

interrogative, donc avec une intonation montante. Par contre, le pendant francophone « voilà »

n’est pas interrogatif. Au total, 9 pré-clôtureurs des 17 (i.e. 52,94%) utilisés par les employés

néerlandophones prennent la forme interrogative (« oke ? », « goed ? » ou « ja ? »), à l’opposé

des employés francophones qui n’utilisent que 3 fois une forme interrogative sur un total de 19

pré-clôtureurs (« ça va ? », i.e. 15,79%).

Regardons, en guise d’illustration, les extraits 22 et 23. Le premier extrait (l’extrait 22)

provient du corpus néerlandophone où une femme a demandé le plan d’un circuit cyclotouriste.

Le deuxième extrait (l’extrait 23) est issu du corpus francophone où un couple vient de

demander un plan de Liège. Nous avons souligné dans chaque extrait les pré-clôtureurs.

Extrait 22

E1 : goed ?

V1 : ja

E1 : zo

E1 : alstublieft

V1 : danku

Corpus NL conversation 8

Extrait 23 :

E1 : voilà

V2 : merci

V1 : merci

V1 : au revoir

E1 : au revoir

V1 : au revoir

Corpus FR conversation 12

Il y a beaucoup d’exemples dans le corpus néerlandophone qui sont analogues à celui du

premier extrait: les employés flamands veulent être sûrs si les visiteurs ont demandé tous ce

62

qu’ils voulaient, ce qui explique la forme interrogative « goed ? ». Le marqueur « voilà » dans

le corpus francophone a, selon nous, pas la même signification. C’est une sorte de fin de ce que

l’employé vient de présenter tandis que la forme interrogative « goed ? » est plutôt orientée plus

vers le visiteur.

En ce qui concerne les visiteurs, les néerlandophones et francophones font le plus souvent

recours au même pré-clôtureur, à savoir « oké » (68,42%). Hormis ce marqueur « oké », les pré-

clôtureurs « (heel) goed », « ja », « voilà » et « ça va » sont également utilisés mais avec une

fréquence plus basse. Regardons l’extrait 24.

Un homme a rendu visite à l’office de tourisme de Louvain pour obtenir plus d’information

sur le Vesialiuswandeling. Après d’avoir acheté le plan de promenade, la conversation finit de la

manière suivante :

Extrait 24

V1 : oké dankuwel

E1 : oké ?

E1 : alstublieft

V1 : daag

Corpus NL conversation 29

La séquence de clôture est donc déclenchée par le biais du pré-clôtureur « oké ».

Remarquons que l’employé utilise à nouveau le pré-clôtureur interrogatif (« oké ?»).

Les visiteurs francophones, de leur côté, n’ont pas une nette préférence pour un certain pré-

clôtureur : la différence entre « voilà » et « oké » est minime avec 7 occurrences pour « oké »

(31,82%) et 6 occurrences pour « voilà » (27,27%). Les autres pré-clôtureurs rencontrés chez

les visiteurs francophones sont « ça va », « allé », « bon » et « d’accord », mais avec une

fréquence très basse (respectivement 4, 2, 1 et 2 sur 22).

2.3.3.2.2. Nombre de pré-clôtureurs

La séquence de clôture n’est pas nécessairement limitée à la présence d’un seul pré-

clôtureur. L’extrait 22 ci-dessus a montré la présence de deux pré-clôtureurs, à savoir « goed ? »

et « zo ». Les occurrences de pré-clôtureurs peuvent monter à un chiffre assez élevé. Les deux

extraits ci-dessous le prouvent :

Extrait 25

E1 : d’accord oké ça va très bien merci beaucoup

V1 : merci

63

E1 : au revoir

Corpus FR conversation 32

Extrait 26

E1 : ah oké in orde

V1 : bedankt

E1 : tot straks

Corpus NL conversation 20

Dans l’extrait 25 du corpus francophone, l’employé a utilisé quatre pré-clôtureurs dans un

seul énoncé. Dans l’extrait 26 du corpus néerlandophone, l’employé en utilise deux.

De manière plus générale, nous avons observé que le nombre de pré-clôtureurs s’élève à

deux pour les locuteurs dans tout le corpus. Cependant, il y a des exceptions. Ainsi, dans le

corpus francophone il y a une conversation dans laquelle 4 préclôtureurs sont utilisés par un

seul visiteur, ce qui est très exceptionnel (l’extrait 25).

En guise de résumé, il y a donc bel et bien des différences dans l’usage des pré-clôtureurs

entre les Flamands et les Wallons. De manière générale, chaque groupe de langue a un pré-

clôtureur favori : pour les néerlandophones, c’est le mot « oké » tandis qu’il s’agit de la forme

« voilà » pour les francophones.

Toutefois, il faut bien distinguer les fonctions dans la conversation car le choix du pré-

clôtureur dépend de ce rôle. Ainsi, le pré-clôtureur favori des employés francophones est

« voilà », ce qui diffère de ceux des employés néerlandophones (« oké ? » et « goed ? »). C’est

une différence entre les deux groupes de langues que nous avons soulignée: le marqueur

« voilà » indique simplement le point de vue de l’employé, marquant une sorte de conclusion de

sa propre présentation des informations. Les pré-clôtureurs « oké ? » et « goed ?» des

néerlandophones, en revanche, sont d’une nature différente à cause de leur intonation montante :

ainsi, ils s’axent davantage sur le point de vue du visiteur.

En ce qui concerne les pré-clôtureurs des visiteurs, les résultats sont plus comparables. En

général, les visiteurs néerlandophones et francophones font le plus souvent recours au mot

« oké ». Cependant, dans le corpus néerlandophone, ce pré-clôtureur est clairement la forme

préférée tandis que la différence avec les autres pré-clôtureurs est plus petite dans le corpus

francophone.

64

2.3.3.3. Les salutations

2.3.3.3.1. Absence d’échange de salutations

L’échange de salutations est selon Hmed (2000) et Kerbrat-Orecchioni (2008a) l’acte

central dans la séquence de clôture. En effet, l’échange de salutations apparaît dans beaucoup de

conversations dans notre corpus. Toutefois, l’absence d’un tel échange s’avère plus marqué

dans le corpus francophone que dans le corpus néerlandophone. En effet, seules 11

conversations dans le corpus francophone ne comportent pas un échange de salutations (27,5%).

Dans le corpus néerlandophone, par contre, il s’agit de 21 conversations (52%) : plus de la

moitié des conversations néerlandophones se sont donc produites sans un échange de

salutations.

Evidemment, ceci ne signifie pas qu’il n’y a pas de clôture du tout : il se peut que d’autres

composantes de la clôture soient bel et bien présentes comme des pré-clôtureurs, des

remerciements, des vœux ou même des projets.

Regardons d’abord un exemple du corpus francophone. Deux femmes ont des tickets pour

une exposition dans un musée et elles demandent le chemin. Après que l’employé a expliqué le

chemin, tout est dit et la conversation se finit de la manière suivante :

Extrait 27

V1 : ça va

E1 : ça va ?

V2 : merci

V1 : merci

E1 : je vous en prie

Corpus FR conversation 27

On ne voit donc pas des échanges de salutations, mais il y a bien des pré-clôtureurs (« ça

va » et « ça va ? »), des remerciements (« merci ») et une réaction de l’employé à ces

remerciements (« je vous en prie »). Il est donc clair que les salutations ne sont pas absolument

nécessaires pour finir une interaction.

L’extrait suivant est un exemple dans lequel l’employé néerlandophone n’exprime aucun

clôtureur pour finir la conversation si bien que le visiteur ne salue pas non plus. Ceci s’est

produit 8 fois dans le corpus néerlandophone contre seulement 3 fois dans le corpus

francophone. Comme l’extrait 28 le montre, l’employé n’utilise aucun marque de clôture. De la

part du visiteur, par contre, il y a un remerciement.

65

Extrait 28

V1 : das gratis ?

E1 : das gratis

V1 : oh dankuwel

Corpus NL conversation 4

Toutefois, il faut savoir que cette conversation s’est déroulée à un moment où il y avait

beaucoup de monde. Il y a avait une file d’attente de sorte que les visiteurs pouvaient

immédiatement attaquer l’employé avec leur demande d’information ou leur requête dès que la

conversation précédente était finie. Cela peut expliquer le manque de clôture ou de salutations

dans certains cas. Les éléments contextuels jouent donc certainement un rôle dans la production

des actes de langage.

Même si c’est une composante souvent présente dans nos corpus, l’échange de salutations

ne semble donc pas une composante aussi essentielle pour les Belges que comme pour les

Français (cf. Kerbrat-Orecchioni 2008a et Hmed 2008): la clôture peut bien se réaliser par le

biais d’autres composantes. Or, dans certains cas ces composantes sont également absentes,

mais ceci s’explique surtout par des éléments contextuels.

2.3.3.3.2. L’éventail des salutations

Une autre différence entre les néerlandophones et les francophones, concerne les types de

salutations clôturantes. Les locuteurs francophones ne font appel qu’à un type, à savoir « au

revoir » : ils n’ont pas d’autres possibilités. Les conversations francophones finissent donc

presque toujours comme le montre l’extrait 29. L’employé vient d’expliquer à un visiteur le

chemin et la conversation finit de la manière suivante :

Extrait 29

V1 : merci

E1 : de rien au revoir

V1 : au revoir

Corpus FR conversation 19

La seule possibilité de variation, c’est l’ajout d’un appellatif tel que « madame » ou

« monsieur », mais ce procédé est plutôt rare : des 51 salutations en séquence de clôture, il y en

n’a que 3 qui ont la forme de « au revoir + monsieur/madame » (5,88%). En outre, de tels

échanges sont seulement réalisés par les employés. Tous les visiteurs francophones ont donc

utilisé la forme simple « au revoir ».

Examinons alors le comportement des néerlandophones sur le plan des salutations. Au total,

nous avons dénombré 28 salutations, ce qui un chiffre beaucoup moins élevé que celui des 52

66

salutations francophones. Or, les néerlandophones peuvent faire, à nouveau, appel à un éventail

plus vaste de salutations. C’est ce que montre le graphique 10 :

Graphique 10 : Paradigme des salutations clôturantes NL

Nous avons dénombré 4 types de salutations : « tot ziens », « daag », « goeiedag » et

« salu ».18

La forme « salu » est une variante informelle et n’apparaît qu’une fois dans le corpus

où elle est utilisée par un visiteur. Cette salutation n’est en tout cas pas une salutation

prototypique dans une conversation dans un office de tourisme ce qui est dû à son caractère

informel. Comme nous l’avons expliqué dans l’état de la question, les conversations dans les

offices de tourisme sont des conversations polies : une telle forme n’y est donc pas vraiment à

sa place.

La forme est apparue dans une brève conversation enregistrée à Ostende où un homme avait

demandé un sac. L’homme avait un âge entre 40 et 50 et l’employé et lui ne se connaissaient

pas. Nous fournissons la conversation entière afin de mieux pouvoir expliquer la présence de la

forme « salu ».

Extrait 30

V1 : goeiedag

E1 : goeiedag

V1 : zou ‘k een plastieken zakje X ?

V1 : en dat daarin steken

E1 : een ?

E1 : een draagtasje ja

V1 : een draagtasje ja op z’n Nederlands ja een draagtasje (rire)

E1 : zo alsjeblieft

18

Nous considérons « goeiedag » égal à la forme « goede(n)dag ».

0

2

4

6

8

10

12

14

16

tot ziens daag goeiedag salu

Paradigme des salutations clôturantes NL

EMPLOYE

VISITEUR

TOTAL

67

V1 : dankuwel merci danku

V1 : salu hé

Corpus NL conversation 22

La seule explication pour la présence de « salu » que nous pouvons déduire de cet extrait est

la présence de plusieurs rires de la part du visiteur. Ces rires ont probablement brisé la glace

dans ce contexte plutôt formel si bien que l’homme a probablement fait appel sur la variante

informelle « salu », mais ceci n’est qu’une hypothèse.

En général, nous pouvons déduire du graphique 10 que la salutation « daag » est la forme

la plus fréquente dans le corpus néerlandophone (53,57%). Pour le visiteur, c’est manifestement

la formulation la plus courante avec 9 attestations sur 11 salutations.

Extrait 31

V1 : danku vriendelijk hé

E1 : daag

V2 : daag

Corpus NL conversation 16

Dans cet extrait, un groupe de Flamands avait demandé des informations sur une exposition

et l’interaction est close par la salutation « daag ». Pour l’employé néerlandophone, « daag » est

aussi fréquent que « goeiedag » (6 occurrences) et la forme « tot ziens » est également apparue

5 fois dans le corpus. A première vue, l’employé néerlandophone n’a donc pas vraiment une

salutation préférée car il varie entre ces trois formes. Toutefois, il est remarquable que ces

formes, « tot ziens » et « goeiedag », soient uniquement réalisées par les employés (à

l’exception d’un « tot ziens » d’un visiteur).

Par ailleurs, la salutation clôturante « goeiedag » semble être une forme typique de

Louvain : ainsi, 5 des 6 occurrences de ce type sont produites par l’employé de Louvain.19

Evidemment, nous ne pouvons pas faire des généralisations étant donné le nombre restreint de

données. L’exemple ci-dessous montre que « goeiedag » apparaît dans les mêmes contextes que

« daag ».20

Un homme a demandé plus d’informations sur le début et sur la fin du marché de

Noël à Louvain. Après avoir reçu ces informations, la conversation finit ainsi :

Extrait 32

V1 : bedankt hé

E1 : ja graag gedaan

19

Comme nous n’avons qu’enregistré les interactions d’un seul employé et les visiteurs, les réalisations

de « goeiedag » sont donc le produit d’un seul locuteur. En d’autres termes, il se peut que l’emploi de

« goeiedag » soit une caractéristique énonciative de cet employé qui ressort de son idiolecte. 20

Evidemment, « dag» dans « goeiedag » est précédé par « goeie ». Le résultat est en quelque sorte un

vœu, mais les locuteurs ne ressentent plus cette signification votive.

68

V1 : daag

E1 : goeiedag

Corpus NL conversation 38

La forme « tot ziens » est utilisée comme salutation clôturante et apparaît également dans

les mêmes contextes comme « daag » et « goeiedag ». Cependant, comme c’est le cas pour

« goeiedag », « tot ziens » semble être une forme typique de l’employé. Des 6 cas repérés dans

notre corpus, il y en a 5 qui sont produits par l’employé. Or, à l’inverse de « goeiedag », la

forme « tot ziens » est produite surtout dans les conversations enregistrées à Ostende (5 à

Ostende, 4 réalisations de l’employé et 1 réalisation du visiteur vs. 1 à Louvain de l’employé).

Dans l’extrait ci-dessous, un couple demande plus d’information sur l’exposition de Jan

Hoet. Ils reçoivent plus d’information et ils décident d’acheter deux tickets. Après cet achat, ils

sont satisfaits et la conversation peut être close :

Extrait 33

V2 : voila

V2 : bedankt hé

E1 : tot ziens hé

Corpus NL conversation 16

Tout bien considéré, nous pouvons conclure que « daag » est la variante la plus neutre dans

le corpus néerlandophone, utilisée à la fois par les visiteurs et par les employés pour finir

l’interaction. En outre, c’est une forme qui est apparue dans les deux offices examinés (à

Ostende et à Louvain). A côté de « daag », « tot ziens » et « goeiedag » sont d’autres salutations

clôturantes qui sont employées fréquemment par les locuteurs et ils apparaissent dans les

mêmes contextes de « daag ».

Toutefois, il y a des différences : premièrement il y a la différence géographique. Ainsi, la

salutation « goeiedag » est surtout utilisée à Louvain tandis que la forme « tot ziens » est surtout

employée à Ostende. Deuxièmement, ce sont deux formes qui sont presque uniquement utilisées

par les employés. Les visiteurs font surtout appel à la forme neutre « daag ».

Evidemment, comme nous l’avons déjà remarqué, nous ne pouvons pas généraliser ces

constatations étant donné le nombre réduit de données, mais ce sont en tout cas des tendances

frappantes qui peuvent être examinées à l’avenir.

Après avoir regardé de plus près les salutations clôturantes, nous examinons ensuite la

présence des vœux dans nos corpus (2.3.3.4.).

69

2.3.3.4. Les vœux

Le vœu permet de souhaiter quelque chose à quelqu’un et nous avons montré dans l’état de

la question qu’un vœu peut être une composante de la séquence de la clôture. Or, au vu du

tableau suivant, cette composante n’est pas représentée de la même manière dans les deux

corpus :

Corpus NL Corpus FR

Employé Visiteur Employé Visiteur

1 2 5 8 Total : 3 Total : 13

Tableau 6 : Nombre de vœux dans le corpus NL et FR

En effet, l’emploi des vœux est assez rare dans les deux corpus, mais dans le corpus

néerlandophone sa présence est vraiment exceptionnelle. De plus, tous les vœux dans le corpus

néerlandophone sont réalisés dans le bureau de Louvain. Dans les graphiques ci-dessous, nous

voyons la distribution précise des types de vœux qui sont employés. Nous traiterons d’abord de

la distribution dans le corpus francophone et nous nous concentrons ensuite sur celle du corpus

néerlandophone.

Graphique 11 : Paradigme des vœux FR

Comme le graphique le montre, le vœu « bonne journée » est le vœu le plus fréquent pour

les employés et pour les visiteurs francophones. Ce vœu est présent dans l’extrait 34 ci-dessous.

Extrait 34

V1: voilà

E1: merci bien monsieur

0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

bonnejournée

à vous aussi bonne finde journée

bonnesoirée

bonweekend

Paradigme des voeux FR

employé

visiteur

total

70

V1: bonne journée au revoir

E1: merci vous aussi au revoir

Corpus FR conversation 38

Le contexte de l’interaction est le suivant : un homme cherche des promenades à faire à

Namur. Il est sans doute satisfait par les informations reçues et pour cette raison il souhait

probablement l’employé une bonne journée.

Les autres vœux repérés dans le corpus n’ont qu’un nombre de 1 ou 2 attestations. Ceci est

dû, selon nous, au fait que ce sont des formes plus spécifiques de la variante neutre « bonne

journée ». Premièrement, « à vous aussi » est un simple écho d’un autre vœu. Cette forme est

également présente dans l’extrait 34 ci-dessus. Deuxièmement, les formes « bonne fin de

journée » et « bonne soirée » peuvent seulement être produites dans l’après-midi vers 17h ou

18h. Cet emploi est par exemple exclu au cours de la matinée. Finalement, « bon weekend » est

un vœu qui s’utilise seulement le vendredi ou le samedi.21

Tout cela est très logique, mais c’est

la raison pour laquelle le nombre d’attestations de ces formes est tellement bas. Finalement, les

visiteurs francophones ont utilisé plus de vœux en comparaison des employés.

L’emploi des vœux dans le corpus néerlandophone, par contre, est très rare. Il y a une

occurrence de l’employé et deux occurrences des visiteurs. En outre, les occurrences du visiteur

proviennent du même locuteur.

Regardons d’abord de plus près la distribution précise des trois vœux produits :

Graphique 12 : Paradigme des vœux NL

Comme le graphique le montre, il n’y a que trois types de vœux qui sont employés, et

chaque type n’apparaît qu’une fois. En outre, ce sont trois types qui divergent beaucoup sur le

plan sémantique : dans le corpus francophone, tous les types se rapprochent plus ou moins sur le

plan sémantique ce qui est également visible dans la composition des mots (« bonne journée »,

« bonne soirée », « bon weekend » et « bonne fin de journée »). Seule la forme « à vous

aussi » est une exception à ce niveau.

21

Les jours d’enregistrement se sont toujours déroulés le vendredi ou le samedi. Cela explique la

présence de ces vœux dans le corpus.

0

0,5

1

1,5

veel plezier fijne avond smakelijk

Paradigme des voeux NL

employé

visiteur

total

71

Finalement, 2 des 3 vœux dans le corpus néerlandophone proviennent du visiteur, le

troisième est produit par l’employé. Nous discuterons un extrait néerlandophone dans lequel le

vœu « veel plezier » est présent (l’extrait 35). Il s’agit d’un couple qui vient d’acheter des

tickets pour une certaine promenade à Louvain. Le vœu « veel plezier » est donc orienté sur

cette promenade.

Extrait 35

V1 : oké ja dankuwel

V2 : ja oké bedankt

E1 : alstublieft veel plezier

V1 : daag

E1 : goeiedag

Corpus NL conversation 32

Il est évident que nous ne pouvons pas généraliser ces résultats vu qu’il s’agit d’un nombre

très réduit d’occurrences. Mais ce que nous pouvons conclure avec certitude, c’est que les

francophones belges tendent à utiliser plus de formules votives à l’opposé des néerlandophones.

2.3.3.5. Les remerciements

La section des remerciements est divisée en 4 parties. Premièrement, nous offrons quelques

chiffres globaux (2.3.3.5.1.) qui sont indispensables pour la suite de l’étude du remerciement.

Deuxièmement, nous regarderons de plus près les types de remerciements (2.3.3.5.2.) qui sont

utilisés dans nos corpus en nous appuyant sur la classification établie dans 2.2.2.3. Les réactions

aux remerciements seront au cœur de la troisième partie (2.3.3.5.3.). Finalement, nous traiterons

également les conversations qui n’ont pas de remerciement en séquence de clôture (2.3.3.5.4).

2.3.3.5.1. Chiffres généraux

Nous examinerons seulement le remerciement en séquence de clôture bien que nous

sachions que cet acte de langage peut apparaître également à d’autres endroits dans la

conversation. Regardons tout d’abord quelques chiffrés généraux pour les remerciements dans

nos corpus :

72

Remerciements # NL # FR

Employé 15 25

Visiteur 39 45

Total 54 70

Moyenne NL FR

# par conversation 1,35 1,75

Tableau 7 : Chiffres généraux pour les remerciements dans les deux corpus (NL/FR)

La première partie du tableau donne le nombre de remerciements en chiffres absolus. A

première vue, les francophones utilisent davantage de remerciements (70) comparés aux

néerlandophones (54). Or, il convient de signaler que ces chiffres ne tiennent pas encore compte

du nombre de participants (cf. le tableau 8). Dans les deux corpus, ce sont les visiteurs qui

réalisent le plus de remerciements, ce qui est normal : en effet, l’employé rend un service en

faveur du visiteur qui reçoit en quelque sorte un cadeau. C’est ainsi que les moyennes suivantes

sont obtenues : dans les interactions néerlandophones, il y a en moyenne 1,35 remerciement par

conversation. Dans les interactions francophones, par contre, il s’agit d’un chiffre un peu plus

élevé, à savoir 1,75.

Ces chiffres diffèrent beaucoup de l’analyse de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 139-140)

concernant les interactions commerciales dans une boulangerie à Lyon. Elle a constaté chez les

Français qu’il y a 3,5 remerciements par interaction. Même si notre analyse ne se situait pas

dans un contexte purement commercial mais plutôt dans le contexte de service, nous pouvons

déjà déduire de ces chiffres que les Belges remercient donc plus moins dans un office de

tourisme que les Français dans une boulangerie (Kerbrat-Orecchioni 2008b).22

Regardons de plus près les moyennes par personne :

# moyenne de remerciements

par personne

NL FR

Employé 0,63 0,90

Visiteur 0,38 0,50

Total 0,53 0,70

Tableau 8 : Les moyennes des remerciements par personne (NL/FR)

Ce tableau confirme que les francophones utilisent plus de remerciements par personne que

leurs compatriotes flamands bien que les différences ne soient pas énormes.

2.3.3.5.2. Types de remerciements

Le corpus francophone fait apparaître une préférence très nette pour la forme elliptique

« merci ». Cette forme est utilisée dans 70,37% des remerciements. La forme « merci » semble

donc être la forme prototypique pour exprimer un remerciement comme le montre l’extrait 36.

22

Nous disons « pas purement commercial » parce que dans un office de tourisme il y a également la

possibilité d’acheter des objets (des tickets, des guides de promenade et cetera). Cependant, la fonction

principale est rendre service aux visiteurs au lieu de vendre quelque chose.

73

Extrait 36

V1 : Oui oui oui je sais mais bon je ne sais pas à quelle heure je reviens de Bruxelles hein voilà (rire)

V1 : merci

V2 : merci

E1 : de rien au revoir

Corpus FR conversation 11

A côté de la forme « merci », les locuteurs francophones font également recours à d’autres

formes comme l’illustre le graphique 13.

Graphique 13 : Paradigme des remerciements FR : les types

Comme le montre le graphique, « merci beaucoup » est une autre forme qui est utilisée

fréquemment par les visiteurs. Le graphique montre également que les formulations directes

sont beaucoup plus fréquentes que les formulations indirectes. En outre, dans la catégorie des

formulations directes, nous retrouvons seulement les elliptiques (« un gros merci », « merci à

vous », « merci bien », « merci beaucoup » et « merci »). Nous n’avons rencontré aucune

formule performative telle que « je te remercie ».

Par ailleurs, nous avons signalé dans l’état de la question que le remerciement en français

est souvent exprimé « sur le mode de l’hyperbole » (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 136) et, en

effet, ces formes sont présentes dans nos données mêmes si elles ne sont pas tellement

nombreuses (1 occurrence de « un gros merci » et 1 occurrence de « un grand merci »). Il est

remarquable que dans ces constructions, la forme « merci » soit employée comme un substantif.

Ceci est impossible en néerlandais : « * een grote danku », « *een grote bedankt ». Par contre,

« een grote dankuwel » semble déjà plus acceptable. Voici quelques exemples de Google :

0

8

0

0

1

0

0

0

0

0

0

30

8

1

1

1

1

1

1

1

0

38

8

1

2

1

1

1

1

1

0 5 10 15 20 25 30 35 40

formule performative

merci

merci beaucoup

un grand merci

merci bien

merci à vous

un gros merci

super

c'est parfait

c'est super

Dir

ect

Ind

irec

t

Paradigme des remerciements FR: les types

TOTAL

VISITEUR

EMPLOYE

74

Een grote dankuwel aan iedereen die mee hielp aan “The Spark”.23

Een grote dankuwel aan Ward D'hoore voor het filmpje!24

Dikke proficiat voor de VZW Mol en een grote dankuwel.25

Cependant, de tels types d’expressions sont absents dans notre corpus néerlandophone.

Voici un des exemples du mode de l’hyperbole du corpus francophone (l’extrait 37). Dans cet

extrait, une femme est à la recherche des petits guides de Liège avec suffisamment de photos et

elle les reçoit de sorte qu’elle est extrêmement contente.

Extrait 37

V1 : super

V1 : voilà un grand merci et bonne journée

E1 : de rien

E1 : merci à vous aussi

Corpus FR conversation 6

Tournons-nous maintenant vers les données néerlandophones (le graphique 14). Ici, la

forme elliptique « dankuwel » est la forme la plus fréquente avec 13 occurrences (31,71% du

total des remerciements).

Cette forme ne correspond pas vraiment à la forme « merci » du français, mais plutôt à

« merci bien », ce qui est une forme renforcée de « merci ». Toutefois, la forme « merci bien »

est très rare dans le corpus francophone (3,70% des remerciements) tandis que la forme

« dankuwel » est très fréquente dans le corpus néerlandophone (31,71%).

Graphique 14 : Paradigme des remerciements NL : les types

23

https://www.facebook.com/SilkeOfficialFanpage/posts/359196397498382?stream_ref=5, 3/4/2015. 24

https://www.facebook.com/pascalerubens/posts/10152418313650009, 3/4/2015. 25

http://www.hln.be/regio/sport-in-puurs/g-voetbalploeg-puurs-s25254/, 4/3/2015.

0

0

2

0

0

0

0

0

0

1

13

8

2

8

2

3

1

1

1

13

10

2

8

2

3

1

1

0 2 4 6 8 10 12 14

ik dank u hé

dankuwel

danku

danku vriendelijk

bedankt

vriendelijk bedankt

merci

bedankt voor de informatie

das vriendelijk

Pe

rfo

rm

ativ

eEl

lipti

qu

e

Dir

ect

Ind

ire

ct

Paradigme des remerciements NL: les types

TOTAL

VISITEUR

EMPLOYE

75

A côté de « danku » et « dankuwel », les néerlandophones font également souvent appel à

« bedankt », qui a la même signification comme « danku ». La question se pose alors de savoir

si les locuteurs ressentent une différence sur le plan sémantico-pragmatique entre les formes

« dankuwel », « danku » et « bedankt », car elles sont toutes des formes elliptiques d’un

remerciement exprimé d’une manière directe.

Regardons quelques exemples. Dans l’extrait 38, deux femmes sont à la recherche d’un

certain café qui se situe tout près de la frontière des Pays-Bas. L’employé les aide et la

conversation finit de la manière suivante :

Extrait 38

V1 : en het heet Het Strandhuis

E1 : Het Strandhuis ja ja

V1 : danku

E1 : alstublieft

V2 : danku

Corpus NL conversation 12

Dans l’extrait 39, par contre, le visiteur fait appel à la forme « bedankt ». Un couple se

renseignait sur une certaine exposition et ils ont acheté des tickets.

Extrait 39

E1 : das helemaal juist

V1 : voilà

V2 : bedankt hé

E1 : tot ziens hé

Corpus NL conversation 16

Dans l’extrait suivant, un couple a demandé plus d’information sur les sites de cette même

exposition mentionnée dans l’extrait précédent. Ils reçoivent ce qu’ils cherchaient et la

conversation peut donc être close d’une manière positive :

Extrait 40

V2 : oké

V2 : dankuwel

E1 : ja

V1 : bedankt

E1 : daag

Corpus NL conversation 23

76

Ces extraits montrent que « danku », « bedankt » et « dankuwel » peuvent tous être

employés dans les mêmes contextes. En d’autres mots : les trois formes semblent être

interchangeables. En outre, « dankuwel » et « bedankt » sont employés ensemble dans l’extrait

40, ce qui prouve que leur sémantique est très proche, voire la même.

Autre différence observée par rapport au corpus francophone : nous avons rencontré une

formule performative dans le corpus néerlandophone (« ik dank u ». Il s’agit de l’extrait

suivant :

Extrait 41

V1 : zitten ze dan naast elkaar ?

E1 : jaja das aan het onpare gedeelte van de zaal ja

V1 : das goed

V1 : ik dank u hé

E1 : alstublieft

Corpus NL conversation 27

Ce visiteur est à l’office de tourisme d’Ostende pour chercher les tickets qu’il vient de

réserver par téléphone. C’est un homme plus âgé (entre 50 et 70 ans) que le visiteur moyen. Il

n’est pas immédiatement clair pourquoi il utilise la formule performative « ik dank u » au lieu

d’une forme elliptique « danku », « dankuwel » ou « bedankt ». En tout cas, nous pouvons

conclure que les formules performatives sont beaucoup plus marquées en néerlandais que les

expressions elliptiques.

Pour l’analyse du remerciement, nous travaillons à la lumière de Kerbrat-Orecchioni

(2008b : 129-130) qui a fait la distinction entre les remerciements directs d’une part et les

remerciements indirects d’autre part. Dans nos corpus, il est très clair que les remerciements

directs dominent. Certes, les corpus contiennent quelques formulations indirectes mais leur

fréquence est très basse. Ainsi, nous avons dénombré trois remerciements indirects (5,56%)

dans le corpus francophone et un seul exemple (2,44%) dans le corpus néerlandophone.

Regardons deux extraits du corpus, un pour chaque langue. Dans l’extrait 42, l’expression

indirecte « c’est parfait » est utilisée. Une femme cherchait un certain objet et l’extrait

représente sa réaction en le recevant. Il s’agit d’un remerciement qui est focalisé sur le cadeau.

Le pronom démonstratif « ça » qui suit à l’expression, souligne cette focalisation.

Extrait 42

E1 : euh je vais aller voir en bas s’il y en nous reste encore hein ne vous X pas

V1 : oui

E1 : voilà il y en a ici

V1 : ah en fait c’est parfait ça (inaud.)

V1 : merci au revoir

77

E1 : au revoir

Corpus FR conversation 16

Extrait 43

V1 : das vriendelijk nen fijne avond

V2 : en smakelijk

E1 : (rire) danku

Corpus NL conversation 33

Dans l’extrait 43, la forme « das vriendelijk » représente le remerciement indirect. Il s’agit

également d’une formule qui est exprimée par le visiteur. Ici, nous avons affaire à une assertion

focalisée sur le remercié (auteur du cadeau) comme « c’est très gentil à vous ». Ce

remerciement est plutôt orienté sur l’acte accompli par l’employé.

2.3.3.5.3. Réactions aux remerciements

Les réactions aux remerciements concernent les employés car ce sont bien sûr eux qui sont

remerciés pour leur service. Nous avons distingué des réactions positives et des réactions

négatives, en signalant que les négatifs sont très rares (cf. Kerbrat-Orecchioni 2008b).

En effet, dans notre corpus francophone, nous avons seulement rencontré des réactions

positives aux remerciements (16 au total) comme le graphique 15 l’illustre. Les employés

francophones utilisent deux formes pour réagir à un remerciement, à savoir « je vous en prie »

ou « de rien ».

Graphique 15 : Les réactions aux remerciements FR

L’expression de « de rien » est présente dans l’extrait 44 qui montre la fin d’une

conversation. L’extrait 45 présente l’utilisation de la formule « je vous en prie » : une femme

7

9

0

0

0

0

7

9

0

0 2 4 6 8 10

de rien

je vous en prie

Po

siti

fN

égat

if

Les réactions aux remerciements FR

TOTAL

VISITEUR

EMPLOYE

78

demande si elle peut aller aux toilettes dans le bureau. Malheureusement, ceci est interdit et

l’employé lui explique le chemin vers les toilettes publiques.

Extrait 44

V1 : merci

E1 : de rien

V1 : bonne fin de journée au revoir

E1 : à vous aussi au revoir

Corpus FR conversation 14

Extrait 45

E1 : ça va ?

V1 : ça va

V1 : oké ça va merci

E1 : je vous en prie

Corpus FR conversation 5

A première vue, sur le plan du contenu, il ne semble pas vraiment y avoir une différence

entre les expressions « de rien » et « je vous en prie ». Or, dans ces deux extraits, nous voyons

que « je vous en prie » peut également apparaître en séquence finale de la conversation.

Cependant, ceci est également possible avec « de rien ». Regardons l’extrait 46 dans lequel

un couple vient d’acheter deux tickets pour la visite guidée à Liège.

Extrait 46

V1 : X d’accord

V1 : merci

E1 : de rien

Corpus FR conversation 24

Les deux expressions peuvent, en effet, figurer à la fin de la conversation. Il semble donc

qu’il n’y ait pas vraiment un grand écart entre ces deux formes et ceci est également visible dans

les chiffres : comme nous l’avons déjà mentionné, « je vous en prie » apparaît 9 fois et « de

rien » apparaît 7 fois.

Passons aux réactions aux remerciements chez les néerlandophones où nous retrouvons une

situation très semblable à celle des francophones (le graphique 16).

79

Graphique 16 : Les réactions aux remerciements NL

Conformément aux employés francophones, les employés néerlandophones réagissent

seulement d’une manière positive aux remerciements et ils font également appel à deux formes.

Certes, les chiffres reflètent ici une autre situation que celle chez les francophones: la forme

« alstublieft » est clairement la formule la plus populaire avec 12 occurrences (dans 13 réactions

au total). La formule « graag gedaan », par contre, n’apparaît qu’une seule fois dans le corpus.

Dans l’extrait 47, un homme veut avoir un plan pour une certaine promenade. Il demande

s’il a droit à une réduction pour le musée vu qu’il est guide dans la région.

Extrait 47

E1 : er is wel korting maar geen nie gratis

V1 : ahja nja

V1 : oké dankuwel

E1 : oké ?

E1 : alstublieft

V1 : daag

Corpus NL conversation 29

Après que l’homme a donc remercié l’employé, celui-ci réagi avec « alstublieft », une

expression qui souligne le fait que l’employé a offert de l’information au visiteur. Comme nous

l’avons signalé ci-dessus, c’est une formule très fréquente dans le corpus.

L’autre réaction positive possible est « graag gedaan ». Dans l’extrait ci-dessous, il s’agit

d’un homme qui se renseignait sur le marché de Noël à Louvain.

Extrait 48

V1 : bedankt hé

E1 : ja graag gedaan

V1 : daag

E1 : goeiedag

Corpus NL conversation 38

12

1

0

0

0

0

12

1

0

0 2 4 6 8 10 12 14

alstublieft

graag gedaanP

osi

tif

gati

f

Les réactions aux remerciements NL

TOTAL

VISITEUR

EMPLOYE

80

La formule « graag gedaan » souligne que l’employé a donné ces informations avec plaisir.

A ce point, il semble que la formule « alstublieft » soit plus neutre vu qu’elle met seulement en

valeur le fait d’offrir quelque chose au visiteur, sans que leur attitude soit exprimée (même si

c’est également fait avec plaisir). Cette neutralité pourrait donc exprimer l’emploi plus élevé de

« alstublieft ».

D’une manière comparable, nous pouvons conclure que les réactions francophones « je

vous en prie » et « de rien » semblent donc être aussi neutres étant donné leurs fréquences

comparables.

2.3.3.5.4. Absence de remerciements

Evidemment, les remerciements peuvent être absents dans la séquence de clôture. Nos deux

corpus diffèrent très fort à ce niveau. Ainsi, 9 conversations néerlandophones sur 40 ne

comportent aucun remerciement clôturant (22,5%). L’extrait 49 illustre ce cas de figure.

Extrait 49

E1 : goeiedag

V1 : dag

V2 : het Musee welke richting is dat uit ?

E1 : ja

V1 : en is dat open vandaag ?

E1 : ja

E1 : het is open tot 18 uur wij zijn nu […] (elle donne le chemin vers le musée)

V2 : hmmm

V1 : oké

V2 : oké

E1 : daag

Corpus NL conversation 24

Il s’agit d’une conversation courte. Il n’y a pas vraiment des marques explicites permettant

d’expliquer l’absence du remerciement. C’était le choix des visiteurs de ne pas remercier

l’employé bien qu’ils soient probablement satisfaits.

Dans le corpus francophone, en revanche, il ne s’agit que de 3 conversations sur 40 et cela

correspond à 7,8% du total. Autrement dit, dans le corpus francophones il y a moins de cas où le

remerciement est absent parce que les visiteurs expriment davantage leur satisfaction. L’extrait

50 est un exemple d’une conversation sans remerciement.

81

Extrait 50

V1 : là en face ?

E1 : vous voyez les posters en face oui

V1 : oké

E1 : au revoir

Corpus FR conversation 8

Dans cet extrait, un homme demande à l’employé s’il est permis de mettre une affiche pour

un certain événement. Il n’y a pas vraiment des marques explicites permettant d’expliquer

l’absence du remerciement. Or, le visiteur était peut-être tellement fixé sur son affiche qu’il l’a

simplement oublié. Il est donc très difficile d’indiquer les raisons précises qui peuvent expliquer

l’absence du remerciement. En tout cas, il ressort du corpus que l’absence des remerciements

est plus marquée dans les conversations francophones.

Faisons le point pour l’étude du remerciement. Nous pourrions consacrer une étude entière à

l’acte de remercier parce qu’il y a tellement de choses à étudier et à comparer pour cet acte de

langage. Nous nous sommes limitée à quatre thèmes, à savoir les chiffres généraux, les types,

les réactions et l’absence du remerciement. Nous avons tenté d’exposer de manière succincte les

constations les plus frappantes de notre corpus.

Reste à voir les cas exceptionnels dans les séquences de clôture (2.3.3.6.).

2.3.3.6. Autre

Trois éléments seront étudiés dans cette section: les cas où il n’y a pas de clôture du tout

(2.3.3.6.1.), les projets (2.3.3.6.2), qui sont bel et bien une composante de la clôture selon

Kerbrat-Orecchioni (2008b), mais étant donné leur rareté dans notre corpus nous les traitons

dans cette section. Finalement, nous discuterons quelques cas uniques (2.3.3.6.3).

2.3.3.6.1. Conversations sans clôture

Dans le corpus néerlandophone, il y a 4 conversations qui ne comportent pas de clôture.

Ceci n’apparaît jamais dans notre corpus francophone, ce qui confirme les observations faites

par Hmed (2000), Dumas (2008) et Kerbrat-Orecchioni (2008a). Ce qui vaut pour le français

hexagonal semble également valable pour les francophones de la Belgique : « l’absence de la

séquence de clôture n’est quasiment jamais attestée : on éprouve, en France, le besoin manifeste

de cette sorte d’épilogue rituel » (Kerbrat-Orecchioni 2008a :112).

82

Regardons de plus près deux exemples du corpus néerlandophone dans lesquels il n’y a pas

de séquence de clôture (l’extrait 51 et l’extrait 52). Dans l’extrait 51, il s’agit d’une

conversation d’une femme qui vient d’acheter un guide de promenade.

Extrait 51

E1 : das dan negen euro samen alsublieft

V1 : ja

E1 : danku

E1 : en elf terug mevrouw

E1 : alstublieft

Corpus NL conversation 14

L’extrait 52 représente une conversation très courte. Une dame est à la recherche des

toilettes mais les toilettes dans le bureau ne sont pas disponibles pour les visiteurs. L’employé

lui explique le chemin vers les toilettes publiques et ainsi l’interaction se clôt.

Extrait 52

V1 : is hier ergens een toilet ?

E1 : hier niet mevrouw als u om de hoek gaat een eindje verderop is er een parking en daar in het

gebouwtje zijn er toiletten.

Corpus NL conversation 3

Sur le plan du contenu, les extraits 51 et 52 n’ont rien en commun. Toutefois, ce qui n’est

pas visible dans la transcription, c’est le fait que ces conversations se sont produites à des

moments où il y avait beaucoup de monde. Les visiteurs faisaient donc la queue dans le but de

parler avec l’employé.

En tout cas, le manque de clôture est marqué en néerlandais vu qu’il n’y a que 4

conversations qui ne l’ont pas. Or, c’est encore plus marqué chez leurs compatriotes

francophones car chaque conversation contient une séquence de clôture.

Par ailleurs, nous pouvons également examiner les manques de clôtures pour les différents

rôles (employé ou visiteur) dans les deux corpus. Nous représentons dans le tableau 9 les cas où

un des participants n’utilisent aucun clôtureur.

Sans marque de clôture NL FR Employé 8 4

Visiteur 7 1

Total 15 5

Tableau 9 : Les manques de clôtures selon la fonction dans la conversation

83

En général, il est donc clair que ces phénomènes sont plus fréquents dans le corpus

néerlandophone. En outre, les employés n’utilisent davantage pas de séquence de clôture que les

visiteurs. Les raisons pour lesquelles de telles séquences de clôture sont absentes, sont très

divergentes. Ceci peut être dû aux éléments contextuels comme les visiteurs qui font la queue, la

distraction de l’employé ou du visiteur ou peut-être c’est simplement fortuit que soit le visiteur,

soit l’employé oublie de clore verbalement l’interaction.

2.3.3.6.2. Les projets

Bien que les projets fassent partie de notre classification de la clôture, nous les aborderons

dans cette section parce qu’ils sont tellement rares. Les projets peuvent être définis comme

« des promesses de se revoir » (Kerbrat-Orecchioni 2008b). Cette définition indique déjà la

raison principale pour laquelle les projets sont tellement rares dans nos données: les

conversations dans les offices de tourisme sont prototypiquement des conversations entre des

personnes qui ne se connaissent pas. En général, ils ne se revoient donc pas.

Pour ce qui est des projets dans le corpus francophone, nous pouvons être bref : il n’y en a

pas. Dans le corpus néerlandophone, en revanche, il y en a un : « tot straks ». Ce projet est

réalisé par l’employé dans un contexte très spécifique : un couple veut faire la promenade du

chanteur Marvin Gaye à Ostende. Pour cela, ils reçoivent des appareils (des iPod et des casques-

micros). Evidemment, ils doivent rapporter ces appareils au bureau, raison pour laquelle

l’employé dit « tot straks ».

Extrait 53

E1 : ah oké in orde

V1 : bedankt

E1 : tot straks

Corpus NL conversation 20

Les projets sont donc des actes de langage très rares dans une conversation prototypique

dans un office de tourisme, mais ils ne sont pas impossibles. Ils exigent seulement un contexte

très spécifique pour être réalisés.

2.3.3.6.3. Cas uniques

Avant de clôturer ce chapitre concernant la clôture, nous traiterons encore quelques cas

uniques. Ce sont vraiment des exceptions dans le corpus et ceci explique notre intérêt pour ces

cas : pourquoi sont-ils présents dans une interaction donnée ?

84

Dans le corpus francophone, il s’agit de la formule « pas de soucis » dans l’extrait ci-

dessous (l’extrait 54). Une dame cherche une certaine carte historique dont elle a entendu parler.

L’employé ne sait pas très bien de quelle carte il s’agit. Après quelques minutes, l’employé

réalise qu’elle possède bel et bien cette carte et la conversation finit de la manière suivante :

Extrait 54

V2 : j’ai pris j’en ai pris trois hein

E1 : merci au revoir

V2 : au revoir

E2 : oui oui et (inaud.)

V2 : merci

V2 : mais je ne vais pas immédiatement parce que je vais au musée d’abord

E2 : pas de soucis

Corpus FR conversation 2

Malheureusement, il y a une partie de l’énoncé de l’employé qui est inaudible sur

l’enregistrement. Probablement, en regardant la réaction du visiteur, l’employé a dit quelque

chose concernant la visite des endroits qui sont indiqués sur la carte historique. Le visiteur se

justifie en disant qu’elle ne va pas immédiatement à ces endroits parce qu’elle visitera d’abord

le musée. La réaction « pas de soucis » de la part de l’employé, marque en quelque sorte la

bonne fin de l’interaction, mais cette formule n’entre pas vraiment dans une de les catégories de

notre classification. Voilà pourquoi nous l’avons étiqueté comme autre.

Tournons-nous maintenant vers le corpus néerlandophone. Là, nous avons également

rencontré un exemple qui n’entre pas non plus dans la classification. Le contexte est le suivant :

une dame s’est renseignée à l’office de tourisme à Louvain avec la demande si elle peut y mettre

quelques dépliants pour une certaine activité. L’employé doit la décevoir : vu que le bureau de

Louvain est sur le point de se remeubler, il n’est plus possible d’y déposer des dépliants. La

conversation finit par le mot « sorry » :

Extrait 55

E1 : dat gaat weg

V1 : oké

V1 : bedankt

E1 : sorry

Corpus NL conversation 36

La mission de l’employé dans un office de tourisme est évidemment d’aider le visiteur le

plus possible. Bien sûr, il y a des cas dans lesquels l’employé ne peut pas satisfaire les visiteurs

mais dans la plupart des situations, les employés sont capables de répondre à la question du

85

visiteur. Par contre, les situations dans lesquelles l’employé ne peut pas satisfaire le visiteur,

sont rares, raison pour laquelle elles sont marquées. Elles sont exceptionnelles, mais possibles.

Nous avons donc inclus l’expression « sorry » dans la catégorie autre pour les composantes de

la clôture.

2.3.3.7. Conclusion

Les sections qui précèdent ont mis en lumière toutes les composantes de la clôture telles

qu’elles ressortent du corpus. De façon générale, les francophones belges utilisent plus de

clôtureurs que les néerlandophones : une conversation francophone comporte en moyenne 4,4

clôtureurs alors qu’il s’agit de 3,08 clôtureurs dans une conversation néerlandophone.

Pour ce qui est des pré-clôtureurs, chaque groupe de langue a une nette préférence. Pour les

néerlandophones, le mot « oké » (41,67%) occupe la première place et chez les francophones il

s’agit du mot « voilà » (34,15%). Certes, la préférence diffère pour chaque rôle dans la

conversation. Ainsi les employés francophones préfèrent « voilà » (42,11%) alors que leurs

collègues néerlandophones font le plus souvent recours à « oké ? » (23,53%) et « goed ? »

(23,53%), qui sont des formes interrogatives. Le marqueur « voilà » indique le point de vue de

l’employé, marquant la fin de la présentation des informations. Les pré-clôtureurs « oké ? » et

« goed ?», en revanche, s’orientent davantage sur le point de vue du visiteur. En ce qui concerne

les pré-clôtureurs des visiteurs, les locuteurs néerlandophones et francophones font tous le plus

souvent recours au mot « oké ».

L’échange de salutations en séquence de clôture apparaît comme plus obligatoire entre les

francophones qu’entre les néerlandophones : dans 52% des conversations néerlandophones il

n’y a pas d’échange de salutations contre 27,5% dans le corpus francophone. Il est important de

souligner que l’absence de cette composante ou d’une clôture entière, dépend également des

élément contextuels : lorsqu’il y a beaucoup de monde, les employés néerlandophones sont

enclins à ne pas finir la conversation avec une salutation.

Quant aux types de salutations clôturantes, nous avons montré que les francophones ne font

appel qu’à une forme, à savoir « au revoir », dans 5,88% des cas combiné avec l’appellatif

« monsieur » ou « madame ». Les néerlandophones, par contre, disposent d’un éventail plus

riche de salutations (« tot ziens », « daag » et « goeiedag ») et ils les choisissent arbitrairement.

Nous avons fait observer que « daag » est la forme la plus fréquente (53,57%).

Les vœux de leur côté, sont très rares dans le corpus. Cependant, nous pouvons déduire de

nos données que les francophones tendent en tout cas à employer plus de vœux (13 occurrences)

en comparaison de leurs compatriotes néerlandophones (3 occurrences).

De façon générale, nous pouvons conclure pour l’acte de remerciement que sa présence

semble être plus obligatoire dans les interactions francophones que dans les interactions

86

néerlandophones. Ainsi, une conversation francophone contient en moyenne 1,75 remerciement

et une conversation néerlandophone contient en moyenne 1,35 remerciement. En outre, 22,5%

des conversations néerlandophones ne contiennent aucun remerciement en séquence de clôture

contrairement aux conversations francophone où ce n’est le cas que dans 7,8%.

Les deux groupes de langues préfèrent les remerciements directs elliptiques : en français,

« merci » est incontestablement la forme préférée (70,73%) et en néerlandais il s’agit de la

forme « dankuwel » (31,71%). Par ailleurs, nous avons seulement rencontré des réactions

positives de la part des employés.

Finalement, nous avons créé un catégorie autre dans laquelle nous avons discuté 3 cas

particuliers, à savoir les conversations sans clôture, les projets et quelques cas uniques. Ainsi, il

y a 4 conversations dans le corpus néerlandophone qui n’ont pas de clôture du tout (10% du

total). Ce phénomène est absent dans le corpus francophone, tout comme les projets. Par contre,

un projet a été repéré dans le corpus néerlandophone (« tot straks »), mais celui-ci s’est produit

dans un contexte très spécifique. En dernier lieu, nous avons examiné dans chaque corpus un

cas unique : dans le corpus francophone il s’agit de « pas de soucis » et dans le corpus

néerlandophone nous avons discuté de l’exemple « sorry ».

87

CHAPITRE 3 : L’ACTE DE LA REQUETE ET LA

DEMANDE D’INFORMATION

3.1. INTRODUCTION

Les deux autres actes de langage qui sont au cœur de ce travail, sont l’acte de la requête et

l’acte de la demande d’information. Ce chapitre est divisé en deux grandes sections: dans 3.2.,

nous examinerons la littérature concernant l’acte de la requête et l’acte de la demande

d’information. Conformément à l’état de la question des rituels d’ouverture et de clôture,

nous nous concentrons sur les requêtes et demandes françaises. L’analyse du corpus sera au

cœur de la deuxième partie (3.3.).

3.2. ETAT DE LA QUESTION : L’ACTE DE LA REQUETE ET LA DEMANDE

D’INFORMATION DANS LES INTERACTIONS DE COMMERCE ET DE SERVICE

3.2.1. INTRODUCTION

La requête et la demande d’information peuvent être situées dans la catégorie des actes de

langage « directifs » (Béal 2010 : 265 & Kerbrat-Orecchioni 2008b : 83). Avec les actes

directifs, « nous essayons de faire faire des choses à autrui », que ces choses soient de nature

verbale ou non verbale (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 83-84). Béal (2010) et Kerbrat-

Orecchioni (2008b) s’accordent à dire que ces deux actes de langage sont des actes directifs,

mais la typologie proposée dans les deux cas est différente. Ainsi, Béal (2010 : 265-266)

distingue trois actes directifs, à savoir (I) la demande d’information, (II) la requête et (III)

l’offre. Nous ne prenons pas en considération ce dernier acte de langage. La demande

d’information est « une demande d’un dire » et la requête est « une demande d’un faire ».

Ces demandes reviennent dans la classification de Kerbrat-Orecchioni (2008b). A

l’opposé de Béal (2010), Kerbrat-Orecchioni (2008b) fait une autre distinction. Au lieu de

distinguer trois types différents, elle fait une distinction entre les « demandes » et les « autres

cas ». Au sein de la catégorie des demandes, les sous-catégories « question » et « requête »

sont distinguées. L’ordre est considéré comme un cas particulier de requête. Cette distinction

est illustrée dans la figure 19.

88

Figure 19 : Répartition des directifs selon Kerbrat-Orecchioni (2008b : 84)

Pour ce qui est des « autres cas », elle ne fournit pas d’autres informations. Les

distinctions de Béal (2010) et Kerbrat-Orecchioni (2008b) diffèrent donc sur le plan des

niveaux qui sont distingués : il ne s’agit donc pas d’une différence fondamentale. Pour nous,

l’acte de la requête et la demande d’information sont en effet des actes directifs et ce sont tout

les deux des demandes particulières.

Tournons-nous vers les définitions. Nous adoptons les définitions proposées par Kerbrat-

Orecchioni (2008b : 86-98) qui est notre référence-clé. Selon Kerbrat-Orecchioni (2008b : 98)

il y a requête « chaque fois qu’un locuteur produit un énoncé pour demander à son

interlocuteur d’accomplir un acte quelconque (à caractère non langagier) ». La requête est

donc la demande d’un « faire » (Béal 2010 : 265). En d’autres mots, l’interlocuteur va devoir

agir (ou refuser d’agir) au bénéfice du demandeur. Cet acte de langage peut se présenter sous

diverses formes syntaxiques et les ordres sont considérés comme une sous-catégorie de la

requête (Béal 2010 : 265). Cette idée est partagée par Kerbrat-Orecchioni (2008b : 98) : en

effet, l’ordre est un cas spécifique de requête qui est caractérisé par son caractère

« autoritaire ».

La demande d’information est définie comme « tout énoncé qui se présente comme ayant

pour finalité principale d’obtenir de son destinataire un apport d’information » (Kerbrat-

Orecchioni 2008b : 86). Or, Kerbrat-Orecchioni (2008b) utilise simplement le terme de

« question ». Nous préférons suivre Béal (2010 : 265) ici, qui a proposé le terme de demande

d’information parce qu’il ne faut pas confondre cette catégorie avec sa réalisation la plus

fréquente, à savoir la question. La demande d’information ne se produit donc pas toujours

sous la forme d’une question.

Kerbrat-Orecchioni (2008b : 89) explique ce phénomène toutefois comme « une donnée

contextuelle ». Celle-ci concerne « l’état supposé des savoirs du destinataire au moment de

l’énonciation de l’énoncé » (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 89) Ainsi, il faut admettre

89

l’existence de questions sans marquage explicite. En d’autres mots, il existe des énoncés qui

semblent être des assertions, mais qui ont en fait la valeur d’une question. Prenons l’exemple

de « tu as faim ». Cette phrase n’a pas besoin de l’intonation ascendante pour être interprétée

comme une question (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 89-90). Ce critère contextuel vaut

également pour l’acte de la requête : comme la demande d’information, la requête appartient

à la catégorie des demandes et une demande est manifestement associée avec une forme

interrogative (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 84). Or, cela n’est évidemment pas toujours le cas

parce qu’une requête peut également se réaliser dans le mode impératif (par exemple dans

l’ordre) (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 99).

Revenons à la définition de la demande d’information. Simplement dit, la demande

d’information est « une demande d’un dire ». Au sein de cette catégorie, il faut faire la

distinction entre les demandes d’information « totales » d’une part (questions totales) et les

demandes d’information « partielles » d’autre part (questions partielles) (Kerbrat-Orecchioni

2008b : 86). La première sous-catégorie (total) est représentée dans l’exemple « Pierre est

arrivé ? » dans lequel l’information demandée concerne la valeur de vérité du contenu de tout

l’énoncé. L’exemple « Pierre arrive quand ? », par contre, représente la deuxième sous-

catégorie, à savoir celle des demandes d’information partielles. Dans cette phrase,

l’information demandée ne concerne qu’un constituant de tout l’énoncé (« quand ») et le

« questionneur demande au questionné de préciser la nature » de ce constituant (Kerbrat-

Orecchioni 2008b : 86).

Toutefois, il faut reconnaître qu’il y a quelques problèmes de définition. Ainsi, Kerbrat-

Orecchioni (2008b : 84) signale que la relation entre la requête et la demande d’information

serait « aussi ambiguë que celle sur laquelle elle repose, à savoir la relation qui existe entre

faire et dire ». En effet : dire, est-ce que ce n’est pas faire ? En ce sens, chaque question serait

une forme de requête (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 84). Or, la langue, selon Kerbrat-

Orecchioni (2008b : 84), « a consacré l’autonomie de ce faire particulier, et particulièrement

important, en donnant à la requête-d’un-dire certains moyens d’expressions spécifiques ».

Afin de mieux comprendre cette idée, regardons la dernière partie de la définition de la

requête : il s’agit « d’accomplir un acte quelconque (à caractère non langagier) » (Kerbrat-

Orecchioni 2008b : 98). C’est plus précisément la partie entre parenthèses qui est importante :

il s’agit d’un acte à caractère non langagier et c’est exactement la différence avec une

demande d’information qui n’est qu’une demande d’un dire.

Cependant, Kerbrat-Orecchioni (2008b : 84) fait finalement observer que la frontière

entre l’acte de requête et l’acte de la demande d’information est parfois difficile à trancher

comme dans les exemple suivantes : « Vous pouvez épeler ? » et « Raconte-nous ce qui s’est

passé ». Bien que la première phrase se présente formellement sous la forme d’une question,

elle serait considérée plutôt comme une requête parce que « la demande porte sur l’ensemble

90

d’une tâche langagière et non sur une information particulière » (Kerbrat-Orecchioni 2008b :

85). Conformément à cette explication, l’énoncé « Raconte-nous ce qui s’est passé » doit

donc également être étiqueté comme une requête. L’énoncé « Qu’est-ce qui s’est passé ? »,

par contre, sera considéré comme une demande d’information (Kerbrat-Orecchioni 2008b :

85).

Béal (2010 : 266) reconnaît cette difficulté. Elle a catégorisé par exemple les demandes

de traduction, d’explication et de répétition comme des requêtes pour la même raison de

Kerbrat-Orecchioni (2008b) expliquée ci-dessus : il s’agit des demandes qui portent sur

l’ensemble d’une tâche langagière et non sur le fait de dire une information particulière.

Nous verrons qu’il existe encore d’autres apparences des demandes d’information et des

requêtes que celles que nous avons déjà mentionnées ci-dessus.

3.2.2. LA DEMANDE D’INFORMATION ET LA REQUETE: PERSPECTIVE GENERALE

Nous traiterons d’abord l’acte de la requête et la discussion de la demande d’information

sera présentée après. Chaque acte sera abordé d’une perspective générale et d’une perspective

comparative afin de composer une taxinomie des demandes d’information et des requêtes sur

la base de la littérature.

3.2.2.1. La requête

Pour ce qui est de la requête, il convient de signaler qu’il y a deux préoccupations

majeures dans la littérature : il s’agit de l’établissement d’une typologie de base d’une part et

la description des stratégies d’adoucissement d’autre part. La section de la requête se

compose selon ce modèle.

Nous nous appuyons entre autres sur Kerbrat-Orecchioni (2008a : 115) qui affirme à juste

titre que l’acte de la requête est l’acte central dans un contexte commercial : « avec la

formulation de sa requête, le client endosse son rôle et actualise les potentialités du site :

l’interaction se concrétise comme étant bien commerciale ».

3.2.2.1.2 Typologie de base

Nous avons fait observer que plusieurs auteurs comme Kerbrat-Orecchioni (2008b),

Dumas (2008) et Van Mulken (1996), opèrent une distinction de base entre les formulations

directes d’une part et les formulations indirectes d’autre part dans l’acte de la requête. La

91

justification de cette distinction est nettement expliquée par Dumas (2008). Ainsi, Les

formulations directes « consistent à verbaliser de manière explicite la volonté du locuteur de

faire faire quelque chose à son interlocuteur » (Dumas 2008 : 201). En d’autres termes : en

choisissant ce type de formulation, le locuteur veut être efficace. Les formulations indirectes,

par contre, sont toutes des formulations « conventionnelles » dans son corpus : « il s’agit des

énoncés auxquels le destinataire attribue spontanément une valeur de requête » (Dumas

2008 : 203).

A propos des distinctions au niveau de la requête, elle a établi la hiérarchie suivante :

Requête (Dumas 2008)

1. Les formulations directes

a. Les formes impératives

b. Les formes elliptiques

2. Les formulations indirectes

a. La plus fréquente : « je voudrais » : une assertion à la première personne d’un vouloir ou

d’un désir de tel ou tel produit essentiellement exprimée via le conditionnel présent.

b. Une question sur la disponibilité du produit désiré : « vous avez ? »

Figure 20 : La classification de la requête de Dumas (2008 : 201-204)

Il y a deux formes possibles au sein des formulations directes : la formulation à

l’impérative d’une part et les formes elliptiques d’autre part. Pour ce qui est des ellipses, elle

signale qu’on ne peut jamais retracer « la partie élidée » de la requête (Dumas 2008 : 202). En

ce qui concerne les formulations indirectes, elle fait la distinction entre une assertion à la

première personne d’un vouloir ou d’un désir de tel ou tel produit (via le conditionnel

présent) d’une part et une question sur la disponibilité du produit désiré d’autre part.

Kerbrat-Orecchioni (2008b : 99-100) de son côté, confirme qu’une requête peut se

présenter sous diverses formes : en effet, une assertion peut également servir de requête. Or,

ses sous-catégories diffèrent légèrement de celles distinguées par Dumas (2008). Regardons

la figure 21 ci-dessous.

92

Requête (Kerbrat-Orecchioni 2008b)

1. Formulation directe

a. Utilisation d’une formule explicitement performative « Je t’ordonne de fermer la

porte »

b. Recours au mode impérative « Ferme la porte »

2. Formulation indirecte

a. Formulations indirectes non conventionnelles « Zut, j’ai fini mon paquet »

b. Formulations indirectes conventionnelles

i. Structure interrogative à la deuxième personne, comportant le modalisateur

« pouvoir » ou « vouloir » à l’indicatif ou au conditionnel (= other-oriented)

ii. Question sur la possibilité qu’a le destinataire de fournir cet objet, comme dans

« tu as une cigarette ? » (= other-oriented)

iii. Assertion à la première personne comportant les verbes « aimer (bien) » au

conditionnel, ou « vouloir » à l’indicatif ou au conditionnel. (= self-oriented)

Figure 21 : Classification de la requête de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 100-101).

Premièrement, contrairement à Dumas (2008), Kerbrat-Orecchioni (2008b) ne mentionne

pas les formules elliptiques comme des réalisations directes de la requête. Cependant, elle

étiquette à juste titre les formules performatives comme des réalisations directes et cette

catégorie n’est pas présente dans la taxinomie de Dumas (2008b).

Ainsi, les sous-catégories (i) « structures interrogatives à la deuxième personne,

comportant le modalisateur pouvoir ou vouloir à l’indicatif ou au conditionnel », (ii)

« question sur la possibilité qu’a le destinataire de fournir cet objet » et (iii) « assertions à la

première personne comportant les verbes aimer au conditionnel ou vouloir à l’indicatif ou au

conditionnel » sont distinguées au sein des formulations indirectes conventionnelles (Kerbrat-

Orecchioni 2008b : 100-101). De plus, elle distingue les formulations other-oriented et self-

oriented : (i) et (ii) sont other-oriented tandis que (iii) est self-oriented (Kerbrat-Orecchioni

2008b : 101).

Par ailleurs, les sous-catégories (ii) et (iii) coïncident avec les catégories indirectes

distinguées par Dumas (2008 : 204).

Van Mulken (1996) a étudié la formulation de la requête chez les Néerlandais et les

Français par le biais d’une tâche d’élicitation.26

Pour elle, la requête est un « head act ». 27

Ce

26

C’est une tâche dans laquelle les participants doivent s’imaginer un certain contexte et ensuite

produire la requête demandée (van der Wijst 2000 : 196). 27

Van Mulken a travaillé avec le schéma de codage de CCSARP. CCSARP est l’abréviation pour

Cross-Cultural Speech Act Research Project. Voir par exemple les travaux de Blum-Kulka, House et

Kasper éd 1989 (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 116). Ce modèle fait la distinction entre (I) alerters (titles

or nick names), (II) head acts (the central requests) et (III) supportive moves (cajolers, disarmers or

93

« head act » est considérée comme l’unité la plus petite qui peut réaliser une requête. Au sein

de cet acte, elle a également distingué les stratégies directes, les stratégies indirectes

conventionnelles et les stratégies indirectes non conventionnelles (Van Mulken 1996 : 694).

Pour ce qui est des sous-catégories, elle distingue les formules performatives (cf. Kerbrat-

Orecchioni 2008b), mais également les formulations en « je veux ». En ce qui concerne les

stratégies indirectes conventionnelles, les suggestions comme « et si on faisait la vaisselle

ensemble ? » sont incluses. En outre, elle affirme à juste titre que « indirectness does noet

aquel politeness, but is generally assumed to be a tool to avoid impoliteness » (Van Mulken

1996 : 693).

Ses sous-catégories diffèrent donc légèrement de celles distinguées par Kerbrat-

Orecchioni (2008b) et Dumas (2008), mais la distinction fondamentale entre direct, indirect

conventionnel et indirect non conventionnel est identique.

Or, selon Kerbrat-Orecchioni (2008a), la distinction entre direct et indirect n’est pas

satisfaisante, raison pour laquelle elle distingue les formulations brutales d’une part et les

formulations adoucies d’autre part. Elle a opté pour les termes « brutal » et « adouci » au lieu

des termes plus courants de « direct » et « indirect » parce que ces derniers seraient ambigus

(Kerbrat-Orecchioni 2008a : 116) : de manière plus précise, on pourrait considérer des

phrases comme « tu fermeras la porte » et « je veux un bifteck » comme des formulations

« indirectes » parce que la requête s’exprime par le biais d’une formulation assertive.

Toutefois, ces expressions sont très brutales ce qui est, selon Kerbrat-Orecchioni (2008a), le

plus pertinent.

Dans la catégorie des formulations brutales, les énoncés à l’impératif et les tournures

elliptiques sont inclus. Cependant, comme Dumas (2008 : 202) l’a déjà signalé, la tournure

elliptique soulève un problème important: nous ne pouvons jamais savoir ce qui est vraiment

omis. Il se peut que la forme « donnez-moi » soit élidée, mais également « je veux » ou voire

« je voudrais ». Etant donné cet obstacle, Kerbrat-Orecchioni (2008a : 117) considère la

tournure elliptique comme une formulation brutale.

Dans la deuxième catégorie, celle des formulations adoucies, elle fait la distinction entre

la requête qui « est centrée sur le locuteur avec assertion d’un désir ou d’un vouloir » d’une

part et de la requête qui « est centrée sur le destinataire avec une question sur la disponibilité

du produit désiré » d’autre part (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 118).

En outre, les formulations adoucies correspondent aux réalisations indirectes

conventionnelles (cf. Kerbrat-Orecchioni 2008b et Van Mulken 1996). C’est la forme la plus

fréquente car elle « respecte le face-work sans créer de problème ni entraîner un surcoût

interprétatif » (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 118).

promises of reward). Nous nous concentrons seulement sur la requête principale qui correspond aux

(II) head acts du schéma de CCSARP (Van Mulken 1996 : 694). Voir par exemple aussi Rys (2007).

94

La classification de Kerbrat-Orecchioni (2008a) est résumée dans la figure ci-dessous et il

est clair que cette classification diffère de celle dans Kerbrat-Orecchioni (2008b), où elle

distingue les formulations directes, indirectes conventionnelles et indirectes non

conventionnelles.

Requête (Kerbrat-Orecchioni 2008a)

1. Les formulations brutales

a. Les énoncés à l’impératif « Donne-moi un steak »

b. La tournure elliptique « Un pain aux raisins »

2. Les formulations adoucies

a. La requête est centrée sur le locuteur avec assertion d’un désir ou d’un vouloir

« Je voudrais un pain aux céréales »

b. La requête est centrée sur le destinataire avec une question sur la disponibilité du

produit réservé « Vous avez des rognons de veau »

Figure 22 : Classification de la requête de Kerbrat-Orecchioni (2008a : 117)

3.2.2.1.2 Stratégies d’adoucissement

A côté l’établissement d’une typologie de base, les procédés d’adoucissement ont

également déjà fait couler beaucoup d’encre dans les études des actes de langage. Ces

procédés relèvent de la théorie de la politesse.

Kerbrat-Orecchioni (2008a : 119) reconnaît que les requêtes peuvent être adoucies par

plusieurs procédés. Les principaux sont « s’il vous plaît » et « la minimisation » (l’ajout de

l’adjectif « petit »). Le premier est un procédé omniprésent dans les conversations en site

commercial et le deuxième sert à « réduire symboliquement cette incursion dans le territoire

d’autrui que constitue la requête ; il reçoit donc une valeur rituelle » (Kerbrat-Orecchioni

2008a : 119).

Van de Wijst (2000) de son côté, a étudié les différences entre les Français et les

Néerlandais dans leur perception de différences de pouvoir par le biais de l’acte de la requête.

Son hypothèse est qu’un Français utiliserait plus de procédés d’adoucissement dans l’acte de

la requête face à un supérieur en comparaison d’un Néerlandais. En outre, il s’est concentré

sur les situations interculturelles dans lesquelles un Néerlandais parlait le français et il se

demande si le Néerlandais adapterait les règles de politesse de sa propre langue (van der Wijst

2000 : 187). Tout ceci est étudié par une tâche « d’élicitation » (elicitatietaak), c’est-à-dire

que les participants de la recherche devaient s’imaginer un certain contexte et ensuite

produire la requête demandée (van der Wijst 2000 : 196).

95

Il a examiné les procédés marquant la politesse, c’est-à-dire les procédés

d’adoucissement, au sein de la requête. L’accent de l’étude est donc mis sur la politesse et ne

pas sur la nature linguistique de la requête, raison pour laquelle cette approche est moins

pertinente pour notre recherche. Néanmoins, il est intéressant de regarder les procédés repérés

car il y a des idées qui reviendront dans notre classification finale. Ainsi, il fait la distinction

entre des marqueurs de politesse « internes » et « externes » (van der Wijst 2000 : 190-195).

Sa classification des procédés d’adoucissement est illustrée dans la figure ci-dessous.

Requête (van der Wijst 2000)

1. Marqueurs internes de la politesse

a. Modalité (permission, possibilité, …)

b. Les pronoms appellatifs (la distinction entre « jij/u » et « tu/vous »)

c. Conditionnalité

d. Polarité (la formulation négative ou affirmative)

e. Understatement (la minimisation, l’emploi de « eventjes » en néerlandais)

f. Downtoner (l’emploi de « misschien »)

g. Alstublieft (s’il vous plaît)

2. Marqueurs externes de la politesse

a. Les salutations

b. Contrôle sur la disponibilité

c. Justification

d. Minimaliser « les frais » (Ik wil nog graag even van het mooie weer profiteren en

het rapport is toch al bijna af.)

e. Présenter des excuses

f. Remercier

Figure 23 : Classification de la requête de van der Wijst (2000 : 190-195)

Les procédés comme la justification, la présentation des excuses et le remerciement

peuvent, selon nous, également figurer dans la requête-même, et seront ainsi donc des

marqueurs internes. En outre, van der Wijst (2000 : 195) explique qu’il considère les

marqueurs externes de la politesse comme de « face-work » qui est accompli hormis la

requête principale. Quant à nous, nous nous concentrons uniquement sur la requête-même. De

cette manière, l’étude des salutations comme des marqueurs de politesse n’entre donc pas en

ligne de compte pour l’analyse de la requête.

Pour ce qui est des procédés d’adoucissement dans l’analyse de Dumas (2008), elle

mentionne seulement le morphème « s’il vous plaît », la minimisation et l’emploi du

conditionnel.

96

Kerbrat-Orecchioni (2008b) de son côté, fournit une liste assez vaste de procédés

d’adoucissement qui sont énumérés dans la figure ci-dessous.

Requête brutale vs. Requête adoucie (Kerbrat-Orecchioni 2008b)

Formulations brutales

1. Des assertions en « je veux »

2. Assertions comportant un modalisateur déontique (à valeur d’obligation), « tu dois »

3. Des assertions à l’indicatif, futur ou en présent « vous vous taisez »

4. Des aggravateurs : morphèmes à valeur d’insistance ou d’impatience (immédiatement, tout de

suite, donc)

Formulations adoucies

1. Justification : « ferme la porte, il y a des courants d’air »

2. Désactualisateur modal ou temporal (le conditionnel et l’imparfait) : « je voudrais un

exemplaire de votre brochure »

3. Amadoueur : « sois sympa, ferme la porte »

4. Préface : « je peux te demander quelque chose »

5. Minimisateur : « donnez-moi un petit coup de main »

6. Stratégie du pessimisme : « vous auriez une cigarette par hasard ? »

7. Autres « marqueurs d’optionalité » qui présentent l’accomplissement de la requête comme

entièrement soumis à la disponibilité et au bon vouloir du destinataire : « si tu veux bien », « si

tu as un moment »

8. Morphème « s’il vous plaît »

Figure 24 : Procédés d’adoucissement et des requêtes plus brutales (Kerbrat-Orecchioni

2008b : 102-105)

Elle a fait observer que les requêtes sont les plus fréquemment adoucies par deux

procédés, à savoir par le morphème « s’il vous plaît » et par « la minimisation » (Kerbrat-

Orecchioni (2008a : 119). Par ailleurs, les procédés inverses existent également, à savoir les

formulations qui durcissent la requête (cf. formulations brutales dans la figure 24).

Nous vérifierons la présence de ces procédés dans notre corpus en modifiant 2 éléments :

d’une part, nous ne parlons plus des formulations brutales car selon nous, ce terme entraîne

une interprétation subjective. Nous utiliserons le terme de formulations non adoucies qui est

selon nous plus neutre. D’autre part, nous ne considérons des assertions en mode indicatif,

futur ou présent pas comme des aspects qui rendent l’énoncé moins adouci.

97

Le morphème « s’il vous plaît », mérite encore quelques explications supplémentaires.

Danblon, De Clerck & van Noppen (2005) expliquent entre autres l’origine du mot « s’il vous

plaît » et son pendant néerlandais « alstublieft ». Paraphrasé en anglais, ces mots trouvent

leurs origines dans les phrases « if you please » ou « if it pleases you » (Danblon, De Clerck

& van Noppen 2005 : 3). Comme leur analyse s’est concentrée sur la situation linguistique

belge, ils soulignent une particularité belge de ce morphème :

In Dutch, alstublieft can accompany both requests and acts of giving. This is not the case in

standard French, where s’il vous plaît is used only in requests. It has been observed that in Belgien

French, however, s’il vous plaît is used in a manner not unlike alstublieft, i.e. not only when

asking, but also when giving or handing over something. (Danblon, De Clerck & van Noppen

2005 : 3)

Pour l’analyse de la requête, nous travaillerons également avec la distinction entre

formulations directes, formulations indirects conventionnelles et formulations indirectes non

conventionnelles parce que c’est une distinction qui est acceptée par beaucoup de chercheurs

(cf. Kerbrat-Orecchioni 2008b, Dumas 2008 et Van Mulken 1996). Plus précisément, nous

suivrons la classification de Dumas (2008) et de Kerbrat-Orecchioni (2008b). Nous n’avons

pas opté pour la classification de Van Mulken (1996) parce que celle-ci s’inscrit dans une

approche bien spécifique, à savoir celle de CCSARP (cf. supra).

Cependant, la classification de Dumas (2008) est, selon nous, à certains niveaux trop

réduite. Voilà pourquoi nous intégrons également la classification de Kerbrat-Orecchioni

(2008b) vu qu’elle distingue encore des niveaux supplémentaires (à savoir « les formules

performatives » dans les formulations directes, « les formulations indirectes non

conventionnelles » et « les structures interrogatives à la deuxième personne à l’indicatif ou au

conditionnel » dans les formulations indirectes conventionnelles).

De cette manière, nous avons combiné certains aspects des taxinomies de Dumas (2008)

et de Kerbrat-Orecchioni (2008b) afin d’aboutir à cette classification finale:

98

“ Requête : classification finale

1. Formulations directes

a. Les formes impératives « donnez donc un X »

b. Les formes elliptiques « un Marlboro »

c. Utilisation d’une formule explicitement performative « je t’ordonne de fermer la

porte »

2. Les formulations indirectes

a. Les formulations indirectes non conventionnelles « zut, j’ai fini mon paquet »

b. Les formulations indirectes conventionnelles

i. Structure interrogative à la deuxième personne, comportant un modalisateur

« pouvoir » ou « vouloir » à l’indicatif ou au conditionnel (= other-oriented)

ii. Question sur la possibilité qu’a le destinataire de fournir cet objet, comme

dans « tu as une cigarette ? » (= other-oriented)

iii. Assertion à la première personne comportant les verbes « aimer » au

conditionnel, ou « vouloir » à l’indicatif ou au conditionnel. (= self-oriented)

Figure 25 : Classification finale de la requête

En ayant discuté la littérature traitant l’acte la requête et en ayant précisé notre

classification finale, nous pourrons passer maintenant à l’aperçu général de l’autre acte de

langage, à savoir la demande d’information.

Vu que les procédés d’adoucissement ont été abordés ci-dessus, seule une discussion des

typologies de base sera traitée dans 3.2.2.2 car les mêmes procédés d’adoucissement valent

pour la demande d’information.

3.2.2.2. La demande d’information

Nous avons défini la demande d’information comme « tout énoncé qui se présente

comme ayant pour finalité principale d’obtenir de son destinataire un apport d’information »

(Kerbrat-Orecchioni 2008b : 86). Dans l’esprit de Béal (2010 : 265), nous adoptons le terme

demande d’information au lieu de question parce qu’il ne faut pas confondre les demandes

d’information avec leur réalisation la plus fréquente, à savoir la question.

Comme c’est le cas pour l’acte de la requête, la demande d’information peut être analysée

selon différentes manières. Flament-Boistrancourt & Debrock (1997) ont étudié la demande

d’information dans les scènes d’embauche chez les francophones (de la France) et les

apprenants néerlandophones belges de français. Ils n’ont donc pas examiné des interactions

en néerlandais. Quant à nous, nous regarderons des interactions en néerlandais des Belges.

99

Ils ont distingué trois grandes catégories : (I) les interrogations totales directes, (II) les

interrogations partielles directes et (III) les structures intermédiaires (Flament-Boistrancourt

& Debrock 1997 : 97-98). C’est surtout cette dernière catégorie qui nous intéresse dans cette

répartition car les autres deux catégories sont des distinctions traditionnelles.

Au sein des constructions intermédiaires, les assertions-demandes de confirmation et les

questions orientées ont été distinguées. Les premières se présentent sur le plan formel comme

des assertions, mais sur le plan de l’interprétation elles ont clairement la fonction des

demandes d’informations comme « vous êtes étudiante je suppose ». Les questions orientées,

en revanche, ressemblent formellement à des interrogations mais le contenu est

incontestablement assertif « tu n’es donc pas parti ? » (Flament-Boistrancourt &

Cornette 1999 : 123). De telles structures intermédiaires seraient, selon Flament-Boistrancourt

& Debrock (1997), typiques pour les francophones.

Ces mêmes distinctions entrent en ligne de compte dans une autre étude de Flament-

Boistrancourt, une étude qui a été menée avec la participation de Greet Cornette (1999). Elles

ont également étudié l’acte de la question chez les francophones (de la France) et chez les

apprenants néerlandophones belges du français dans les scènes dites du baby-sitting. En outre,

elles soulignent la complexité du fonctionnement de l’acte de la question et elles

reconnaissent qu’il n’est pas si évident de les distinguer, de les identifier et de les classer.

Néanmoins, elles ont pu établir une typologie sur la base de leur corpus LANCOM.28

Nous la

fournirons dans la figure ci-dessous.

28

Le corpus LANCOM est constitué d’interactions verbales. Les locuteurs (francophones de la France

et apprenants néerlandophones belges du français) ont du jouer des scènes traitant un certain thème.

Ainsi, les scènes du baby-sitting étaient examinés dans cette étude (Flament-Boistrancourt & Cornette

1999: 120).

100

Demande d’information (Flament-Boistrancourt & Cornette 1999)

1. Structures interrogatives

a. Interrogations totales

i. Interrogations totales directes

ii. Interrogations totales indirectes

b. Interrogations partielles

i. Interrogations partielles directes

ii. Interrogations partielles indirectes

c. Interrogations totales et/ou partielles

d. Interjections

2. Structures assertives

a. Illocutoire dérivé marqué « je vais prendre vos coordonnées »

b. Illocutoire dérivé non marqué « non! Je ne comprends pas »

3. Structures intermédiaires

a. Assertions-demandes de confirmation « vous êtes étudiante je suppose »

b. Questions orientées « tu n’es donc pas parti ? »

Figure 26 : Typologie de l’acte de la question de Flament-Boistrancourt & Cornette

(1999 : 128-131)

Nous retrouvons dans cette typologie la même distinction formelle entre les

interrogations directes et indirectes d’une part et entre les interrogations partielles et totales

d’autre part comme chez Flament-Boistrancourt & Debrock (1997) (cf. Kerbrat-Orecchioni

2008b : 86-89). Cependant, Flament-Boistrancourt & Cornette (1999) ont fait, à l’opposé de

Flament-Boistrancourt & Debrock (1997) des distinctions supplémentaires. De manière plus

précise, elles ont ajouté la catégorie de structures assertives. Etant donné que nous suivons

l’idée de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 91) qu’il existe « un continuum reliant l’assertion et la

question », cette catégorie nous semble parfaitement justifié. Les indicateurs de la demande

d’information ont, en effet, un caractère graduel. Ainsi, une intonation peut par exemple être

plus ou moins nettement ascendante et un modalisateur peut exprimer un degré plus ou moins

fort d’incertitude. En outre, il faut donc reconnaître également l’existence des semi-questions

et semi-assertions et d’autres cas intermédiaires (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 90).

Nous inclurons la catégorie des structures assertives dans notre classification finale. Par

ailleurs, elles notent qu’il est très difficile de partir d’une typologie a priori pour une telle

analyse : en effet, « d’une grammaire à l’autre et selon l’objectif poursuivi, le nombre de

phrases interrogatives distingué est rarement le même » (Flament-Boistrancourt & Cornette

1999 : 127).

101

Penchons-nous dans un dernier temps sur le travail de Kerbrat-Orecchioni (2008b). Elle a

fourni des critères assez clairs pour distinguer les questions directes des indirectes.

L’acte de la question (Kerbrat-Orecchioni 2008b)

1. Question exprimée d’une manière directe: présence des marqueurs spécifiques

a. Lexical (verbe performatif: « je te demande si tu pars »)

b. Morpho-syntaxique (morphème interrogative: est-ce que, hein?, non?, quoi, quel,

qui,…)

c. Syntaxique (inversion pronom-sujet:)

d. Prosodique à l’oral (schéma mélodique généralement ascendant)

2. Question exprimée d’une manière indirecte : se greffant sur un autre acte de langage

a. Assertion du but illocutoire de la question : « j’aimerais savoir où tu pars »

b. Question portant sur la condition de réussite relative au destinataire : « sais-tu où/si

tu pars? »

c. Assertion portant sur la condition de réussite concernant le locuteur : « je ne sais pas

si/où tu pars.»

Figure 27 : Typologie de l’acte de la question de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 88-89)

La question est directe lorsqu’elle possède certains « marqueurs spécifiques » comme

nous les avons énumérés dans la figure ci-dessus (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 88).

Contrairement à Flament-Boistrancourt & Cornette (1999), elle considère les interjections

telles que « hein ? » et « non ? » comme des morphèmes interrogatives marquant une

question directe. Elle signale que le type de marqueur présent est dépendant de la situation

communicative (par exemple oral ou écrit, situation formelle ou informelle) et du type

d’interaction (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 88).

Les questions indirectes se greffent sur un autre acte de langage (par exemple les

assertions). Nous suivons cette opposition entre direct et indirect et nous l’intégrons dans

notre classification finale, que nous représentons dans la figure 28.

102

La demande d’information : classification finale

1. Forme : totale (Pierre est arrivé ?) ou partielle (Pierre arrive quand ?)

2. La façon de réaliser la demande d’information :

a) Exprimée d’une manière directe

Marqueurs

1. Lexical (verbe performatif : « je te demande si tu pars »)

2. Morpho-syntaxique (morphème interrogative : est-ce que, hein ?,

non ? quoi , qui, … et cetera)

3. Syntaxique (inversion pronom-sujet)

4. Prosodique à l’oral (schéma mélodique généralement ascendant)

b) Exprimée d’une manière indirecte

i. Assertion du but illocutoire de la question : « j’aimerais savoir où tu

pars »

ii. Question portant sur la condition de réussite relative au destinataire :

« sais-tu où/si tu pars? »

iii. Assertion portant sur la condition de réussite concernant le locuteur : « je

ne sais pas si/où tu pars »

c) Structures assertives

Assertions-demandes de confirmation : « vous êtes étudiante je suppose »

Figure 28 : Classification finale de la demande d’information

A côté de la distinction faite par Kerbrat-Orecchioni (2008b), nous avons donc également

inclus les structures assertives (Flament-Boistrancourt & Cornette 1999) avec les assertions-

demandes de confirmation. Nous n’analyserons pas les questions orientées telles que « tu n’es

donc pas partie ? » parce que ainsi on pourrait, selon nous, interpréter chaque interrogation

comme une sorte d’assertion.

Conformément à l’analyse de la requête, les procédés d’adoucissement seront également

étudiés et pour cela, nous appliquerons la même liste à notre corpus comme celle que nous

avons discutée pour les requêtes, en nous basant sur Kerbrat-Orecchioni (2008b) (cf. supra).

103

3.2.3. LA DEMANDE D’INFORMATION ET LA REQUETE: PERSPECTIVE

COMPARATIVE

3.2.3.1. La requête

Regardons les résultats des analyses discutées sous 3.1.2. Nous traiterons d’abord les

auteurs qui ne décrivent que des interactions françaises (Kerbrat-Orecchioni 2008a & 2008b

et Dumas 2008) et ensuite nous aborderons quelques travaux comparatifs (van der Wijst

2000, Van Mulken 1996, Danblon, De Clerck & van Noppen 2005).

Kerbrat-Orecchioni (2008a) s’est appuyée dans un premier temps sur la distinction de

« requêtes adoucies » et « requêtes brutales ». Elle a fait observer que les formulations

brutales, comme la formulation à l’impératif, sont rares : la plupart des requêtes dans les

petits commerces français sont des formulations adoucies. Par contre, la tournure elliptique

est quand même relativement fréquente : elle est présent dans 13% des requêtes dans le

corpus du bureau de tabac et voire dans 18% des requêtes dans le corpus des boucheries. La

présence de cette tournure elliptique peut être expliquée. D’une part, les clients viennent à un

rythme soutenu dans de tels commerces (et le facteur d’économie règne également), et d’autre

part on a affaire à un produit qui est banal et routinier parce que le client sait exactement ce

qu’il veut (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 117).

Pour ce qui est des formulations adoucies (les formulations indirectes conventionnelles),

le conditionnel présent est très fréquent. Le conditionnel passé, par contre, est très rare. Par

ailleurs, le morphème d’adoucissement « s’il vous plaît » accompagnait la moitié des requêtes

dans le corpus de boucherie. Le procédé de « minimisation », par contre, est moins fréquent

(Kerbrat-Orecchioni 2008a : 118-121).

Conformément à l’analyse de Kerbrat-Orecchioni (2008a), les formes impératives sont

également peu repérées dans le corpus de Dumas (2008). Par contre, les tournures elliptiques

connaissent une faible présence de moins de 13% dans tous les sites (Dumas 2008 : 202). Ce

chiffre confirme les résultats de Kerbrat-Orecchioni (2008a).

Or, il y a une exception : dans le tabac-presse, la formulation elliptique semble être la

forme la plus fréquente, mais elle est régulièrement adoucie par « s’il vous plaît ». De

manière semblable à Kerbrat-Orecchioni (2008a), la raison de cette présence de la

formulation elliptique se trouve dans le fait que les clients « se succèdent à un rythme

soutenu » (Dumas 2008 : 203). En outre, les interactions dans un tabac-presse sont

généralement très courtes et une formulation elliptique permet « d’économiser le temps »

(Dumas 2008 : 203). En général, les formulations directes de la requête ne sont donc pas

légion en contexte commercial, sauf au tabac-presse.

104

Passons maintenant aux résultats des travaux comparatifs. Ces travaux ont comparé des

interactions en français aux interactions en néerlandais (Pays-Bas) (van Der Wijst 2000 &

Van Mulken 1996). Il sera sans doute intéressant de comparer ces résultats aux nôtres:

comme le flamand est proche du néerlandais des Pays-Bas et le français belge est assez

proche du Français hexagonale, il se peut que nous trouvions des ressemblances. Après cette

discussion, nous traiterons les résultats de Danblon, De Clerck & van Noppen (2005) qui ont

mené une étude comparative consacrée à la Belgique.

En ce qui concerne la recherche de van der Wijst (2000), nous ne discuterons que

brièvement cinq résultats à propos de la première hypothèse : selon lui, un Français utiliserait

plus de marqueurs de politesse dans l’acte de la requête face à un supérieur en comparaison

d’un Néerlandais.

Premièrement, il a constaté que les deux groupes de langues font très fréquemment

recours au (I) mode conditionnel. Toutefois, l’emploi chez les Français est encore beaucoup

plus élevé en comparaison des Néerlandais (82,5% vs. 62,5%). La plus grande différence peut

être située au niveau des (II) pronoms appellatifs : les Français emploient de façon

significative plus fréquemment l’appellatif « vous » que les Néerlandais emploient « u ».

Troisièmement, les (III) « downtowners » (comme « misschien ») sont utilisées davantage par

les Néerlandais. L’équivalent francophone « peut-être » ne s’est pas produit. Quatrièmement,

les francophones tendent à (IV) remercier davantage leur interlocuteur que le font les

néerlandophones. Plus précisément, ils finissent leur requête avec « je vous remercie » (9%).

Chez les Néerlandais, un tel emploi n’est pas repéré. Finalement, les Français ont ajouté dans

la moitié des requêtes (V) une excuse, essentiellement du type « excuses-moi » (46,3%). En

néerlandais, l’apparition d’une excuse est exceptionnelle (2,5%) (van der Wijst 2000 : 199-

201).

Le premier constat de Van Mulken (1996), de son côté, est que les requêtes francophones

sont tout d’abord beaucoup plus longues que celles des néerlandophones (63,6 mots vs. 24,9

mots) (Van Mulken 1996 : 693). Il ressort de son analyse que la stratégie de « query

preparatory » est à la fois la plus fréquente pour les francophones (61%) et pour les

néerlandophones (71%) : « a query preparatory strategy refers to a precondition that must be

fulfilled by the hearer in order to comply with the request » (Van Mulken 1996 : 699). En

d’autre mots : la requête est précédée par une question à l’avance.

Tournons-nous vers la recherche de Danblon, De Clerck & van Noppen (2005). C’est la

seule recherche qui s’oriente spécifiquement vers la situation linguistique en Belgique, raison

pour laquelle cette recherche est particulièrement intéressante pour nous. Mieux encore :

contrairement à nous, ils ont également inclus la région de Bruxelles. Ils ont fait observer

qu’il y a des différences entre la Flandre, la Wallonie et Bruxelles. Ainsi, ils ont conclu que

les requêtes formulées par les Flamands contiennent le plus de marqueurs de politesse (60%).

105

Dans la région de Bruxelles, ce n’est pas encore la moitié des requêtes et en Wallonie il ne

s’agit que de 42% des requêtes. Les marqueurs les populaires sont « alstubieft / s’il vous

plaît » et les indicateurs modaux comme le conditionnel présent « ik zou graag / je voudrais »

(Danblon, De Clerck & van Noppen 2005 : 5).

Nous retenons surtout de la littérature examinée que les requêtes en français dans les sites

commerciales et les sites de service sont formulées d’une manière indirecte conventionnelle.

Le morphème « s’il vous plaît » semble être très fréquent. Sous forme schématique:

La requête à la française

- surtout des formulations adoucies

- quasi-absence des formes impératives

- la tournure elliptique est quand même relativement fréquente dans des tabac-presses

- la présence du conditionnel présence

- la présence du morphème « s’il vous plaît »

- l’emploi standardisé de « vous »

- les requêtes sont assez longues

Figure 29 : La requête à la française

3.2.3.2. La demande d’information

Les résultats des études discutées sous 3.1.2.2. seront au cœur de cette section.

Remarquons que ces études examinent seulement les productions des francophones et des

apprenants néerlandophones du français : leurs énoncés sont donc également prononcés en

français. Quant à nous, nous regarderons des productions néerlandaises des locuteurs

néerlandophones belges.

Ainsi, l’analyse de Flament-Boistrancourt & Debrock (1997) a montré que les structures

intermédiaires sont absentes dans le corpus des apprenants néerlandophones de français. Ce

type de structure est, selon eux, typique pour les francophones. Une autre grande tendance qui

est ressortie de leur recherche, est que les francophones préfèrent manifestement des

interrogations totales inversement aux locuteurs néerlandophones qui optent pour des

interrogations partielles (Flament-Boistrancourt & Debrock 1997 : 98-99).

Leur analyse de la nature de la requête a révélé deux caractéristiques pour les

francophones: il y a les minimisations (l’emploi de « un (petit) peu ») d’une part et les

thématisations (par exemple « donc dans vos actions euh associatives vous vous même

travaillez euh en tant que bénévole ? » d’autre part (Flament-Boistrancourt & Debrock 1999 :

106

102). Dans ces phrases, la tête de l’énoncé sera toujours le thème de la question. Ces procédés

ne sont pas présents dans les interactions des locuteurs non natifs du français.

Pour ce qui est de l’analyse de Flament-Boistrancourt & Cornette (1999), elles ont fait

observer que les structures de type interrogatif dominent. Les structures intermédiaires ne

représentent que 10% du corpus total et les structures assertives n’atteignent qu’un

pourcentage de 3% (Flament-Boistrancourt & Cornette 1999 : 135).

Premièrement, leur analyse confirme celle de Flament-Boistrancourt & Debrock (1997)

dans la mesure où leur corpus a également montré que les néerlandophones ont une nette

préférence pour les interrogations partielles, contrairement aux francophones qui préfèrent

les interrogations totales. Ceci peut être expliqué, selon eux, par le fait que les

néerlandophones sont très fixés sur leur but à atteindre, à savoir obtenir un apport

d’information, raison pour laquelle ils utilisent surtout des interrogations partielles qui

peuvent s’accumuler (Flament-Boistrancourt & Cornette 1999 : 147).

Quant au francophones, ils utilisent l’acte de question avec plus de consensualité : ainsi,

la question ne se trouve donc jamais en position d’ouverture d’une conversation.

Evidemment, ils utilisent parfois des interrogations partielles mais celles-ci ne se trouvent

jamais au début de l’interaction (Flament-Boistrancourt & Cornette 1999 : 147-148).

Au sein de l’interrogation partielle, les néerlandophones ont une préférence pour combien

à l’opposé des francophones qui font le plus souvent appel à quel. Ceci est dû au fait que les

francophones ont utilisé plus de structures déterminatives du type « quel jour » et « quelle

heure » (Flament-Boistrancourt 1999 : 140).

Deuxièmement, les francophones utilisent manifestement plus d’interjections que les

locuteurs non natifs (30 occurrences vs. 1 occurrence). Elles signalent qu’ainsi, les

francophones ont « une réelle inscriptions de l’activité questionnante dans l’énonciation : on

s’assure que le message passe, que l’interlocuteur suit, est d’accord » (Flament-Boistrancourt

& Cornette 1999 : 136).

Finalement, conformément à l’étude de Flament-Boistrancourt & Debrock (1997), les

néerlandophones n’utilisent pas non plus des structures intermédiaires alors que les

francophones les emploient bel et bien.

Ce que ces deux études ont en commun, c’est que les francophones tendent à utiliser

plutôt les interrogations totales contrairement aux néerlandophones qui font surtout recours

aux interrogations partielles. En outre, les structures intermédiaires ont été chaque fois

seulement repérées dans les interactions des Français. Nous vérifierons dans quelle mesure

notre corpus confirme ces constatations.

Faisons le bilan pour ce qui est de la demande d’information des francophones (la figure

30).

107

La demande d’information à la française

- majoritairement des interrogations totales

- la prépondérance des structures interrogatives

- l’emploi fréquent des interjections

- la présence des structures intermédiaires

Figure 30 : La demande d’information à la française

108

3.3. L’ACTE DE REQUETE ET LA DEMANDE D’INFORMATION DANS LES

OFFICES DE TOURISME EN FLANDRE ET EN WALLONIE

3.3.1. GENERALITES

Chaque conversation ne comporte pas nécessairement une requête. Ainsi, nous avons

dénombré 25 requêtes dans le corpus néerlandophone tandis qu’il y en n’a que 22 dans le

corpus francophone.29

L’analyse de la demande d’information de son côté, a été faite sur la base de 17 demandes

d’information dans le corpus francophone et 15 demandes dans le corpus néerlandophone.30

Dans ce qui suit, nous aborderons d’abord l’analyse de la requête (3.3.2.) pour ensuite

passer à l’examen de la demande d’information (3.3.3.). Dans chaque section, nous

discuterons dans un premier temps la nature de l’acte de langage en question et dans un

deuxième temps les procédés d’adoucissement.

3.3.2. LA REQUETE

3.3.2.1. La nature des requêtes

Premièrement, nous avons appliqué la classification proposée sous 3.2.2.1.2 à notre

corpus. Ainsi, nous avons dû constater qu’il y a des requêtes qui ne vont pas dans cette

classification. Nous les avons regroupé dans la catégorie autre et nous verrons que les

exemples néerlandophones dans cette catégorie sont plus nombreux. Ceci s’explique par le

fait que la classification a été établie sur la base de littérature française de sorte qu’elle est

peut-être moins propice pour un corpus néerlandophone.

Les formulations indirectes non conventionnelles sont également incluses dans la

catégorie autre vu qu’il est difficile de distinguer les cas non conventionnels des cas autres.

Nous présenterons les résultats de notre classification sous le tableau ci-dessous dans

laquelle chaque type de requête est affiché avec la fréquence correspondante.

29

Pour les listes des requêtes néerlandophones et francophones, voir annexe 3 & 4. 30

Dans le corpus francophone (40 conversations), il y a une conversation qui ne comporte ni une

demande d’information ni une requête (conversation 3). Il s’agit d’une femme qui avait emporté toutes

sortes de prospectus pour le bureau de Liège. Il s’agit plutôt d’une offre, raison pour laquelle cette

conversation n’entre pas en ligne de compte pour l’analyse de l’acte de la requête ou de l’acte de la

demande d’information. Pour les listes des demandes d’information néerlandophones et francophones,

voir annexe 5 & 6.

109

Requête FR NL

# % # %

Les formulations directes 1. Impératif 0 0 % 0 0 % 2. Tournure elliptique 0 0 % 3 12 % 3. Forme performative 0 0 % 0 0 %

Les formulations indirectes 1. Conventionnelles 12 54,55 % 7 28 % a. structure interrogative

à la 2ième personne avec

le verbe « pouvoir » ou

« vouloir » à l'ind. ou

cond.

0 0 % 0 0 %

b. question sur la

possibilité qu'a le

destinataire de fournir

l'objet

9 40,91 % 5 20 %

c. assertions à la

première personne avec

les verbes « aimer » au

cond. ou « vouloir » à

l'ind. ou cond.

3 13,64 % 2 8 %

2. Autre 10 45,45 % 15 56 %

Total 22 100 % 25 100 %

Tableau 10 : Chiffres globaux pour la requête31

Chaque sous-type sera discuté dans un paragraphe à part.

3.3.2.1.1. Les formulations directes

Nous n’avons pas rencontré des formulations directes dans le corpus francophone à

l’inverse du corpus néerlandophone où nous avons repéré 3 exemples (12%). Dans tous ces

cas, il s’agissait des tournures elliptiques. Dans ces interactions, les visiteurs se limitent à

l’essentiel de leur visite, à savoir à la formulation de l’objet qu’ils aimeraient obtenir.

Extrait 56

E1 : goeiedag meneer

V1 : goedenavond een plattegrond ?

Corpus NL conversation 39

Il est clair dans l’extrait que le visiteur n’orne pas sa requête. De telles formulations ne

sont pas prototypiques, mais elles peuvent bel et bien se produire dans un office de tourisme

néerlandophone. Par contre, ces formulations seront donc très marquées dans un office de

tourisme francophone. Ceci confirme les analyses de Kerbrat-Orecchioni (2008a) et Dumas

31

L’application précise de la classification à notre corpus est disponible en annexe 7.

110

(2008) qui ont constaté que les formulations directs sont, en effet, beaucoup plus rares que les

formulations indirectes.

3.3.2.1.2. Les formulations indirectes conventionnelles

La majorité des requêtes dans le corpus francophone sont des formulations indirectes

conventionnelles (54,54%). Cependant, dans le corpus néerlandophone, ce type ne représente

que 28% des requêtes. Ceci est dû au grand nombre de requêtes néerlandophones qui sont

intégrées au sein de la catégorie autre (cf. infra). La catégorie structures interrogatives à la

deuxième personne avec le verbe « pouvoir » ou « vouloir » à l’indicatif ou au conditionnel

est absent dans nos corpus.

Par contre, la catégorie des questions sur la possibilité qu’a le destinataire de fournir

l’objet est bel et bien présente dans les corpus : 40,91% dans le corpus francophone et 20%

dans le corpus néerlandophone. Ce type semble être la formulation favorite des francophones

tandis que les néerlandophones font davantage recours à d’autres types de formulation.

Regardons un extrait pour chaque langue (l’extrait 57 et extrait 58).

Extrait 57

V1 : bonjour

E1 : bonjour

V1 : vous avez des euh un petit un petit un petit plan de promenade pour le centre historique ?

Corpus FR conversation 1

Extrait 58

E1 : dag

V1 : hebt gij een kaartje van Oostende ?

Corpus NL conversation 19

Dans les extraits 57 et 58, le but du visiteur est donc d’obtenir un certain objet, à savoir

un plan de la ville. Remarquons que le visiteur néerlandophone opte ici pour le pronom « gij »

tandis que le visiteur francophone fait recours au vouvoiement. De telles formulations sont

toujours orientées vers l’employé, raison pour laquelle Kerbrat-Orecchioni (2008b : 101) les

appelle des structures dites « other-oriented ».

Le deuxième type indirect qui est présent dans nos deux corpus, est l’assertion à la

première personne avec les verbes « aimer » ou « vouloir » à l’indicatif ou au conditionnel.

111

Ces tournures sont beaucoup plus rares en comparaison des questions sur la possibilité qu’a

le destinataire de fournir l’objet. De manière plus précise, nous avons constaté que le corpus

francophone contient 3 assertions (13,64%) de ce type et le corpus néerlandophone en a 2

(8%) (l’extrait 59 et l’extrait 60). Ces formulations sont donc moins prototypiques pour la

formulation d’une requête.

Extrait 59

E1 : bonjour

V1 : bonjour

V1 : je veux avoir euh une carte des des randonnées s’il vous plaît on voulait aller euh vers la

montagne de X et du côté et aller du côté des X

Corpus FR conversation 18

Extrait 60

V1 : wij willen ook zo’n boekje van Musee alstublieft

E1 : ja

Corpus NL conversation 15

A l’inverse des questions sur la possibilité qu’a le destinataire de fournir l’objet, ces

formules sont « self-oriented » : la requête est introduite de la perspective du demandeur. Il

faut remarquer que le deuxième exemple dans le corpus néerlandophone est un exemple

spécial et exceptionnel (l’extrait 61):

Extrait 61

E1 : goeiedag

V1 : hallo euh we zouden graag die Marvin Gaye wandeling

E1 : had u gereserveerd ?

Corpus NL conversation 20

En effet, la construction « we zouden graag » n’est grammaticalement pas correcte : il ne

s’agit pas d’un cas voulu d’ellipse. Le verbe a été clairement omis dans cet énoncé. La cause

pour cette omission n’est pas facile à retracer : il ne s’agit pas d’un cas de chevauchement et

le visiteur parle d’une façon très claire et lente. Cependant, après la prononciation du mot

« wandeling », le visiteur a introduit une pause. L’employé de son côté, se sert de cette pause

pour introduire une question. Apparemment, elle avait déjà compris le but de la requête du

visiteur si bien qu’elle ne lui laisse pas finir sa phrase. Ceci ne s’est pas produit d’une façon

brutale étant donné la lenteur des énoncés. Néanmoins, l’employé a fait intrusion dans le tour

de parole du visiteur.

112

Etant donné l’omission du verbe, nous avons quand même catégorisé cette requête dans la

classe des assertions à la première personne avec les verbes « aimer » ou « vouloir » parce

que la construction néerlandaise « X zou graag + infinitif » se traduit en français par le verbe

« aimer ».

Les autres requêtes repérées dans le corpus ne vont pas dans les catégories discutées ci-

dessus, raison pour laquelle nous avons créé la catégorie autre.

3.3.2.1.3. Autre

Il s’agit de 14 des 25 requêtes néerlandophones (56%) qui ont été classifiées dans la

catégorie autre par opposition à 10 requêtes des 22 dans le corpus francophone (45,45%). Par

ailleurs, vu qu’il est difficile de distinguer les cas non conventionnels des cas autres, nous

avons opté pour les intégrer dans une seule catégorie, à savoir autre. Ainsi, nous avons

distingué quatre types dans la catégorie autre :

1. Le but de l’activité est clairement exprimé

2. Une requête/demande de permission

3. Une description de la situation

4. Cas ambigu (but + description de la situation)

Nous pouvons expliquer la présence de ces cas à partir de la nature de notre corpus: la

classification sur laquelle nous nous sommes basée, s’appuie surtout sur la littérature en

contexte commercial. Comme un office de tourisme n’est pas un vrai site commercial mais

plutôt un site de service, il est donc possible que notre classification ne soit pas satisfaisante.

Il est vrai que dans les extraits que nous avons discutés ci-dessus, le but de l’activité est

également souvent très clair, par exemple dans les tournures elliptiques « een plattegrond ? ».

La raison pour laquelle nous avons inclus certaines requêtes dans la catégorie globale autre,

est parce qu’elles ne répondent pas aux critères formels qui sont imposés par les catégories

dans la classification (par exemple une assertion à la première personne avec les verbes

« aimer » ou « vouloir » à l'indicatif ou au conditionnel).

En outre, à côté de ces quatre types supplémentaires, nous avons rencontré une

construction dans le corpus néerlandophone qui est absente dans le corpus francophone. Il

s’agit de la construction « ik/wij had(den) graag X » ce qui est un imparfait modal (Roels,

Mortelmans & Van Der Auwera 2007). Nous y revenons encore plus tard dans cette section.

Voici le tableau global qui regroupe tous les types que nous avons distingués au sein de la

classe autre avec leurs fréquences correspondantes.

113

Autre FR NL

# % # %

1. But de l’activité est exprimé 5 22,73 % 3 12 %

2. Requête de permission 1 4,55 % 6 20 %

3. Description de la situation 3 13,64 % 3 12 %

4. Ambigu : but + description 1 4,55 % 0 0 %

5. Imparfait modal 0 0 % 3 12 %

Tableau 11 : Les formulations autres dans le corpus FR/NL

Chaque sous-type sera clarifié ci-dessous avec un exemple français ou néerlandais.

(1) Commençons avec les requêtes dans lesquelles le but de l’activité est exprimé. Ces

types de requêtes constituent plus d’un cinquième du corpus francophone (22,73%) et ils

obtiennent un pourcentage de 12% dans le corpus néerlandophone. Regardons un exemple.

Extrait 62

E1 : je peux vous aider madame ?

V1 : oui euh je reviens pour avoir des X plusieurs des X en anglais madame de (.) la X a téléphoné

Corpus FR conversation 6

En effet, le but de l’énoncé est très clair. Dans ces types de requêtes, la préposition

« pour » pour le français et « voor » pour le néerlandais est très souvent présente. Cette

préposition indique le but de la requête. Remarquons également que ces requêtes sont,

conformément aux assertions à la première personne avec les verbes « aimer » ou « vouloir »

des formulations conventionnelles directes, également « self-oriented » : l’énoncé est réalisé

de la perspective du visiteur, visible dans l’emploi des pronoms personnels à la première

personne (cf. « je » dans l’extrait 62).

(2) Les requêtes/demandes de permission de leur côté, semblent être une tournure

typiquement néerlandaise où elles constituent un cinquième du corpus (20%). Par contre, la

requête de permission n’est apparue qu’une fois dans le corpus francophone (4,55%). Nous

éclaircissons ce type de requête avec l’extrait 63.

Extrait 63

E1 : dag mevrouw

V1 : mag ik mag ik de fietsroute alstublieft ?

Corpus NL conversation 8

114

A première vue, cette requête ressemble à la question sur la possibilité qu’a le

destinataire de fournir l’objet au sein des formulations indirectes conventionnelles (cf.

l’extrait 58 « hebt gij een kaartje van Oostende »). Cependant, il y a une grande différence

formelle entre les deux types de tournures. Ainsi, les requêtes sur la possibilité qu’a le

destinataire de fournir l’objet sont « other-oriented », donc orientées vers l’interlocuteur (cf.

l’extrait 58 « hebt gij »), tandis que les requêtes de permission sont « self-oriented », donc

orientées vers le locuteur-même (cf. l’extrait 64 : « mag ik »). Néanmoins, ces deux types ont

le même but, à savoir d’obtenir un objet.

(3) Le troisième sous-type distingué au sein de la catégorie autre, est la description de la

situation. De telles formules sont très implicites parce que l’employé doit deviner le but de la

visite à partir d’une description (l’extrait 64).

Extrait 64

E2 : bonjour

V2 : bonjour il paraît qu’on a sorti une carte concernant euh la bataille des Ardennes

Corpus FR conversation 2

Le visiteur dans l’extrait 64 raconte qu’une certaine carte est sortie, mais elle n’explicite

pas vraiment qu’elle veut la carte, raison pour laquelle cet énoncé est implicite. Nous avons

dénombré 3 descriptions de ce type dans chaque corpus (13,64% dans le corpus francophone

et 12% dans le corpus néerlandophone).

(4) Cependant, parfois il est difficile d’attribuer une requête à une catégorie. Ceci

explique pourquoi nous avons créé une catégorie ambiguë. Néanmoins, il y a seulement une

requête ambiguë dans tout le corpus, plus précisément dans le corpus francophone. Il s’agit

d’un exemple dans lequel un but et une description sont précisés. Regardons l’exemple.

Extrait 65

E1 : bonjour

V1 : bonjour

V1 : nous cherchons un plan

Corpus FR conversation 12

(5) Finalement, nous avons signalé qu’il y a une structure particulière dans le corpus

néerlandais, à savoir l’imparfait modal « ik/wij had(den) graag X » (Roels, Mortelmans &

Van Der Auwera 2007). C’est une des constructions possibles du néerlandais pour exprimer

d’une manière conventionnelle une requête, comparables à « je voudrais » ou « j’aimerais »

115

en français. Comme nous nous sommes basée sur la littérature traitant le français, nous

n’avons donc pas rencontré cette structure mais selon nous, elle peut bel et bien être

considérée comme conventionnelle. Elle est repérée trois fois dans le corpus néerlandais

(12%). Voici un exemple (l’extrait 66).

Extrait 66

V1 : goeiemorgen

E1 : goeiemorgen

V1 : ik had graag een plattegrond van de stad van Oostende

Corpus NL conversation 4

Le français connaît également un emploi semblable, mais il fait plutôt recours au verbe

« vouloir » (cf. infra, l’extrait 68 « je voudrais un plan avec des photos »). Ces phrases sont

incluses dans la catégorie de structure interrogative à la deuxième personne avec le verbe

« pouvoir » ou « vouloir » à l'indicatif ou au conditionnel, au sein des formulations indirectes

dans la classification.

Tout bien considéré, il est clair que notre classification établie a priori n’est pas

satisfaisante. Voilà pourquoi nous proposons la classification à laquelle nous sommes arrivée

dans le tableau ci-dessous (le tableau 12). A côté des catégories existantes, les nouvelles

catégories sont ajoutées. En outre, nous soulignerons les différences entre les formulations qui

sont self-oriented et other-oriented (Kerbrat-Orecchioni 2008b). Ceci montre qu’une

classification n’est jamais exhaustive parce que la langue parlée est tellement riche.

116

Requêtes FR NL

# % # %

Les formulations directes 1. Impératif 0 0 % 0 0 % 2. Tournure elliptique 0 0 % 3 12 % 3. Forme performative 0 0 % 0 0 %

Les formulations indirectes 1. Conventionnelles 12 54,55 % 7 28 % a. structure interrogative

à la 2ième personne avec

le verbe « pouvoir » ou

« vouloir » à l'ind. ou

cond. (other-oriented)

0 0 % 0 0 %

b. question sur la

possibilité qu'a le

destinataire de fournir

l'objet (other-oriented)

9 40,91 % 5 20 %

c. assertions à la

première personne avec

les verbes « aimer » au

cond. ou « vouloir » à

l'ind. ou cond. (self-

oriented)

3 13,64 % 2 8 %

3. Autre 10 45,45 % 15 56 % a. but de l’activité est

exprimé (self-oriented) 5 22,73 % 3 12 %

b. requête de permission

(self-oriented) 1 4,55 % 6 20 %

c. description de la

situation (self- ou other

oriended)

3 13,64 % 3 12 %

d. ambigu : but +

description (self-

oriented)

1 4,55 % 0 0 %

e. imparfait modal (self-

oriented) 0 0 % 3 12 %

Total 22 100 % 25 100 %

Tableau 12 : Nouvelle classification pour l’acte de la requête

En faisant la somme de toutes les formulations indirectes self-oriented et other-oriented,

nous obtenons les résultats ci-dessous :

Formulations indirectes self-

ou other-oriented

FR NL

# % # %

Self-oriented 10 45,47 % 14 63,64 %

Other-oriented 9 40,91 % 5 22,73 %

Self- ou other oriented32

3 13,64 % 3 13,64 %

Total 22 100 % 2233

100 %

Tableau 13 : Formulation indirectes self-oriented ou other-oriented (FR/NL)

32

La sous-catégorie « description de la situation » peut être à la fois self-oriented ou other-oriented,

dépendant de la situation de l’énonciation. 33

Les tournures elliptiques (3 occurrences) ne sont pas prises en compte dans ce tableau. Voilà

pourquoi le nombre total de requêtes est 22 au lieu de 25.

117

En guise de résumé, les requêtes des néerlandophones sont majoritairement self-oriented

(63,64%) alors que la différence entre les formulations self-oriented et other-oriented est plus

petite dans le corpus francophone (45,47% vs. 40,91%).

3.3.2.2. Les adoucisseurs

Cette section des adoucisseurs est divisée en trois parties: dans un premier temps, nous

comparons les deux corpus sur le plan du nombre d’adoucisseurs (3.3.2.2.1.). Dans un

deuxième temps, nous regarderons de plus près les préférences des locuteurs néerlandophones

et francophones (3.3.2.2.2) et les énoncés non adoucis seront discutés dans la dernière partie

(3.3.2.2.3.).

3.3.2.2.1. Nombre d’adoucisseurs

La tendance générale dans nos corpus est, conformément aux analyses de Kerbrat-

Orecchioni (2008b) et Dumas (2008), à adoucir les requêtes. Voici quelques chiffres globaux.

Chiffres globaux FR NL

# (total 22) % # (total 25) %

Requêtes adoucies 14 68,18 % 15 64 %

Nombre moyen d’adoucisseurs

par requête

0,86 1

Tableau 14 : Chiffres globaux de l’adoucissement des requêtes

La part des requêtes adoucies est légèrement supérieure dans le corpus francophone :

68,18% des requêtes y reçoivent au moins un adoucisseur ; dans le corpus néerlandophone il

s’agit de 64% des requêtes. Cependant, par requête il y a en moyenne 1 adoucisseur dans le

corpus néerlandophone tandis que cette moyenne ne s’élève qu’à 0,86 adoucisseur pour les

requêtes françaises.

Ces moyennes différentes s’expliquent par le nombre moyen d’adoucisseurs par requête :

le plus souvent, la règle est un adoucisseur par requête. Toutefois, 5 des 25 requêtes

néerlandophones ont plus d’un adoucisseur (à savoir 2, 2, 2, 2 et 6 adoucisseurs). Dans le

corpus francophone de son côté, il y a 3 requêtes qui contiennent plus d’un adoucisseur

(respectivement 2, 3 et 2 adoucisseurs). Vu qu’une requête contient rarement plus d’un

118

adoucisseur, nous discuterons brièvement l’exemple néerlandais dans lequel il y a 6

adoucisseurs (l’extrait 67):

Extrait 67

V1 : hallo ik heb euh een klein vraagje hebben jullie toevallig een boekje van Leuven met veel

foto’s in (.) ‘t is zo er zijn collega’s van euh vanuit Afrika hier en we wouden zoiets meegeven (.)

waar dat ze zoiets aan hebben (inaud.)

Corpus NL conversation 34

L’énoncé a été découpé en fonction des adoucisseurs présents :

1. Préface : « ik heb euh een klein vraagje »

2. Stratégie du pessimisme : « toevallig »

3. Minimisateurs (2) : « vraagje » et « boekje »

4. Justification : « ‘t is zo er zijn collega’s van euh vanuit Afrika en we wouden

zoiets meegeven (.) waar dat ze zoiets aan hebben (inaud.) »

5. Desactualisateur : « wouden »

Evidemment, cette requête d’une personne influence énormément les moyennes pour le

corpus néerlandais.

Etant donné ces différences globales, tournons-nous maintenant vers la discussion des

préférences concernant les procédés d’adoucissement pour les néerlandophones et les

francophones.

3.3.2.2.2. Préférence des procédés d’adoucissement

Les francophones et les néerlandophones font généralement recours aux mêmes procédés

d’adoucissement, à savoir (I) la justification, (II) les désactualisateurs, (III) les préfaces, (IV)

les minimisateurs et (V) l’emploi du morphème « s’il vous plaît ». Les distributions précises

pour chaque langue sont représentées dans les graphiques ci-dessous.

119

Graphique 17: Procédés d’adoucissement FR (requête)

Graphique 18: Procédés d’adoucissement NL (requête)

La ressemblance la plus frappante concerne l’emploi des désactualisateurs. Ce procédé

est utilisé 6 fois dans chaque corpus. Regardons un exemple français (l’extrait 68).

Extrait 68

E1 : bonjour

V1 : bonjour

V1 : je voudrais un plan avec des photos

Corpus FR conversation 21

5

6

3

2

3

Procédé d'adoucissement FR

justification

désactualisateur

préface

minimisateur

s'il vous plaît

3

6

1

11

3

3

Procédés d'adoucissement requête NL

justification

désactualisateur

préface

minimisateur

stratégie dupessimisme

s'il vous plaît

120

Un désactualisateur peut être de nature modale (conditionnel) ou temporelle (imparfait)

(Kerbrat-Orecchioni 2008b : 104). Le désactualisateur dans cet énoncé est de nature modale

(le conditionnel présent). L’emploi fréquent du conditionnel des néerlandophones a

également été constaté dans les recherches de van der Wijst (2000 : 199-201) et Danblon, De

Clerck & van Noppen (2005 : 5).

Pour ce qui est des autres ressemblances, nous faisons observer que l’emploi du

morphème « s’il vous plaît » n’est pas très fréquent (3 occurrences dans chaque corpus) et

l’emploi des préfaces (« je peux te demander quelque chose ? » (Kerbrat-Orecchioni 2008b :

104) n’est pas très fréquent non plus dans les deux langues (3 occurrences dans le corpus

français et 1 occurrence dans le corpus néerlandais).

Par contre, il y a trois grandes différences sur le plan d’adoucissement entre les locuteurs

néerlandophones et francophones.

(1) Premièrement, il y a un procédé qui est présent dans le corpus néerlandais, mais

absent dans le corpus français, à savoir la stratégie du pessimisme (3 occurrences). En

utilisant cette stratégie, le locuteur tient compte de la possibilité que le produit demandé ne

soit pas disponible. Ceci se traduit par l’ajout des petits mots comme « par hasard/toevallig »,

« parfois/soms » ou « peut-être/misschien ».

Prenons l’extrait 67 avec 6 adoucisseurs que nous avons discuté ci-dessus. Dans cet

énoncé, le visiteur fait également recours à la stratégie du pessimisme par l’emploi du mot

« toevallig ». Comme ce procédé est absent dans le corpus français, il semble être une

caractéristique néerlandaise. Ceci confirme la recherche de van der Wijst (2000) : il a

également constaté que l’emploi de ces mots est typique pour les néerlandophones des Pays-

Bas : à ce niveau, les Flamands se rapprochent donc des Néerlandais. Or, il les appelle

« downtoners » (van der Wijst 2000). Comme nous travaillons avec la terminologie de

Kerbrat-Orecchioni (2008b), nous utilisons le terme stratégie du pessimisme, mais la

signification est la même.

(2) Deuxièmement, l’emploi des minimisateurs est omniprésent dans le corpus

néerlandais (11 occurrences) tandis que c’est exceptionnel dans le corpus francophone (2

occurrences). Ceci s’explique selon nous morphologiquement : pour minimaliser, le

néerlandais a deux possibilités : l’ajout de l’adjectif « klein » d’une part et l’ajout du suffix « -

je » d’autre part. Les francophones de leur côté, n’ont pas cette deuxième possibilité, raison

pour laquelle ils utilisent peut-être moins de minimisateurs en comparaison des

néerlandophones.34

Ce constat confirme à nouveau celui de Kerbrat-Orecchioni (2008a : 118-

121) vu que les francophone dans son analyse utilisent rarement des minimisations.

34

En outre, l’emploi de « petit » « risque d’entraîner une ambiguïté, c’est-à-dire un conflit entre la

valeur rituelle et le sens littéral » (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 119).

121

(3) Troisièmement, la justification est employée plus par les francophones (5 occurrences

que par les néerlandophones (3 occurrences). Le locuteur justifie littéralement sa requête avec

ce procédé, comme c’est le cas dans l’extrait 69.

Extrait 69

E1 : bonjour

V1 : bonjour

V1 : nous sommes institutrices à X de Liège c’est pour savoir si nous pouvons avoir des des plans

gratuits déjà beaucoup c’est pour quatre classes de 25

Corpus FR conversation 28

La justification dans cet énoncé implique deux choses : le fait d’être institutrice à Liège

d’une part et les quatre classes d’autre part. Avec l’énonce « nous sommes institutrices »,

elles justifient le fait d’obtenir des plans gratuits et avec l’énoncé « c’est pour quatre classes

de 25 » elles justifient qu’elles en veulent plusieurs.

Bref, une requête peut être plus ou moins adoucie. Or, le procédé inverse peut également

se produire, à savoir le non-adoucissement des requêtes.

3.3.2.2.3. Non-adoucissement

Les procédés de non-adoucissement sont extrêmement rares dans un office de tourisme

car les conversations dans un tel office sont des conversations polies. Cela explique pourquoi

la plupart des requêtes dans nos corpus sont adoucies. Toutefois, certaines requêtes ne sont

pas adoucies et parmi celles-ci le procédé inverse, le non-adoucissement, même si rare, est

présent. La question se pose alors si ces formulations sont vraiment considérées étant

brutales. Répétons d’abord les trois procédés de non-adoucissement que nous avons distingué

dans l’état de la question (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 102-104) :

1. Des assertions en « je veux »

2. Assertions comportant un modalisateur déontique (à valeur d’obligation), « tu

dois »

3. Des aggravateurs : morphèmes d’insistance ou d’impatience (par exemple

« immédiatement » et « tout de suite »)

Ainsi, nous avons dénombré 2 assertions en « je veux » dans le corpus néerlandais et 1

dans le corpus français.

122

Extrait 70

E1 : goeiemiddag

V1 : wij willen Jan Hoet bezoeken euh

Corpus NL conversation 16

Extrait 71

E1 : bonjour

V1 : bonjour

V1 : je veux avoir euhm une carte des randonnées s’il vous plaît on voulait aller vers la montagne

de X et du côté et aller du côté des X

Corpus FR conversation 18

Pour ce qui est de l’extrait 70 du corpus néerlandophone, il s’agit d’un homme plus âgé

qui a formulé la requête. La requête est formulée d’une manière hésitante, visible dans

l’emploi du mot « euh ». L’employé de son côté, se sert de cette hésitation de donner

immédiatement plus d’information sur l’exposition de Jan Hoet. Bref, l’employé n’a

nullement considéré cette requête comme brutal, mais la requête n’est donc pas adoucie.

L’autre exemple du corpus néerlandais est très semblable à celui-ci, seulement la requête

est adoucie avec le morphème « s’il vous plaît ». Le visiteur a donc fait recours à une

assertion à « je veux », mais en même temps il a adouci sa requête par le morphème « s’il

vous plaît ». Cette requête est donc à la fois durcie et adoucie. 35

Ceci est également valable pour l’extrait 71 du corpus francophone : la structure est bel et

bien une assertion en « je veux », mais en même temps l’énoncé est adoucie par deux

procédés, à savoir l’emploi du morphème « s’il vous plaît » d’une part et la justification (« on

voulait aller euh vers […] ») d’autre part.

Pour finir, nous avons constaté la présence d’un aggravateur (« ou pas ») dans le corpus

francophone. Il s’agit de l’extrait suivant :

Extrait 72

E1 : bonjour

V1 : vous avez un plan du tourisme ou pas ?

Corpus FR conversation 10

35

Il s’agit de la conversation 15, voir annexe 4.

123

Il est clair que cette requête est durcie par la présence de l’aggravateur « ou pas ». En

outre, le locuteur n’avait pas pris contact avec l’employé. De tels exemples sont très

exceptionnels dans un office de tourisme.

Bref, il y a en effet des procédés de non-adoucissement dans nos corpus mais à côté de

ces procédés, les requêtes sont quand même encore adoucies par le biais d’autres

adoucisseurs à l’exception des extraits 72 et 70.

3.3.2.3. Conclusion

L’acte de la requête a été analysé à partir d’un corpus néerlandais composé de 25

requêtes et un corpus français composé de 22 requêtes.

Pour ce qui est de la nature des requêtes, nos deux corpus divergent beaucoup. Pour

commencer, nous avons constaté que les formulations directes sont absentes dans le corpus

francophone tandis qu’il y a 3 tournures elliptiques dans le corpus néerlandais. Il semble donc

que les néerlandophones acceptent davantage des tournures directes en comparaison de leurs

compatriotes francophones, mais il est incontestable que les francophones préfèrent des

formulations indirectes comme Kerbrat-Orecchioni (2008a) et Dumas (2008) l’ont constaté.

Deuxièmement, les formulations indirectes conventionnelles constituent la majorité des

requêtes françaises (54,55%). Au sein de cette catégorie, la question sur la possibilité qu’a le

destinataire de fournir l’objet est clairement la tournure française favorite (40,91%). Ce sous-

type est également présent dans le corpus néerlandais (20%), mais ce n’est pas la tournure

occupant la première place. Les formulations indirectes conventionnelles sont en général

également très fréquentes dans le corpus néerlandais (28%), mais la plupart des requêtes

néerlandaises ont été incluses dans la catégorie autre.

Quatre sous-types ont été distingués au sein de la catégorie autre : (I) le but de l’activité

qui est exprimé, (II) la requête/demande de permission, (III) la description de la situation et

(IV) les cas ambigus. La présence de ces types peut être expliquée à partir de notre corpus qui

n’est pas, comme la littérature dans l’état de la question, enregistré dans un contexte

commercial, mais dans un site de service. Ceci explique donc pourquoi la classification

établie au préalable n’est pas satisfaisante.

La requête de permission est la plus populaire chez les néerlandophones (20%) tandis que

les francophones expliquent plus souvent le but de leur activité (22,73%). En outre, nous

avons fait observer que les requêtes des néerlandophones sont majoritairement self-oriented

(63,64%) alors que la différence entre les formulations self-oriented et other-oriented est plus

petite dans le corpus francophone (45,47% vs. 40,91%).

124

Finalement, la plupart des requêtes sont adoucies dans nos corpus (68,18% dans le corpus

francophone et 64% dans le corpus néerlandophone) (cf. Kerbrat-Orecchioni 2008a et Dumas

2008). Les francophones ont une nette préférence pour les procédés de justification et les

désactualisateurs. Les néerlandophones, en revanche, préfèrent les minimisateurs. La

préférence des francophones pour les désactualisateurs a été déjà signalée par van der Wijst

(2000). En outre, la stratégie du pessimisme est seulement repérée dans le corpus néerlandais,

raison pour laquelle nous la considérons comme une stratégie qui est typique pour les

néerlandophones, ce qui est également confirmée par van der Wijst (2000).

Toutefois, les procédés de non-adoucissement sont également présents dans les corpus

mais ces durcissements explicites sont presque toujours adoucis par d’autres adoucisseurs

comme le morphème « s’il vous plaît » ou la justification.

125

3.3.3. LA DEMANDE D’INFORMATION

Conformément à l’analyse de l’acte de la requête, nous traiterons dans un premier temps

la nature linguistique des demandes d’information (3.3.3.1.). Dans un deuxième temps, nous

nous pencherons sur les procédés d’adoucissement (3.3.3.2.).

3.3.3.1. La nature des demandes

Nous avons constaté que les deux corpus présentent beaucoup de ressemblances au

niveau de la nature linguistique de cet acte de langage, ce qui est différent par rapport à

l’analyse de la requête (cf. supra). Néanmoins, conformément à l’analyse de la requête, une

catégorie autre a été créée afin d’y regrouper les demandes qui ne vont pas dans la

classification. Cette fois-ci, les deux langues contiennent un nombre faible de demandes

regroupées dans la catégorie autre (4 pour le français et 1 pour le néerlandais).

Les résultats de notre classification sont représentés ci-dessous, dans le tableau 15. Nous

avons fait la distinction entre la forme de la demande d’une part et la nature de la demande

d’autre part. Pour ce qui est de la forme, nous avons vérifié dans quelle mesure les demandes

sont totales ou partielles. Ensuite, la distribution des formulations directes, indirectes,

assertives et autres sont représenté dans « nature de la demande ».

Demande d’information FR NL

# % # %

Forme de la demande

Totale 13 76,47 % 10 66,67 %

Partielle 4 23,53 % 5 33,33 %

Nature de la demande

Directe 11 64,71 % 13 86,67 %

Indirecte 1 5,88 % 1 6,67 %

Structures assertives 0 0 % 0 0 %

Autre 4 23,53 % 1 6,67 %

Inanalysable 1 5,88 % 0 0 %

Total 17 100 % 15 100 %

Tableau 15 : Chiffres globaux pour la demande d’information36

Les chiffres dans le tableau 15 montrent les grandes tendances. Pour ce qui est de la

forme, il est clair que les demandes totales dominent tout le corpus. Ceci est contraire aux

résultats de Flament-Boistrancourt & Debrock (1997) et de Flament-Boistrancourt & Cornette

(1999) qui avaient constaté que les néerlandophones préfèrent manifestement des demandes

partielles à l’opposé des francophones qui optent pour les demandes totales.

36 Pour l’application précise de la classification, voir annexe 8.

126

En ce qui concerne la nature des demandes, les formulations directes sont les tournures

favorites des deux groupes de langues, surtout dans le corpus néerlandophone où ces

formulations constituent 86,67% du total. Chaque type de formulation sera traité dans une

sous-section.

Avant de passer à ces discussions, il faut attirer l’attention sur la catégorie inanalysable.

En effet : une demande du corpus ne se prêtait pas à l’analyse. Il s’agit d’un énoncé peu

cohérent où une dame très âgée a la parole. Les employés affirmaient qu’elle est sénile, raison

pour laquelle ses paroles sont presque incompréhensible (l’extrait 73). Voilà pourquoi nous

ne l’avons pas pris en considération de l’analyse.

Extrait 73

V1 : bonjour monsieur

E1 : bonjour

V1 : alors je veux quelque chose pour (…) maresous (?)

E1 : maredsous ?

V1 : oui oui c’est maredsous j’ai vu X le TV et X

Corpus FR conversation 33

Par ailleurs, cet exemple montre qu’une classification linguistique comme nous l’avons

établie, n’est pas capable de saisir la complexité et la richesse de la langue parlée.

Dans ce qui suit, nous regarderons d’abord de plus près les formulations directes de la

demande d’information (3.3.3.1.1.), les formulations indirectes seront au cœur de la deuxième

sous-section (3.3.3.1.2.) et finalement nous aborderons les exemples classifiés dans la

catégorie autre (3.3.3.1.3.).

3.3.3.1.1. Les formulations directes

Il est incontestable que les formulations directes sont dominantes dans nos corpus

(86,67% dans le corpus néerlandophone et 64,71% dans le corpus francophone). Une

demande d’information est directe lorsqu’elle possède des marqueurs spécifiques (Kerbrat-

Orecchioni 2008b). Dans le tableau ci-dessous, la distribution spécifique de ces marqueurs est

donnée pour les deux groupes de langues.

127

Marqueurs de la demande

directe

# FR (11) # NL (13)

Lexical 0 2

Morpho-syntaxique 5 4

Syntaxique 0 9

Prosodique 9 9

Total 14 23

Tableau 16 : Les marqueurs des demandes d’information directes (FR/NL)

Comme le tableau l’indique, le marqueur prosodique est presque toujours présent dans les

demandes néerlandophones et francophones, ce qui correspond à 69,23% des demandes

directes néerlandophones et 81,82% des demandes directes francophones. L’intonation

ascendante a donc une grande importance dans les deux langues. Cette préférence pour la

structure interrogative est confirmée par Flament-Boistrancourt & Cornette (1999) : ces

structures dominent également dans leur corpus (francophones vs. apprenants

néerlandophones de français).

Il se peut également qu’une demande d’information directe soit marquée à plusieurs

niveaux, par exemple au niveau prosodique et syntaxique. Ces marquages dites

supplémentaires sont beaucoup plus fréquents dans le corpus néerlandophone : dans 13

demandes d’information, 23 marques directes ont été repérées alors qu’il n’y en a que 14 dans

le corpus francophone (dans 11 demandes d’information directes). Les néerlandophones

tendent donc à marquer davantage leur demande d’information d’une façon explicite, c’est-à-

dire avec plus de marqueurs.

(1) Premièrement, le marquage lexical a été seulement repéré dans le corpus

néerlandophone avec la présence des verbes performatifs. Ce type de formulations est absent

dans le corpus francophone. Dans le corpus néerlandophone, 2 verbes performatifs ont été

dénombrés comme l’extrait 74 le montre.

Extrait 74

E1 : goeiedag

V1 : wij willen vragen hoe het zat met die digitale (.) wandeling van De Grote Oorlog euh kunnen

wij daar naartoe ?

Corpus NL conversation 26

L’autre exemple néerlandophone est un peu différent de celui-ci dans la mesure où ce

n’est pas le verbe « vragen » qui est central, mais « zich afvragen » : « en we vroegen ons af

als ter nog euh X speelden ». 37

Ces deux verbes diffèrent dans leur orientation. Ainsi, le

37

Il s’agit de la conversation 9, voir annexe 6.

128

verbe « vragen » est orienté vers l’interlocuteur tandis que le verbe « zich afvragen » est

plutôt orienté vers le locuteur-même.

(2) Pour ce qui est du marquage morpho-syntaxique, les deux groupes de langues se

comportent d’une manière comparable (5 occurrences dans le corpus francophone et 4

occurrences dans le corpus néerlandophone). Ainsi, nous avons dénombré trois types de mots

interrogatifs dans le corpus néerlandophone, à savoir « welke » (1 occurrence), « hoeveel » (2

occurrences) et « wanneer » (1 occurrence).

Dans le corpus francophone, en revanche, il n’y a qu’un type présent, à savoir le mot

interrogatif « où » (3 occurrences). Or, les locuteurs francophones ont une possibilité dite

morphologique que leurs compatriotes néerlandophones n’ont pas, à savoir l’emploi du

morphème interrogatif « est-ce-que ». Le morphème est apparu 2 fois dans le corpus.

(3) Cependant, la différence la plus frappante se situe au niveau syntaxique, c’est-à-dire à

l’inversion du sujet et verbe. Ce phénomène est absent dans le corpus français : les locuteurs

n’aiment donc pas de changer l’ordre des mots. Les néerlandophones de leur côté, inversent

presque toujours le sujet et le verbe en posant une demande d’information (9 fois des 13

demandes directes, 69,23%). Ceci est confirmé dans la recherche de Flament-Boistrancourt &

Cornette (1999 : 139) : les inversions (de clitiques) sont rarement employées par les

francophones alors que celles-ci sont omniprésentes dans le corpus néerlandophone.

Regardons un exemple (l’extrait 75).

Extrait 75

V1 : dag mevrouw

E1 : mevrouw

V1 : heeft u meer informatie over de grote koren en ouvertures van 1 februari ?

Corpus NL conversation 10

Le marquage syntaxique d’une demande d’information semble donc être une stratégie

typique pour les néerlandophones.

3.3.3.1.2. Les formulations indirectes

Les formulations indirectes sont très rares dans nos corpus. Au total, nous n’avons

dénombré que 2 exemples dont 1 dans le corpus francophone (5,88%) et 1 dans le corpus

néerlandophone (6,67%). Au sein de la catégorie des formulations indirectes, trois sous-types

ont été distingués dans l’état de la question, à savoir (I) assertion du but illocutoire de la

question (« j’aimerais savoir où tu pars »), (II) question portant sur la condition de réussite

129

relative au destinataire (« sais-tu où/si tu pars ? » et (III) assertion portant sur la condition de

réussite concernant le locuteur (« je ne sais pas si/où tu pars ») (Kerbrat-Orecchioni 2008b).

Seule la première sous-catégorie est présente dans notre corpus. Ainsi, elle a été repérée une

fois dans chaque corpus (l’extrait 76 et l’extrait 77).

Extrait 76

E1 : bonjour

V1 : bonjour je voudrais savoir quand sont organisées les visites guidées au musée Saint-Georges

Corpus FR conversation 11

Extrait 77

E1 : goeiedag

V1 : goeiedag euh wij hebben de kaarten van de tentoonstelling (.) maar euh wij wouden eigenlijk

weten waar dat de verschillende locaties zijn want da staat daar eigenlijk nie

Corpus NL conversation 23

Les deux demandes d’information ci-dessus peuvent être reformulées respectivement par

« Quand sont organisées les visites guidées au musée Saint-Georges ? » et « Waar zijn de

verschillende locaties ? ». En outre, les locuteurs veulent vraiment savoir quelque chose, ce

qui est visible dans l’emploi des verbes « savoir » et « weten ». Ceci explique pourquoi ces

formulations ont été considérées comme des formulations indirectes et plus précisément

comme des assertions du but illocutoire de la question.

Remarquons qu’un mot interrogatif est présent dans l’extrait 76 (« quand ») et dans

l’extrait 77 (« waar »). Il est vrai que la présence d’un tel mot marque normalement une

demande directe, mais comme les structures indirectes sont également présentes, rattachées à

un autre verbe que « demander », elles sont de poids déterminant pour la classification dans la

catégorie des indirectes.

3.3.3.1.3. Autre

Conformément à l’analyse de la requête, une catégorie autre a été créée afin d’y

regrouper les demandes qui ne vont pas dans la classification. Toutefois, le nombre

d’exemples dans cette classe autre est pour les demandes d’information beaucoup plus faible

130

que pour celui des requêtes. Dans le corpus francophone, 4 exemples (23,53%) ont été inclus

dans cette catégorie et pour le corpus néerlandophone il s’agit d’un exemple (6,67%).

Nous avons regroupé ces exemples dans deux sous-types, à savoir les descriptions de la

situation d’une part et l’injonction d’autre part. En effet, la première catégorie est également

présente dans la catégorie autre dans l’analyse de l’acte de la requête (cf. supra). La raison

pour la présence de ces classes est pareille : notre classification s’appuie surtout sur la

littérature en contexte commercial et comme un office de tourisme est un site de service, il est

donc possible que notre classification ne soit pas satisfaisante. Par ailleurs, les demandes

classifiées dans la catégorie autre ne répondent pas non plus aux critères formels qui sont

imposés par les catégories dans la classification.

(1) Les demandes dans lesquelles la description de la situation est centrale, sont les plus

nombreuses. Il y en a 3 dans le corpus francophone et 1 dans le corpus néerlandophone. Un

exemple du corpus francophone (l’extrait 78):

Extrait 78

E1 : bonjour

V1 : bonjour

V1 : bonjour

E1 : bonjour

V1 : excusez-moi c’est la première fois qu’on vient (.) il nous a dit c’est la première fois qu’on

vient sur la ville et on nous a dit qu’il y a des X trucs à visiter euh

Corpus FR conversation 40

La locutrice dans l’extrait 78 décrit simplement la situation : elle est pour la première fois

à Namur et elle a entendu qu’il y a des trucs à visiter. Dans la suite de la conversation,

l’employé lui donne des informations sur les attractions. Remarquons l’emploi de « excusez-

moi » : la locutrice veut être polie et ne pas déranger l’employé, raison pour laquelle elle fait

recours à cette forme (cf. infra).

L’exemple dans le corpus néerlandophone est très comparable (« wij kwamen ne keer

informeren voor euh zo een pas zo ne toeristische pas een X pas een een » (corpus NL

conversation 2).

(2) Enfin, nous avons rencontré une demande d’information dans le corpus francophone

qui n’entre pas non plus dans notre typologie proposée. Il s’agit de l’extrait suivant :

Extrait 79

V1 : bonjour

131

E1 : bonjour

V1 : oui je viens dites-moi un peu la balade de X de la semaine X s’il reste encore des places

Corpus FR conversation 26

La phrase « s’il reste encore des places » est une demande indirecte dépendant de la

phrase « dites-moi un peu ». En reformulant la phrase, on obtient ceci : « dites-moi un peu

s’il reste encore des places pour la balade X de la semaine X ». Il s’agit en quelque sorte

d’une injonction qui porte sur le but illocutoire de la question : en effet, le destinataire doit

dire « s’il reste encore des places ». Par contre, l’injonction est adoucie par « un peu ».

Les autres procédés d’adoucissement seront discutés dans la section suivante (3.3.3.2.).

3.3.3.2. Les adoucisseurs

Dans un premier temps, nous discuterons le nombre d’adoucisseurs dans les demandes

néerlandophones et francophones (3.3.3.2.1.). Dans un deuxième temps, nous examinerons

les préférences des locuteurs quant aux procédés d’adoucissement (3.3.3.2.2.).

3.3.3.2.1. Nombre d’adoucisseurs

Tout comme les requêtes, la plupart des demandes sont adoucies dans les deux langues.

Par contre, quant au nombre de procédés d’adoucissement, les deux groupes de locuteurs se

comportent différemment. Ainsi, 73,33% des demandes néerlandaises sont adoucies tandis

que ce n’est le cas que pour 52,94% des demandes françaises. Regardons les chiffres globaux

dans le tableau ci-dessous.

Chiffres globaux FR NL

# (total 17) % # (total 15) %

Demandes adoucies 9 52,94% 11 73,33%

Nombre moyen d’adoucisseurs

par demande

0,71 1

Tableau 17 : Chiffres globaux de l’adoucissement des demandes

Le nombre moyen d’adoucisseurs diffère également pour les deux groupes de langues : 1

adoucisseur par demande dans le corpus néerlandophone contre 0,71 adoucisseur par

demande dans le corpus francophone. Par ailleurs, 4 des 15 demandes néerlandaises

132

contiennent plus d’un adoucisseur et dans le corpus francophone il s’agit de 3 demandes des

17.38

Pour ce qui est du nombre des procédés d’adoucissement, les deux corpus diffèrent donc

énormément. Par contre, sur le plan des types des procédés d’adoucissement, les locuteurs se

comportent de manière comparable parce que les mêmes procédés se font remarquer (cf.

3.3.3.2.2.).

3.3.3.2.2. Préférence des procédés d’adoucissement

Tout comme l’analyse de la requête, les deux groupes de locuteurs ont utilisé les mêmes

procédés pour la formulation de la demande d’information, à savoir les justifications et les

désactualisateurs. Or, un autre procédé est particulièrement plus présent dans l’acte de la

demande d’information, notamment la préface.

Les distributions précises pour le français et le néerlandais sont représentées dans les

graphiques ci-dessous.

Graphique 19 : Procédés d’adoucissement demande d’information FR

38

Dans le corpus néerlandophone, 4 demandes ont 2 adoucisseurs (les conversations 12, 13, 23 et 33).

Dans le corpus francophone de son côté, 3 demandes comportent 2 adoucisseurs (les conversations 23,

34 et 40).

5

2

2

2

1

Procédés d'adoucissement demande d'information FR

justification

désactualisateur

préface

minimisateur

autre: excusez-moi

133

Graphique 20 : Procédés d’adoucissement demande d’information NL

En effet, le poids des procédés comme la justification (FR : 5 et NL : 5) et la préface

(FR : 2 et NL : 6) est assez grand dans les deux langues. Surtout l’emploi des préfaces semble

être typique pour les néerlandophones pour la formulation d’une demande (l’extrait 80).

Extrait 80

E1 : goeiedag

V1 : hallo ‘k heb een vraagje kunde hier ook tickets krijgen voor het Musee ? of is dat alleen in het

euh

Corpus NL conversation 13

La fonction d’une préface est de préparer la vraie question du locuteur, elle figure donc en

quelque sorte comme un support. Ces formulations se sont avérées très fréquentes dans le

corpus néerlandophone (6 occurrences). De plus, cette stratégie est également la plus

fréquente dans l’analyse de la requête de Van Mulken (1996 : 699) chez les deux groupes de

locuteurs (francophones vs. néerlandophones).

De telles formulations sont également présentes dans le corpus francophone, mais avec

une fréquence plus basse (2 occurrences).

Extrait 81

V1 : bonjour juste une petite question le musée Saint-Georges c’est où exactement ?

Corpus FR conversation 23

Bref, comme les graphiques 19 et 20 le montrent, les francophones et les

néerlandophones ont fait appel à exactement les mêmes procédés d’adoucissement. Surtout la

justification et les préfaces entrent en ligne de compte, mais également des procédés tels que

les désactualisateurs et les minimisations sont utilisés.

5

4

6

1

Procédés d'adoucissement demande d'information NL

justification

désactualisateur

préface

minimisateur

134

Or, il y a une exception : dans le corpus francophone, nous avons rencontré une demande

qui est précédée par une excuse, à savoir « excusez-moi ». Nous avons déjà discuté cet

exemple dans la section concernant la nature des demandes, plus spécifiquement dans la

catégorie autre (cf. supra). Cette excuse figure notamment dans une demande qui est

formulée comme une description de la situation.

Vu que la liste des procédés d’adoucissement ne fournit pas une catégorie où cette excuse

peut être intégrée, nous l’avons indiquée comme autre. En exprimant une excuse, la locutrice

signale qu’elle ne veut pas déranger l’employé. En d’autres mots : elle veut être polie. Ainsi,

la moitié des requêtes des francophones dans l’analyse Van der Wijst (2000), contenait une

excuse. Ceci ne vaut pas pour les demandes d’information des francophones belges vu qu’il

n’y a qu’une excuse dans tout le corpus francophone (requêtes et demandes).

Par opposition à l’analyse de la requête, les procédés de non-adoucissement ne sont pas

repérés dans la formulation de la demande d’information.

3.3.3.3. Conclusion

L’acte de la demande d’information a été analysé à partir de 17 demandes françaises et 15

demandes néerlandaises. Les demandes totales dominent nettement le corpus : elles sont

présentes dans 66,67% demandes dans le corpus néerlandophone et voire dans 76,47% dans

le corpus francophone. Ceci est contraire aux résultats de Flament-Boistrancourt & Debrock

(1997) et de Flament-Boistrancourt & Cornette (1999) où les néerlandophones préfèrent

manifestement des demandes partielles à l’opposé des francophones qui optent pour les

demandes totales.

Pour ce qui est de la nature des formulations, il est incontestable que les formulations

directes sont les plus fréquentes. Elles apparaissent dans 64,71% des demandes françaises,

mais dans les demandes néerlandaises elles obtiennent même un pourcentage de 86,67%.

En outre, les néerlandophones utilisent davantage des marqueurs spécifiques pour

marquer leur énoncé comme une demande directe que les francophones. La différence la plus

frappante à ce niveau est l’emploi du marquage syntaxique. Ainsi, les néerlandophones

inversent l’ordre du sujet et du verbe dans 9 demandes alors que ce phénomène est absent

dans le corpus français.

Les formulations indirectes de leur côté, ont été peu repérées (5,88% dans le corpus

francophone et 6,67% dans le corpus néerlandophone). Au sein de cette catégorie, nous avons

affaire à 2 assertions du but illocutoire de la question (une dans chaque langue).

Néanmoins, conformément à l’analyse de l’acte de la requête, nous n’avons pas pu

classifier toutes les demandes dans une des catégories de notre classification, raison pour

laquelle une catégorie autre a été créée. Toutefois, les exemples dites autres sont beaucoup

135

moins nombreux comme c’est le cas pour l’analyse de la requête : il n’y a que 5 demandes. Il

s’agit de 3 descriptions de la situation (dont 3 exemples français et 1 exemple néerlandais) et

un énoncé dans lequel il y a une sorte d’injonction (1 exemple français, cf. l’extrait 79).

Finalement, au niveau des adoucisseurs, il est clair que les néerlandophones adoucissent

davantage leurs demandes. De manière plus précise, nous avons fait observer que 73,33%

demandes néerlandaises sont adoucies tandis que ce n’est le cas que pour 52,94% des

demandes françaises. Néanmoins, les locuteurs francophones et néerlandophones font

généralement recours aux mêmes procédés d’adoucissement mais avec une fréquence

différente. Ainsi les justifications, les désactualisateurs et les préfaces sont apparus

régulièrement. Surtout les préfaces semblent être le procédé favori des néerlandophones pour

le marquage d’une demande (cf. Van Mulken 1996).

136

CHAPITRE 4: CONCLUSIONS

Dans ce travail, nous avons proposé une étude comparative du fonctionnement des actes

de langage des locuteurs francophones et néerlandophones belges en nous appuyant sur des

corpus authentiques, enregistrés dans quatre offices de tourisme belges. Notre examen s’est

plus particulièrement focalisé sur quatre actes de langage, à savoir le rituel d’ouverture, le

rituel de clôture, l’acte de la requête et l’acte de la demande d’information.

Dans ces conclusions, nous précéderons en trois étapes : dans un premier temps, nous

présenterons les conclusions les plus saillantes de l’analyse de l’ouverture et de la clôture.

Dans un deuxième temps, nous formulerons également nos conclusions sur l’analyse de l’acte

de la requête et sur la demande d’information. Dans ces paragraphes, nous mettrons donc les

différences et les ressemblances entre les deux communautés linguistiques, néerlandais et

français, en valeur. Dans un troisième temps, nous proposerons une synthèse de tous ces traits

distinctifs et nous essayerons d’établir le lien avec les règles culturelles sous-jacentes (Béal

2010). En d’autres mots, nous décrirons les deux ethos communicatifs (français vs.

néerlandais) tels qu’ils ressortent de nos analyses.

Au niveau du rituel d’ouverture, les deux corpus se ressemblent beaucoup. Ainsi, ce rituel

est majoritairement présent dans les corpus et l’employé entame dans 60% dans chaque

corpus la conversation. Quant aux scénarios du rituel de l’ouverture, les deux groupes de

locuteurs se comportent également d’une manière comparable: une prise de contact suivie

d’une absence de la manifestation de la disponibilité communicative semble être la plus

fréquente. Par ailleurs, lorsque cette manifestation est présente, elle se réalise dans la plupart

des cas sous la forme d’une pause. Pour ce qui est de la prise de contact, les locuteurs

francophones et néerlandophones optent généralement pour une salutation dite simple.

Or, les deux corpus divergent également sur le plan de l’ouverture. Ainsi, il est

incontestable que les néerlandophones disposent d’un éventail beaucoup plus riche de

salutations (notamment « goeiedag », « goeiemiddag », « goeiemorgen », « goeienavond »,

« dag » et « hallo ») en comparaison des francophones qui ne connaissent qu’une seule

forme, à savoir « bonjour ».

Les différences au niveau de la séquence de clôture sont plus nombreuses. En général, la

séquence de clôture semble être plus obligatoire en français qu’en néerlandais : 10% des

conversations néerlandaises n’ont pas une séquence clôturante tandis que chaque conversation

française la comporte bel et bien. De manière plus précise, les francophones tendent donc à

utiliser plus de clôtureurs en comparaison de leurs compatriotes néerlandophones.

137

Pour ce qui est des pré-clôtureurs, une composante au sein de la séquence de clôture, nous

avons fait observer que les employés néerlandophones font souvent recours à des pré-

clôtureurs interrogatifs tels que « oké ? » et « goed ? » (52,94%). Ces formes interrogatives

s’orientent vers l’interlocuteur, c’est-à-dire que l’employé néerlandophone veut être sûr si les

visiteurs ont demandé tous ce qu’ils voulaient. Par contre, l’employé francophone préfère la

forme « voilà » (42,11%), ce qui s’oriente plutôt vers le locuteur-même.

Les remerciements et les salutations de leur côté, sont plus fréquents chez les locuteurs

francophones. Cependant, conformément aux salutations dans la séquence d’ouverture, les

néerlandophones disposent à nouveau d’un éventail plus riche de possibilités tandis que les

francophones n’ont qu’une seule forme, à savoir « au revoir ».

Il convient de signaler que nos classifications établies au préalable n’étaient pas

satisfaisantes pour l’analyse du corpus de ces rituels. Pour chaque rituel, nous avons dû créer

une catégorie autre dans laquelle nous avons inclus les exemples spéciaux. Ceci vaut

également pour l’analyse de la requête et la demande d’information. Il est donc difficile de

résumer la richesse de la langue dans un petit schéma.

Pour ce qui est de l’acte de la requête, nous avons constaté que la nature linguistique de

celle-ci diffère considérablement dans les deux langues. Ainsi, la majorité des requêtes

francophones sont des formulations indirectes conventionnelles telles que « vous avez des euh

un petit un petit un petit plan de promenade pour le centre historique ? » (l’extrait 57). Par

contre, la majorité des requêtes néerlandophones ont été classifiées dans la nouvelle catégorie

autre. De cette manière, les néerlandophones font souvent recours à des requêtes de

permission comme « mag ik de fietsroute alstublieft ? » (l’extrait 63).

Les deux corpus diffèrent également sur le plan de l’orientation de la requête. Ainsi,

63,64% des requêtes néerlandophones sont self-oriented, c’est-à-dire qu’elles sont exprimées

selon le point de vue du locuteur par le biais d’un pronom personnel à la première personne.

Les francophones de leur côté, n’ont pas une préférence marquée pour l’orientation de la

requête vu que 45,47% sont self-oriented et 40,91% other-oriented.

Par ailleurs, la plupart des requêtes des corpus sont adoucies (68,18% dans le corpus

francophone et 64% dans le corpus néerlandophone). Les francophones adoucissent leurs

requêtes par des procédés comme la justification et les désactualisateurs, contrairement aux

néerlandophones qui font avant tout appel à la minimisation.

Contrairement à l’analyse de la requête, la nature linguistique des demandes

d’information est très semblable dans les deux corpus. Premièrement, il est incontestable que

les demandes totales dominent. Deuxièmement, les formulations directes sont les plus

fréquentes dans les corpus. Toutefois, les locuteurs néerlandophones utilisent plus de

marqueurs spécifiques dans la formulation de la demande directe.

138

Les demandes d’information diffèrent surtout au niveau de l’adoucissement. Ainsi, nos

analyses ont démontré que les néerlandophones adoucissent davantage leurs demandes

(73,33%) que les francophones (52,94%). Les locuteurs recourent généralement aux mêmes

procédés d’adoucissement qu’ils utilisent dans l’acte de requête, à l’exception de la préface :

ce procédé prépare la vraie question du locuteur (« je peux demander quelque chose ? »). Le

procédé de la préface semble être typique pour l’adoucissement de la demande d’information,

surtout dans le corpus néerlandophone.

Pour finir, nous tenterons de lier les faits observés aux règles culturelles sous-jacentes,

c’est-à-dire aux ethos communicatifs. Il est vrai que dans l’idéal, il faut partir d’un nombre

considérable de conversations dans différentes situations. Quant à nous, nous avons analysé

quatre actes de langage dans le même contexte, à savoir dans l’office de tourisme.

Néanmoins, nous pensons que nous pouvons faire quelques généralisations sur le plan de

l’ethos communicatif justement parce que quatre actes de langage ont été analysés d’une

manière détaillée. Or, comme nous avons travaillé avec un échantillon limité de 40

conversations néerlandophones et 40 conversations francophones, l’analyse que nous avons

présentée n’est évidemment pas un inventaire exhaustif. Par ailleurs, la validité statistique de

nos résultats n’a plus pu être vérifiée, mais notre corpus risque d’être trop restreint pour

l’application des tests statistiques.

En nous appuyant sur nos constatations, nous tenterons d’offrir un début de réponse à la

question de décrire les ethos communicatifs des francophones et néerlandophones belges.

Ainsi, nos observations font apparaître des traits qui sont, selon nous, typiques de l’ethos

communicatif des francophones belges et d’autres de celui des néerlandophones.

Béal (2010 : 263) distingue deux groupes de valeurs sous-jacentes : les formes de

l’expression du moi d’une part et celles concernant le rapport à l’autre d’autre part. Ainsi,

pour ce qui est de la première catégorie, nous avons fait observer que les francophones

remercient davantage que les néerlandophones. En outre, ils remercient plus sur le mode de

l’hyperbole comme « un grand merci ». A cela s’ajoute qu’il y a moins de cas dans le corpus

francophone où le remerciement est absent (7,8% FR vs. 22,5% NL).

Ceci semble pouvoir être lié à l’expression des émotions dans la communication. Ainsi,

Béal (2010) a constaté que les Français ont tendance à manifester leurs émotions d’une

manière impulsive et directe (Béal 2010 : 364). Dans cette optique, les francophones belges

semblent donc se rapprocher des Français. Par contraste, les néerlandophones, qui tendent à

remercier dans une mesure moindre, se montrent donc plus réservés. Ainsi, ils se rapprochent

des anglophones dans l’étude de Béal (2010 : 365).

En ce qui concerne la catégorie du rapport à l’autre, nous avons démontré que les

francophones belges considèrent leur lieu de travail comme un territoire commun. Ceci est

déjà visible dans les occupations des lieux des bureaux, mais également dans les

139

conversations : en effet, lorsqu’un des employés est en train de parler avec un visiteur, l’autre

employé n’hésite pas à intervenir dans cette conversation. Comme cette situation arrive

plusieurs fois dans nos corpus, il semble que cela soit considéré comme normal. Ce

phénomène s’inscrit dans le respect de l’autonomie (Béal 2010 : 381). Béal (2010) a examiné

ceci par le biais de la gestion des tours de parole et elle a constaté que les Français ont

tendance à considérer la conversation comme un territoire commun.

Même si la gestion des tours de parole n’est pas au cœur de notre étude, il est clair qu’à

partir des observations mentionnées ci-dessus que les francophones belges se rapprochent à

nouveau des Français. Inversement, les néerlandophones travaillent d’une autre manière :

c’est chacun pour soi, chaque employé s’occupe de son propre visiteur, ce qui confirme à

nouveau l’observation faite par Béal (2010 : 383) chez les anglophones.

L’orientation de la formulation des requêtes se situe également au sein du respect de

l’autonomie. Les requêtes des néerlandophones sont nettement self-oriented ce qui confirme

également que les néerlandophones préfèrent rester sur leur propre terrain. Cette approche

orientée sur soi est expliquée par Béal (2010 : 384), qui a également constaté une telle

approche chez les anglophones : « désir d’autonomie et auto-suffisance sont deux aspects de

l’individualisme, une caractéristique des sociétés anglo-saxonnes soulignées par toutes les

études sociologiques ».

Comme elle l’affirme à juste titre, il est difficile « d’évaluer si les Français sont moins

‘individualistes’ que les Britanniques, les Américains ou les Australiens » (Béal 2010 : 385).

L’orientation de la formulation de la requête ne fournit pas une réponse vu que les

francophones de notre corpus ne montrent pas une nette préférence pour telle ou telle

orientation : tout dépend de la situation.

Voici le début de réponse à la description des ethos communicatifs des francophones et

néerlandophones belges. Nous avons démontré qu’il existe bel et bien des différences au

niveau du rituel d’ouverture, du rituel de clôture, de l’acte de la requête et de l’acte de la

demande d’information. Il ne faut cependant pas oublier que ces constatations s’appuient sur

un nombre limité de conversations (80 au total). Il serait donc intéressant de multiplier encore

le nombre de conversations afin d’obtenir des résultats plus fiables. Toutefois, nous croyons

que nos résultats indiquent déjà quelques grandes tendances entre néerlandophones et

francophones belges, qui sont d’ailleurs explicables à partir d’un niveau plus abstrait, l’ethos

communicatif.

La Belgique, pays trilingue et riche de variété langagière, est donc une source

d’inspiration pour tous les linguistes, particulièrement pour ceux qui s’intéressent aux études

(inter)culturelles. La situation belge et ses relations « interlangagières » méritent donc, quant

à nous, d’être analysées davantage à l’avenir.

140

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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142

ANNEXES

ANNEXE 1. CONVENTIONS DE TRANSCRIPTION

Les conventions de transcription utilisées dans ce travail s’appuient sur les conventions

ICOR, utilisées également dans Béal (2010) et dans Tobback (2014). Nos conventions de

transcription sont une version adaptée de celles de ICOR.39

1. Convention générale

Toutes les productions verbales sont transcrites en minuscule, à l’exception des noms propres.

2. Désignation des participant

Les participants sont désignés par des initiales choisies en fonction de leur langue maternelle

et de leur rôle dans la conversation dans l’office de tourisme.

E Employé

V Visiteur

3. Tour

Chevauchement: insertion de crochets ‘[’ alignés verticalement au début du

chevauchement.

Pause intra-tour est notée par (.).

Pause intra-tour plus longue est notée par (…).

4. Structure segmentale

Segment inaudible dont le nombre de syllabes n’est pas identifiable: (inaud.).

Segment inaudible dont le nombre de syllabes et identifiable: X.

5. Commentaires

Les commentaires sont notés en italique entre parenthèses.

La partie d’un tour sur laquelle porte les commentaires est soulignée.

6. Coupure effectuée par l’auteur

La coupure est indiquée par des points de suspension entre crochets […]

39

http ://icar.univ-lyon2.fr/projets/corinte/documents/2013_Conv_ICOR_250313.pdf,17/05/2015.

143

ANNEXE 2: LES DONNÉES GÉNÉRALES DE LA CLÔTURE

Dans les deux tableaux ci-dessous, toutes les données obtenues des francophones et des

néerlandophones sont énumérées. Pour chaque conversation (40 au total pour chaque langue),

nous avons dressé l’inventaire de quatre informations différentes : (I) le nombre de clôtureurs

utilisé par l’employé (E), (II) le nombre de clôtureurs utilisé par le visiteur (V), (III) le

nombre de clôtureurs au total et (IV) le nombre total de locuteurs. Pour ce qui est du nombre

des clôtureurs, il s’agit donc des pré-clôtureurs, des salutations, des vœux, des projets, des

remerciements et quelques cas uniques.

A. LES DONNEES GENERALES FR

Conversations

FR

(x) = nombre de clôt.

par ‘E’

(x) = nombre de clôt.

par ‘V’ #clôtureurs # participants

EMPLOYE VISITEUR

1 E1 (2) V1 (1) 3 2

2 E1 (1) V1 (1) 2 2

3 E1 (2) V1 (2) 4 2

4 E1 (0) V1 (1) 1 2

5 E1 (2) V1 (3) 5 2

6 E1 (2) V1 (4) 6 2

7 E1 (3) V1 (2) 5 2

8 E1 (1) V1 (0) 1 2

9 E1 (2) V1 (1) V2 (0) 3 3

10 E1 (1) V1 (2) 3 2

11 E1 (2) V1 (1) V2 (0) 3 3

12 E1 (2) V1 (1) V2 (2) 5 3

13 E1 (2) V1 (2) 4 2

14 E1 (3) V1 (3) 6 2

15 E1 (0) V1 (2) 2 2

16 E1 (1) V1 (3) 4 2

17 E1 (2) V1 (4) 6 2

18 E1 (2) V1 (1) V2 (2) 5 3

19 E1 (2) V1 (2) 4 2

20 E1 (1) E2 (0) V1 (2) 3 3

21 E1 (2) V1 (2) 4 2

22 E1 (2) V1 (2) 4 2

23 E1 (1) V1 (1) 2 2

144

24 E1 (0) E2 (1) V1 (2) 3 3

25 E1 (2) V1 (1) 3 2

26 E1 (0) E2 (3) V1 (1) 4 3

27 E1 (2) E2 (0) V1 (2) V2 (1) 5 4

28 E1 (4) E2 (0) V1 (2) V2 (1) 7 4

29 E1 (2) V1 (2) V2 (1) 5 3

30 E1 (0) V1 (2) V2 (0) 2 3

31 E1 (2) E2 (0) V1 (3) V2 (0) 5 4

32 E1 (6) V1 (1) 7 2

33 E1 (1) V1 (1) 2 2

34 E1 (3) E2 (0) V1 (3) V2 (3) 9 4

35 E1 (2) E2 (1) V1 (3) 6 3

36 E1 (3) V1 (6) 9 2

37 E1 (1) E2 (2) V1 (2) V2 (3) 8 4

38 E1 (4) V1 (3) 7 2

39 E1 (2) V1 (1) 3 2

40 E1 (1) V1 (5) 6 2

50 employés40 50 visiteurs 176 100

40

Comme le tableau le montre, nous avons donc eu affaire à 50 visiteurs différents et 50 employés.

Evidemment, il n’y avait que deux employés derrière le comptoir, mais vu que chaque conversation est

unique, nous les considérons dans chaque conversation comme une autre personne.

145

B. LES DONNÉES GÉNÉRALES NL

Conversations

NL

(x) = nombre de

clôt par ‘E’

(x) = nombre de

clôt par ‘V’ #clôtureurs # participants

EMPLOYE VISITEUR

1 1 V1 (2) 3 2

2 1 V1 (2) V2 (1) 4 3

3 0 V1 (0) 0 2

4 0 V1 (1) 1 2

5 0 V1 (0) 0 2

6 1 V1 (0) V2 (0) 1 3

7 3 V1 (4) 7 2

8 3 V1 (1) 4 2

9 2 V1 (4) V2 (0) 6 3

10 2 V1 (2) V2 (1) 5 3

11 2 V1 (2) V2 (0) 4 3

12 1 V1 (1) V2 (1) 3 3

13 0 V1 (1) V2 (0) 1 3

14 0 V1 (0) V2 (0) 0 3

15 1 V1 (1) V2 (1) 3 3

16 1 V1 (0) V2 (2) 3 3

17 1 V1 (0) V2 (0) 1 3

18 2 V1 (1) V2 (0) 3 3

19 2 V1 (1) 3 2

20 3 V1 (1) V2 (0) 4 3

21 0 V1 (1) 1 2

22 0 V1 (4) 4 2

23 2 V1 (1) V2 (2) 5 3

24 1 V1 (1) V2 (1) 3 3

25 2 V1 (2) 4 2

26 1 V1 (1) V2 (0) 2 3

27 1 V1 (1) 2 2

28 2 V1 (0) V2 (0) 2 3

29 2 V1 (3) 5 2

30 0 V1 (0) V2 (0) 0 3

31 1 V1 (2) 3 2

32 3 V1 (4) V2 (3) 10 3

33 1 V1 (2) V2 (1) 4 3

34 1 V1 (1) 2 2

146

35 2 V1 (1) 3 2

36 1 V1 (2) 3 2

37 2 V1 (3) 5 2

38 2 V1 (2) 4 2

39 1 V1 (1) V2 (1) 3 3

40 1 V1 (0) V2 (1) 2 3

40 employés41 62 visiteurs 123 102

41

Nous avons travaillé avec un total de 40 employés pour les 40 conversations néerlandophones. 62

visiteurs ont visité les bureaux de Louvain et d’Ostende : au total, il y a donc 102 locuteurs

néerlandophones.

147

ANNEXE 3: LES REQUETES FRANCOPHONES

Ci-dessous, nous avons dressé l’inventaire de toutes les requêtes dans le corpus

francophone. Les numéros à gauche correspondent à la numération des conversations (cf.

annexe 9). Il y a 22 requêtes au total.

N° Requête

1 est-ce que vous avez des euh un petit un petit plan de promenade pour le centre

historique?

2 il paraît qu'on a sorti une carte concernant euh la bataille des Ardennes

5 vous vous avez une toilette s'il vous plaît?

6 oui euh je reviens pour avoir des X plusieurs des X en anglais madame de la X a

téléphoné

7 euh je voulais savoir si vous avez d'autres livres sur la guerre 14 euh 18

10 vous avez un plan du tourisme ou pas?

12 nous cherchons un plan

14 vous vendez ou est-ce que vous aviez une carte X comme ça?

15 je viens coller une affiche euh pour un table ronde pour le genre

16 donc je regarde s'il y a quelque chose sur le grand X

18 je veux avoir euh une carte des des randonnées s'il vous plaît on voulait aller euh vers la

montagne de X et du côté et aller du côté des X

20 euh j'ai un X je sais je voudrais réserver pour les les X de musée

21 je voudrais un plan avec des photos

22 vous avez une carte avec la balade des X de la citadelle?

25 est-ce que vous avez encore un catalogue avec des beaux villages de Wallonie?

28 nous sommes institutrices à X de Liège c'est pour savoir si nous pouvons avoir des des

plans gratuits déjà beaucoup c'est pour quatre classes de 25

29 c'est pour savoir si le DVD de ça (.) est arrivé

31 on vient de chercher un X pour X (.) s'il vous plaît

32 est-ce que vous avez un petit plan de la ville?

35 je veux bien un plan si vous avez ça

37 on vient d'un autre office du tourisme pour la place du cyclocross on nous a dit que c'est

ici?

39 euh je viens de salon Saint-Jacques et euh m'a dit que je X venir chercher euh la visite

de Namur fin euhm (.) le (.) de de nouveau 2015 je ne sais pas si vous l'avez? le guide

touristique de Namur

148

ANNEXE 4: LES REQUETES NEERLANDOPHONES

Ci-dessous, nous avons dressé l’inventaire de toutes les requêtes dans le corpus

néerlandophone. Les numéros à gauche correspondent à la numération des conversations (cf.

annexe 9). Il y a 25 requêtes au total.

N° Requête

1 ‘t is voor euh het adres van he museum alstublieft

3 is hier ergens een toilet?

4 ‘k had graag een plattegrond van de stad Oostende

5 euh 't is twee keer de wandeling euhm rond den toren

6 euh wij hadden graag twee ticketjes voor euh De Zee (.) voor de tentoonstelling

7 euh 4 dagpassen E: vier citypassen van 24 uur V: ja

8 mag ik de fietsroute alstublieft?

11 wij hebben hier zo'n bongobon voor euh de marvin gay tour

14 euhm zo'n wandelgids van Musee

15 wij willen ook zo'n boekje van Musee alstublieft

16 wij willen Jan Hoet bezoeken euh

18 kan ik een stadsplanneke krijgen?

19 hebt gij een kaartje van Oostende?

20 euh we zouden graag die Marvin Gay wandeling

22 zou 'k een plastieken zakje X? (.) en dat daarin steken

27 Euhm wij hebben juist een half uurtje geleden gebeld voor euh kaarten te voor kaarten

voor euh 50 tinten te bestellen (.) ennn we mochten ze hier komen afhalen en betalen

28 euh kan ik een plan van euh van Leuven?

30 planneke van de (.) of een grondplan van is da mogelijk?

32 wij komen kaarten halen voor euh de eindejaarsdinge winterwandeling enzo

34 ik heb euh een klein vraagje hebben jullie toevallig een boekje van Leuven met veel

foto's in (.) 't is zo er zijn collega's van euh vanuit Afrika hier en we wouden zoiets

meegeven (.) waar dat ze zoiets aan hebben (inaud.)

35 hebt u soms geen mapke van Leuven?

36 mogen er hier flyers gelegd worden? (.) de affiche hangt hier uit

37 misschien heeft u een plannetje van Leuven? Zo een gratis plannetje

39 een plattegrond?

40 ik had graag ook een plannetje

149

ANNEXE 5: LES DEMANDES D’INFORMATION FRANCOPHONES

Ci-dessous, nous avons dressé l’inventaire de toutes les demandes d’information dans le

corpus francophone. Les numéros à gauche correspondent à la numération des conversations

(cf. annexe 9). Il y a 17 demandes au total.

N° Demande d’information

4 une question euh Madame Christine Thirry elle n'est plus dans le même bureau?

8 je peux mettre une affiche et déposer quelques flyers?

9 (inaud.) nous voulons nous renseigner de de prendre le bateau ici et euh on m'a dit que

c'est que c'est pas (inaud.)

11 je voudrais savoir quand sont organisées les visites guidées au musée Saint-Georges

13 je suis très mal garée est-ce que je peux vite vous rendre les clés du (…) euh de la X?

17 alors je suis ici pour la journée à Liège et c'est pour voir ce qu'il y a (.) dans la ville fin

au X au centre.

19 Euh on est où dites-moi ça c'est c'est

23 juste une petite question le musée Saint-Georges c'est où exactement?

24 il y a une visite guidée à 14h30?

26 oui je viens dites-moi un peu la balade de X de la semaine X s'il reste encore des places

27 on a ces ces tickets ici à l'entrée du musée X pour voir une exposition mais je X par où?

30 euh donc on peut vous poser quelques questions?

33 alors je veux quelque chose pour (…) Maresous.

34 c'est pour avoir des renseignements euh pour la citadelle comme X la citadelle est-ce

qu'il y aurait une possibilité d'avoir un autre moyen de transport pour aller jusqu'à euh

Terra Nova

36 des X ou des balades c'est dans la région?

38 je cherche une promenade à faire à Namur même une promenade guidée c'est possible?

ou euh quelque chose à dire? À faire avec des personnes euhh X donc pas trop long

quelques quelques X de trois kilomètres

40 excusez-moi c'est la première fois qu'on vient (.) il nous a dit c'est la première fois qu'on

vient sur la ville et on nous a dit qu'il y a des X trucs à visiter euh

150

ANNEXE 6: LES DEMANDES D’INFORMATION NEERLANDOPHONES

Ci-dessous, nous avons dressé l’inventaire de toutes les demandes d’information dans le

corpus néerlandophone. Les numéros à gauche correspondent à la numération des

conversations (cf. annexe 9). Il y a 15 demandes au total.

N° Demande d’information

2 wij kwamen ne keer informeren voor euh zo een pas zo ne toeristische euh pas een X

pas een een

9 euh 't is 't is een euh 11 november (.) en we vroegen ons af als ter nog euh X speelden

10 heeft u meer informatie over de grote koren en ouvertures van 1 februari?

12 ik wou even iets vragen als ge van euh langs de zeewandeling van van fort napoléon

daar in de buurt richting Nederland euhm dan komt ge daar zo'n klein caféke tegen E:

ja. dat is al grondgebied Nederland het strandcafé. V: ja (.) weet u of dat dat open is?

13 'k heb een vraagje kunde hier ook tickets krijgen voor het Musee of is dat alleen in het

euh

17 mevrouw kan ik van u nog informatie krijgen over X?

21 euh 'k heb een beetje een rare vraag is er ier ergens nen kapper in de buurt die open is?

23 euh wij hebben de kaarten van de tentoonstelling (.) maar euhm wij wouden eigenlijk

weten waar dat de verschillende locacaties zijn want da staat daar eigenlijk nie

24 het Musee welke richting is dat uit?

25 die wij zijn die wandeling aan het doen van van euh De Zee hé. E: ja V: maar euh da

dinge dat euh cinema capitole is dat in de Langestraat? t

26 wij willen vragen hoe het zat met die digitale (.) wandeling van De Grote Oorlog euh

kunnen wij daar naartoe?

29 de Vesaliuswandeling moet ge daar een planneke van aanschaffen of of of of kunde da

zo kan dat zo gevolgd worden of

31 euhm ik wij hebben eigenlijk een taak voor school en we moeten te weten komen

hoeveel euhm euh beelden er zijn

33 wij komen (.) ook van een andere school weer X X en we komen wat vragen hoeveel

beelden X er aan het stadhuis?

38 't was om te vragen mevrouw wanneer begint en eindigt de kerstmarkt in Leuven

151

ANNEXE 7: TYPOLOGIE DE LA REQUETE FR/NL

Dans le tableau ci-dessous, nous présentons notre typologie appliquée à notre corpus FR

et NL. Les numéros dans chaque catégorie correspondent aux numéros de la conversation (cf.

annexes 3 & 4).

A. NATURE DES REQUÊTES

Requête FR NL

N° d’exemple N° d’exemple

Les formulations directes 1. Impératif 2. Tournure elliptique 7, 14, 39 3. Forme performative

Les formulations indirectes 1. Conventionnelles a. structure interrogative

à la 2ième personne avec

le verbe "pouvoir" ou

"vouloir" à l'ind. ou

cond. (other-oriented)

b. question sur la

possibilité qu'a le

destinataire de fournir

l'objet (other-oriented)

1, 5, 7, 10, 14, 22, 25,

32, 39

3, 19, 34, 35, 37

c. assertions à la

première personne avec

les verbes "aimer" au

cond. ou "vouloir" à

l'ind. ou cond. (self-

oriented)

18, 21, 35 20,15

3. Autre a. but de l’activité est

exprimé (self-oriented) 6, 31, 15, 20, 29 1, 5, 32

b. requête de permission

(self-oriented) 28 8, 18, 22, 28, 30, 36

c. description de la

situation (self- ou other

oriended)

2, 16, 37 11, 16, 27

d. ambigu : but +

description (self-

oriented)

12

e. imparfait modal (self-

oriented) 4, 6, 40

Total 22 25

152

B. TYPOLOGIE DES PROCÉDÉS D’ADOUCISSEMENT DE LA REQUÊTE

FR/NL

Procédé d’adoucissement N° conversations FR N° conversations NL

Justification 6, 18, 28, 37, 39 34, 36, 27

Désactualisateur 7, 20, 21, 35, 14, 18 4, 6, 20, 22, 34, 40

Amadoueur

Préface 7, 28, 29 34

Minimisateur 1, 32 6, 18, 15, 19, 30, 34, 34, 35,

37, 22, 40

Stratégie du pessimisme 34, 35, 37

Marqueurs d’optionalité

S’il vous plaît 5, 18, 31 8, 15, 1

Procédés de non-adoucissement

Assertions en « je veux » 18 15, 16

Modalisateurs déontiques

« tu dois »

aggravateurs 10

153

ANNEXE 8: TYPOLOGIE DE LA DEMANDE D’INFORMATION FR/NL

Dans le tableau ci-dessous, nous présentons notre typologie appliquée à notre corpus FR

et NL. Les numéros dans chaque catégorie correspondent aux numéros de la conversation (cf.

annexes 5 & 6).

A. NATURE DES DEMANDES D’INFORMATION

Demandes d’information N° conversations FR N° conversations NL

Totale 4, 8, 9, 13, 17, 24, 26, 30, 33,

34, 36, 38, 40

2, 9, 10, 12, 13, 17, 21, 25, 26, 29,

Partielle 11, 19, 23, 27 23, 24, 31, 33, 38

Nature de la demande d’information

Directe 4, 8, 13, 19, 23, 24, 27, 30, 34,

36, 38

9, 10,1 2, 13, 17, 21, 24, 25, 26, 29,

31, 33, 38

Lexical 9, 26

Morpho-syntaxique 13, 19, 23, 27, 34 24, 31, 33, 38

Syntaxique 10, 12, 17, 21 25, 26, 29, 33, 38

Prosodique 4, 8, 13, 23, 24, 27, 30, 36, 38 10, 12, 13, 17, 24, 25, 26, 29, 33

Indirecte 11 23

Assertion du but illocutoire de

la question

11 23

Question portant sur la

condition de réussite relative

au destinataire

Assertion portant sur la

condition de réussite

concernant le locuteur

Structures assertives

Autre 17, 40, 9, 26 2

Description de la situation 17, 40, 9 2

Injonction 26

Inanalysable 33

154

B. TYPOLOGIE DES PROCÉDÉS D’ADOUCISSEMENT DE LA DEMANDE

D’INFORMATION FR/NL

Procédé d’adoucissement N° conversations FR N° conversations NL

Justification 13, 17, 27, 34, 40 23, 23, 25, 31, 33

Désactualisateur 11,34 1, 9, 12, 23

Amadoueur

Préface 4, 23 12, 13, 26, 33, 38, 21

Minimisateur 23, 26 13

Stratégie du pessimisme

Marqueurs d’optionalité

S’il vous plaît

Autre 40 (« excusez-moi »)

Procédés de non-adoucissement

Assertions en « je veux » 33 (demande non analysée)

Modalisateurs déontiques

« tu dois »

aggravateurs

155

ANNEXE 9: LES TRANSCRIPTIONS ET LES ENREGISTREMENTS

Les enregistrements (.wav) et les transcriptions (.html) se trouvent sur le cédérom. 42

42

Dans les transcriptions, ‘C’ correspond aux paroles de l’employé et ‘V’ à celles du visiteur.

156