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03 Oct 2014

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AtelierRoland Castro Sophie Denissof

IMPRESSIONNISME URBAIN

Quand il n’y a plus de temps à partager,il n’y a pas de démocratie possible.

Paul Virilio

Remerciements

à Michel Cantal-Dupart qui m’aappris à “marcher” les villes,

à Antoine Grumbach qui m’a apprisà “penser” les villes.

Crédits photographiques :

Vladimir Berkham, Nicolas Borel, Patrizia Di Fiore,Fédérica Mantovani, Jean Miaille, Rigaux, Dalhiette Sucheyre, Wolf.

Croquis : Les Tours Fines, Oullins

© ESA Productions1er trimestre 2000.

Ecole Spéciale d’Architecture254, boulevard Raspail75014 Paris.

Conception : Marc Vaye.Maquette : Philippe Guillemet.

Dépôt légal : avril 2000.

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EntretienLe regard flottant, c'est pour faire réfé-rence à l'écoute flottante.

Roland Castro et Sophie Denissof ont unregard et une écoute flottants.

Contrairement aux tenants de l'architectureurbaine volontariste, ils n'ont pas unevision dirigiste, mais pointilliste.

Pour moi, l'équipe, c'est celle de Banlieues89, d'abord, et avec d'autres, commeMichel Cantal-Dupart.N'oublions pas que la banlieue, c'est aussile lieu des Impressionnistes : le pont deChatou, les bords de la Seine, l'île de laJatte, Argenteuil ...

Il y a là, comme par hasard, une corres-pondance entre les Impressionnistes pictu-raux, les peintres, et les Impressionnistesurbain, les architectes des banlieues.

Passion de la cité, des guinguettes et desfortifications, sensibilité et gentillessepopulaires que l'on retrouve rarementchez les architectes contemporains.

Aujourd'hui, l'architecture urbaine estdevenue un art académique, on peut mêmedire qu'il y a un art officiel.

La Postmodernité a laissé place à l'Acadé-misme.

Roland Castro et Sophie Denissof tententd'y échapper par leur constitution psycho-sociologique, comme les Impressionnistes.

“Quand il n'y a plus de temps àpartager, il n'y a pas de démocratiepossible.”La citation utilisée en exergue rappelle quel'immédiateté, l'ubiquité, l'instantanéité sontsynonymes du divin, du théocratique, del'aristocratique et sûrement pas du démo-cratique.

La démocratie prend son temps.

Le démocratique, c'est le temps de la sédi-mentation.

Clausewitz disait “à la guerre tout estsimple, mais le simple est difficile”.

En démocratie, rien n'est simple.

C'est la grandeur de la démocratie d'êtreflottante comme l'écoute.Et aussi comme la poésie.

Paul VirilioEntretien avec Marc Vaye,

le 19 Janvier 2000.

Pour Roland Castro et Sophie Denissof,c'est l'usage qui qualifie l'espace.Autrement dit, c'est le rapport au corps,non seulement au corps humain avec sonergonomie et ses passions, mais aussi aucorps social, c'est-à-dire à la société, quiqualifie le projet.

Ceci n'est pas neutre et c'est d'ailleurs cequi nous rapproche.

Pour beaucoup d'architectes, c'est le pro-jet, la volonté de projet, pour ne pas direcomme Nietzsche, la volonté de puissance,qui qualifie l'espace :l'architecture est maître-d'œuvre.

Il est évident que cette théorie, cette visiond'un espace de l'usage et des usagers est encontradiction formelle avec la pratiquemoderniste de la cité.

La pratique ancienne de la cité, c'est lasédimentation, c'est l'usage du temps et lepartage du temps, celui des générations,des styles et des genres, qui construisent lacité.

A partir de la destruction totale de la villeau XXe siècle, le processus s'inverse :c'est la volonté de projet qui est devenueresponsable de l'espace.

Contrairement à ce que l'on pense, RolandCastro et Sophie Denissof sont des réac-tionnaires, non pas au sens politique maisau sens projectuel.Ils sont en réaction contre la pratiqueurbaine et même s’ils y prennent part, ilsne participent pas de cette logique.

Ce sont des gens de l'Histoire, ce sontmême des gens du matérialisme historique eten ce sens, si on les dit réactionnaires,c'est bien évidemment un paradoxe.

Ce qui m'interesse chez eux, c'est cettepassion d'être contre la tendance volonta-riste des urbanistes, contre la stratégieurbaine.

“Impressionnisme urbain”Le titre de l'ouvrage est juste.

Roland Castro et Sophie Denissof sont desImpressionnistes, et pour moi, les Impres-sionnistes sont les vrais révolutionnaires.

Quand on regarde l'histoire de l'artmoderne, sans les Impressionnistes, il n'y ani Cézanne, ni le Cubisme, ni l'Abstrac-tion, ni Malévitch.

Tout commence par un regard flottant,celui de Monet essentiellement, mais aussiceux de Pissarro et de Sisley.

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Editorial Dans le petit club des architectes françaiscélèbres, Roland Castro fait figure d'ex-ception.

Alors que la plupart de ses pairs révèrenten effet un dieu ineffable et contraignant,l'Architecture avec un grand A dont il estadmis que les beautés, depuis, disons, MiesVan Der Rohe, sont plus ou moins inacces-sibles au commun des mortels, lui n'a curede cette idole.

Ou plutôt, proclame que si l'architectureest bien un art, elle est d'abord et avanttout un art public soumis à des règles nonexclusivement inhérentes, comme les autresarts plastiques, aux canons esthétiquesdéfinis par le cercle étroit de ses secta-teurs.

Ou encore que toute création architectu-rale selon ses vœux suppose non seulementune adéquation scrupuleuse à ses usages,non seulement une attention extrême àl'égard du “déjà là”, y compris le moinsfol ichon, mais encore et surtout larecherche d'une pertinence urbaine, viséequi implique une adhésion importante dupublic.

Autant dire qu'à l'architecturale correct-ness d'essence souvent ésotérique quirégente la critique et qui fait et défait lesréputations au sein d'un milieu adorant sonisolement tout en déplorant rituellementl'inculture du public, Castro préfèrel'éventuelle “faute de goût”, au moins auregard de l'architecturale correctness,lorsque celle-ci s'avère nécessaire poursatisfaire les exigences des humains ordi-naires, c'est-à-dire des gens incapables, lespauvres, d'admirer le fabuleux radicalismeque les émules de Hilbersheimer ont mis enœuvre dans nos grands ensembles, quandils ne vitupèrent pas les aveugles, comme lepoète russe Joseph Brodsky, prix Nobel,“ces raclures d'architectes, appartenant àcette effroyable engeance d'après-guerrequi a causé plus de tort au paysage urbainque toutes les Luftwaffe réunies”.

Les raisons de cette singularité ?

Le fait que Castro est amoureux des villesplus encore que des bâtiments.Qu'il parcourt en permanence nos centreset nos périphéries, les hume, les analyse,les réfléchit, les comprend, les explique.

Et qu'il est de la sorte une encyclopédievivante des villes françaises dont il connaitla géographie, l'histoire, les paysages, lesformes, les textures, les qualités, les dys-fonctionnements au point d'être capable,comme un médecin généraliste virtuose,d'établir un diagnostic urbain exact en peude temps.

“A part Roland Castro, je n'ai jamais ren-contré un architecte capable de me parlerde ma ville”, déplorait dans un entretien ledéputé-maire d'Antony, Patrick Devedjian,qui est loin pourtant d'être un de ses amispolitiques.

Est-ce à dire que Roland Castro seraitplus urbaniste qu'architecte comme le croitle même Devedjian ?

Pas du tout.

Pour Castro comme pour tous ses col-lègues _ et cette exigence est devenue deplus en plus forte et précise dans son tra-vail depuis qu'il a eu la chance de s'asso-cier avec Sophie Denissof _ tout édificeméritant de s'appeler architecture doitbien évidemment transmettre, par sesformes, ses matières, quelque chose commeun message contemporain.

Mais, plutôt que de célébrer le virtuel, leludique, le technologique et, plus générale-ment, les valeurs branchées et/ou yup-piesques qui font les délices des zélateursde la ville générique selon Rem Koolhaas,Roland Castro et Sophie Denissof préfè-rent que leurs bâtiments parlent de lieux,de liens, d'espaces heureux, privé ou public,d'hospitalité, d'urbanité, de solidarité, derépublique...

Ringardise qu'un tel discours ?

Rendez-vous dans vingt ans.

Jean-Pierre Le Dantec

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Il y a l’histoire de son adhésion à unesociété de gymnastique préfasciste. Il y ad’autres histoires de rencontre avec ledespotisme, dont celle, honteuse, avecPétain. Mais ce procès-là ne sert à rien auregards des faits dans l’œuvre et dans lapensée de cet immense artiste, faits qui tousprouvent qu’il n’a pour le moins rien com-pris à ce qui aujourd’hui nimbe notremodernité démocratique, le discours analy-tique.Il ne connaît rien au minimum syndicalconcernant l’éducation des enfants.Il est amnésique et destructeur.Il est dans le fil d’une pensée privilégiant lecorps sur l’esprit quand il s’agit du sujet.Il est sublime dans la croyance.Il est autiste dans son absence à la luttecontre la partie la plus noire du siècle.Et alors qu’il se passionne pour le dévelop-pement technique et la science, on va levoir totalement ignorant de la découvertede l’inconscient, du travail des surréalisteset plus généralement de ceux qui donne-ront leurs lettres de noblesse à l’ombre.

Lui, au contraire, ce sera du soleil, del’air, de la lumière pour tous.Ce sera une pensée qui proclamera la mortde la rue, qualifiée de rue-corridor.Et qui partagera l’espace en quatre établis-sements humains :habiter, travailler, se divertir et circuler.Cette pensée deviendra hégémonique.Elle fut triomphante en Europe, à l’Estcomme à l’Ouest, elle conduisit à la mortde la ville et à une gigantesque productionultra-rationaliste de barres et de toursdans toutes les périphéries du monde.Et l’on appela “style international” la pro-duction de cette pensée issue de la tech-nique.Il inonda le monde.

Ce style international a fonctionné commeperversion de l’idéal démocratique : lescités ont été produites comme la formedémocratique de l’idée d’égalité.Mais à partir de l’idée qu’il fallait de l’air,du soleil et de la lumière pour chacun, ona perdu la ville en chemin.Et pendant trente ans, il y a eu comme uneforclusion du visible.On n’a rien vu de la dé-territorialisation,on ne s’est pas aperçu que la géographieavait été gommée.Pourtant le délire logique, la folie rationa-liste, à l’origine de la construction desgrands ensembles, a rencontré une vraiedemande, car les gens voulaient vivre dansdes espaces hygiéniques et cela a été vécucomme un progrès pendant de longuesannées, les dispensant de voir.L’idée de cette égalité-là devait être vraimentforte pour qu’on puisse en arriver là : lescités se vivaient comme de parfaites solu-tions à la crise du logement, par l’organi-sation rationnelle et des standards deconfort égaux pour tous.Et cela a donné ce “visible invisible” quel’on a supporté pendant très longtemps etqui est devenu brusquement insupportablelorsque tous ceux qui pouvaient le fuirl’ont fait.C’est à travers une étude sur les “grandsensembles” que j’avais mené avec AntoineStinco que nous avions remarqué, dansl’enquête que nous faisions sur Le Corbu-sier, à partir d’une photo de Le Corbusierrencontrant Einstein, qu’il y avait un vrairapport de toute cette culture de Le Cor-busier avec la culture scientifique et le côtéprogressiste du siècle en tant qu’il concer-ne la science.Mais en revanche, qu’il n’y avait pas detrace de rencontre de Le Corbusier avecFreud, ni avec les surréalistes.

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Le Corbusier n’a pasrencontré Freud

La chambre des parents n’est pas fermée,elle est en encorbellement sur le séjour,ouverte à tout vent, à tout bruit et à toutesles odeurs du reste de la famille ; l’espace yest fluidifié dans le séjour qui se présentecomme un atelier d’artiste avec sa doublehauteur.C’est la Cité radieuse et sa cellule.C’est très beau et c’est trop bête !C’est très beau parce que l’espace estgrand et fluide malgré la petitesse du bud-get et des surfaces. C’est très bête car ilvaut mieux que le sujet ne fasse pas l’amourdevant ses enfants, c’est la base, enfin c’estune des bases, d’une rare trivialité de ceque l’on sait du sujet et des traumatismesqu’il peut provoquer chez ses enfants lors-qu’ils surprennent la scène primitive del’accouplement de leurs parents.

La ville est rasée et remplacée par desgratte-ciel cartésiens, cette ville, c’estParis et le Plan s’appelle le Plan Voisin.Paris, c’est quelque chose de l’ordre de lapensée, un mixte entre le lieu de la poésieet le lieu de la politique, l’invention de laliberté et de la comédie, de Molière et desDroits de l’Homme. Paris, c’est le lieu descoupures et des passages couverts, unespace où l’on voit clair et pas clair, desdérives et des avenues, des cours et desfaçades, des sentiers et de l’apparat, desplaces royales et des agglomérats. Paris,c’est la certitude qu’il n’y a pas qu’un che-min pour aller d’un point à un autre,qu’on peut se perdre et se repérer.Venelles descendant des collines et Arc deTriomphe posé sur une place rayonnante àhuit avenues. Axe historique tiré sur l’infi-ni et infini du pittoresque des rues histo-riques lovées, contournées, sédimentées ;génie d’Haussmann qui, créant le boule-vard Sébastopol, sauve la rue Saint-Deniset la rue Saint-Martin.Ordre sauvant le désordre.D’un geste radical, Le Corbusier efface lamémoire d’une ville qui se confond avec lamémoire du monde démocratique, ce que lecommandant de la place de Paris, allemand,n’osera pas faire. Seul geste comparable :celui de cet empereur chinois qui, édifiantla grande muraille, fait brûler tous leslivres.Chacun sait que le crime de meurtre de lamémoire est le crime absolu ; c’est la néga-tion de l’origine, de la généalogie.Rappelons ce vers de l’Internationale pourle moins ambigu : “du passé faisons tablerase.”Pendant ce temps-là, s’invente le sujetmoderne dans un petit appartement vien-nois où Freud collectionne les antiquités.Le sujet mesure 1,83 mètre et il a le braslevé, c’est la mesure de toute chose chez LeCorbusier, le Modulor.Le sujet, il n’y en a pas un pareil, c’estcelui de Freud et de Lacan.

On peut déjà malicieusement remarquerqu’il y a un autre sujet qui a une tendancecompulsive à tendre le bras, c’est le sujetdu nazisme, archétype de l’aryen blond, etvérifier l’humanisme de Le Corbusier quine précise pas la couleur des cheveux deson homme du Modulor, mais qui, parcontre, ignore totalement que la moitié ouplus des sujets sont des femmes.Mais on peut lire une radicale différencedans cette histoire-là car le sujet moderneque Freud invente et que Lacan va tampon-ner du signifiant, c’est sa singularité abso-lue qui le désigne comme sujet.

C’est sur une colline et c’est sublime !Une voûte inversée qui discute avec Dieu :c’est à Ronchamps et c’est en plus unimmense instrument de musique.C’est la plus belle œuvre de Le Corbusier,la plus populaire, elle invente un horizonet aimante un territoire. Son plus beaubâtiment est un hommage à Dieu.Ce n’est pas un hasard si son bâtiment-phare est consacré à la croyance.

Alors que tout le travail de Freud, vérifiépar la découverte de l’être comme petitpervers polymorphe, vérifie dans l’inven-tion du phallus ou de son absence commeconstituant la structure, la “monstration”de la solitude de l’être et de ce que Pascalappelle la misère de l’homme sans Dieu.La vérification au cœur du sujet du cridostoïevskien “tout est permis puisque Dieun’existe pas.”Discorde totale entre Le Corbusier etFreud. Optimisme monstrueux de l’uncontre pessimisme actif de l’autre.Rappelons le mot de Freud sur le bateauqui le conduit en Amérique : “Ils ne saventpas que nous leur apportons la peste.”

1942, il est minuit dans le siècle.Avant la victoire de Stalingrad qui sera letournant de la guerre, Le Corbusier réédi-te la Charte d’Athènes et promet le bon-heur pour tous dans une préface d’unebêtise optimiste caractérisée. On assistechez lui au triomphe honteux d’une penséeprotégée, hors du temps et du monde.Pendant ce temps, Lacan, avec son éthiquesubl ime, lui qui avait abandonné leCongrès International de Psychanalysepour aller traîner ses guêtres du côté deNuremberg – “Cela ne ce fait pas”, luiavait dit Ernest Jones –, a décidé de nerien publier, de ne rien dire, de ne rienmanifester tant que les ennemis du genrehumain seront triomphants.

Voici cinq exemples de l’immense fossé quisépare Le Corbusier et la psychanalyse.Et encore, je n’ai pas instruit les élémentsd’un procès, controversé sur le plan histo-rique, sur le flirt qu’aurait entretenu LeCorbusier avec le fascisme.

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croquis téléphone

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Elle implique une consistance, une stratifi-cation, une sédimentation, une “nougatisa-tion” de l’espace, lieu où l’on peut devenirsoi-même, et non pas uniquement, comme leprofesse l’idéologie moyenne, lieu de ren-contres.

Je dis toujours aux maires : “Vous avez unevraie ville, s’il y a des prostituées, des homo-sexuels et des marchands de timbres.”Régulièrement, ils s’interrogent sur lesmarchands de timbres…En général, il y a des homosexuels et desprostituées.Dans une ville, le marchand de timbresreprésente le lieu où les sujets qui ontbesoin d’accumuler obsessionnellement dest imbres, des vignettes, des ai les depapillons, de les classer et de les stocker,peuvent s’exprimer et donc être heureux…Il y a toujours de quoi donner à jouir aupervers, à l’hystérique et à l’obsessionnel.Cela aussi est la ville.

La pensée freudienne, qui enracine le sujetmais pas dans ses racines, est une penséeévidemment urbaine, c’est une pensée dusujet dé-raciné justement, du sujet habitépar ses signifiants dont la principale trace,les racines, est une série de nominations.J’ai fait une longue analyse avec Lacan.Je suis donc un des sujets par lequel passala reconstruction d’un discours sur la villechez les architectes.Une analyse, au-delà de son propre salut,sert à vérifier les moralistes, La Rochefou-cauld, Balthazar Gracian, ceux qui saventjusqu’au tréfond combien le sujet peut êtreguidé, poussé, commandé par bien autrechose que l’amour du prochain.Ca vous rend d’une méfiance profondequant aux optimismes historiques totali-taires et nommément le fascisme et le stali-nisme. Mais ça m’a permis d’en découvrirun troisième moins connu : l’ultra-rationa-lisme en urbanisme et en architecture. Il afait moins de morts massives ; il n’est res-ponsable que de désespoirs et de suicides :ce qui se sait moins.Mais si l’on regarde de près on lui trouvedes ressemblances avec les deux autres, ony voit un individu bien peu identifiable,bien peu différencié, à travers une pro-duction de lieux de stockage, toujours lesmêmes.A travers ce travail avec Lacan, je produi-sis très vite ce qui aujourd’hui constitue lefond de pensée de mon travail.Je me perds, moi l’architecte, dans monbâtiment du Centre National de la BandeDessinée et de l’Image et je trouve qu’unlieu sérieux est un lieu qui ne se donne pastotalement à voir.Et lorsque je projette une ville, j’imaginele maximum de consistance éventuelle, lemaximum de signatures d’architecteséventuelles.

Je viens de terminer de projeter unensemble de 215 logements qui ne disposepas moins de 14 types de façades.Enfin, à Lorient, je passe du pire au vrai-semblable, du plus sordide espace, du stoc-kage à un vrai quartier.

La ville est une poétique. J’ai toujours rêvéque l’architecture devienne littéraire.J’ai toujours préféré le terrain le plusvague au plus beau des bâtiments.Qu’est-ce qu’ils font encore ici ?Question que je me pose, comme le péquinmoyen, devant la moindre palissade.Impossible que le bâtiment le plus baroqueatteigne à l’équivoque mallarméenne : aucu-ne subtilité là-dedans, du symbolique àl’état brut, une ironie si souvent absente.Donc j’ai toujours traqué les défauts, lescoulures, les lapsus du bâtiment, les écailles :vous avouerez que, pour un architecte, cen’est pas très commercial. Heureusement,l’endroit où l’architecture disparaît commenaïveté univoque c’est la ville, forcément.Elle, elle est baudelairienne, promenante,dérivante, collage, accumulation, cinéma-tique, poilue, sédimentée, vieillie, toujourslà, falaise d’Etretat et nougat d’espace.C’est pour ça que l’essentiel, c’est le lieu,ce n’est pas l’objet, le trajet plutôt que lafaçade, le trottoir plutôt que la chose.Prenez le centre de Turin, là où l’architectea vraiment frappé, avec sa folie hégémonisteet simplette : à fuir, mes chéris !Ne laissez pas un bistrot place Vendôme etmettez en plus celui qui couvait sous Bona-parte au milieu :faites un détour, pour l’éviter.Faites gaffe à l’architecture, jeunes gens,déplacez-vous, tournez autour.

Heureusement la géographie est là, et laBièvre, rue Pascal, authentifie le rêve deBreton de voir la ville par en dessous.La ville est ce qui se fait contre l’architecte.La banlieue est le lieu où il y a le pire del’architecte et le plus vrai du résidu del’entre-deux, la marge.Espace sans fin à la Queneau.Inhospitalité à investir par les mots.A investir par l’architecte à partir desbords de fleuve, des canaux et des coteaux,des traces potagères maraîchères etagrestes, et des violences des châteaux dutravail.A transformer en ville, par du collage,d’autres paranoïas :inépuisable espace à sédimenter.

J’ai toujours rêvé que l’architecturedevienne littéraire.

Roland Castro1993.

Conférence à l’Université de Princeton,Etats-Unis.

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Un pan entier de la pensée a complètementéchappé à ce discours.Le concept d’égalité mis en œuvre par lemouvement moderne a pris la forme d’unprocessus d’éradication de la géographie,des consistances diverses et variées, deslieux, des mémoires et des paysages.Et cela pose le problème des effets visiblesd’un discours politique totalisant, portépar des idées justes et simples dont leModulor de Le Corbusier sera l’archétype.Tout cela n’avait évidemment rien à voiravec cette vérité que Freud a dite dansMalaise de la Civilisation : “on peut peut-être changer le monde, mais à condition des’ôter de la tête que l’homme est bon.”Tout cela n’a évidemment rien à voir nonplus avec ce que les surréalistes ont racon-té sur le rêve, sur la ville et sur l’amourfou.La culture de Le Corbusier a résisté à ladécouverte des camps, des folies du fascis-me et du délire logique bureaucratique.

Que le triomphe politique du sujet corbu-séen dans le monde entier corresponde àde la non-ville, et à cette production denon-ville, n’est pas tout à fait un hasard.

Aujourd’hui, le travail architectural a denouveau une exigence : les retrouvaillesavec la ville. Ce qu’on nomme architectureurbaine ou art urbain correspond à laredécouverte d’un savoir-faire de la ville,d’un savoir-fabriquer de la ville, d’archi-tecturer les pleins et les vides, de savoirunir les transparences et les secrets.

C’est par exemple le travail qu’AntoineGrumbach a initié sur les passages cou-verts, les places, les rues, le “collage”, le“nougat d’espace” : ce qui refonde unsavoir-faire sur la ville a été rendu possiblepar la ré-intellectualisation des architectesdu monde entier.En France, ce mouvement était amorcé peuavant 1968.D’ailleurs, les étudiants en architecturerevendiquaient leur rattachement à l’uni-versité. Les étudiants s’étaient aperçusqu’ils étaient coupés de tout mouvementintellectuel.En même temps qu’ils commençaient à criti-quer leurs maîtres, ils se rendaient comptede l’autarcie de leurs discours.

Le mouvement qui s’est développé dans lemonde entier marqua le retour des archi-tectes dans le mouvement intellectuel géné-ral : ils apprenaient à travers une leçonnégative de la ville, le visible enfin révéléde la bêtise des “grands ensembles”.

Enfin, cette non-ville était vue.

Alors on revint à la ville.On arrêta de faire des barres et des tours.

On arrêta de couvrir les fleuves avec desroutes.On recommença à tricoter de l’espace.La question du plaisir de la ville revint.

Des mots qui étaient forclos depuis cin-quante ans revinrent, le mot “charme”revint, puis “pittoresque”, “théâtralitéurbaine” aussi, l’idée revint que la ville estle théâtre des passions et pas simplement lelieu de stockage intelligent et rationnel desêtres égaux.

Tout cela est revenu à la fois comme dis-cours et comme pratique.

Il est toujours dangereux d’établir des cor-respondances : ce n’est pas que les archi-tectes soient devenus freudiens, mais il estvrai qu’en 1970, 1971 et 1972 enFrance, nous fûmes en plein désarroi intel-lectuel, lié à la dépression de l’après-68.Et l’influence de Lacan fut comme uneespèce de bouée, de murmure extrêmementfort. Nous nous accrochions à cette phra-se publiée dans le Coq héron où il décri-vait le discours analytique comme : “cequi fait qu’il reste encore assez de jouis-sance pour le parler, pour que l’histoirecontinue.”

A un moment de désarroi total, le discoursde Lacan a été entendu, non pas de façondirecte, mais en passant par quelques indi-vidus. Ce n’est pas un hasard si on ren-contrait au séminaire de Lacan, AntoineGrumbach, Christian de Portzamparc etun certain nombre de gens. Son discoursagissait sur nous comme une morale provi-soire, où on voyait qu’il y avait encore àpenser.

Nous étions dans la situation française, quiétait pire que le reste du monde, à savoir :au pays du livre, le visible est majoritaire-ment censuré.

Ainsi la prophétie de Victor Hugo dansNotre-Dame de Paris : “Ceci tuera cela,le livre tuera l’édifice.”Car en France, depuis la Révolution fran-çaise, depuis la mort des rois, toute l’his-toire de ce qui est essentiel en matière demémoire est de l’ordre de l’écrit et pas del’ordre du visible. Il est d’ailleurs intéres-sant de noter qu’en ce moment, à traversles “grands projets”, on recommence unepetite redécouverte publique de la questiondu visible, on recommence à penser la villecomme lieu de mémoire.Or, entre le livre et l’architecture, pasd’opposition. Le même souci de perdurerles anime et ainsi le même rapport à lamémoire.

Il est évident que la ville n’est pas seulementle lieu de stockage des fonctions.

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Je remercie les participants à ces premièresRencontres, dont certains sont venus defort loin.Je remercie également la ville de Lyon, enla personne de son maire, qui a eu le rapi-de réflexe de proposer la région lyonnaisepour l’accueil de l’Ecole des hautes étudesurbaines.Je remercie enfin le ministre d’Etat,ministre de la Ville et de l’Aménagement duTerritoire, Michel Delebarre, qui a bataillépour que cette école soit fondée.Ca y est. On y est.Dans un trajet qui va des illuminations brû-lantes de la jeunesse et des inscriptionsindélébiles de l’enfance à la passion nonentamée de la maturité, celle qui se spécifie,se concentre, se discipline dans une éner-gétique où plus un gramme ne s’égare.Vieux rêve de Lacan, d’une machine àrévéler les canailles et d’André Breton lejour de la mort d’Anatole France :“J’ai rêvé d’une gomme à effacer l’immondi-ce humaine”.La création de l’Ecole des hautes étudesurbaines s’insère d’abord sous le signed’une adresse aux hypocrites et aux impor-tants :“Tremblez, car il n’y a pas de technique”.Ou, comme dit Gilles Olive :“La technique ne vaut que dans l’art”.Ou encore : “Le moindre bord de la riviè-re tuera vos plans paranoïaques, vos unitésde voisinage, vos zones de loisir ou de tra-vail, et la cellule de votre bonheur pro-grammé”.Ou encore, c’est d’abord le langage popu-laire qui dira les mots de ces lieux :“cages à lapins”, “cités-dortoirs”…Ou encore, comme le poète Henri Michaux :“Je vous construirai une ville avec desloques. Moi ! Je vous construirai, sansplan et sans ciment, un édifice que vous nedétruirez pas, et qu’une espèce d’évidenceécumante soutiendra et gonflera, qui vien-dra vous braire au nez, et au nez gelé detous vos parthénons, vos arts arabes, et devos Mings”.S’il n’y a pas de technique, il va falloirpenser.Je me souviens des premiers accès à la pen-sée que m’ouvrit Antoine Grumbach en1973, les trois B :Bataille, Braudel, Barthes.

Bataille, c’était pour la dépense ostentatoi-re, la part maudite, la restauration del’inutile fondamental, dur à trouver aux4000 de la Courneuve.

Barthes, c’était pour en savoir plus sur lemythe et sur le mot, d’où la décision defaire entrer le logement dans le guideMichelin, ce qui c’est fait à Vienne, etdonc dans les Mythologies de Barthes, etde retrouver la toponymie des lieux de lacouronne parisienne, là où ne se nommait

plus que 4000, 3000, ZAC, ZUP, HUS,SDAU, quand ce n’est pas la ZPSU (ZonePertinente de Solidarité Urbaine).

Braudel, c’était déjà pour le rapport géo-graphie/histoire, la carte incroyable de laMéditerranée qui nous fait voir la longuedurée. C’était aussi l’amour de la vérité, ouplutôt : “Pas de vérité sans amour”, “J’aiaimé passionnément la Méditerranée,comme tant de gens venus du Nord, commetant d’autres, après tant d’autres”.

Je me souviens de l’acharnement théoriquedu groupe des sept, Jean-Pierre Buffi, Jean-Paul Dollé, Antoine Grumbach, Guy Nai-zot, Gilles Olive, Christian de Portzamparcet moi-même, sur une phrase de Lacan :“Cet édifice nous sollicite. Car pour méta-phorique qu’il soit, il est bien fait pournous rappeler ce qui distingue l’architec-ture du bâtiment : soit une puissancelogique qui ordonne l’architecture au-delàde ce que le bâtiment supporte de possibleutilisation. Aussi bien, nul bâtiment, sauf àse réduire à la baraque, ne peut-il se pas-ser de cet ordre qui s’apparente au dis-cours. Cette logique ne s’harmonise àl’efficacité qu’à la dominer, et leur discor-de n’est pas, dans l’art de la construction,un fait seulement éventuel”.Le temps a pris son temps, et nous avonsreconstruit de quoi faire semer de la pen-sée et du projet.Ca, c’était du côté des architectes.Chez les scouts, j’ai été nommé impulsif etbohème : je fus donc fidèle à ma promesse.Avec quelques architectes comme MichelCantal-Dupart, et déjà Jean-Paul Dollé,déjà Gilles Olive, déjà Antoine Grumbach,nous apparut l’évidence : Banlieues 89.

Banlieues, c’était pour l’endroit où, visi-blement tout était prêt pour la déchiruresociale : le rationalisme totalitaire massa-crant la complexité urbaine, les rues, lesplaces et les avenues, au profit de l’air, dusoleil, de la lumière pour tous.Superbes idées, tellement belles qu’ellesvous dispensent de les voir lorsqu’ellessont construites, le rationalisme totalitaireavait créé un espace idéal de l’égalité.Il devait devenir le lieu de l’exclusion tantces métaphores carcérales et animalières,“on loge dans des cellules, dans des cages àlapins”, lui vont comme un gant.

89, c’était pour les idéaux fondateurs dela République.De façon impulsive et bohème, en se jetant àl’eau, en tournant dans tout le territoire, enprenant appui sur la toute nouvelle loi dedécentralisation, cent petites fleurs, d’échel-le parfois acupunctuelle, s’épanouirent.Les esprits ont été éveillés et certaineslourdeurs de pensée et de fabricationurbaine ébranlées mais non abattues.

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Fonder une école

croquis téléphone

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Le troisième, dirigé par Jean-Pierre LeDantec, interroge le topos entre ce champrestreint et sublime, l’architecture, et cechamp trop technique, l’urbanisme, pourréinventer le champ de la ville comme des-sin : l’art urbain.

Le quatrième, dirigé par Paul Virilio, étu-die les rapports de l’espace et du temps,nous l’avons nommé l’écologie urbaine.Polémiquement, il veut dire guerre àl’écrasement du temps, vous avez tous lul’article du Monde de lundi titré :“Quand il n’y a plus de temps à partager, iln’y a plus de démocratie possible.”

Le cinquième, dirigé par Gustave Massiah,fait cette école citoyenne du monde, elletravaille le Nord/Sud, soit le Nord et leSud, mais aussi le Nord et le Sud mêlésdans nos villes-monde modernes.La ville sans frontière est son horizon, laVenise démocratique moderne, ou, com-ment fabriquer de l’espace public à parta-ger, lorsque le monde entier est chez soi.

Cette école, topologiquement sera à Lyon,ville européenne, à la Croix-Rousse, quar-tier des canuts, dans un espace que l’onpeut prendre pour Prague dans un film, cequi en dit la qualité d’infractuosité de pliset la capacité de secret et de découverte,mais sera aussi dans un fort, qui fera unautre guet.

Cette Ecole aura ses pensionnaires à Lyon,soixante par an, soixante individus avecdes projets individuels.

Cette Ecole produira des grandes confé-rences à la manière du Collège de France.Ces conférences auront lieu à Paris, àLyon, à Marseille.On peut annoncer déjà celles de MarcAugé, de Pierre Bourdieu et de GeorgesDuby pour en inaugurer le cycle.

Cette Ecole sera pratique. Elle accueillerades stages pour les maires, les architectes,les services techniques des villes.Mais pas seulement pour les bordures detrottoir de Berlin, mais aussi pour étudierBaudelaire et Walter Benjamin.

Cette Ecole ne sera pas basée, elle sera surun bateau, elle sera en voyage, elle arpen-tera les périphéries du monde entier.

Un jour, des élèves de l’Ecole Nationaled’Administration m’appelèrent pour que jeleur parle. “D’accord”, dis-je, “maisd’abord on va voir.” J’arrive. “On n’a pasle temps”, me dit le petit groupe, “on n’apas le temps de voir, bien sûr, on peutvous entendre, ça, on peut prendre desnotes, et puis vous nous expliquerez …”Je leur ai dit au revoir.

Jeunes gens, à Strasbourg, allez voir leshabitations à loyer modéré du Neuhof etdu Neudorf.Ces HLM de l’époque allemande sont unmorceau de l’âme de Strasbourg, impen-sable même que l’on puisse penser qu’ils’agit d’habitations à loyer modéré, lesautres de l’époque rationaliste étant unetelle catastrophe.

Cette Ecole aura une originalité. Sesenseignants marcheront par couple, un ducôté du visible et un du côté de la pensée.

Comme pour garantir physiquement letopos/logos.

Enfin, elle nouera des relations avecd’autres institutions. Une conventions’écrit actuellement avec l’Ecole des hautesétudes en sciences sociales (EHESS), dontje salue le président, Marc Augé, et sa trèsbelle interview dans Le Monde sur la soli-tude moderne.

Arrivons aux objections : que tout lemonde se calme !

Cette Ecole ne veut remplacer personne,ni fédérer quoi que ce soit. Je pense queson objet même en dit l’originalité.On peut y ajouter le peu de goût de sesfondateurs pour l’ennui, le faux sérieux, etsomme toute la tristesse de ce que Lacanappelait le discours universitaire.

Mais le reproche le plus vulgaire adressé àcette Ecole est le plus beau des compli-ments : ce seraient mes amis, une bande.Que des esprits courts, mesquins, avec levernis de l’habileté ou de la bonhomie,puissent avancer que l’amitié est un obs-tacle à la transmission et l’invention dusavoir prouve leur imperméabilité à la com-préhension de ce qui se passe dans le par-cours de l’invention même.Que l’amitié, au sein de l’équipe fondatricene garantisse de rien, c’est bien sûr, maisque dire de la fondation d’un lieu où déjàles suspicions, les malentendus et les hypo-crisies seraient la règle ?

A vrai dire, les plans de carrière se suffi-sent de la sécheresse et des “amitiés” decomplaisance.Mais les projets ne fonctionnent que dansune conspiration des égos, parce quec’était lui, parce que c’était moi.Et que j’aime Jean-Paul Dollé et qu’ilm’aime, n’a, je crois, jamais fait obstacle ànotre quête commune.Sans qu’il sache ce que je lui dois, ni cequ’il me doit, rien, c’est-à-dire tout :ce que nous voulions, tout ce que nousvoulons aujourd’hui, presque tout, lepresque ici faisant hommage à Lacan,puisque le tout touche à l’impossible.

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La question est enfin identifiée au niveau del’appareil d’Etat.Il y a un ministre d’Etat chargé de la Villeet déjà des lois, dont la loi d’orientationsur la ville qui disent, en droit, le chemin.Nous avions, à Bron, tenté de voir loin, etde deux manières : – en proclamant un Droit à l’Urbanitécomme droit fondamental ;– en demandant la création d’une Ecoledes hautes études urbaines.

Cela faisait longtemps que l’impulsivité desuns et la méditation grondeuse des autresavaient pointé un silence : emblématique-ment, celui de Sartre. Sartre refuse le prixNobel en parlant de l’apartheid en Afriquedu Sud, mais sur les 4000 à la Courneu-ve, silence radio. Et Sartre, contrairementà la déferlante de l’air du temps, ce n’estpas rien : celui qui a écrit cela n’est pasun trou noir de l’histoire : “Un homme,fait de tous les hommes, et qui les vauttous, et que vaut n’importe qui …”

Nous découvrions alors que le silence deSartre était de l’aveuglement.Bref, qu’il ne voyait pas, qu’il avait accom-pli la prophétie de Victor Hugo.Hélas, trois fois hélas, l’acuité d’AndréGide sur Victor Hugo :“Ceci tuera cela, le livre tuera l’édifice.”

Aveuglement qui rejoint un immense auteurd’histoire et de livres, Charles de Gaulle,qui préférera ses Mémoires aux monu-ments, qui n’en laissa aucun, et qui nouslaissa les ZUP qu’il n’avait pas vues, commetout le monde en son temps.

Sur la reconnaissance de cet aveuglement,nous fondons une Ecole.Entre topos et logos, dans cet entre-deux,entre pensée et visible, est l’avenir dumonde, parce que le monde est devenu ville.

Pourquoi les bastides disent la démocratieet la laïcité, six siècles avant la laïcité ?Les villes bastides mettent l’église bienvisible mais sur le côté et la place publiqueau centre.

Pourquoi l’égalité construite, soit lesbarres et les tours, est devenue le lieu del’inégalité absolue ?Prenez Berlin, le mur dévoile une topolo-gie de l’exclusion visiblement préparée.

A ma gauche, un petit paradis social-démo-crate, un immense quartier sauvé de la spé-culation, le Kreutzberg, des Turcs, desmarginaux et des Allemands.A ma droite, Marzahn, si vous allez àMarzahn, vous louez à la Courneuve pourle mois d’août, 60000 logements sociauxen barres, bureaucrates, ouvriers et insti-tuteurs mêlés. C’est propre et fleuri.

Tout naturellement, ceux qui découvrent leKreutzberg et qui peuvent payer vont yaller.Tout naturellement, les Turcs, les plus fra-giles, le quitteront, ils trouveront à seloger à Marzahn où ils auront le plaisir derencontrer des chômeurs allemands auxcheveux de plus en plus courts.

Au milieu, bien sûr, il y aura le mur del’argent.Entre topos et logos, il y a de quoi penserBerlin.

Il y a un voyage à faire dans la banlieue deVienne : lorsque visiblement la social-démocratie avait le projet que les quartiersouvriers devaient être aussi beaux, aussicharmants, aussi promenants que les quar-tiers du centre, au point qu’aujourd’hui leKarl Marx Hoff est dans le guide Michelinavec des étoiles, preuve au moins visibleque la bête n’est pas morte, lui qu’il seradifficile de débaptiser en Kautsky Hoff,pour ceux qui connaissent une histoiresupposée morte du mouvement ouvrier.

Michel Delbarre m’a demandé donc unrapport, l’équipe fondatrice s’est mise autravail.

Topos-logos, c’est le contrat théoriquequ’il fallait signer.

Nul n’entre ici sans son corps, sans sonregard et sans sa pensée.Il y a un jeu de foire qui me fascine commemétaphore de l’accès à la vérité : il y a uncercle et cinq cercles un peu plus petits,mais à peine plus que le premier : il faut,avec les cinq petits recouvrir le grand.On n’y arrive jamais, il reste toujours unepetite fontanelle, mais enfin, on s’en rap-proche tellement qu’on recommence, cequi permet à un “bohémien” de gagner sacroûte.

On a donc structuré l’Ecole comme ça :cinq champs pour appréhender le grandchamp :la Civilisation urbaine.

Le premier, dirigé par Jean-Paul Dollé, ale lourd héritage de reprendre là oùl’aveuglement de Sartre a laissé la question. En résumé, puisque chacun va développer :civilisation urbaine ou barbarie, ou penserl’inouï urbain de notre modernité.

Le deuxième, dirigé par Alain Arvois, dontil faut saluer l’acharnement, y compriscontre moi, à vouloir cette Ecole, va trai-ter du politique, ou quelles sont les formesinstitutionnelles de la ville de l’époque oùaux Droits de l’Homme et du Citoyen ilfaut ajouter les droits du sujet, c’est-à-direl’irréductible de la singularité de chacun.

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Et si l’on passait à la nouvelle époque :celle des intellectuels fondateurs ?

Ils ne seraient plus immergés dans la classerédemptrice ou coupables de quoi que cesoit. Ils seraient tout simplement descitoyens inquiets de l’extrême désordre dumonde, stupéfaits dans leur propre pays dela coexistence de la plus grande richesseaccumulée au cours de l’histoire et des plusgrandes solitudes.Des intellectuels ayant tout juste quelquetrace du rapport qu’entretiennent la véritéet la vertu.

Jean-Paul Dollé raconte que Braudel ainventé la longue durée en captivité, dansun grand désespoir historique, dans lesremugles “lavalopétainistes”.Il lui fallait absolument penser loin.Avec notre style, nous espérons voir loin.

Reste le liant, l’émotion que vous imaginezbien être la colle de l’Ecole.

L’émotion qui brouille la pensée trop simpleet l’émotion qui parfois, visiblement, étreint.

L’émotion qui est dans le roman et dans le lieu.

L’émotion qui fait lien entre visible et pensée.

Jean Nouvel dit :“En architecture, d’abord l’émotion”.

Fernand Braudel dit :“J’ai passionnément aimé.”

On n’arrête pas un livre qui commence par“j’ai passionnément aimé”.

Chacun espère bien que les théories totali-taires n’unifieront plus les hommes demanière totalitaire, mais si les points decolle unissent des individus, en leur nompropre, et donc leur pensée, de ces pointsde colle et de cette mise à la colle, donc,du désir, aujourd’hui, peut émerger de lapensée.

Jean-Paul Dollé avait raison de dire que“l’amour est la seule question théorique denotre temps”.

C’est aussi pourquoi cette Ecole porteraun nom propre, celui de Fernand Braudel.Je tiens à le dire devant Madame Braudel,qui est parmi nous.

Roland Castro

Extrait des Cahiers de l’Ecole des hautesétudes urbaines Fernand-Braudel,Premières rencontres internationales de laville, Lyon.

30 et 31 Janvier 1992.

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Cette école va se donner un style quipourrait se résumer à trois formules : – liberté de l’esprit, – passion de la vérité, – méfiance envers la bureaucratie.Formules qu’il faut spécifier à son objetmême :le visible sensible et le rapport à la pensée.

La liberté de l’esprit est quelque chosed’extrêmement dur à tenir pour un archi-tecte, tant la structure même de l’exercicede son art l’oblige, pour le moins, à unpeu de courtoisie, voire de courtisanerie,envers les puissants, que ce soit le roi, leprésident ou le comité de quartier.Je parle de ce que je connais le mieux.Mais que dire des intellectuels aujourd’hui :arraisonnement par le médiatique dans unedétestable époque où Beckett ne trouveraitpas d’éditeur et Antonin Artaud tout cequ’il faut de camisole chimique pourdénouer son pèse-nerf.

Cette Ecole ne sera pas instrumentale pourles architectes et tentera de s’extraire dutemps médiatique pour tous.La vérité est une plainte, la vérité est aumieux le désir de vérité.

A la passion de la vérité l’objet de l’Ecoleajoute cet impératif catégorique :nul n’entre ici s’il se refuse à voir.

C’est une Ecole qui doit se faire avec lespieds, dans une dérive dans les villes dumonde, dans les périphéries des villes dumonde, dans l’ordinaire des maisons deshommes.Etudiant qui te destine au service public,laisse les procédures administratives à laporte de l’Ecole et, à la manière de Stend-hall, ramène-nous des carnets de voyage dela banlieue de Minsk, le train suspendu deWuppertal, ou l’arpentage systématique duterritoire de Mexico et de Lagos.Et si tu dois fabriquer un schéma directeurd’aménagement urbain, prends deux ansavec ton sac à dos.

Pour la méfiance envers la bureaucratie,nous avons pris quelques petites mesuresstructurelles de base.

Le conseil d’orientation scientifique éliraun conseil pédagogique qui nommera leprésident, la direction, le directeur desétudes, les responsables de champ pourquatre ans. Il ne sera possible de les rééli-re qu’une seule fois.Ainsi espérons-nous éviter que se structureun mandarinat du topos/logos.De même, les étudiants, les pensionnaires,les moines paillards de cette Ecole neseront recrutés que sur eux-mêmes, sansexigence de titre, sur eux-mêmes et surleurs projets.

Quelque chose de magique est en train denaître. Un très joli tour de passe-passe del’histoire. Une ligne particulière du jeu dego où, miraculeusement, l’encerclé devientencerclant.

La grande ville grossit, le désert et la soli-tude croissent.Babel est partout dans les identités, sousforme de morale provisoire :les ethnies, les religions, les intégrismes duriz complet et de la pâquerette.

Faites exister topologiquement ces identitésproductrices de mort, donnez à voir deslieux identitaires, faites vraiment de Mon-treuil une ville du Mali, parsemez la Francede mosquées, de vraies, pas de celle enstyle du pays, comme proposait un libéralgentil, donnez aux villes l’air qui leurmanque.

Donnez suffisamment d’ethnique et de reli-gieux sensible et visible, et vous aurez laville laïque, la ville vivable, la ville sansfrontière.Le contraire de certaines banlieues deMoscou où ne se voit, cher PhilippeAubert, ni un lieu gayaouz, ni une mosquée,ni une église.Vous avez dessiné, avec d’immenses barres,une ville pseudo-égalitaire, vous recevez enretour la crise folle de l’Europe centraledéchaînée et le lotissement nucléaire.

Une topologie du laïque et de la citoyennetéimplique une accumulation des signes del’ethnique et du religieux.D’où on peut comprendre finalement, dansla topologie de la “douce France”,l’importance des petits clochers pour cetimmense pays laïque.

Topos et logos nous racontent l’importan-ce d’une pensée paradoxale entre le voir etle vivre.Laisse filer visiblement la passion humaineagressive et guerrière et tu crées la ville del’égalité.

J’ai fait cette boucle topos/logos commemétaphore de ce que je voulais dire dustyle de l’Ecole pour en conclure sur cepoint : liberté de l’esprit, passion de lavérité, méfiance envers la bureaucratie.

C’est pour changer d’époque en matièred’intellectuels.Nous avions connu le sartrien.Nous avions connu le gramscien.Puis nous avons pendant longtemps connule muet.Il est vraiment encerclé, comme dans le jeude go, il devenait aphasique.Et puis, ça sort, Augé, Bourdieu, Virilio,et d’autres, la page 2 du Monde nousamène chaque semaine sa récolte.

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Une certaine idée de la ville.

Entre centre et absence.

Eléments d’un Pan* de ville.* Programme architecture nouvelle.

une place et une emergence

Retrouvailles

Cela supposait un renversement, desretrouvailles, un retour en avant.Nous sommes partis du malaise que procu-re aujourd’hui la présence simultanée, dansles villes moyennes, d’un centre historiquesouvent encombré, surchargé, et d’opéra-tions immobilières périphériques, qui défi-gurent et dénaturent les liens de la villeavec la campagne environnante.

Morphologie urbaine

Nous nous sommes, donc, d’abord posé unproblème de morphologie urbaine.Une ville n’est pas une somme d’équipe-ments et de logements. Une ville est unecomplexité, une imbrication. Une ville sup-pose des dimensions, une ceinture, desportes, des émergences.Une ville est riche de l’accumulation dutemps.

Une ville, pas une “non-ville”

Nous cherchons donc dans notre étudemorphologique à interpréter avec la sensi-bilité moderne ce qui serait des lois del’organisation d’un espace qui mériterait lenom de ville.

La discontinuité, l’évolution répétitive etinfinie, la rationalité technique, le morcel-lement des activités ont produit en bordu-re des villes, et même souvent dans lesvilles, des “non-villes” : des espaces enlambeaux, des espaces qui ne méritent pasle nom d’espaces publics, mais qui sont lerésultat du vide laissé entre des bâtimentsmonotones et d’une géométrie sommaire.

Un immeuble-porte, des ruesétroites, des places, des bornes

Notre début d’étude, en forme d’interro-gation, tente de réinterpréter ce qui fait laville à partir de quatre éléments typolo-giques s’articulant et s’imbriquant les unsdans les autres.

Ces éléments sont les suivants :un immeuble-porte, entrée de notre “pande ville” ;un complexe de rues étroites ;des places, l’une rectangulaire et direction-nelle, l’autre carré plus introvertie ; enfin,des éléments morphologiques, des “bornes”,à partir desquelles peuvent se constituerdes groupes de maisons, des galeries cou-vertes où l’accident prend sa place.Ce dernier type permet d’oublier l’ortho-gonalité, donc de donner à notre pan deville, un certain caractère irrationnel.

Il y a dans la tradition française d’être lepays qui fait, de par le monde, le commer-ce des idées avec une volonté d’hégémonie,soit dans le meilleur, soit dans le pire.

Ce n’est donc pas un hasard si la France aété ces vingt dernières années, avec unebelle assurance, le pays où les idéologiesurbanistiques modernes se sont “épanouies”sans vergogne.

Sarcelles est ce modèle de rationalité,d’économie et de banalité tragique qui estuniversellement connu comme le grandensemble type.Bien entendu, c’est aussi en France quel’on trouve les prémisses d’un grand réexa-men.Cette remarque pour que l’expérience pas-sée serve à éviter de trop grands emballe-ments quant aux théories nouvelles enmatière urbaine, et pour tout dire que lestravaux que nous présentons n’ont pasprétention à l’hégénomie.

Après tout le logement du plus grandnombre en est malgré tout à ses débuts,l’usage en est encore très mal connu.

Or, l’architecture est cet art fondamenta-lement impur qui attend toujours quel’usage et le temps aient fait leurs preuves.

Cela dit pour situer que vers l’année1970 le grand réexamen commence et quel’on voit poindre deux sortes de solutionsà la crise d’idées en matière urbaine,l’idéologie du proliférant, l’idéologie duretour à la morphologie urbaine ; le pro-liférant, c’est ce que nous croyons ne pasêtre une bonne solution.

Mais, là encore l’usage n’a pas tranché, etil faudra attendre que des quartiers telsceux bâtis à Evry soient appropriés. Nosrecherches, par contre, s’appuient princi-palement sur une étude : les invariantsstructuraux de l’urbain à travers l’histoirede l’architecture, les modèles morpholo-giques que l’histoire nous lègue, l’espoird’une rationalisation de la forme.

Disons que devant l’espèce de vertige où lediscours de la technique laissait béante laplace de l’architecture, nous avons choiside penser à l’habitat en tant qu’élément dela ville, de repenser à des notions aussisimples que l’échelle humaine et le pas de lamarche, choisi de remettre en question lediscours de l’hygiène, dont Le Corbusieravait été le vecteur.

Ainsi, nous avons choisi d’adhérer auconcept d’architecture urbaine car ilcherche à réunifier l’urbanisme en tant quethéorie de la ville et l’architecture commeforme de la ville.

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La béance

C’est pourquoi dans nos places, dontl’ordonnance peut paraître classique, nousutilisons la béance pour rappeler quenotre époque n’est pas classique.

L’immeuble-porte est la construction laplus monumentale.Il se présente comme l’imbrication sur unparti symétrique de logements et debureaux avec deux avant-corps et un bâti-ment central, sous lequel voitures et pié-tons peuvent passer.

Les avant-corps sont marqués par desoriels qui font références aux colonnes deLedoux.

Les rues et les ruelles se présentent sousl’aspect de façades dont les percementssont très variés.

On pénètre dans des cours-jardins.

On accède aux appartements par des cour-sives extérieures, à l’arrière des bâtiments.

Ceux-ci bénéficiant de vues beaucoup pluslarges que sur la rue, les appartementsétant organisés dans une géométrie qui uti-lise, à la fois, l’angle droit et l’angle à45°, de façon à avoir des espaces plusdynamiques, mieux enchaînés, qui retrou-vent le coin, celui de Bachelard.

Les immeubles-borne, amorces d’un pâté demaisons, sont, eux, traités de façon plusexceptionnelle.

L’un des immeubles d’angle est flanqué dedeux très grands oriels cylindriques,contrariant sa pointe agressive.

L’immeuble-borne, formant angle droit, estau contraire échancré et enveloppe unautre oriel cylindrique.

Nos angles de rues sont marqués, souli-gnés, traités, parce qu’ils sont destinés àappeler quelque chose d’autre.

La place

L’élément, qu’au stade actuel de l’étudenous avons traité plus au fond, se présentecomme articulation des lieux publics et deslieux semi-privés, permettant l’accès àl’espace purement privatif de la maison.

Côté intérieur, l’espace semi-privé estconstitué de coursives rattachées à la placepar des escaliers et couvert par une ton-nelle végétale.

Les appartements ont leurs chambres, sallesde bains et cuisine orientées vers l’espacesemi-privé ; leur salle commune, parcontre, est orientée sur la place. Toutes les pièces de chaque appartement enduplex bénéficient d’un jardin privatif eton peut imaginer un cahier des chargesspécial autorisant de petites constructionssauvages dans ces lieux privatifs.

Si la place est minérale, l’espace semi-privé, lui, est complètement végétal, nosmaisons se confortent sous la verdure.

45°

L’utilisation systématique d’une combinatoi-re entre l’angle droit et l’angle à 45° est,là aussi, la marque d’une volonté des’appuyer sur le désir contemporaind’espace plus dynamique que celui del’appartement traditionnel.

Notre effort s’est porté essentiellement surla qualité de l’espace, et nous avons sur-tout cherché à fournir les prestationsconvenables, mais minimales, pouvantabsorber le coût de la tonnelle.

Groupe Architecture UrbanismeRoland Castro, Abdelkrim Driss,Guy Duval, Jean-Jacques Faysse,Lorenzo Maggio, Bernard Oge,

Antoine Stinco.Consultants : A. Grumbach, R.Ferry.

1974

des bornesune place

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une porteune ruelle

Du point de vue urbain, nous avons arrêtédes choix simples, voitures et piétonsmélangés, circulations hiérarchisées uni-quement par leur dimensionnement, minéralet végétal imbriqués, l’un dans l’autre.

Une dialectique d’échange

Du point de vue architectural, nous avonscherché à traiter l’espace public et l’espaceprivatif dans une dialectique d’échange.Nous avons étudié la maison, son “espacedu dedans”, son prolongement extérieur,en attachant une particulière attention auxtransitions.

Le vocabulaire architectural

Enfin, nous avons réactualisé le vocabulairearchitectural légué par les siècles :la fenêtre à la française, l’arcade, la fenêtresemi-circulaire, l’oriel, les terrasses.

Nous avons cherché à réhabiliter l’orne-ment en tant que tel, avec des effets extrê-mement simples : soulignement de lignes pardes céramiques, chapiteaux en béton mouléà nos colonnes, revêtement des cheminéesouvragé, etc.

La dimension

Nous avons étudié la question de la“dimension” : notre place carrée a la lar-geur de celle de la Contrescarpe, notreplace rectangulaire tiendrait deux fois danscelle des Vosges, nos rues font parfois sixmètres de large, “l’immeuble-porte” est plusélevé que les autres constructions, maissans gigantisme, sa symétrie est ambiguë.

La variété

Nous avons cherché une variété qui tented’intégrer ce que le temps donne à la ville.Un grand débat aujourd’hui est ouvert :l’architecture est un art éminemment ambigu.

Certains estiment que l’intervention archi-tecturale doit s’exercer avec volonté etbrutalité sans aucun élément de pittoresque.D’autres, dont nous sommes, pensent qu’auregard du rigorisme de l’intervention,l’exploitation des accidents et du fonction-nement de la vie est souhaitable.

Ainsi, dans notre type “groupe de mai-sons” dont nous pourrions ossaturer lesbornes, d’autres architectes pourraientintervenir.Ainsi, dans notre place ordonnancée, nouspourrions interrompre notre travée poury introduire des éléments de nature diver-se, socio-éducatifs, l’arcade seule structu-rant l’espace.Ainsi, nous avons tenté dans le plan-massed’interrompre notre place par une émer-gence, le chevet d’une église existante.

L’échelle

Nos édifices ne sont pas très élevés, àl’exception de “l’immeuble-porte” composéde sept étages.C’est peut-être aller à contre-courant,mais il nous semble avoir retrouvé uneéchelle de l’espace habité plus humaine. Pour nous, l’apport de l’architecturemoderne n’est évidemment pas ce que nouscritiquons dans le construit existant, maisune certaine sensibilité qui se manifeste,notamment, dans le désir d’espace plusdynamique.Les techniques contemporaines ayant per-mis d’obtenir des espaces de plus en pluséclatés, certains rêves de Piranèse peuventdésormais se réaliser.

L’ambiance

L’utilisation de l’acier permet de créermieux que des espaces, des ambiances etdes microclimats. Enfin, la sensibilité contemporaine del’architecture est le reflet de cette absencede sérénité qui caractérise le mondemoderne.

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s’arrête, se rencontre, et où la proportiondes espaces en fait à la fois l’endroit oùl’on fait ses courses, mais aussi l’endroit oùles gens se livrent à toutes les mimiques dela prestance et aux hasards de la ren-contre.

En suivant, rue de la Roquette, des loge-ments d’étudiants sont adossés au jardin, àla rue Duranti.

Et à l’entrée dégageant un espace quenous couvrons pour installer le gymnase,des coursives intérieures permettentd’assister aux spectacles du sport, presquede chez soi.

Que l’on aborde d’un côté ou de l’autre larue-mail, la mise en scène est la même.Notre parti est symétrique et axé.

Axe et symétrie présents dans toute l’histoi-re de l’architecture, organiquement liés àla notion d’architecture, sont là pour rap-peler que toute construction cherche àrenvoyer une image satisfaisante de soi, àencourager le narcissisme.La symétrie est l’image du corps de l’homme.

Des deux côtés, une rue avec des bâtimentsde hauteur égale et deux rangées d’acacias-boules, l’arbre peut-être le plus dessiné etle plus architecturé que l’on puisse trou-ver. La rue se serre au mépris des règle-ments vers la rue du Chemin-Vert, il n’y aplus d’arbres.

Au centre, les bâtiments s’élèvent, s’épa-nouissent, s’enroulent autour de l’ancienneprison, se développent en croissant.

Nous avons pensé à cette merveilleuse com-position du Royal Crescent Bath en Angle-terre. Une portion de cercle qui se refer-me légèrement sur les côtés.

Des arcades en demi-cercle, avec une mez-zanine, qui vont abriter les logements desvieillards, placés volontairement au centrede la composition.

Des oriels en forme de colonnes à laLedoux scandent cet hémicycle ; horsd’échelle, volontairement, ils s’inscriventdans la tradition qu’inventa Palladio, demonumentalisation de l’habitation.

Le bâtiment central a une façade au nordet l’autre au sud. La rue principale est aunord. Cela est volontaire.

Car, notre jardin est, lui, baigné de soleilet offre un jeu d’ombres et de lumières àtoutes les heures du jour. Le soleil que l’onveut prendre chez soi d’un côté, on profi-te de l’autre de son spectacle.

Le Nord pour le Sud par le parti.Le Nord et le Sud pour l’appartement tra-versant. Voilà notre manière d’avoir régléla contradiction.

Le jardin se développe à partir du crois-sant sur toute la partie haute du terrain.Là se trouve un élément décisif de notreparti.Nous avons tenté de figurer que l’opposi-tion “nature-culture” est une fausse oppo-sition, que la nature dans le jardin est unfait de culture, qu’un jardin ce n’est pas unespace vert.

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Une certaine idée de la ville.

La Roquette.

A cet emplacement s’élevait la prison de laPetite Roquette.On n’a pas envie de reconstruire sur lesprisons quand elles sont rasées.Le petit Châtelet est couvert d’une place,soit d’un vide. A la Bastille, le pavé restituele dessin d’enceinte que des milliers de gensfoulent chaque jour.A Clairevaux, la centrale occupe le monas-tère, mais rien ne dit que les moines ontenvie d’y revenir.Mais, tragédie du terrain libre dans Paris,y aurait-il eu un charnier ou un camp deconcentration que le lieu serait devenu cequ’il est quand on lance un concours en1974 ?Deux hectares et demi dans Paris, onconnaît le coefficient d’occupation dessols, on sait ce que ça veut dire.Ceci dit, l’histoire est plus forte que lespromoteurs.

A cet emplacement, s’élevait une prison defemmes.

On y entrait par un joli jardin, on estpudique, puis six branches de cellulesautour d’une très belle tour centrale, esca-lier superbe, calepinage impeccable, sixcours de marche en rond autour de latour.

Notre parti n’oublie pas, il éventre soncentre, il évite le fantôme de la tour cen-trale, il rase symboliquement la prison, ildésaxe la composition tout en conservantla survivance de l’ancienne entrée quitrompait son monde.

Notre parti est d’abord conçu pour pié-tonner l’ancien lieu.Nous essayons de construire malgré cetteprésence malsaine qu’il ne suffisait évidem-ment pas de démolir pour détruire.

Et comme, en plus, avatar de l’architectu-re, c’était triste mais c’était beau, nousaussi, nous avons tenté de faire que ce soitbeau.Dans ce quartier où le cimetière du Père-Lachaise est très présent, deux rues sontparticulièrement animées et vivantes : la ruedu Chemin-Vert et la rue de la Roquette.Nous avons donc tracé une rue allant del’une à l’autre : de la rue ordonnée de laRoquette à la plus ancienne, sinueuse, duChemin-Vert.

Pour faire une rue, il faut être deux.

Le terrain se limitant strictement au péri-mètre de l’ancienne prison, nous avonsanalysé les circulations alentour.A part une toute petite partie de la rueMerlin, qui est ordonnancée et continue,les trois rues sont dégradées à des degrésdivers.

Rue Duranti, il y a un garde-meubles écra-sant et sordide, d’une pseudo-monumentalité.

Et sur les deux autres rues, construits ouen projet, des ensembles comme Paris enconnaît trop : jeu de cubes et portier élec-tronique, tuant la continuité de la rue.

Nous créons donc une rue, un mail, endiagonale dans le terrain, toujours tuer laRoquette, allant de la rue du Chemin-Vertà celle de la Roquette, et inversement :piétons, mais aussi, avec un règlementintelligent, livraisons, ambulances, pom-piers, déménagements, voitures pourvieillards ou handicapés.

Chacune des extrémités de cette rue estponctuée : deux colonnes comme à Saint-Marc, puis une porte plus modeste del’autre côté, mais accompagnée d’un bâti-ment de sept étages sur l’angle. Dans les deux cas, nous laissons des traceset des signes en attente d’un prolongementultérieur. Nos entrées sont des articulations avec lereste de la ville.De ce fait, notre projet s’ouvre surd’autres possibles.

Bien que nous restituions le mur d’enceintede ce lieu sous la forme d’un mur en ruineoù s’adosse le jardin existant, qui est deve-nu dérisoire sans ce mur, et qui enclôt lejardin que nous créons, le tissu aura undehors et un dedans :la ville craint les courants d’air.

Nous reconstruisons le pavillon d’entréedans l’axe de la rue de la Roquette.

Un établissement de noble proportion, ins-piré de la tradition de Boullée, Ledoux,Lequeux, des architectes du siècle desLumières, va abriter la sécurité sociale,l’assistance sociale, le dispensaire, dans desespaces grands, hauts de plafond, impo-sants et confortables où déjà l’architecturevous traite moins comme un numéro ou uneunité de passage.

Le sous-sol de ce bâtiment héberge un éta-blissement thermal du genre hammam, cer-tains y retrouvent leur pays, d’autres sim-plement leur corps.

Plus loin, en remontant la rue Servan, unegalerie, couverte par des voûtes en acieret en verre, abrite différents commercessur deux niveaux.

Rue couverte, rue intérieure, espace detransition de la rue automobile au jardinque l’on découvre dans le fond de la gale-rie : réactualisation des tous ces passagesqui trouèrent Paris au XIXe siècle, galerieVivienne et passage des Panoramas, où l’on

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Perspective Antoine Stinco

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Fini le discours du matériau cache-misère,des “altuchoses” et des pâtes de verre.

La céramique serait bienvenue en face dujardin, pour en capter le reflet.

Mais une céramique unie, comme Sauvagesavait si bien faire, et, grâce à quoi notremétro est supportable.

Enfin, tout cela, c’est trop beau, presqueidyllique, la nostalgie va disparaître.

Nous avons fendu en deux la composition.

Nous lui avons donné une blessure symbo-lique.

En plein milieu du croissant une béance, untrou, une coupure.

Nous en avons senti l’exigence impérative.

Nos bâtiments accrochés à l’histoire, àl’invariance, remplis de citations, nous lesavons marqués du signe du temps, du tempsde l’angoisse du vide et de la décadence.

Comme Fontana a fait la peinture de sonépoque à coup de couteau dans la toile,nous avons blessé notre architecture enson centre et dans l’axe de la composition.

Le jeu qu’entretient cette coupure avec lereste est bien la preuve que notre projetest actuel.

Il n’y a plus de Suisse, plus d’île déserte,plus de paradis sur terre, il valait mieux lefigurer que de faire croire que cela n’exis-te pas.

Preuve s’il en est que l’architecture fait cequ’elle peut, mais rien de plus.

Nous avons essayé de montrer qu’une foisde plus, quant tout va mal, c’est la Renais-sance qu’on appelle et, c’est pourquoinous avons historicisé notre projet.

Il y a le “dessillement” :i l faut regarder les choses en face,s’accrocher à l’histoire et aller à contre-courant.

1974Roland Castro,Abdelkrim Driss,

Guy Duval,Lorenzo Maggio.

Architecture urbanisante

Bâtiment générateur

Bâtiment Janus

Exercice de style

Gratuité

Lieu d'intensité

Mémoire et modernité

Sédimentaire délibéré

Sens et signe

Tricot urbain

Remodelage urbain

Projet urbain fédérateur

Lexique

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Rien de plus autoritaire qu’un jardin, riende plus ordonné, de plus délibéré, de plusvolontaire.

Le jardin est d’abord un bassin où va serefléter le croissant central et où l’eaucalme va à peine parler, coupée par la rue,mais pas vraiment, car elle est plantée.

Il reprend dans la tradition à la françaisedu buis taillé et du parterre pour se trans-former en montant en un jardin roman-tique anglo-chinois.

Il finit, après une succession d’escaliers, surune cascade et une grotte, où l’on entendl’eau gronder, mais que l’on ne voit pas.

Il est planté d’érables, de hêtres rouges etbien sûr, de platanes et de marronniersplantés dans la pleine terre, pas d’illusionsur les jardins sur parkings.

Notre jardin, terminé par un murd’enceinte, ne comprend pas le moindreespace de jeu spécialisé.

Rien pour les enfants : voilà notre parti,c’est-à-dire tout pour les enfants.

Fini les jeux de plastique, nous leur offronsla complexité urbaine et un jardin commeterrain d’aventure.Il y aura quand même un bac de sable et untoboggan.

Notre projet est parisien.

Paris est cette ville qui dialogue avec leciel par le jeu extraordinaire de ses toi-tures et ses cheminées.

Une interminable l iste de poètes entémoigne.

Il y aura donc toitures et cheminées :- toitures à une pente à 45 % côté rue,- toitures cylindriques côté extérieur,- toitures en zinc.

Près du croissant, peut-être pour se dis-tancer de la symétrie, nous avons créé unevolière sur les toits, volière ou lieu de jeuxcalmes, ou les deux.

On y accède par l’intérieur et aussi par unescalier extérieur partant de la librairie.

Paris est une ville grise, transparente etbleutée, parfois un peu rosée.

Paris n’est pas une ville colorée à l’italienne.

A la Roquette, ce sera pareil.Peut-être quelques enduits légers.Mais, surtout une unité de matériaux.Un strict jeu de pleins et de vides.

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Croquis avant/après, Quai de Rohan, Lorient

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Zac Moskowa, Paris,55 logements et commerces.1995

Situé dans un contexte riche et diversifié,d’Habitations Bon Marché, de maisons deville, de tours à redans, le projet est à lafois très affirmé et dialoguant avec les élé-ments du contexte existant.

Implanté dans une configuration d’anglebénéficiant d’un généreux recul, le bâti-ment offre à l’avant une proue, un signalqui évoque les paquebots des années 30,et latéralement, l’enchaînement de plusieursséquences qui favorise le collage d’écri-tures architecturales fondées sur unevolonté de différenciation où alternentbow-windows et baies vitrées, cornichesfilantes et hublots.

L’ensemble reste lié par un soubassement depierre blanche Buffon, soulignée de pierrenoire d’Irlande.

Aux autres angles s’affirment des bornesqui, par leurs balcons, offrent vuesattrayantes et bon ensoleillement.

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Architecture urbanisante La grande invention des impression-nistes est d’avoir travaillé le bord :la thématique de l’entre-deux.

C'est aussi la question centrale del’architecture et de l’urbanisme :le traitement du rapport entre leschoses, plutôt que le traitementdes choses.

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Collège-lycée expérimental,Hérouville-Saint-Clair.1993

Le projet épouse le tracé du quartier etgénère des vides : un système de coursplantées avec tonnelles longées de galeriesvitrées, qui distribuent les salles de cours.

L’enchaînement des espaces exprime unerecherche sur la perméabilité.

Patios et galeries sont autant d’espaces dedéambulation.

La relation anciens-nouveaux bâtimentsrepose sur l ’ identité d’échel le et lecontraste des matières :peinture / red ceddar.

Un ensemble formé par les salles dédiéesaux activités artistiques émerge face àl’entrée et rend lisible la spécificité del’établissement.

Un signal romantique et des lieux calmespour méditer, réfléchir, jouer et, dans leciel des patios, rêver.

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Bâtiment générateur Un bâtiment générateur est un bâti-ment qui, par sa posture, non seu-lement s’inscrit dans son contexte,mais donne le sentiment de le fabri-quer, de le générer.

Il rayonne, il organise par son évi-dence le quartier dans lequel il estpositionné.

L’Opéra de Paris, le vrai, en est lemeilleur exemple.

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La Butte Rouge, Chatenay-Malabry,marché, mairie annexe,centre technique municipal.1997

Le projet fondé sur une mise en valeur despentes, de la double déclivité du terrain,s’inscrit dans une logique de couture avecla ville :un grand escalier permet la circulation despersonnes,une voie d'accès celle des véhicules,une place en position de belvédère, de bal-con urbain, surplombe la Butte Rouge etaccueille le marché forain,un square public accessible depuis la placepar une allée plantée et de plain-pied avecles logements situés à l’ouest du site offreen son centre un lieu de repos et de jeupour les enfants.

Le marché couvert et la mairie annexeexpriment avec noblesse leur caractèrepublic.Les colonnades des deux édifices structu-rent, encadrent la place.

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Bâtiment Janus Un bâtiment peut devoir affronterdes s i tuat ions urbaines fortcontrastées.

La manière Janus, célèbre héros àdouble visage, consiste à gérer lesdifférentes facettes urbaines d’unprojet.

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L’Hôtel de Ville, Saint-Egrève,extension.1993

Le nouvel Hôtel de Ville est une architectu-re collage, le pivot du projet urbain derecomposition du centre-ville.

Il met en scène autour d’un réseau de cir-culations en croix, la solennité classiquedu château et la modernité des trois nou-veaux pavillons.

Hétérogénéité des volumétries, corps ellip-tique enchâssé dans une colonnade depierres, toiture en vagues.Hétérogénéité des percements, fenêtres enhauteur et fenêtres en longueur.Hétérogénéité des matériaux, pierres etprofils acier.

En vérité, le maître des lieux est un arbremagnifique qui émerge du cœur de la com-position, à ciel ouvert, dans un patio, irri-gué par un aqueduc.

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Exercice de style Il peut être amusant, et urbain, devarier les manières d’écrire sur uneportée de musique réglée.

Exercice à la Raymond Queneau,cela crée de la différence ordonnéesur scénario unique et donne del’esprit à une séquence urbaine,sans créer la guerre des postures.

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Institut Polytechnique, Sevenans.1986

Le site est un long escarpement au-dessusd’une plaine traversée par une rivière, laSavoureuse, et le projet s’inspire radicale-ment du génie de ce lieu.

La terrasse du château, et le prolongementponctué de “châteaux laboratoires”, révèleune tour penchée, signal insolite, qui rap-pelle que Galilée découvrit la gravité àPise et marque symboliquement la créationde l’Institut.

Un pont habitable est lancé à la perpendi-culaire de la terrasse pour franchir larivière.Il est conçu comme une séquence de rues etde places couvertes, en étroite liaison avecla végétation environnante, et traité à lamanière des espaces publics urbains.

C’est une réflexion, soucieuse du climat,sur les espaces intermédiaires, sur la rela-tion intérieur / extérieur.

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Gratuité Il est souhaitable, chaque fois quel’économie d’un projet le permet, decréer des éléments insol i tes,étranges, poétiques, de peu d’utilitéapparente et de peu de rentabilité.

Ce sentiment du gratuit dans la villerenvoie à La part maudite deGeorges Bataille, celle qui permetl’échange symbolique.

Le monument a cette fonction dansla ville.

Introduire de la gratuité dans leprojet donne le sentiment de la jubi-lation, de la liberté, au-delà de lanécessité.

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Gabarits

Plan étage courant

Les Tours Fines, Oullins.1983

Oullins, banlieue sud de Lyon, 27000habitants, route nationale en guise degrande rue, tissu villageois profilé surdeux-trois étages, excepté l’unique monu-ment, une église.

Oullins n’a pas de centre, mais a un maire,Roland Bernard.

Oullins, un des premiers projets de Banlieues89, un symbole, où le couple maire-archi-tecte teste la philosophie du grain de sable :“Comment une pet i te interventionenclenche un processus irréversible.”

Oullins se cherche une personnalité urbai-ne, épaissir le centre, désenclaver uneplace existante, bousculer la perspective dela grande rue, et la trouve en créant unréseau de places, par le percement d’îlotsqui donnent aux rues étroites à la fois desépaisseurs et des transparences, et enconstruisant quatre tours de dix niveaux.

Quatre fois trente-trois mètres de baroquemoderne sculptés dedans comme dehors,avec plissés, saillies et renforcements,courbes et contre-courbes.

Les Tours Fines, quatre-vingts logementspour faire signal, un hommage aux Campa-niles de San Gimignano.

Les Tours Fines, variations sur un thème,architecture collage à la Queneau, subtile-ment mises en couleur par Annick Desmier.

Fruits d’une réflexion urbaine, les places etles tours inventent un centre-ville.

Les péripéties furent légion, mais Oullins lefaubourg, a gagné une identité et s’estoffert une nouvelle image, avec quatre-vingts logements.

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Lieu d’intensité Il peut se produire que, avec peu dematière et peu de bâtiment en masse,de façon acupunctuelle, on arrive àl’efficacité maximale d’un lieu commesi l’on fabriquait un aimant urbain.

La ville dispose ainsi de lieux deforce plus attractifs que l’ordinaire.

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Centre Nationalde la Bande Dessinée et de l’Image,Angoulème.1985

Au commencement il y a l’usine Champi-gneule, un morceau de patrimoine histo-rique, un témoignage de l’époque où lesusines prenaient des allures de châteauavec cour d’honneur.

Et puis, il y a la pente, l’escarpement dusite.

Enfin la modernité, la reconversion, l’artde bâtir dans du déjà-là, l’art de la trans-formation, au bénéfice d’activités devenuesplus immatérielles.

Taillé dans l’usine, un vide en forme decône demi-elliptique, un grand puits ouvertvers le ciel, à la croisée de l’accès et descirculations horizontales et verticales,devient le centre du nouveau dispositif.

Delà, un grand rideau de verre se déploieautour du parvis comme fond de scène quiprendra, la nuit, des allures étranges.

Paradoxalement, les bâtiments neufs, àl’est, accueillent les lieux du patrimoine :musée, médiathèque, cinémathèque.

Et les bâtiments réhabilités, à l’ouest, leslieux de l’école :formation et laboratoires.

Les plateaux sont dans l’esprit loft, laisséslibres.

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Mémoire et modernité La ville est mouvement et contient letemps.

C'est une conversation qui traverseles siècles.

Le temps abîme et magnifie.

L'architecture contemporainecomme le patrimoine sont les jouetsde ce grand ordonnateur et per-dent leurs complexités et leursvaleurs à être envisagés indépen-damment.

Ce sont les deux moments d'unemême pratique.Celle de la fabrication des villes.

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Zac d’Aguesseau,Clermont-Ferrand.1991

La zone d’aménagement concerté estimplantée sur d’anciennes friches indus-trielles au cœur d’un faubourg excentré.

Fondé sur une réflexion topologique, leprojet vise deux objectifs :– créer un lieu, un quartier à part entièrede Clermont-Ferrand ; – introduire par une diversité des modesd’habitat une mixité susceptible de créer lesconditions d’une véritable urbanité ;

et s’appuie sur quatre éléments urbains :– un campanile planté, un signal urbainqui identifie et annonce le quartier, notam-ment depuis l’avenue Edouard-Michelin,c’est une tour fine de 9 étages contenant20 logements, les grands avec jardinets enrez-de-chaussée, les petits en étage avecterrasses orientées sud et ouest et loggias,les duplex en couronnement.Deux logements par niveau, tous sont diffé-rents. Les arbres plantés font “monter” lesol et expriment le plaisir d’habiter ;

– une place au plan carré, comme uneplace de bastide qui permet un collaged’écritures architecturales variées ;

– un jardin résidentiel, un territoired’appropriation en cœur d’îlot ;

– un mail planté qui qualifie les rues péri-phériques.

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Sédimentaire délibéré La leçon de la ville, c’est la beautédu sédimentaire, de l’accumulé, dusubstitué, de l’involontaire.

Il s’agit là de faire, de façon volon-taire, ce que seul le temps a produit.

Exercice délicat, il peut tourner aupastiche.

Réussi, il donne à un quartier lavertu du déjà-là.

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Hôtel de Police, Vienne.1989

Le projet est fondé sur une double volonté :

– constituer une image forte susceptibled’achever, à l’échelle urbaine, la mise enscène de la place Sémard.La façade qui respecte le gabarit des bâti-ments proches traduit le caractère publicdu programme, dignité et austéritéaccueillante ;

– composer l’espace en référence à la trèsforte identité gallo-romaine de la ville, unplan classique en impluvium, un bâtimentintroverti plutôt opaque à l’extérieur,excepté l’accès-accueil, et ouvert autourdu patio intérieur.

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Sens et signe Un bâtiment public doit être enaccord avec son objet, faire sens.

Son discours muet doit prendrel’identification de son propos.

Un lycée doit ressembler à une ins-titution éducative.

Un hôtel de police à une institutionrépublicaine.

La ville a besoin que l’institutionmanifeste sa présence.

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Zac du Centre-ville, Athis-Mons,93 logements.1993

L’architecture du projet et son insertiondans la ville répondent à une doublevolonté :– développer une diversité du thème quis’adapte à l’épannelage existant,– maintenir une unité d’écriture surl’ensemble, notamment pour le traitementdes rez-de-chaussées.

Le bâtiment enchaîne cinq séquences dis-tinctes :– la première reprend le thème du bâtimentvoisin, un portique qui accueille au rez-de-chaussée les commerces et aux niveauxsupérieurs les terrasses ;– la deuxième est une variation sur le thèmeprécédent où les logements en rez-de-chaussée sont protégés de la rue par desvérandas ;– la troisième, verticale, assure l’articula-tion avec la séquence suivante ;– la quatrième offre une série de plis quiaccueille des bow-windows et des balcons ;– la cinquième, d’angle, est une proue.

Le cœur de l’îlot est une terrasse-jardin.

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Tricot urbain Parfois il est utile, dans des situa-tions urbaines désespérées de fairedes tricotages réparateurs.

Toutes les métaphores couturièressont ainsi convoquées de façon à,in fine, apaiser, recoudre les mor-ceaux déchirés et épars de la ville.

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Les Minguettes, Vénissieux,réhabilitation de trois tours delogements.1983

Les Minguettes, une forêt de tours, un purproduit de la pensée urbaine moderne, unnon-lieu pour 30000 habitants au sud deLyon.Les Minguettes, environnement médiocre,entretien défectueux, chômage important,délinquance endémique, mauvaise image.Un concentré de misère urbaine qui suscitedésertions massives et violences désespérées.Les Minguettes, achevées en 1974,connaissent, dès le début des années 80, untaux de vacance dépassant 30 %.

Comment inverser la tendance et initierune spirale vertueuse ?Inscrit dans le cadre de Banlieues 89, leprojet de réhabilitation concerne troistours.Il est fondé sur trois axes d’intervention :– changer l’image de la tour, modifier laperception de près et de loin, – améliorer la relation au sol et le rapportintérieur-extérieur,– rechercher, à partir de l’existant, denouvelles typologies d’habitat.

Création, au pied du bâtiment, au bénéficedes quatre premiers niveaux, de terrasses etserres-vérandas qui donnent aux apparte-ments un caractère de villa.Epaissir le socle de la tour, une réflexionsur l’échelle.

Création d’une deuxième peau, un treillagequi permet la suspension de bacs à plantes,la végétalisation de toutes les façades.

Reconversion des caves, situées aux pre-miers niveaux, en appartements dotés dejardins privatifs.

Création d’un nouveau hall à double hau-teur et vitré sur la rue. Un accès magnifié.

Transformation en terrasse-jardin d’unappartement sur deux de tous les étagescourants.

Une annexe fermée non chauffée mise à ladisposition des logements conservés.

Donner plus d’espace, permettre d’autresactivités : créer des maisons dans la tour.

En complément des transformations spa-tiales, une amélioration profonde duconfort thermique des logements est entre-prise par la mise en œuvre d’une isolationpar l’extérieur, la pose de double vitrageet la suppression des planchers chauffantsau bénéfice de radiateurs.

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Remodelage urbain C’est l’art de réparer les villes etnotamment les quartiers fabriqués àl’époque ultra-rationaliste.

C’est l’art d’appliquer, dans cequ’on appelle aujourd’hui “lesgrands ensembles”, une deuxièmecouche sur la première.

Une utopie concrète qui vise àcréer l’inégalité formelle pour créerl’égalité de destin.

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Logement et son annexe “terrasse-jardin”

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Quai de Rohan, Lorient,réhabilitation de 480 logements.1989

Tailler-découper. La grande barre est coupée en deux par lasuppression d’une travée de logements.Prolonger une rue et créer une ouvertureen direction de la mer.

Ecrêter. La hauteur des barres est progressivementréduite par paliers de deux niveaux à par-tir des bords du bassin à flot.

Ajouter.Créer des excroissances, avant-corps, bal-cons, terrasses, bow-windows.

Compenser.Taille et écrêtage éliminent une centaine delogements qui sont recréés par laconstruction de bâtiments neufs en R +3,perpendiculaires aux barres, qui délimitentl’espace public et constituent un systèmed’îlots ouverts.

Ils accueillent des logements spécifiques,studios pour jeunes étudiants ou non, ate-liers d’artistes, logements pour personnesâgées, mais aussi dispensaire, maison dequartier, crèche parentale.

A l’origine de ce projet trois longuesbarres parallèles de 11 étages, une fois160 mètres, deux fois 80 mètres, caracté-risées par une mauvaise qualité de laconstruction en panneaux de béton préfa-briqués, l’absence d’isolation phonique,l’indigence des espaces extérieurs et deshalls d’entrée et une implantation quibloque l’accès à la mer.

Construites au début des années 60, cesbarres ont fait du Quai de Rohan une zoned’exclusion urbaine et sociale.

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Remise aux normes.

Recomposition de l’espace des appartements.

Modification des typologies.

Qualification des espaces publics.

Construction de bâtiments neufs.

Pratiquer toutes sortes de remaniements.

Faire un lieu, un quartier de ville tout enrespectant l’identité sociale.

Sept ans de travail ont été nécessairespour mettre en œuvre une stratégie suscep-tible à la fois de faire converger diffé-rentes sources de financements, d’organi-ser un accompagnement social exemplaireet d’élaborer une autre façon de produirela ville.

A partir de bâtiments existants, d’une his-toire urbaine déjà engagée, d’un tissusocial constitué, opérer le retournementradical d’une situation urbaine sans avoirrecours ni à la table rase, démolition suiviede reconstruction, ni à la vision patrimo-niale, rénovation à l’identique.

Remodeler signifie, au-delà de la démarchetraditionnelle de réhabilitation, uneapproche rigoureuse et à toutes leséchelles de l’existant, du déjà-là, considérécomme matière première à trans-formerpar diverses opérations.

avant

après

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Exercice de style

Quai de Rohan, Lorient.

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Redessiner le tracé des voiries de façon àrendre la dalle accessible, à rendre lisiblele chemin qui, de la dalle, mène au parc.

Créer des jardins privés, publics et inter-médiaires de façon à mettre de l’ordre parle recours à la géométrie.

Morceler, en identités repérables, lesbarres et les tours de façon à créer desrésidences : l’échelle adéquate d’apparte-nance à un quartier, à une communauté.

Créer des maisonnées dans les interstices,entre les barres et avenues.

Créer un pôle d’échange attractif autourde la gare par le recyclage d’un immeublede bureaux vacant au bénéfice d’un InstitutUniversitaire de Technologie et d’unCentre d’Art, par la création d’une placeet d’un beffroi associatif, par l’implanta-tion d’un centre commercial.

A partir de ce scénario, entreprendre,dans la durée, au cas par cas, un travailpointilliste de décodage systématique dustyle HLM, un travail d’écriture de ladiversité.

avant après

Inventer du “gratuit” dans l’enfer rationaliste

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Grand Projet Urbain,Val-d’Argent, Argenteuil.1993

Proche de Paris, Argenteuil pourrait dis-poser d’un système de lieux et de consis-tances, une masse critique d’activités etd’habitats suffisamment complexe et variéepour mériter le nom de ville et encore plussi elle récupérait les berges de son fleuve,la Seine. Son centre en témoigne.

Le Val-d’Argent, construit au début desannées 70, appartient au système desgrands ensembles de la région parisienne,c’est plus une périphérie de Paris qued’Argenteuil.

Le Val-d’Argent a une caractéristique :c’est une utopie réalisée.Piétons et voitures sont séparés grâce à unedalle, concept urbain jamais achevé, sauf ici,et qui a donné son identité à ce lieu.

Les équipements de proximité ne font pasdéfaut, pourtant le lieu, mal vécu, à unemauvaise image.

Comment adoucir l’utopie, fabriquer dulieu avec le voisinage et le centre-ville ?

Comment inventer une centralité à l’échellede la région parisienne ?

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Vers la place haute

La nouvelle place de la Commune de Paris

La rue haute

Un jardin en pente

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Typologie urbaine

Plans des étages

Dedans

Dehors

La Maisonnée

Quatre appartements avec jardins, deuxpar niveau.

De très grands appartements pour lesfamilles nombreuses.

Celles dont on dit qu’elles perturbent par-fois le voisinage.

Des jardins devant pour ceux du rez-de-chaussée.Des jardins derrière pour ceux de l’étage.

L’ensemble est couronné par deux lofts,pour ceux qui aime vivre dans un espacefluide.

Mixité de la figure.

Typologie susceptible de faire la coutureentre le grand ensemble, barres et tours,et le tissu pavillonnaire.

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Opération Denis Diderot

Une barre, en forme de L, ferme la dalle etgénère en contrebas une place.

Le remodelage du bâtiment permet d’aug-menter le nombre de logements de 120 à148 par la création d’un étage supplémen-taire partiel, cassant la ligne austère de labarre, et par l’adjonction de construc-tions neuves, dotées de terrasses, à sesextrémités.

Vérandas, balcons et pergolas enrichissentla volumétrie et permettent l’introductiond’autres matériaux, notamment la brique etle verre.

A l’intérieur, la taille et l’organisation desappartements sont transformées, différen-ciées de sorte que chacun se sente chez soi.

La place Denis Diderot devient une courrésidentielle, un lieu privatif dédié aux jeuxpour enfants.

Les travaux engagés sont aussi l’occasiond’une remise aux normes des menuiseries,du système électrique, des ascenseurs et dela ventilation.

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La Caravelle,Villeneuve-la-Garenne,remodelage de 1700 logements.1995

Le grand ensemble de la Caravelle, 1700logements, est une enclave réfractaire aureste de la ville.

Ceci tient à la fois au statut juridique dufoncier, à l’absence de lien physique avecle contexte, au caractère monolithique deson architecture.

Le projet vise à réinscrire le site dans laville et à modifier la perception qu’en ontles habitants de Villeneuve-la-Garenne.

Valoriser le quartier et le rendre plusperméable.

Désenclaver, créer un réseau de voies.

Redécouper, résidentialiser.

Rajouter pour dédensifier.

Restaurer le principe de composition tri-partite : socle, corps, ciel.

Diversifier, identifier.

Agir “à partir” de l’existant.

Etablir une dialectique de l’usage et duvisible.

Valoriser les halls d’entrée.

Etablir une métonymie :la partie témoigne du tout.

Individualiser les transformations spatialesinternes au logement.

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aprèsavant

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Vue de l’avenue Charles de Gaulle

Vue de l’allée Louis Jouvet

Vue de l’allée Saint-Exupéry

Vue de l’avenue du Général Leclerc

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L’avenue de la Croix-Rouge est une fron-tière : d’un côté, un faubourg pavillonnai-re liégeois ; de l’autre, 5 tours de 22étages identiques, et régulièrement implan-tées, le quartier de Droixhe.

Deux mondes se font face et s’ignorent. Deux échelles incompatibles.

Le projet consiste à dédensifier par écrêta-ge de façon à adoucir les écarts de hau-teur, les parties les plus basses étant lesplus proches du faubourg.

Le respect du contexte urbain entraîne lasuppression de 256 logements sur 660.

L’écrêtage vise aussi une transformationdes tours au bénéfice de figures géomé-triques différentes composées suivant latrilogie socle-corps-ciel.

Requalifier les espaces extérieurs dans lesens d’un plus grand potentiel d’appro-priation par les habitants.

Introduire la mixité fonctionnelle par lacréation d’écoles, de locaux d’activités etassociatifs.

Remettre aux normes.

Tels sont les registres utilisés pour à la foislier le quartier de Droixhe au faubourg etlui attribuer un caractère plus domestique.

Quartier de Droixhe,Secteur Croix-Rouge,Liège, Belgique.1997

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Hoyerswerda, Allemagne.1997

Sur ce site, nous sommes confrontés à undessin dont la géométrie est contraignantepar son caractère à la fois systématique etrigide.

Le projet conjugue la géométrie stricteavec les termes d’une géométrie fractale etvise, d’une part, à l’apaiser, à l’attendrir,lui faire retrouver des éléments d’urbanitépar un travail de remodelage des bâtiments,de remaillage du tissu urbain, de résiden-tialisation des espaces, et, d’autre part, àintroduire, à l’occasion d’opportunitésfoncières, une nouvelle typologie, desobjets particuliers, qui prolongent la tra-dit ion des fol ies et qui ponctuentl’ensemble.

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Du baroque dans le rationalismeRemodeler le ciel

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avant : coupe sur balcon

étage courant : avant/après

après : coupe sur façade de verre après : coupe sur allège

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Une aventure démocratique.

Avec Banlieues 89 une politique urbaines’est dessinée, un projet civilisateur s’estfrayé une voie, une critique en actes detrente ans d’urbanisme destructeur desociabilité et de civisme s’est engagée.

A partir de 1983, ce qui était dans l’airdevient une politique officielle et le gou-vernement confie à deux architectes MichelCantal-Dupart et Roland Castro la missionde créer un “commando administratif”, un“cénacle culturel” et une “avant-gardeurbaine”.

Au même moment, la loi de décentralisationdonne aux maires, enfin, le pouvoir dedevenir les scénographes, les animateurs,les urbanistes de leurs villes.

Ces maires peuvent enfin se battre contreles politiques de grands ensembles para-chutés par des bureaucrates de l’aménage-ment, à l’idéologie simplificatrice, mauvaisélèves de Le Corbusier, qui s’étaientengouffrés dans la théorie de la Charted’Athènes :l’activité humaine séparée en quatre, habi-ter, se divertir, travailler et circuler.

Le zonage s’installe, la marge des villes voitse développer du dortoir sans rues, sansplaces, sans la complexité qui fait le charmede la ville.

Ce que Banlieues 89 va raconter auxmaires est assez simple : vos villes sansidentité peuvent à travers des projets enacquérir une, des travaux de désenclave-ment peuvent être entrepris, le pire grandensemble est remodelable, on peut ravau-der, détruire par endroit, créer des lieuxanimés, changer le statut monofonctionnelde certains bâtiments, renouer avec la géo-graphie ignorée par le planificateur.

Et surtout, rien n’est trop beau, tropextravagant, le luxe n’est pas réservé aucentre-ville.

Manière de dire.Manière de faire.

En quelques années, 116 réalisations, plusou moins complexes, plus ou moins réus-sies, selon les thèmes :

Créer un centreémergence d’un centre… l’identification…la grande place… le cœur de la ville…fabriquer un centre…une nouvelle centralité…

Relier, désenclaverles cheminements… les mails…des boulevards… la promenade…

les passages… des nouveaux liens…une meilleure accessibilité…

Nouveaux espaces pour le commerceles centres commerciaux…les galeries marchandes… les marchés…

Retrouver la géographiecréer des paysages… l’eau dans la ville…l’environnement… le travail du relief…

Faire la ville avec le transportle métro… le tramway… le bus…les gares…

Réconcilier la route et la villeles routes redeviennent des rues…la sécurité dans la ville…

Réparer, modifierles Zones Urbaines Prioritaires…les grands ensembles…

Les Prêts Locatifs Aidés,faire la ville avec des prêts locatifs aidés…

La ville qui travailleles friches industrielles… l’activité…les pépinières d’entreprises…

La culture, les loisirs dans la villele musée… les cinémas… la fête…des bistrots… des cafés… les vacances…

Inventer des projets intercommunauxles entre-deux… la solidarité urbaine…

De façon empirique s’est ainsi dessiné peuà peu ce qui peut devenir l’aventure dedemain.

Une des tâches centrales des pays riches etdémocratiques, la question de l’égalitéurbaine.

La Révolution de 1789 avait dit “égalitéen droits”.

Jules Ferry avait proclamé, avec l’écolepublique, “égalité des chances”.

La ville démocratique devra dire “égalitévisible des destins” :“Il n’y a pas de raison que certains nais-sent et prospèrent dans du beau et d’autresvivent dans le laid.”

La réussite d’une civilisation urbaine est làlorsque chaque lieu de la marge peut sevouloir aussi beau et complexe que lecentre, lorsqu’il n’y a plus d’espace nobleet d’espace plébéien de rejet ou d’exclu-sion, lorsque la centralité ne se confinepas aux lieux du pouvoir, où les uns ont laville baudelairienne du secret et de la rêve-rie, et les autres les espaces du stockage etdu contrôle.

Banlieues 89.1981

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Projet urbain fédérateur La grande échelle.

Prendre du recul.

La seule méthode d’approche sus-cept ible de construire uneréflexion et une action à la hauteurdes enjeux et au-delà des catégoriesétablies.

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La ville se construit et se parcourt au fil del’eau :– la place d’eau, les ports ;– le grand canal, épine dorsale, ponctuéde bassins, et autour duquel se déploientles principaux espaces publics et les diffé-rents quartiers ;– les canaux. Tout un réseau qui irrigue ettrace chaque îlot. Ils sont ponctués defontaines autour desquelles se succèdentplaces, cours, jardins.

La Cité Littorale est structurée à partir dela place et non pas de la rue, chaque îlottrouve son centre en lui-même.

L’ensemble du territoire de la cité commeun réseau de centralités.

Les zones d’aménagement concerté Dantonet Fauvelles constituent un grand projeturbain lié à l’expansion de l’ouest parisien.

Sur une superficie de 38 hectares, autourd’un parc urbain et en liaison avec leCentre National de l’Industrie et de laTechnologie et la Grande Arche, pôle uni-versitaire, quartiers résidentiels, équipe-ments publics, bureaux et activités asso-cient la ville de Courbevoie au développe-ment naturel du quartier d’affaires de LaDéfense, tout en préservant son identité :image, convivialité et respect des tracésexistants.

Le projet est fondé sur la mise en œuvred’une architecture volontaire qui modèlel’espace des places, des squares et des rueset lui donne une allure parisienne.

Places, rues et liaisons piétonnes permet-tent de supprimer la fracture entre uneurbanisation de grande échelle, la dalle duparvis de La Défense, et un urbanisme dequartier, le sol de la ville de Courbevoie :des coutures urbaines, des accroches avecles quartiers environnants.

Le projet trouve son identité en son centregrâce à la création d’un parc urbain, pôlede ce “quartier jardin” et à partir duquelle végétal se répand pour rejoindre lesprincipaux lieux névralgiques actuels etfuturs de Courbevoie.

Le parc ovale est un jardin de 3 hectares.

Légèrement en creux, c’est un lieu de pro-menade, de détente et de jeux libres, unepelouse sous une vaste couronne arborée.

La composition végétale, bordée d’unelarge allée piétonne, s’étend, sous forme dejardins privatifs, jusqu’aux pieds des bâti-ments résidentiels.

Les variations, au fil des saisons, desambiances végétales confortent la composi-tion rigoureuse de l’ovale.

Zac Danton, Courbevoie.1989

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A l’origine du projet, un constat :il existe dans la région un puissant clivageentre l’arrière-pays agricole et le littoraltouristique.Le dépasser c’est créer une articulationentre les deux parties, or, celle-ci existepotentiellement : l’Aude.La rivière “fertilise”, toute la vallée et deson cours naissent, en des points straté-giques, des polarités urbaines qui asso-cient activités touristiques, agricoles etartisanales.Le site le plus stratégique est l’embouchurede l’Aude. Là, naît le projet de la Cité Lit-torale conçue comme une entité urbainefinie qui se développe à l’intérieur de ses“murs”, à la manière des cités anciennescomme Aigues-Mortes.

La Cité Littorale,aménagement de la Basse Vallée del’Aude.1986

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Le jardin ovale

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Zac Danton, Ilot B2,117 Logements.

Le projet est une composition à troismains, un bâtiment composé de troisséquences :

– le plot “sud-est”,atelier Roland Castro - Sophie Denissof ;

– le plot “central”,atelier Marc Rolinet ;

– le plot “nord-ouest”,atelier Yves Bayard.

Un collage urbain avec des règles com-munes portant sur la division de la massedu bâtiment fondée sur le nombre d’or, unprincipe de corniches et quelques élémentsde syntaxe.

Pour le reste le verbe fut divers, chacunayant son accent, son phrasé, voire samétrique.

Chacun son style, chacun son plaisir tiréde la différence de l’autre.

Un travail de fabricant de ville.

Un travail d’écrivain public.

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La place ovale :les quatre saisons

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Castro - Denissof / Rolinet / Bayard

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Les Cinq Paris

Les premières études du Grand Parisavaient privilégié une approche en rupturecomplète avec l’urbanisme responsable del’état de l’agglomération.

Au nivellement et à la négation des terri-toires et de la géographie, au primat ducentre et des infrastructures, le projetopposait deux concepts résumant ladémarche :

- “n’importe quel lieu en vaut un autre” :c’est la théorie des lieux magiques qui,pour chaque carré d'un kilomètre carréd’un quadrillage, propose un lieu fécon-dable dans un répertoire des ressourceslatentes de la banlieue ;

- la petite ceinture réactivée ou le périphé-rique absorbé par la ville en une nouvelleavenue, l’autoroute A86 ; rocade essen-tielle qui casse le rapport au centre ; laligne des forts avec un tramway ou unmétro fabriquant la ville ; la Seine, donnéemajeure de l ’agglomération, capabled’organiser tous les tissus urbains qui labordent en induisant aussi des transports,vaporetto et métro léger sur son linéaire.

Ces deux concepts, identité des lieux etsolidarité des territoires, ordonnaient leprojet d’un Grand Paris de 8 millionsd’habitants et une bonne centaine decommunes.

La question de sa mise en œuvre a étésource de malentendus.

Il n’était pas possible d’envisager une seuleautorité pour gérer un territoire si vaste àl’heure où la décentralisation et ses dérivesrécentes produisaient de véritables fiefs.

Il s’agissait plutôt de trouver les moyens decombiner l’identité des lieux, notion rele-vant de l’activité des communes, avec unesolidarité des territoires dépassant paressence les cadres donnés.

Par ailleurs, les dysfonctionnements relevéspar les études du Grand Paris en 1985sont devenus aujourd’hui évidents, sinoncriants, pour tout le monde.

Les déséquilibres est-ouest et centre-péri-phérie nourrissent maintenant les débats.

Le malentendu politique et l’angoisse tech-nique devant un Grand Paris unitaire, lanécessité de penser des territoires cohé-rents capables d’harmoniser l’aggloméra-tion, conduisent maintenant à avancer unnouveau concept qui se superpose à lapremière approche du Grand Paris en ladéveloppant :la polycentralité.

Il s’agit de “créer” quatre territoires enproche banlieue qui puisse rivaliser, parleurs étendues, leurs fonctions et leur qua-lités urbaines avec Paris.

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Grand Paris,le pari des Cinq Paris.1990

Petite histoire du Grand Paris

L’élaboration du plan du Grand Paris fai-sait partie intégrante des missions dévoluesà Banlieues 89, à l’initiative du Présidentde la République, dans la lettre de PierreMauroy du 7 novembre 1983.Il s’agissait d’imaginer ce que pourrait être“l’aménagement à long terme du pourtourde Paris”.Sous la conduite de Roland Castro etMichel Cantal-Dupart, les études furentmenées de mai 1984 à février 1986, à lasuite de la réflexion entamée dès 1981avec la Direction de la Construction.Dans un premier temps, a été engagé unlong travail d’enquêtes, d’analyses et derecueils de données, tant sur le terrain quedans les divers centres de documentation.

Cette phase fut nécessaire à la mise aupoint de cartes thématiques dont la natureétait en elle-même une nouvelle manière dereprésenter et de penser les territoires. Cet exercice pratique fut d’abord une cri-tique théorique de l’urbanisme tradition-nel, avec ses schémas réducteurs ignorantla réalité de la ville et des paysages.

Ces cartes constituent un atlas de lecturedes banlieues, en dressant un état des lieux. Elles ont été conçues pour être superposéesles unes aux autres, croisées, afin de faireapparaître l’influence réciproque d’événe-ments urbains ou paysagers différents.

Elles permettent de restituer la ville dansson unité en revenant sur la pratique desurbanistes qui zone, dissocie les fonctionsurbaines et disloque les tissus urbains. Enfin, elles rendent compte de la formeexacte de chaque événement urbain, à lamême échelle 1/25000, pour Paris commepour la banlieue.

La cartographie établit un constat de désé-quilibre mais aussi des potentialités. Ce sont là les prémisses du projet expri-mées dans une carte de synthèse.

Les grands thèmes sont dès cette phaseidentifiés :– la mise au jour du département de laSeine, territoire cohérent mais aussi symp-tôme des difficultés administratives ;– l’intégration des autoroutes et du péri-phérique dans un nouvel art urbain ;– les retrouvailles avec la géographie, lerelief, le rôle fédérateur de la Seine et descanaux ;– la nécessité de tangentes rééquilibrant lerapport au centre ;– le potentiel des grands ensembles et leurpauvreté culturelle ;– la reconquête des friches et de l’entre-deux ;– les richesses inconnues des banlieues.

Cette phase d’enquêtes a trouvé son abou-tissement dans l’élaboration de la méthodedu quadrillage. Elle est d’abord un proces-sus de recherche systématique issue d’unmode de pensée. Ensuite, un moyen d’ima-giner la ville et son fonctionnement.Enfin la figure et le symbole d’un projetdémocratique et culturel.L’indifférence du quadrillage rompt avec lerapport radial au centre.En ce sens, il est un idéal de système viaire.Le quadrillage rend toute chose égale : ilnomme et identifie.C’est dans ce cadre qu’on été repérés leslieux magiques. Il en existe au moins un parcarré. Les lieux magiques sont choisis pourleur potentiel immédiat d’émancipation auniveau urbain ou géographique, en fonc-tion de leur capacité à devenir des lieux decentralité à l’intérieur du carré.Le passage de la théorie au projet urbainet architectural doit s’incarner dans unvéritable “baroque moderne”.A l’exemple de la Rome de Sixte Quint, ils’agit de la ponctuation urbaine et la miseen tension d’un territoire à reconquérir.Ce primat donné au lieu prend tout sonsens si chaque projet devient créateur desituations et de scénarios urbains.

C’est ce concept qui présidera à l’élabo-ration des aquarelles illustrant les projetsdont la majorité sont l’œuvre de RolandCastro et Michel Cantal-Dupart, mais quifurent confiés aussi à de nombreux autresarchitectes : A. Grumbach, E. Ciriani,C. Vasconi, J.-P. Fortin et C. Godet,Anselmi, A. Stinco, L. Kroll, S. Denissof,le groupe Arcane…

Ces projets sont nombreux et divers :places urbaines sur le périphérique, amé-nagement des bords de Seine, reconquêtedes terrains de l’Etat dont les forts, laroute des forts, le boulevard de la nationa-le 186, tramway et vaporetto, intégrationde l’autoroute A86, nouvelles gares sur lepériphérique, trames vertes de l’entre-deux, ouverture à la ville de Rungis et duport de Gennevilliers, ponctuation urbaineà l’héliport, à la porte de Paris, au Bour-get, création de nouveaux pôles écono-miques, le complexe Orly-Massy-CitéScientifique, ou encore sur les bords de laSeine et à la Plaine-Saint-Denis.

Ces méthodes et ces techniques, ces pro-jets et ces réflexions ne sont qu’un momentd’un mode de pensée dont l’ambition estd’abord culturelle : des architectes, desurbanistes, des paysagistes, des philo-sophes, des écrivains, des artistes, desgéographes, des historiens, des élus etd’autres encore ont participé de près oude loin, par des réunions, des expositionsou des visites sur le terrain à l’élaborationdu plan du Grand Paris.

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La route des forts, Castro / Cantal-Dupart, 1983

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Ces territoires, regroupant 10 à 15 com-munes volontaires, constituent de petitesunités cohérentes plus identifiables qu’unGrand Paris unitaire et mieux à mêmed’induire des solidarités proches et immé-diates de communes à communes.

Cette approche calme les enjeux, et dépas-sionne le débat.

Les formes les plus classiques d’associa-tions volontaires de communes et d’autrescollectivités peuvent dès lors être envisa-gées sur la base d’un projet contractualiséavec l’Etat.

Symboliquement, ces territoires ont éténommés, comme la Défense s’appelle Paris-la-Défense, pour situer la hauteur desenjeux et du défi à relever par rapport à laville-capitale.

Paris-la-Plaine,entre Saint-Denis et Bobigny,

Paris-Amont,le long de la Seine,d’Ivry à Villeneuve-Saint-Georges,

les Hauts-de-Paris,au travers des collines du sud-ouest deBoulogne à Massy,

et, Paris-Presqu’île,lové dans la boucle de la Seine entre Nan-terre et Villeneuve-la-Garenne,tous ces territoires auront à se mesurer àla centralité parisienne.

Paris porte les signes des événementsmajeurs de l’histoire entre la Seine et sescollines.Palais, églises, ministères, musées, assem-blées, etc, se sont agglutinés et sédimentésautour de la Seine, de ses perpendiculaireset de ses perspectives.

La Seine a fabriqué le centre de Paris maisil en est un autre sur les collines, lieux derésistance des ouvriers ou des artistes, àBelleville, Montmartre ou Ménilmontant.

Le travail d’Haussmann n’est finalementqu’une continuité urbaine assurée dansl’entre-deux, entre Seine et collines,l’essentiel reste dans le duel et le dialoguede ces données géographiques.

Paris est ainsi le fruit d’une logique histo-rique, sociale et géographique.

C’est cette politique géographique, cette“géopolitique urbaine” qui offre à Parissa cohérence, sa lisibilité, sa centralitécomme théâtre de l’histoire.

L’urbanisation de la banlieue s’est faite àl’inverse de ce rapport à la réalité des ter-ritoires.

La poétique, et la politique, des collines oude la Seine, est absente des banlieues,seules les infrastructures dominent etcréent des territoires sans logique interne.

Cette logique interne est à retrouver et àmettre en œuvre dans les nouvelles entitésproposées.

Loin de l’arbitraire administratif, uneapproche géographique doit révéler lessolidarités immédiates de ces ensemblescohérents et rendre opératoire leurpotentiel de centralité.

Hélène BleskineExtraits de l’ouvrage :

Le Grand Paris, Banlieues 89.Juin 1990.

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Paris Presqu’île,Autoroute A 86.

Paris-Amont :le confluent Seine-Marne,

Alfortville. Enrique Ciriani.

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Les Hauts de Paris,Héliport,

Issy-les-Moulineaux.

“Construire le jardin de l’héliport”

Paris-la Plaine,Porte de Paris,Saint-Denis.

“Rendre romantique un paquet de spaghetti”

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A partir d’un diagnostic qui vérifie que leslieux où l’absence de lien social est le pluscriant sont en général ceux qui sont lesplus enclavés, fabriqués à l’époque ultra-rationaliste des barres et des tours, neconnaissant ni la mixité sociale ni la mixitéd’activités, il est proposé un plan généralde lutte contre la ségrégation urbaine,dont la partie urbaine doit aboutir à unesorte de plan Haussmann des Hauts-de-Seine.

Son objectif est de désenclaver, d’embelliret de complexifier.

Mais pour cela il ne s’agit pas de revenirau modèle haussmannien, qui homogénéisetous les espaces, mais de développer unestratégie de la ligne, de la place et dupoint, et de restructurer totalement lesquartiers mono-fonctionnels en les trans-formant profondément économiquement,socialement et urbainement.

Ainsi seraient engagés :

– le désenclavement des quartiers enclavés ;

– l’aménagement des places, des avenues etdes repères ;

– la reconquête de lieux en friche, les cou-pures à supprimer ;

– l’organisation des équipements publics defaçon à organiser une programmation dansun projet urbain général ;

– enfin les indispensables démolitions et latransformation de lieux ainsi reconquis enmorceaux de ville.

La méthode que nous proposons est trèspointilliste, elle s’appuie sur le cas par cas,elle n’applique aucun dogme ni recette, elleconsiste à étudier minutieusement le terri-toire dans chacun de ses aspects.

Elle s’appuie par ailleurs évidemment surtout l’acquis des communes et de leur servi-ce d’urbanisme et elle ne propose de projetqu’à l’issue de longues confrontations.

A ce stade de notre investigation, nousavons déjà dégagé des thèmes transverses,des éléments de ponctuation, des typolo-gies d’intervention, des manières de faire,la question du style.Nous avons fait une sorte de cartographiede cas de figure types que nous avons ren-contrés.

Cette typologie va servir à l’établissementdes projets de ville des premières com-munes choisies.Et elle permet d’avancer dans la confec-tion d’un plan urbain général de tout ledépartement.

De grands principes nous ont d’abord gui-dés pour traiter de l’embellissement généraldes Hauts-de-Seine, surtout dans ses zonesles plus défavorisées.

Thèmes transverses

1/ Partout où c’est possible, transformerles routes en avenues, resserrer lesespaces, donner sa place à la promenade età l’art urbain, pouvoir resserrer le tissuurbain à cette occasion.

Ainsi est déclarée la guerre :

– aux séparateurs qui tuent le rapportd’une rive à l’autre de la route ;

– aux “tourne-à-gauche” qui ne tiennentcompte que du trafic et non du plaisir dupromeneur ;

– aux “sites propres” qui sont certes fonc-tionnels mais sont de dangereux écarteursurbains.

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Vers un plan d’ensembledu département des Hauts-de-Seine.1993

les chemins de fer : avant/après

PACTE 92, Hauts-de-Seine

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5/ Les espaces sont très souvent décousus,il faut les recoudre :des deux côtés d’une nationale onconstruit une place.

6/ Des éléments discontinus, tels que petitshôtels d’habitat, de bureaux ou d’activitéspeuvent reconstituer de la continuitéurbaine.

7/ L’autoroute A86 peut être resserrée,bordée d’hôtels industriels et de cours.Les murs anti-bruits disparaissent.

8/ Souvent des réseaux de transport ontmassacré des lieux, il faut les recoudre,rétablir une pratique urbaine.

9/ La sortie de l’autoroute A86 est l’occa-sion de créer une place.

10/ Le chemin de fer marque la différenceentre le quartier “noble” et le grandensemble populaire.Une place peut contribuer à relier cesdeux morceaux de ville éclatés.

11/ Lorsqu’il n’y a plus rien à faire et quela solution est de démolir et de reconsti-tuer, il faut en profiter pour fabriquer uneurbanité vernaculaire, des places pitto-resques, des villas pleines de charme poury attirer le reste du quartier.

12/ Introduire dans le maillage trop lâched’un quartier une typologie urbaine “pota-gère”, pleine de charme tel que le béguinage.

Cette liste non exhaustive d’interventionsurbaines démontre qu’il n’y a pas derecettes, c’est le contextualisme qui doitprimer.

C’est l’amorce d’un abécédaire de la revi-talisation des quartiers.

Ajoutons que toutes les interventions doi-vent produire de la mixité sociale et de lamixité d’activités.

La question du style

Enfin on peut définir un style du pland’embellissement des banlieues.

Il faut tenir des lieux plutôt que d’accumu-ler des objets.

Il faut s’attacher plus au vide, à la théâtra-lité urbaine qu’aux objets architecturaux.

Les ensembles sont souvent morphologi-quement agressifs par rapport à leurentour, il faut rendre la ville concave et sedébarrasser des agressions plastiquesrepoussantes :“du concave plutôt que du convexe”.

Le rationalisme plat est partout présent, ilfaut réintroduire le charme et le pitto-resque.

Ces espaces sont visiblement violents.Il faut adoucir, calmer, asseoir au sol.

Les matériaux doivent être guidés par l’idéecommunément admise de noblesse :pierre, brique, zinc.

Il faut en finir avec le délire pictural decertaines réhabilitations.

Somme toute, dans ces lieux de la moderni-té, il faut inventer du “déjà-là”.

Ce qu’Antoine Grumbach appelait une“archéologie inverse”.

Cette première approche “pointilliste” vacroiser thèmes transverses, éléments deponctuation, typologies et manière de fairequi vont être utilisés pour l’établissementdes projets de ville et serviront ainsi àl’établissement du plan d’ensemble.

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Partout on devra s’inspirer de l’art urbainde la tradition parisienne qui ne donne pasl’hégémonie absolue à l’autonomie en trans-formant des quartiers entiers en zone detransit routier.

Il s’agit de développer une politique desavenues.

Il s’agit de remembrer le foncier diviséentre espace privé du grand ensemble etespace public, de façon à développer unepolitique du paysage et des jardins quienglobe les emprises foncières des uns etdes autres.

Il s’agit de développer l’éclairage public defaçon à ne pas juxtaposer des zones ayantchacune leur mode d’éclairage mais à créerdes lieux domestiqués par la lumière.

2/ Il faut enfin enterrer les lignes élec-triques et profiter de cet événement pourcouturer des espaces par des jardins.

3/ Il faut régler mieux le rapport du che-min de fer ou du Réseau Express Régionalavec les villes qu’ils traversent.Il faut développer une politique du fran-chissement urbain, places, ponts habités.Il faut intégrer ces grandes voies radialesdans les villes.

4/ Enfin, il faut transformer le rapportque les grands équipements viaires, telsl’autoroute A86, entretiennent avec lescommunes.

Il faut domestiquer les autoroutes, ne plusles laisser s’étaler, et coordonner celles-ciet le bâti existant ou futur.Il faut en faire des autoroutes urbaines.

Il faut que la qualité des ouvrages soit aussibelle dans les quartiers résidentiels quedans les quartiers pauvres, le travail colos-sal d’Alphand sur Paris doit nous inspirer.La place de l’Etoile n’est pas mieux traitéeque la place de la Nation.

Eléments de ponctuation

Il va falloir ponctuer ces espaces dont lamarque majeure est l’indifférenciation.

Les stations de Muse, les beffrois des asso-ciations, les annexes départementales, leshôtels sociaux peuvent aider à ponctuer leterritoire.

Ainsi que des places de tous types :places ordonnées dans tissus éclatés,places baroques, en besace sur une ave-nue, placettes de maisons de ville trèsdomestiques, lieux retirés et secrets dugenre béguinage, dont ces territoires sontcruellement démunis.

Ainsi que les portes de ville.

Typologies d’interventions

Pour entrer plus profondément dans letissu des banlieues, nous avons déjà définides typologies d’interventions sur le bâtipour le transformer.

1/ Certaines immenses barres peuvent êtreretaillées dans une géométrie d’îlots, deplaces et de jardins et améliorées parl’adjonction de balcons, d’oriels et plusgénéralement par une restructurationrecomposant entièrement l’image et l’usagedes habitats.

2/ Des tissus mixtes de lieux peuvent êtreproposés comme, par exemple, une placequi ouvre sur une cour industrielle épais-sissant ces tissus trop simples.

3/ A certains endroits réservés aux voi-tures, on peut créer de véritables carre-fours, ordonnés sur du bâti et reconsti-tuant de véritables lieux de vie.

4/ Certaines organisations de l’espace ren-dent possible la création de places trans-versales.

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les lignes électriques : avant/après des avenues : avant/après

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Créer des centralités majeures.

Remodeler, avant, après.

Créer des lieux.

Une place traversante.

Une place pour un quartier, avant, après.

Une place de la gare.

D’étranges repères.

Café, bibliothèque, fontaine.

Gymnase, médiathèque.

Beffroi des associations.

Mélanger l’habitat et l’activité. Changer l’échelle d’une avenue. Resserrer les avenues.

Ponctuer, marquer. Une porte de ville. L’autoroute et la ville.

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L’analyse des propositions existantes a faitapparaître trois principes liés entre eux.

La nécessité de rompre avec la logique defragmentation des transports en communen Ile-de-France en concentrant les effortssur un projet simple et global apportant auterritoire, en matière de transports encommun, une lisibilité aussi nette que cellede l’autoroute A86 au niveau des infra-structures routières : l’achèvement d’un“anneau Ile-de-France” de transports encommun en site propre utilisant un maté-riel, le tramway, le plus unifié possible.

La nécessité que cet anneau, dit GrandTram, soit connecté à toutes les lignes demétro et commande, de ce fait, les exten-sions éventuelles de celles-ci, tout en ser-vant de relais pour les lignes de tramwaytraversantes.

La nécessité que le tracé précis de ceGrand Tram fédère un maximum decentres-vi l les, de grands ensembles,d’équipements culturels et sportifs de lapremière couronne, tout en se glissantharmonieusement dans les tissus urbains et

dans les paysages, de manière à servird’outil dans la politique visant à “recons-truire la ville sur la ville”.

Détaillons les raisons ayant permis de déga-ger ces principes conduisant à la prioritédu Grand Tram sur les autres projets detransports en commun envisagés.

Une des inégalités urbaines les plus fla-grantes en Ile-de-France est la différenceradicale de l’image mentale à laquelle ren-voie le réseau des transports en communsitôt que l’on sort de Paris intra-muros.

Autant au centre, l’image du maillage métroest dans toutes les têtes et apporte de cefait à l’usager un sentiment de liberté et deconfiance en matière de déplacements,autant, plus on s’éloigne du périphérique,l’image du réseau de transports en commundevient brouillée, fragmentaire, impossibleà mémoriser, voire incompréhensible :seuls les “habitués” limitant leurs trajetsbanlieue-banlieue à un itinéraire uniquesavent comment se servir, non pas duréseau lui-même, mais du fragment infimequi leur est familier.

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Le Grand Axe,aménagement de la place du ConseilGénéral des Hauts-de-Seine.1995

A partir de la place du Conseil Général unaxe est créé en direction de la GrandeArche.Un vide de 40 mètres, une pièce d’eau lon-giligne qui permet de la mettre en scène.En contrepoint, l ’axe est séquencé.Chaque séquence entre en résonance avecl’histoire urbaine alentour.

Ce dispositif double cadence un paysagearchitectural plat et permet une multiplicitédes écritures architecturales, une collec-tion de singularités.

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Grand Tram.1998

Le Grand Tram, Castro / Denissof, 1999.

“Le lien des cent lieux,40 communes, 60 quartiers sensibles”.

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traversantes irriguant la seconde couron-ne, les futures lignes de tramway du typeVillejuif-Orly-Juvisy ou Saint-Denis-Uni-versité-Garges-Sarcelles en particulier.

Cette hypothèse de tracé définie, son fan-tastique pouvoir fédérateur saute aux yeux.

Radialement comme il vient d’être soulignégrâce à la connexion métro-sécantes, maisplus encore tangentiellement, c’est-à-diredans le sens banlieue-banlieue, ce quiconstitue une innovation capitale.

Le plan au 1/25000, dessiné par RolandCastro, qui accompagne ce rapport est àcet égard impressionnant.

Il met en évidence la succession des événe-ments urbains majeurs, centres-villes, équi-pements, quartiers réputés sensibles,grands projets urbains, grands secteurs derestructuration urbaine, au nombre d’unecentaine environ, qui sont ainsi mis enrelation.

Nul doute par conséquent que le GrandTram fonctionnera à plein, à l’instar destronçons existants dont la fréquentationpulvérise déjà les prévisions.

Ce tracé, enfin, suit approximativement laligne des forts déjà mise en évidence parRoland Castro et Michel Cantal-Dupartdans leur projet dit du Grand Paris, réalisédans le cadre de la mission Banlieues 89.

Or, cette ligne possède des qualités paysa-gères aussi diverses qu’exceptionnelles.

Topographiquement, elle relie une séried’éminences, sur lesquelles sont installéesles anciens forts accompagnant les limitesdu Grand Paris.

C’est dire qu’elle permet un trajet quirévélera aux utilisateurs du Grand Tram,non seulement le relief de l’agglomérationet de nombreuses beautés pittoresquescomme l’île de Saint-Denis ou les forts eux-mêmes, avec leurs accompagnements éven-tuels de jardins ouvriers, mais par l’inter-médiaire des vues longues scandant sonparcours pendant les montées et descentesdes coteaux, de nombreux accès au grandpaysage urbain de l’agglomération pari-sienne.Paysage incluant la Seine et la Marnenotamment.

Elle inclut la traversée des bois de Bou-logne et de Vincennes, et appelle tout aulong de son parcours un traitement paysagéde nature à renforcer, tout en permettantune lecture inédite, la “trame verte d’agglo-mération” telle que proposée par le schémadirecteur de la région Ile-de-France.

En conclusion, le Grand Tram, dispositif detransports en commun en site propre, à lafois non polluant, lisible, structurant,connecté sur le réseau métro-RER, fédéra-teur, révélateur de paysages et facteuressentiel d’égalité urbaine, nous apparaîtdevoir être un formidable levier au servicede la politique de reconstruction “de la villesur la ville” dans une perspective d’urbanitémieux partagée en région Ile-de-France.

Jean-Pierre Le Dantec& Roland Castro

1998

Extrait du rapport d’étude pourla Direction Régionale de l’Equipement

d’Ile-de-France :“Analyse prospective territorialisée

de l’agglomération franciliennecorrélant les grands enjeux urbains

avec les projets d’infrastructuresde transport prévus au XIIe plan”.

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Changer franchement de logique etprendre la décision de créer un grandanneau de transports en commun en sitepropre, unifié autant que faire se peut parce merveilleux jouet urbain qu’est le tram-way, intégrant les deux tronçons déjà réa-lisés, Bobigny-Saint-Denis et Trans-Val-de-Seine, et fusionnant en un seul projetles deux “orbitales” envisagées, est doncselon nous la décision première quis’impose.

En offrant à l’habitant d’Ile-de-France unGrand Tram reliant entre elles les com-munes de banlieue de la première couronneet communiquant directement avec leréseau métro-RER, ainsi qu’avec les nou-velles lignes traversantes, cette décisionfavorisera l’égalité et la liberté urbaine,matériellement et imaginairement, tout enplaçant les élus devant des responsabilitésoutrepassant clairement, sans les contredi-re, les points de vue étroitement locaux.

Situation qui devrait permettre de dégagerune majorité.

Concernant le tracé précis de cet anneau,le principe devant primer sur tout autreest celui de permettre la connexion directeavec le métro.

C’est pourquoi, face aux différentesoptions qui nous ont été présentéesconcernant les tronçons sud-est, sud-ouest,nord-ouest, et des “orbitales I et II” envisa-gées jusqu’à présent, mais que nous propo-sons de fusionner en un seul anneau, nousavons retenu celles qui, tout en permettantla création d’un anneau complet se raccor-dant avec les tronçons existants et tout enrespectant des critères de faisabilité, sontles plus fertiles en matière de connexionavec les lignes métro-RER existantes.

Si un anneau réunissant les terminusactuels des lignes de métro n’a toutefoispas été retenu en raison des disparités quiaffectent aujourd’hui ces lignes, disparitésqui auraient contraint l’anneau, tantôt à serapprocher excessivement de la limite admi-nistrative de Paris, tantôt à trop s’en éloi-gner.

C’est cette visée qui a guidé nos choix.

Le résultat, ainsi que le montre les plansjoints, est satisfaisant, en ceci qu’il dessinepour l’extension du réseau métro actuel unsystème de choix rationnels :il nécessite le prolongement d’un nombretrès limité de lignes existantes jusqu’àl’anneau.

Loin de constituer une “enceinte” ferméeautour du “Grand Paris”, il offre un systè-me cohérent de relais, pour les liaisons

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Au-delà, ils sont perdus comme tout unchacun.

Il convient d’insister sur le fait que, si lacohérence relativement égalitaire du réseaumétropolitain ne structure pas seulement lesesprits, mais structure aussi la ville _ car laponctuation des stations qui sont à chaquefois, ou presque, des événements urbainsgénère, en surface, des lieux agissant à dis-tance par effet de dyastole et systole au seind’un maillage structurant _ l’incohérence etla fragmentation des réseaux de transportsen commun en banlieue a, a contrario, deseffets déstructurants.

Cette différence entre Paris-ville et l’Ile-de-France renvoie bien entendu à l’étendueet à la dilution de plus en plus grande del’agglomération.

Mais force est de constater que cebrouillage et cette fragmentation résultentaussi d’un manque flagrant de cohérencedans les prises de décisions.

L’écheveau souvent contradictoire desintérêts économiques et/ou politiques, ledécoupage administratif, l’existence dedeux opérateurs, ce qui n’est pas le caspour le réseau routier, beaucoup pluslisible au demeurant, et la force plus oumoins grande et changeante des lobbies setraduit, ici par une extension ou une non-extension de ligne de métro, là par ungrand vide dans le maillage transversal.

Ou, au contraire, par l’existence d’uneliaison sans doute intéressante mais nonprioritaire à l’échelle de l’agglomération.

Et un peu partout par un mélange de diffé-rents modes de transports et de matérielssans hiérarchie claire et convaincante.

D’autre part, contrairement à l’idée reçue,la solution ne consiste pas à tirer deslignes de métro ou de réseau expressrégional de plus en plus longues à partirdu centre.

Outre que cette méthode favorise le cha-cun pour soi.

Outre qu’elle ne résout pas l’émergence deliaisons banlieue-banlieue, en fait elle lesretarde.

Et outre qu’elle implique l’encombrement,donc le doublage extrêmement onéreux deslignes au centre, elle favorise l’étalement deplus en plus grand de l’agglomération.

Tout gain de temps dans les déplacementsinférieurs à une heure étant globalementtransféré, comme on sait, à l’allongementde ceux-ci.

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Portraits intimes

Méthode de travail

Equipe permanente

Collaborateurs réguliers

Maîtrises d'ouvrage

Références

Atelier

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Croquis : La Caravelle, Villeneuve-la-Garenne.

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Portraits intimes Roland Castro est né à Limoges, en 1940.

A l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, dès lemilieu des années 60, il est de ceux quimènent les premières actions de contesta-tion du système académique, qui après Mai68 conduiront à sa disparition.

Figure de Mai 68, diplômé en 1969.Il crée la même année le mouvement “mao-spontex” Vive la Révolution et retourne àson métier au début des années 70.

Critique, polémiste, il aime à répéter :“On a bâti Sarcelles et Sartre n’a rien dit”et proclame que l’architecte doit être unintellectuel engagé.

Sa réflexion d’architecte urbaniste et decitoyen, au service d’un mieux-vivreensemble, vise à corréler questions socialeset propositions spatiales.

Par-delà la coupure rationaliste des années30, il renoue avec le mouvement des citésjardins où les bâtiments produisent la ville,où le lieu prime sur l’objet.

“Personnage complexe, à la fois chef debande, lacanien, gaulliste attaché à unecertaine idée de la nation, braudelienapôtre de la ville monde, communiste parfidélité au mouvement ouvrier, il cultiveavec constance, nostalgie et poésie uneconception idéaliste de la ville comme lieude la liberté, des métissages et de la démo-cratie”.

François Chaslin,Dictionnaire des Intellectuels.

En vérité, il se situe dans la mouvance“baroque” :saisir la vie, le mouvement, penser etreprésenter un monde essentiellementfluant.

Son goût le conduit, une fois respectésl’usage et l’urbanité, à une architecture quia droit, comme au Japon, au pictural et auludique.

Agitateur urbain et cofondateur avecMichel Cantal-Dupart de Banlieues 89.

Constructeur composite, il reçoit, en1986, le Grand Prix de l’Espace du Tra-vail pour l’usine Thomson CSF à Maxeville.

Enseignant à l’Ecole d’Architecture deParis-la Villette depuis 1970.

Délégué à la rénovation des Banlieues de1985 à 1990.

Patron de presse, il a créé journaux etrevues :

- Tout ! (ce que nous voulons),1970-1971.

- La Légende du siècle,1987-1988.

- Lumière de la ville,1990-1993.

Ecrivain, il a publié :

- La Ville à livre ouvert, ouvrage collectif, Editions La Documentation Française,1980.

- 1989,Editions Bernard Barrault, 1984.

- Civilisation urbaine ou Barbarie,Editions Plon, 1984.

En préparation avec Charlotte Castro : - L’Art de réparer les villes.

Chroniqueur, il rédige pour le journall ’Humanité depuis mars 1999 unerubrique intitulée :-Rendez-vous de chantier.

Roland Castro est un sentimental qui réin-vente un métier :“fabriquant d’espaces publics”.

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Sophie Denissof est née à Trevoux, dansl’Ain, en 1955.

Un goût affirmé pour les Arts.

L’amour des villes, de leur histoire, et la“découverte” de Paris en particulier, inflé-chissent son attrait pour la forme versl’urbain.

Agir sur la forme urbaine, comme activitéoù domine le sentiment de participer autout, à travers une action sur la partie.

Sophie Denissof a un sens de la retenue etune tendance illimitée au doute, celui de nepas se contenter des évidences d’uneépoque.

Diplômée de l’Ecole d’Architecture deParis-la Villette en 1984, son directeurde mémoire se nomme Roland Castro et leprojet est une place au milieu de l’échan-geur routier de La Défense.

Les premières collaborations, doubléesd’un respect intellectuel, fondent uneadhésion aux thèses du professeur, dontelle deviendra l’associée en 1988.

Convaincue que l’architecture relève de laquête de l’émotion physique, elle déclareune admiration pour les recherches à lafois minimales et généreuses de FernandPouillon, les tentatives formelles de Chris-tian de Portzamparc et la volonté d’inven-tion de Jean Nouvel.

Elle avoue un plaisir à vivre l’effervescencedu travail en équipe et au développementdu projet dans la profondeur.

Le souci du détail exprime sa permanenteinquiétude quant à la réalité des bâtimentsau-delà des représentations de papier.

Sophie Denissof affectionne la qualité plu-tôt que la quantité, les romans, la musiqued’opéra, le cinéma, et n’éprouve aucunattrait pour la politique, qui la laisse demarbre.

Enseignante à l’Ecole d’Architecture deParis-la Villette depuis 1997, elle interrogeses élèves sur le processus qui, de l’intuition,mène à la formalisation.

Associés,Roland Castro et Sophie Denissofreçoivent :

- en 1993,l’Oscar National de l’Architecture décernépar l’Electricité de France pour le Muséearchéologique de Sallèles-d’Aude ;

- en 1996,une mention à l’Equerre d’Argent décernéepar Le Moniteur pour le remodelage duQuai de Rohan à Lorient.

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Equipe permanente

Secrétaire de direction :Céline Do Nascimento.

Secrétaire :Céline Dos Santos.

Comptable, gestionnaire financier :Bruno Bourgeois.

Chargée de communication :Charlotte Castro.

Chefs de projet :Bertrand Bahuaud,Marc Couronné,Priya Kéo,Isabelle Le Bugle.

Assistants :Sylvia Casi,Nathalie Chancel,Florent Devoise,Emilie Lebas.

Collaborateurs réguliers

Ingénieur, bureau d’études :Francis Christol.

Pilote de chantier :Hervé Bouthier.

Historien, conseiller :Jean-Pierre Le Dantec.

Paysagiste :Catherine Tournoux.

Photographes :Nicolas Borel,Patrizia Di Fiore.

Perspectivistes :Laurent Bonnet,Thierry Giac.

Maquettiste :Jean Yves Hamont, International Model.

SemcodanSeminterSemyonSidecSivom de GenestasSniSociété nantaise HLMSodedat 93Thomson CSF

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Les deux associés partagent immédiatementavec celui qui deviendra le chef de projet,les analyses, diagnostics et intuitions quifonderont la réflexion.

Un travail collectif où la pensée et les motsjouent le rôle qui, dans d’autres pratiques,est dévolu aux chiffres ou aux dessins.

Un travail collectif où l’écoute des usagersest une obsession, la source des préoccu-pations.

Un travail collectif sous-tendu par lesregards, autres, d’écrivains et de socio-logues.

Puis vient, sous la conduite du chef deprojet, la lente maturation qui, de l’idée,mène à la réalisation.

C’est le moment où, outre la fonction, sontintégrés tous les arguments de la mise enforme :l’économique, le technique, le plastique etdans le cas des études urbaines, le social etle géographique.

Roland Castro et Sophie Denissof saventdéléguer tout en restant présents à toutesles étapes du processus de développementdu projet.

En raison du caractère urbain des études,cartes et schémas sont omniprésents dansl’atelier où ils rivalisent avec les maquettesen trois dimensions.

Des maquettes d’études, outils d’élabora-tion de la pensée, à la facture pauvre, à lafonction de démonstration plutôt que dereprésentation.

L’atelier est aussi un laboratoire numé-rique, où les méthodes infographiques per-mettent de libérer le corps et l’esprit desquestions quantitatives.

Sans fascination particulière pour lemédium et dans un souci d’efficacité.

Un ingénieur, un bureau d’études, unpilote de chantier sont intégrés et réguliè-rement associés aux travaux de l’ateliercomme le sont aussi un historien, des pho-tographes, un maquettiste, des perspecti-vistes et un paysagiste.

Méthode de travail

Equipe

Maîtrises d’ouvrage

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AlsacapAppoloniaApurAuchanAxaBâti ConseilBatigère Ile-de-FranceBouygues ImmobilierCaapactionCofracibConseil général de VendéeCourlyDatarDiogardiDirection de la voirie de ParisEdf/GdfEfidisEpa Cergy-PontoiseEpa MarneEpa Saint-QuentinEpadExpantielFrance constructionFrance habitation groupe OcilTélécomGeorge-VGroupe ArcadeI3FImmo conceptLe Cottage DunkerqueLes nouveaux constructeursLogement françaisLogis social de FlandresLogis social du Val-d’OiseLorient HLMMission Grands TravauxMulhouse habitatNouveau logis alsacienOcilOise habitatOpac de Haute-SaôneOpac de ParisOpac du NordOpac de MarneOpac du Puy-de-DômeOpdhlm 92Opihlm Argenteuil-BezonsPax Progrès PallasProjenorRectorat de BesançonRectorat de LyonRégion Basse-NormandieSageco HLMSan Saint-Quentin-en-YvelinesSarelliSari – SeeriSedriSeeri Ile-de-FranceSefricimSem 92SemaecSemamSemapaSemargSemaroise SA HLMSemavaSemavip

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92

1974

Entre centre et absence, concours PAN de ville n°7, projet lauréat, en association avec Abdelkrim Driss,Guy Duval,Lorenzo Maggio,Jean-Jacques Faysse,Bernard Ogé,Antoine Stinco.GAU.

La Roquette, Paris, concours, projet lauréat, en association avec Abdelkrim Driss,Guy Duval, Lorenzo Maggio.

1975

Rue Erlanger, Paris, 120 logements, en association avec Jean-Jacques Faysse,Bernard Ogé. Livraison 1977.

1976

Place Napoléon, La Roche-sur-Yon, concours, projet lauréat, en association avec Abdelkrim Driss,Guy Duval,Lorenzo Maggio,Jean-Jacques Faysse,Bernard Ogé,Antoine Stinco.GAU.

1980

Bourse du Travail, Saint-Denis, concours, projet lauréat, en association avec Antoine Stinco. Livraison 1983.

Village solaire et local collectif résidentiel,Le Nandy, concours 5000 maisons solaires, projet lauréat. Livraison 1982.

Centre International de la Communication,Paris-La Défense, concours international, projet mentionné.

Ravaudage urbain, Angoulême, mobilier urbain, petits équipements, études urbaines.

1981

Fondation de Banlieues 89, en association avec Michel Cantal-Dupart.

Le Mandinet, Lognes-Marne-la-Vallée, 140 logements. Livraison 1984.

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Références

Rue Erlanger, Paris XVI ème

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Institut du Monde Arabe, Paris, concours.

Les Bosquets, Hyères, 170 logements PLA-PAP. Livraison 1984.

Les Mahaudières, Rézé, 130 logements, avec Jean-Luc Pellerin. Livraison 1985.

1982

Extention de l’Hôtel de Ville, Le Havre, concours.

Zac du Château-d’Este, Billère, étude urbaine.

1983

Grand Paris, le pari des Cinq Paris, études urbaines Banlieues 89.

Les Tours Fines, Oullins, 94 logements. Livraison 1988. Lauréat Palmarès Habitat 1990 Région Rhône.

Les Minguettes, Vénissieux, réhabilitation de trois tours de logements. Livraison 1991.

Ministère des Finances, Paris, concours, projet mentionné.

Parc de La Villette, Paris, concours international, projet mentionné.

1984

Usine Thomson CSF, Maxeville, concours, projet lauréat, en association avec J. Haenel.Livraison 1985.Grand Prix de l’Espace de Travail, 1986.

9594

Bourse du Travail, Saint-Denis

Usine Thomson CSF, Maxeville

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9796

Parc de la Villette, Paris Hotel du département de Vendée, La Roche-sur-Yon

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1985

Centre National de la Bande Dessinée etde l’Image, Angoulême,avec Jean Rémond, concours, projet lauréat. Livraison 1989.

Direction Opérationnelle des Télécommuni-cations, Toulon, concours.

Lycée d’Enseignement Professionnel,Argenton-sur-Creuse, concours.

1986

Institut Polytechnique, Sévenans, avec Schneider - Rundstadler,et Annick Desmier, coloriste.Livraison 1998.

La Cité Littorale,aménagement de la Basse Vallée de l’Aude, concours, projet lauréat.

Extension de la Mairie, Rézé, concours.

1987

Hôtel du département de Vendée,La Roche-sur-Yon, concours, projet lauréat, en association avec Jean-Luc Pellerin. Livraison 1990.

Musée archéologique, Sallèles-d’Aude. Livraison 1992. Oscar National de l’Architecture“Qualité-Ville 1993”décerné par Electricité de France.

Jardins de la Zac de Bougenel, Belfort, étude urbaine.

1988

Les Terrasses du Lac, Zac des Coteaux deMaubuée, Torcy-Marne-la-Vallée, 62 logements. Livraison 1989. Prix Spécial Architecture Seine-et-Marne1990.

Tour du Quartier Démocratie,Les Minguettes, Vénissieux, concours.

1989

Zac Valmy-Liberté, Charenton-le-Pont, 126 logements. Livraison 1990.

Hôtel de Police, Vienne, concours, projet lauréat. Livraison 1991.

Zac Manin-Jaurès, Paris, 101 logements. Livraison 1991.

Quai de Rohan, Lorient, réhabilitation de 480 logements, avec Jean-Luc Pellerin, Gauthier,et Annick Desmier, coloriste.Livraison 1996.Mention Equerre d’Argent 1996,décernée par Le Moniteur.

Zac Danton, Courbevoie, architecte en chef.

Seine Amont, étude urbaine Banlieues 89.

Les Terrasses des Hauts-de-Seine, 4ème Jalon de l’Axe Historique de Paris, étude urbaine Banlieues 89, en association avec Bernard Lamyet Nicolas Normier.

Centre de Conférences Internationales,Paris, concours.

Pavillon Français Exposition Universelle Séville 92, Espagne, concours international.

9998

Musée archéologique de Sallèles d’Aude

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101100

Tour du Quartier Démocratie,Les Minguettes, Vénissieux Zac Manin-Jaurès, Paris

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103

Zac Louise-Michel, Besançon, étude urbaine, concours.

La Presqu’île, Saint-Cyprien, étude urbaine, concours.

Siège du Parti Socialiste, Paris, concours.

Zac Stanislas, Nancy, esquisse.

1990

Ilot des Beaux-Arts, Angoulême, 38 logements. Livraison 1992.

Centre Universitaire de La Courtaisière,La Roche-sur-Yon,concours, projet lauréat. Livraison 1991.

Quartier Valmy, Paris-La Défense, immeuble de bureaux,centre de tri postal. Livraison 1995.

Zac Blanqui-Hugo, Alfortville, 188 logements. Livraison 1995.

Les Ateliers Industriels, Zac des Fauvelles,Courbevoie, étude.

Résidence pour personnes âgées,Hérouville-Saint-Clair, esquisse.

1991

L’Axe Historique. A l’ouest de la GrandeArche, Nanterre-Paris-La Défense, consultation internationale, projet lauréat deuxièmee ex-aequo, architecte coordinateur 1995.

Cité-Jardin Industrielle, Bezons. Livraison 1993.

Agence France Télécom, Vienne, extention et réaménagement. Livraison 1993.

Zac d’Aguesseau, Clermont-Ferrand, 220 logements, avec Morand - Tolla,concours, projet lauréat. Livraison 1997.

Extention de l’Université,Bron-Saint-Priest, étude urbaine.

Collège du Parc des Sources de la Bièvre,Saint-Quentin-en-Yvelines, concours.

Centre Universitaire, Beauvais, concours.

Ilot des Rocailles, Annemasse, étude urbaine, concours.

Quartier Saint-Augustin, Nice, restructuration des schémas nord et ouest, étude urbaine.

1992

Les Bois du Wirhel, Ostwald, 38 logements. Livraison 1993.

Résidence de la Place Ovale, Ostwald, 55 logements. Livraison 1993.

Zac du Segrais, Lognes-Marne-la-Vallée, 80 logements. Livraison 1994.

Zac du Centre-ville, Athis-Mons, 94 logements, livraison 1995. 26 logements, livraison 1996.

Le Marnois-Nord, Noisy-le-Grand, 62 logements,178 chambres d’étudiants. Livraison 1996.

102

Quartier Valmy, Paris-La Défense

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105104

Zac Blanqui-Hugo, Alforville

Cité-jardin Industrielle, Bezons

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Ilot Neppert, Mulhouse, 86 logements et Maison de l’Habitat, concours, projet lauréat. Livraison 1996.

Ilot Anatole-France, Méru, 48 logements, bureaux et médiathèque, Esquisse.

Ouvrage d’art Autoroute A86,Joinville-le-Pont, esquisse.

Ville de qualité, Otranto, étude urbaine.

Aménagement des carrières Solvay,Zac Ferme Saint-Jacques-II, Maxeville, étude urbaine.

Zac Charasse-Nord, Courbevoie, étude urbaine, concours.

Centre-ville, Maurepas, étude urbaine, concours.

Ecole des Mines, Nantes, concours.

Aménagement de Spreebogen, Berlin, appel d’idées international.

Village d’activités, Chanteloup-les-Vignes, étude urbaine.

Capitainerie du port d’Azilles et Club desvéliplanchistes, Etang de Jouarrès. Livraison 1996.

1993

Collège-lycée expérimental,Hérouville-Saint-Clair, concours,projet lauréat.Livraison 1995.

Hôtel de Ville, Saint-Egrève, réhabilitation et extension, concours, projet lauréat. Livraison 1996.

Grand Projet Urbain du Val-d’Argent,Argenteuil, concours, projet lauréat premier ex æquo, architecte coordinateur du Grand ProjetUrbain, en association avec Laurent Charré.

Plan d’ensemble du département,Hauts-de-Seine, Plan de lutte contre la ségrégation urbaine.Mission Pacte 92, étude urbaine.

Aménagement des bords de Seine,Athis-Mons-Juvisy, étude urbaine.

Transformation de la RN7 en boulevard urbain, Evry-sur-Seine, étude urbaine.

Terrain Alfa Romeo,Issy-les-Moulineaux, étude urbaine de faisabilité.

Aménagement de Spreeinsel, Berlin, appel d’idées international.

Espace Saint-Louis, Roanne, bureaux et locaux d’activités, concours.

Place du 8-Mai-1945, Lyon, étude urbaine, concours.

1994

Zac Danton, Courbevoie, Ilot B2 : 117 logementsIlot B8 : 71 logements. Livraison 1997.

Grand Stade de France, Saint-Denis, concours.

Zac du Segrais, Lognes-Marne-la-Vallée

“Hommage à Ciriani”.

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Ville de Montgeron, étude urbaine.

Place du Conseil Général des Hauts-de-Seine, Nanterre, étude préliminaire.

Zac Moskowa, Paris, 55 logements et commerces, concours, projet lauréat. Livraison 1998.

Stations de transports en commun duréseau Muse, Hauts-de-Seine, étude d’ambiance.

Secteur Chenevières, Saint-Ouen-l’Aumône,étude urbaine.

Inventaire des lieux porteurs d’événements surle territoire des anciens sites miniers,Datar,étude urbaine.

Ilot République-II,Rive Gauche, Creil, concours, projet lauréat.

Boulevard périphérique, Paris, scénario d’intention pour la Direction dela Voirie de Paris.

Réhabilitation de deux tours,Aubervilliers, remodelage de 248 logements, concours, projet lauréat, étude en cours.

Massena-Seine Rive Gauche,Paris, appel d’idées,première et deuxième phases.

Université de la Courtaisière,La Roche-sur-Yon, bibliothèque,bâtiments universitaires, concours.

Université des Chênes, Cergy-Pontoise, concours.

Collège 700, Villepinte, concours.

Quartiers Nord, Blanc-Mesnil, étude urbaine, concours.

Atlas départemental des quartiers sensibles,Hauts-de-Seine, image d’ensemble.Mission Pacte 92, étude urbaine.

109

Angle ouest du village Valmy,Paris-La Défense, étude urbaine.

Extention de la Zac de Bord-de-Seine,Athis-Mons-Juvisy, étude urbaine.

Ilot Neppert, Mulhouse, étude de programmation.

Aménagement du Cœur-de-Ville, Vesoul, concours, projet lauréat.

Palais de Justice, Avignon, concours.

Filature du Moulin, Héricourt, 45 logements pour étudiants. Livraison 1995.

Front de mer, Saint-Denis-de-la-Réunion, étude urbaine, concours.

Projets de villes, Clichy-la-Garenne,Gennevilliers, Villeneuve-la-Garenne, recomposition urbaine et économique.Mission Pacte 92, études urbaines.

Un domicile pour les sans-abris, Suresnes, reconversion d’un immeuble d’activités, esquisse.

1995

Zac des Sarrazins, Créteil, 76 logements PLA et commerces. Livraison 1998.

Zac de Guyancourt-II, Guyancourt, 112 logements. Livraison 1998.

La Caravelle, Villeneuve-la-Garenne, remodelage de 1700 logements, en cours de réalisation.

108

La Caravelle, Villeneuve-la-Garenne

Palais de Justice, Avignon

Boulevard périphérique, Paris

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1996

Zac Danton, Courbevoie, îlot C4 : 66 logements. Livraison 1998.

Les Moissons A2, Vauréal-Cergy-Pontoise,41 logements. Livraison 1998.

Carré de la Vieille, Dunkerque, 30 logements neufs,réhabilitation de 52 logements, en cours de construction.

Quartier République, Lorient, restructuration et construction de logements,concours, projet lauréat, en cours de réalisation.

La Prairie de l’Oly, Montgeron-Vigneux, restructuration, marché de définition, projet lauréat, étude en cours.

Saint-Savinien, Sens, étude de définition, concours, projet lauréat.

Quartier Beauval, avenue du 18-Juin-1940,Zone franche, Meaux, étude urbaine.

Quartier de la Tour, La Courneuve, étude urbaine, concours.

Lycée Magendie, Bordeaux, concours.

Quartier Bisséous, Castres, réhabilitation de tours de logements, concours.

1997

La Butte Rouge, Chatenay-Malabry, marché, mairie annexe,centre technique municipal, concours, projet lauréat. Livraison 1998.

Zac des Renardières, Courbevoie, 130 logements, en association avec Michel Andrault, en cours de réalisation.

Médiathèque, Commissariat,Maison de l’emploi, Carros, concours, projet lauréat, étude en cours.

Hoyerswerda, Allemagne, étude urbaine, concours, projet lauréat.

Quartier Droixhe,Secteur Croix-Rouge, Liège, étude de restructuration et de rénovation, concours, projet co-lauréat avec Cooparch-RU, étude en cours.

Caserne Gramont, Saint-Germain-en-Laye, concours, projet lauréat, étude en cours.

Opac de Paris, Bagnolet-Malassis, 36 logements, réhabilitation de 90 logements,concours, projet lauréat, étude en cours.

111110

Masséna, Seine Rive gauche, Paris

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113112

Quartier République, Lorient

Médiathèque, Maison de l’emploi, Commissariat,Carros

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115

Aménagement de la Zac du Pont de Sèvres,Boulogne, étude urbaine.

Aménagement de la Place de la Gare,Fosses,étude urbaine.

Janus, bureaux d’ingénierie de la SNCF,Noisy-le-Sec, étude de faisabilité.

La Butte Rouge, Chatenay-Malabry, logements, concours.

Les Halles, La Roche-sur-Yon, réhabilitation, concours.

La Zaïne, Vallauris, étude urbaine, concours.

Musée du Septennat de Jacques Chirac,Sarran, concours.

Palais de Justice, Pontoise, concours.

1998

Médiathèque, Drancy, concours, projet lauréat, étude en cours.

Passage Doisy, Paris, 26 logements,réhabilitation d’un immeuble de logements, étude en cours.

Quartier des Vertes Voyes,Sainte-Ménéhould, réhabilitation, concours, projet lauréat, étude en cours.

Centre commercial Auchan,Villeneuve-la-Garenne, esquisse.

Quartier Teisseire, Grenoble, étude urbaine, concours.

Théâtre et Médiathèque,Saint-Amand-les-Eaux, réhabilitation et construction, concours.

Hôpital Charcot, Saint-Cyr-l’Ecole, restructuration, concours.

Centre du Bois-Labbé,Champigny-sur-Marne, étude urbaine, concours.

Grand Tram, Saint-Denis-Nanterre, Direction Régionale de l’EquipementIle-de-France.XIIe Plan-transport, étude urbaine en cours.

Collège Victor-Hugo, Aulnay-sous-Bois, concours, projet lauréat, étude en cours.

114

Médiathèque, Drancy

Collège Victor Hugo, Aulnay-sous-Bois

“Face au Mémorial”.

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117116

1999

Résidence Les Aviateurs, Roubaix, réhabilitation de 3 tours, concours.

Lycée Professionnel Industriel,Château d’Epluches,Saint--Ouen-l’Aumône, restructuration, concours.

Remparts des Moines, Bruxelles, rénovation du complexe de logementssociaux, concours.

Gare de marchandises, Vincennes, aménagement urbain, concours, en association avecMarc et Nada Breitman.

Direction Régionale de l’EquipementIle-de-France.XIIE Plan-transport.- Requalification de la RN 2 et de la RN 17,Seine-Saint-Denis. - Gare de la tangentielle ferrée nord,Pierrefitte-Stains. - Analyse prospective de l’agglomérationfrancilienne. Etudes urbaines en cours.

Base des Sous-marins, Lorient, restructuration, concours international.

Base des Sous-marins, Lorient

“L’origine d’avant l’origine”.

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Sommaire Editorial Jean-Pierre Le Dantec page 4

Entretien avec Paul Virilio page 5

Le Corbusier n'a pas rencontré Freud page 6

Fonder une école page 11

Une certaine idée de la ville :Entre centre et absence page 16La Roquette page 20

Lexique page 23

Architecture urbanisante page 24

Bâtiment générateur page 26

Bâtiment janus page 28

Exercice de style page 30

Gratuité page 32

Lieu d'intensité page 34

Mémoire et modernité page 36

Sédimentaire délibéré page 38

Sens et signe page 40

Tricot urbain page 42

Remodelage urbain page 44

Les Minguettes, Vénissieux page 45Quai de Rohan, Lorient page 46Grand projet urbain, Argenteuil page 50La Caravelle, Villeneuve-la-Garenne page 56Hoyerswerda, Allemagne page 60Quartier de Droixhe, Liège, Belgique page 61

Projet urbain fédérateur page 64

Banlieues 89 page 65La Cité littorale page 66Zac Danton, Courbevoie page 67Grand Paris page 70Vers un plan d'ensemble des Hauts-de-Seine page 76Le Grand Axe page 82Grand Tram page 83

Atelier Roland Castro / Sophie Denissof page 87

Portraits intimes page 88

Méthode de travail & équipe page 90

Maîtrises d’ouvrage page 91

Références page 92

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Croquis : Quartier de Droixhe,Secteur Croix-Rouge, Liège, Belgique

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